Christophe Smith Réalisateur

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Christophe Smith Réalisateur
Christophe Smith
Réalisateur
C. S. : Ah oui, surtout au début. Et puis je ne savais pas
trop tourner en mer, ni charger les caméras... J’attendais
que Kersauson dorme pour charger les caméras parce que
je mettais vingt minutes pour décharger et recharger les
magasins de l’Eclair, au début ! Donc je ne voulais pas qu’il
me voie passer un temps comme ça à charger ! Et puis j’ai
été sauvé par les petites Bell & Howell parce que c’était des
bobines plus faciles à charger, et c’était plus facile de cadrer
aussi… Après le film, la question était de savoir quoi faire de
mon avenir. J’hésitais entre aller vers le documentaire…
Entretien
Dominique Attal, Christiane Spièro
G. 25 I. : Tu avais quel âge ?
Réaliser un polar ?
Un huit clos ?
Un film de guerre ?
Un drame ?
Une comédie ?
C. S. : Vingt-six ans... J’avais un pote, un seul, qui était
assistant réalisateur, et comme j’adorais le cinéma, je
l’appelle et je lui dis : « J’ai envie d’apprendre le métier, tu
n’as pas un boulot de stagiaire ? » Il était en train de tourner
un film de cul avec un metteur en scène qui s’appelle Claude
Mulot. Et voilà, je me retrouve stagiaire, sur un film de cul...
(Rires). Mais avec un très bon réalisateur.
Autant de facettes, parmi tant d’autres, du
métier de réalisateur de fiction.
G. 25 I. : C’était l’époque charnière, juste avant le X. Il y a
avait des réalisateurs chevronnés qui se sont essayé au film
de cul.
Christophe Smith, réalisateur des Guignols,
nous raconte son expérience.
C. S. : Oui, et puis on tournait avec de vraies équipes de
cinéma. Le chef-op c’était Roger Fellous, il y avait un chef
déco, une scripte, une maquilleuse. Le scénario n’était pas
hyper-créatif mais quand même. Voilà, j’ai commencé comme
ça, et après j’ai été assistant. Mulot travaillait avec Lautner
sur des scénarios. Je rencontre Lautner, il me prend comme
deuxième, et de fil en aiguille je monte premier. Je travaille
beaucoup en pub comme premier, et puis à un moment je me
dis : « Ça y est, je suis prêt pour réaliser ! » Je devais avoir
tout juste trente ans, trente et un ans, et j’annonce à tout le
monde : « J’arrête d’être premier, je vais devenir réalisateur. »
Et voilà comment je suis devenu réalisateur.
Après des débuts de journaliste, puis de
documentariste, Christophe écrit et réalise des
courts et des longs métrages, des publicités
et des clips.
Depuis 1992, il collabore régulièrement aux
Guignols de l’Info et a réalisé plus de quatre
cents sketches.
G. 25 I. : Tu as commencé par la pub ?
C. S. : Non, la pub, on ne veut pas de toi si tu n’as rien fait...
Groupe 25 Images. : Comment es-tu devenu réalisateur ?
G. 25 I. : Et tu n’avais jamais tenu une caméra de ta vie ?
Christophe Smith : Ca a été un long parcours, parce que je
ne fais pas partie de ces gens qui se voyaient réalisateurs
très jeunes. J’ai débuté comme stagiaire, puis journaliste, à
la radio. Je faisais des reportages, mais au bout de quatre ou
cinq ans, je commençais à y voir quelque chose de routinier.
Je m’ennuyais un peu. J’avais deux passions depuis l’enfance :
le cinéma en tant que spectateur – mais je ne m’imaginais
pas une seconde travaillant dans ce métier – et la mer. Et un
jour, quand j’étais journaliste…
C. S. : Non. Juste une caméra 8 millimètres. Et il me dit :
« Je viens de signer un accord avec la SFP pour faire le film
de la course. Je dois embarquer un de leurs cadreurs, mais
si je leur dis que j’ai mon cadreur, ça devrait passer. » Il me
rappelle, trois jours après, et il me dit : « C’est bon, c’est réglé,
tu embarques ! » Et là, je me retrouve vraiment comme un
con, j’appelle deux copains caméramen à la télé, et je leur
explique... « Bon j’ai déjà utilisé une caméra 8, la photo je
connais un peu mais une caméra 16 millimètres, pas du
tout... » Heureusement, le caméraman de la SFP avait déjà
fait sa commande de matériel, parce que sinon... Il y avait
une Eclair 16, deux petites Bell & Howell mécaniques, et je ne
sais pas combien de mètres de pellicule mais une quantité
hallucinante, en négatif. Et tout s’est enchaîné comme ça.
J’ai un copain qui m’a prêté sa caméra et 30 mètres de
pellicule, et j’ai fait un bout d’essai sur le lac du bois de
Boulogne, avant de partir. Du genre, tu filmes des canards,
tu montes sur une barque, tu la fais bouger, et puis tu prends
des diaphragmes, tu développes et tu dis : « Bon ok, pour les
diaphragmes c’est bon. Et je suis parti. Ça a été une longue
aventure. J’ai monté le film, il a été diffusé, il a eu un grand
prix au Festival du film d’Aventure de La Plagne, et il a été
diffusé sur Antenne 2 un dimanche après-midi. Ce film faisait
une heure et demie. J’étais super content !
G. 25 I. : Tu étais à RTL ?
C. S. : Oui, à RTL. Et un jour, je vois qu’Olivier de Kersauson,
qui est le second de Tabarly à l’époque, a un projet de course
autour du monde, et qu’il est en train de préparer son bateau.
Et ça me démangeait, alors je lui dis : « Il faut que je te dise
un truc, mon rêve ce serait de partir faire la course avec toi. »
J’avais très peu d’expérience à l’époque. J’avais dormi une
fois en mer. Et c’était une course Londres-Sydney, SydneyLondres. Deux étapes, autour du monde. Mais bon, j’étais
persuadé que je pouvais le faire. Et Kersauson me dit, toujours
intéressé : « Pourquoi pas, si tu m’amènes quelque chose. »
Alors je lui dis : « J’ai plein de copains journalistes, il suffira
que j’appelle mes potes en leur donnant un bout d’article et ils
parleront de la course. » Un mois avant le départ, on déjeune
ensemble, et à un moment il me dit : « Est-ce que tu sais te
servir d’une caméra ? » Alors, pas l’ombre d’une hésitation,
au bluff, je lui dis : « Oui, bien sûr ! »
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La Lettre des Réalisateurs n° 36
G. 25 I. : Oui mais dans la mesure où tu n’avais aucune
expérience, il devait y avoir pas mal d’erreurs ?
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C. S. : Quand j’ai décidé de réaliser, il fallait que je trouve des
petits films institutionnels. Puis je repère un petit clip avec
Krootchey, un DJ qui voulait chanter. Il devait faire le clip avec
Mondino qui n’était plus libre, ou commençait à être très
exigeant financièrement. Moi je dis : « Attends, le clip je le
fais gratos. » Et je le fais, en réunissant une équipe d’enfer,
de gens qui avaient tous envie de faire un truc gratuit parce
qu’ils en avaient tous besoin. J’étais très copain avec François
Lartigue qui était premier assistant caméra, et je lui avais dit :
« Le jour où je passe réalisateur, tu deviens chef-op ! » Et donc
je lui ai dit de venir faire ce clip avec moi. Et le clip a fait un
vrai carton chez les directeurs artistiques de pub. La chanson
n’a eu aucun succès, mais le clip a fait le tour de toutes les
agences, et d’un seul coup, les gens se sont intéressés à moi.
Charles Gassot me faisait beaucoup bosser comme premier
assistant, mais pas comme réalisateur, jusqu’au moment
où les directeurs artistiques ont dit : « On a vu le clip de
Christophe, formidable, on veut le faire travailler... », et là j’ai
eu une grande période pub.
G. 25 I. : Tu devais très bien gagner ta vie ?
C. S. : Oui, je rattrapais pas mal d’années de galère, et en
plus c’était assez formidable parce que je tournais en
35 millimètres, j’essayais tout. Tu dis : « Je veux telle grue »,
tu as telle grue, tu veux telle caméra...Il y a de l’argent, alors
on y va, et puis tu choisis les chefs-ops avec qui tu as envie
de bosser, c’est un bonheur. Jusqu’au moment où je me suis
dit : je n’ai pas fait ce métier pour faire de la pub.
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G. 25 I. : Ça a duré combien d’années ?
C. S. : Jusqu’en 1991, 92, ça a duré six ans. Et comme je
fonctionne souvent comme ça, j’arrête tout... J’avais envie
d’écrire un film, un long-métrage anti-Le Pen, déjà, et je
cherchais avec qui l’écrire, et je repère, c’était vraiment les
tout début, Les Guignols : « Ils font des trucs drôles, leur
humour me plaît. » J’appelle Benoît Delépine, qui est hyperflatté parce que je suis le premier hors télévision qui l’appelle
pour lui dire : « C’est génial ce que vous faites ! » Et je
commence à lui parler de cette idée, ça le branche. Il amène
Jean-François Halin, on commence à bosser l’été, et puis ils
se rendent compte – et moi aussi d’ailleurs – que ce n’est pas
un boulot facile d’écrire un long-métrage. On avait une très
belle idée mais on ne savait pas comment finir.
G. 25 I. : Vous n’aviez jamais ni les uns ni les autres écrit de
long-métrage ?
C. S. : Non, jamais. On avait écrit la moitié du film, mais l’autre
moitié on ramait. Et Benoît et Jean-François me disent : « On
est emmerdés parce que l’aventure des Guignols ça nous
prend vraiment beaucoup de temps, on ne va pas pouvoir
continuer là-dessus », et puis ils me disent : « Par contre, c’est
vraiment sympa de bosser avec toi, on a un vrai problème
aux Guignols, on n’a pas de réalisateur de fiction, est-ce que
ça t’amuserait de venir faire une expérience avec nous ? ».
Je ne réponds pas oui tout de suite, parce que d’abord tu
te dis : « Putain, je vais bosser en vidéo... la honte... ! »
Je réfléchis trois ou quatre jours et je leur dis : « Ecoutez, si
je viens, on remet tout à plat, et puis on fait ça comme j’ai
envie de le faire », c’est-à-dire comme j’avais appris à le faire
en fiction.
G. 25 I. : Pourquoi ? Ça fonctionnait comment ?
C. S. : C’était un grand bazar. Les marionnettistes se géraient,
il y avait un directeur artistique qui gérait les voix et le reste,
les réalisateurs jouaient à presser sur les boutons et n’osaient
pas ouvrir leur gueule sur le jeu, parce qu’ils ne venaient pas
de la fiction. Et donc, je mets en place une méthode de travail,
qui est toujours à peu près la même.
G. 25 I. : Combien de temps à l’avance avez-vous les textes ?
C. S. : On a les textes le mercredi soir, le jeudi on a une réunion
avec les auteurs des textes, on échange nos points de vue
pour faire d’éventuelles petites modifications, ou on parle
des choses qu’on ne comprend pas bien, qu’il faut clarifier à
l’écriture. Vendredi, samedi, on fait nos découpages. Le lundi
matin, on a une réunion déco où on les briefe sur tous les
décors à construire... C’est le bureau d’Hollande, tu veux la
fenêtre à droite, la porte à gauche, ou la porte en face. Il y a
des centaines de décors créés depuis le début de l’histoire.
A chaque fois ce sont des feuilles qui sont repeintes,
redécorées.
Le lundi après-midi on a la réunion casting et costumes.
Casting de marionnettes, parce qu’on a pas mal de
marionnettes anonymes et les marionnettes connues
peuvent avoir un look un peu différent par rapport à une autre
série de sketches. C’est là que tu dis : « Pour faire M. Michel,
on lui met une barbe et des lunettes... » Tu choisis la tronche
qui te plaît et puis après tu l’habilles d’une barbe ou pas, de
cheveux blonds ou pas, tout ce que tu veux ! Derrière il y a
quand même quatre filles qui bossent sur les marionnettes et
quatre qui bossent sur les costumes. Il y a une petite usine,
avec un stock de costumes super-important, et on achète de
temps en temps quelque chose pour compléter. Quand on
doit faire Chirac en Super Menteur, il faut lui faire un costume
Super Menteur !
La Lettre des Réalisateurs n° 36
• 17
…entretien avec Christophe Smith…
C. S. : La quotidienne des Guignols ça dure entre huit et neuf
minutes. Les sketches, c’est entre une et trois minutes.
G. 25 I. : Et le coût d’un sketch ?
C. S. : Je suis incapable de répondre... Il y a une enveloppe
globale, attribuée chaque année aux Guignols, et après
la production se débrouille. Ils ont des contrats à l’année
avec Euromedia pour les plateaux et pour le studio de la
quotidienne. Tout ça est géré de façon assez formatée.
Par exemple il y a quelque chose qui est interdit, c’est de faire
des heures supplémentaires en tournage. Bon, s’il y a un
énorme incident exceptionnel...
G. 25 I. : Si tu as une panne caméra,
C. S. : Là, ça peut être accepté, mais autrement, un réalisateur
qui va dépasser régulièrement, il est vite éjecté.
G. 25 I. : Vous êtes combien de réalisateurs de fiction ?
C. S. : On est pas mal maintenant, on doit être une dizaine.
G. 25 I. : Et toi tu tournes combien de sketches par mois ?
C. S. : Moi je suis dans une situation un peu particulière parce
que quand je ne tourne pas de sketches, je remplace de temps
en temps le producteur sur la quotidienne. Mais c’est grosso
modo un tournage tous les deux mois.
G. 25 I. : Tu ne tournes pas de directs ?
Tournage Les Guignols Inglorius catho
Et après, le lendemain matin, donc mardi, tu enregistres les
voix, parce que tout est tourné en play-back. Tu enregistres
pendant deux heures les voix avec les imitateurs et les
acteurs, et avec le producteur artistique qui est là parce qu’il
y a une continuité sur les voix à gérer, surtout avec les jeunes
réalisateurs. Et puis après tu commences à réfléchir aux
effets spéciaux. Tu as des effets spéciaux en direct donc tu les
gères avec la déco, ou des effets spéciaux de postproduction.
Puis on a une préparation classique. Il y a un premier
assistant, un deuxième assistant, un régisseur-repéreur, une
scripte, une ou un stagiaire…
Les trois sont groupés : le poste montage, le poste graphisme
et le poste truquage, qui fait aussi étalonnage. La scripte reste
pendant tout le montage, donc tu fais faire un prémontage
par la scripte qui a noté tes choix de prises, pendant que tu
suis les autres opérations. Mais tu es vraiment obligé d’être
présent pour les trois postes, car les délais sont très courts.
Après, les mardis et mercredi suivants, tu fais la postprod
son. Là c’est plus léger, c’est sur deux jours. Comme les
voix sont enregistrées, on arrive avec un élément vierge de
son et on invente la totalité de la bande son et on fait de la
postsynchro si nécessaire.
G. 25 I. : Et là, une semaine s’est passée ?
G. 25 I. : C’est le même principe qu’en animation !
C. S. : Oui, le lundi suivant on est en tournage, pendant
quatre jours. Sur ces quatre jours en général, il y a trois jours
en studio et une journée en extérieur.
C. S. : Oui, là on a des équipes qui sont très rodées, et tu fais
les choix musicaux aussi, un ingé-son-mixeur, un assistant
chargé des recherches et du planning, plus le bruiteur.
En plus il y a un superviseur son, il nous aide dans les choix de
musiques, ou au moment du mixage définitif.
Et voilà, le mercredi on a fini nos sketches. Et le jeudi on
les présente. Il peut y avoir éventuellement des petites
rectifications. Un packshot qu’on change, une scène qui saute,
ou un dialogue dont on a envie d’améliorer la compréhension,
un petit défaut de mix, ce sont des détails mais il peut y avoir
des petites modifications à ce moment-là.
G. 25 I. : Et tu tournes combien de sketches ?
C. S. : Quatre, en général.
G. 25 I. : Tu tournes combien de minutes utiles par jour ?
C. S. : C’est très variable, parce que tu peux avoir un sketch
très compliqué qui te prend plus d’une journée et qui fait
quarante secondes, et d’autres fois tu peux faire un sketch
de deux minutes et demie, que tu fais dans la journée.
Donc moi je dirais qu’on est aux alentours d’une minute
trente, une minute quarante-cinq utile par jour, en moyenne .
G. 25 I. : Et tu choisis tes sketches... ?
C. S. : Non, tu n’as pas le choix. Le choix des sketches c’est un
choix éditorial. Tu as quatre sketches, d’autres fois tu peux en
avoir cinq ou trois parce que tu peux avoir un sketch hypercompliqué à tourner qui te prend deux jours, ou alors tu peux
avoir deux sketches très faciles à tourner qui prennent une
demi-journée chacun.
G. 25 I. : Et le vendredi suivant commence le montage ?
C. S. : Oui. Tu rentres en montage vendredi, samedi, lundi.
Tu fais montage, étalonnage et truquage en même temps.
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La Lettre des Réalisateurs n° 36
G. 25 I. : Alors à combien de semaines on arrive ?
C. S. : Trois semaines.
G. 25 I. : Comment peut-on coller à l’actualité, en ayant trois
semaines de délai avant la diffusion ?
C. S. : C’est parce qu’ils bossent plus sur des thèmes que sur
l’actualité. Par exemple les déboires de Sarkozy avec la justice,
ça collera chaque fois qu’il y aura une actualité judiciaire.
Il arrive d’ailleurs qu’on repasse des sketches qui ont deux
ans d’existence, parce que ça tombe pile avec l’actualité.
L’actualité pure, elle est traitée au quotidien.
G. 25 I. : Quelle est la proportion entre les sketches et
l’actualité dans une émission des Guignols ?
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C. S. : Je ne réalise pas de directs. Mais tu sais, le direct, Il y
a sept caméras. On a une grue... Le plateau est assez grand.
G. 25 I. : Sept caméras mais qui ne servent pas toutes en
permanence ?
C. S. : Oui, on ne prend que celles dont on a besoin.
Mais c’est une émission assez volumineuse. Alors le producteur
artistique est là au direct pour gérer l’enregistrement des
voix, la mise en scène des marionnettes, et superviser la
réalisation du direct.
G. 25 I. : C’est lui le responsable ?
C. S. : Oui, il y a une continuité à garder, les réalisateurs du
direct changent, il faut respecter une charte de réalisation.
Il ne faut pas rater les gros plans au moment où, pour que ce
soit drôle... Voilà, c’est un peu le rôle du producteur artistique.
G. 25 I. : Tu fais ça depuis 1992 ?
C. S. : Oui, j’ai arrêté un peu parfois, mais depuis 1992.
G. 25 I. : Et c’est toujours aussi excitant ?
C. S. : Oui, ce qui est fabuleux, c’est que tu as l’impression
de faire tes gammes en permanence aux Guignols, et de les
faire de manière extrêmement ludique. C’est un vrai défi de
raconter une histoire en une minute trente ou deux minutes,
et ce n’est jamais gagné. Ça m’est peut-être arrivé deux ou
trois fois depuis que j’en fais – j’ai dû faire plus de quatre cents
sketches – de me dire : « Ah, ça, je l’ai déjà fait comme ça... »
Pas plus. Et pas parce que je cherche à le faire différemment,
mais parce que l’histoire, il faut la tourner différemment...
Tu racontes Hollande dans son bureau, quelque soit l’histoire,
c’est une autre histoire, et donc, ce n’est pas la même façon de
la raconter. Ce qui est terrible parfois, c’est que tu lis quelque
chose qui te fait vraiment rire, et tu peux être hyper-déçu
et très en colère une fois le sketch monté. Parce que tu n’as
rien apporté de plus au texte, ou parce que c’est plus drôle
à lire qu’à voir ? Tu te poses forcément plein de questions.
Inversement, quelque chose qui ne te paraît pas drôle, peutêtre que parce que tu cogites plus, tout à coup à l’arrivée tu es
surpris de voir à quel point ça peut te faire rire. Tu n’es jamais
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rassuré avant de tourner, tu te demandes en permanence ce
que tu peux faire, ajouter, dire aux interprètes pour apporter
un petit plus à ton sketch.
G. 25 I. : Et, il y a des sketches qui ne sont pas diffusés?
C. S. : Non, enfin, moi ça m’est arrivé une fois, dans toute ma
carrière. C’était un sketch cauchemardesque à tourner, parce
qu’on tournait à Levallois en extérieur, en pleine tempête.
C’était l’inauguration de la statue du général de Gaulle, et il
y a avait Philippe Séguin qui était candidat à l’époque, à la
mairie de Paris, qui venait à l’inauguration. Le sketch terminé,
au moment de l’inauguration de la statue – c’est pour ça
qu’il ne faut pas anticiper l’actualité – Séguin n’est pas venu.
Donc le sketch est allé direct à la poubelle.
G. 25 I. : Donc tu n’étais pas responsable.
C. S. : Non ! Après, il y a des réalisateurs qui ne restent pas
longtemps. Soit parce qu’ils n’entrent pas dans le moule, soit
parce qu’ils n’ont pas compris comment faire de la comédie.
Ce n’est pas évident !
G. 25 I. : Oui. Le ton Guignols n’est pas facile à attraper,
jusqu’où peut-on aller...
C. S. : Ce qui est difficile, c’est comment ne pas rater les
moments qui sont drôles. Et parfois c’est vraiment une
histoire de valeur de plan. Tu peux te dire : « Ah, c’est très joli
ma mise en scène, c’est vachement bien ! », tu fais bouger les
gens, tu fais un joli plan-séquence, c’est très bien, et puis tu
arrives au montage et tu te dis : « Putain, c’est pas drôle ! »
Du coup tu ravales ta fierté, tu montes un ou deux gros plans
que tu as tournés en couverture, et ça marche… Le rythme et
les gros plans sont indispensables en comédie.
G. 25 I. : Tu tournes en mono-cam ou en bi-cam ?
C. S. : Mono-cam, toujours. A un moment on a tourné en
bi-cam, j’ai essayé, et je trouvais que ça ne servait à rien.
Et surtout ça ne sert à rien avec les marionnettes, parce les
marionnettes sont des gros machins que les marionnettistes
portent au-dessus de leurs têtes, à deux. Il y en a un qui fait
les mains, et l’autre qui tient et fait bouger la tête, et eux,
évidemment, ils sont obligés d’avoir un retour pour se voir
jouer, comme s’ils étaient devant un miroir, et donc s’il y a
deux caméras ça devient plus compliqué à gérer, et puis pour
la lumière aussi parce que déjà que deux caméras avec des
acteurs ce n’est pas très facile, mais avec les marionnettes
pour leur donner un peu de vie il faut travailler la lumière,
et donc quand tu es dans des axes un peu différents ça
fonctionne moins bien. On a trouvé qu’en mono-cam, ça
allait plus vite finalement.
G. 25 I. : Les marionnettistes ont un synchronisme parfait,
pourtant ils ne connaissent pas le texte par cœur ?!
C. S. : Oui, c’est comme un chanteur qui fait un play-back
sur sa chanson. Ils écoutent le texte et ils le mémorisent, et
puis ils ont un texte écrit aussi, mais certains ont une supermémoire. Ils retiennent leurs quatre répliques et ils le font
comme ça, en parlant eux.
G. 25 I. : Ton expérience est pour nous très intéressante, parce
que notre métier de réalisateur ne se borne pas à tourner des
séries ou des unitaires, il y a Les Guignols, mais aussi le docufiction, l’animation, le documentaire, le clip, etc.
C. S. : Il y a un truc qui est absolument formidable aux
Guignols, c’est qu’on a une liberté qui vaut tout l’or du monde.
Il y a de temps en temps le producteur artistique qui passe
pour vérifier qu’il n’y a pas une grosse bêtise de faite, mais
autrement, on a une liberté de travail formidable.
La Lettre des Réalisateurs n° 36
• 19
…entretien avec Christophe Smith...
G. 25 I. : S’intégrer à l’équipe des Guignols ce n’est pas facile ?
G. 25 I. : Tu montes sur une échelle ?
C. S. : Ce n’est pas facile du tout.
C. S. : Au début tu es archi-paumé ! Après tu arrives à
transposer, au bout d’un certain temps, alors ta caméra te
sert de chercheur de champ. Et l’autre chose, c’est que tu as
deux marionnettistes sous une marionnette. Donc tu as deux
marionnettistes à diriger, et c’est compliqué. Moi, je me suis
très vite habitué à m’adresser à la marionnette et pas aux
marionnettistes. Comme ça, ils se débrouillent entre eux pour
analyser la demande.
G. 25 I. : Il y a beaucoup de déchet dans le choix des
réalisateurs ?
C. S. : Il y en a eu, mais maintenant il y a une fidélisation
avec ceux qui fonctionnent très bien. Il y a eu un nouveau qui
est arrivé il y a deux ans, c’est à peu près tout. On est déjà
dix quand même donc on ne va pas en faire entrer plus, mais
s’il y a un départ, il y a un nouveau qui rentre. Et puis, à un
moment c’est bien d’avoir un rapport de fidélité, ça rassure
tout le monde.
G. 25 I. : Donc quelque part, tu es un réalisateur rassuré ?
C. S. : La dernière fois que j’étais un réalisateur rassuré c’était
à la fin du mois de juin de l’année dernière, tu es en vacances,
et puis tu apprends que les Guignols c’est terminé... ! (Rires).
Mais si je fais une série de sketches ratés, je le paierai, c’est
sûr ! Parce que c’est normal. Il y a une vraie exigence de
qualité dans cette émission, et c’est une exigence partagée
par tous. Sauf pour des questions de budget, personne ne
t’empêchera d’être exigeant.
G. 25 I. : Tu es angoissé avant de tourner ?
C. S. : Oui. J’angoisse la nuit moi. En tournage je dors trois,
quatre heures par nuit, pas plus, je ne peux pas ! Après, sur le
plateau, je suis relativement comme je suis là, calme, et puis
j’ai un très bon rapport avec l’équipe, à partir du moment où
les gens travaillent correctement. J’ai des très bons rapports
avec les marionnettistes qui sont des interprètes formidables.
Il y a une chose qui est très étrange aux Guignols, tu arrives
dans un monde qui est 60 centimètres au-dessus du sol.
Tout, les marionnettes, les décors. Donc toi, tu ne peux pas
voir...
G. 25 I. : En fait tu fais une vraie direction d’acteurs avec les
marionnettes ?
C. S. : Oui, vraiment. Ca fait rire certaines personnes,
mais eux, ils le comprennent très bien. Je peux leur parler
du personnage, ils adorent ça, et tu le retrouves sur la
marionnette. Ils ont une sensibilité d’interprètes, vraiment.
Et je fais un casting de marionnettistes. C’est-à-dire qu’en
fonction du sketch et de ce que la marionnette a à jouer, je
peux prendre un marionnettiste ou un autre.
G. 25 I. : Parce que tu connais très bien toute l’équipe.
C. S. : Choisir les marionnettistes, c’est une des choses que
j’ai installées quand je suis arrivé, et qui a été très mal pris
par certains anciens. Après ils ont compris que c’était dans
leur intérêt à tous. Il faut qu’ils apportent de l’émotion aux
marionnettes et ils y arrivent très souvent.
G. 25 I. : Tu as arrêté les Guignols au bout de quatre ans pour
faire ton long métrage ?
C. S. : Oui. Avec Benoît Delépine, on s’est dit qu’il fallait
absolument qu’on fasse autre chose que Les Guignols
ensemble, et on a fait deux courts-métrages, et puis est
arrivé le long-métrage. Ça a commencé sans moi. Benoît et
Charles Gassot ont travaillé ensemble sur le scénario. Ça a
pris du temps, ça a été compliqué, et ils sont arrivés à un
scénario sur lequel ils étaient d’accord tous les deux. Et à ce
moment-là, Benoît m’a appelé, il m’a dit qu’il avait envie que
ce soit moi qui le réalise, et qu’il fallait que je me mette dans
la tête qu’on ne toucherait pas au scénario, parce que ça avait
été un long processus, difficile, avec Charles, pour se mettre
d’accord. Donc voilà, je suis entré dans l’aventure comme
dans un film de commande, et ça a été une belle aventure,
avec des déceptions, avec des satisfactions, avec des grands
moments de plaisir...
G. 25 I. : Avec une distribution magnifique et internationale !
C. S. : Oui, formidable ! Au départ on voulait faire un film sans
argent, mais avec un producteur qui ne peut pas faire un film
sans argent… Donc à ce moment-là, j’ai commencé à faire un
casting américain, mon casting rêvé. Victoria Principal avait lu
et accepté. Les autres, c’était plus compliqué. A un moment,
j’ai même envoyé le scénario à Charlton Heston (rires), quand
il a lu ça, il est devenu vert ! C’était tellement anti-américain
qu’il ne pouvait pas supporter ! Et puis je me suis retrouvé
quand même avec Mickey Rooney et Elliott Gould qui est une
idole absolue pour moi, et c’était absolument formidable !
L’aventure américaine a été formidable, Madagascar, ça
a été formidable, mais vraiment de la pure aventure parce
que c’était très très lourd. Et donc le film est sorti l’année
de la Coupe du monde de foot, dans un moment où les
films se précipitaient pour sortir avant le mois de mai, parce
qu’après c’était foutu ! Nous on voulait faire un film en VO,
le distributeur ne l’a sorti partout qu’en VF. Il l’a vu comme
un film plutôt banlieue, nous on le voyait plutôt comme
un film parisien. Et puis, le film avait des défauts aussi !
Mais toujours est-il que par rapport à ce qu’il a coûté, on n’a
pas fait un gros score. On a fait quoi, 300 000... Et j’ai mis un
an et demi pour m’en remettre...
G. 25 I. : Comme toutes les sorties cinéma qui ne marchent
pas ! Qu’est-ce que c’est dur !
C. S. : Ensemble on a défini la philosophie de notre vin.
Je descends deux fois par an pour tailler la vigne et vendanger,
deux étapes essentielles. On a un viticulteur qui s’occupe de
l’entretien courant. Il faut vérifier qu’il n’y ait pas de problèmes
de maladies ou de choses comme ça, et puis on héberge
notre cuve chez lui. Et il y a un de nos associés viticulteur qui
s’occupe de la vinification avec mon frère.
C. S. : La mer, toujours la mer. J’avais envie de faire une
fiction, un huis-clos entièrement en mer. C’était un gros défi,
et ça ne s’est pas fait, il s’en est fallu de très peu... Pour le
coup j’ai eu du mal à m’en remettre ! Mais je crois qu’il faut
que j’oublie la mer au cinéma, parce qu’il y a un vieux dicton :
« Qui touche à la mer, touche à la merde ! » Je voulais faire
un documentaire sur le Vendée Globe, mais à travers un
marin, que j’avais choisi, Marc Guillemot, un type formidable,
qui me dit : « OK, d’accord ! » L’idée, c’était que je le filme
pendant six mois avant son départ, j’installe des caméras sur
son bateau, des caméras automatiques, et lui il s’engage à
se lâcher complètement, et à me faire confiance. Je trouve
un producteur, hyper-enthousiaste qui dit : « On y va »,
et arrivé au départ, il n’avait pas trouvé l’argent. Il me dit :
« Ne t’inquiète pas, on en est au départ, on le fait quand
même, je trouverai de l’argent, à un moment ou à un autre. »
On le fait, avec les moyens du bord. Marc Guillemot prend
le départ du Vendée Globe, c’était son deuxième Vendée,
il avait un super-bateau, tout avait l’air verrouillé. Il ne lui
arrive jamais rien, enfin quand il lui arrive quelque chose, il
ramène toujours le bateau, et quatre heures après le départ,
il perd sa quille... La quille qui était là depuis un an sur le
bateau, et donc là, c’est le cauchemar !
G. 25 I. : Et que tu présentes à l’avance sur recettes ?
C. S. : Non ! Je suis fâché avec l’avance sur recettes, depuis
le début. Quand tu es un réalisateur avec un CV publicitaire..
Et puis après, quand tu travailles pour Canal +, c’est pas la
peine.
www.groupe25images.fr
G. 25 I. : Dans le groupe, il y a deux réalisateurs, Laurent Lévy
et toi. Comment vous faites par rapport à votre métier ?
G. 25 I. : Tu n’as jamais essayé d’aller vers les unitaires,
la série ?
C. S. : J’ai un sentiment de quelque chose qui n’est pas
accompli en long-métrage. Je n’ai pas fait mon film et j’ai
envie d’en faire un, qui soit mon film, au moins un. Après, il
marche, il ne marche pas… J’ai fait une aventure qui m’a plu
en long-métrage, mais ce n’était pas mon film complètement,
c’était un film de commande. Et donc j’ai envie de faire mon
film. Ça fait quand même trois scénarios que je fais, que je
co-écris.
La Lettre des Réalisateurs n° 36
C. S. : Le vin, c’est une vieille histoire. J’ai un frère qui est
journaliste spécialisé dans le vin. il a trouvé une vigne, on
a fait un groupe, trois Perpignanais, trois Parisiens, que des
gens bien, et puis voilà !
G. 25 I. : Vous en vendez beaucoup ?
G. 25 I. : C’est sûr, on te regarde avec envie et on trouve que
tu travailles dans un univers assez privilégié. Ceci dit quand
on regarde ton site, on voit que tu développes une série sur la
correspondance dont on peut voir le pilote et que tu as en tête
un nouveau long-métrage?
20 •
G. 25 I. : Et le vin au milieu de tout ça ?
C. S. : Oui, j’ai eu du mal après... Mais je suis retourné voir
Les Guignols et ils m’ont pris. Et puis j’ai continué à essayer
de développer des projets de films. J’étais plus intéressé par
le cinéma que par la télévision, parce que Les Guignols me
plaisaient tellement que je n’avais pas envie d’aller vers autre
chose à la télévision.
C. S. : Non, jamais, et puis en vous entendant, je me dis que
je suis très heureux là où je suis ! Pourquoi quitter ce monde ?
Avant de passer au maquillage
Christophe cadre à l'épaule
www.groupe25images.fr
C. S. : On a une production de 2 000 bouteilles, donc il faut
qu’on en vende 1 500 à peu près, chaque année. Je dois
admettre que Laurent est un bien meilleur vendeur que moi…
G. 25 I. : Et tes autres passions ?
La Lettre des Réalisateurs n° 36
• 21
…entretien avec Christophe Smith
G. 25 I. : Si demain on te propose d’initier une série
de fiction pour la télévision ?
Publications de
réalisateurs
C. S. : Ça m’amuserait, oui.
G. 25 I. : Si on te propose de faire les énièmes
épisodes d’une série existante ?
C. S. : Je dirais : « Je veux voir dans quelles
conditions ça se passe », et aussi les conditions
humaines, parce qu’il y a quelque chose que je ne
peux pas supporter, ce sont les rapports imbéciles.
G. 25 I. : Qu’est-ce que tu aimes le plus ? La
préparation, le tournage, le montage ? Enfin, est-ce
qu’il y a des moments que tu privilégies ?
C. S. : J’aime beaucoup le travail d’équipe. C’est
aussi pour ça que je suis réalisateur, parce qu’on
peut partager des choses et créer en groupe. Après,
il n’y a pas une étape que je n’aime pas dans la
fabrication d’un film. J’aime bien la préparation
parce que tu es dans une vraie recherche, « en
prévision de », j’adore le tournage aussi car tu es dans un
autre travail de création, un travail avec les comédiens mais
aussi dans un travail visuel. J’adore le visuel : j’adore travailler
les lumières, le décor, les couleurs. Je suis un réalisateur qui
échange énormément avec les chefs-opérateurs, je peux
leur dire très facilement, et ils ne le prennent jamais mal, de
baisser tel ou tel projecteur, d’augmenter, ou de mettre une
petite face là... J’adore les comédiens aussi, ils ne me font
pas peur, j’ai un rapport très naturel avec eux. On se parle
comme dans la vie. Au début c’est un peu déroutant pour eux,
et puis après je leur dis : « Ne vous inquiétez pas, quand je
dis: c’est pas mal, ça veut dire quand même que c’est bien. »
Et puis, j’ai appris à bien aimer le montage, parce que j’ai
compris à quel point c’était une dernière étape d’écriture, et
qu’elle était passionnante. Et j’aime bien le son. Vraiment,
j’adore mon métier parce que j’aime tout dans ce métier.
Tout ! Un film, c’est comme si je partais faire une traversée
avec un équipage sympathique. Quand j’ai fait mon longmétrage, qui était quelque chose d’assez dur parce qu’il y
avait tournage à Paris, à Madagascar, à Miami.
Philippe Carrèse
Williams Crépin
La légende Belonore
Philippe Carrèse
Editions de l'Aube
Passionnant, on ne le lâche pas !
Une pose en tournage
Je n’avais jamais tourné aussi longtemps ! Je m’étais
vraiment projeté dans un tour du monde en bateau. Alors, tu
passes le cap de Bonne-Espérance après le tournage parisien,
le cap Horn, c’est après le tournage malgache, et la remontée
de l’Atlantique c’est après le tournage à Miami, et voilà !
Et franchement, au bout de trois mois, j’aurais pu continuer
encore pendant un mois, ça ne m’aurait pas dérangé. A un
moment ça devient comme quand tu es en mer ! Une fois
que tu es amariné tu te dis : « Qu’est-ce qu’on est bien
dans ce petit monde, à nous... » Non, moi j’adore faire des
films... Après, il faut que l’équipage soit à la hauteur, et que
l’armateur ne fasse pas chier. (Rires)
Il y avait Volturno Belonore, le patriarche. Mais aussi ses fils, Marzio le virtuose et
Lucio l'ingénieur paralytique. Et Vittoria, la fille de Marzio élevée par Volturno comme
sa propre fille. Et Addolorata, la confidente fidèle. Et puis, il y avait les libérateurs, ces
américains tant espérés et tellement haïs. Et aussi d'autres américains, les exilés de
la génération précédente, Valentina Masarelli, sa fille Magda, sa recherche éperdue
pour retrouver son fils. Il y avait son fils, justement. Carlo Ceserano, le photographe
marseillais parti se réfugier au bout du monde, dans la vallée du Scavone. Il y
avait surtout Tancredi Crevalcore, le condottiere animé par un désir de vengeance
imprescriptible. Il y avait quelques personnages picaresques, il y avait l’Italie de
l'après-guerre, mais aussi le jazz cool des yankees bedonnants et le swing douceâtre
des texans maladroits. Et puis, surtout, il y avait cette voute de béton à l'entrée des
gorges du Scavone, ce barrage maudit dont la seule utilité restait d'engloutir à jamais
le village de San Catello, ses derniers occupants et leur mémoire.
Après Virtuoso Ostinato et Retour à San Catello, La légende Belonore conclue la
trilogie lombarde de Philippe Carrese, la saga de la tribu Belonore qui croise les
destinées de ses personnages sur un demi-siècle d'histoire contemporaine, en Italie,
en France et en Amérique.
Entretien réalisé à Paris le 25 mars 2016
Le fantôme du Gois
Williams Crépin
A l'heure où nous imprimons, Vincent
Bolloré s'est séparé d'Yves Le Rolland,
talentueux directeur artistique des
Guignols depuis plus de vingt ans.
Editions Le Geste noir
Une autre histoire commence donc
pour cette émission culte, et pour
l'instant nous sommes dans l'attente
d'information quand à son avenir...
Cécile et Michel sillonnent les routes de France dans leur antique fourgon aménagé
en camping-car. Cécile, ex-documentaliste en collège-lycée, anime un blog : « Les
chemins de traverse », qui propose des guides et des anecdotes historiques sur les
régions visitées. Michel se vend comme « mari à louer » en quête de petits boulots
rémunérateurs. Cécile est une habituée des clés USB, alors que Michel préfère celles
à molette.
Williams a publié le premier tome d'une série qui promet !
Cette première aventure conduit notre couple sur l’île de Noirmoutier. Tandis que
Cécile rencontre Marie- Louise de Cussy, dernier témoin du tragique naufrage du
Saint-Philibert qui a coûté la mort à 500 ouvriers socialistes et laïcs en 1931, Michel
est embauché comme aide paludier dans les marais salants.
Un viol a lieu dans les dunes. L’enquête débute, réveillant de vieilles croyances...
Direction de marionnettes
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La Lettre des Réalisateurs n° 36
www.groupe25images.fr
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La Lettre des Réalisateurs n° 36
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