Le poison La musique La fourmi et la cigale Rue Volta La Boîte aux
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Le poison La musique La fourmi et la cigale Rue Volta La Boîte aux
Le poison Le vin sait revêtir le plus sordide bouge D’un luxe miraculeux, Et fait surgir plus d’un portique fabuleux Dans l’or de sa vapeur rouge, Comme un soleil couchant dans un ciel nébuleux. L’opium agrandit ce qui n’a pas de bornes, Allonge l’illimité, Approfondit le temps, creuse la volupté, Et de plaisirs noirs et mornes Remplit l’âme au delà de sa capacité. Tout cela ne vaut pas le poison qui découle De tes yeux, de tes yeux verts, Lacs où mon âme tremble et se voit à l’envers… Mes songes viennent en foule Pour se désaltérer à ces gouffres amers. Tout cela ne vaut pas le terrible prodige De ta salive qui mord, Qui plonge dans l’oubli mon âme sans remord, Et, charriant le vertige, La roule défaillante aux rives de la mort ! La fourmi et la cigale Une fourmi fait l’ascension d’une herbe flexible elle ne se rend pas compte de la difficulté de son entreprise elle s’obstine la pauvrette dans son dessein délirant pour elle c’est un Everest pour elle c’est un Mont Blanc ce qui devait arriver arrive elle choit patatratement une cigale la reçoit dans ses bras bien gentiment eh dit-elle point n’est la saison des sports alpinistes (vous ne vous êtes pas fait mal j’espère ?) et maintenant dansons dansons une bourrée ou la matchiche. La musique La musique souvent me prend comme une mer ! Vers ma pâle étoile, Sous un plafond de brume ou dans un vaste éther, Je mets à la voile ; La poitrine en avant et les poumons gonflés Comme de la toile, J'escalade le dos des flots amoncelés Que la nuit me voile ; Je sens vibrer en moi toutes les passions D'un vaisseau qui souffre ; Le bon vent, la tempête et ses convulsions Sur l'immense gouffre Me bercent. D'autres fois, calme plat, grand miroir De mon désespoir ! La Boîte aux Lettres Jamais le facteur ne s’arrête - sauf quelquefois pour un journal A la hauteur de ce portail Où s’accroche une boîte aux lettres. Or, ce matin – un samedi La boîte s’ouvre sur un nid, Sur le bec jaune des petits, Sur l’entonnoir de leur gosier; Deux mésanges viennent d’écrire Et c’est sur la pointe du pied Que le vieux couple pourra lire Les sept lettres de son courrier. Pierre Menanteau Rue Volta La petite échoppe ancienne au cinq de la rue Volta rareté électricienne dont le nom s’égara là garala garala garala pile à Volta Raymond Queneau