Acrylamide : Pomme de terre en danger ?
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Acrylamide : Pomme de terre en danger ?
1 Acrylamide : Pomme de terre en danger ? Eric Somerhausen Rappel sur l’acrylamide L’acrylamide est un produit synthétique (polymère de synthèse) utilisé en industrie pour l’épuration des eaux usées, la production d’emballages, la fabrication de mortier,… La législation européenne impose des normes strictes sur les produits dérivés de ces procédés industriels, compte tenu du risque connu de toxicité. E n 2002 des chercheurs ont découvert par hasard des teneurs en acrylamide dans certaines préparations alimentaires. Puisque l’acrylamide est une substance probablement cancérigène pour l’homme, il s’en est suivi de nombreuses recherches scientifiques pour essayer de comprendre les causes de l’apparition d’acrylamide dans nos aliments, en vue ensuite d’agir pour minimiser les risques pour la santé humaine. Ces recherches ont notamment clairement mis en évidence que les produits riches en amidon possédaient des teneurs plus élevées en acrylamide. De nombreuses études ont placé la pomme de terre au premier plan des produits alimentaires susceptibles de contenir des teneurs élevées en acrylamide. Un article récent de Test-Achats (n°483 janvier 2005) fait une fois de plus le point sur le sujet. Mais qu’en est-il vraiment de l’état de nos connaissances dans le domaine ? Quelles sont les recherches en cours et quelles sont les questions fondamentales qui se posent encore? Quelles sont aujourd’hui les mesures possibles pour minimiser les risques face à la problématique de l’acrylamide. Voici donc l’objet de cet article succinct. La Fiwap suivra le dossier de près, compte tenu de l’importance de la problématique, et des conséquences possibles sur la consommation de pomme de terre. Les recherches ont permis de découvrir que l’acrylamide se forme de façon naturelle lorsque les aliments riches en hydrate de carbone sont cuits ou frits (mais non bouillis) à haute température (> 120°C) (et dans un milieu pauvre en eau). Cette formation d’acrylamide est le résultat de la réaction entre des substances naturellement présentes dans ces denrées : l’acide aminé asparagine et les sucres réducteurs. (réaction dite de ‘Maillard’). La réaction de Maillard est, aujourd’hui, connue comme étant un ensemble complexe de réactions mettant en œuvre, dans des substrats biologiques ou agroalimentaires, des composés présentant des groupements réducteurs ( aldéhydiques ou cétoniques), et des composés aminés qui réagissent entre eux pour produire des substances aromatiques et colorées (http://www.lcmaillard.org/reaction.htm). La formation d’acrylamide dépend donc essentiellement de la teneur en : - asparagine (présence naturelle abondante dans les céréales et pommes de terre) - sucres réducteurs (fructose et glucose) Les teneurs en aspargine varient relativement peu au sein d’une même variété de pomme de terre. Par contre, les teneurs en sucres réducteurs varient considérablement d’un lot de pomme de terre à l’autre ainsi que d’une variété à l’autre. C’est donc notamment en réduisant les teneurs en sucres dans les pommes de terre que l’on arrivera à réduire la formation d’acrylamide. On le 2 verra ci-dessous, il existe plusieurs mesures qui sont actuellement possibles pour mieux contrôler la quantité de substances ou les processus chimiques responsables de la formation d’acrylamide. Toutefois, il est clair que de nombreuses investigations restent encore à faire, pour mieux comprendre l’influence des différents facteurs sur la formation d’acrylamide. Quelques indicateurs La valeur européenne limite légale de concentration d’acrylamide pour l’eau potable est actuellement de 0,5 microgrammes par litre d’eau. D’autre part les concentrations d’acrylamide retrouvées dans les aliments à base de pomme de terre varient de 100 à plus de 1.500 microgrammes/kg de produit ! Des études ont pu démontrer que l’absorption moyenne d’acrylamide dans le cadre d’une alimentation normale dans nos pays est de l’ordre de 0,3 à 0,8 microgrammes par kg de poids corporel et par jour. Il est également prouvé que la nourriture peut largement contribuer à cette dose journalière absorbée. Cependant à l’heure actuelle il est encore extrêmement difficile de mesurer et de prouver le risque toxicologique lié à l’absorption d’acrylamide. modifier leurs habitudes alimentaires. En d’autres termes, ne pas diminuer la consommation de pomme de terre et produits dérivés ! Par contre les recherches qui ont permis de mieux comprendre les mécanismes de formation de l’acrylamide dans les aliments nous permettent d’envisager des mesures concrètes et souvent assez simples pour diminuer les teneurs en acrylamide dans les aliments que nous consommons. Il s’agit là sans doute d’en faire la promotion. Toutefois, comme on le verra, ces mesures apparemment simples ne sont pas toujours facilement réalisables ! Comment réagir face à cette situation? Dans l’état actuel des connaissances, il est convenu de rester très prudent quant aux dispositions réglementaires ou légales à prendre en la matière. Comme pour l’acrylamide, il existe de nombreuses substances potentiellement toxiques voir cancérigènes dans les aliments que nous consommons tous les jours. Le tout est une question de dosage et d’équilibre alimentaire. Les mesures envisageables pour réduire les risques potentiels liés à l’acrylamide Dans la logique de ce qui précède, 2 aspects essentiels sont à considérer pour envisager les mesures préventives permettant de diminuer les teneurs en acrylamide dans les produits issus de pommes de terre : - réduire suffisamment la teneur en sucre des produits de base puisque ceux-ci sont précurseurs dans la formation d’acrylamide (en pomme de terre il est actuellement difficile de réduire la teneur en asparagine). - travailler sur les températures de cuisson pour éviter que la réaction de Maillard n’engendre des teneurs trop élevées en acrylamide (l’acrylamide naturel se forme à partir de 100-120°C), En l’absence de données précises sur les risques alimentaires réels pour l’humain liés à l’acrylamide, et dans l’attente d’autres travaux scientifiques actuellement en œuvre, la plupart des autorités sanitaires déconseillent aux consommateurs de Contrôle de la teneur en substances réactives, responsables de la formation d’acrylamide : - il est possible d’utiliser des variétés dont la teneur en sucres réducteurs est naturellement basse. On parle généralement d’une norme Il n’existe officiellement pas de LMR (Limite Maximale de Résidus) en acrylamide pour les produits alimentaires mis sur le marché dans l’Union Européenne. 3 maximale de 1g de sucres réducteurs par kg de matière première pour que les teneurs en acrylamide soient normalement acceptables (ex. Agria, Bintje sont généralement considérées comme ayant de faibles teneurs en sucres réducteurs, en conditions normales). Il paraît également important de renforcer la communication lors de la commercialisation des pommes de terre fraîches afin de clairement préciser si la variété est appropriée pour la cuisson au four ou la friture (ex. Nicola apparaît comme une variété ayant des teneurs naturelles élevées en sucre réducteurs ; elle est donc déconseillée pour la cuisson au four ou à la friture). Les recherches doivent également se poursuivre pour continuer à mieux corréler le potentiel des variétés vis-à-vis des teneurs naturelles en sucres réducteurs. - le stockage au froid à des températures inférieures à 8°C génère des teneurs élevées en sucres réducteurs. Pour les produits frits ou cuits au four il est donc conseillé de conserver à des températures supérieures ou égales à 8°C. (le reconditionnement ne redresse jamais complètement les teneurs en sucre). Dans de nombreuses publications, cette mesure apparaît comme prioritaire vu l’état actuel des connaissances. Cela peut toutefois poser un problème pratique pour les producteurs qui, en devant conserver à des températures ≥ 8°C s’exposent à d’autres difficultés telles que par exemple le contrôle de la germination. Pour maintenir une qualité suffisante des productions, il faudrait alors augmenter les traitements anti-germinatifs (CIPC)! On le constate, souvent les températures de consigne sont inférieures à 8°C pour des pommes de terre industrielles et à longue durée de conservation. D’une manière générale certaines pratiques culturales et de conservation influencent les teneurs en sucres réducteurs. Les agriculteurs en sont de plus en plus conscients puisque les exigences des acheteurs sont de plus en plus importantes en la matière (indice coloration friture). - des études plus approfondies sont en cours pour analyser l’influence éventuelle de la fertilisation azotée sur la teneur en asparagine, mais rien n’est encore sûr en la matière. Contrôle de la réaction chimique responsable de la formation d’ acrylamide : - comme rappelé dans l’article de Test Achats, la température de cuisson pour les frites ne devrait pas dépasser 175°C (190 à 200°C dans le four) en évitant un brunissement excessif (temps de cuisson trop long). Il existe une relation évidente entre la coloration des frites/chips et la teneur en acrylamide. Il paraît utile que ces informations de base soient largement diffusées parmi le grand public (emballages). Des études ont démontré que ce genre de mesure simple peut contribuer à une réduction de 15% de la teneur finale en acrylamide (CIAA-2004). Evidemment le consommateur constatera rapidement que préparer des frites à 175°C ne les rend pas aussi croustillantes que lorsqu’elles sont saisies à 190°C ! Donc aussi simple qu’elle puisse paraître, cette mesure risque de ne pas rapidement être populaire parmi les amateurs de frites. - le processus de transformation peut également jouer un rôle important dans la teneur en acrylamide. Des recherches sont en cours pour trouver des alternatives industrielles (ex. utilisation de l’asparaginase (traitement enzymatique) pour détruire l’asparagine, diminution du pH des pommes de terre, diminution des températures de cuisson, …). La difficulté ici réside dans le fait que souvent ces nouveaux traitements ont des conséquences parfois non négligeables sur les qualités organoleptiques des produits finis. 4 Conclusions. On le constate donc, chaque maillon de la filière peut théoriquement agir pour contribuer à limiter les teneurs en acrylamide des produits finis. L’état des connaissances permettra sans doute à chaque acteur d’intervenir de mieux en mieux vis-à-vis de la problématique. Des voies existent aujourd’hui pour réduire les teneurs en acrylamide dans les produits consommés. Elles sont pourtant relativement limitées et pas nécessairement faciles à mettre en oeuvre. Il est évident toutefois qu’une mesure préventive importante relève largement de l’information objective (sans effrayer les consommateurs) et du comportement même du consommateur. Donc il s’agit avant tout de mieux consommer la pomme de terre plutôt que de moins la consommer. Etant donné que les mesures possibles relèvent de l’ensemble des acteurs de la filière, il sera nécessaire, au fur et à mesure de l’évolution des connaissances, d’entreprendre des concertations interprofessionnelles en vue de garantir le flux d’informations et d’envisager des actions concertées. La Fiwap restera vigilante en la matière afin que la problématique soit traitée avec toute l’objectivité nécessaire. Les principaux domaines de recherche en cours : - mieux comprendre le processus et conditions de formation de l’acrylamide naturel, dans les différents produits alimentaires, - - mieux connaître les facteurs contribuant à la formation et destruction (inhibition) de l’acrylamide dans les denrées alimentaires, identifier les risques pour la santé et les doses journalières maximales acceptables (ainsi que LMR). Les principaux organismes de recherche actifs et principales sources d’information : - World Health Organisation - European Commission - EC Joint Research Centre (they manage an acrylamide database in Europe) - CIAA (Confédération des Industries Agro-alimentaires de l'UE) - JIFSAN (Joint Institute of Food Safety and Applied Nutrition) – gestion d’une base de données au niveau mondial). Bibliographie - - CIAA - Acrylamide status report decembre 2004 Test- Achats - Une patate chaude ! –janvier 2005 FAO/WHO: Consultation on the Health Implication of Acrylamide in Food Note of the meeting of experts on industrial contaminants in food http://www.belgium.be/eportal/ShowDoc/health/.. . Maurus BiedermannExperiments on Acrylamide Formation and to Decrease the Potential of Acrylamide Formation in Potatoes… Merci à S.Tuijtelaars (CIAA), M. Bajji et F. Gastiny (FUSAGx) pour la relecture de l’article et les références bibliographiques 5