Métriques d`Einstein `a cusps et équations de Seiberg

Transcription

Métriques d`Einstein `a cusps et équations de Seiberg
Métriques d’Einstein à cusps
et équations de Seiberg-Witten
Olivier Biquard
Abstract
If (M 4 , g0 ) is a finite volume quotient of the complex hyperbolic space, we
prove that any Einstein, complete, bounded curvature metric g on M , such that
the diameter of horocycles goes to zero and the mean curvature of the horocycles
is bounded from below by a positive constant, is equal (up to a diffeomorphism)
to the standard complex hyperbolic metric g0 . This generalizes a theorem of
LeBrun in the compact case. To prove the theorem, we produce a solution of the
Seiberg-Witten equations on the noncompact manifold (M, g) ; in fact, M can
be compactified as an orbifold M , and we get the wanted solution as a limit of
solutions for a sequence of metrics on M , which approximate g.
Introduction
Les variétés de dimension 4, desquelles on connaı̂ t toutes les métriques d’Einstein (c’est-à-dire les métriques dont le tenseur de Ricci est un multiple constant de
la métrique), sont peu nombreuses : tores, surfaces K3, quotients compacts des espaces
hyperboliques réels et complexes. Dans ce dernier cas, LeBrun a démontré la propriété
de rigidité suivante [13], en utilisant les invariants de Seiberg-Witten et la rigidité de
Mostow.
Théorème (LeBrun). Si M 4 est un quotient compact lisse de l’espace hyperbolique
2
complexe HC
= SU (2, 1)/U (2), avec métrique standard g0 , alors toute métrique d’Einstein g sur M se déduit, à une constante près, de g0 par un difféomorphisme.
1991 Mathematics Subject Classification. Primary 53C25.
1
Il est intéressant de noter que Besson, Courtois et Gallot ont démontré un résultat
similaire dans le cas de l’espace hyperbolique réel [2], par des méthodes très différentes.
Il est naturel de poser la question de la généralisation d’un tel résultat aux quotients
lisses de volume fini des espaces hyperboliques. Les bouts de ces quotients sont alors des
cusps. Dans le cas complexe, auquel nous allons nous intéresser, un cusp hyperbolique
complexe (voir section 1), à courbure sectionnelle holomorphe −1, est un produit R+ ×
2
(N/G), avec métrique dt2 + e−2t η 2 + e−t g T , où N est un S1 -fibré au-dessus d’un tore
2
T2 , muni d’une 1-forme de connexion η, et g T est une métrique invariante sur T2 ; le
groupe fini G agit sur N en relevant l’action d’un sous-groupe fini de U (1) agissant sur
T2 .
Pour énoncer un théorème analogue à celui ci-dessus pour les quotients de volume
fini, nous nous restreignons à des métriques dont le comportement à l’infini ressemble
géométriquement à un cusp. Les exemples précédents motivent la définition géométrique
suivante.
Définition. Soit M une variété non compacte, dont chaque bout est topologiquement
un produit R+ × N . Une métrique cuspidale g sur M est une métrique complète, à
courbure bornée, telle que chaque bout admette une carte R+ × N dans laquelle la
métrique s’écrit comme un produit tordu dt2 + gt , avec
1. le diamètre des tranches {t} × N tend vers 0 ;
2. la courbure moyenne h des tranches {t} × N est minorée : h ≥ h0 > 0.
Rappelons que la courbure moyenne est la dérivée logarithmique du volume des
métriques gt : on a h = − 21 ∂t volgt /volgt .
La seconde hypothèse est une hypothèse de décroissance exponentielle du volume
des tranches : en particulier, une métrique cuspidale est à volume fini. Cette seconde
hypothèse est remplie en particulier si g est à courbure négativement pincée près de
l’infini, K g ≤ −a2 < 0 (voir lemme 2.3) ; dans ce cas, une métrique d’Einstein est
automatiquement à courbure bornée ; il faut remarquer que, si M est globalement à
courbure négative, complète, de volume fini, alors, sans autre hypothèse, par [7], les
bouts sont des produits riemanniens tordus R+ × N , avec les tranches N des horocycles.
Nous pouvons à présent énoncer notre théorème principal, qui traite uniquement le
cas de l’espace hyperbolique complexe.
Théorème A. Si M 4 est un quotient lisse de volume fini de l’espace hyperbolique com2
plexe HC
, avec métrique standard g0 , alors toute métrique g sur M , cuspidale, d’Einstein, se déduit, à une constante près, de g0 par un difféomorphisme.
Il est important de noter que la rigidité globale de ces métriques ne peut certainement
pas provenir d’une rigidité locale à l’infini : on peut en effet (voir proposition 1.3)
2
perturber par des métriques d’Einstein (cuspidales), non hyperboliques complexes, la
métrique du cusp hyperbolique complexe.
La difficulté majeure du théorème consiste à montrer l’existence d’une solution aux
équations de Seiberg-Witten sur la variété non compacte M . On applique ensuite facilement la méthode de LeBrun pour conclure la démonstration. Nous réalisons cet objectif
à travers les étapes suivantes.
Dans la section 1, on explique comment compactifier un quotient de volume fini M
2
de HC
en une surface complexe M = M ∪ Σ (voir [10]) ; on rajoute à chaque bout un
2
tore T ou un quotient par un groupe fini T2 /Zk (qui a donc une singularité conique) ;
dans ce dernier cas, la compactification est une orbivariété, avec une singularité isolée
C2 /Zk au point singulier qui a été rajouté. Ce type de singularité ne peut être évité
(loc. cit.), mais n’apporte aucune complication dans la démonstration.
Le plus souvent dans le texte, pour simplifier l’exposition, on se placera dans
le cas d’une compactification lisse, sachant que les constructions s’étendent
de manière immédiate au cas d’une orbivariété.
On termine cette section en montrant l’existence de beaucoup de perturbations de la
métrique du cusp, comme métrique d’Einstein.
Dans la section 2, on étudie le comportement général d’une métrique cuspidale g à
l’infini ; dans le cas où la métrique est d’Einstein, on énonce un résultat utile de régularité
des dérivées covariantes de la courbure.
La section 3 contient le cœur de la démonstration, à savoir le procédé d’approximation
de la métrique g par des métriques gj sur la compactification. En utilisant la théorie
de Cheeger-Fukaya-Gromov, on approche g par des métriques, quotients sur chaque
tranche de métriques invariantes sur le groupe d’Heisenberg, puis on coupe le bout pour
recoller un morceau compact. On calcule la courbure et on voit que le recollement se paie
par un morceau à courbure positive très grande. On profite de ce calcul pour déduire
les nombres caractéristiques de la métrique cuspidale g (signature et caractéristique
d’Euler), en fonction de ceux de M et de Σ.
La section 4 contient la version linéaire du théorème d’approximation des solutions
des équations de Seiberg-Witten, à savoir la convergence des 1-formes gj -harmoniques
et le contrôle de la première valeur propre du laplacien des gj sur les 0 et les 1-formes.
On est alors armé pour étudier, dans la section 5 (théorème B), la convergence des
solutions des équations de Seiberg-Witten pour les métriques gj ; notons OΣ le fibré en
droites complexes, dont le c1 est le dual de Poincaré de Σ ; on considère des 2-formes
fermées $j , représentant c1 (OΣ ), et concentrées de plus en plus près de Σ, puis on regarde
une suite (Aj , ψj ) de solutions des équations de Seiberg-Witten pour les métriques gj ,
3
avec la perturbation $j :
DAj ψj = 0 ,
iFA+j
− 2π$j = q(ψj ) ;
ces perturbations $j , qui s’évanouissent quand j tend vers l’infini, sont nécessaires pour
obtenir une limite (A, ψ), solution des équations non perturbées pour la métrique g,
DA ψ = 0 ,
iFA+ = q(ψ) ;
en revanche, les connexions Aj sur le fibré en droites L convergent vers une connexion
A sur le fibré L − OΣ ; cela traduit, au niveau des équations, le fait que la métrique g
apparaı̂t comme limite de métriques sur la variété compacte, moins une bulle de courbure
positive qui se détache à l’infini.
Techniquement, cette courbure positive près de l’infini permet de compenser exactement l’effet de la perturbation $j dans le contrôle des équations via la formule de
Lichnerowicz et le principe de maximum.
2
Finalement, dans le modèle d’un quotient de volume fini de HC
, on a une structure
C
−1
Spin standard, avec L = K , le fibré anti-canonique, et une solution standard des
√
équations avec A la connexion de Levi-Civita sur L et ψ = ( −s, 0) ∈ Λ0,0 ⊕ Λ0,2 ,
où s est la courbure scalaire (constante) de la métrique hyperbolique. La connexion de
Levi-Civita A est singulière sur les bouts, c’est-à-dire sur Σ, et représente en réalité
L − OΣ . On donne des arguments, parallèles à ceux de LeBrun, pour montrer que pour
une autre métrique cuspidale, d’Einstein, sur un tel quotient, une solution des équations
de Seiberg-Witten est forcément de ce type, et on en déduit le théorème A. On obtient
plus généralement, dans le théorème C, pour des métriques cuspidales, d’Einstein, une
inégalité de type Miyaoka-Yau (modifiée pour tenir compte de la topologie à l’infini) si
un invariant de Seiberg-Witten est non trivial.
La méthode que nous avons employée est la plus directe : construire une solution
des équations de Seiberg-Witten pour la métrique g, par approximation à partir d’une
variété compacte. Le procédé dépend donc de l’existence d’une compactification idoine.
Plus généralement, ce travail semble inciter à penser qu’on pourrait directement définir
l’invariant en termes de solutions des équations pour la métrique g. Cet invariant serait
relié à l’invariant obtenu sur la compactification à l’aide de la perturbation décrite cidessus.
Je remercie Gilles Courtois et Pierre Pansu pour leur aide précieuse à propos des
effondrements riemanniens.
4
1
Le modèle du cusp hyperbolique complexe
Le but de cette section est de rappeler des faits bien connus sur les cusps hyperboliques complexes, de décrire une compactification naturelle (voir [10]) et d’examiner
l’existence de perturbations de la métrique, en tant que métrique d’Einstein.
Compactification du cusp hyperbolique complexe
Considérons un quotient lisse, de volume fini, M , de l’espace hyperbolique complexe
Chaque bout de M est un cusp qu’on peut décrire comme suit. En privilégiant
2
un point sur le bord à l’infini (qui va être le bout de notre cusp), on identifie HC
au
domaine de Siegel
2
HC
= {(z, w), 2<z > |w|2 }
2
HC
.
avec la métrique kählérienne g0 , à courbure holomorphe sectionnelle égale à −1, donnée
par sa forme de Kähler ω0 = ddC (− ln f ), où f = 2<z − |w|2 , soit
ω0 =
2i
{(dz − w̄ dw) ∧ (dz̄ − w dw̄) + f dw ∧ dw̄} ;
f2
les horosphères sont les niveaux de f ; le groupe de Heisenberg, extension centrale de
C, peut être décrit comme N = {(ζ, v) ∈ C × R}, avec loi de multiplication (ζ1 , v1 ) ·
(ζ2 , v2 ) = (ζ1 + ζ2 , v1 + v2 + =(ζ2 ζ1 )) ; il agit (isométriquement) sur les horosphères par
(z, w) → (z + wζ + 12 |ζ|2 + iv, w + ζ) ;
2
en ramenant la métrique de HC
sur N par cette action, on obtient, en posant 2ζ = x+iy,
g0 =
df 2
1
y dx − x dy 2 1
+ 2 (2dv +
) + (dx2 + dy 2 ) ;
2
f
f
2
f
le quotient par un réseau de N est un S1 -fibré N au-dessus d’un tore T2 ; il est muni
d’une 1-forme de connexion η = −2dv + (x dy − y dx)/2 ; pour passer à M , il est possible
que subsiste l’action résiduelle d’un groupe fini G, relevant l’action d’un sous-groupe fini
Zk de U (1) sur T2 ; le bout de M se décrit donc, à l’action d’un groupe fini près, comme
le produit R+ × N , muni de la métrique
g0 = dt2 + e−2t η 2 + e−t (dx2 + dy 2 ) ,
où x et y sont des coordonnées sur le tore et dη = dx ∧ dy ; la structure complexe est
Jdx = dy, Jdt = −e−t η ; si on pose t = ln(− ln r), on obtient
g0 =
dr2 + r2 η 2 dx2 + dy 2
+
,
(r ln r)2
| ln r|
5
avec Jdr = rη et Jdx = dy.
En l’absence de l’action du groupe fini G, le bout apparaı̂t donc, du point de vue
holomorphe, comme l’espace total d’un fibré en droites holomorphe au-dessus du tore
T2 , privé de la section nulle : en rajoutant le tore Σ = T2 en r = 0, on compactifie le
cusp de sorte que la structure complexe s’étende de manière lisse. Le fibré N est le fibré
en cercles associé au fibré normal de Σ, son degré est
Z
Z
dη
deg N =
−
(1)
=
−dx ∧ dy .
2π
Σ
Σ
Dans le cas où agit un groupe fini G, la même image demeure valable sur le revêtement R+ × N , et tous les objets passent au quotient par G ; on compactifie donc M en
ajoutant T2 /Zk , qui a une singularité conique ; près du point singulier, la compactification est une orbivariété : le générateur ζ ∈ U (1) de Zk agit sur la fibre de N au-dessus du
point fixe de T2 par multiplication par une racine ζ p , primitive car l’action sur N doit
être libre, et le modèle local près du point singulier de la compactification est C2 /Zk ,
avec action de ζ par (z1 , z2 ) → (ζz1 , ζ p z2 ) ; la formule (1) reste valable, mais le degré
peut prendre à présent des valeurs rationnelles.
Nous résumons cette discussion dans la proposition suivante.
Proposition 1.1. Un quotient lisse de volume fini M de l’espace hyperbolique complexe
2
HC
se compactifie en une surface complexe M = M ∪ Σ, où Σ est une réunion disjointe
de quotients finis de tores. La surface M est une orbivariété, avec singularités isolées de
type C2 /Zk aux points singuliers de Σ. Enfin, M admet des formes de Kähler.
Démonstration. Il ne reste plus à traiter que la dernière assertion (voir aussi [10]). Supposons tout d’abord que Σ soit lisse. La forme de Kähler de la métrique hyperbolique
complexe, ω0 = −ddC t (avec t = ln(− ln r)), d’une part explose dans les directions transverses à Σ, et d’autre part dégénère dans les directions parallèles à Σ. Plus généralement,
on calcule aisément, pour une fonction ρ(t),
(2)
ddC ρ = (∂t2 ρ − ∂t ρ) e−t (−dt) ∧ η − ∂t ρ e−t dx ∧ dy .
Fixons T > 0 assez grand. Près de Σ, on peut remplacer le potentiel t par un potentiel
ρ(t) tel que
1. pour t < T , on a ρ(t) = −t ;
2. pour t > T + 1, la fonction ρ est constante ;
3. la forme ddC ρ reste positive ou nulle.
6
La forme ddC ρ est une (1,1)-forme positive ou nulle, qui coı̈ncide avec ω0 en dehors
d’un petit voisinage de Σ ; il est alors facile de lui rajouter une petite perturbation,
strictement positive dans un voisinage de Σ, de sorte d’obtenir une forme de Kähler
ω. En cohomologie, la forme ω peut être décrite de la manière suivante : la forme de
Kähler de la métrique hyperbolique complexe, comme courant, définit une classe de
cohomologie [ω0 ], et
(3)
[ω] = [ω0 ] − σΣ ,
où σ > 0 est un réel suffisamment petit.
Dans le cas général d’un bout R+ × (N/G), la même construction est valable sur
R+ × N et peut être réalisée de manière G-invariante. La formule (3) garde un sens en
cohomologie de DeRham.
Éléments riemanniens des tranches
Nous aurons besoin de calculer la dérivée covariante et la courbure d’une métrique
sur N , obtenue comme quotient d’une métrique invariante sur le groupe de Heisenberg
N . Écrivons cette métrique φ2 η 2 + p∗ γ, où γ est une métrique invariante sur le tore
T2 . Notons ∂θ le champ de vecteurs de rotation dans les cercles (donc |∂θ | = φ), ∂x
et ∂y les champs de vecteurs, horizontaux par rapport à η, qui se projettent sur une
base orthonormale dans T2 . On a [∂x , ∂y ] = λ∂θ pour une constante λ, déterminée par
dη = λ dx ∧ dy et la formule pour le degré (1), donc
λ=
2π deg N
.
vol γ
On obtient de manière algébrique la dérivée covariante et la courbure (voir la proposition
3.18 de [5]).
Lemme 1.2. Posons µ = π(deg N ) φ/ vol γ. La dérivée covariante de la métrique invariante φ2 η 2 + p∗ γ sur N est
∇∂x ∂y = µ φ−1 ∂θ ,
∇∂x ∂x = ∇∂y ∂y = ∇∂θ ∂θ = 0 ,
∇∂x φ−1 ∂θ = ∇φ−1 ∂θ ∂x = −µ ∂y ,
∇∂y φ−1 ∂θ = ∇φ−1 ∂θ ∂y = µ ∂x ;
les courbures sectionnelles sont données par les formules
K(∂x , ∂y ) = −3µ2 ,
K(φ−1 ∂θ , ∂x ) = K(φ−1 ∂θ , ∂y ) = µ2 .
7
Perturbation locale
Enfin, nous construisons des perturbations par des métriques d’Einstein du cusp
hyperbolique complexe R+ × N . Nous allons exhiber des perturbations Kähler-Einstein.
Nous cherchons une forme de Kähler
ω = ω0 + ddC f ,
donc
ω 2 = ω02 + 2ω0 ∧ ddC f + (ddC f )2
= ω02 1 − ∆f + 12 ∗ (ddC f )2 ;
on déduit la forme de Ricci rω de la métrique ω :
rω = rω0 − 12 ddC ln 1 − ∆f + 12 ∗ (ddC f )2 ;
d’un autre côté, nous voulons ω Kähler-Einstein, avec la même constante que ω0 , c’està-dire vérifiant
rω = − 23 ω = − 32 (ω0 + ddC f ) ;
il suffit donc que f vérifie l’équation
(4)
ln 1 − ∆f + 12 ∗ (ddC f )2 = 32 f .
Pour trouver des solutions, considérons l’opérateur
P (f ) = (∆f − 21 ∗ (ddC f )2 + exp( 32 f ) − 1, f |t=0 ) ;
sa linéarisation en f = 0 n’est autre que
dP (f˙) = (∆f˙ + 23 f˙, f˙|t=0 ) .
Par exemple, restreignons-nous à des fonctions f ne dépendant que de t, alors
l’opérateur P s’écrit
P (f ) = (−∂t2 f + 2∂t f + ∂t f (∂t2 f − ∂t f ) + exp( 23 f ) − 1, f (0)) ;
pour tout ε > 0 assez petit, c’est un opérateur régulier e−εt C 2 → e−εt C 0 × R, dont la
linéarisation est dP (f˙) = (−∂t2 f˙ + 2∂t f˙ + 32 f˙, f˙(0)) ; un calcul explicite montre que dP
est un isomorphisme, si bien que P est un difféomorphisme local : on en déduit que, pour
tout g ∈ R assez petit, on a une solution f ∈ e−εt C 2 de l’équation P (f ) = (0, g) ; la forme
8
de Kähler ω définit donc une métrique Kähler-Einstein qui, à l’infini, est asymptotique
à la métrique ω0 ; calculons la courbure sectionnelle holomorphe dans le plan engendré
par ∂x : pour une métrique φ2 (dt2 + e−2t η 2 ) + ψ 2 e−t (dx2 + dy 2 ), la courbure sectionnelle
dans le plan engendré par ∂x et ∂y est, compte tenu du lemme 1.2,
2
2
3 φ
1 ∂t ψ 1
Kh∂x ,∂y i = −
− 2
−
;
4 ψ2
φ
ψ
2
dans notre cas, l’équation (2) donne φ2 = 1 + ∂t2 f − ∂t f et ψ 2 = 1 − ∂t f , et la courbure
holomorphe sectionnelle dans le plan engendré par ∂x devient
Kh∂x ,∂y i = −
1 + ∂t2 f − ∂t f
;
(1 − ∂t f )2
la variation infinitésimale de cette courbure sectionnelle holomorphe est ∂t2 f˙ − ∂t f˙, donc
elle ne s’annule pas pour les perturbations que nous regardons ; cela démontre que la
courbure holomorphe sectionnelle de la métrique ω n’est plus constante, donc elle n’est
plus hyperbolique complexe.
Cette construction est en fait plus générale : sans rentrer dans les détails, on peut
définir des espaces de Hölder à poids Cεk+η de fonctions décroissantes en exp(−εt) ;
l’opérateur P est bien défini
Cε2+η (R+ × N ) → Cεη (R+ × N ) × C 2+η (N )
et le linéarisé dP est encore un isomorphisme (dans le cas où on se restreint à des fonctions invariantes par rotation dans les fibres du fibré en cercles N , l’analyse nécessaire
a été développée dans [3], donc notre assertion est démontrée au moins dans ce cas qui
fournit déjà beaucoup d’exemples ; mais en réalité, il est possible de généraliser à toutes
les fonctions sans restriction) ; on déduit que pour toute fonction g sur N , assez petite
en norme C η , on peut résoudre le problème P (f ) = (0, g), ce qui fournit beaucoup
d’exemples de métriques Kähler-Einstein, proches à l’infini de la métrique hyperbolique
complexe.
Nous résumons cette discussion dans la proposition suivante.
Proposition 1.3. La métrique hyperbolique complexe du cusp R+ × (N/G) admet des
perturbations par des métriques cuspidales, d’Einstein, qui ne sont pas hyperboliques
complexes.
Les exemples que nous avons construits plus haut sont mêmes Kähler-Einstein et
négativement pincés à l’infini. Il est clair qu’on pourrait construire beaucoup d’autres
exemples non kählériens : rester dans la catégorie kählérienne nous a permis de construire
plus simplement nos exemples.
9
2
Comportement à l’infini d’une métrique cuspidale
Nous donnons des résultats sur le comportement à l’infini d’une métrique cuspidale.
Cela permettra dans la section suivante la construction d’approximations compactes.
Seconde forme fondamentale
Soit une métrique g = dt2 + gt sur R+ × N , où N est compact. La seconde forme
fondamentale des tranches, définie par II(X, Y ) = g(∇gX Y, ∂t ) pour X et Y des vecteurs
tangents à N , est donnée par
(5)
1
II = − ∂t g .
2
On peut aussi considérer l’endomorphisme g-autoadjoint ` = g −1 II, donné par
(6)
1
` = − g −1 ∂t g .
2
Introduisons k(X, Y ) = g(R∂gt ,X Y, ∂t ). C’est un 2-tenseur symétrique sur chaque
tranche, de sorte que si X est un vecteur de norme 1 sur N , alors k(X, X) est la
courbure sectionnelle de g dans le plan engendré par X et ∂t . On calcule facilement
1
1
k = − ∂t2 g + (∂t g)g −1 (∂t g) .
2
4
On a le premier contrôle suivant.
(7)
Lemme 2.1. Si la métrique g = dt2 + gt sur R+ × N satisfait K g ≥ −b2 , alors la
seconde forme fondamentale II reste bornée par rapport à g.
Démonstration. L’hypothèse sur K g implique k ≥ −b2 g ; compte tenu de g −1 ∂t2 g =
∂t (g −1 ∂t g) + (g −1 ∂t g)2 , la formule (7) nous donne
(8)
g −1 k = ∂t ` − `2 ≥ −b2 .
Soit e un vecteur propre g-normé pour la valeur propre λ de `. De l’égalité ∂t λ =
g(∂t ` e, e), on déduit
(9)
∂t λ − λ2 ≥ −b2 .
Supposons |λ(0)| > b, alors ∂t λ > 0 donc λ croı̂t. Deux cas se présentent : si λ(0) < −b,
alors |λ| décroı̂t donc reste bornée ; si λ(0) > b, alors λ > b et ∂t λ/(λ2 − b) ≥ 1, d’où on
déduit
λ − b
λ(0) − b − ln ln λ(0) + b ≥ 2bt ,
λ + b
10
ce qui est contradictoire avec λ > b, donc ce cas ne peut se produire. Finalement, on
obtient l’inégalité
(10)
inf(λ(0), −b) ≤ λ ≤ b ,
ce qui achève la démonstration du lemme.
Sous les hypothèses du lemme, nous déduisons que la courbure des métriques gt sur
les tranches reste bornée ; si le diamètre de gt tend vers 0, nous déduisons que nous avons
un phénomène d’effondrement, au sens de Gromov [8], des métriques gt . En particulier,
la tranche N est nécessairement une infranilvariété. On déduit le corollaire suivant.
Corollaire 2.2. Sous les hypothèses du lemme précédent, et si le diamètre des métriques
gt tend vers 0, alors les métriques gt deviennent proches de métriques invariantes sur
une infranilvariété.
Nous déduisons aussi le lemme plus précis suivant, qui ne nous servira pas, mais
justifie une affirmation faite dans l’introduction.
Lemme 2.3. Si la métrique g = dt2 + gt sur R+ × N satisfait −b2 ≤ K g ≤ −a2 , et si le
diamètre de gt tend vers 0, alors la seconde forme fondamentale II vérifie ag ≤ II ≤ bg.
Démonstration. Reprenons les notations de la démonstration du lemme 2.1, l’inégalité
(9) sur les valeurs propres de ` devient
−b2 ≤ ∂t λ − λ2 ≤ −a2 .
Supposons |λ| < a, alors on obtient de même
λ(0) − b λ − b
− ln ln λ(0) + b ≥ 2at ;
λ + b
nous déduisons, si λ(0) < a, que pour t > T avec T grand, λ(t) < −ε < 0 ; il est facile
de voir que cela implique le contrôle gT (e(t), e(t)) ≤ e2ε(T −t) , ce qui est contradictoire
avec le phénomène d’effondrement donné par le corollaire 2.2 ; donc il faut que λ(0) ≥ a,
ce qui, joint à l’inégalité (10), donne le lemme.
Régularité à l’infini
Enfin, nous aurons besoin du résultat de régularité suivant.
Lemme 2.4. Une métrique d’Einstein, complète, à courbure bornée, a toutes les dérivées covariantes de sa courbure bornées.
11
Démonstration. Comme la courbure est bornée, l’application exponentielle en un point
x est un revêtement sur une boule de rayon ι indépendant de x ; on peut tirer en arrière
la métrique sur cette boule pour obtenir une métrique dont le rayon d’injectivité en
x est ι (et les rayons d’injectivité, par exemple pour y dans une boule de rayon ι/4,
sont au moins ι/4, voir par exemple la proposition 6.4.6 dans [4]) ; en utilisant alors des
systèmes de coordonnées harmoniques (voir le lemme 2.2 de [1]), l’équation d’Einstein
devient une équation elliptique non linéaire, et on obtient des bornes, indépendantes de
x, sur les dérivées de la métrique, et donc de la courbure (la référence précédente donne
une borne C 1,η sur la métrique en fonction d’une borne C 0 sur la courbure de Ricci—si
on a des bornes sur les dérivées covariantes de la courbure de Ricci, on peut obtenir des
bornes sur toutes les dérivées de la métrique, voir par exemple le survey [9]).
3
Approximation par des métriques de variétés compactes
Dans cette section, nous regardons une orbivariété M de dimension 4, un quotient
fini Σ d’un tore, plongé dans M , et M = M −Σ. On suppose que les singularités (isolées)
de M se trouvent uniquement sur Σ et que M est muni d’une métrique cuspidale g. Nous
supposons la métrique cuspidale g régulière, au sens où il existe des constantes Ai qui
bornent les dérivées covariantes de la courbure de g, soit |∇i Rg | ≤ Ai . En particulier,
d’après le lemme 2.4, si g est d’Einstein, alors g est régulière.
Nous allons construire une suite de métriques gj sur des variétés compactes, convergeant en un certain sens vers g. Près de Σ, la métrique s’écrit g = dt2 + gt sur R+ × N .
Nous supposerons dans toute la suite que Σ est d’autointersection non nulle, c’est-àdire que N est un fibré non trivial (si Σ est singulier, il faut interpréter cette hypothèse
sur un revêtement ramifié local). C’est d’ailleurs la situation pour démontrer le théorème
A. Dans le cas où N est un fibré trivial, les constructions qui suivent restent valables
tout en se simplifiant, car on n’a plus besoin de traiter de manière différente la fibre et
la base du fibré N → T2 .
Enfin, conformément à ce qui a été annoncé dans l’introduction, nous oublierons
le plus souvent la présence éventuelle de singularités, sachant que toutes les constructions peuvent être faites de manière invariante sous l’action du groupe fini résiduel qui
provoque la singularité.
12
Approximation locale
Les métriques gt sur la tranche N deviennent presque plates, donc peuvent être
de mieux en mieux approchées par des métriques invariantes. Nous avons également
besoin d’un résultat analogue pour la deuxième forme fondamentale, donc d’un résultat
d’effondrement en familles. Ce résultat a été établi par Cheeger-Fukaya-Gromov (sections
3 et 4 de [6], voir en particulier la proposition 4.9).
Proposition 3.1 (Cheeger-Fukaya-Gromov). Soit δj le maximum des diamètres des
tranches {t} × N pour t ∈ (j − 1, j + 1). Il existe des approximations g̃j de g sur les
intervalles (j − 1, j + 1) × N , telles que
1. il existe des constantes Bi , ne dépendant que des Ai et de la borne sur II, telles
que |∇i (g̃j − g)| ≤ Bi δj ;
2. la métrique g̃j est invariante pour une structure de Killing nilpotente qui respecte
les fibres ; en particulier, chaque fibre a une métrique qui provient d’une métrique
invariante sur le groupe de Heisenberg.
Concentrons-nous sur ce qui se passe en t = j : la métrique g̃j sur {j}×N , provenant
d’une métrique invariante sur le groupe de Heisenberg, est de la forme ϕj (j)2 ηj (j)2 +
γj (j), où ηj (j) est une 1-forme invariante de connexion sur un fibré N → T2 , ϕj (j)
une constante et γj (j) une métrique invariante sur T2 . La dépendance par rapport à j
souligne que nous ferons plus tard varier ϕj , ηj et γj par rapport à t.
˜ j est aussi invariante et proche de IIj , et la courbure de ϕj (j)2 ηj (j)2 +γj (j)
De plus, II
est bornée indépendamment de j, ce qui, par le lemme 1.2, implique que la quantité
ϕj (j)/ vol γj (j) reste bornée indépendamment de j.
Approximation de la métrique cuspidale
Nous construisons à présent les métriques gj sur des variétés compactes, qui vont
approcher g. Nous les définissons comme des métriques C 1 , et C ∞ par morceaux, ce
qui suffit pour tous les arguments que nous emploierons. On pourrait remplacer nos
métriques gj par des métriques lisses très proches.
Commençons par construire une fonction χ(t), croissante lisse, valant 0 pour t ≤ 0 et
1 pour t ≥ , où est une constante (petite) qui sera fixée ultérieurement. Nous notons
χj (t) = χ(t − j).
Nous commençons par remplacer la métrique g̃j sur t ≥ j par son approximation au
premier ordre : nous remplaçons le côté {t ≥ j} × N par le fibré normal en demi-droites
de g̃j sur {j} × N , identifié à un produit (cette opération est nécessaire car g̃j ne rend
˜ j ; cette
pas ∂t orthogonal aux tranches N ), muni de la métrique dt2 + g̃j |t=j − 2(t − j)II
13
métrique se recolle C 1 à g̃j sur t ≤ j et est définie dans un voisinage de taille fixe, d’après
le lemme 2.3 : on peut donc le supposer de taille supérieure à 2. En fait, nous voulons
˜ j : nous définissons
modifier un peu plus la métrique en décomposant II
pour t ≤ j, g̃j0 = g̃j ,
pour t ≥ j, g̃j0 = dt2 + ϕj (t)2 ηj (t)2 + γj (t)2 ,
où ηj (t) est une 1-forme de connexion sur N , γj (t) une métrique sur T2 , et la métrique
sur la tranche g̃j0 (t) = ϕj (t)2 ηj (t)2 + γj (t)2 obéit à l’équation suivante : si on décompose
˜ j en ψ(t)ηj (t)2 + (II
˜ j )⊥t , alors
orthogonalement pour g̃j0 (t) la forme II
˜ j )⊥t .
− 12 ∂t g̃j0 (t) = ψ(t)ηj (t)2 + (1 − χj )(II
Pour t ≥ j + , la forme de connexion ηj (t) devient constante, ηj (t) ≡ ηj , de même que
γj (t) ≡ γj . En modifiant ϕj (t) pour t > j + , de sorte de faire passer très rapidement
∂t ϕj à −1 (ce qui impose de rendre momentanément ∂t2 ϕj très négatif), on peut recoller
g̃j0 à la métrique
dt2 + (Tj − t)2 ηj2 + γj ,
pour un Tj légèrement supérieur à j + bien choisi ; le résultat est une métrique (g̃j )c ,
définie sur t < Tj ; en faisant le changement de variable r = Tj − t, on voit que (g̃j )c est
lisse sur la compactification obtenue en ajoutant un tore T2 en t = Tj .
Finalement, nous définissons notre métrique gj par la formule
gj = (1 − χj−1 )g + χj−1 (g̃j )c .
Courbure sectionnelle
Il est clair que les constructions ci-dessus fournissent une métrique gj à courbure
bornée indépendamment de j tant que t ≤ j + ; en revanche, cela n’est plus le cas pour
la compactification dans la zone t > j + ; dans cette région, on a
gj = dt2 + ϕ2j ηj2 + γj .
La courbure est complètement explicite. Les courbures sectionnelles sur les tranches sont
égales aux courbures sectionnelles de la restriction de gj sur les tranches, pour lesquelles
les formules fournies par le lemme 1.2 s’appliquent ; les autres courbures sectionnelles
sont données par
(11)
K gj (∂t , ϕ−1
j ∂θ ) = −
∂t2 ϕj
,
ϕj
K gj (∂t , ∂x ) = K gj (∂t , ∂y ) = 0 .
14
On voit que le seul terme vraiment singulier est K gj (∂t , ϕ−1
j ∂θ ), les autres étant uniformément bornés. On déduit la proposition suivante sur la courbure scalaire.
Proposition 3.2. La courbure scalaire de la métrique gj s’écrit
g
sgj = sb j − 2χj
∂t2 ϕj
,
ϕj
g
avec sb j uniformément bornée.
Cette proposition sera importante plus loin pour le contrôle des solutions des équations de Seiberg-Witten.
Courbure de Ricci
À présent, pour des raisons qui deviendront claires plus tard, nous voulons une
estimation pour t ≥ j de Ricgj (∂t , X) quand X est tangent à N . De manière générale,
pour une métrique g = dt2 + gt , on a
Ric(∂t , X) = −(dh + δII)(X) ,
où h = tr(g −1 II) est la courbure moyenne et δ la divergence.
Cette quantité est bien sûr nulle pour une métrique d’Einstein. Supposons plus
généralement | Ricg (∂t , ·N )| ≤ c0 : pour t ≥ j, les métriques gj s’écrivent gj = dt2 +
ϕj (t)2 ηj (t)2 + γj (t), où les ηj (t) sont des 1-formes de connexion variables et les γj (t) des
métriques variables sur T2 . On peut décomposer IIgj = ψ(t)ηj (t)2 +ηj (t)⊗α(t)+β(t), où
α(t) est une 1-forme invariante sur T2 et β(t) un 2-tenseur invariant ; d’après le lemme
1.2, on calcule
π deg N
∗γ α(t) ;
δ gj IIgj (t) =
vol γj (t) t
il est intéressant de noter que la divergence de la seconde forme fondamentale (c’est-àdire Ric(∂t , ·N )) mesure la variation de la forme de connexion ηj qui donne la submersion
riemannienne sur le tore T2 . En t = j, les métriques gj et g sont proches, par la
proposition 3.1, et g est d’Einstein, donc
(12)
|α(t = j)| ≤ (c0 + c δj ) vol γj (j) .
Nous déduisons le corollaire suivant.
Lemme 3.3. Si g vérifie | Ricg (∂t , ·N )| ≤ c0 (par exemple si g est d’Einstein), alors,
pour t ≥ j, on a sur la tranche {t} × N le contrôle
| Ricgj (∂t , ·N )| ≤ c0 + c δj .
15
Démonstration. Il s’agit de montrer que sur chaque tranche, on sait contrôler dhgj +
δ gj IIgj . Par invariance, dhgj = 0 ; l’estimation (12) et les formules pour g̃j0 montrent
que ce contrôle persiste pour j ≤ t ≤ j + . Enfin, pour t > j + , on a simplement
δ gj IIgj = 0.
Nombres caractéristiques de g
Nous définissons sur M les formes différentielles (Pf désigne le Pfaffien)
1
tr((Rg )2 ) ,
2
24π
1
e(g) = 2 Pf(Rg ) ,
4π
L(g) = −
et nous souhaitons calculer les nombres caractéristiques
Z
sign(M, g) =
L(g) ,
ZM
eul(M, g) =
e(g) .
M
Dans le cas d’une variété compacte, on obtiendrait bien sûr la signature et la caractéristique d’Euler. Ici, on va obtenir les nombres caractéristiques de M , avec une
correction provenant du comportement à l’infini de la métrique cuspidale g.
Dans le cas où M est une orbivariété, nous prenons comme convention de définir
les nombres caractéristiques eul M et sign M par intégration des formes e(ḡ) et L(ḡ)
pour une métrique ḡ lisse sur M . Ces nombres peuvent être rationnels : ils diffèrent
des nombres caractéristiques entiers, définis à partir de la cohomologie de DeRham de
l’orbivariété, par des rationnels [11]. Par exemple, on a l’égalité
X
(−1)i dim H i (M ) = eul M +
i
X ki − 1
i
où les ki sont les multiplicités aux points singuliers.
Proposition 3.4. On a les égalités
eul(M, g) = eul M ,
1
sign(M, g) = sign M − Σ2 .
3
16
ki
,
Démonstration. L’idée est d’approcher la métrique g par les métriques gj . Clairement,
on a
Z
sign(M, g) = lim
L(gj )
j→∞ t≤j
Z
= sign(M ) − lim
L(gj ) .
j→∞
t≥j
Il reste à déterminer cette dernière limite. Or on a l’égalité
Z
Z
gj
gj
tr(R ∧ R ) =
tr(dA ∧ A + 23 A ∧ A ∧ A) ,
(j,Tj )
∂(j,Tj )
où A est la forme de connexion de Levi-Civita dans une trivialisation du fibré tangent ;
le terme de bord pour t = j tend vers 0 quand j tend vers l’infini, donc il ne reste à
déterminer que le terme de bord pour t = Tj : plaçons-nous près de t = Tj , la métrique
s’écrit dt2 + ϕ2j ηj2 + dx2 + dy 2 , avec ϕj = Tj − t, et on a une base orthonormale directe
(−∂t , ϕ−1
j ∂θ , ∂x , ∂y ) ; les seuls termes de la matrice A qui ne s’annulent pas en t = Tj
sont dans le plan h∂t , ϕ−1
j ∂θ i, ils s’écrivent
0
−∂t ϕj ηj
A0 =
;
∂t ϕj ηj
0
notons iN l’inclusion de la tranche N , on obtient
0
−∂t ϕj dηj
∗
iN dA0 =
;
∂t ϕj dηj
0
on déduit, en faisant attention à l’orientation,
Z
Z
2
2|∂t ϕj |2 dηj ∧ ηj
tr(dA ∧ A + 3 A ∧ A ∧ A) =
N
t=Tj
= −8π 2 deg N ;
finalement, compte tenu de deg N = Σ2 , on obtient l’égalité proposée pour la signature.
Pour la caractéristique d’Euler, nous transformons la 1-forme à valeurs dans les
endomorphismes antisymétriques A en une 1-forme à valeurs dans les 2-formes Ã, et
nous notons T : Ω(M ) ⊗ Ω(M ) → R l’opérateur défini par
T (ω ⊗ $) = ωh$, volg i ;
dans ces conditions,
Z
(j,Tj )
Pf(gj ) =
Z
∂(j,Tj )
1
T (Ã
2
∧ dÃ) + 13 T (Ã ∧ Ag
∧ A) ;
il n’est pas difficile de voir qu’il n’y a pas de contribution provenant du terme principal
A0 .
17
4
Convergence des formes harmoniques et inégalités
de Poincaré
Nous continuons avec une métrique cuspidale g sur M = M − Σ, et la suite de
métriques gj qui tend vers g. Nous examinons la convergence des formes harmoniques.
Le cas des fonctions
Évidemment, les 0-formes harmoniques pour gj , à savoir les constantes, convergent
vers les 0-formes harmoniques L2 pour g. On va montrer que la première valeur propre
du laplacien sur les fonctions reste minorée quand j tend vers l’infini.
Lemme 4.1. Soit g = dt2 + gt sur [0, T ) × ∞ (avec T éventuellement infini), telle que
la courbure moyenne vérifie
h=−
1 ∂t volgt
≥ h0 > 0 ;
2 volgt
alors, pour toute fonction f , on a
Z
Z
Z
Z
1
2
2
2
|∂t f | ≥ h0 |f | +
|f | −
|f |2 .
h0
t=T
t=0
Démonstration. Par intégration par parties, on a
Z
Z gt
2
gt
2 ∂t vol
volgt ;
|f | vol =
2f ∂t f + f
gt
vol
∂[0,T )
2
d’autre part, |2f ∂t f | ≤ h0 f 2 + h−1
0 |∂t f | ; le lemme en résulte immédiatement.
Rt
Posons H(t) = 2 0 h. En appliquant le lemme à la métrique dt2 + exp( 34 H)gt (le
facteur 3 ici représente la dimension de N ) et à la fonction exp(−H)f , et et transformant
t en −t, on obtient le corollaire suivant.
Corollaire 4.2. Sous les hypothèses du lemme 4.1, on a
Z
Z
Z
Z
1
2
2
2
|∂t f − 2hf | ≥ h0 |f | −
|f | +
|f |2 .
h0
t=T
t=0
Le lemme 4.1 s’applique en particulier à la métrique g, puisque celle-ci est à courbure
moyenne plus grande que a. Il s’applique aussi aux métriques gj , qui ont été construites
de sorte que la courbure moyenne continue à être minorée.
18
Corollaire 4.3. Il existe une constante c, indépendante de j, telle que toute fonction f
R
satisfaisant M f volgj = 0 vérifie
Z
Z
2
gj
2
|df |gj vol ≥ c
|f |2 volgj .
M
M
L’inégalité est aussi valable pour la métrique g.
Démonstration. Dans le cas contraire, il existerait une suite de fonctions fj , telles que
R
fj volgj = 0, kfj kL2 (gj ) = 1, mais kdfj kL2 (gj ) → 0. Sur tout domaine compact, fj doit
converger faiblement dans L21 vers une fonction f , vérifiant nécesairement kdf kL2 (g) = 0,
donc f est constante ; fixons un domaine compact K assez grand, de sorte que pour tout
j, on ait volgj (M − K) < ε, alors fj converge fortement dans L2 vers f sur K, donc
Z
Z
Z
g
gj
f vol = lim
fj vol = − lim
fj volgj ,
K
mais
M −K
K
Z
√
gj
1/2
fj vol ≤ vol (M − K) ( |fj |2 volgj )1/2 ≤ ε ,
M −K
R
√
d’où nous déduisons | K f volg | ≤ ε pour tout compact K, donc finalement f = 0
puisque f est constante ; pour conclure, fixons K assez grand, choisissons une fonction
χ à support compact, égale à 1 dans K, et découpons fj = χfj + (1 − χ)fj : d’une part,
R
|χfj |2 volgj → 0 car χfj → χf = 0 dans L2 ; d’autre part, par le lemme précédent, il
y a une constante c indépendante de j telle que
Z
Z
2
2
gj
c
|(1 − χ)fj | vol ≤ |d(1 − χ)fj |2 volgj
Z
2
≤ 2kdfj kL2 (gj ) + 2 |dχ|2 |fj |2 ;
Z
gj en prenant j assez grand, on contredit l’égalité kfj kL2 (gj ) = 1.
Le cas des 1-formes
Nous montrons à présent des résultats similaires pour les 1-formes, sous une condition
sur le tenseur de Ricci.
Proposition 4.4. Soient une classe de cohomologie de DeRham a ∈ H 1 (M ) et αj le
représentant gj -harmonique de a ; alors αj converge sur tout compact vers une 1-forme
harmonique L2 pour g.
19
Démonstration. Fixons une forme lisse fermée β sur M , représentant a ; on a αj = β+dfj ,
où fj vérifie
Z
fj volgj = 0 ,
∆gj fj = −d∗gj β ;
par construction des métriques gj , les normes kβkL2 (gj ) et kd∗gj βkL2 (gj ) restent bornées ;
par le corollaire 4.3, on déduit, par rapport à la métrique gj ,
Z
Z
Z
2
2
2
c
|fj | ≤ |dfj | = − fj d∗ β ,
d’où, par l’inégalité de Cauchy-Schwarz, kfj kL2 (gj ) ≤ c−2 kd∗gj βkL2 (gj ) reste bornée, et
donc aussi kdfj kL2 (gj ) ; on déduit que fj converge, sur tout compact, vers une fonction
f solution de
Z
f volg = 0 ,
∆g f = −d∗g β ,
et vérifiant kf kL2 (g) ≤ c−2 kd∗g βkL2 (g) .
Nous avons besoin également d’une estimation sur la première valeur propre du
laplacien sur les 1-formes. L’idée est similaire à celle utilisée pour les fonctions, mais un
peu plus délicate à mettre en œuvre.
Le lemme suivant est l’analogue de la formule de Bochner bien connue sur les 1formes, en intégrant seulement suivant la direction t.
Lemme 4.5. Pour la métrique dt2 + gt sur [t1 , t2 ] × N , à courbure moyenne h =
− 21 ∂t vol/vol, on a, pour toute 1-forme α = f dt + β, la formule
Z
∗
Z
|dα| + |d α| −
f d∗N β =
∂[t1 ,t2 ]
Z
|dN β|2 + |d∗N β|2 + |dN f |2 + |∂t β|2 + |∂t f − 2hf |2 + 2f Ric(∂t , β) ,
2
2
où dN est la différentielle extérieure sur la tranche N , et, par abus de notation, on a
considéré β comme un vecteur dans les arguments de Ric.
Plaçons-nous sous les hypothèses du lemme précédent ; si de plus | Ric(∂t , ·N )| ≤ c0 <
h0 = inf h, alors on en déduit, en utilisant le lemme 4.1 et le corollaire 4.2,
Z
2
∗
2
|dα| + |d α| +
Z
h0 (|f |2 − |β 2 |) − f d∗N β ≥
∂[t1 ,t2 ]
Z
|dN β|2 + |d∗N β|2 + |dN f |2 + (h20 − c20 )|α|2 ;
20
si de plus, la courbure de Ricci des tranches N est uniformément majorée, | Ricgt | ≤ c1 ,
alors, de la formule de Bochner sur les tranches,
Z
Z
2
∗
2
|dN β| + |dN β| =
|∇β|2 + RicN (β, β)
N
ZN
≥
|∇β|2 − c21 |β|2 ,
N
on déduit, pour une constante c = c(h0 , c0 , c1 ),
Z
Z
Z
2
∗ 2
2
2
∗
(13)
|dα| + |d α| +
h0 (|f | − |β |) − f dN β ≥ c |α|2 + |∇α|2 .
∂[t1 ,t2 ]
Nous en déduisons le lemme suivant.
Lemme 4.6. Soit g la métrique dt2 +gt sur [t1 , t2 ]×N , vérifiant | Ric(∂t , ·N )| ≤ c0 < h0 ,
telle que la courbure des tranches vérifie |Rgt | ≤ c1 ; alors il existe ε et c, ne dépendant
que de h0 , c0 et c1 , tels que si gε est une métrique satisfaisant
e−ε g ≤ gε ≤ eε g ,
|∇gε − ∇g | < ε ,
alors l’inégalité (13) reste valable pour gε .
Démonstration. On a l’inégalité (13) pour la métrique g ; il s’agit de montrer qu’elle
persiste par petite perturbation C 1 de g : pour cela, il suffit de montrer que les deux
R
membres de (13) sont perturbés par un terme qui est O(ε( |α|2 +|∇α|2 )), quand on passe
de g à gε ; le seul problème réside dans les termes de bord : le terme de bord en |f |2 −|β|2
R
R
est facile à traiter, donc nous nous contenterons du terme en N f d∗N β = N hdf, βi ; la
R
différence entre ce terme pour g et pour gε est majorée par ε N |df | |β|.
Pour le contrôler, il faut utiliser l’application optimale de trace
L21 ([t1 , t2 ] × N ) → L21/2 ({t1 } × N )
de la manière suivante : si f et g sont deux fonctions à support dans [t1 , t1 + 1] × N , et
X est un champ de vecteurs sur N , invariant sous ∂t , alors
Z
Z
(LX f )g = − (∂t LX f )g + (LX f )(∂t g) − 2h(LX f )g ;
{t1 }×N
R
R
comme [∂t , X] = 0, on déduit que (∂t LX f )g = (∂t f )((LX )∗ g), donc finalement
Z
(LX f )g = O(kf kL21 + kgkL21 ) ;
{t1 }×N
à partir de là, il n’est pas difficile de borner
du lemme.
21
R
N
|df | |β|, ce qui achève la démonstration
Nous arrivons en définitive à la proposition suivante, qui donne le résultat voulu sur
la première valeur propre du laplacien.
Proposition 4.7. Si la métrique cuspidale régulière g sur M satisfait, près du bout,
| Ricg (∂t , ·N )| ≤ c0 < h0 , où h0 est la borne inférieure de la courbure moyenne des
tranches N près de l’infini (cette hypothèse est remplie en particulier si g est d’Einstein),
alors il existe une constante c telle que, pour toutes les métriques gj , et toute 1-forme α
orthogonale aux 1-formes gj -harmoniques, on ait (les normes étant prises par rapport à
la métrique gj )
Z
Z
(|dα|2 + |d∗ α|2 ) volgj ≥ c
M
|α|2 volgj .
M
Démonstration. Comme dans la démonstration du lemme 4.3, il suffit de montrer l’analogue du lemme 4.1 pour les 1-formes, à savoir : si α est une 1-forme, nulle en t = 0,
alors on a une estimation uniforme
Z
Z
2
∗ 2
gj
(|dα| + |d α| ) vol ≥ c
|α|2 volgj .
t≥0
t≥0
Pour cela, nous appliquons deux fois la formule (13) à la métrique gj : tout d’abord sur
l’intervalle [0, j], g et gj sont très proches, d’après la proposition 3.1, donc le lemme 4.6
permet d’appliquer la formule (13) ; ensuite sur l’intervalle [j, Tj ], ce qui est justifié par
les estimations du lemme 3.3. En sommant les deux contributions, les termes de bord
sur t = j s’annulent et il reste un terme de bord quand t → Tj , qui tend vers 0 puisque
le volume de la tranche tend vers 0 : on déduit l’estimation uniforme souhaitée.
5
Convergence des solutions des équations de SeibergWitten
Nous avons à présent tous les éléments techniques pour examiner la convergence des
solutions des équations de Seiberg-Witten, convenablement perturbées.
Équations de Seiberg-Witten
Nous considérons toujours une orbivariété M de dimension 4, à singularités isolées
C /Zk , avec Σ réunion disjointe de quotients finis de tores, plongé dans M et M =
M − Σ lisse. Soit une métrique sur M : elle induit une décomposition du fibré des 2formes en formes autoduales et antiautoduales, Ω2 = Ω2+ ⊕ Ω2− . Une structure SpinC
sur M vient avec son fibré de spineurs complexes W = W + ⊕ W − et le fibré en droites
2
22
L = det W + = det W − . Bien entendu, dans le cas d’une orbivariété, ces fibrés sont des
orbifibrés, c’est-à-dire définis sur le revêtement ramifié local et leurs sections locales sont
définies comme les sections locales sur le revêtement local, invariantes sous l’action du
groupe fini.
Les équations de Seiberg-Witten [15] portent sur une section ψ du fibré W + et
une connexion unitaire A sur L : en notant DA l’opérateur de Dirac induit par A sur
les sections de W et q(ψ) ∈ Ω2+ la 2-forme autoduale induisant, par multiplication de
Clifford, l’endomorphisme i(ψ ∗ ⊗ ψ)0 de W + , elles s’écrivent
(
DA ψ = 0 ,
(14)
iFA+ = q(ψ) .
On peut perturber la seconde équation en introduisant une 2-forme autoduale fixe $+
et en écrivant
(
DA ψ
= 0,
(15)
+
+
= q(ψ) .
iFA − 2π$
Le groupe de jauge G des applications de M dans S1 agit sur les solutions des
équations. L’invariant de Seiberg-Witten [15, 12] s’obtient en comptant de manière
adéquate le nombre de solutions modulo l’action du groupe de jauge.
L’existence de singularités ne change rien. Examinons plus précisément la formule
pour la dimension de l’espace des modules : rappelons que nous avons défini la caractéristique d’Euler et la signature de M par intégration des formes caractéristiques
locales par rapport à une métrique lisse—ces nombres peuvent donc être rationnels.
La dimension virtuelle de l’espace des modules est la différence des indices des deux
opérateurs
(16)
DA : Γ(W + ) → Γ(W − ) ,
(17)
d + d∗ : Ω0 ⊕ Ω2+ → Ω1 ;
tous deux sont des opérateurs de type Dirac, pour lesquels on a une formule d’indice
sur les orbivariétés (voir par exemple [11]), qui se décompose en : 1) l’intégration d’une
forme différentielle sur la variété, qui donne, comme sur une variété lisse,
(18)
1
(c (L)2
4 1
− (2 eul M + 3 sign M )) ;
2) un terme concentré aux points singuliers : restreignons-nous au cas où l’on dispose
d’une structure presque-complexe J sur M , et où la structure SpinC est induite par un
23
fibré en droites complexes L, de sorte que W = Λ0,∗ (L), et L = KJ−1 ⊗ L2 ; on suppose
de plus que, au-dessus d’un point singulier, l’action du groupe Zk est triviale sur la
fibre de L ; alors il est facile de voir que les termes concentrés aux points singuliers dans
l’indice des opérateurs (16) et (17) sont égaux, si bien que l’indice est finalement donné
par (18). En particulier, dans le cas où la structure SpinC est induite par une structure
presque-complexe (L = 0), l’indice est nul.
La remarque dont nous avons besoin à présent est la suivante : supposons que $+
soit la partie autoduale d’une forme fermée $, représentant la classe de cohomologie
[$] ; comme
Z
1
2
(L − [$]) = 2 (iFA − 2π$)2
4π
Z
1
= 2 |iFA+ − 2π$+ |2 − |iFA− − 2π$− |2 ,
4π
si on a (L − [$])2 > 0, alors il n’y a pas de solution réductible (c’est-à-dire avec ψ = 0)
aux équations perturbées (15). On en déduit le lemme suivant.
Lemme 5.1. Si (L − [$])2 > 0, alors l’invariant de Seiberg-Witten SW[$] (L) obtenu
à partir des équations perturbées (15) est bien défini indépendamment de la métrique,
même si b+
2 (M ) = 1.
Bien entendu, dans le cas b+
2 (M ) > 1, cet invariant ne dépend pas de la classe [$].
Équations pour les métriques gj et convergence
Nous avons sur M une métrique cuspidale g, avec une suite de métriques gj sur
M , construites précédemment, qui s’approche de g (cette suite est construite sous une
hypothèse de régularité sur g, voir section 3).
Soit OΣ le fibré en droites complexes, dont la classe c1 (OΣ ) est le dual de Poincaré
de Σ ; soient η une 1-forme de connexion sur le fibré en cercles normal à Σ, ramenée
dans un voisinage tubulaire de Σ, et χ une fonction égale à 1 dans un voisinage de Σ
et 0 loin de Σ, alors la connexion (singulière) d + iχη sur le fibré trivial représente en
réalité une connexion lisse sur OΣ .
Par ce procédé, nous définissons pour chaque j une connexion sur OΣ : en utilisant
les notations de la section 3, nous définissons
Bj = d − iχj (∂t ϕj )ηj ,
comme, près de t = Tj , on a ∂t ϕj = −1, les Bj sont des connexions lisses sur OΣ ; quand
j tend vers l’infini, nous remarquons que les connexions Bj convergent sur tout compact
vers la connexion triviale, et les formes $j vers 0.
24
Le lemme suivant est clair.
Lemme 5.2. On a l’égalité
iF (Bj ) = χj
∂t2 ϕj
dt ∧ ϕj ηj + Fjb ,
ϕj
avec |Fjb | bornée indépendamment de j.
Nous démontrons à présent le théorème suivant.
Théorème B. Fixons une structure SpinC sur M , avec fibré L, une métrique cuspidale
g sur M = M − Σ, satisfaisant les hypothèses de la proposition 4.7 sur la courbure de
Ricci, avec sa suite de métriques gj sur M qui l’approchent. Soit (Aj , ψj ) une suite
de solutions pour les métriques gj aux équations de Seiberg-Witten perturbées (15),
avec perturbation $j = (i/2π)F (Bj ) (donc les [$j ] représentent le dual de Poincaré de
Σ). Alors, quitte à faire des changements de jauge, les (Aj , ψj ) convergent, de manière
C ∞ sur tout compact, vers une solution (A, ψ) aux équations de Seiberg-Witten non
perturbées (14) sur (M, g), telle que
1. A = A0 + a, où A0 est une connexion lisse sur le fibré L ⊗ OΣ−1 sur M , et a est
L2 , vérifiant d∗ a = 0 ;
2. |ψ| est bornée.
Bien entendu, les fibrés L et L ⊗ OΣ−1 coı̈ncident sur M = M − Σ, donc l’énoncé a
bien un sens.
Démonstration. Rappelons la formule de Lichnerowicz, essentielle pour contrôler les
solutions des équations :
2
DA
ψ
j j
=
∇∗Aj ∇Aj ψj
sgj
1
+
ψj + FA+j · ψj ;
4
2
compte tenu des lemmes 3.2 et 5.2, nous avons
sgj
1
ψj + FB+j · ψj = Pj ψj + Pjb ψj ,
4
2
avec Pjb un opérateur linéaire uniformément borné, tandis que
1 ∂ 2 ϕj
i ∂ 2 ϕj
Pj ψj = − χj t ψj − χj t (dt ∧ ϕj ηj )+ · ψj ;
2
ϕj
2
ϕj
nous savons que ∂t2 ϕj /ϕj reste bornée supérieurement, mais pas inférieurement : mais
il est facile de voir que pour la métrique dt2 + ϕ2j ηj + γj , la forme (dt ∧ ϕj ηj )+ agit par
25
multiplication de Clifford avec valeurs propres ±i, donc Pj agit avec valeurs propres 0
et −χj ∂t2 ϕj /ϕj , donc la partie négative des valeurs propres de Pj reste bornée inférieurement. De là on déduit, par le principe de maximum (voir [12]) que |ψj | reste bornée
par une constante indépendante de j.
L’équation sur la courbure nous indique alors |F + (Aj ) − F + (Bj )| ≤ c ; sur le fibré
L ⊗ OΣ−1 , définissons la connexion Cj = Aj − Bj , donc |F + (Cj )| ≤ c ; soit C0 une
connexion de référence sur L ⊗ OΣ−1 , écrivons Cj − C0 = αj + βj , avec αj une 1-forme,
gj -harmonique, et βj une 1-forme, orthogonale aux formes gj -harmoniques ; les formes
αj représentent des classes dans H 1 (M , R), sur lequel agit le groupe des composantes
connexes du groupe de jauge, qui est un réseau de H 1 (M , R) (même dans le cas d’une
orbivariété) : quitte à faire agir le groupe de jauge, on peut donc supposer que les classes
de cohomologie représentées par les αj restent bornées dans H 1 (M , R), ce qui implique,
par la proposition 4.4, que les αj aient une limite α, harmonique et L2 pour g ; d’autre
part, on peut supposer, par une transformation de jauge (dans la composante connexe
de l’identité), que d∗ βj = 0 ; comme d+ βj = F (Cj ) − F (C0 ) reste uniformément bornée,
on déduit de la proposition 4.7 que kβj kL2 (gj ) + k∇gj βj kL2 (gj ) reste bornée, ce qui permet
d’extraire une limite faible βj → β.
Finalement, la connexion Cj , après transformations de jauge, converge sur tout compact vers une connexion C = C0 + α + β ; comme les connexions Bj sur OΣ convergent
vers la connexion plate sur le fibré trivial, les connexions Aj convergent elles-mêmes vers
la connexion C0 + α + β sur L ⊗ OΣ−1 ; enfin, on peut de même extraire de ψj une limite
faible ψ et (A, ψ) vérifie à la limite les équations de Seiberg-Witten ; par ellipticité du
problème, la convergence est en réalité C ∞ sur tout compact.
Inégalité de Miyaoka-Yau
Il ne nous reste plus qu’à énoncer, dans le cadre des métriques ayant des cusps, les
résultats parallèles à ceux de LeBrun [13]. Compte tenu de la proposition 3.4, le théorème
qui suit donne exactement une inégalité de type Miyaoka-Yau pour une métrique cuspidale.
4
Théorème C. Soit M une orbivariété compacte, à singularités isolées de type C2 /Zk ,
J une structure presque complexe sur M , et Σ ⊂ M une collection de quotients de tores
par des groupes finis, telle que M = M − Σ soit lisse. Soit K le fibré canonique de J,
on demande que Σ vérifie la formule d’adjonction KΣ + Σ2 = 0 (ce qui est automatique
si Σ est J-holomorphe).
Si on a une métrique cuspidale g sur M , d’Einstein, et si l’invariant de SeibergWitten de la structure SpinC induite par J est non nul (si b+
2 (M ) = 1, il faut prendre
26
l’invariant SWP.D.Σ ), alors
(19)
eul M ≥ 3 sign M − Σ2 ,
avec égalité si et seulement si le revêtement universel de (M, g) est l’espace hyperbolique
2
complexe HC
, muni d’un multiple constant de sa métrique standard.
Remarquons que, par la proposition 3.4, l’inégalité (19) est équivalente à eul(M, g) ≥
3 sign(M, g), formulation plus proche de l’inégalité de Miyaoka-Yau connue. D’autre
part, rappelons encore une fois que eul M et sign M sont définis par l’intégration des
formes différentielles e(ḡ) et L(ḡ) d’une métrique lisse ḡ sur M .
Démonstration. Pour une structure presque complexe, le fibré L = K −1 satisfait L2 =
2 eul(M ) + 3 sign(M ) et, par la formule d’adjonction, LΣ = Σ2 , donc, par la proposition
3.4
(L − Σ)2 = 2 eul(M ) + 3(sign(M ) − 13 Σ2 )
= 2 eul(M, g) + 3 sign(M, g) ;
d’autre part, si g est d’Einstein, en notant W g son tenseur de Weyl,
Z
1
(sg )2
(20)
2 eul(M, g) ± 3 sign(M, g) = 2 2|W±g |2 +
4π
24
est strictement positif (sg ne peut s’annuler près de Σ pour une métrique cuspidale) ;
nous déduisons l’inégalité (L − Σ)2 > 0.
Appliquons maintenant le théorème B : nous obtenons une solution (A, ψ) aux
équations de Seiberg-Witten non perturbées, avec A = A0 + a, où A0 est une connexion
lisse sur L ⊗ OΣ−1 sur M et a est L21 . Cette solution ne saurait être réductible, à cause
de (L − Σ)2 > 0. En intégrant la formule de Lichnerowicz, on obtient l’analogue du
théorème 4 de [13], à savoir
Z
1
(sg )2 volg ,
2 eul(M, g) + 3 sign(M, g) ≤
32π 2
avec égalité si et seulement si g est Kähler-Einstein, par rapport à une structure complexe
dans la même classe que J. En comparant avec la formule (20) pour W−g , on déduit
l’inégalité eul(M, g) ≥ 3 sign(M, g), avec égalité si et seulement si on a en outre W−g = 0,
ce qui impose à la métrique d’être hyperbolique complexe.
27
Démonstration du théorème A
La démonstration du théorème A est à présent immédiate.
2
D’une part, par la proposition 1.1, un quotient de volume fini (M, g0 ) de HC
admet,
en rajoutant des quotients par des groupes finis de tores Σ, une compactification M
qui est une orbisurface complexe, admettant des formes de Kähler ; soit L = K −1 , on a
(L − Σ)2 = 2 eul(M, g0 ) + 3 sign(M, g0 ) > 0 par la formule (20), si bien que l’invariant de
Seiberg-Witten SWΣ (L) de la structure SpinC standard, avec perturbation représentant
Σ, est bien défini d’après le lemme 5.1 ; on peut le calculer en utilisant une métrique
kählérienne sur M , avec forme de Kähler ω vérifiant (3) : nous avons, compte tenu de
[ω0 ]Σ = 0,
[ω](K −1 − Σ) = ([ω0 ] − σΣ)(K −1 − Σ)
= [ω0 ]K −1 + σ(KΣ + Σ2 )
= [ω0 ]K −1
par la formule d’adjonction KΣ + Σ2 = 0 ; comme
Z
1
−1
[ω0 ]K =
sg0 ω0 ∧ ω0 < 0 ,
8π M
on a degω (L − Σ) < 0 ; on déduit de ce signe (voir [15]) que l’espace des modules
des équations de Seiberg-Witten perturbées (15) s’identifie à l’espace des modules des
couples (A0,1 , α), où A0,1 est une structure holomorphe sur le fibré en droites L0 =
L1/2 ⊗K 1/2 , qui est trivial, et α est une section holomorphe de (L0 , A0,1 ) ; la seule solution
est le fibré holomorphe trivial L0 = OM avec α sa section holomorphe standard, donc
SWΣ (L) = 1.
D’autre part, si on prend une autre métrique cuspidale g sur M , d’Einstein, on se
trouve dans le cas d’égalité du théorème C (puisqu’il suffit de calculer (19) en utilisant
la métrique g0 et la proposition 3.4), donc le revêtement universel de (M, g) est l’espace
2
hyperbolique complexe HC
. La conclusion est une conséquence du théorème de rigidité
de Mostow [14].
Références
[1] M.T. Anderson, Convergence and rigidity of manifolds under Ricci curvature
bounds, Invent. Math. 102 (1990), 429–445.
[2] G. Besson, G. Courtois, and S. Gallot, Entropies et rigidités des espaces localement
symétriques de courbure strictement négative, Geom. Funct. Anal. 5 (1995), 731–
799.
28
[3] O. Biquard, Fibrés de Higgs et connexions intégrables : le cas logarithmique (diviseur lisse), Ann. scient. Éc. Norm. Sup. 30 (1997), 41–96.
[4] P. Buser and H. Karcher, Gromov’s almost flat manifolds, Astérisque 81 (1981).
[5] J. Cheeger and D.G. Ebin, Comparison theorems in Riemannian geometry, NorthHolland 1975.
[6] J. Cheeger, K. Fukaya, and M. Gromov, Nilpotent structures and invariant metrics
on collapsed manifolds, J. Am. Math. Soc. 5 (1992), 327–372.
[7] P. Eberlein, Lattices in spaces of nonpositive curvature, Ann. Math., II. Ser. 111
(1980), 435–476.
[8] M. Gromov, Almost flat manifolds, J. Differ. Geom. 13 (1978), 231–241.
[9] E. Hebey and M. Herzlich, Harmonic coordinates, harmonic radius and convergence
of Riemannian manifolds, Rend. Math. Appl. (7), à paraı̂ tre.
[10] C. Hummel and V. Schroeder, Cusp closing in rank one symmetric spaces, Invent.
Math. 123 (1996), 283–307.
[11] T. Kawasaki, The index of elliptic operators over V-manifolds, Nagoya Math. J.
84 (1981), 135–157.
[12] P.B. Kronheimer and T.S. Mrowka, The genus of embedded surfaces in the projective plane, Math. Res. Lett. 1 (1994), 797–808.
[13] C. LeBrun, Einstein metrics and Mostow rigidity, Math. Res. Lett. 2 (1995), 1–8.
[14] G.D. Mostow, Strong rigidity of locally symmetric spaces, Annals of Mathematics
Studies 78 (1973).
[15] E. Witten, Monopoles and four-manifolds, Math. Res. Lett. 1 (1994), 769–796.
CMAT, URA 169 du CNRS, École Polytechnique, F-91128 PALAISEAU CEDEX
Courrier électronique : [email protected]
29