Méthodologie et intérêts des groupes de discussion focalisés pour l

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Méthodologie et intérêts des groupes de discussion focalisés pour l
Méthodologie et intérêts des groupes de discussion focalisés pour l’anthropologie biologique
Priscilla DUBOZ, Enguerran MACIA
Mots-clés : focus groups, anthropologie biologique, qualité de vie, Afrique
Dans les études anthropobiologiques, la mesure est bien souvent la
règle. Crânes, os longs, plis cutanés, force de préhension, mais aussi
activité physique, auto-évaluation de la santé, bien-être subjectif…
Tout peut, et surtout doit, être mesuré, calculé et catégorisé afin de
fournir la vision la plus objective possible de l’homme. L’anthropologie
biologique n’est pas seule à s’inscrire dans cette tendance positiviste
puisque l’ensemble des sciences biomédicales, la psychologie sociale
et certains courants de la sociologie sont également dominés par cette
« raison calculante » (Boëtsch et Chevé, 2006).
Ainsi en anthropologie biologique, les thèmes de recherche sont
généralement traités en soumettant les hypothèses à l’épreuve des
chiffres et des analyses statistiques. Réalisées sur des échantillons
représentatifs des populations, ces études ont souvent recours à
l’utilisation de mesures anthropométriques, biologiques et d’échelles
« validées », qu’elles soient psychosociales ou de santé.
Au moment de la rédaction du questionnaire se posent alors deux
principales questions d’ordre méthodologique : quelles échelles
et quelles mesures utiliser ? Sont-elles adaptées à la population
d’étude ? Ces questions sont d’autant plus importantes pour
l’anthropologue travaillant en contexte non occidental que la quasitotalité de ces échelles et mesures ont été développées en Europe
ou en Amérique du Nord. Ainsi, lors d’études nouvelles réalisées
en Afrique de l’Ouest par exemple, il est indispensable d’avoir une
bonne compréhension des notions étudiées avant de procéder à
leur mesure. C’est alors qu’une démarche qualitative s’impose, à
la fois comme préalable nécessaire à la mesure adéquate des
notions étudiées, mais aussi comme alternative épistémologique
indispensable à la compréhension de ces notions en milieu
Ouest Africain.
Parmi les méthodes qualitatives les plus utilisées, les
groupes de discussion focalisés ou focus groups paraissent
particulièrement adaptés à la démarche anthropobiologique.
L’anthropologie du vivant : objets et méthodes - 2010
Nous détaillerons ici cette méthode et illustrerons ses intérêts à
travers une étude réalisée sur la qualité de vie à Dakar, capitale du
Sénégal (Macia et al. 2010).
Définition, avantages et inconvénients des focus groups
Le groupe de discussion focalisé peut être défini comme « une
technique d’entrevue qui réunit de six à douze participants et un
animateur, dans le cadre d’une discussion structurée, sur un
sujet particulier » (Geoffrion 2003). Cette technique repose sur la
dynamique de groupe, sans chercher à faire valoir un point de vue. Il
ne s’agit pas d’imposer un questionnaire précis aux individus réunis,
mais de leur donner l’occasion d’exprimer leurs représentations de
la réalité sociale. Ces entrevues de groupes sont principalement
employées pour (1) identifier les dimensions d’une notion peu
étudiée dans un contexte social et environnemental particulier (par
exemple, les dimensions de la qualité de vie subjective à Dakar),
(2) construire et/ou valider des questionnaires (en réunissant, par
exemple, un comité d’experts), (3) identifier les principales questions
de recherche à approfondir, (4) confirmer des hypothèses (Morgan
1988).
Dans le champ de la qualité de vie, les deux méthodes qualitatives
les plus répandues sont les entretiens semi-directifs (e.g. Rubin,
Rubin 1995) et les groupes de discussion focalisés (e.g. Morgan,
Krueger 1993). Cette dernière méthode a été retenue dans nos
travaux de recherche sur la qualité de vie au Sénégal pour plusieurs
raisons (Macia et al. 2010).
Tout d’abord, l’avantage principal des focus groups est que cette
méthode est la seule à permettre les interactions entre participants,
favorisant ainsi la confrontation de leurs opinions et de leurs
expériences personnelles. Selon Poupart (1997), ces entrevues de
groupe créent des situations propices à l’émergence de discours
spontanés. Elles permettent au chercheur d’accéder à une grande
richesse narrative en un temps relativement restreint (e.g. Lehoux
et al. 2006), tout en lui laissant la possibilité de garder une position
de recul nécessaire à tout effort d’objectivation. Enfin, les groupes
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Méthodologie et intérêts des groupes de discussion focalisés pour l’anthropologie biologique
de discussion focalisés constituent une méthode tout à fait appropriée
à l’exploration de thématiques peu étudiées (Bender, Ewbank 1994),
telle que la qualité de vie subjective à Dakar.
Cependant, comme toute méthodologie, les groupes de discussion
focalisés présentent également des inconvénients. Ainsi, la dynamique
de groupe peut parfois ne pas être favorable à la pertinence des
échanges. Certains participants peuvent, par exemple, être réticents à
s’exprimer ; d’autres peuvent avoir tendance à imposer leur point de vue ;
d’autres enfin peuvent constamment se rallier à la majorité (Geoffrion
2003). En outre, selon l’expérience et l’habileté de l’animateur, ce dernier
peut influencer la dynamique de groupe par sa manière de formuler les
questions de relance ou en introduisant ses opinions personnelles. Afin
de limiter ces biais, il convient d’attacher une importance particulière
au recrutement des participants, au déroulement des entrevues (prise
de parole par chaque participant) et à la neutralité de l’animateur en
utilisant des techniques non-directives et de reformulation.
Méthodologie des focus groups
>La constitution des groupes
La préparation d’un groupe de discussion focalisé doit tenir compte
de trois facteurs déterminants : la durée de l’entrevue, le nombre de
groupes et de participants et les relations (ou absence de relation)
préalables entre les participants. Notons dès à présent qu’un
groupe de discussion focalisé n’est jamais suffisant puisque la
dynamique d’un seul groupe ne peut répondre aux objectifs de
l’ensemble d’une recherche.
Selon la plupart des auteurs, la durée optimale d’un focus group
se situe entre une et deux heures (e.g. Morgan 1988 ; Geoffrion
2003), cette durée permettant aux participants de trouver leurs
marques les uns par rapport aux autres sans que la lassitude
ne se fasse sentir. Par ailleurs, il est admis que l’effectif idéal
d’un groupe de discussion focalisé se situe entre six et huit
participants, ceci permettant à chaque individu de participer
L’anthropologie du vivant : objets et méthodes - 2010
activement à la discussion et à cette dernière de rester construite et
organisée (Morgan 1998). Cependant, concernant des recherches
portant sur des populations peu étudiées, certains auteurs suggèrent
de constituer des groupes d’une dizaine de personnes environ
(Bender, Ewbank 1994) alors que d’autres préfèrent constituer des
groupes plus restreints (e.g. Amiga et al. 1992). Ainsi, pour notre
étude chaque groupe de discussion focalisé comprenait entre 5
et 6 participants. Enfin, bien que certaines thématiques puissent
conduire les chercheurs à constituer des groupes de discussion
dans lesquels les individus se connaissent, le plus souvent, l’inverse
est recommandé (Geoffrion 2003).
La question de l’hétérogénéité ou de l’homogénéité des groupes de
discussion focalisés reste encore débattue dans la littérature (Morgan,
1998). Ce choix dépend à la fois de la thématique de recherche et
du contexte social dans lequel se situe l’enquête. Au Sénégal par
exemple et pour notre thématique, compte tenu du fonctionnement
de la société – domination des hommes sur les femmes, des aînés
sur les cadets (Balandier 1974 ; Ndiaye, Ayad 2006) – les groupes
de discussion focalisés doivent être constitués de manière à être
homogènes en genre et en âge. Par ailleurs, afin de stimuler des
discussions entre individus partageant des conditions matérielles
similaires, nous avons également préféré distinguer les catégories
socioprofessionnelles (élevée/faible). Ainsi, dans les enquêtes
menées à Dakar, huit groupes de discussion homogènes en âge,
genre et CSP ont été constitués afin d’étudier les dimensions émiques
des concepts de qualité de vie dans cette population.
>Le déroulement des entretiens
Lors des entretiens, une attention particulière doit être portée à la
création d’un climat de confiance avec les participants. Il est par
exemple nécessaire de leur signifier, avant le début de la discussion,
qu’ils sont les pourvoyeurs de savoir, qu’il n’y a ni de bonnes ni de
mauvaises réponses et qu’ils peuvent donc s’exprimer en totale
liberté.
Par ailleurs, durant les groupes de discussion, le rôle de l’animateur est
primordial. C’est en effet à lui que revient la responsabilité d’orienter
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Méthodologie et intérêts des groupes de discussion focalisés pour l’anthropologie biologique
et de relancer la discussion. Pour cela, certains auteurs suggèrent de
préparer préalablement un guide d’entretien (e.g. Bender et Ewbank,
1994). L’animateur est le plus souvent secondé par un observateur,
notant les comportements non verbaux et vérifiant le bon fonctionnement
des enregistrements. Chaque groupe de discussion focalisé doit être
enregistré et retranscrit dans son intégralité.
Pour terminer notons que, théoriquement et dans le milieu de la recherche,
les participants contribuent gratuitement à ces entrevues de groupe.
Dans notre étude nous avons uniquement dédommagé les participants
pour leurs frais de transport.
>Méthodes d’analyse des données
Diverses méthodes permettent d’analyser les discours recueillis par
focus groups, notamment l’interactionnisme symbolique (Mead 1934),
la grounded theory (Glaser, Strauss 1967) ou encore la méthode
d’analyse qualitative thématique développée par Mason (1996). Nous
ne détaillerons ici que cette dernière méthode, particulièrement adaptée
à l’identification des dimensions d’une notion ou d’un concept que l’on
souhaite par la suite mesurer.
Cette méthode analytique est constituée de deux phases. La première
phase concerne l’identification des thèmes; la seconde est interprétative
et conceptuelle.
-Analyse thématique
Cette phase de l’analyse comprend plusieurs étapes. Tout d’abord,
à partir des verbatim obtenus, les thèmes – ici, les dimensions
émiques de la qualité de vie – doivent être identifiés par lecture
et relecture des entretiens. Deux chercheurs travaillent alors
indépendamment, identifiant et nommant les dimensions dans les
discours. Ce processus est dénommé indexation. Les chercheurs
proposent alors une liste de thèmes. Après discussion, ils trouvent
un accord quant à ces dimensions. Les citations les illustrant le
mieux sont sélectionnées durant ce processus.
- Analyse conceptuelle
L’analyse conceptuelle est décrite comme plus subjective que
l’analyse thématique (Nicolson, Anderson 2003) et consiste
en une interprétation des discours, une lecture « entre les
L’anthropologie du vivant : objets et méthodes - 2010
lignes », influencée par la subjectivité et le parcours des chercheurs
eux-mêmes.
Par exemple, dans notre étude, l’impact des tensions entre
individualisme et holisme – féconde thématique anthropologique
– sur le bien-être des individus a émergé des lectures et relectures
des entretiens. Ceci a donc constitué le cœur de cette partie de
l’analyse.
Exemple de résultats : la qualité de vie subjective à
Dakar (Sénégal)
Malgré l’absence de consensus concernant la définition du
concept1de qualité de vie, deux points semblent aujourd’hui émerger
de la foisonnante littérature sur cette thématique : (1) la qualité
de vie d’un individu ne peut être évaluée que par lui-même (e.g.
Bowling et al. 2002 ; Cella 1998 ; Haas 1999 ; O’Boyle et al. 1992),
(2) la qualité de vie est un concept multidimensionnel (Brock 1999 ;
Camfield, Ruta 2007 ; Narayan et al. 2000 ; WHOQOL Group 1998a,
1998b). Cependant, aucun consensus ne semble pouvoir être trouvé
quant à la nature même de ses dimensions. A vrai dire, ces dernières
diffèrent certainement selon les cultures, comme l’indique clairement
la définition de l’OMS (WHOQOL 1998b) : « [la qualité de vie étant]
la perception qu’a un individu de sa place dans l’existence, dans
le contexte de la culture et du système de valeurs dans lequel il
vit, en relation avec ses objectifs, ses attentes, ses normes et ses
inquiétudes ».
Au Sénégal, la qualité de vie subjective des individus n’avait, avant
notre enquête, jamais été étudiée. Ainsi, l’objectif principal de notre
étude qualitative était de était définir la signification de ce concept
à Dakar (cf. Macia et al. 2010 pour plus de détails). Dans ce but,
huit focus groups, homogènes en âge (30-35 et 50-55 ans), genre,
et catégorie socio-professionnelle (élevée/basse) ont été réalisés
1 Notre approche de la qualité de vie nous conduit à la définir davantage comme une notion que comme
un concept. Cependant, la grande majorité des auteurs ne font pas cette distinction et emploient le
terme de concept.
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Méthodologie et intérêts des groupes de discussion focalisés pour l’anthropologie biologique
afin de répondre à cet objectif. La qualité de vie est apparue comme
multidimensionnelle dans l’ensemble des discussions, mais tous les
groupes n’insistaient pas sur les mêmes dimensions, indiquant que les
préoccupations principales des individus différaient selon leur âge, genre
et catégorie socioprofessionnelle. Pour chaque groupe, les définitions
les plus représentatives de la qualité de vie sont présentées dans le
Tableau 1.
Figure 1 : Variation de l’IMC à genre, âge et composition corporelle identiques
dans différentes populations, d’après Deurenberg et al. (1998).
Groupe
Caractéristiques des participants
Définition de la qualité de vie
Groupe 1
Femmes, 50-55 ans, CSP* élevées
Pour moi, c’est la santé avec beaucoup de paix. Et il
ne faut pas se faire trop de soucis.
Groupe 2
Femmes, 50-55 ans, CSP faibles
Pour avoir une bonne qualité de vie, il faut avoir une
bonne santé et que tes proches soient aussi en bonne
santé. Que tu aies à manger, que tu aies à boire.
Groupe 3
Hommes, 50-55 ans, CSP élevées
Donc, pour avoir une bonne qualité de vie, il faut
que les trois choses soient présentes : avoir de l’argent, avoir une maison et tout ce qui va avec ; être
en bonne santé, quand tu es malade, que tu puisses
te soigner, quand un de tes proches est malade, que
tu puisses le soigner ; avoir la paix. C’est les trois
choses que je vois.
Groupe 4
Hommes, 50-55 ans, CSP faibles
En premier, il faut avoir la santé, bien se porter. Et
puis il faut avoir les moyens.
Groupe 5
Femmes, 30-35 ans, CSP élevées
Avoir un boulot déjà, avoir un bon mari [rires]. Y’a
aussi la santé.
Groupe 6
Femmes, 30-35 ans, CSP faibles
C’est être en paix, avoir une bonne situation, se
contenter de ce que l’on a.
Groupe 7
Hommes, 30-35 ans, CSP élevées
Je trouve que tout ça tourne autour d’un aspect
économique, parce que quand tu n’as pas assez
d’argent, tu ne peux pas aspirer à une hygiène de vie
assez élevée.
Groupe 8
Hommes, 30-35 ans, CSP faibles
Etre en bonne santé, avoir un bon travail, pouvoir
satisfaire ses envies.
* CSP = catégorie socioprofessionnelle
L’anthropologie du vivant : objets et méthodes - 2010
>Analyse thématique
L’analyse thématique des discours recueillis a permis d’identifier
quatre dimensions de la qualité de vie. Il s’agit de la santé physique, des
conditions matérielles, des relations sociales et des caractéristiques
psychologiques individuelles.
Dans tous les groupes, sans exception, la santé physique est
apparue comme une dimension fondamentale de la qualité de vie.
Par ailleurs, entretenir de bonnes relations avec les membres de sa
famille et avoir une famille unie constituait également une condition
nécessaire au maintien d’une bonne qualité de vie. Bien entendu, les
conditions matérielles d’existence constituaient aussi une dimension
de la qualité de vie pour l’ensemble des individus rencontrés. Enfin,
si les problèmes de santé physique, les mauvaises relations sociales
et le manque de moyens financiers ont été décrits comme étant à
l’origine d’une mauvaise qualité de vie, les individus rencontrés
ont toujours précisé que l’impact de ces manques sur le bien-être
dépendait de caractéristiques psychologiques individuelles. Ainsi, en
dehors des facteurs déclencheurs décrits précédemment, certaines
personnes seraient plus anxieuses et se feraient plus de soucis que
d’autres, ce qui affecterait leur qualité de vie.
>Analyse conceptuelle
L’analyse conceptuelle fut consacrée à l’impact des tensions entre
holisme et individualisme sur la qualité de vie des Dakarois. Sans
entrer dans les détails signalons simplement que cette analyse était
directement en lien avec les questions d’âge et de rapports entre les
générations à Dakar. En effet, l’aînesse constituant un des piliers de
l’organisation sociale et familiale (Balandier, 1974), les aînés sont
indéniablement au Sénégal les détenteurs des valeurs traditionnelles
et les garants du maintien des habitus communautaires. C’est bien
entendu principalement sur les jeunes que ce pouvoir et contrôle
des aînés s’exercent, des jeunes qui aspirent à davantage de
liberté d’action et d’expression, en accord avec les processus de
modernisation et d’individualisation en cours à Dakar. Ce pouvoir
– et devoir – de contrôle des aînés est précisément apparu à l’origine
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Méthodologie et intérêts des groupes de discussion focalisés pour l’anthropologie biologique
d’un sentiment de frustration pour de nombreux jeunes qui souhaiteraient
pouvoir exprimer leur individualité avec plus de latitude que ce que les
générations précédentes leur permettent. C’est ainsi que leur qualité
de vie semblait affectée par les mécanismes répressifs du processus
d’individualisation dont la pérennité est assurée par les générations plus
âgées.
Intérêt des focus groups pour les enquêtes quantitatives
Pour terminer cette illustration de l’intérêt des focus groups en
anthropologie biologique, il semble nécessaire d’indiquer comment cette
enquête qualitative a permis de modeler la phase quantitative qui l’a
suivi. C’est en effet grâce à cette phase qualitative que nous avons pu
élaborer le questionnaire permettant de mesurer la qualité de vie – ou
plus précisément ses quatre dimensions – dans la capitale sénégalaise.
Ainsi, le questionnaire SF-12 (Gandek et al. 1998) a été adapté et
validé sur la population Dakaroise afin de mesurer la « qualité de vie
liée à la santé ». Le bien-être matériel a été évalué à l’aide d’une
question simple tirée d’études déjà réalisées en Afrique de l’Ouest
(Razafindrakoto, Roubaud 2006). Le bien-être social, quant à lui,
a été évalué par cinq questions ouvertes permettant de coder a
posteriori la qualité des relations avec la famille au sein du foyer,
la famille en dehors du foyer, les amis, les voisins et les collègues.
Enfin, la dimension psychologique de la qualité de vie a été évaluée
par l’échelle de satisfaction de vie (Diener et al. 1985), adaptée et
validée sur la population sénégalaise par un comité d’experts.
Conclusion
Lorsqu’un concept ou une notion peu étudiée doit être mesurée,
il est essentiel de comprendre a priori ce que signifie ce
concept ou cette notion. Dans cette optique, les groupes de
discussions focalisés constituent une méthode d’investigation
qualitative rapide, fournissant une grande richesse narrative
par les interactions qu’elle permet entre les participants.
L’anthropologie du vivant : objets et méthodes - 2010
Dans l’étude réalisée au Sénégal par les auteurs, ces focus groups
ont tout d’abord permis d’identifier les dimensions de la qualité de vie
dans la population sénégalaise. Ils ont également permis de tester la
pertinence de l’utilisation, au Sénégal, d’échelles mesurant la qualité
de vie dans les populations validées en contexte occidental. Ils ont
enfin permis d’adapter ces échelles aux réalités de la population
sénégalaise. Cette méthode est donc fort intéressante pour les
anthropobiologistes, qui peuvent l’utiliser dans le but d’analyser les
dimensions de notions peu étudiées et de valider les échelles par
lesquelles ils entendent mesurer ces notions. Les focus groups sont
aussi particulièrement adaptés à la confirmation d’hypothèses issues
d’enquête quantitatives.
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Les auteurs
Priscilla DUBOZ
Chercheure Post-Doctorante
- UMI 3189 «Environnement, Santé, Sociétés»
CNRS (France) - Université Cheikh Anta Diop (Dakar, Sénégal) - CNRST (Ouagadougou,
Burkina-Faso) - Université de Bamako (Mali)
- UMR 6578 Anthropologie Bioculturelle (Marseille, France)
courriel : [email protected]
Tél : 06 79 65 27 45
Enguerran MACIA
Chargé de Recherche au CNRS
- UMI 3189 «Environnement, Santé, Sociétés» ; CNRS (France) - Université Cheikh Anta
Diop (Dakar, Sénégal) - CNRST (Ouagadougou, Burkina-Faso) - Université de Bamako
(Mali)
courriel : [email protected]
Tél : 06 79 65 27 45
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