RÉSOLUTION n°11 : LA RÉPUBLIQUE DE L`UNION DU MYANMAR

Transcription

RÉSOLUTION n°11 : LA RÉPUBLIQUE DE L`UNION DU MYANMAR
RÉSOLUTION n°11 : LA RÉPUBLIQUE DE L’UNION DU MYANMAR. Proposée par le
Centre PEN américain, appuyée par le PEN birman et le PEN norvégien
L’Assemblée des délégués de PEN International se réunira à Québec, au Canada, à l’occasion
de la 81e édition de son Congrès mondial du 13 au 16 octobre 2015
Un processus de réforme est à l’origine d’opportunités pour une plus grande liberté
d’expression en Birmanie mais certains éléments soulignent également que la répression sévit
de nouveau à un moment critique pour la nation alors que le pays s’apprête à tenir des
élections historiques.
Les attaques contre les journalistes, les procès en diffamation, une législation mal construite et
autres obstacles à un débat ouvert sont autant de signes du retour du gouvernement aux
pratiques qui ont caractérisé les décennies du pouvoir du régime militaire en Birmanie. Ceci
contraste avec l’optimisme ressenti suite à la dissolution de la junte en 2011, la libération des
opposants politiques, écrivains et journalistes incarcérés, l’intégration de l’opposition - à savoir
la Ligue nationale pour la démocratie (LND) - au processus politique, la suppression de la
censure avant publication et la levée de l’interdiction de libre association qui se sont ensuivis.
L’annulation des droits à la liberté d’expression s’est produite parallèlement à l’essoufflement
des négociations avec les groupes armés ethniques concernant un cessez-le-feu national et à
l’escalade des tensions et de la violence entre les populations majoritaire et minoritaire. Cette
vague de répression survient au moment même où les citoyens de Birmanie, notamment ceux
des États ethniques et des zones rurales, ont le plus besoin d’informations précises et
accessibles et d’un débat éclairé alors qu’ils se préparent à participer aux élections générales.
PEN note non sans inquiétude plusieurs aspects du cadre réglementaire qui régit la liberté
d’expression et les médias en particulier. La loi relative aux activités d’impression et de
publication manque de clarté en ce qui concerne son application et les contraintes relatives au
contenu autorisé. Elle exige également que les publications soient enregistrées auprès du
ministère de l’Information, en dépit du fait que les mécanismes des droits de l’homme
internationaux préconisent d’éviter toutes exigences particulières en matière d’enregistrement
qui sont inutiles et sujettes aux abus potentiels.
Bien que progressiste dans la mesure où elle remplace les peines privatives de liberté par des
amendes en cas de violations, la loi de 2014 sur les médias n’est pas conforme aux normes
internationales en matière de protection de la liberté d’expression. Conformément à cette loi,
tous les types de média, notamment la presse, les médias de diffusion et en ligne, restent sous
le contrôle illimité du gouvernement. Dans le cadre de la première affaire relevant de ladite loi,
deux rédacteurs se sont vu infliger une amende de 1 million de kyats (soit environ 800 dollars)
par un tribunal, après que le ministère de l’Information a allégué qu’ils avaient prononcé des
propos diffamatoires à l’encontre du président, citant un commentaire critique d’un analyste de
l’opposition politique1. La loi en question a également porté création d’un Conseil de la presse
qui n’est pas indépendant de l’exécutif et qui est par conséquent dans l’incapacité d’offrir une
protection complète des médias contre toute ingérence de la part du gouvernement ou de
soutenir pleinement le développement des médias, notamment par le biais de l’autorégulation
de normes éthiques. Les dispositions relatives à la diffamation comme infraction pénale restent
en vigueur.
En outre, d’autres lois visant supposément à protéger la sécurité nationale ont été invoquées
contre des journalistes et des écrivains et demeurent une menace aux droits à la liberté
1
http://www.theguardian.com/media/greenslade/2015/jul/24/burmese-journalists-fined-for-defaming-president-thein-sein
d’expression. Celles-ci comprennent la Loi de 1923 sur les secrets d’État, invoquée au mois de
juillet 2014 lorsque cinq journalistes de l’hebdomadaire Unity ont été condamnés à 10 ans de
prison pour avoir rédigé un rapport concernant une présumée usine d’armes chimiques2, la Loi
de 1950 relative aux dispositions d’urgence, la Loi de 2000 sur l’Internet, et la Loi de 2004 sur
les transactions électroniques. Par exemple, le 13 Octobre 2015 Chaw Sandi Tun alias Chit Tha
Mee a été arrêtée par la police et inculpée de l'article 34D pour avoir publié d'humour politique
sur sa page Facebook qui comparait le commandant en chef Min Aung Hlaing et des officiers
de l'armée à Daw Aung San Suu Kyi en comparant photos d'eux portant des couleurs similaires.
Le 14 Octobre 2015, un activiste de paix Kachins au Myanmar a été détenu dans le cadre d'un
poste de Facebook moquant l'armée. Les autorités lui ont dit qu'il a été arrêté pour partager sur
Facebook une image montrant une personne marchant sur une photo de le Commandante en
Chef de l'armée Générale Min Aung Hlaing, avec le commentaire "Ne pas partager ce poste - si
vous le faites, vous serez arrêté". Il est marié à un éminent activiste de paix et des droits des
femmes May Sabe Phyu. La législation protégeant la liberté numérique et réglementant la
surveillance, la confidentialité et l’interception des communications par les forces de l’ordre n’a
pas encore été promulguée.
PEN constate non sans inquiétude que des journalistes ont été victimes d’agressions physiques
alors que les agresseurs jouissent de l’impunité. La mort du journaliste indépendant Aung Kyaw
Naing est le premier cas à faire l’objet d’une enquête officielle dans la mort d’un civil alors qu’il
était détenu par l’armée, mais personne n’a été traduit en justice pour cet assassinat3. Au mois
de juillet, Dr. Than Htut Aung, le président-directeur général d’Eleven Media Group et
commentateur sur la corruption présumée du gouvernement, a été victime d’une agression au
lance-pierres alors qu’il se trouvait au volant de sa voiture à Yangon, ce qui constituerait selon
lui une tentative d’assassinat4. De plus, les droits et la sécurité des journalistes qui travaillent
dans les zones de conflit ne sont pas protégés de façon adéquate.
Suite aux décennies de répression au cours desquelles il était décourage de faire preuve de
toute pensée et toute analyse critiques, ces récentes évolutions perpétuent la crainte et
l’autocensure parmi celles et ceux qui devraient chercher à promouvoir un dialogue
démocratique. Les règlements qui concernent les rassemblements publics manquent aussi de
clarté, et certains événements ont été écourtés ou leurs participants harcelés. Des obstacles
structurels demeurent également, les organes de presse et maisons d’édition littéraires
nouvellement fondés étant confrontés à des difficultés financières qui mettent en danger leur
survie. Les sources d’information de beaucoup de minorités ethniques de Birmanie, notamment
dans leurs langues maternelles, et pour les populations rurales, sont tout particulièrement
limitées5.
En outre, nous assistons à une recrudescence des discours de haine et notamment d’incitation
à la violence. En l’absence d’un consensus national et de clarté sur le plan juridique, les
discours diffamatoires sont devenus un enjeu politisé. Toute critique du parti au pouvoir peut
être perçue comme blasphématoire. Au mois de juin 2015, l’écrivain et ancien préposé à
l’information de la LND Htin Lin Oo a été condamné à deux ans de prison pour « insulte à la
religion », après avoir prononcé un discours critiquant les groupes qui font usage de la religion
pour alimenter la haine et la discrimination6. Par contraste, la communauté internationale a
souligné le manque de mesures pour contenir les violences physiques et verbales dont sont
2
http://www.irrawaddy.org/burma/unity-journalists-sentenced-10-years-imprisonment-hard-labor.html
http://time.com/3550460/burma-myanmar-military-journalist-killing-aung-kyaw-naing/
4
https://www.cpj.org/2015/07/myanmar-media-owner-attacked-by-slingshot-wielding.php
5
http://www.media-diversity.org/en/index.php?option=com_content&view=article&id=2813:ethnic-groups-in-burma-need-their-ownmedia&catid=35:media-news-a-content&Itemid=34
6
http://www.amnestyusa.org/get-involved/take-action-now/myanmar-release-htin-lin-oo-immediately-ua-1615
3
victimes les populations musulmanes dans l’État de Rakhine ainsi que dans d’autres régions du
pays7.
Étant donné l’engagement affirmé du gouvernement birman envers le processus de réforme
démocratique en cours, PEN exhorte à une attention renouvelée afin de faire respecter les
droits à la liberté d’expression pour permettre aux divers secteurs de la population de participer
à un débat éclairé sur les enjeux critiques auxquels le pays est confronté.
L’Assemblée des délégués de PEN International :







7
Invite le gouvernement à ratifier et à mettre en œuvre le Pacte international relatif aux
droits civils et politiques.
Invite le gouvernement à libérer tous les journalistes, écrivains et autres qui sont
détenus en violation de leur droit à la liberté d’expression.
Exhorte le gouvernement à abroger ou modifier les lois vagues et contraignantes qui
permettent au gouvernement de détenir, juger et incarcérer des journalistes, écrivains et
autres en raison de leur exercice du droit à la liberté d’expression.
Demande en particulier au gouvernement des assurances quant à la pleine
indépendance du Conseil de la presse qui supervise les nouveaux médias vis-à-vis du
gouvernement.
Exige que le gouvernement prenne des mesures pour veiller à ce que les auteurs
d’agressions contre des journalistes ne restent pas impunis et que tous les dossiers en
instance soient examinés dans le cadre d’un procès complet et équitable.
Demande en particulier au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires
pour garantir que les journalistes sont capables de s’acquitter de leurs obligations
professionnelles d’informer l’opinion publique, notamment lorsqu’ils travaillent en zones
de conflit.
Demande à ce que la croissance des médias qui servent les communautés minoritaires
soit soutenue, notamment en veillant à ce que les journalistes issus des minorités
puissent travailler efficacement et en réduisant les obstacles à l’élargissement des
sources d’information pour les communautés minoritaires.
http://www.rfa.org/english/news/myanmar/rights-02252015172511.html