Guide pédagogique

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Guide pédagogique
Guide pédagogique
ALIETTE DE BUFFIÈRES
PROFESSEUR DES ÉCOLES
CHRISTOPHE SAÏSSE
PROFESSEUR D’HISTOIRE ET GÉOGRAPHIE
Responsable éditoriale : Stéphanie-Paule SAÏSSE
Avec la collaboration de : Deborah NAVARRO
Création de la maquette de couverture : Laurent CARRÉ
Exécution de la maquette de couverture : TYPO-VIRGULE
Création de la maquette intérieure : TYPO-VIRGULE
Mise en pages : TYPO-VIRGULE
Illustration de la couverture : Alain BOYER
Illustrations : Gilles POING
Cartographie et frises chronologiques : DOMINO (Nathalie Guéveneux)
Fabrication : Isabelle SIMON-BOURG
ISBN : 2 01 11 7339 6
© Hachette Livre 2006, 43, quai de Grenelle, 75905 Paris Cedex 15.
Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés pour tous pays.
Le Code de la propriété intellectuelle n’autorisant, aux termes des articles L. 122-4 et L. 122-5, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement
réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective », et d’autre part, que « les analyses et les courtes citations » dans un but
d’exemple ou d’illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants
cause, est illicite ».
Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, sans autorisation de l’éditeur ou du Centre français de l’exploitation du droit de copie
(20, rue des Grands-Augustins –75006 Paris), constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal.
Avant-propos
Les douze séquences proposées dans ce guide correspondent aux douze chapitres qui composent les Dossiers
Hachette sur le Moyen Âge. Chaque chapitre regroupe :
– une double page évoquant une figure historique ou un thème à l’aide de sources écrites et iconographiques,
de repères chronologiques et de cartes ;
– une double page Sur les traces de… précisant la biographie du personnage ou approfondissant le thème
précédemment abordé ;
– une double page L’héritage de… permettant à l’élève de repérer des traces du passé – l’histoire reste,
comme l’écrivait Marc Bloch, « une connaissance par traces » – et de comprendre le présent de la société à
l’aune du passé.
Les douze séquences du guide se référant aux doubles pages du dossier ont une composition identique :
– un rappel des Instructions officielles, ce qui permet d’inscrire ladite séquence dans une problématique du programme d’histoire ;
– des objectifs qui portent à la fois sur les connaissances factuelles à transmettre aux élèves, mais aussi sur des
compétences de savoir-faire qu’il appartient à l’enseignant de fixer et d’évaluer selon une progression ;
– l’organisation de la séquence présentée sous forme d’activités en classe. Ces activités sont très souvent précédées par une rubrique « Le contexte historique » qui est une mise au point pour l’enseignant. La rubrique
« Pour aller plus loin » prolonge la mise au point. Toutes les activités (lecture, description, comparaison, mise
en relation, confrontation…) se fondent sur les documents sélectionnés dans le dossier et sur les questions qui
s’y rapportent. Le guide donne aussi des indications de correction. Les documents, textes ou œuvres, ne sont
pas destinés à simplement « illustrer » le programme, pour rendre le passé plus présent ou les territoires plus
concrets. Souvent, le texte ou l’image, dont on tire une ou deux informations en classe, sont utilisés comme
des preuves a posteriori qui valident la parole de l’enseignant, parfois tendent à se substituer à elle. Ces pratiques pédagogiques, peu scientifiques, ne sont pas conformes à l’épistémologie de l’histoire : les documents
doivent être étudiés en eux-mêmes. Les textes seront lus par les élèves, les images décrites et expliquées
avec soin. Ainsi, les documents entrent dans la mémoire des élèves et contribuent à leur donner une culture
commune par la reconnaissance de « traces » que les générations précédentes ont déjà distinguées au point
d’en faire des références ;
– des notions (« les mots clé de la leçon ») sont proposées à l’enseignant pour faire écrire le résumé de la leçon.
Les élèves retrouvent ces notions de l’école élémentaire à l’enseignement supérieur, leur intelligibilité relevant de degrés de compréhension et d’expression différents.
– des prolongements interdisciplinaires sont décrits. C’est une manière d’insister sur la complémentarité des
savoirs et des savoir-faire, pour éviter que ne se forme le préjugé de compétences exclusives les unes des
autres.
– enfin, une bibliographie non exhaustive est donnée à l’enseignant.
Toutes les trois séquences, une double page « À la manière de » permet aux élèves de :
– découvrir et vivre des situations du Moyen Âge ;
– pratiquer des activités interdisciplinaires.
Les auteurs.
3
Sommaire général
1. Qui étaient Clovis
et les Mérovingiens ?
5
2. Qui étaient Charlemagne
et les Carolingiens ?
10
3. Qui était Mahomet ?
15
4. Dessiner à la manière de…
la tapisserie de Bayeux
20
22
11. Qui était Philippe le Bel ?
49
pourquoi et comment ?
27
32
8. Se nourrir à la manière de…
un banquet médiéval
44
54
13. La guerre de Cent Ans :
7. Pourquoi a-t-on construit
des églises ?
10. Qui était saint Louis ?
les troubadours
6. Pourquoi a-t-on construit
des châteaux forts ?
39
12. Écrire à la manière de…
5. Comment vivait-on
au Moyen Âge ?
9. Qui était Philippe Auguste ?
56
14. Qui était Jeanne d’Arc ?
61
15. Qui était Louis XI ?
66
16. Jouer à la manière de…
37
l’adoubement d’un chevalier
Photofiches pour les élèves
4
71
73
Qui étaient Clovis et les Mérovingiens ?
Pages 6 à 11 du dossier
Référence aux Instructions officielles
L’histoire de la royauté mérovingienne est l’histoire d’une royauté franque, guerrière, barbare et païenne, qui est devenue en quelques générations une royauté détentrice d’une légitimité héritée de Rome et catholique. Dans cette transformation, le règne de Clovis (481-511) est une étape décisive.
Compétences
• Localiser et identifier des espaces comme les royaumes barbares en Gaule au Ve siècle.
• Confronter deux documents de même nature. Par exemple, sur deux cartes, confronter l’étendue du regnum
Francorum (« royaume des Francs ») à l’avènement de Clovis et à la mort du roi.
• Caractériser une période au travers du destin d’un personnage.
• Établir des liens entre deux documents de nature différente. Par exemple, le récit du vœu de conversion de Clovis et
la représentation de son baptême rémois.
Photofiche
Voir photofiche n° 1 p. 73.
Le contexte historique
jusqu’en Gaule4. Quelles certitudes avons-nous ? Clovis
est le petit-fils de Mérovée, l’éponyme légendaire de la
lignée mérovingienne. Et Clovis est le fils du roi
Childéric, un Germain au service de Rome. Childéric,
dont la tombe a été découverte à Tournai en 1653, est en
effet un roitelet barbare romanisé. Un anneau sigillaire a
été retrouvé à son doigt, figurant la silhouette du roi et portant la légende Childerici Regis. Royauté romaine, par
conséquent : si le père de Clovis est paré du titre romain
de rex, cela veut dire que Rome reconnaît – comme pour
d’autres souverains barbares – sa royauté. Il est certain
que Childéric était déjà le roi d’un peuple « fédéré », c’està-dire d’un peuple qui avait été intégré par traité
dans l’Empire romain : en échange de terres, le peuple
« fédéré » assure, sous la responsabilité de son roi, une
mission de défense territoriale. Cette titulature romaine est
très importante, car cela va à l’encontre de préjugés, qui
insistent sur le choc des civilisations entre la horde barbare des Francs et l’aristocratie gallo-romaine.
Les Francs apparaissent sous ce nom – venant du germanique et signifiant « les Hardis » – dès le IIIe siècle. Ils forment une confédération des peuples germains installés sur
les bords de la moyenne et de la basse vallée du Rhin.
Chacun a gardé son propre roi. Car au temps de Clovis –
qui a lui-même hérité de son père la royauté des Francs
Saliens1 centrée sur le bassin moyen de l’Escaut – plusieurs autres rois francs existent à Cologne et à Cambrai.
Tous ces rois sont restés à la fin du Ve siècle des rois barbares car ils sont avant tout des chefs de guerre élus à vie
par l’assemblée de leur peuple en armes. Grégoire de
Tours raconte ainsi le rituel d’accès à la royauté pour
Clovis : « Quand ils eurent écouté Clovis, ils l’applaudirent tant de leurs boucliers que de leurs cris et le choisirent
pour roi en l’élevant sur un bouclier. »2 Ce récit ne contredit pas une autre coutume franque qui est le respect de
l’hérédité en ligne masculine par primogéniture :
« Childéric étant mort, c’est son fils Clovis qui fut appelé
à lui succéder. »3 Clovis est roi à quinze ans.
Le nom de Clovis est fondateur d’une longue postérité
royale car Clovis veut dire Louis (Hlod-Wig, par la suite
Hludowic, Ludovicus, Louis).
L’étude de la chronologie p. 6 montre que le règne de
Clovis débute quelques années après la chute de l’Empire
romain d’Occident (476). De Clovis, on ne sait presque
rien de sûr. Nous n’avons que quelques lettres adressées
au roi (deux de saint Remi, une de l’évêque de Vienne
Avitus et deux du roi ostrogoth Théodoric), la loi salique
dont nous ignorons la date précise, et surtout les Decem
Libri Historiarum de Grégoire de Tours, qui écrit soixantequinze ans après la mort de Clovis. Au XVIe siècle, Ronsard
consacre quelques vers, dans le livre IV de la Franciade, à
Clovis, héros digne de son légendaire ancêtre Francus (ou
Francion), qui, parti de Troie, aurait conduit les Francs
L’exploitation pédagogique
des documents en classe
➤ Activité 1 : documents 1 et 2 p. 6
Les victoires de Clovis consacrent l’unification de la
Gaule sous la tutelle franque.
Faire confronter par les élèves les documents 1 et 2 p. 6
et faire répondre aux questions 1, 2, 3 et 4 :
1. Faire remarquer qu’à son avènement en 481, Clovis
n’est que le roi des Francs Saliens de Tournai (question 1).
1. Originaires de Salland, une petite région dans les Pays-Bas actuels.
2. Decem Libri Historiarum, Grégoire de Tours, trad. Latouche.
3. Op. cit.
4. C. Beaune, Naissance de la nation France, Gallimard, 1985.
5
ne lui prennent son royaume […] », Grégoire de Tours,
document 3) ou son enfermement derrière les murs d’un
monastère. C’est le destin du dernier roi mérovingien,
Childéric III, qui est renvoyé à l’abbaye de Saint-Bertin
par Pépin III dit « le Bref », le père de Charlemagne (751).
Pour justifier ce coup d’État naît la légende des rois fainéants, juste bons à se laisser traîner sur un char.
Car la Gaule est une mosaïque de peuples et de chefs.
Clovis doit composer avec d’autres (question 2), en particulier avec Syagrius, qui commande depuis la ville de
Soissons la grande armée romaine du Nord. La compétition pour le commandement militaire est féroce entre l’ancien général romain allié des Wisigoths et le jeune roi
franc. Tous deux se mesurent sous les remparts de Soissons,
peut-être en 486. La victoire de Clovis lui ouvre tous
les territoires de la Gaule du Nord, jusqu’à la Loire et
à la Bretagne. Il brise d’abord la puissance alémanique
entre 496 et 506. Il chasse ensuite d’Aquitaine les
Wisigoths, battus à Vouillé en 507, et contraint enfin les
autres rois francs (notamment celui de Cologne) à se
soumettre.
2. Clovis est désormais le seul – et c’est une nouveauté –
rex Francorum ou roi des Francs, maître absolu, depuis la
mer du Nord jusqu’aux Pyrénées, de la plus grande partie
de la Gaule. Restent hors du regnum Francorum le delta
du Rhin aux mains des Frisons, la Bretagne celte, les
Pyrénées sous le pouvoir des redoutables montagnards
basques, le Languedoc wisigothique, la Provence et le
royaume des Burgondes (question 3). Après la mort de
Clovis, ses quatre fils, ses petits-fils et ses plus lointains
héritiers étendent encore le royaume des Francs.
3. Après sa campagne militaire en Aquitaine (507-508),
Clovis se donne aussi une capitale, Paris, où il choisit de se
faire enterrer avec sa seconde épouse, Clotilde (question 4).
Paris a un site exceptionnel et se trouve aussi à mi-chemin
de ses terres patrimoniales d’Austrasie5 et de l’Aquitaine
nouvellement soumise. Clovis s’installe dans le palais de
la Cité, qui a été un lieu de séjour apprécié des empereurs
romains Julien et Valentinien Ier.
La chance de Clovis, c’est sa coopération avec l’Église.
« Une grande nouvelle nous est parvenue, écrit l’évêque
de Reims, Remi, au jeune roi franc : vous venez de
prendre en main l’administration de Belgique seconde. Ce
n’est pas une nouveauté que vous soyez ce que vos parents
ont toujours été. […] Demandez conseil aux évêques : si
vous gouvernez en accord avec eux, le territoire soumis à
votre autorité ne s’en trouvera que mieux. […] Que votre
tribunal soit accessible à tous. » Qu’un évêque salue un roi
païen peut surprendre, mais le ton des recommandations
de Remi est moins étonnant lorsque l’on sait que Childéric
a eu, lui aussi, de bonnes relations avec l’Église galloromaine. La victoire de Clovis sur Syagrius scelle son
entente avec les évêques. Du moins si l’on retient l’édifiante anecdote du vase de Soissons, rapportée par
Grégoire de Tours juste après l’évocation de la bataille6.
Faire lire aux élèves le document 6 et faire répondre aux
questions 8, 9 et 10. Clovis préfère satisfaire la doléance
de l’évêque – sans doute Remi –, propriétaire du vase, plutôt que celle de l’un de ses guerriers, qui considère l’objet
comme son butin. On devine les prémices de la conversion
du roi, mais aussi les difficultés que cette conversion risque de soulever dans ses relations avec les Francs. À vouloir être reconnu par ses sujets romains, Clovis ne risquet-il pas de se couper de son propre peuple ? Grégoire de
Tours rapporte le nécessaire secret dont est d’abord entourée
la décision de Clovis de se convertir, puis les palabres que
le roi doit conduire avec ses guerriers. Il réussit à les
convaincre puisqu’ils le suivent dans la piscine baptismale, et, par leur intermédiaire sans doute, le reste des
Francs. La construction de l’abbaye Sainte-Geneviève
marque l’alliance de Clovis et de l’Église, de Paris et de la
sainte. D’ailleurs, Clovis choisit de se faire enterrer avec
Clotilde près de cette abbaye.
➤ Activité 2 : documents 3, 4, 5 et 6 p. 7
Clovis fonde une royauté catholique.
Faire confronter par les élèves les documents 4 et 5 p. 7
et faire répondre à la question 7. Faire remarquer que les
deux objets photographiés servent à faire la guerre. Clovis
passe sa vie à faire la guerre car le roi franc doit être choisi
dans un lignage qui a fait ses preuves sur le champ de
bataille, qui de ce fait paraît protégé des dieux. Et ce pouvoir magique du roi-guerrier, le mund, s’exprime aussi
bien dans le nom des rois que dans leurs attributs physiques. Les noms d’abord : Childéric (Hilde-Rik), qui signifie en germanique « puissant à la guerre » ; Clovis (HlodWig), « illustre au combat ». Faire observer l’illustration
reproduite dans le document 6 p. 7. Faire décrire l’apparence physique de Clovis : les rois francs se singularisent
par leur chevelure longue – de longs cheveux tressés de part
et d’autre du visage – et par leur barbe, qui les identifient
comme les reges criniti, les « rois chevelus ». Puis les élèves lisent le document. Les mœurs des Francs sont des
mœurs violentes. L’histoire de la monarchie mérovingienne aux VIe et VIIe siècles montre qu’il existe deux
moyens de se débarrasser d’un rival : son assassinat
(« Quand Clovis eut tué beaucoup d’autres rois et de proches parents dont il se méfiait parce qu’il craignait qu’ils
Sur les traces de Clovis
et des Mérovingiens
Le contexte historique
À la fin du Ve siècle, Clovis, roi barbare, reçoit le baptême.
Le roi des Francs devient dès lors le défenseur et le plus
fidèle allié de l’Église catholique.
L’exploitation pédagogique
des documents en classe
➤ Activité 1 : document 1 p. 8
Le vœu de conversion de Clovis scelle son union avec les
évêques.
5. « Royaume de l’Est », c’est-à-dire les pays situés entre le Rhin, la Meuse et l’Escaut.
6. Op. cit.
6
Denis à partir du XIIIe siècle. Cette légende – qui est
contemporaine du document 3 p. 8 – permet de justifier
les prétentions de l’Église sur la direction du royaume des
Francs.
3. La reine Clotilde – qui porte la couronne royale – est
dans le coin gauche de la tablette.
4. La cérémonie a lieu dans la cathédrale de Reims, le jour
de Noël d’une année que beaucoup s’accordent à placer en
496. On sait que c’est un baptême par immersion dans le
baptistère, dont on a retrouvé les traces archéologiques
dans l’allée centrale de la cathédrale gothique, et que
l’évêque Remi le célèbre. Depone colla, Sigamber10
(« Dépose tes colliers, Sicambre »), lance Remi au souverain franc parvenu à l’entrée de l’église. « Dépose tes
colliers » – ce qui ne veut pas dire : « Baisse la tête,
fier Sicambre » comme on peut souvent le lire – parce
que l’adhésion au catholicisme signifie l’abandon de
toutes les amulettes et autres signes ostensibles du
paganisme.
Faire lire le document 1 p. 8 et faire répondre aux questions 1 et 2 :
1. « Ô Jésus Christ. […] Si tu m’accordes la victoire sur
ces ennemis, je croirai en toi et je me ferai baptiser en ton
nom [question 2]. J’ai en effet invoqué mes dieux, mais
comme j’en ai fait l’expérience, ils se sont abstenus de
m’aider : je crois donc qu’ils ne sont doués d’aucune puissance. »7 Telles sont les paroles que Clovis aurait prononcées avant la bataille de Tolbiac. Dans ce document, Jonas
de Bobbio plagie le récit de Grégoire. Leur effet est si
décisif – suivant toujours Grégoire de Tours – que le roi
franc remporte la victoire sans effort. Ce vœu de conversion formulé avant la bataille contre les Alamans rappelle
trop la légende de Constantin, premier empereur chrétien
(306-337), pour ne pas être suspect. En 312, alors qu’il
allait affronter l’empereur Maxence, Constantin aurait eu,
suivant une tradition rapportée par Eusèbe de Césarée, une
vision où lui apparurent le monogramme du Christ et cette
devise grecque : En toutô nika, « Par ce signe tu vaincras ».
Nous disposons d’un autre témoignage, fourni par Nizier,
évêque de Trèves, ami de Thierry, fils de Clovis : Clovis se
serait converti après avoir été témoin des miracles qui se
produisaient sur la tombe de saint Martin de Tours – une
ville wisigothique où Clovis s’est rendu à deux reprises
lorsqu’il avait tenté d’envahir cette région, en 496 et 498.
2. Le travail de persuasion de Clotilde (« Ô Jésus Christ
que Clotilde proclame fils du Dieu vivant », question 1),
nièce du roi arien8 des Burgondes et que Clovis épouse
vers 493, et les prescriptions catéchétiques de Remi jouent
aussi un rôle décisif dans la démarche du roi.
➤ Activité 3 : document 2 p. 8
Clovis est le seul roi catholique d’Occident.
Faire lire le document 2 p. 8 et faire répondre à la question 3 : « Tu devras t’en rapporter à tes évêques et recourir
toujours à leurs conseils. Car si tu t’entends bien avec eux,
ta province ne pourra qu’en être consolidée. » Pour être le
garant de la res publica11, le roi barbare a besoin d’un
consensus qui dépasse le seul horizon du peuple franc, et
plus précisément de la collaboration de l’aristocratie
gallo-romaine qui continue de contrôler les cités à travers
la personne des évêques. « Je n’ai pu y assister, déplore
dans sa lettre l’évêque Avitus, mais j’y ai participé avec
mon cœur, car, grâce à Dieu, notre pays a eu sa part
de votre joie, puisque, par un message de votre royale
humilité, vous aviez bien voulu nous faire part de votre
baptême. » Ainsi, Clovis fait savoir à l’évêque de Vienne
– soit en plein territoire burgonde ! – son ralliement au
catholicisme. C’est que, derrière sa conversion personnelle, le roi franc conduit une action de propagande. Car
pourquoi lance-t-il l’information de sa conversion auprès
des évêques de la Gaule du Sud, sujets des rois burgonde
ou wisigoth, sinon pour s’en faire des alliés ? Clovis se
présente alors comme le libérateur des Gallo-Romains
chrétiens, spécialement de leurs élites urbaines, contre
les barbares ariens. « Nombreux étaient alors dans les
Gaules ceux qui brûlaient du désir d’avoir les Francs pour
maîtres »12, confirme Grégoire de Tours.
➤ Activité 2 : document 3 p. 8
Le baptême de Clovis fonde le culte de saint Clovis.
Faire observer aux élèves le document 3 p. 8 et faire
répondre aux questions 4, 5 et 6 :
1. Faire repérer Clovis sur cette tablette du IXe siècle.
L’artiste représente avec raison le roi immergé dans le baptistère, se faisant verser de l’eau sur la tête avant de recevoir l’onction des mains de Remi, sur la gauche du roi. Le
futur baptisé doit être revêtu d’une robe blanche et ne pas
porter d’armes. Le document est postérieur au baptême.
Car tout le travail des Carolingiens, des Capétiens surtout,
et des autres lignages au travers des nombreuses histoires
de France rédigées et de l’iconographie royale, c’est de
montrer le lien entre eux et Clovis, même s’il leur faut
inventer des filiations ou des événements.
2. Faire remarquer aux élèves la colombe à l’aplomb du
roi. S’appuyant sur une tradition liturgique rémoise,
l’archevêque de Reims Hincmar imagine9 qu’une colombe
mystérieuse apporte le saint chrême, qui aurait servi au
sacre de Clovis, alors que le roi est simplement baptisé. En
vérité, le premier roi franc à être sacré est Pépin le Bref
(751). Cette légende du sacre est passée dans les Grandes
Chroniques de France, rédigées par les moines de Saint-
➤ Activité 4 : documents 4 et 5 p. 9
Les mœurs de la lignée mérovingienne sont des mœurs
violentes.
Faire confronter les documents 4 et 5 p. 9 et faire répondre
aux questions 7 et 8. Clotaire Ier (511-561) est un des
quatre fils de Clovis et, comme ses frères, il doit se com-
7. Op. cit.
8. L’arianisme est une hérésie du christianisme qui ne reconnaît pas l’égalité des trois éléments de la Trinité.
9. Hincmar, La Vie de Remi, IXe siècle.
10. Op. cit.
11. C’est-à-dire être tout à la fois le protecteur de l’ordre public, le législateur, le justicier et le collecteur de l’impôt.
12. Op. cit.
7
geance. Ainsi, pendant quarante ans, une querelle violente
oppose Brunehaut, femme de Sigebert, roi d’Austrasie, à
Frédégonde, seconde épouse de Chilpéric Ier de Neustrie13.
Brunehaut accuse Frédégonde d’avoir fait disparaître sa
sœur pour prendre sa place auprès de Chilpéric. Leur
haine passe les générations et, finalement victorieux en
613, le fils de Frédégonde, Clotaire II, fait assassiner les
princes héritiers de la lignée adverse et, après trois jours
de supplice, condamne la vieille Brunehaut à être traînée
par les cheveux à la queue d’un cheval.
porter en chef, donc être victorieux à la guerre (question 8)
et généreux en temps de paix. Le pouvoir des rois mérovingiens est donc lié à leur richesse, laquelle n’est pas inépuisable. C’est pour cela que le regnum est perçu comme
une source de revenus à partager entre les héritiers et à
accaparer si l’occasion se présente (question 7). À sa
mort, Clovis partage son royaume entre ses quatre fils qui
prennent le titre de « rois des Francs » : c’est la preuve que
Clovis n’a pas le sens d’un royaume indivisible. Et jusqu’à
Philippe Auguste (1180-1223), ses successeurs n’ont
d’autre titre que celui de « rois des Francs », comme si la
coutume exigeait qu’ils restent les rois d’un peuple et non
les rois d’un territoire – que celui-ci soit la Gaule, la
Francia occidentalis ou la Francie.
La loi salique
La loi salique – qui fait écho aux Francs Saliens – régit les
rapports sociaux. Par exemple, elle est destinée à limiter la
vengeance en imposant le « prix du sang ». C’est Clovis
qui fit compléter et mettre par écrit la loi salique, qui
devint applicable à tous les Francs. Il semble que les
soixante-cinq titres du Pactus legis salicae aient été un
règlement mis au point pour les troupes franques
d’Austrasie au cours du IVe siècle. Mais sous cette appellation, on a aussi le noyau dur des « lois fondamentales du
royaume » (1575) puisqu’elles touchent aux règles de succession au trône. C’est Jean de Terrevermeille qui en fait
un corps de doctrine en 1419. Depuis 1588, la liste des
« lois fondamentales » est close, limitée aux « règles de
dévolution de la Couronne et d’inaliénabilité du domaine
royal ». La coutume fixe sept « règles de dévolution de la
Couronne », et ces « règles d’attribution de la fonction
royale » se sont surtout forgées ou renforcées aux XIVe et
XVe siècles.
– L’hérédité : de Hugues Capet à Philippe Auguste, il y a
eu hérédité de fait. Les rois de France avaient au moins un
fils, qu’ils associaient au gouvernement et faisaient sacrer.
Après Philippe II Auguste (1180-1223), l’hérédité devient
une coutume légale. Il n’est plus nécessaire de recourir
aux sacres préalables, du vivant des rois.
– La primogéniture : coutume complémentaire, cette
règle se rattache à un précédent lointain, datant de Robert
le Pieux, l’un des fils de Hugues Capet.
– La masculinité : cette règle est observée spontanément
par les Mérovingiens, les Carolingiens, puis les Capétiens.
Le roi est guerrier et quelque peu prêtre (par l’ordination
du sacre), deux attributs qui excluent les filles. Une
femme peut exercer la régence.
– La collatéralité masculine : cette règle découle de la
précédente. Un collatéral par ligne masculine, même
parent éloigné, doit passer avant un collatéral plus proche,
mais apparenté au défunt roi par les femmes.
– L’indisponibilité de la Couronne : cette règle est
admise depuis 1419. Un roi de France ne peut choisir son
successeur et il ne peut abdiquer. De même, un prince du
sang n’a pas la faculté de renoncer à son droit de succéder.
– La continuité de la Couronne : longtemps l’on crut
qu’il fallait un sacre pour faire le roi. Mais alors, comment
combler le vide créé entre la mort du roi et le sacre de son
successeur ? Une réponse coutumière fut trouvée, avec la
règle de la continuité de la Couronne : on admet, au début
L’héritage de Clovis
et des Mérovingiens
Le « bon roi Dagobert »
Au hasard des successions et des guerres, les principales
parties de la Gaule mérovingienne peuvent être réunies,
comme c’est le cas sous le règne du roi Dagobert (629639), fils de Clotaire II. Ce roi – comme ses ancêtres –
multiplie les rapines, les pillages et les concubines.
Pourtant, Dagobert Ier entre très tôt dans la légende de la
monarchie française, à cause de ses liens privilégiés avec
l’abbaye de Saint-Denis où il choisit de se faire inhumer et
où les moines écrivent son hagiographie. Par exemple, lors
d’une partie de chasse, Dagobert aurait été miraculeusement guidé par un cerf – l’animal qui symbolise le Christ
– jusqu’au tombeau de saint Denis, fixant ainsi le lieu de
la nécropole des rois de France. Le roi Dagobert aussi est
très attentif à nommer des évêques qui contribuent au
prestige de sa cour. C’est ainsi qu’un de ses favoris, Éloi,
devient évêque de Noyon et Didier, nourri au palais de la
Cité, évêque de Cahors. Enfin, Dagobert envoie de nombreuses missions pour convertir les païens au nord du
royaume. Saint Omer, moine de Luxeuil, devenu évêque de
Thérouanne, convertit les populations du Pas-de-Calais ;
saint Éloi évangélise la Flandre et la Frise, saint Amand la
Belgique.
➤ Activité possible
• Demander aux élèves de confectionner des panneaux
pour préparer une exposition thématique sur le roi
Dagobert. Leur rappeler qu’il existe une chanson populaire à son sujet.
Des mœurs violentes
À la guerre, Clotaire Ier – comme tous les autres rois francs
– pille pour acquérir le butin et le redistribuer à ses familiers. Tous sont liés en effet par les liens du sang et de la
fidélité personnelle qui fondent des regroupements solidaires ou rivaux pour défendre l’honneur du roi.
L’aristocratie franque partage donc le devoir de ven13. Royaume franc limité par la mer du Nord, la Meuse et la Loire.
8
du XVe siècle, que le successeur du roi, prédestiné à la
Couronne, voit, dès la mort de son prédécesseur, actualiser sa qualité royale. En résulte la formule fameuse,
employée depuis les funérailles de Charles VIII en 1498 :
« Le roi est mort ; vive le roi ! »
– La catholicité : depuis Clovis, l’appartenance du roi de
France à la religion romaine s’exprime dans les quatre
serments du sacre.
Bibliographie
– M. Rouche, Clovis, Fayard, 1996.
– S. Lebecq, « Les origines franques (Ve-IXe siècles) »,
Nouvelle Histoire de la France médiévale, coll. « Points
Histoire », Le Seuil, 1990.
– M. Sot, « Le baptême de Clovis », L’Histoire, n° 135,
spécial « Chrétiens, juifs et musulmans ».
Pour construire le résumé
– J. Schmidt, Le Baptême de la France : Clovis, Clotilde,
Geneviève, Le Seuil, 1996.
Solliciter les élèves pour trouver les mots clés de la leçon.
Par exemple : Clovis, Francs, catholicisme, Mérovingiens.
Mettre en relation chacun de ces mots avec des repères
figurant sur la chronologie p. 6. Mettre en commun les
réponses et écrire ensemble le résumé de cette séquence.
– P. J. Geary, Le Monde mérovingien : naissance de la
France, Flammarion, 1989.
– K. F. Werner, Les Origines, tome I de l’Histoire de
France, Fayard, 1984.
9
Qui étaient Charlemagne et les Carolingiens ?
Pages 12 à 17 du dossier
Référence aux Instructions officielles
Avant la France, il y a eu le regnum Francorum, le « royaume des Francs », constitué par le roi Clovis. Ce royaume
couvrait au moins toute l’ancienne Gaule. Après le coup de force de Pépin le Bref (751), la dynastie carolingienne –
du latin Karolus, « Charles » – continue l’œuvre d’expansion. Charlemagne, fils aîné et successeur de Pépin, a fait
du regnum Francorum un empire (800). L’ancienne Gaule s’est alors diluée dans de vastes étendues, tandis que le
centre de l’Empire est déporté à l’est, sur les terres de la Meuse et du Rhin, dans l’ancienne circonscription
d’Austrasie1.
Compétences
• Appréhender le temps en situant les moments importants du règne de Charlemagne.
• Confronter deux documents de nature différente. Par exemple, une carte de l’expansion du regnum Francorum et
une chronique sur les guerres saxonnes.
• Caractériser une période : de l’empire carolingien au royaume de Francie occidentale.
Photofiche
Voir photofiche n° 2 p. 75.
Le contexte historique
logie p. 12 permet de comprendre qu’une deuxième
monarchie franque se trouve donc légitimée par le sacre :
le fils de Pépin le Bref, Charlemagne (Charles « le
Grand »), la porte à son plus haut niveau de puissance.
Les fils de Clovis se sont partagé la Gaule. Clotaire Ier
reconstitue un royaume uni en 560-561 mais ses fils le
divisent à nouveau. La fin du VIe siècle dégénère en une
guerre civile particulièrement confuse, qui dure de 570 à
613 et oppose surtout Chilpéric et sa femme Frédégonde,
d’une part, à Sigebert, puis à son épouse Brunehaut
d’autre part. Pourtant, Clotaire II, fils de Chilpéric, est
seul roi de 614 à 629, et son fils Dagobert Ier règne seul de
629 à 639. Après lui, l’unité du royaume des Francs ne se
retrouve plus. De même, Dagobert, qui fait campagne
contre les Avars, est le dernier des Mérovingiens à guerroyer au loin.
L’exploitation pédagogique
des documents en classe
La réussite de Charlemagne tient à la force de sa clientèle
austrasienne et à l’alliance de l’Église catholique, qui est
la seule force unitaire de l’Europe. Le roi franc utilise au
mieux ces soutiens pour donner au royaume des Francs sa
plus grande extension.
➤ Activité 1 : documents 1, 2, 3 et 4 pp. 12-13
Car le pouvoir passe dans la seconde moitié du VIIe siècle
aux maires du palais, chargés de l’administration des
royaumes francs. En Austrasie, il appartient à la lignée des
Pippinides, engendrée par Pépin de Landen, auquel succède son fils Grimoald, puis son neveu Pépin II2. À sa
mort en 714, une grave crise familiale éclate. Les deux fils
de Pépin sont morts ; son bâtard, Charles (Martel), est
l’unique héritier. Pourtant, Charles n’a pas de mal à récupérer les clientèles de son père : les conquêtes recommençant (Saxe, Frise, Neustrie), la terre redevient abondante3.
À partir de 724, son pouvoir est si solide au Nord qu’il se
tourne vers la Gaule méridionale, en Aquitaine et en
Provence. Son fils, Pépin dit « le Bref », reçoit – sur le
modèle wisigothique ou celte – l’onction4 délivrée par le
pape Zacharie (751). Sacré roi en même temps que son
père et son frère Carloman, Charles, fils aîné de Pépin
le Bref et de Bertrade, dite « Berthe au Grand Pied », a
29 ans quand il règne seul (771). L’étude de la chrono-
Charlemagne passe sa vie à faire la guerre.
Charlemagne doit – comme tous les rois francs – se comporter en chef, donc être victorieux à la guerre et généreux
en temps de paix. Chaque printemps, le roi convoque une
armée d’hommes libres pour une durée de trois mois. À la
fin de l’expédition, les compagnons de Charlemagne
reçoivent terres et butin. Ses premières campagnes le portent dans l’Aquitaine révoltée, puis chez le roi des
Lombards, Didier, qui menace le patrimoine de saint
Pierre : Charlemagne assiège Pavie en 774 et oblige
Didier à capituler. L’annexion du royaume lombard rapproche Charlemagne de Rome… et de Byzance, qui
occupe l’Italie méridionale.
Faire observer le document 1 p. 12 et faire répondre aux
questions 1 et 2.
1. Faire remarquer aux élèves que la superficie de
l’Empire a presque doublé en quarante ans (question 1).
1. « Royaume de l’Est », c’est-à-dire les pays situés entre le Rhin, la Meuse et l’Escaut.
2. La sœur de Grimoald, Bigga, a en effet épousé Ansegisel, lui aussi rejeton d’une puissante et illustre famille austrasienne, celle d’Arnulf, évêque de Metz :
leur fils Pépin II, héritier des deux lignages, dispose d’une formidable puissance foncière.
3. La terre est indispensable à l’entretien d’une armée forte et nombreuse où prédomine la cavalerie lourde, consommatrice de grandes quantités de fer et de cuir.
4. Répandre une huile sainte sur le front d’un prince, comme le fit Samuel pour le roi David.
10
traîtrise de Ganelon au col de Roncevaux. Faire remarquer
aux élèves la piété de Charlemagne : au chevet de Roland,
un genou à terre, il prie pour son salut (question 5). La
proximité d’al-Andalus désigne les Sarrasins comme les
agresseurs. En réalité, c’est une embuscade tendue par des
montagnards basques, brigands plus que combattants. La
même récupération est tentée un siècle plus tard : voici
Charlemagne transformé en croisé, libérateur du SaintSépulcre et de Jérusalem contre les Turcs…
Les pays conquis, convertis, divisés en comtés confiés à
des fidèles, souvent de souche franque, sont intégrés à
l’Empire, tandis que les zones frontalières sont constituées
en grands commandements regroupant plusieurs comtés
sous l’autorité d’un marquis. Par exemple, au nord de
l’Espagne, contre les musulmans d’al-Andalus5, en
Pannonie, contre les Avars, après l’annexion de la Bavière
et de la Carinthie, et à l’ouest contre les Bretons.
2. Aix-la-Chapelle est le centre de gouvernement de
l’Empire carolingien et joue, dans l’esprit de Charlemagne,
le rôle d’héritière de la Rome antique et de nouvelle
Constantinople (question 2). Aix offre un site idéal.
L’ancienne cité romaine est établie sur une terre appartenant depuis longtemps au domaine des Pippinides. Là,
au cœur de leur patrimoine foncier, Charlemagne trouve
ses appuis les plus sûrs. Les forêts giboyeuses des
Ardennes et de Lorraine, toutes proches, permettent à
l’empereur de s’adonner à son passe-temps favori : la
chasse. Mais la cité doit surtout son élection à une autre
richesse naturelle : ses eaux thermales. Les Romains en
ont tiré le nom de la bourgade, Aquae Granni (« les Eauxde-Grannus »). Charlemagne apprécie les bains qui soignent sa goutte. Le souverain séjourne quatorze fois à Aix
entre 795 et 814.
Faire observer le document 4 p. 13 et faire répondre à la
question 7. Comme le veut la tradition franque,
Charlemagne passe sa vie à faire la guerre (question 7)
car le roi doit être choisi dans une lignée qui a fait ses
preuves sur le champ de bataille, qui de ce fait paraît protégée de Dieu. Ce pouvoir magique du roi de guerre s’exprime aussi bien dans le nom que dans l’allure. Le nom
d’abord : victorieux sur presque toutes les frontières,
Charles est appelé « Charles le Grand », surnom impérial
et romain, d’où est venu « Charlemagne » (Karolus
Magnus). Après son couronnement impérial (800), ses
biographes prétendent que son nom en latin, Karolus,
vient de carus, « cher », et de lux, « lumière ». Faire
décrire l’apparence physique de Charlemagne : les cheveux longs et la barbe symbolisent les pouvoirs magiques
des rois francs ; ce sont les reges criniti, les « rois
chevelus ».
Faire lire le document 2 p. 13 et faire répondre aux questions 3 et 4. En Germanie septentrionale, l’épisode essentiel de l’expansion franque est la conquête de la Saxe
(question 3). Depuis les rois mérovingiens, la colonisation franque est active en Germanie, surtout en Hesse, en
Thuringe et dans les vallées du Main et du Neckar. Dans
ces espaces, la concurrence avec les Saxons –
Westphaliens, Angariens, Ostphaliens, Nordalbingiens –
est vive. Païens, vivant de la rapine et du pillage, les
Saxons résistent à une vingtaine d’expéditions franques
(775-795) : « Aucune guerre ne fut plus longue, plus
atroce, plus pénible pour le peuple franc que la guerre de
Saxe. »6 La victoire des Francs instaure un catholicisme de
terreur (question 4). Leur domination est si exécrée
qu’elle provoque encore une révolte en 792 que
Charlemagne écrase par la déportation massive des
autochtones et l’installation de colons francs.
Sur les traces de Charlemagne
et des Carolingiens
Le contexte historique
Si la puissance se mesure à l’aune des conquêtes, la réussite de Charlemagne est évidente. Le prestige du roi franc
est tel que l’idée de la rénovation impériale s’impose à la
fin du VIIIe siècle, que ce soit chez les lettrés de l’école
palatine d’Aix ou autour du pape à Rome.
L’exploitation pédagogique
des documents en classe
Faire observer le document 3 p. 13 et faire répondre aux
questions 5 et 6. Charlemagne doit aussi guerroyer en
Gaule où les particularismes sont toujours vivaces, surtout
en Aquitaine et en Roussillon. Par là, Charlemagne entre
en contact avec la péninsule ibérique où l’émirat de
Cordoue est en pleine crise politique : l’émir de Saragosse
– peut-être même celui de Barcelone – l’appelle au
secours. L’expédition est un fiasco : Saragosse ne s’ouvre
pas à l’armée franque, dont l’arrière-garde est massacrée
sur le chemin du retour au col pyrénéen de Roncevaux
(question 6). Mais, très vite, la chronique laisse place à la
« légende dorée ». À la fin du XIe siècle, les premières
chansons de geste répètent de cour en cour les exploits
militaires de Charlemagne. La Chanson de Roland raconte
ainsi les liens qui unissent le roi à son neveu Roland et la
➤ Activité 1 : documents 1 et 2 p. 14
Il manque à l’Occident l’autorité d’un empereur…
Faire observer le document 1 p. 14 et faire répondre aux
questions 2 et 3.
1. Faire remarquer que c’est le pape Léon III qui couronne
Charlemagne (question 2). Léon, la tiare pontificale à
trois étages sur la tête7, couronne Charlemagne alors qu’il
est en prière à Saint-Pierre de Rome (question 3).
L’empereur reçoit la couronne fermée par des arceaux,
symbole de sa perfection. Faire repérer deux objets :
l’épée et le globe christianisé font de Charlemagne le
descendant de Constantin et de David, un roi et un prêtre
qui unissent en une seule personne la dignité royale à
la charge sacerdotale.
5. La péninsule Ibérique dominée par les musulmans après la conquête des années 711-716.
6. Éginhard, Vie de Charlemagne, IXe siècle.
7. La tiare pontificale à trois étages n’apparaît en fait qu’au XIIIe siècle.
11
large et robuste carrure, il était d’une taille élevée, sans rien
d’excessif d’ailleurs, car il mesurait sept pieds de haut
[environ 1,9 m], il avait le sommet de la tête arrondi, de
grands yeux vifs, le nez un peu plus long que la moyenne,
de beaux cheveux blancs, la physionomie gaie et ouverte.
Aussi donnait-il, extérieurement, assis comme debout, une
forte impression de force et d’autorité. »10
2. Le couronnement impérial résulte autant des manœuvres
pontificales que de celles de Charlemagne et de ses familiers, au premier rang duquel des lettrés comme l’AngloSaxon Alcuin, le Lombard Paul Diacre et le Wisigoth
Théodulfe. L’idéologie d’un « Empire chrétien » emprunte
au passé romain. Mais la liturgie impériale est oubliée
depuis 476. Le couronnement s’inspire donc de la liturgie
byzantine qui comporte trois éléments : les acclamations,
le couronnement de l’empereur par le patriarche8, et enfin
la proskynèse (prosternation) de toute l’assemblée.
Pourtant, le couronnement de 800 s’écarte sur un point de
ce modèle : le pape semble avoir réussi à couronner l’empereur avant que ses guerriers ne l’acclament. C’est donc
l’Église, et non le « peuple », qui a « créé » l’empereur : il
y a là une ambiguïté qui pèsera sur toute l’histoire de
l’Europe… jusqu’au couronnement de Napoléon
Bonaparte (2 décembre 1804).
➤ Activité 2 : documents 3, 4 et 5 p. 15
Les querelles entre les rois et les attaques normandes font
imploser les cadres carolingiens.
Faire lire le document 3 p. 15 et faire répondre aux questions 6 et 7. Louis le Pieux (814-840) n’a pas le charisme
de son père, Charlemagne. Les principes de cohésion, de
paix, de concorde et d’unanimité entre les peuples de
l’Empire, principes mis en avant par Louis et l’Église, ne
tiennent plus : « Avant il n’y avait qu’un chef et il n’y avait
qu’un peuple. Les gens vivaient dans la paix. Mais à présent l’empire a perdu son nom et sa splendeur » (question 6). Les trois fils de Louis le Pieux – Lothaire Ier,
Louis le Germanique, Charles le Chauve – se querellent
entre eux, s’opposent à leur père. Ils n’ont que peu de chose
en commun. Entre Lothaire, endurci dans les révoltes et la
quête du pouvoir, jaloux du titre impérial, qui lui a été
donné par l’Ordinatio Imperii de 817, fier de posséder les
capitales, Rome et Aix-la-Chapelle, et le jeune Charles, de
trente ans son cadet, ayant toujours vécu auprès de son
père, il n’y a aucun sentiment d’affection fraternelle. Il
faut un livre à Nithard, leur cousin, pour raconter les intrigues, les coups tordus, et les guerres ouvertes des trois frères
entre le décès de l’empereur et le traité de Verdun (843).
C’est dire que le titre impérial n’assure plus à Lothaire
d’autorité réelle sur ses frères royaux. Les chroniqueurs
déplorent, et pour un demi-siècle, les « malheurs du pays » :
« Pleurez, race des Francs, car l’empire élevé par la faveur
du Christ gît à présent dans la poussière » (question 7).
Pour aller plus loin
L’Église catholique, garante de l’Empire depuis 800, conduit
le pouvoir impérial du seul fils survivant de Charlemagne,
Louis le Pieux (814-840). La mission impériale reste de
« défendre les églises et les serviteurs de Dieu, les veuves,
les orphelins, les pauvres et les indigents ». Mais l’hérédité s’efface au profit de la légitimité tenue de l’Église car
« l’empereur est comptable de ses actes devant Dieu à qui,
seul, il doit son gouvernement sans que ses ancêtres y
soient pour rien. »9 Et lorsque la conduite impériale soulève la colère des clercs, Louis se soumet à la pénitence
publique comme à Attigny en 822 et à Soissons en 833.
Bien plus, entre Louis et son fils aîné, Lothaire, empereur
désigné en 817 et couronné en 823, l’Église et le pape se
réservent la possibilité du choix !
Faire observer le document 2 p. 14 et faire répondre aux
questions 4 et 5.
Charlemagne est la quatrième personne en partant de la
gauche ; faire repérer la couronne fermée par des arceaux
que seul porte l’empereur (question 4). Comme pour la
liturgie impériale, l’iconographie carolingienne s’inspire
de Byzance : le décor, l’apparence physique et les vêtements évoquent Justinien (question 5). En Occident
comme en Orient, domine l’image d’un prince idéal décidant de tout et prêt à purifier l’Église et les mœurs de son
peuple. Tel est le sens de l’onction qu’a déjà reçue Pépin
le Bref (751) et que reproduit le sacre impérial. Les capitulaires carolingiens rapportent les décisions prises en
matière de justice, d’armée, d’Église et d’administration
de l’Empire. Des « envoyés du maître », les missi dominici
circulent deux par deux pour transmettre les ordres, surveiller leur exécution et rapporter les plaintes. Mais
Charlemagne s’appuie surtout sur les 200 comtes qu’il
nomme et à qui il délègue leur pouvoir de juger, percevoir
les impôts et lever l’armée. Le système est fondé sur
l’obéissance des comtes, garantie par les liens de vassalité
qui se développent et qui constituent des fidélités personnelles emboîtées. Sans un réel appareil d’État, le pouvoir
tient surtout par le charisme de Charlemagne : « D’une
Faire observer le document 4 p. 15 et faire répondre à la
question 8. Les royaumes qui naissent au traité de Verdun
sont organisés autour de trois territoires que les frères ont
reçus avant 839. Lothaire a depuis longtemps ses forces en
Italie. Louis le Germanique est fortement implanté en
Bavière. Enfin, si l’abandon des terres entre la Meuse et le
Rhin est admis par Charles le Chauve, le traité de Verdun
fixe les limites orientales de la Francie occidentale. Entre
Lothaire et Charles, la frontière est sur l’Escaut, sauf au
droit de Cambrai dont le comte est un fidèle de Lothaire.
Il en est de même du côté du Lyonnais où la ligne du
Rhône est perdue par Charles. Mais le comte de Chalon,
choisissant sa fidélité, est responsable d’une avancée de la
frontière au-delà de la Saône (question 8). Pour les trois
frères, ce traité est un pis-aller. Charles est donc attentif à
surveiller la succession de Lothaire (855). Trois fils succèdent en effet à Lothaire : l’aîné, Louis II, a le royaume
d’Italie et le titre impérial ; le deuxième, Lothaire II, reçoit
l’ensemble des terres du Rhin et de la Meuse que l’on appela
ensuite « Lotharingie » ; le cadet, Charles, la Provence. En
8. Titre donné aux évêques d’Antioche et d’Alexandrie, puis de Constantinople et de Jérusalem.
9. Actes du synode de Paris, 829.
10. Op. cit.
12
863 et 869 les successions provençale et lotharingienne
s’ouvrent. Charles le Chauve et Louis le Germanique
deviennent ennemis. Le royaume de France se construit
donc lentement, d’ouest en est. De l’Aquitaine et de la
Neustrie11, reconnues à Verdun comme relevant du droit
exclusif de Charles, il se développe peu à peu vers l’Est
lorrain et provençal.
l’onction divine, c’est à la charge impériale elle-même,
charge que Charlemagne désigne comme divine jusque
sur ses deniers d’argent. D’un côté, le buste impérial
lauré, le nom de Charles (Karolus en latin) et son titre
romain d’empereur auguste (IMP. AUG. est une abréviation du latin qui veut dire « empereur auguste ») ; au
revers [non reproduit dans le manuel], la croix du denier
est entourée de la légende « charge divine » qui fait référence à la charge impériale seule nommée.
Faire observer le document 5 p. 15 et faire répondre aux
questions 9 et 10.
Les récits des chroniqueurs atteignent le comble de l’horreur lorsqu’ils touchent aux raids normands, hongrois et
sarrasins interprétés comme une punition divine face aux
querelles carolingiennes et au délitement de la société
qu’ils ont entraîné (question 9).
Pour répondre à la question 10, insister sur les invasions
normandes (ou vikings) en Francie occidentale. Dire aux
élèves que les auteurs des raids sont des Danois. Leur dire
aussi que les Normands constituent, dans la seconde moitié
du IXe siècle, une agression constante, toujours imprévue
et terrifiante pour les églises monastiques et épiscopales,
les villes et les campagnes. Une attaque en entraîne une
autre, un danegeld12 est suivi d’un autre. Le royaume de
Francie occidentale est touché, des rives de l’Escaut à
celles de l’Adour. Le premier déferlement date des années
843-845. Autres assauts en 865, 885 et 895, à partir de
camps situés sur le littoral maritime, dans les îles et sur les
berges des fleuves (comme Jeufosse sur la Seine). Le roi
ne peut être partout, et des héros locaux s’imposent.
L’Église n’en fait pourtant pas des saints et prend parfois
à leur égard une attitude méfiante comme Hincmar de
Reims au sujet de Robert le Fort, défenseur de la Neustrie.
Les généalogies de leurs lignages aristocratiques prennent
souvent en eux leur point de départ. Ils portent des noms
qui sont des promesses d’action : Baudouin Bras-de-Fer,
Robert le Fort, Sanche Mittarra (le Farouche). Ils sont
revêtus de dignités par le roi. Deux charges publiques, par
exemple, sont déléguées à Robert : il est comte en plusieurs comtés (Angers, Tours, Le Mans, Blois), et il est
chef de guerre sur la marche de Bretagne. Il domine la
basse et la moyenne Loire, aux portes de l’Aquitaine et de
la Bretagne, zone-cible des attaques normandes. En 866,
Robert dort, sans armes ni cuirasse, lorsqu’un guet-apens
normand le surprend à Brissarthe. Il meurt, dans l’église,
sans que sa gloire militaire soit ternie par une défaite, et
transmet à sa lignée – les futurs Capétiens – sa réputation
d’efficacité.
➤ Activité possible
• Faire reproduire un denier d’argent carolingien, par
exemple, à partir des collections du Musée national du
Moyen Âge, thermes et hôtel de Cluny, 75005 Paris, http://
www.musee-moyenage.fr/, rubrique « Pour les enfants ».
La reproduction est à dimension réelle.
L’école de Charlemagne
Charlemagne estime qu’il doit avoir à sa disposition, pour
le bon fonctionnement de l’État, un personnel bien formé
et que, dans le clergé, prêtres et moines doivent être instruits. Cette ambition éducative cible surtout l’aristocratie,
celle de l’Église et celle du monde laïc. Alcuin, qui dirige
l’école palatine d’Aix, élabore un programme : à la base,
la nécessité de savoir lire, écrire, chanter, l’obligation de
bien connaître le latin ; puis, à un niveau plus élevé, l’initiation aux arts libéraux et l’acquisition de leurs méthodes
et de leurs connaissances. Ces arts libéraux sont ceux du
trivium – la grammaire, la rhétorique, la dialectique – et
du quadrivium – l’arithmétique, la géométrie, la musique,
l’astronomie. Mais c’est surtout sur le trivium qu’on
insiste, c’est-à-dire sur la maîtrise de la langue, la qualité
de l’expression et la méthode de la réflexion. Pour Alcuin,
toutes ces disciplines fondent la philosophie chrétienne
qui doit permettre aux meilleurs esprits d’élaborer une
explication globale du monde, de Dieu et de l’homme
à partir du christianisme. Charlemagne souhaite aussi
que les prêtres ouvrent des écoles pour les enfants dans
les villages et dans les bourgs afin qu’on leur apprenne
les psaumes, le chant, la grammaire. Des synodes diocésains, à Tours, à Troyes, à Soissons, poussent à la
création de ces petites écoles et envisagent même de
parvenir à ce que tous les habitants de l’Empire comprennent le latin de façon à pouvoir recevoir les prêches
faits dans cette langue. Pourtant, les écoles rurales sont
rares, comme le sont aussi les écoles urbaines ne dépendant pas des églises-cathédrales, des chapitres ou des
monastères.
➤ Activité possible
L’héritage de Charlemagne
et des Carolingiens
• Demander aux élèves de faire une recherche sur le droit
à l’éducation en France à partir d’une chronologie simplifiée.
Un empereur qui cherche à ressembler
aux empereurs romains
Le palais d’Aix-la-Chapelle
Charlemagne établit son pouvoir à Aix-la-Chapelle, et fait
édifier un complexe palatial. L’aula regia (« salle royale »)
accueille les cérémonies politiques, tandis que la vie litur-
Depuis le couronnement de 800, ce n’est plus seulement à
la royauté franque qu’est attaché le caractère sacré lié à
11. Neustrie : terres comprises entre la mer du Nord, la Meuse et la Loire.
12. Tribut exigé par les Normands pour quitter une région.
13
gique de la Cour s’organise autour de l’atrium, de la chapelle et de deux petites basiliques. Le palais abrite le
clergé attaché au souverain, sa chancellerie et sa famille.
Cet ensemble est conçu en accord avec la symbolique des
nombres, tirés des textes sacrés, notamment l’Apocalypse
de saint Jean. L’axe central mesure six cents pieds – ce qui
correspond à cinquante modules de douze pieds : douze,
le nombre des apôtres, est aussi, selon saint Jean, celui des
portes de la Jérusalem céleste, et cinquante est un symbole
christologique. La chapelle élevée au centre de cet espace
a aussi des dimensions symboliques : douze pieds multipliés par sept (le nombre des sceaux de l’Apocalypse). Et
le périmètre intérieur de l’édifice mesure – suivant toujours l’Apocalypse de Jean – cent quarante-quatre pieds –
ce qui correspond à la longueur des remparts de la
Jérusalem céleste. Pour son inspiration architecturale, la
référence est l’église byzantine Saint-Vital de Ravenne
dont Charlemagne a d’ailleurs fait venir marbres, colonnes
et chapiteaux. Mais des différences existent. La division
de la chapelle palatine en zones distinctes, par exemple,
traduit dans l’architecture l’idéologie impériale qui se
manifeste dans la liturgie. Au rez-de-chaussée se trouve
en effet un sanctuaire marial. Au premier étage, le
trône dit « de Charlemagne » fait face à l’autel du
Sauveur. L’empereur, et lui seul, peut donc suivre la
messe, quel que soit l’autel sur lequel elle est dite.
Il est aussi le seul à pouvoir contempler la mosaïque
réalisée sur la voûte de la chapelle représentant l’Agneau
ou le Christ adoré par les vingt-quatre vieillards.
Aujourd’hui, il ne reste plus de l’ensemble palatial –
édifié de 790 à 805 par l’architecte Eudes de Metz – que
cette fameuse chapelle qui donne, en France, son nom à la
ville13.
oriental s’éteint peu après. Et lorsque la famille de Saxe
reçoit le titre impérial (919) – longtemps associé à la couronne d’Italie –, on est en présence d’un pouvoir étranger
à la France et qui cherche sa place en Europe. Le culte de
Charlemagne s’inscrit donc dans une offensive contre la
royauté française car ce qui importe est de donner à la
légende politique de Charlemagne un centre de rayonnement en Allemagne. La découverte de son corps, dans une
cavité creusée près de l’ancien autel marial, à Aix, lance,
en l’an 1000, le culte du grand empereur. L’empereur
Otton III (983-1002) demande que sa dépouille rejoigne à
son tour la chapelle palatine. C’est à Aix que Reinald de
Dassel, chancelier de l’empereur Frédéric Ier Barberousse
(1155-1190), proclame, en 1165, la canonisation de
Charlemagne. Après la canonisation, l’affluence des pèlerins et la générosité des souverains allemands s’accroissent encore. Les rois de France sont, eux aussi, sensibles
au souvenir de la dynastie carolingienne. Charles V (13641380) institue une fête de Charlemagne à la chapelle
royale de Paris et accorde aux marchands de la capitale
impériale les mêmes privilèges qu’à ceux du royaume de
France. Louis XI (1461-1483) fait réaliser à Lyon un bras
reliquaire pour la chapelle palatine et fonde une rente de
4 000 livres tournois pour l’entretien de l’édifice.
Pour construire le résumé
Solliciter les élèves pour trouver les mots clés de la leçon.
Par exemple : Charlemagne, Empire, Aix-la-Chapelle,
comtes, missi dominici, Carolingiens. Mettre en relation
chacun de ces mots avec des repères figurant sur la chronologie p. 12. Mettre en commun les réponses et écrire
ensemble le résumé de cette séquence.
➤ Activités possibles
• Demander aux élèves de confectionner des panneaux
pour préparer une exposition thématique sur le palais
d’Aix-la Chapelle et surtout sur sa chapelle.
• Pour l’architecture d’Aix, la Bibliothèque nationale de
France propose la découverte sur CD-Rom d’une sélection
de ses dossiers accessibles sur Internet. Ce CD-Rom est
distribué gratuitement aux établissements scolaires :
« Le Moyen Âge », BNF, 2004 ou http://www.bnf.fr/.
Bibliographie
– S. Lebecq, « Les origines franques (Ve-IXe siècles) »,
Nouvelle Histoire de la France médiévale, coll. « Points
Histoire », Le Seuil, 1990.
– P. Riché, Les Carolingiens, 1983.
– Nithard, Histoire des fils de Louis le Pieux, éd. Lauer,
1926.
– R. Folz, L’Idée d’empire en Occident, 1953.
Un empereur chrétien honoré
dans plusieurs pays d’Europe
Après Charles le Chauve, la charge impériale ne revient
plus aux Carolingiens de l’Ouest. Le lignage carolingien
13. Son nom en allemand est Aachen.
14
Qui était Mahomet ?
Pages 18 à 23 du dossier
Référence aux Instructions officielles
L’islam n’est pas seulement une religion monothéiste qui demande à l’homme de « se soumettre au Dieu unique » (tel
est le sens du mot islam), mais aussi un modèle d’organisation politique et sociale dont l’État médinois créé par
Mahomet est la représentation idéale.
Compétences
• Appréhender le temps en situant les moments importants de la prédication de Mahomet.
• Caractériser une période : la conquête arabo-musulmane (650-750).
Photofiche
Voir photofiche n° 3 p. 77.
Le contexte historique
Prophète doit s’exiler à Yathrib (Médine) en 622. L’étude
de la chronologie p. 18 permet de dire que cette émigration – ou « Hégire », forme francisée de Hijra – marque
une nouvelle ère pour l’islam. Lorsque Mahomet meurt en
632, sa mission prophétique est en effet close ; il s’est
affirmé aussi comme le législateur d’un État arabe.
La vie du prophète Mahomet (forme francisée de
Muhammad) nous est connue uniquement par des textes
de la tradition musulmane. Le Coran contient des allusions aux épisodes de la mission prophétique de
Mahomet, mais il ne donne pas un récit continu de sa vie
et des débuts de la communauté musulmane. Le nom
même de Mahomet n’y figure que quatre fois. Le nom de
La Mecque n’apparaît que deux fois. Les autres textes sont
la Sira (« vie » de Mahomet rédigée par Ibn Hisham au
début du IXe siècle) et le Hadith (« dits » du Prophète,
dont les sommes sont compilées au IXe siècle). Ces deux
documents forment « la tradition » (sunna). Ils sont élevés
en source du droit, la parole ou l’action du Prophète
prenant force de loi en l’absence de réponse explicite du
Coran.
L’exploitation pédagogique
des documents en classe
La prédication de Mahomet reflète cette situation. Si les
sourates du Coran révélées à La Mecque ont surtout un
contenu religieux, les sourates médinoises règlent la vie
des croyants (prescriptions cultuelles, droit familial,
rapports avec les juifs et les chrétiens, etc.).
➤ Activité 1 : document 1 p. 18
L’islam est une religion arabe.
Faire observer le document 1 p. 18 et faire répondre aux
questions 1 et 2.
1. L’islam naît et se développe sur le versant occidental de
l’Arabie, à La Mecque puis à Yathrib (Médine). Dans toute
la péninsule, les autres religions monothéistes, suivant les
routes du commerce caravanier, se sont diffusées. La diaspora juive, qui s’étend de Babylone jusqu’à la Méditerranée occidentale, gagne l’Arabie au début de notre ère.
Lorsque Mahomet, par exemple, trouve refuge à Yathrib
(Médine), trois des cinq tribus qui composent la cité sont
juives. Le christianisme gagne aussi l’Arabie. De rares
textes font remonter l’évangélisation de la péninsule à
l’époque des apôtres. Au début du VIe siècle, de nombreuses communautés chrétiennes sont attestées : sur la
côte du golfe Persique, du Koweït au sultanat d’Oman
actuels ; dans l’« Arabie heureuse » des Anciens ; plus à
l’ouest, dans la plaine côtière, face à l’Éthiopie. Enfin, les
royaumes arabes des marges des Empires byzantin et
perse2 recouvrent un espace en partie christianisé (question 2).
2. L’Arabie est alors un enjeu entre les deux puissances du
Proche-Orient : l’Empire byzantin, à l’ouest, et l’Empire
Mahomet est né sans doute vers 570 à La Mecque dans la
tribu arabe des Quraychites. Il perd tôt son père, puis sa
mère. Le soin de veiller sur cet enfant unique échoit à son
oncle Abu Talib. Mahomet épouse vers l’âge de 25 ans une
riche veuve, Khadidja, dont il a sept enfants, trois garçons
morts en bas âge et quatre filles dont une seule, Fatima,
vivra assez longtemps pour lui donner des petits-enfants.
Les nombreux mariages contractés par la suite ne sont pas
plus heureux. Puis c’est « la Révélation » – que la tradition islamique situe vers 610, pendant le mois arabe de
ramadan – qui inaugure la mission prophétique de
Mahomet : le « début de la Révélation fut pour le
Messager de Dieu une vision véridique. Cela se fit en lui
comme l’aurore. Après cela, il eut besoin de solitude et se
rendit sur le mont Hira plusieurs nuits. Il revenait ensuite
chez les siens. À la fin, la vérité arriva inopinément et dit :
“Ô Mahomet, tu es le Messager de Dieu.” 1 Mais les
Mecquois sont vite hostiles à cette foi nouvelle car elle
rejette le culte des divinités révérées. Plus grave, elle
annonce le Jugement dernier auquel tous les hommes,
passés, présents et à venir, se soumettront et qui voue à
l’enfer ancêtres et parents morts dans l’infidélité. Le
1. D’après Al-Zuhri. À l’origine de ce récit, l’épouse favorite du Prophète : Aïcha.
2. Ghassanides de Syrie-Jordanie ou Lakhmides des abords de l’Euphrate irakien.
15
première personne du pluriel, s’adresse en effet aux hommes
sur le mode impératif. Faire distinguer aux élèves deux
ensembles de sourates :
1. Celles qui sont révélées à La Mecque, plus courtes, plus
rythmées, au contenu proprement religieux (sourate III, 6).
2. Celles qui ont été révélées à Médine, plus longues et
manifestant le désir de régler la vie des croyants (sourate II,
177, et sourate IV, 3). Ce sont les prescriptions concernant
le culte, la vie communautaire, la vie familiale et sociale,
les relations avec les juifs et les chrétiens.
perse sassanide, à l’est (question 1). Du nord au sud, leur
frontière commune passe par l’Arménie, la Mésopotamie
et le Nord de la péninsule. Leur rivalité politique se double d’une opposition entre deux religions d’État : le christianisme d’une part ; le mazdéisme3 d’autre part. Du IVe au
VIe siècle, les deux empires cherchent à contrôler l’Arabie,
au moins ses routes commerciales, qui supportent le trafic
des épices et des aromates.
➤ Activité 2 : documents 2, 3 et 4 pp. 18-19
Le Coran, avant d’être un livre, est une prédication : celle
de « la Révélation » apportée par Mahomet aux Arabes.
Durant une vingtaine d’années, de 610 à 632, le Prophète
transmet les paroles qu’il affirme recevoir de Dieu et qui
sont retenues par cœur par ses disciples.
Faire observer le document 4 p. 19 et faire répondre à la
question 8. Faire remarquer aux élèves que, à l’instar de
la miniature iranienne (document 5 p. 19), le visage du
Prophète est voilé ; son visage et son corps sont nimbés de
lumière. Le caractère originel de prédication orale est
rendu par cette miniature turque : Mahomet transmet les
paroles qu’il affirme recevoir de Dieu et qui sont entendues comme telles par ses disciples (question 8). Ceux-ci
les apprennent par cœur afin de mieux s’en souvenir.
Faire observer le document 2 p. 18 et faire répondre aux
questions 3, 4 et 5. Pour les musulmans, le Coran
renferme les messages que Mahomet a reçus de Dieu par
l’intermédiaire d’un messager divin : l’archange Gabriel
(question 3). Gabriel est une figure connue : ange de la
puissance de Dieu dans les commentaires juifs de la Bible,
par exemple dans le Talmud ; ou messager de Dieu envoyé
à Marie dans la tradition chrétienne. Faire remarquer aux
élèves que le visage du Prophète est voilé. Son visage et
son corps sont nimbés de lumière : leur dire que c’est le
symbole de la grâce divine. Le nimbe flammé est un héritage du mazdéisme perse. Le mot en français pour définir
la manière dont les messages divins sont reçus par
Mahomet est « Révélation ». Le mot en arabe est littéralement « Descente » : « Il n’y a de Dieu que Lui, le Puissant,
le Sage ! C’est lui qui a fait descendre sur toi le Livre »
(sourate III, 6). Mahomet n’a donc pas besoin de savoir lire
pour « accoucher » de la parole divine : « Mahomet lui
répondit : “Comment lirais-je, moi qui ne sais pas lire ?”
Gabriel lui dit : “Lis au nom de ton Seigneur qui a tout
créé” » (question 4). Dans un autre texte : « À la fin, la
vérité arriva inopinément et dit : “Ô Mahomet, tu es le
Messager de Dieu.” Le Messager de Dieu dit : “J’étais
debout, mais je tombai à genoux. Puis je m’éloignai les
épaules tremblantes. Pénétrant dans la chambre de
Khadidja, je lui dis : “Cache-moi, cache-moi jusqu’à ce
que la peur me quitte.” Alors il vint à moi et me dit : “Tu
es le Messager de Dieu.” J’avais médité de me jeter d’un
rocher de la montagne, mais tandis que j’étais ainsi en
méditation, il m’apparut et dit : “Ô Mahomet, je suis
Gabriel et tu es le Messager de Dieu.” Alors il dit : “Récite
!” Je dis : “Je ne puis réciter.” Alors il me prit et me serra
violemment trois fois jusqu’à ce que je tombe épuisé.
Alors il dit : “Récite au nom de ton Seigneur le Créateur.”
Et je récitai. »4
Faire lire le document 3 p. 19 et faire répondre aux questions 6 et 7. Le caractère originel des messages révélés par
Dieu aux hommes demeure dans la forme même du texte
coranique. En de nombreux passages, Dieu, parlant à la
➤ Activité 3 : document 5 p. 19
Le sunnisme et le chiisme divisent la communauté musulmane.
Faire observer le document 5 p. 19 et faire répondre aux
questions 9 et 10. Lorsque Mahomet meurt en 632, il n’a
pas pris de dispositions pour sa succession. Ses compagnons désignent Abu Bakr comme calife (d’un mot arabe,
qui signifie « successeur et lieutenant du prophète d’Allah »).
Le calife guide les croyants, les aide à appliquer les prescriptions coraniques, maintient l’unité de la communauté
(l’umma). Lorsque le troisième des califes, Uthman (644656), est assassiné, les compagnons de Mahomet imposent Ali, le cousin et le gendre du Prophète (par son
mariage avec Fatima). Mais il n’est pas accepté par les
Omeyyades, le clan le plus puissant de la tribu des
Quraychites. Ceux qui se réclament d’Ali, revendiquant
pour lui seul, ou pour un de ses descendants, le califat5,
sont à l’origine du chiisme (de shî’a Alî, le « parti d’Ali »).
Les partisans des Omeyyades sont à l’origine du sunnisme
(de sunna, la « tradition du Prophète »). Dans la guerre
civile (656-660) qui les oppose aux sunnites, les chiites
citent des épisodes de la vie du Prophète, comme celui
figuré sur cette miniature : au retour de son pèlerinage à
La Mecque, Mahomet s’arrête dans l’oasis de Ghadir
Khumm. Tenant Ali par la main, Mahomet dit : « Celui
dont je suis le mawla (« patron » ?), Ali en est aussi le
mawla. » Pour les sunnites, cette parole est une invitation
à avoir de l’estime pour Ali. Pour les chiites, Mahomet
désigne Ali comme successeur. Cette copie insiste sur
le rapport filial qui se construit entre Mahomet et Ali
et justifie ainsi la vénération des chiites pour Ali et la
famille de Mahomet : à gauche, le Prophète regarde Ali
dans les yeux et pose la main sur son épaule en signe
d’affection ; à droite, Ali regarde le Prophète tout en tenant
3. Religion zoroastrienne de l’Iran antique.
4. Op. cit.
5. Pour les chiites, c’est à Ali et à sa descendance par son fils Husayn que revient la succession du Prophète – qu’ils nomment imamat plutôt que « califat ».
Il s’agit d’abord de la conduite de l’État, puis de l’interprétation de « la Révélation ». Pour les chiites, les imams ont le privilège de faire « remonter » à son
sens véritable la parole divine dont leur ancêtre Mahomet n’aurait fait « descendre » parmi les hommes que le sens littéral.
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byzantin, l’Iran et l’Asie centrale, la Méditerranée occidentale enfin.
1. La frontière entre l’Empire byzantin et le monde musulman se maintient sur le Taurus pendant des siècles, et
Byzance conserve l’Asie Mineure jusqu’au XIe siècle.
2. L’Empire perse sassanide disparaît en 651. La conquête
de la région de la Transoxiane (actuels Ouzbékistan et
Tadjikistan) permet le contrôle des grandes routes du
commerce vers la Chine. En 751, les Arabes remportent la
bataille de Talas sur les Chinois. Vers l’Inde, les armées
arabo-musulmanes font la conquête du Sind (la basse vallée
de l’Indus), mais se heurtent en Afghanistan à la résistance
locale. Cette région est un exemple significatif de régions
où la conquête n’est pas facile et où les Arabes ne se maintiennent pas durablement.
3. La conquête du Maghreb est aussi longue et difficile
(670-710). Kairouan est fondée en 670, Carthage tombe
définitivement en 698. D’ailleurs, on peut se demander
dans quelle mesure l’espace maghrébin est véritablement
soumis : les Arabes tiennent le littoral, mais l’arrière-pays
reste berbère. Puis les troupes arabes franchissent le
détroit de Gibraltar et enlèvent facilement la péninsule
Ibérique aux Wisigoths (711-716). Les émirs ibériques
lancent des raids dans le royaume des Francs, qui « sont
les ennemis les plus lointains de l’Espagne musulmane ».
L’émir Abd al-Rahman y « remporta de gros butins »
(d’après Ibn Abd al-Hakam, document 4 p. 21, question 7).
En 732, Charles Martel stoppe l’un de ces raids.
son épée à deux mains en signe de dévouement (question 9).
Autour, trois personnages, dont le visage est mutilé, complètent le groupe.
Faire confronter les documents 2 et 4 pp. 18-19 et le
document 5 p. 19. Faire remarquer aux élèves que le
visage du Prophète est découvert sur la miniature iranienne du XIVe siècle. La représentation humaine ou animée, en particulier celle du Prophète, est-elle interdite
dans l’islam ? Il n’existe aucune interdiction, mais la figuration humaine suscite des réticences : le peintre et le
sculpteur sont soupçonnés de vouloir imiter la vie, dont
Allah seul a le secret. Toutefois, en Iran au XIVe siècle,
comme dans l’Empire ottoman du XVIe siècle, Mahomet
est peint à visage découvert. Plus souvent cependant, dès
le XVIe siècle, il est voilé.
Sur les traces de Mahomet
Le contexte historique
Après la mort de Mahomet, les califes se lancent à la
conquête d’un empire. Ce projet impérial est avant tout
politique : il vise à construire un État dont l’islam est la
référence exclusive – dans le droit fil de l’action du
Prophète conduite dans la péninsule.
L’exploitation pédagogique
des documents en classe
Les frontières se stabilisent au milieu du VIIIe siècle puisque
les Omeyyades se heurtent à deux problèmes internes :
l’opposition des chiites et les revendications des populations locales islamisées (les mawali) face à une aristocratie arabe qui tient l’Empire.
➤ Activité 1 : documents 1, 4 et 5 pp. 20-21
Dès le VIIe siècle, les musulmans sortent d’Arabie pour
conquérir un empire.
➤ Activité 2 : document 3 p. 20
Faire observer le document 1 p. 20 et faire répondre aux
questions 1, 2, 3 et 4. À partir de l’Arabie, les califes ont
construit en cent ans un empire. Leur domination recouvre
l’Orient perse, le Proche-Orient et le bassin méditerranéen. Le projet impérial est rendu possible par la puissance militaire des Arabes (cf. document 5 p. 21 et sa
question). Il y a aussi la faiblesse des Byzantins et des
Perses et les révoltes à l’intérieur des tribus arabes (la
ridda). De nombreuses tribus refusent de se soumettre au
premier calife Abu Bakr et de voir en lui le chef de la
jeune communauté. La « sortie d’Arabie » est donc
l’occasion pour le calife de fournir un exutoire à l’effervescence des tribus. Les Arabes sont aussi galvanisés par
l’islam, qui est leur religion commune. Le djihad – la
« guerre sainte » menée par les Bédouins récemment
convertis à l’islam – unifie et mobilise leurs forces.
La conquête s’opère en deux étapes. La première, sous les
premiers califes, est fulgurante. En dix ans (634-644), les
espaces les plus proches de l’Arabie – Syrie, Irak, Égypte,
Iran occidental – sont conquis. La Syrie est au cœur du
nouvel empire, Damas est sa capitale. La guerre civile
oblige à une pause (656-660). L’avancée reprend sous les
Omeyyades (661-750), dans trois directions : l’Empire
Des minorités juives et chrétiennes vivent dans les sociétés musulmanes après la conquête.
Faire lire le document 3 p. 20 et faire répondre aux questions 5 et 6. Les païens idolâtres ont le choix entre la mort
et la conversion en terre d’islam, mais les juifs et les chrétiens – les « peuples du Livre », c’est-à-dire de la Bible –
ont une troisième possibilité : la soumission. La soumission est réglementée par une convention, la dhimma. C’est
au deuxième calife, Omar (634-644), qu’on attribue le statut particulier des « peuples du Livre » ou « protégés »
(dhimmi en arabe). Le pacte d’Omar6 proclame l’autorité
de l’islam et la supériorité des musulmans. L’un de ses
préceptes est le respect dû à l’islam et au Prophète. En cas
de manquement, la sanction est la mort. La renonciation à
l’islam ou apostasie est impensable, pas plus que la
conversion d’un musulman. Un « protégé » ne peut pas
épouser une musulmane ; l’inverse est possible, et dans ce
cas les enfants suivent la religion du père. L’infériorité des
dhimmi est rendue visible dans la vie quotidienne. Ils sont
obligés de se distinguer de leurs maîtres musulmans par
leurs vêtements, leurs coiffures, leurs montures et même
par le choix de leurs noms. Le turban et l’habit militaire
6. Élaboré probablement sous sa forme définitive à la période abbasside (750-1258).
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une puissante confédération de tribus dirigée par le terrible Gengis Khan. Ravageant tout sur leur passage, semant
terreur et désastre, les hordes mongoles soumettent en
quelques décennies la Chine, l’Europe orientale et le
Proche-Orient. En 1258, ils prennent Bagdad et massacrent le calife abbasside (question 11). Leur empire, qui
s’étend bien au-delà des pays d’islam, est divisé en grands
royaumes ou ilkhanats : Horde d’Or en Russie, Asie centrale et Perse sous la suzeraineté du grand khan de Chine.
Seule l’Égypte des Mamelouks7 leur résiste : elle demeure
le conservatoire des traditions culturelles proprement
arabes.
leur sont interdits (question 5). Ce n’est qu’en contrepartie du paiement régulier de l’impôt de capitation (djizya)
que les « protégés » obtiennent la garantie de leur personne et de leurs biens. Ainsi les dhimmi peuvent mener
leur vie personnelle, familiale et religieuse en accord avec
leurs propres lois et coutumes. La liberté de culte est
garantie, mais la discrétion est exigée dans son exercice,
puisque seul le culte musulman a un caractère public –
l’usage des cloches, par exemple, est interdit (question 6).
Faire observer le document 6 p. 21 et faire répondre aux
questions 9 et 10. Pour les savants musulmans, les sciences
« rationnelles » désignent toutes les disciplines héritées
des Anciens : les Arabes ne rejettent pas les héritages des
cultures antérieures (grecque et hellénistique, persane et
indoue) ; ils cherchent à se les approprier. Dès le VIIIe siècle,
un gigantesque mouvement de traductions du grec au
syriaque et à l’arabe mais aussi du pehlvi à l’arabe se
développe. Les Ottomans prolongent cet effort en
empruntant aussi aux chrétiens. Faire repérer deux objets
sur cette miniature ottomane du XVIe siècle :
1. Pour l’héritage grec, l’astrolabe. Le mot astrolabe est
grec et signifie « mesureur d’étoiles ». Cet instrument
portatif sert à observer la hauteur des étoiles et à déterminer
l’heure. L’astronome grec Hipparque (IIe siècle avant
J.-C.) est le premier à avoir décrit le principe sur lequel
repose cet instrument, à savoir la projection permettant de
représenter la voûte céleste sur un plan. Bien qu’un seul
traité arabe soit parvenu jusqu’à nous, ceux qui se diffusent en Europe à partir du Xe siècle et qui contiennent la
description et le maniement de l’astrolabe se réfèrent tous
à des traductions d’ouvrages arabes. Des centaines d’astrolabes sont conservés. En cuivre, en laiton, en bronze ou
en argent, ils proviennent des pays d’islam (IXe-XIXe siècles) et d’Europe (XIIe-XVIIe siècles).
2. Pour l’emprunt à la chrétienté latine, le globe terrestre.
Dire aux élèves que le monde, dans sa représentation planétaire, pose des difficultés à la cartographie car la représentation plane d’une rotondité ne peut pas respecter à la
fois l’égalité des angles et la proportionnalité des surfaces.
Dans cet effort pour rendre au mieux la rotondité de la
Terre, faire retenir la projection du géographe Mercator,
auteur de deux globes – céleste et terrestre – à la demande
de Charles Quint (1541) : les élèves la retrouvent sur le
globe au premier plan. Car, indifférents à la civilisation de
l’Europe de la Renaissance, mais pas à ses découvertes,
les Ottomans acquièrent une connaissance pratique de
l’art de naviguer et de la cartographie des Européens. Ils
copient, traduisent, utilisent les cartes marines de ceux-ci
et en dressent eux-mêmes. Dès 1517, le premier grand
cartographe turc, Piri Reis, réalise une mappemonde où
figure l’Amérique. C’est la copie d’une carte dressée par
Christophe Colomb en 1498 et perdue depuis.
L’héritage de Mahomet
Une page du Coran
Les musulmans disent que, « entre les deux plats de sa
couverture », le Coran renferme les messages que
Mahomet, le prophète de l’islam, a reçus de Dieu par
l’intermédiaire de Gabriel. La prédication coranique pose la
doctrine de l’islam : les hommes sont appelés à croire en
Allah, unique, créateur et miséricordieux. Mahomet est le
dernier des prophètes, venu après une lignée de prophètes
(des prophètes juifs à Jésus) qui avaient déjà transmis le
message divin à travers la Torah et l’Évangile, mais un
message que les hommes ont galvaudé. Enfin, le Coran
annonce le Jugement dernier. On y trouve aussi des
injonctions concernant le culte, la vie communautaire, la
vie familiale et les relations avec les dhimmi.
➤ Activités possibles
• Faire travailler les élèves sur l’art de la calligraphie
arabe.
• Faire distinguer l’écriture coufique (graphies anguleuses)
des manuscrits des premiers siècles et l’écriture naskhi
(graphies incurvées et arrondies) pour les manuscrits plus
tardifs.
Les cinq piliers de l’islam / Le pèlerinage
à La Mecque / Le calendrier musulman :
un calendrier lunaire
Tous les musulmans doivent suivre et appliquer cinq préceptes qui sont les fondements (« piliers ») de la foi en Allah :
1. La « profession de foi » (shahada) : « il n’y a de Dieu
que Dieu et Mahomet est Son prophète. »
2. Les cinq prières quotidiennes (de jour et de nuit), individuelles ou collectives, marquent le lien constant avec le
divin. Elles sont précédées de rites de purification (les
ablutions). Elles se pratiquent prosterné en direction de La
Mecque. Une fois par semaine, le vendredi, à midi, une
prière collective a lieu à la mosquée.
3. Le jeûne du ramadan. En arabe, ramadan est le neuvième mois du calendrier lunaire utilisé par l’islam. C’est
un mois mobile, qui se déplace par rapport au calendrier
Faire lire le document 7 p. 21 et faire répondre aux questions 11 et 12. Au milieu du XIIIe siècle, l’ordonnancement
du monde musulman est bousculé par l’irruption des
Mongols. Ces peuples nomades, originaires d’Asie centrale, se sont ligués lors de la grande assemblée de 1206 en
7. Sultans d’origine servile et militaire qui règnent sur l’Égypte de 1250 à 1517.
18
nalité de la mosquée concerne le système de construction
en élévation. Pour surhausser l’édifice, on aménage deux
étages d’arcs superposés, les arcs outrepassés du niveau
inférieur étant surmontés par des arcs en plein cintre sur
lesquels repose la charpente. L’emploi de l’arc outrepassé
(ainsi appelé parce que sa courbure se prolonge vers le bas
au-delà de son diamètre horizontal) faisait partie à la fois
des formules décoratives du monde hellénistique et du
bagage wisigothique. Cette arcature est associée à une
recherche décorative qui fait alterner les claveaux (les éléments constitutifs de l’arc) en pierre, de couleur claire, et
les claveaux en brique rouge.
solaire, car l’année hégirienne est composée de mois
lunaires de 28 ou 29 jours. Mais il existe aussi des restrictions et des dispenses : seules les personnes pubères peuvent faire le ramadan ; et des dispenses sont prévues en
cas de voyage, de maladie ou de grossesse. La tradition
rapporte que Mahomet a pratiqué le jeûne d’un mois
durant toute sa mission prophétique.
4. L’« aumône » (zakat) est une obligation légale réglementée dès le VIIIe siècle. Elle marque la solidarité entre
riches et pauvres. Elle est devenue un impôt dans les pays
musulmans, les fidèles pouvant faire en plus des dons – à
la fin du ramadan, par exemple.
5. Le « pèlerinage » à la Mecque (hadj) est un acte obligatoire, une fois au cours de la vie, pour tout musulman qui
a la possibilité de l’accomplir. Il est collectif et doit avoir
lieu à un moment précis de l’année lunaire. Il se déroule
selon des rites bien établie, parmi lesquels le fait d’accomplir sept tours autour de la Kaaba.
➤ Activité possible
• Demander aux élèves de confectionner des panneaux
pour préparer une exposition thématique sur la mosquée
de Cordoue.
La mosquée de Cordoue
Pour construire le résumé
En 716, le gouvernement de la nouvelle province d’alAndalus s’installe à Cordoue qui devient ainsi la capitale
de toutes les terres musulmanes de la Péninsule, du détroit
de Gibraltar aux Pyrénées, de la Méditerranée à l’Atlantique. Sous ce gouvernement, un nouvel ordre religieux,
politique et social et bientôt une civilisation venue
d’Orient sont établis en Espagne. Cette primauté de Cordoue
est confirmée par l’installation de la dynastie omeyyade
fondée en 756 par un descendant des califes de Damas. À
la civilisation islamique orientale, Cordoue transmet des
traditions romaines et wisigothiques. Un monument
résume cet amalgame : la Grande Mosquée, fondée par
l’Omeyyade Abd al-Rahman, qui associe des traditions
locales à des apports syriens. L’emplacement même est
celui de l’église Saint-Vincent dont les musulmans réutilisent
les colonnes et les chapiteaux. Les travaux commencés
en 786 durent un an et aboutissent à un édifice original.
Les nefs du bâtiment de prières sont perpendiculaires
au mur de la qibla, la nef médiane aboutissant au mihrab.
La mosquée est agrandie par Abd al-Rahman II, puis AlHakam II. Au Xe siècle, la mosquée de Cordoue est une
immense salle de prière (135 × 110 m), de 19 nefs sur 32
travées, portées par une forêt de colonnes et avec un
mihrab décentré sur le mur de la qibla. La principale origi-
Solliciter les élèves pour trouver les mots clés de la leçon.
Par exemple : Mahomet, Arabe(s) (ou Arabie), islam,
Coran, conquête(s), calife(s). Mettre en relation chacun de
ces mots avec des repères figurant sur la chronologie
p. 18. Mettre en commun les réponses et écrire ensemble
le résumé de cette séquence.
Bibliographie
– A. Hourani, Histoire des peuples arabes, coll. « Points
Histoire », Le Seuil, 1993.
– D. et J. Sourdel, Dictionnaire historique de l’islam, PUF,
1996.
– P. Balta (dir.), Islam : civilisation et sociétés, éd. du
Rocher, 1991.
– R. Blachère, Le Coran, PUF, coll. « Que sais-je ? »,
n° 1245.
– L. Gardet, L’Islam : religion et communauté, Desclée de
Brouwer, 1982.
19
Dessiner à la manière de… la tapisserie de Bayeux
Pages 24 et 25 du dossier
Référence aux Instructions officielles
La mise en œuvre de compositions personnelles ou collectives fait découvrir quelques principes d’organisation. La
manipulation de matériaux et d’objets divers ayant des qualités plastiques et expressives conduit l’élève à des réalisations… Ses travaux sont valorisés dans le cadre d’expositions.
La pratique créative est une composante fondamentale de l’éducation artistique, dans laquelle l’élève est amené à
s’exprimer pour donner corps à un projet personnel.
Compétences
• Être capable de s’intégrer comme élément dans un projet global.
• Être capable de construire un texte et de le réaliser graphiquement à plusieurs.
• Être capable de créer une histoire cohérente qui évite les anachronismes.
L’exploitation pédagogique en classe
Les armes et la guerre
La tapisserie nous renseigne également sur les pratiques
militaires des hommes du Moyen Âge.
Les techniques de protection des hommes sont quasiment
les mêmes que l’on soit saxon ou normand. Les hommes
sont protégés par une cotte de mailles. Celle-ci est formée
par des anneaux. Chaque anneau est accroché à quatre
autres. Les combattants l’enfilent par la tête. Les cavaliers
portent pour les plus nobles des chaussures de mailles qui
protègent les jambes ainsi que des éperons (scènes 51 et
52).
Pour protéger leur tête, les hommes ont un casque dit
« casque à nasal ». Il est formé de quatre triangles, tenus
à la base par un cercle de métal et joints en pointe à l’autre
extrémité. Le nez est aussi protégé par une avancée métallique non mobile.
Un bouclier de forme oblongue, « bouclier en amande »,
complète l’équipement défensif. Ces boucliers sont en
bois et en cuir. Ils sont largement décorés.
L’assaut se fait avec une lance (scène 50).
Les Normands ont aussi à leur ceinture une épée, portée à
gauche dans un étui (scène 50). Les Anglais ont plus souvent une hache dite « hache danoise » (scène 53).
Tout au long des scènes retraçant la bataille d’Hastings
(scènes 48 à 58), on peut voir des archers qui ouvrent la
voie à la cavalerie normande. Ils ont un carquois à la ceinture ou parfois au cou et un grand arc.
Les Normands combattent à cheval. Les selles étaient non
pas en cuir comme actuellement mais en bois.
La partie basse de la tapisserie nous donne aussi des informations sur le champ de bataille. Les hommes morts sont
déshabillés, leurs cottes de mailles sont récupérées par les
survivants ainsi que les armes et les casques.
Il est fait mention de la tapisserie pour la première fois
dans l’inventaire dressé pour le chapitre de la Cathédrale
de Bayeux de 1475.
La tapisserie a été brodée entre 1066 et 1077 par des moines
anglais du comté de Kent sur la demande de l’évêque Odon,
demi-frère de Guillaume le Conquérant. Elle était destinée
à être accrochée dans la cathédrale de Bayeux. Cette fresque politique nous raconte le combat livré en 1066 par
Guillaume, Duc de Normandie, pour conquérir l’Angleterre.
Les premières scènes expliquent l’origine de cette
conquête (scènes 1 à 35), puis la préparation de l’action
militaire (scènes 36 à 38), le débarquement en Angleterre,
l’installation des Normands avant la bataille (scènes 39 à
46) et enfin la bataille d’Hastings (scènes 47 à 58).
Étudier toutes les scènes de la tapisserie n’aurait pas de
sens pour les élèves. Mais certaines peuvent être un bon
support pour évoquer : la vie quotidienne ; les armes et la
guerre ; les bateaux et la navigation.
➤ Activité 1 : « J’étudie la tapisserie de Bayeux »
La vie quotidienne des paysans et des nobles
La tapisserie de Bayeux nous donne plusieurs exemples de
la vie quotidienne des paysans et de la noblesse.
– Scène 10 : les paysans labourent les champs à l’aide de
mulets ou de chevaux. L’antique araire est remplacé par
une charrue avec soc. Ainsi la terre est mieux préparée
pour les semailles, les sillons sont plus réguliers et les
rendements plus élevés. Les paysans effectuent donc un
travail moins difficile. Cette scène est une très bonne
illustration de la réforme agraire du XIe siècle.
– Scènes 7 et 10 : des scènes de chasse sont représentées.
En effet, la noblesse mange de la viande.
– Scène 19 : la représentation d’une tour en bois sur une motte
montre la construction rudimentaire des premiers châteaux.
– Scènes 41 à 45 : elles mettent en avant le banquet qui
précède la bataille d’Hastings. Chevaliers et soldats y sont
réunis.
Les bateaux et la navigation
La tapisserie montre comment les hommes fabriquaient
les bateaux et leur utilité lors des batailles.
Dès la scène 35, les charpentiers abattent les arbres nécessaires à la fabrication des bateaux qui traversent la
Manche dans les scènes 38 et 39. Ils ont un mât avec une
voile. Ce mât peut se retirer selon les besoins. Les figures
20
Il est possible aussi d’utiliser des craies grasses pour remplir un espace. Puis, avec une plume fine, les élèves peuvent retravailler cette surface avec des traits graphiques.
C’est le principe de la carte à gratter.
Pour obtenir des effets de taches, disposer de l’encre de
Chine liquide sur la surface à traiter puis saupoudrer cet
espace de gros sel. Celui-ci se dissout en chassant l’encre.
Retirer l’excédent de gros sel quand l’encre est sèche.
À la fin du travail des élèves, rassembler les scènes sur
une grande bande de papier ou de tissu.
de proue sont très visibles scène 39. Elles sont là pour
effrayer les esprits des pays hostiles.
Les bateaux servent à transporter les chevaux, les armes et
même (scène 37) les cottes de mailles sur des « cintres ».
Souvent le mot « drakkar » (qui vient de dreki (pluriel drekar)) est utilisé pour nommer les bateaux. Or ce mot ne
désigne que l’animal fantastique qui orne la proue du navire.
➤ Activités 2 et 3 : « Je découvre un scénario
et je dessine une scène »
L’enseignant fera découvrir aux élèves la tapisserie de
Bayeux selon les étapes suivantes :
1. Décrire et analyser la tapisserie de Bayeux.
2. Lire le scénario proposé pour amorcer l’histoire.
3. Inventer et écrire collectivement l’histoire sous forme
de dictée à l’adulte ou bien utiliser le scénario proposé
dans le dossier.
4. Mettre en place le découpage de l’histoire par scènes.
Pour aller plus loin
Les élèves peuvent ensuite organiser une exposition. Ils
pourront ainsi expliquer leur démarche, leurs choix et les
difficultés qu’ils ont rencontrées.
Si vous n’avez pas la possibilité d’emmener les élèves voir
la tapisserie à Bayeux, il est possible de se la procurer
(« Conquête de l’Angleterre par Guillaume le Conquérant
en 1066 », La Tapisserie de Bayeux, dessins de R. Lefranc,
ville de Bayeux).
Dans un second temps, expliquer aux élèves la façon dont
ils vont devoir travailler pour produire leur scène.
1. Rapeler les contraintes inhérentes à la tapisserie :
• une hauteur de 50 cm subdivisée en trois parties ;
• une partie centrale d’environ 33 cm de haut ;
• une partie basse et une partie haute ;
• des entrelacs, des arbres ou des bâtiments pour séparer
les scènes ;
• une phrase d’illustration de la scène au-dessus du motif
principal.
2. Mettre en place des groupes pour le travail de formalisation graphique.
3. Faire réaliser les scènes par les groupes d’élèves.
4. Assembler les différentes scènes sur une bande de
papier.
Les Éditions Ouest-France proposent un guide permettant
une vision globale du contexte historique ainsi qu’une
explication des différentes scènes. (J. Bertrand et S.
Lemagnen, La Tapisserie de Bayeux, Ouest-France, 1996).
Bibliographie
– « La vie quotidienne au XIe siècle sous Guillaume le
Conquérant, d’après la tapisserie de Bayeux », numéro
hors série, revue Heimdal.
– R. Delort, La France de l’an Mil, coll. « Points Histoire »,
n° 130, Le Seuil, 1990.
– S. Lebecq, Nouvelle Histoire de la France médiévale,
coll. « Points Histoire », Le Seuil, 1990.
– R. Delort, La Vie au Moyen Âge, coll. « Points Histoire »,
n° 62, Le Seuil, 1982.
La difficulté est d’obtenir un effet de tapisserie avec des
matériaux qui n’en sont pas constitutifs. Il faut que les élèves aient en tête que la tapisserie est une œuvre qui a un
relief, une épaisseur.
Organisation et matériel
Former les groupes selon le nombre de scènes à réaliser.
Chaque groupe doit avoir une feuille de papier du type
« affiche » blanche ou crème.
Pour que la tapisserie ait un rendu homogène, il est utile
de définir avec les élèves la longueur maximale de la
scène. Les élèves peuvent aussi délimiter les différents
espaces en hauteur à l’aide d’un trait de crayon qu’ils
gommeront ensuite.
Après un travail préparatoire au crayon, les élèves devront
transformer leur dessin en une tapisserie.
Ici commence pour les élèves un travail de recherche de
matériaux ou médium (peinture, craies, pastels…), pour
donner une vraisemblance à leur travail.
Il est tout à fait possible d’utiliser des collages de tissus,
des papiers avec des fibres ou des collages d’images de
vêtements.
sites
– http://www.etab.ac-caen.fr/circ-bayeux/Tapisserie/
Catalogue.htm
Ce site propose des activités pédagogiques à faire à partir
de la tapisserie.
– http://www.bayeux-broderie.com/fr/pointsBayeux.asp
Ce site donne la marche à suivre pour réaliser les « points
de Bayeux » utilisés par les moines pour broder.
– http://www.ac-rouen.fr/hist-geo/pdg/5h/tbx/tbxsmm.htm
Un projet pédagogique réalisé par un enseignant.
21
Comment vivait-on au Moyen Âge ?
Pages 26 à 31 du dossier
Référence aux Instructions officielles
L’Europe connaît une croissance économique de l’an 1000 jusqu’aux dernières décennies du XIIIe siècle. La croissance
accompagne la hausse démographique, le développement des solidarités villageoises et la montée en puissance des
villes. Par exemple, la part de la population rurale en France passerait de 90 % du total au début du XIIIe siècle à
85 % à la fin. Et même si cette évaluation est discutable1, elle reste pertinente pour exprimer à la fois la part toujours
majoritaire de la population rurale et l’augmentation de la population urbaine. Cette croissance donne aussi aux
monarques les moyens d’acquérir des revenus et de conduire une politique plus agressive contre les potentats locaux.
Compétences
• Appréhender le temps en situant les moments importants du Moyen Âge central (de l’an 1000 à la fin du XIIIe siècle).
• Caractériser une période : croissance démographique, croissance des campagnes et des villes sur fond de mutation
féodale.
Photofiche
Voir photofiche n° 4 p. 79.
Le contexte historique
grands marchands se rencontrent aux foires de
Champagne qui, dès la première moitié du XIIe siècle, se
succèdent en un cycle annuel à Lagny, Bar-sur-Aube,
Provins et Troyes. Elles répondent à un besoin : la mise en
relation de deux sphères de production complémentaires,
le Bassin méditerranéen et les littoraux de la mer du Nord
et de la Baltique. Ce sont surtout des draps qu’on échange.
Marchandises précieuses qu’il faut protéger, en route,
contre la piraterie et la guerre. La politique des comtes de
Champagne garantit le succès des foires : des conduits
sont délivrés pour assumer aux marchands étrangers la
sauvegarde de leur personne et de leurs biens, des privilèges sont concédés aux communes et l’ordre règne dans
les villes. Les opérations commerciales impliquent le crédit, la diversité des monnaies et le change.
Les causes de la croissance économique de l’Europe sont
encore mal connues. En revanche, ses manifestations se
retrouvent partout. Du XIe au XIIIe siècle, les paysans poussent plus loin leurs sillons. Les vallées – là où se concentrent les moulins à eau puis à vent – sont les premières
concernées par les progrès agricoles. Des villages neufs
sont créés, sous l’impulsion de grands défrichements initiés par les seigneurs laïcs et les abbés qui attirent des
communautés paysannes venues de très loin. La toponymie nous les dévoile : « Villeneuve » ou « Villefranche »
pour signifier les privilèges accordés à leurs habitants.
La population augmente rapidement, en France et en
Europe, dans les campagnes et dans les villes. Le royaume
de Philippe IV le Bel, au début du XIVe siècle, est un pays
densément peuplé. L’État des paroisses et des feux – document fiscal élaboré dans le domaine royal – le prouve.
Étendue à ses frontières actuelles, la France des années
1320 compterait 20 millions d’habitants, soit autant que
sous Louis XIV. Depuis le début du XIIIe siècle, la progression est voisine de 150 % ! D’autres États européens enregistrent sans doute des dynamismes démographiques
encore supérieurs, mais seule la France donne cette
impression de plénitude avant les « malheurs des temps »
des XIVe et XVe siècles.
L’exploitation pédagogique
des documents en classe
À partir du XIe siècle, les améliorations des techniques
agraires permettent de mieux nourrir les populations plus
nombreuses. L’intensification du travail agricole et la hausse
démographique dégagent une main-d’œuvre capable de
développer les activités artisanales et de services en ville.
➤ Activité 1 : document 1 p. 26
Une ville, c’est d’abord la création d’un paysage singulier.
Faire observer le document 1 p. 26 et faire répondre aux
questions 1, 2 et 3. La ville doit son nom aux moulins à
eau qui sont établis au bord de la rivière Allier, support
d’un vieil axe de communication Nord-Sud. Les ducs de
Bourbon s’y implantent au XIVe siècle. Moulins est rattachée à la Couronne en 1532. Faire remarquer aux élèves
trois constructions (question 2) :
1. L’enceinte est inséparable de la définition de la ville. Il
n’y a qu’une enceinte à Moulins ; on peut aussi en compter
L’étude de la chronologie p. 26 permet d’indiquer que,
dans le poids démographique global, celui des villes progresse sur la période. L’Europe se couvre d’un réseau de
petites villes qui sont des lieux d’échanges, en particulier
pour les céréales, la viande, le sel et le vin. L’artisanat
urbain se développe surtout en Italie du Nord et en
Flandre, où, grâce à la mise au point du métier à tisser
horizontal, la laine est transformée en drap. En France, les
1. À cause de l’évaluation démographique elle-même, de la définition du seuil de population agglomérée et de la liste des agglomérations à retenir au chapitre de la population urbaine.
22
machines de siège et par le canon. Il faut donc construire
et reconstruire, suivant des géométries simples et ramassées : renforcer la base des murailles et multiplier les
tours, ce qui réduit l’importance des donjons.
plusieurs, réunies ou non, qui séparent la ville en plusieurs quartiers (question 1). Pourtant, partout en Europe,
l’unification des agglomérations urbaines s’accélère au
XIIIe siècle. En France, il faut attendre les chevauchées de
la guerre de Cent Ans2, au début du XIVe siècle, pour
qu’une enceinte unique englobe tout l’espace urbanisé au
cours des décennies précédentes. Lorsqu’elle est achevée,
une seule administration municipale gouverne intramuros. Enserrées dans une ou des murailles, dominées par
les clochers des églises et les beffrois (tours de guet), les
maisons s’entassent autour de la place du marché ou de
l’église, et, à l’entour, les rues alignent les échoppes, où se
fabriquent et se vendent les productions de l’artisanat
urbain. Ces maisons ont souvent une avancée sur la rue
qui augmente à chaque étage et il arrive que les étages
supérieurs se touchent presque de part et d’autre de la rue.
Construites en bois, avec un soubassement en pierre, les
maisons de Moulins ont plusieurs étages. Et leur toit de
chaume brûle facilement (question 3). Cette description
masque le chantier qu’est la ville au Moyen Âge car ses
configurations sont nombreuses. Par exemple, la très
grande cité de Reims, au début du XIIIe siècle, enregistre
une augmentation de ses effectifs, tandis que le bourg
adjacent est boudé par les ménages. Mais à Tours, la situation est inverse : c’est au bourg de Châteauneuf, autour du
cloître de Saint-Martin, que l’urbanisation est intense, tandis que la croissance de la ville est étouffée par les emprises
du château et du quartier de la cathédrale. Faire remarquer
qu’un faubourg s’individualise à Moulins puisqu’il est
rejeté hors des murs : une place se trouve devant l’église ;
les jardins et les vergers sont visibles alors qu’ils ne le sont
plus dans la cité.
2. Il est tentant de faire de la cathédrale l’autre symbole de
la ville. Dire aux élèves que, si la cathédrale gothique
Notre-Dame de Moulins est invisible sur cette miniature,
c’est parce que sa construction est tardive (1474-1507).
Les grands chantiers de la France gothique commencent
en effet dans la seconde moitié du XIIe siècle. Dans le
Nord, ils s’éteignent après 1250 ; dans le Midi, les chantiers sont décalés car ils commencent à Toulouse,
Narbonne, Albi, Carcassonne, Rodez, Béziers, Clermont
et Limoges lorsqu’ils s’arrêtent dans le Nord, pour s’éteindre
ici vers 13303. Faire distinguer deux clochers à l’intérieur
des murs de Moulins : l’éblouissement des cathédrales
doit faire oublier la construction d’autres édifices religieux dans les villes européennes, comme les églises
paroissiales, agrandies pour recevoir une foule plus dense,
et les églises des couvents des ordres mendiants.
3. Pas de ville sans château4. Qu’on en juge par la masse
imposante du château de Carcassonne ou d’Angers pour
asseoir l’autorité royale dans une province nouvellement
acquise. Faire repérer aux élèves le château des ducs de
Bourbon dont le donjon du XIVe siècle est aujourd’hui le
seul vestige. Le beffroi du XVe siècle complète le dispositif
défensif de la ville. Le château est à la fois le siège du
pouvoir sur la ville et l’appoint nécessaire aux murailles
urbaines, rendues obsolètes par le perfectionnement des
➤ Activité 2 : document 2 p. 27
L’agriculture est la ressource première dans toute l’Europe.
Faire observer le document 2 p. 27 et faire répondre aux
questions 4, 5, 6, 7 et 8. Dire aux élèves qu’il n’y a pas
d’espaces – même les agglomérations urbaines – qui tirent
toutes leurs richesses de la seule activité artisanale ou
commerciale. Et si les hommes s’amassent en certains lieux,
c’est qu’ils y trouvent et perfectionnent une économie agricole à forte productivité, qui dégage des surplus après avoir
nourri la population. Outre la saisonnalité des travaux agricoles, ce calendrier évoque les rythmes sociaux au Moyen
Âge. Dans une culture de l’oralité, ce sont en effet les signaux
visuels et sonores de la nature qui scandent la vie quotidienne.
Contre les codifications du temps chrétien, le rythme le
plus profond de l’année est d’abord « duel » : il repose sur
l’alternance d’une « belle » et d’une « mauvaise » saison :
1. La « belle » saison commence au printemps avec la
taille des vignes (mars) et la tonte des moutons (avril). La
laine est récupérée par l’industrie drapante, la viande et le
lait par les métiers de bouche en ville. C’est la saison de la
chasse (mai) pour le seigneur (question 8). En été, la
fenaison (juin), la moisson (juillet) et le battage (août)
s’enchaînent : les paysans fauchent les foins ; ils coupent
le blé avec une faucille, puis ils le battent avec un fléau
(questions 4 et 5). L’automne est la saison des semailles
(septembre) et de la vendange (octobre) : les paysans écrasent le raisin ramassé dans une cuve (question 6).
2. La « mauvaise » saison correspond aux rigueurs de
l’hiver : la glandée (les paysans conduisent les cochons
sous les chênes où ils se gavent de glands) en novembre,
l’abattage du cochon en décembre, et le ramassage des
brindilles en janvier et février (l’accès aux forêts relève du
droit de ban seigneurial).
Faire détailler aux élèves les vêtements des paysans : le
chaperon posé sur la tête et maintenu par une cape, qui est
accrochée autour du cou ; la longue tunique, jusqu’aux
genoux, recouvre les braies (pantalons) ; les houseaux
(chaussures), fabriqués en peau de mouton, tiennent avec
des cordes nouées jusqu’au dessous des genoux.
Sur les traces de la vie
quotidienne au Moyen Âge
L’exploitation pédagogique
des documents en classe
➤ Activité 1 : document 1 p. 28
La théorie des ordres détermine l’imaginaire social des
médiévaux.
2. Voir « La guerre de Cent Ans : pourquoi et comment ? », activité 2 : documents 3 et 4 p. 67.
3. Voir « Pourquoi a-t-on construit des églises ? », activité 3 : documents 5 et 6 p. 39.
4. Voir « Pourquoi a-t-on construit des châteaux forts ? ».
23
répand partout en Europe. Le coutre du soc de la charrue
et le versoir retournent la terre et l’aèrent en même temps :
ce qui permet de semer plus profond et de mieux enfouir
les graines, et donc d’en perdre moins (question 7). Les
rendements céréaliers progressent. La rotation triennale8
devient courante, bientôt suivie par l’assolement9.
L’intensification de la céréaliculture atteint même sur des
exploitations modèles du Nord de la France la suppression
de l’année de repos. Sur des domaines artésiens, au début
du XIVe siècle, quatre labours précèdent les semailles et les
légumineuses, fourrage vert et pois occupent les trois
quarts de la sole réservée aux blés de printemps ; ces vesces
de cycle végétatif court ont le double intérêt d’alimenter le
bétail et de reconstituer le sol, qui peut ainsi supporter la
suppression de l’année de repos.
2. Le cheval, au labour rapide et puissant, remplace le
bœuf. Le cheval tire la charrue avec un collier d’épaules.
Le collier remplace le harnais qui serre le cou de l’animal
de trait et l’étrangle quand l’effort est intense ; il peut donc
tirer de plus lourdes charges.
Faire lire le document 1 p. 28 et faire répondre aux questions 1 et 2. À la fin du XIIe siècle, la fusion entre les seigneurs fonciers et l’élite guerrière de la chevalerie est largement accomplie en France et, dans une moindre mesure,
en Europe. C’est la naissance d’une véritable noblesse,
dotée d’une identité collective et d’un rôle idéal dans la
société5. Les moines cherchent à l’exprimer, en adoptant la
théorie des ordres ou « ordines ». Cette vision de la société
divise les hommes entre les clercs, les nobles et les manants,
et chaque groupe est soudé par une espèce de mission
divine : les premiers prient (les oratores) et délivrent les
sacrements, ce qui les désigne comme les intercesseurs
naturels entre Dieu et Son peuple ; les deuxièmes combattent (les bellatores) pour protéger les faibles et servir
l’Église (question 1) ; les derniers travaillent (les laboratores) pour nourrir les deux premiers (question 2). Cette
« tripartition fonctionnelle » – pour citer Georges Dumézil6
– est formulée par les moines dès l’époque carolingienne
mais elle ne s’impose véritablement qu’au XIIIe siècle.
➤ Activité 2 : documents 2 et 3 p. 28
Pour aller plus loin
La surface agricole utilisée progresse grâce aux défrichements.
Le développement des campagnes emprunte des chemins
mal connus. Dans les climats marqués par la sècheresse de
printemps, par exemple dans le Midi de la France, l’avoine
ne peut pousser : son cycle végétatif est trop tardif.
L’animal de trait ne peut donc être le cheval, mais seulement les bœufs, quand ce ne sont pas des ânes. Et l’araire
ne disparaît pas. Pourtant, la Provence exporte régulièrement des blés au XIIIe siècle, notamment vers Marseille et
Gênes.
Faire confronter les documents 2 et 3 p. 28 et faire répondre aux questions 3, 4 et 5. Le XIIe siècle est le siècle d’une
immense croissance de l’espace agricole en Europe. Les
premières années du XIIIe siècle appartiennent encore à
cette dynamique. Partout, plus ou moins vite, se sont
ouvertes d’innombrables entreprises, collectives ou individuelles, de défrichement (question 5). Au pied de l’arbre
(document 3), un moine manie la hache, immortalisant le
rôle des réguliers dans les grands défrichements du XIIe siècle
(question 3). En fait, les moines ne défrichent guère par
eux-mêmes. La pénibilité de la tâche les pousse à faire
appel à des paysans qu’ils recrutent facilement en leur
donnant des privilèges (question 4). Les moines s’allient
aussi avec de grands laïcs, par des contrats de pariage7 qui
fixent les droits et les devoirs de chacun. La conquête de
sols nouveaux enrichit les ordres monastiques qui peuvent
construire un grand nombre d’églises et favoriser la diffusion des innovations techniques : les moulins à eau et les
techniques de drainage des marais, par exemple.
Faire lire le document 5 p. 29 et faire répondre à la question 8. Les belles récoltes donnent à peu près dix fois ce
qui a été semé. Dans ce cas, il n’y a pas de panique : le
pain, qui est l’aliment de base, est assuré, la récolte dégage
un surplus qui peut être commercialisé et la semence de
l’année suivante est mise en réserve. La pénurie s’installe
quand la récolte ne donne que quatre à cinq fois la
semence ; c’est le seuil d’alerte où tout est consommé par
la cellule familiale, sauf la semence pour assurer la continuité des cultures. Sous ce seuil, c’est la disette. Et dans les
cas les plus désespérés, la mortalité fait la différence entre
la disette et la famine. Ce qui explique la parcimonie du
père face aux prétentions alimentaires de son fils. Pourtant,
le souci de la nourriture est moins aigu au XIIIe siècle. Le
remplacement de la goinfrerie par l’avarice comme le
péché capital par excellence est significatif du recul des
crises de subsistance. Les sources écrites confirment cette
impression : les chroniques ecclésiastiques, les fabliaux et
les archives administratives recensent moins de disettes en
Europe qu’aux périodes précédentes.
➤ Activité 3 : documents 4 et 5 p. 29
Les progrès des techniques agraires font reculer les crises
de subsistance.
Faire observer le document 4 p. 29 et faire répondre aux
questions 6 et 7. De nouvelles terres sont mises en valeur
quand les techniques sont assez perfectionnées pour
labourer les sols lourds (question 6). Insister sur la généralisation d’un outillage – pour l’essentiel déjà connu dès
le XIIe siècle – plus performant :
1. La charrue ferrée succède à l’araire. L’usage du fer se
diffuse, comme le montre le succès de la figure du forgeron. La charrue, plus lourde et pourtant plus mobile, se
➤ Activité 4 : document 6 p. 29
La division du travail devient la caractéristique des grandes
villes.
5. Voir « Pourquoi a-t-on construit des châteaux forts ? », « Sur les traces des châteaux forts » : le contexte historique.
6. Historien français (1898-1986). Sa démarche originale est l’étude comparative des mythologies des peuples de langue indo-européenne. Mitra-Varuna
(1948), Les Dieux des Germains (1959), Mythe et Épopée (3 vol., 1968, 1971, 1973).
7. Il s’agit d’une seigneurie partagée entre des personnes ayant des droits égaux.
8. La rotation triennale fait se succéder, par tranches de trois ans, sur une même parcelle, blé d’hiver, blé de mars et un an de repos.
9. L’organisation des finages en soles homogènes pour que chaque exploitant dispose de parcelles régulièrement réparties dans chacune des trois soles.
24
siècles du Moyen Âge, mais de petits regroupements de
« maisons pour rien », de cabanes, vite surgies, vite disparues, sans site fermement établi, sans continuité assurée.
Ce qui signifierait que le village et les campagnes attenantes
seraient largement une création de l’âge seigneurial, à partir de l’an 1000. L’église paroissiale et son annexe, le
cimetière, mais aussi le « fort château » ne seraient pas
venus compléter de l’extérieur un habitat préexistant, mais
ils l’auraient fixé, en auraient assuré la croissance et la
prospérité. Autre point d’ancrage des villages : les grandes
entreprises de défrichement du XIIe siècle.
Faire observer le document 6 p. 29 et faire répondre aux
questions 9 et 10. À l’image de la ville est attachée celle
de l’artisan travaillant dans son échoppe. C’est à la fois
vrai et faux. Vrai, en ce sens que l’usine n’existe pas au
Moyen Âge : l’atelier est domestique, l’artisan travaille
avec ses fils ou avec des apprentis qui font presque partie
du ménage et à qui il transmet son savoir-faire dans un
rapport personnel. Faux, car l’artisanat n’est pas un monopole des villes : il reste très implanté dans les campagnes.
Il n’empêche que l’artisanat des grandes villes se singularise par une extrême division des tâches. Ici, le Livre des
métiers, rédigé par Étienne Boileau, que Louis IX choisit
comme prévôt des marchands de Paris, en 1258, est une
source précieuse : plus de cent métiers différents y sont
indiqués, mais, deux cents ans plus tard, la tendance s’est
accentuée car on en compte trois fois plus. Attirer l’attention des élèves sur des métiers urbains (question 9) :
1. Le traitement des cuirs et des peaux. Faire repérer le
bottier sur la gauche de la miniature. Paris est de ce point
de vue typique : ses livres de taille recensent des milliers
de pelletiers, tanneurs, corroyeurs, selliers, bridiers, boursiers, fourreurs, tailleurs, cordonniers et… bottiers.
2. Le travail des draps. Faire repérer le drapier au centre de
la miniature. Dans les grands centres textiles de Flandre,
les règlements des corporations permettent de reconstituer
tout ce système productif. Après les activités préparatoires
de battage, de peignage et de filage, souvent confiées à
des femmes, vient l’ourdissage par lequel sont tendus
régulièrement les fils de la chaîne. Puis le tissage, qui
réclame une très grande qualification pour assurer la régularité et la solidité de l’ouvrage. Avant ou après le tissage,
le drap est teint. Le foulon « appareille » ensuite le drap :
il le lave et le dégraisse dans un mélange d’eau et d’argile
détergente, puis le travaille avec des chardons pour redonner
du bouffant au drap feutré et enfin le foule à plusieurs
reprises. La dernière opération est l’apprêt avant la vente
dans la boutique du marchand. Il faut un mois pour produire une pièce de drap.
3. Le travail des métaux précieux. Les orfèvres, par exemple,
à droite de la miniature.
➤ Activité possible
• Faire travailler les élèves sur la toponymie des villages
« neufs » créés au XIIe siècle.
Des maisons d’autrefois
Les habitations des paysans sont petites et basses au
milieu d’un enclos qui permet de cultiver des légumes et
d’entretenir une basse-cour. Elles sont en torchis (mélange
de boue et de paille) et ont un toit de chaume posé sur le
clayonnage (charpente en bois). Leur soubassement est en
pierre. Deux pièces séparent les hommes des animaux.
Elles sont sombres : les fenêtres sont très petites, bouchées
avec du parchemin huilé ou un volet de bois pour conserver la chaleur. Les pièces sont enfumées et très peu meublées : un grand lit de paille, une huche (un coffre pour
conserver le pain) et un foyer entouré de bancs. Mais ce
serait oublier les progrès de l’architecture privée et les
nouveaux produits de consommation en relation avec le
confort domestique. L’habitat, gros œuvre et mobilier, est
un champ d’observation pour la mesure des niveaux de
vie. Dans les villages du Languedoc et de la Provence, par
exemple, la hausse démographique entraîne la division de
l’héritage foncier, qui se traduit dans la manière d’habiter.
On découpe dans l’espace hérité : chaque nouveau
ménage voisine donc avec celui de frères et de cousins, si
la maison est assez vaste pour permettre cette subdivision
de l’espace privé. Dans le Midi, où les bêtes sont à l’écart,
l’occupation de l’espace privé n’est pas déterminé uniquement par des impératifs démographiques ou économiques,
le voisinage est plus important. Le nombre de pièces augmente. Les maisons paysannes de Montaillou11 comptent,
à côté de la pièce à vivre, qui est aussi la cuisine, une ou
plusieurs chambres. Cette transformation – qui isole le
coucher des autres activités et sépare la famille en plusieurs
cellules – est un indice des progrès de l’intimité. Et partout,
on remarque le passage à une construction de qualité : progrès de la toiture – dans le Nord, par exemple, se répand
peu à peu la tuile à crochets, amenée à remplacer les toits
de chaume, moins durables – progrès du charpentage.
Le rez-de-chaussée des maisons urbaines est occupé par les
boutiques. Ce sont très souvent des pièces uniques, ouvertes
sur la rue et fermées la nuit par des panneaux de bois. Le client
et l’artisan sont séparés par un comptoir sur lequel sont
disposées les productions (question 10). Les étages, éclairés
par des fenêtres disposées entre les poutres du colombage et
les murs de torchis, abritent les familles et les apprentis.
L’héritage de la vie
quotidienne au Moyen Âge
➤ Activité possible
• En arts plastiques, les élèves dessinent une maison
paysanne du Moyen Âge.
Le paysage des campagnes
Le mot « pain » / Le moulin à vent
Aujourd’hui, quelques médiévistes avancent qu’il n’y
avait pas vraiment de villages dans la Gaule des premiers
Le moulin à vent est en bois et la force du vent fait tourner la meule. Un paysan, courbé sous le poids du sac qu’il
10
10. R. Fossier, Enfance de l’Europe : aspects économiques et sociaux. t. I, L’Homme et l’Espace ; t. II, Structures et Problèmes, PUF, 1982.
11. E. Le Roy Ladurie, Montaillou, village occitan de 1294 à 1324, Gallimard, 1975.
25
métiers réglementaient le travail manufacturier en exigeant qu’il ne soit effectué qu’à la lumière du jour. Or, certains maîtres, pour augmenter le rendement de leurs
apprentis, les faisaient travailler à la chandelle, une fois la
nuit tombée. D’où l’expression « travailler au noir » pour
signifier « travailler de façon illicite ».
porte sur les épaules et la tête, avance dans sa direction.
Cet équipement économique est le symbole de la seigneurie
dite « banale ». La seigneurie banale a une origine
politique : le droit de ban, qui consiste dans le pouvoir
d’ordonner, de contraindre et de punir, résulte de l’accaparement des prérogatives du roi par des seigneurs locaux,
laïcs ou ecclésiastiques. Ce droit de ban s’exerce sur des
hommes, alleutiers ou serfs, non sur une terre. À ce titre,
le seigneur banal rend la justice. Il peut imposer tous les
types de taxes, aussi bien en nature qu’en travail ou en
monnaie : ce sont les « exactions ». En relèvent les
corvées (guet, entretien du château, transport) et la taille,
somme d’argent levée de manière arbitraire. S’ajoutent à
ces prélèvements les péages, droits perçus sur les usages
des voies publiques, ou les tonlieux, taxes perçues sur les
marchandises. Sans oublier les « banalités » : privilèges
commerciaux comme la banvin, c’est-à-dire le droit de
vendre le produit de ses vignes avant les autres producteurs, ou redevances exigées par le seigneur pour l’utilisation des instruments relevant de son monopole (moulins,
fours, pressoirs). En échange, le seigneur doit protéger ses
dépendants et investir dans des outils de production.
➤ Activité possible
• Faire chercher aux élèves d’autres expressions provenant
du Moyen Âge (http://membres.lycos.fr/Clo7/grammaire/
express5.htm)
Pour construire le résumé
Solliciter les élèves pour trouver les mots clés de la leçon.
Par exemple : seigneur(s), paysan(s), commune(s), défrichement. Mettre en relation chacun de ces mots avec des
repères figurant sur la chronologie p. 26. Mettre en commun les réponses et écrire ensemble le résumé de cette
séquence.
➤ Activité possible
• En sciences, faire travailler les élèves sur le moulin à
vent et à eau.
Bibliographie
Les beffrois des villes du Nord
La construction des beffrois dans les villes du Nord de
l’Europe signale l’émancipation des autorités municipales
par rapport aux féodaux. La ville est en effet un espace
privilégié dès la fin du XIe siècle : toutes obtiennent des
chartes de franchises de leurs seigneurs qui leur accordent
exemptions d’impôts et de taxes ainsi que des libertés. Les
bourgeois (habitants des villes) profitent du fait que les
seigneurs ont tout intérêt à voir se développer ces pôles
manufacturiers et commerciaux. Ce qu’ils perdent en
renonçant à quelques prélèvements, ils le récupèrent par
l’enrichissement de la ville et le développement des
échanges marchands à tous les degrés de l’échelle géographique.
– Histoire de la population française, sous la dir. de
J. Dupâquier, PUF, 1988, t. I : Des origines à la
Renaissance.
– D. Barthélemy, « L’ordre seigneurial (XIe-XIIe siècles) »,
Nouvelle Histoire de la France médiévale, coll. « Points
Histoire », Le Seuil, 1990.
– M. Bourrin-Derruau, Vivre au village au Moyen Âge.
Les solidarités paysannes du XIe au XIIIe siècle (en collaboration avec R. Durand), Messidor/Temps actuels, 1988 ;
« Temps d’équilibres, temps de ruptures (XIIIe siècle) »,
Nouvelle Histoire de la France médiévale, coll. « Points
Histoire », Le Seuil, 1990.
– G. Duby, L’Économie rurale et la Vie des campagnes
dans l’Occident médiéval (IXe-XVe siècles). Essai de synthèse et perspectives de recherches, Aubier Montaigne,
« Collection historique », 1962, 2 vol.
– E. Perroy, La Terre et les Paysans en France aux XIIe et
XIIIe siècles, SEDES, coll. « Textes et Documents », 1973.
Des mots du Moyen Âge
Il existe de nombreuses expressions que l’on utilise encore
et qui viennent du Moyen Âge, comme par exemple
« travailler au noir ». Au Moyen Âge, les corporations de
26
Pourquoi a-t-on construit des châteaux forts ?
Pages 32 à 37 du dossier
Référence aux Instructions officielles
Quand les donjons des châteaux forts se dressent un peu partout en Occident, toutes ces mottes de terre, ces palissades
de bois, tous ces fossés et ces murs de pierre signifient la décomposition de l’Empire carolingien. Le système féodal
qui se met en place atteste l’impuissance de l’État central, dont les pouvoirs – judiciaire, militaire et fiscal – sont accaparés, d’abord par les vassaux du roi, puis par les vassaux de ses vassaux.
Compétences
• Classer en triant par domaine les usages du château fort.
• Mettre en perspective en mobilisant des observations faites sur un château fort, afin de les généraliser à d’autres.
• Confronter deux documents de nature différente. Par exemple, l’iconographie d’une cérémonie vassalique et la photographie d’un château fort.
• Caractériser une période : l’affirmation de l’ordre seigneurial (Xe-XVe siècles).
Photofiche
Voir photofiche n° 5 p. 81.
Le contexte historique
les églises font croire en Dieu, en Ses prêtres et en Ses
moines.
La nostalgie de l’Empire romain a ravivé l’idéal d’unité
politique de l’Occident sous Charlemagne (768-814).
Mais, à la suite des invasions des IXe et Xe siècles, les populations européennes sont regroupées en unités de petite
taille, les seigneuries, commandées par un homme fort, le
seigneur, depuis son château. Le château fort est la manifestation d’un pouvoir décentralisé à l’extrême. L’étude de
la chronologie p. 32 permet de dire que la France est à
l’avant-garde de cette évolution qui fait de la seigneurie
châtelaine, à partir du Xe siècle et jusqu’au XVe siècle, la
cellule de base de l’encadrement politique et social en
Occident. Car, à partir de là, l’ordre seigneurial se répand
d’abord en Allemagne et en Angleterre et un peu plus tard
en Espagne et en Italie du Nord en même temps que se diffusent les poèmes qui exaltent la chevalerie. La seigneurie
châtelaine est implantée en Italie du Sud et en Sicile, puis
au Levant après le début des Croisades (1095). Elle reste
inconnue dans les pays scandinaves.
L’exploitation pédagogique
des documents en classe
➤ Activité 1 : document 1 p. 32
Le château fort a pour fonction d’asseoir et de manifester
la domination d’un seigneur.
Le château de Gisors est mentionné pour la première fois
sous la plume du moine Orderic Vital. En 1097, le roi
d’Angleterre Guillaume le Roux – fils du Normand
Guillaume le Conquérant – régent du duché de Normandie
en l’absence de son frère parti pour la première croisade
(1095-1099), ordonne à Robert de Bellême de construire
un château sur l’Epte. Cette rivière, affluent de la Seine,
marque depuis 911 la frontière entre le royaume de France
et les possessions anglaises de la Basse Seine. Cette ligne
de démarcation coupe le Vexin en deux parts à peu près
égales. Les rives de l’Epte sont hérissées de châteaux forts :
Trie, Boury, Chaumont côté français ; Château-sur-Epte,
Dangu, Neaufles-Saint-Martin côté anglais. Orderic Vital
décrit ainsi le rôle de la nouvelle place forte dans ce dispositif : « Le roi Guillaume fit bâtir à Gisors un château
très fort, qui, jusqu’à ce jour [Orderic écrit entre 1123 et
1141], a servi de boulevard [défense avancée] à la
Normandie contre Trie, Chaumont et Boury. » Gisors est
bien vite au cœur des conflits entre Anglo-Normands et
Français.
Le château fort est d’abord l’expression d’une organisation politique où dominent le morcellement, la superposition et la confusion des compétences. Le pouvoir central
se délite, se fragmente, se pulvérise en multiples pouvoirs
seigneuriaux, dont chacun des châteaux forts témoigne à
sa façon. Ensuite, le château est le symbole d’une organisation sociale où la classe seigneuriale laïque a le monopole de la violence. Enfin, le château est l’expression d’un
mode d’exploitation des terres et des hommes où les seigneurs tirent leurs revenus des terres qu’ils possèdent ou
relèvent de leur droit de ban1. C’est parce que leur domination doit être immédiatement visible que les seigneurs
résident sur leurs domaines, au milieu de paysans qui sont
aussi leurs dépendants. Le château fort inscrit dans les
paysages d’Europe le primat des seigneurs, tout comme
Faire observer le document 1 p. 32, puis faire répondre
aux questions 1 et 2. Faire remarquer aux élèves que le
château est surélevé, dégagé de la végétation, et entouré
d’un fossé. Le château culmine sur une motte de terre
rapportée haute de 20 m et de 25 m de diamètre pour sa
1. La seigneurie dite « banale » a une origine politique. Le droit de ban, qui consiste dans le pouvoir d’ordonner, de contraindre et de punir, résulte de
l’accaparement des prérogatives royales par de puissants seigneurs locaux.
27
dégage, à partir du IXe siècle, le couple seigneur vassal.
La première fonction du vassal est la guerre puisque
c’est pour satisfaire à cette charge qu’il entre dans une
vassalité : « soldat » (miles) et « vassal » (vassus) sont
d’abord synonymes. Très vite, des paysans, quoique
Francs et libres en définition, sont trop pauvres pour partir à la guerre et ils ne s’y rendent plus. C’est un soulagement économique pour beaucoup puisqu’ils n’ont plus à
s’équiper, mais c’est une coupure avec ces vassaux, soldats,
qui sont sur le chemin de la chevalerie et de la noblesse.
Le modèle nouveau de cette société est l’homme de fidélité et de combat que les textes appellent, au Xe siècle, le
miles.
partie haute (70 m à la base). Une chemise de pierre de
forme circulaire haute de 10 m entoure un donjon octogonal excentré de quatre étages. C’est le logis du seigneur
(question 2). Faire remarquer l’étroitesse des ouvertures
pour empêcher que des traits enflammés parviennent à
l’intérieur où meubles et tentures prendraient feu. Une
tourelle escalier d’un étage supplémentaire est accolée au
donjon. La motte castrale est entourée d’un large fossé
surmonté d’une enceinte de 200 m de long et 10 m de haut
flanquée de tours rondes, carrées et polygonales. Les murs
sont hauts, lisses et presque sans ouverture. C’est derrière
cette muraille de pierre que se réfugient les paysans en cas
d’attaque (question 1). Les murs peuvent aussi servir de
caves, d’entrepôts ou d’ateliers à quelques artisans.
Adossée au rempart, une grosse tour défend l’entrée principale du château.
Faire observer le document 3 p. 33 et faire répondre aux
questions 5 et 6. Dire aux élèves que trois moments
constituent la cérémonie de l’hommage entre le seigneur
et son vassal :
1. D’abord, le vassal s’agenouille devant son seigneur et
met ses mains dans les siennes ; parfois, les deux hommes
s’embrassent sur la bouche, c’est un baiser de paix.
2. Ensuite, ils échangent des serments ou au moins des
engagements. Les châteaux sont au cœur de leurs préoccupations : le vassal prête hommage pour entrer ou pour
demeurer dans le groupe des chevaliers de châteaux (milites castri) ; ou même pour obtenir la seigneurie d’un château comme nous le montre cette reproduction. En
échange, le vassal doit un service par les armes. Mais le
service varie beaucoup. Cela va d’une simple neutralité ou
de la remise provisoire d’un château en cas de guerre
contre un tiers, à un véritable dévouement militaire.
3. Enfin, le seigneur donne au vassal un morceau de terre
ou un objet qui symbolise le fief – un seigneur concède à
son vassal une terre appelée « fief » et les droits seigneuriaux attenants, en échange de services, surtout militaires
– qu’il lui alloue à titre personnel, puis héréditaire.
➤ Activité 2 : document 2 p. 33
Le château fort est une demeure dont la fonction est défensive.
Dans la période mérovingienne, les éléments de défense
sont surtout constitués par des enceintes urbaines, dressées
aux IIIe et IVe siècles, où viennent occasionnellement se
réfugier les populations. Puis, dans les dernières années
du Xe siècle, les sources écrites mentionnent des mottes
castrales de terre et de bois (des castra, des castella ou des
turres). Les châteaux de pierre – ceux dont nous voyons le
plus de vestiges – sont postérieurs au XIe siècle.
Faire lire le document 2 p. 33 et faire répondre aux questions 3 et 4. Le château fort est une construction destinée
à être habitée par un lignage seigneurial. C’est une
demeure dont la vocation est défensive – au point de
conditionner sa structure et son agencement – un édifice
qui, lorsqu’il est formé de plusieurs bâtiments, est un
espace fermé, jouissant d’un degré d’autonomie par rapport aux campagnes alentour. Le fossé et le talus délimitent un monde clos qui, à l’occasion des guerres, s’ouvre
aux paysans, en vertu du principe que le plus puissant a le
devoir de protection vis-à-vis du plus faible (question 4).
Le maître du château, qui confisque à son profit les droits
régaliens, ne voit de limites à son indépendance que dans
la convoitise de ses rivaux, château contre château. Ainsi,
le succès de la seigneurie châtelaine est perçue comme un
malheur par les chroniqueurs nostalgiques de la concorde
impériale. Les guerres seigneuriales sont interprétées
comme une punition divine face à l’impuissance du pouvoir central et au relâchement de la société qu’elle a
entraîné (question 3).
➤ Activité 4 : document 4 p. 33
Le château fort s’exporte dans les États latins d’Orient.
Faire observer le document 4 p. 33 et faire répondre aux
questions 7 et 8. Forteresse de l’ordre militaire de
l’Hôpital, le « krak » des chevaliers est établi sur une hauteur du djebel Ansariye (Syrie). Le château occupe le sommet aplani d’une montagne aux flancs abrupts, qui permet
de contrôler le verrou créé par la topographie. Cet emplacement stratégique a été occupé par des contingents
byzantins puis musulmans, mais aucun vestige de ces installations n’a subsisté. Les Francs le ravissent aux musulmans (1098). Le site est transformé en place forte capable
de soutenir un long siège et d’abriter une garnison nombreuse.
➤ Activité 3 : document 3 p. 33
La prestation d’hommage scelle les liens entre le seigneur
et son vassal.
Sur les traces
des châteaux forts
Depuis Charlemagne, la société n’oppose plus libres et
non-libres. La notion de liens d’homme à homme a pénétré toute la société où protection des uns et dépendance
des autres créent des solidarités interpersonnelles. Le
puissant a le devoir de protection vis-à-vis du faible qui,
de son côté, doit un service pouvant aller de l’aide et
conseil à la soumission complète. Au sein des Francs se
Le contexte historique
Depuis le milieu du IXe siècle, la décomposition du pouvoir carolingien favorise un peu partout la mise en place
28
gesse, c’est-à-dire le mépris des richesses et l’obligation
au contraire de les dissiper, profite à l’Église par le biais
de donations pieuses.
de potentats locaux qui usurpent les attributs de la puissance publique. Quelques familles se structurent selon des
lignages qui assurent la transmission héréditaire de la seigneurie foncière et du pouvoir banal, mais elles ne sont
pas encore une « noblesse », c’est-à-dire un groupe dont
l’identité se fonde sur un système de valeurs partagées par
tous. Vers l’an 1000, le mot latin miles désigne ces seigneurs.
Jusqu’alors, ce mot s’appliquait aux milites castri, les
cavaliers lourdement armés qui gardaient les châteaux des
seigneurs et vivaient dans leur entourage. Mais au XIe siècle,
les seigneurs sont de plus en plus nombreux à faire adouber leurs fils, voire à marier leurs filles à ces chevaliers
qui étaient leurs inférieurs. L’image du chevalier change
en effet : l’Église – qui juge qu’il est scandaleux que les
seigneurs chrétiens se fassent la guerre entre eux –
détourne peu à peu les débordements belliqueux des chevaliers européens contre les hérétiques et les musulmans.
L’exaltation de cette fonction militaire valorise le prestige
social des chevaliers, ce qui pousse les seigneurs à adopter
leur mode de vie et leurs valeurs. À la fin du XIIe siècle,
cette fusion entre l’aristocratie foncière et l’élite guerrière
est largement accomplie en France. C’est la naissance
d’une véritable noblesse, dotée d’une identité collective et
d’un rôle idéal dans la société. Les moines cherchent à
l’exprimer, en adoptant la théorie des ordres, qui ne s’impose véritablement qu’au seuil du XIIIe siècle2.
➤ Activité 2 : documents 2 et 3 p. 34
Le tournoi et la chasse sont des pratiques spécifiques aux
chevaliers.
Faire observer les documents 2 et 3 p. 34 et faire répondre
aux questions 2 et 3. Dire aux élèves que ce qui distingue
le chevalier du « vilain » (l’homme du peuple), c’est qu’il
ne travaille pas. Il occupe ses loisirs à des exercices préparatoires à sa mission militaire et qui l’entraînent : la chasse
– privilège de cette classe dominante laïque et qui est un
loisir très dangereux – puis le tournoi – puisqu’il y a des
interruptions dans l’activité guerrière, les chevaliers s’affrontent dans ce qui est à la fois un divertissement et une
occasion de prouver sa valeur (question 2). Faire détailler
par les élèves les armes utilisées. La lance, longue et fine,
en bois, est terminée par une pointe de métal ; elle désarçonne l’adversaire contre lequel le cavalier se lance à
pleine vitesse. Sous la violence des coups, elle peut se briser. Le bouclier ou « écu », en bois, recouvert de cuir, puis
de métal, sert à parer les coups ; de forme triangulaire
allongée et étroite pour protéger le buste et une jambe du
chevalier, il est décoré aux armes de son propriétaire. La
cuirasse est une longue robe de mailles en métal recouverte d’une tunique aux armes du chevalier. Le heaume est
un casque en métal (question 3). Les chevaux sont recouverts d’un caparaçon aux armes de leur propriétaire et
assorti aux armes du bouclier ce qui permet de les reconnaître dans les joutes. Dire aux élèves qu’il ne faut pas se
laisser abuser par les tournois de la fin du Moyen Âge où
les chevaliers s’affrontent dans une joute organisée sur un
terrain clos. Mais, aux XIe et XIIe siècles, le tournoi voit des
bandes de deux, trois ou quatre chevaliers qui se jettent
l’une contre l’autre et où tous les coups sont permis ; il
faut capturer les adversaires, s’emparer de leurs armes et
de leurs chevaux pour ensuite les rançonner.
L’exploitation pédagogique
des documents en classe
➤ Activité 1 : document 1 p. 34
L’Église catholique christianise l’idéal chevaleresque.
Les clercs, au début, considèrent les chevaliers comme des
agents du Diable parce qu’ils conduisent des razzias et
font régner la terreur sur les terres de l’Église ; mais, en
même temps, ces chevaliers sont les parents des évêques,
des abbés, des moines… Entre le haut clergé et les chevaliers, il y a connivence : le haut clergé se recrute dans la
chevalerie, et il existe des solidarités familiales.
➤ Activité 3 : documents 4 et 5 p. 35
La culture ecclésiastique et la culture chevaleresque se
télescopent et s’enrichissent réciproquement. Faire observer aux élèves le document 1 p. 34 et faire répondre à la
question 1. La culture ecclésiastique modèle la cérémonie
de l’adoubement, par laquelle le jeune miles, ayant terminé ses apprentissages et pouvant faire preuve de ses
capacités guerrières, est introduit dans la chevalerie.
L’adoubement, apparu au cours du XIe siècle, est au départ
une cérémonie strictement domestique, purement profane ;
les armes remises sont l’épée, le bouclier, le heaume et les
éperons – rappeler aux élèves que le chevalier est avant
tout un combattant qui se distingue des autres parce qu’il
monte à cheval (question 1). L’adoubement change à la
fin du XIIe siècle : les armes du chevalier sont bénies,
déposées sur l’autel, et une prière précède la cérémonie.
De plus, les valeurs chevaleresques changent au contact
des commandements chrétiens : le courage et la loyauté
sont mis au service des pauvres et de la croisade ; la lar-
La croisade est l’aboutissement de la christianisation des
valeurs chevaleresques.
La croisade se situe au point de convergence de deux processus bien distincts :
1. Le premier est le mouvement de la « paix de Dieu » :
les populations européennes en ont assez d’être soumises
aux querelles des seigneurs, qui les ruinent. Faire lire le
document 4 p. 35 et faire répondre aux questions 4, 5, 6,
7 et 8. Cette dynamique de paix, qui se développe à partir
de l’an 1000, pendant longtemps de façon spontanée, est
très vite récupérée par l’Église (question 5). Les autorités
catholiques réagissent aux exactions des bandes armées
qui menacent aussi les clercs et les biens de l’Église
(question 4). Les décrets du concile de Charroux (989)
obligent les milites à renoncer aux pillages et à ne pas faire
la guerre à certaines périodes de l’année : du début du
Carême jusqu’à Pâques, par exemple.
2. Voir « Comment vivait-on au Moyen Âge ? », « Sur les traces de la vie quotidienne au Moyen Âge », activité 1 : document 1 p. 28.
29
2. Second processus : le développement extraordinaire de
la chevalerie. La hausse démographique de l’Europe est
difficilement absorbée ; il y a trop de jeunes chevaliers
sans terre et sans femme. Le groupe des milites reçoit
alors une justification religieuse : les hommes en armes
sont priés de mettre leur force au service des pauvres et de
l’Église, devenant ainsi des milites Christi, des « soldats
du Christ » chargés de répandre la foi et de lutter contre
les hérétiques et les musulmans en Terre sainte. Du même
coup, la guerre se trouve justifiée comme elle ne l’a
jamais été. Certes, elle doit être conduite conformément
aux principes augustiniens3, mais maintenant, si elle obéit
à ces principes, ce n’est plus un mal, c’est un bien. C’est
un bien pour ceux qui la font et assurent ainsi leur salut ;
c’est aussi un bien pour ceux à qui on la fait, car ils reçoivent un châtiment juste (questions 6 et 7).
L’héritage des chevaliers
Les restes du château de Quéribus
Dominant des escarpements vertigineux et occupant toute
la partie sommitale du site, le château de Quéribus est
mentionné pour la première fois en 1020 et appartient au
seigneur Bernard de Taillefer, comte de Besalu. En 1111,
les propriétés de ce lignage passent au comte de
Barcelone. Et lorsque le comte Alphonse II ceint la couronne d’Aragon (1162), la place de Quéribus fait partie
d’un glacis protecteur en arrière de Carcassonne, sur la
frontière Nord des possessions du roi d’Aragon. Depuis le
milieu du XIIe siècle se développe en Languedoc une hérésie,
que nous appelons « hérésie cathare », mais il est difficile
d’en connaître le contenu et le recrutement car elle ne se
trouve exposée que chez ses adversaires. Les albigeois –
nom donné par les chroniques aux hérétiques méridionaux
– sont soutenus par le comte de Toulouse et par le seigneur
de Trencavel, vicomte d’Albi, Carcassonne et Béziers.
Après l’assassinat de son légat, le pape Innocent III prêche
la croisade, la première en terre chrétienne. Simon de
Montfort (l’Amaury) en prend la tête en 1209. Le comte
de Toulouse s’allie au roi d’Aragon mais leurs troupes
sont défaites en 1213. Simon fait hommage des domaines
nouvellement acquis à son suzerain, Philippe II Auguste,
unissant ainsi le Nord au Midi. Mais le nouveau comte de
Toulouse, Raymond VII, profite de la mort de Simon pour
reprendre les hostilités. En 1226, Louis VIII obtient l’excommunication de Raymond. Descendu par la voie du
Rhône, il assiège Avignon4. La prise de la ville crée une
telle panique que le Languedoc capitule rapidement. En
1229, ces vingt années de croisade sont closes par le traité
de Paris qui rattache au domaine royal Beaucaire et
Carcassonne et prévoit le mariage de la fille du comte de
Toulouse, Jeanne, avec l’un des fils de Louis VIII, Alphonse
de Poitiers. Par ailleurs, il est indiqué que le comté de
Toulouse reviendra à la Couronne si le couple meurt sans
héritier mâle. De nombreux châteaux des Corbières restent
cependant des pôles de résistance du catharisme languedocien : Quéribus finit par tomber en 1255. Le château
devient un « château royal » : il est réaménagé et il fait partie de la ligne de défense française face à l’Aragon jusqu’au
rattachement du Roussillon à la France en 1659. Ses parentés architecturales avec la cité de Carcassonne le désignent
comme un exemple de ce magnifique art militaire de la
seconde moitié du XIIIe siècle. Du château cathare luimême, détruit en 1255, on ne sait pas grand-chose.
L’effort pour expulser la violence hors de l’Europe résulte
de ces deux processus. Le concile de Clermont (1095)
impose aux monarques et aux seigneurs chrétiens de
reprendre Jérusalem : c’est là que la religion chrétienne
est née, que le Christ s’est incarné, est mort et a ressuscité.
Il existe aussi une dimension spirituelle de la croisade : la
conviction qu’il faut faire son salut. Et Jérusalem devient
l’image fantasmée de ce salut : il faut la reconquérir sur
Terre avant de rejoindre la Jérusalem céleste. Le pèlerinage armé de la croisade est « juste » puisqu’il n’est pas
conçu comme une conquête, mais comme une reconquête.
Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si l’impératif de la croisade
apparaît en Ibérie, trente ans avant le concile de Clermont,
lorsqu’en 1063 le pape Alexandre II déclare qu’il est du
devoir des chrétiens de reprendre la péninsule. La croisade
est « sacrée » parce qu’elle veut récupérer la terre originelle des chrétiens. Elle est « sacrée » parce qu’elle est décidée par la papauté. Elle est « sacrée » parce qu’elle s’accompagne de rites de pénitence. C’est une guerre menée par
Dieu plutôt que par les hommes ; les Croisades sont désignées comme les Gesta Dei per Francos : les « hauts faits
de Dieu accomplis par le truchement des Francs ».
➤ Activité 4 : document 6 p. 35
Le château perd brutalement ses qualités quand apparaît
une arme nouvelle : le canon.
Faire observer le document 6 p. 35 et faire répondre aux
questions 9 et 10. Ce document du XVe siècle renseigne les
élèves sur l’évolution des techniques de siège. Le château
fort a acquis une perfection qui le rend souvent imprenable.
Faire repérer les arcs, les arbalètes, les épées et les
échelles contre les murs. Il faut surtout insister sur les
canons (question 9). Le canon ruine rapidement la réputation d’invulnérabilité des forteresses médiévales (question 10). Pourtant il ne lance encore que des boulets (des
projectiles non explosifs) ou de la mitraille (tout objet de petit
calibre dont on bourre la gueule du canon et qui, propulsé
par la poudre, blesse, coupe, déchire les chairs). Les boulets éventrent les murs ou les abattent, percent les portes
et, s’ils sont chauffés, incendient des éléments défensifs.
➤ Activité possible
• Pour les visites scolaires du château de Quéribus :
http://mairie.cucugnan.free.fr/ ; l’office du tourisme le plus
proche se trouve à Quillan (11500), Tél. 04 68 20 07 98,
Fax. 04 68 20 04 91.
3. Pour saint Augustin (IV-Ve siècle), la guerre est dite « juste » si elle n’est pas une fin en soi, mais vise à rétablir la paix ; si elle conforte la justice ; si elle
garantit ce qu’Augustin appelle « la tranquillité de l’ordre », c’est-à-dire si elle punit le déchaînement des hérétiques et reconquiert des terres usurpées.
4. Les terres du comté de Toulouse comprennent l’Agenais, le Quercy, une partie du Rouergue, le Bas-Languedoc et une part de la Provence.
30
Le château, à l’origine de la ville
femmes ; être courtois – du mot cour ou « entourage du
seigneur » – c’est donc savoir se tenir honorablement en
face des femmes. C’est ce qui distingue le « courtois », le
chevalier, du « vilain », l’homme du peuple. Très tôt (dès
le XIIIe siècle), cet idéal chevaleresque exerce une fascination sur toute la société, par ce mouvement de mimétisme
qui fait que les gens du peuple tendent à vouloir ressembler à la couche supérieure : les « vilains » veulent devenir « courtois », ils veulent copier les attitudes de la chevalerie.
Quelles sont les relations entretenues entre les villes et les
châteaux ? Les médiévistes relèvent le fait que des villes
doivent leur origine à la présence d’une forteresse, tout
comme d’autres à la présence d’une abbaye. Aujourd’hui,
on va jusqu’à estimer qu’il n’y avait pas vraiment de villages dans la Gaule des premiers siècles du Moyen Âge,
mais de petits regroupements de maisons paysannes, de
cabanes, vite surgies, vite disparues, sans site fermement
établi, sans continuité assurée. Ce qui signifierait que le
village serait largement une création de l’âge seigneurial,
à partir de l’an 10005. Parmi les points d’ancrage qui
auraient contribué à le fixer, figureraient l’église paroissiale et son annexe, le cimetière, mais aussi le « fort château » : le château n’est pas venu compléter de l’extérieur
un habitat préexistant, mais il l’aurait fixé, en aurait assuré
la croissance et la pérennité.
Pour construire le résumé
Solliciter les élèves pour trouver les mots clés de la leçon.
Par exemple : château fort, motte castrale, donjon, seigneur(ie), chevalier, adoubement. Mettre en relation chacun de ces mots avec des repères figurant sur la chronologie p. 32. Mettre en commun les réponses et écrire
ensemble le résumé de cette séquence.
➤ Activités possibles
• Demander aux élèves de confectionner des panneaux
pour préparer une exposition thématique sur la ville fortifiée de Carcassonne.
• Sur Carcassonne, la Bibliothèque nationale de France
propose la découverte sur CD-Rom d’une sélection de ses
dossiers accessibles sur Internet. Ce CD-Rom est distribué
gratuitement aux établissements scolaires : « Le Moyen
Âge », BNF, 2004 ou http://www.bnf.fr/.
Bibliographie
– D. Barthélemy, « L’ordre seigneurial (XIe-XIIe siècles) »,
Nouvelle Histoire de la France médiévale, coll. « Points
Histoire », Le Seuil, 1990.
– G. Duby, Guerriers et Paysans, Gallimard, 1973 ; Les
trois Ordres ou l’Imaginaire du féodalisme, Gallimard,
1978 ; Le Chevalier, la Femme et le Prêtre, Hachette,
1981 ; L’An Mil, Gallimard, 1993.
– M. Bourrin-Derruau, « Temps d’équilibres, temps de
ruptures (XIIIe siècle) », Nouvelle Histoire de la France
médiévale, coll. « Points Histoire », Le Seuil, 1990.
– R. Fossier et Ph. Contamine, Seigneurs et Seigneuries
au Moyen Âge, Comité des travaux historiques et scientifiques, 1993.
La courtoisie
Le système des valeurs chevaleresques s’organise autour
de quatre vertus : la prouesse, la largesse, la loyauté et
l’honneur. Voilà ce qui, aux origines, peut caractériser la
chevalerie. L’honneur, c’est la charge de la seigneurie, la
fonction de protection que remplit le seigneur, et tout ce
qui l’aide à remplir cette fonction. Par extension, le mot
prend la signification qu’il a aujourd’hui et implique que
chacun des membres de ce groupe dominant lutte pour
que sa respectabilité soit reconnue. Or, qu’est-ce qui
menace l’honneur d’un homme ? La femme, qui par
nature n’est pas fidèle. À la cour du seigneur, il y a des
5. R. Fossier, Enfance de l’Europe : aspects économiques et sociaux. t. I, L’Homme et l’Espace ; t. II, Structures et Problèmes, PUF, 1982.
31
Pourquoi a-t-on construit des églises ?
Pages 38 à 43 du dossier
Référence aux Instructions officielles
Une christianisation effective s’est accomplie depuis le IXe siècle et a atteint profondément les sociétés européennes.
Au cours de la période romane (XIe-XIIIe siècles), les laïcs expriment leur foi à travers des modes de dévotion favoris.
Pourtant, tous ces gestes sont sous-tendus par une intériorisation du message chrétien dans les esprits et par une intensification de la demande religieuse des fidèles. Tous ces gestes répondent aussi à une angoisse commune : comment
avoir la certitude de réussir à faire son salut ?
Compétences
• Appréhender le temps en situant les moments importants des temps romans (de l’an 1000 à la fin du XIIIe siècle).
• Caractériser les temps romans : l’affirmation de la « liberté de l’Église ».
• Mettre en relation deux styles architecturaux : l’art roman et l’art gothique.
Photofiche
Voir photofiche n° 6 p. 83.
Le contexte historique
capitulaires impériaux requièrent des populations quelques pratiques rituelles : l’assistance à la messe dominicale, la récitation du Credo, l’aumône, le jeûne ou le paiement de la dîme au clergé qui n’impliquent pas une adhésion personnelle. D’ailleurs, l’architecture religieuse des
temps romans prend en compte l’affluence du peuple aux
offices, comme le montre l’ampleur des nefs, des tribunes,
des bas-côtés et des déambulatoires pour faciliter l’accès
de grandes foules aux reliques.
Pour parvenir à la béatitude éternelle, beaucoup estiment
que l’Église doit se renouveler. La réforme est une exigence très ancienne ; les épîtres de Paul ou de Jean s’efforçaient déjà d’amender les désordres des premières
communautés chrétiennes. Au XIe siècle, ce processus
réformateur trouve un nouveau cadre d’expression : c’est
ce que l’on appelle « la réforme grégorienne ». Cette
réforme a pour acteur la papauté, personnifiée par
Grégoire VII (1073-1085) qui laisse son nom au mouvement. D’abord, il condamne la simonie – vénalité des offices
cléricaux et des sacrements – et le nicolaïsme – concubinage ou mariage des prêtres – puis il s’en prend à la racine
du mal : la sécularisation de l’Église par le biais de l’investiture laïque des charges ecclésiastiques. Ce sont donc
les nécessités de la réforme morale du clergé qui poussent
la papauté à s’émanciper des rois en proclamant la
« liberté de l’Église », puis à devenir leur guide, comme
l’âme dirige le corps. L’ordre du monde carolingien est
totalement bouleversé ; l’affirmation de la « liberté de
l’Église » rompt l’unité de l’Église et de l’État célébrée
par l’idéologie impériale. Elle rétablit une distinction entre
le spirituel et le temporel, impose le primat romain et la
prétention du pape à exercer un pouvoir sur les laïcs puisque le salut du monde est la fin de tout gouvernement. La
Chrétienté est donc la vision catholique d’un monde uni
dans la foi sous l’autorité du pape, où les rois coopèrent au
temporel et obéissent à la direction spirituelle pontificale
pour réaliser ici-bas la Jérusalem céleste…
➤ Activité 1 : documents 1, 2 et 3 p. 38
« Il semblait que la terre se débarrassait de ses vieux vêtements et revêtait çà et là un blanc manteau d’églises. »1
Faire observer le document 1. La technique de la voûte
sur croisée d’ogives naît au XIIe siècle dans le Nord de la
France : c’est le style gothique des grandes cathédrales
(question 1). À partir de 1200, de nombreuses cathédrales
s’édifient en France et dans les pays voisins (Angleterre,
Espagne, Allemagne rhénane). Les premières installations
monastiques datent du IIIe siècle. Ces fondations se
seraient produites à peu près en même temps en Occident
et en Orient. À la fin du IVe siècle, on compte un peu plus
de 200 monastères en Gaule, surtout en Bourgogne, en
Provence et dans le Languedoc (question 2). Parmi les
plus anciens, Issoire fondé en 260, Lérins en 400 et SaintVictor en 415.
Faire lire le document 2 et faire répondre aux questions 3,
4 et 5. L’église est souvent l’unique construction de pierre
à des kilomètres à l’entour ; c’est le seul édifice imposant
de toute une région et sa tour guide de loin les pèlerins.
Chaque dimanche, tous les habitants de la paroisse s’y
réunissent pour les offices. Le contraste entre la haute
construction décorée de peintures et de sculptures et les
humbles habitations primitives devait avoir quelque chose
d’écrasant. Rien d’étonnant si toute la communauté
paroissiale tire orgueil de sa réalisation et de sa décoration :
L’exploitation pédagogique
des documents en classe
La présence des séculiers est accrue par la hiérarchie carolingienne, et l’institution monastique ou « monachisme »,
donne aux campagnes un encadrement religieux fondé sur
des réseaux d’églises rurales dépendant des abbayes. Les
1. Raoul Glaber, Histoires au début du XIe siècle.
32
L’évolution de l’architecture religieuse révèle un changement de la religiosité européenne. Pour l’Église de l’an
1000, la vie est un pèlerinage et le clerc a pour but d’acheminer le chrétien vers la Jérusalem céleste à laquelle il ne
parviendra qu’après sa mort. La dynamique est ascendante. C’est pour cela que les églises romanes sont si
robustes : elles sont un refuge pour les fidèles. Au
contraire, la perspective du XIIIe siècle est descendante : on
construit ici-bas le Royaume de Dieu. Les sermons et
les hymnes évoquent la Jérusalem céleste avec ses portes
faites, chacune, d’une perle, ses joyaux, ses rues pavées
d’or et de verre transparent. En écho, les murs de la cathédrale gothique sont faits de vitraux brillants comme des
pierres précieuses ; les piliers, les nervures et les voûtins
étincellent d’ors.
l’extraction et le transport des pierres, l’installation des
échafaudages, l’embauche d’artisans itinérants, tout cela
était un événement exceptionnel (questions 3 et 5).
Faire observer le document 3 et faire répondre aux questions 6 et 7. Faire remarquer aux élèves les différents
corps de métiers mobilisés : l’architecte détaille l’avancée
des travaux à l’évêque et à sa cour (question 7) ; les tailleurs de pierres et les maçons montent les murs de la
cathédrale ; un artiste réalise un élément du décor sculpté
(question 6).
➤ Activité 2 : documents 4 et 7 p. 39
L’évolution de l’architecture religieuse témoigne du changement de la religiosité européenne.
Faire confronter les documents 4 et 7 p. 39 et faire répondre
à la question 8. Le souvenir des formes architecturales
des églises primitives, les basiliques, n’est pas effacé au
Moyen Âge. Le plan adopté par les Romains est partout le
même : une nef centrale conduisant à une abside ou
chœur, flanquée de deux ou de quatre bas-côtés. Parfois,
certains ajouts enrichissent la simplicité de ce plan,
comme l’adjonction, entre le chœur et la nef, du transept
pour bâtir des églises en forme de croix. Ce plan est retenu
à Poitiers et à Reims. Faire remarquer aux élèves la même
disposition harmonique des deux façades occidentales :
dans un rectangle divisé en trois parties, celle du centre
étant plus large, s’inscrivent trois portails ; les portails
soulignent la structure intérieure avec une nef et deux collatéraux. Au-dessus des portails latéraux se dressent les
deux tours soutenues par de lourdes butées plus ou moins
camouflées ; ces tours portent les cloches dont les sonneries rythment la vie des fidèles. Les deux façades sont
décorées de sculptures : plus de 2 300 figures à Reims,
beaucoup moins à Poitiers. Les programmes iconographiques servent à l’édification des foules : ce « décor »
doit provoquer un choc esthétique, susceptible de se
prolonger en sensation spirituelle. Malgré cette parenté,
l’impression générale produite par l’église romane de
Notre-Dame-la-Grande à Poitiers est bien différente de
celle de la cathédrale gothique de Reims. À Poitiers, peu
de décor, peu de fenêtres, de solides murs pleins et deux
tours qui font penser aux châteaux forts. L’église est donc
sombre, étroite et de dimensions modestes. À Reims, la
façade est gigantesque : alors que les maisons ne dépassent pas deux ou trois étages, les flèches des deux tours
atteignent 80 m. C’est surtout la diffusion de la lumière
qui caractérise la cathédrale gothique : la façade laisse
passer la lumière à l’intérieur. La Grande Rose a un diamètre de 12 m. Pour accroître encore, au couchant, la
luminosité intérieure, une autre rose perce le tympan central et des verrières quadri et trilobées surmontent les deux
tympans latéraux. Les nombreuses niches et pinacles renforcent l’aspect très « ciselé » de la façade qui, avec ses
reculs et ses saillies, ménage des effets d’ombre et de
lumière. Pour autant, le décor sculpté habituel des tympans n’est pas abandonné : il est reporté dans trois gables2
(question 8).
➤ Activité 3 : documents 5 et 6 p. 39
L’art gothique est le dépassement technique de l’art
roman.
Faire confronter les documents 5 et 6 p. 39 et faire répondre
à la question 9. Les architectes des églises romanes
donnent à ces imposants édifices de pierre une couverture,
elle-même de pierre. La science qu’avaient les Romains
de voûter de grands édifices implique des connaissances
techniques qui sont perdues. Pour supporter le poids
énorme de la voûte « en berceau » des églises romanes,
murs et piliers deviennent encore plus forts et plus massifs.
De plus, les lourdes pierres de la voûte ne pèsent pas seulement verticalement, mais aussi latéralement. Les piliers,
à eux seuls, ne résistent pas à cette poussée latérale : de
fortes butées – ou des « contreforts » – maintiennent aussi
la structure. Face à ces contraintes, la solution est de lancer
des arcs de soutien – ou des « nervures » – croisés en diagonale, puis de combler les sections triangulaires – ou
« voûtins » – qu’ils dessinent avec un matériau plus léger.
La technique de la voûte sur croisée d’ogives naît au
XIIe siècle dans le Nord de la France : c’est le style gothique. Si les piliers suffisent à porter les nervures de la
voûte et si les pierres qui forment les voûtins triangulaires
ne sont que du remplissage, alors il n’est plus besoin de
murs massifs entre les piliers, et d’amples fenêtres les
remplacent. Les arcs en plein cintre du style roman sont
délaissés car, si l’on doit franchir par un arc en demicercle l’espace séparant deux piliers, il n’ y a qu’une seule
manière de le faire. La voûte atteindra forcément une certaine hauteur. Si l’on veut aller plus haut, il faut un arc
d’une pente plus raide. Le mieux est de renoncer aux
demi-cercles et d’ajuster deux segments : c’est le principe
de l’arc brisé. Son grand avantage est qu’on peut le faire
varier à volonté ; il sera plus obtus ou plus aigu. Mais, si
les contreforts restent indispensables pour équilibrer la
poussée latérale des bas-côtés, que faire pour la nef ?
Elle est soutenue de l’extérieur par-dessus le toit des bascôtés : l’invention de l’« arc-boutant » complète la structure de la voûte gothique. C’est donc l’égale répartition du
poids qui permet de construire plus haut, tout en réduisant
la masse de matière employée, sans compromettre la solidité de l’ensemble (question 9).
2. Frontons triangulaires généralement ajourés et sculptés, qui couronnent un portail ou une fenêtre.
33
d’expérimenter la pauvreté qu’en abandonnant sa communauté et ses biens, pour partir sur des routes peu sûres et
endurer fatigue, faim et soif ? Le pèlerinage connaît alors
ses plus belles heures, en direction de Jérusalem, Rome et
Saint-Jacques-de-Compostelle.
Sur les traces des pèlerins
et des moines
Le contexte historique
Faire observer aux élèves le document 2 p. 40 et faire
répondre aux questions 3 et 4. C’est au début du IXe siècle
que l’on croit découvrir le tombeau de l’apôtre Jacques en
Espagne (question 3). Auprès de ses reliques3 se développe un pèlerinage d’abord local puis européen à partir
du XIe siècle, et dont l’apogée se situe aux XIIe et XIIIe
siècles. Compostelle est, avec Rome, le seul lieu en
Europe où l’on peut vénérer les restes d’un apôtre du
Christ : le saint, vénéré dans ses reliques, est un gage de
salut car il intercède pour le pécheur et répand sur celui
qui le prie avec foi un peu des grâces qu’il a reçues. En
outre, lors d’un miracle, l’importance de la foi, fondement
du salut, est toujours rappelée. Une première église cède
la place au XIIe siècle à une magnifique basilique. La
première description écrite des routes de Saint-Jacquesde-Compostelle – dans le Guide du pèlerin de SaintJacques – est contemporaine. Il y a quatre routes, qui,
après la traversée des Pyrénées, se réunissent en une seule
à Puente la Reina en Espagne. Chacune est nommée
d’après la ville d’où elle part ou d’après la principale cité
traversée. Celle qui part du Puy est la via Podiensis ; celle
qui traverse Limoges est la via Lemovicensis ; celle qui
part de Tours est la via Turonensis ; celle qui passe par
Toulouse la via Tolosana (question 4).
Depuis les foules suivant un ermite jusqu’aux Croisades,
en passant par le monachisme cistercien ou par le culte des
reliques, les temps romans (XIe-XIIIe siècles) offrent un
vaste panorama d’expériences religieuses. Elles répondent
cependant toutes à une préoccupation commune : comment avoir la certitude de réussir à faire son salut ?
L’exploitation pédagogique
des documents en classe
➤ Activité 1 : document 1 p. 40
Les « œuvres de miséricorde » sont les gestes de dévotion
favoris des laïcs.
Faire observer le document 1 p. 40 et faire répondre aux
questions 1 et 2. Cette enluminure du XVe siècle montre la
prise en charge des malades à l’Hôtel-Dieu de Paris (question 1). Dans une salle commune, les malades sont deux
par lit et reçoivent des soins donnés par des femmes
conseillées par quatre religieuses (question 2). Dire aux
élèves que les bénéficiaires de ces soins sont les malades,
mais aussi les miséreux, les lépreux, les vieillards isolés,
accueillis au sein d’hospices – ou hôtels-Dieu – moins
destinés à guérir qu’à offrir un cadre de vie décent pour y
terminer ses jours, avec l’assurance d’un accompagnement religieux et d’une sépulture chrétienne. Cette mission est d’abord celle des clercs ; les laïcs s’y engagent
plus tard : soit financièrement en fondant ou en dotant les
institutions caritatives, soit personnellement en prodiguant
les soins et en s’acquittant des tâches ménagères. D’autres
œuvres se constituent en faveur du rachat des prisonniers,
après le début de la Croisade et de la Reconquista. Ces
« œuvres de miséricorde » sont directement reliées aux
paroles que l’évangéliste Matthieu met dans la bouche du
Christ au moment du Jugement dernier à l’intention des
élus : « J’ai eu faim et vous m’avez donné à manger. J’ai
eu soif et vous m’avez donné à boire. J’étais un étranger et
vous m’avez accueilli. Nu et vous m’avez vêtu. Malade et
vous m’avez visité. Prisonnier et vous êtes venus me voir. »
Faire observer le document 3 p. 40 et faire répondre à la
question 5. Le jacquet est comme la figure emblématique
de la piété des laïcs, à la fois en lui-même et par les attentions dont il est l’objet de la part de ses frères. Pauvre,
étranger aux régions qu’il traverse, il attire en sa faveur de
nombreux gestes de charité, qui est une autre forme de la
piété laïque. Le jacquet marche longtemps et est équipé en
conséquence. Il peut affronter les fortes chaleurs – gourde
pour boire et chapeau pour se protéger du soleil – et la
pluie ou le froid des cols pyrénéens – pèlerine et chapeau.
La coquille Saint-Jacques est un signe de reconnaissance :
elle indique que celui qui la porte est un pèlerin dont la
sauvegarde de la personne et des maigres biens est garantie
par l’Église. Le bâton aide à la marche et la besace permet
d’emporter de quoi se nourrir un jour ou deux si le pèlerin
ne trouve pas d’hébergement. Le Guide du pèlerin de
Saint-Jacques encourage l’hospitalité. Les princes espagnols, par exemple, fondent des hospices, tel celui
d’Irache, aux portes d’Estella, construit au XIe siècle par
Garcia IV de Navarre. Le jacquet peut faire de mauvaises
rencontres : l’un des premiers jacquets, Raymond II,
comte de Rouergue, est assassiné sur la route en 961.
➤ Activité 2 : documents 2 et 3 p. 40
Le saint, vénéré pour ses reliques, est un gage de salut
pour le fidèle.
Tous les gestes de dévotion sont inspirés par une relecture
des Actes des Apôtres et des Évangiles, qui définissent
deux modèles de perfection chrétienne, incarnés par les
apôtres (la « vie apostolique ») puis directement par le
Christ lui-même (la « vie évangélique »). Ces modèles
n’animent pas seulement la mission des clercs mais enrichissent aussi la vie des laïcs autour des deux idéaux de la
pauvreté et de la charité. Or, existe-t-il meilleure façon
Pour aller plus loin
À la fin du Moyen Âge, des récits de jacquets inscrivent
les quatre routes dans une géographie européenne. Ainsi,
vers 1495, Hermann Kunig von Vach raconte son pèleri-
3. Le culte des saints est une caractéristique très ancienne du christianisme dont le fondement théologique est l’Humanité du Christ. Les fidèles apprécient
une perception matérielle du sacré passant par le contact avec un objet ou une image. La vénération des reliques est donc légitime car les restes du corps
matérialisent le souvenir de quelqu’un à travers qui le Christ a agi plus particulièrement : du saint, la dévotion remonte vers le Christ.
34
1. le travail manuel : « Que les moines s’occupent euxmêmes des récoltes car ils sont vraiment moines quand ils
vivent du travail de leurs mains, comme les apôtres »
(question 6) ;
2. les études (question 9) ;
3. et la prière (question 7) : les laïcs, en effet, ont toujours
souhaité pouvoir bénéficier à titre personnel de la prière
de ceux qui en sont les spécialistes, les moines surtout. Ce
vœu caractérise encore la piété des temps romans où la
société entière donne mission à l’Église d’assurer son
salut au titre d’une véritable délégation de prière. Voilà
pourquoi les grands laïcs fondent des lieux de prière, puis
les dotent sans cesse davantage. Ils sont rejoints en cela
par une foule de fidèles demeurés anonymes, aux initiatives
plus modestes, mais animés de la même angoisse face à la
mort. Enfin, le monachisme se spécialise définitivement
dans la gestion de la mémoire des défunts et de l’au-delà.
De nombreux nobles revêtent la tunique monastique à
l’heure de la mort, contre des aumônes substantielles,
pour s’assurer de la prière des moines. Le nom du défunt
est inscrit, à titre personnel, dans un nécrologe et est lu,
chaque année, le jour anniversaire de la mort. Selon les
cas, des milliers de messes sont dites avec une spécification très minutieuse du service liturgique commémorant le
souvenir du mort. À cela s’ajoute les différentes prières de
la journée et de la nuit. C’est ce qui explique la grande
proximité du dortoir et de l’église (question 8).
nage à partir de l’Allemagne. Il nous décrit deux chemins :
l’un à l’aller, l’autre au retour. Le premier part de
Cologne, puis traverse Aix-la-Chapelle, Bruxelles,
Valenciennes, Amiens et Paris ; il rejoint ensuite la via
Turonensis. Le second part de la petite ville suisse
d’Einsiedeln ; il passe ensuite par Berne, Genève, Valence
et rencontre la via Tolosana. Cette via accueille aussi les
pèlerins originaires d’Italie. À partir de Rome, en effet, se
constitue un chemin italien de Compostelle, passant par
Gênes, Nice et Avignon. Ainsi, quelle que soit la route
empruntée, le chemin de Compostelle est un long trajet.
La durée du voyage dépend du lieu de départ, mais aussi
des moyens de transport employés et de la longueur des
étapes. En 1056, des voyageurs de Liège mettent 36 jours
pour faire le trajet de retour de Compostelle à Liège. En
1095, un évêque de Lyon quitte sa ville le 11 avril et arrive
à Compostelle le 12 mai, soit un trajet de 28 jours.
D’autres font le voyage par mer et débarquent à La
Corogne : le chevalier flamand Jean de Zielbeke qui, parti
de Comines, au nord de Lille, le 18 mars 1512 et de retour
le 30 avril, met 44 jours. Beaucoup d’autres, en revanche,
prennent leur temps et leur pèlerinage se prolonge pendant
de nombreux mois. C’est le cas de Jean de Tournai qui
quitte Tournai le 25 février 1488 et ne la regagne que le
7 mars 1489. Les puissants effectuent le voyage à
cheval. Toutefois, le clergé persuade les pèlerins qu’une
plus grande valeur pénitentielle est accordée au voyage
à pied.
➤ Activité 3 : documents 4 et 5 p. 41
Le monachisme fascine les esprits médiévaux puisqu’il
produit de l’éternité !
L’héritage de l’Église médiévale
Faire observer le document 4. Au XIe siècle, le monachisme clunisien connaît une diffusion et une présence au
monde sans pareilles. Ses abbés prennent part à toutes les
grandes affaires religieuses et politiques du temps : mouvements de paix, gestion d’églises rurales, rôle de conseillers royaux. Au contraire, au XIIe siècle, l’institution
monastique fascine par son côté radical de renoncement et
de pauvreté. Le monachisme cistercien renoue avec l’ancien idéal de fuite du monde des Pères du désert : dans une
perspective de salut individuel, le moine cistercien mène
une vie évangélique et se retire dans des lieux isolés,
comme le monastère de Fontfroide dans l’Aude. Faire
remarquer l’environnement forestier de Fontfroide pour
insister sur le renoncement au siècle. Faire repérer l’église,
le cloître et le dortoir adjacent.
Moine dans un scriptorium / L’Église
a fondé les premières universités en
Europe / Le baccalauréat et les écoliers
1. Le XIIIe siècle apporte une accélération considérable de
l’écrit. Non seulement on écrit dans toutes les occasions,
mais on conserve les actes écrits. Le lecteur de livres reste
avant tout un clerc ; et, parmi ces clercs, les universitaires,
étudiants et professeurs, sont une masse toujours plus
lourde. La courbe de croissance des étudiants parisiens
s’accélère pendant les premières années du règne de
Philippe IV le Bel pour atteindre un maximum vers 1315.
En même temps, les universitaires ont une conscience
aiguë d’appartenir à une élite : de Guillaume d’Auvergne
à Thomas d’Aquin, l’idée est que l’homme non instruit
s’apparente à la bête. La critique à l’égard des clercs non
lettrés se développe : savoir et puissance sacramentelle ont
tendance à se confondre. Le niveau intellectuel des clercs
progresse, les exigences montent encore plus vite. Un litteratus n’est plus seulement un clerc sachant lire et écrire
le latin ; il lui faut un niveau supérieur d’instruction.
L’administration civile du royaume offre aussi aux étudiants des carrières chargées de gloire et d’honneur. À la
fin du XIIIe siècle, Philippe de Beaumanoir4 affirme que la
Faire lire le document 5 p. 41 et faire répondre aux questions 6, 7, 8 et 9. La tradition bénédictine structure le
monachisme en Europe autour de la règle de saint Benoît.
Cette règle est rédigée vers 530 en Italie et se diffuse en
Gaule au début du VIIe siècle. C’est une règle très équilibrée, n’exigeant pas d’efforts physiques intenses, même si
les châtiments corporels sont autorisés. Elle attache le
régulier à son monastère. L’abbé est le chef du monastère
élu à vie et il décide seul. Le temps du moine se partage
entre :
4. Philippe de Beaumanoir, Les Coutumes de Beauvaisis, éd. Salmon, Paris, A. Picard, « Collection de textes pour servir à l’étude et à l’enseignement de l’histoire », 1899-1900.
35
première qualité d’un bailli du roi de France est d’être
« très bien connaissans » ; Guillaume de Nangis décrit la
structure politique de la France en reprenant l’analogie des
trois pointes de la fleur de lis et des trois pouvoirs qui l’assurent : le clergé, la royauté et l’Université.
2. Tous ces lecteurs ont en commun un immense appétit de
savoir. Le XIIIe siècle est le temps des sommes. Les plus
célèbres sont les deux sommes de Thomas d’Aquin : la
Somme contre les gentils et la Somme théologique. La
somme est l’un des aspects du goût encyclopédique : l’auteur compile les travaux précédents qu’il admire, sans y
changer un mot, afin que son propre texte jouisse d’autant
d’autorité que l’auteur qu’il recopie. La plus célèbre de
ces encyclopédies est celle de Vincent de Beauvais : le
Speculum majus. Ce miroir (speculum), où doit figurer
tout ce qui est digne de la pensée, est divisé en quatre parties : naturel, doctrinal, historique et moral. L’œuvre est
immense, rapportant l’ensemble des connaissances
concernant le monde naturel, les sciences et l’histoire.
Œuvre de commande, elle lui est demandée par le prieur
de son couvent de Paris et exige le travail de toute une
équipe de religieux dominicains enfermés dans leur scriptorium.
règle. Il peut ne pas accéder à la prêtrise, donc, en toute
rigueur, ne pas être qualifié de « clerc » ; mais l’habitude
d’ordonner les moines débute à l’époque carolingienne,
puis, sous l’influence du monastère de Cluny (fondé en
910), se généralise dans toute l’Europe. D’autres moines,
enfin, contractent un engagement religieux sanctionné par
des vœux et la soumission à une règle de vie mais ne se
retirent pas du siècle : ce sont les « religieux », illustrés
par les ordres mendiants Dominicains, Franciscains,
Carmes et Augustins. L’autorité de direction est détenue
par le pape qui arbitre en tant que pasteur suprême et par
les évêques qui gouvernent en communion avec lui.
Libérée en 1059 de la tutelle de l’empereur et de l’aristocratie romaine grâce à un décret qui réserve l’élection
pontificale au collège des cardinaux, la papauté condamne
toute investiture laïque sous peine d’excommunication :
les abbés doivent être élus par leurs moines et les évêques
par le chapitre cathédral et le peuple du diocèse sans intervention des laïcs. L’évêque reste le personnage clef pour
faire descendre la réforme grégorienne jusqu’à l’échelon
de la paroisse. À l’échelon inférieur, les prêtres sont seuls
habilités à administrer le sacré. Les chrétiens – de loin les
plus nombreux – qui ne prononcent aucun vœu et restent
dans le siècle sont désignés pour cette raison par le terme
de saeculares, soit « les séculiers », pour nous « les laïcs ».
➤ Activité possible
• Sur l’éducation, la Bibliothèque nationale de France propose la découverte sur CD-Rom d’une sélection de ses
dossiers accessibles sur Internet. Ce CD-Rom est distribué
gratuitement aux établissements scolaires : « Le Moyen
Âge », BNF, 2004 ou http://www.bnf.fr/.
Pour construire le résumé
L’organisation du clergé
Solliciter les élèves pour trouver les mots clés de la leçon.
Par exemple : salut, église, cathédrale, pèlerinage, clergé
(ou clercs), moine, évêque. Mettre en relation chacun de
ces mots avec des repères figurant sur la chronologie
p. 38. Mettre en commun les réponses et écrire ensemble
le résumé de cette séquence.
Les différentes catégories de la société catholique sont
définies en fonction des divers états de vie, à savoir selon
le degré choisi de renoncement au siècle et l’importance
des ordres ecclésiastiques reçus. Ordre est à entendre ici
au sens de « succession », de « degré », tel qu’il est
employé pour désigner le sacrement de l’ordre qui confère
la dignité sacerdotale. L’Église a défini une progression dans
la réception des ordres, depuis les ordres mineurs (portier,
lecteur, exorciste, acolyte) jusqu’aux ordres majeurs
(sous-diacre, diacre, prêtre, évêque). La tonsure et la
réception d’au moins le premier des ordres mineurs distinguent les « clercs » ; ceux qui ne parviennent pas
jusqu’aux ordres majeurs peuvent fonder une famille ;
ceux qui sont ordonnés prêtres entrent dans la hiérarchie
du « clergé séculier ». Pour sa part, le moine s’engage à
vivre dans le retrait du monde : pour ce faire, il prononce
des vœux au sein d’un ordre5 religieux et se soumet à une
Bibliographie
– G. Duby, Le Temps des cathédrales : l’art et la société
(980-1420), Gallimard, coll. « Bibliothèque des histoires »,
1976.
– Histoire de la France religieuse, t. I, Des origines au
XIVe siècle, dir. J. Le Goff et R. Rémond : A. Vauchez,
« Le christianisme roman et gothique », Le Seuil, 1988.
5. Ordre est en ce sens synonyme de catégorie, groupe.
36
Se nourrir à la manière de… un banquet médiéval
Pages 44 et 45 du dossier
Référence aux Instructions officielles
L’élève doit pouvoir projeter son activité dans l’avenir en élaborant un projet.
La pédagogie du cycle 3 ne doit pas se replier sur une conception abstraite et formelle de l’accès aux connaissances.
Elle reste appuyée sur l’expérience concrète.
Compétences
• Être capable de donner quelques différences entre la cuisine médiévale et la nôtre.
• Être capable d’aller chercher des informations complémentaires à la séance sur Internet.
• Mettre en pratique des connaissances historiques.
L’exploitation pédagogique en classe
C’est le panetier qui met la nappe ainsi que la nef de table
(sorte de coupe ouvragée qui reçoit le gobelet, la cuillère,
les tranchoirs de pain du maître des lieux), le sel et le
poivre. Il prépare aussi les tranchoirs de pain des autres
convives.
Le fruitier est chargé des fruits frais et secs.
L’échanson est en charge du vin. Celui-ci est souvent
coupé d’eau.
L’alimentation médiévale est très différente que l’on soit
paysan ou seigneur.
Chaque classe d’aliments est destinée à une catégorie de
personnes. Les aliments que l’on trouve dans la terre
comme les racines, les tubercules sont destinés aux paysans. Ceux-ci peuvent agrémenter leur alimentation de
cueillette. Mais souvent les seigneurs leur interdisent la
chasse et la pêche. C’est pourquoi le braconnage est très
développé.
Les aliments que l’on trouve en « hauteur » comme les
fruits et les oiseaux sont réservés aux riches nobles.
Le repas est long : trois à cinq services ou « assiettes ».
Les « assiettes » sont toutes disposées sur la table, le salé
et le sucré sont servis en même temps.
La viande est présentée déjà tranchée aux convives : c’est
le rôle de l’écuyer tranchant. Une femme de « bonne
famille » ne doit pas toucher aux couteaux.
La notion de dessert n’est pas aussi nette qu’actuellement.
Les fruits frais ou secs se dégustent autant au début qu’à
la fin du repas.
Au cours des banquets, les convives sont distraits par des
montreurs d’ours, des jongleurs et des musiciens. Les
troubadours en profitent aussi pour conter des histoires et
donner des informations sur le reste du pays.
➤ Activité 1 : « J’étudie un repas paysan »
Les paysans se contentaient de soupes de légumes ou d’un
quignon de pain frotté d’ail. Le pain était l’aliment principal. Les paysans en consommaient plus de 500 g par personne et par jour.
Les soupes étaient à base de racines (navets, betteraves,
salsifis), féculents (pois, lentilles, fèves) et légumes verts
(choux, salades, bettes, cardons, épinards).
Les céréales principalement utilisées sont le blé, le seigle,
le froment et l’épeautre.
Le lait est consommé presque toujours sous forme de fromage car il est difficile à conserver.
➤ Activité 3 : « J’organise un banquet médiéval »
Proposer une activité culinaire en classe peut permettre de
faire participer les familles.
Notre alimentation a beaucoup évolué depuis le Moyen
Âge. Pour ne pas commettre d’anachronisme, voici quelques aliments courants qui n’existaient pas au XIe siècle :
le thé, le café, le cacao et le chocolat, les fruits « exotiques »
comme la banane, l’ananas, la mangue, les fruits de la passion, la rhubarbe, le kiwi, l’avocat, la tomate. Certaines
épices comme la vanille, le poivre vert et aussi la margarine. Il est important de rappeler aussi que les pommes de
terre ne faisaient pas partie de l’alimentation. Elles ont été
importées d’Amérique à la Renaissance.
À l’inverse, voici quelques aliments que nous ne mangeons plus : le paon, le cygne, le panais et certaines
céréales.
Dans les maisons paysannes, la salle à manger n’existe
pas. Toute la vie se déroule dans la salle commune où
vivent aussi des animaux. Les paysans prennent les repas
près de l’âtre pour être au chaud et s’éclairer.
Les seigneurs ont une nourriture plus variée : la viande et
les fruits sont beaucoup plus fréquents. Ils peuvent aussi
agrémenter les plats d’épices qui sont à cette époque rares
et très chères. La viande est souvent cuite à l’eau puis
rôtie. Les plats sont presque toujours accompagnés de sauce.
➤ Activité 2 : « J’étudie un repas chez un seigneur »
Les repas, chez les seigneurs, se prennent dans la salle
principale de la demeure. À cette époque, la « salle à manger » comme pièce à part destinée au repas n’existe pas.
Les serviteurs « dressent » la table, c’est-à-dire qu’ils
apportent des tréteaux et des planches. Les convives s’assoient d’un seul côté de la table.
Demander aux familles de réaliser les recettes peut permettre de les inclure un peu plus dans les démarches de la
classe. Les élèves pourront ensuite partager avec elles le
banquet médiéval.
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Pour aller plus loin
• Rechercher des définitions de quelques légumes ou
céréales que nous n’utilisons plus ou presque plus comme
l’épeautre, le panais, la courge spaghetti…
• Comparer la recette de la soupe dans le livre de l’élève
avec une recette de soupe actuelle pour montrer que la
pomme de terre ne faisait pas partie de l’alimentation du
Moyen Âge.
• Préparer le banquet : diviser la classe en plusieurs groupes.
Chaque groupe commence son travail par des recherches
sur Internet ou dans des documents papier.
• L’activité de préparation du banquet peut être à géométrie variable. Il est possible d’étoffer le projet en l’élargissant à un projet pluridisciplinaire. Ce thème peut être le
prétexte à une réflexion sur l’alimentation à forte valeur
éducative (attention cependant aux anachronismes).
L’objectif peut être de créer un projet fédérateur de la
classe en y incluant les disciplines sportives (jonglerie),
artistiques (chant à la manière des ménestrels) et poétiques (à la manière des troubadours).
À la suite de la leçon, subdiviser la classe en cinq groupes.
Les deux premiers travailleront sur les recettes et la table,
les autres sur la jonglerie, la musique et la poésie.
Actions en classe
➤ Activités possibles
Groupe 1 : le menu
1. Internet foisonne de
sites qui proposent des
recettes médiévales ou
des recettes très proches
de celles qu’il était possible de trouver au Moyen
Âge.
2. Sélectionner des recettes
à faire pour le banquet.
Groupe 2 : la table
1. Les documents iconographiques représentant
des fêtes peuvent être
étudiés et analysés par
des élèves même de CE2.
Groupe 3 :
la jonglerie
Groupe 4 :
la musique
Faire un travail Rechercher des
corporel.
musiques
du
Moyen Âge.
Mettre en place Sélectionner des
un « numéro ».
musiques pouvant
accompagner le
repas.
2. Mettre en place une
liste des différents objets
« incontournables » lors
des fêtes (tréteaux, nappe,
bancs, grosses tranches
de pain).
Groupe 5 :
la poésie
Travailler sur des
textes de troubadours.
Mettre en place
un « numéro ».
• Les informations collectées sur Internet à propos des
légumes d’autrefois peuvent faire l’objet d’un article dans
le journal de classe.
3. Lister des ingrédients. 3. Rechercher ces objets.
Fabriquer des recettes.
(Les enfants peuvent les
prendre de chez eux, les
fabriquer ou bien les
acheter)
Sites
Il semble évident qu’il n’est pas possible de mettre en
place un vrai banquet (avec les convives assis) en classe.
Mais il est possible de proposer un « banquet / buffet » à
la place ou plus simplement une dégustation en classe des
recettes sélectionnées.
– http://www.provins.net/_private/F_scolaire.htm
– http://pages.infinit.net/celte/cuisine.html
– http://expositions.bnf.fr/gastro/enimages/indalim.htm
– http://www.cuisine-vegetarienne.com
38
Qui était Philippe Auguste ?
Pages 46 à 51 du dossier
Référence aux Instructions officielles
Philippe II Auguste (1180-1223) est le premier des grands rois du XIIIe siècle. Son action est spectaculaire puisqu’au
terme de son règne, Philippe triple la superficie du domaine royal et fonde définitivement la souveraineté du monarque
capétien sur le royaume de France.
Compétences
• Appréhender le temps en situant les moments importants du règne de Philippe Auguste.
• Confronter deux documents de nature différente. Par exemple, une carte de l’expansion du domaine royal et une
miniature.
• Caractériser une période : l’affirmation de l’État royal des Capétiens.
Photofiche
Voir photofiche n° 7 p. 85.
Le contexte historique
L’étude de la chronologie p. 46 permet de montrer que
Philippe a suffisamment d’hommes d’armes pour devenir
le roi le plus puissant d’Europe. Face à la coalition qui réunit le comte de Flandre, le comte de Boulogne et l’empereur, il remporte la bataille de Bouvines, le 27 juillet 1214.
Son éclatante victoire consacre le succès des Capétiens
qui peuvent se dire les successeurs des Carolingiens et
n’ont plus besoin de sacrer leur fils aîné du vivant du roi.
Philippe Auguste est sacré à Reims du vivant de son père,
Louis VII, en 1179. Le 28 avril 1180, il épouse Isabelle de
Hainaut, nièce du comte de Flandre, Philippe d’Alsace.
Descendante des Carolingiens, elle lui apporte l’Artois en
dot. Philippe II Auguste succède à son père le 18 septembre 1180, tandis que la régence est assurée par le comte de
Flandre. Philippe est quelque peu victime de ses biographes, les moines de Saint-Denis, Rigord et Guillaume le
Breton, qui oscillent entre la condamnation de ses frasques conjugales et l’hagiographie1. Ils lui reprochent
d’avoir répudié Ingeburge de Danemark, qu’il épouse quatre ans après la mort d’Isabelle, en 1193. Le roi la fait
enfermer dans un monastère, et il épouse ensuite Agnès de
Méranie, fille d’un seigneur bavarois, dont il a deux
enfants : Philippe Hurepel et Marie. Le pape Innocent III
jette alors l’interdit sur le royaume, ce qui signifie que les
sujets du roi n’ont plus droit aux sacrements, sauf le baptême et l’extrême-onction. Philippe rappelle Ingeburge.
Mais, après la mort d’Agnès, le roi continue à vivre en
concubinage avec une « demoiselle d’Arras », dont il a un
fils : Pierre Charlot. La reine n’est réhabilitée qu’en 1213.
Pourtant, Philippe reste populaire. Il reçoit des surnoms de
son vivant2. Le premier, « Dieudonné », en fait l’enfant du
miracle pour un père qui n’avait que des filles. Le second,
« Auguste », désigne son mois de naissance, août, qui en
fait le roi des greniers pleins après les moissons. Ce surnom se rapporte aussi au latin augere, « augmenter » : il
apparaît lors de l’expédition contre le comte de Flandre,
en 1185, quand Philippe, victorieux, agrandit le domaine
royal de la Picardie et du Vermandois. Il renvoie aussi au
pouvoir hérité des empereurs romains et du lignage carolingien, que le roi prétend exercer face à l’empereur et au
pape. Enfin, on dit Philippe le plus « fortuné » des rois,
celui qui a le plus de chance.
L’exploitation pédagogique
des documents en classe
Le succès politique des Capétiens se mesure à la croissance du « domaine royal » et de la « mouvance ». Ces
deux notions, complémentaires l’une de l’autre, sont difficiles à cartographier. La première, ensemble des revenus
que le roi perçoit en tant que seigneur foncier et « banal »,
et la seconde, ensemble des fiefs tenus du roi de France,
s’expriment dans des espaces dont l’exiguïté empêche
souvent la cartographie. Et pourtant, tous les livres comportent une carte du « domaine royal » à telle ou telle date
car il est des zones du royaume où la densité de la présence seigneuriale du roi est telle qu’elle justifie la présence d’officiers royaux. De la même manière, quelques
principautés territoriales apparaissent, comme le duché de
Guyenne, la Bretagne, le comté de Flandre, le comté de
Champagne, le duché de Bourgogne, le comté de
Toulouse, qui sont tenus en fiefs du roi de France, mais où
l’autorité du monarque est marginalisée.
➤ Activité 1 : documents 1 et 2 p. 46
Philippe Auguste s’emploie à faire du royaume son
domaine.
Faire confronter les documents 1 et 2 p. 46 et faire répondre
aux questions 1 et 2 :
1. En 1180, les frontières du royaume sont sur l’Escaut et
la Saône ; les lignes de la Meuse et du Rhône ne sont pas
1. Récit biographique qui embellit la réalité.
2. Voir « L’héritage de Philippe Auguste », « Pourquoi Philippe II, roi de France, est-il appelé “Philippe Auguste” ? », p. 50.
39
exemple – qui ont dressé leurs forteresses en Île-deFrance. La lutte contre les sires est difficile car leurs châteaux forts tiennent les vallées de l’Oise et de l’Aisne,
ainsi que les routes d’accès à Paris. Ils passent aussi
des alliances avec les princes voisins, les ducs de
Normandie et les comtes de Champagne. La seconde
partie du règne de Philippe Ier témoigne pourtant du
redressement du pouvoir royal, comme le montre ce
manuscrit du XIe siècle :
1. Philippe Ier détient les signes de la majesté : la verge
dans la main droite, la couronne et le trône. Sa figure
domine toutes les autres par la taille (question 4).
2. Faire remarquer aux élèves la présence des châtelains
dans l’entourage immédiat du roi, même s’ils sont relégués sous le roi. Pour le roi, en effet, ces châtelains ne sont
pas des traîtres, mais des chevaliers qu’il souhaite accueillir à sa Cour. Philippe Ier leur confie des offices publics
destinés à servir son administration : chancelier pour
rédiger les commandements royaux, sénéchal pour organiser les services domestiques de son palais, connétable
pour s’occuper des écuries royales, chambrier pour garder
le trésor. La paix vient quand ils prêtent hommage (question 4).
3. Faire remarquer que les évêques sont aussi relégués aux
pieds du roi. Ce n’est pas surprenant. Philippe Ier s’oppose
à l’Église parce qu’il refuse les injonctions de la « réforme
grégorienne » qui limitent ses droits à l’investiture des
évêques (question 4). D’ailleurs, il se moque des anathèmes de la papauté concernant son second mariage.
D’abord marié à Berthe, fille du comte de Hollande, le roi
s’éprend en effet de la comtesse d’Anjou, Bertrade de
Montfort, elle-même mariée à Foulque le Réchin, et
l’épouse en 1092, après avoir répudié Berthe. Philippe,
ainsi que son épouse adultère, est alors excommunié
publiquement à plusieurs reprises aux conciles de
Clermont, de Tours et de Poitiers.
gagnées, elles laissent encore hors de France Metz et
Avignon.
2. En 1180, le domaine royal est de taille modeste mais sa
situation est stratégique puisqu’il s’aligne sur l’axe ParisOrléans (question 1). La dynastie capétienne dispose d’un
atout de choix, qui est la véritable clef du royaume de
France : la connexion entre les deux bassins et les deux
axes de Loire et Seine, c’est-à-dire entre France du Nord
et France du Sud. Autant le bassin de la Loire est fait de
morceaux mal raccordés, autant le tracé de la Loire prend
un sens clair si on le considère à partir d’Orléans, en tant
que tête de pont de Paris. On distingue alors deux Loire :
une Loire-aval dont la vallée sera plus tard la résidence
favorite des rois et « le jardin » de la France (elle assure
l’ouverture vers Tours et, de là, le choix entre l’océan
Atlantique et le seuil du Poitou, vers la Guyenne anglaise) ;
la Loire-amont de son côté conduit au cœur du Massif
Central et surtout facilite la liaison avec Lyon et la vallée
du Rhône, en direction des Alpes, du Midi, de la
Méditerranée et de l’Italie.
3. Entre 1180 et 1223, le domaine est étendu par Philippe
Auguste jusqu’aux rives de la Manche et de la
Méditerranée. Dire aux élèves que la soumission du
royaume résulte d’une double stratégie, guerrière et matrimoniale (question 2). L’enchevêtrement chronologique
des opérations militaires est extrême. La bataille de Muret
(1213), par exemple, où les troupes françaises de Simon
de Montfort écrasent la coalition des milices du comte de
Toulouse et des chevaliers aragonais, précède de quelques
mois à peine la bataille de Bouvines3. De 1213 à 1219, le
fils de Philippe Auguste, futur Louis VIII, se précipite
d’un théâtre d’opérations à un autre, du Midi au Poitou, de
l’Artois à l’Angleterre. C’est bien la lutte contre les
Plantagenêts4, qui dominent tout l’Ouest du royaume
(Normandie, Anjou, Poitou, Aquitaine), qui pousse
Philippe à inscrire la guerre dans une géographie aussi
vaste. Placer cette conquête du royaume dans une perspective plus large encore car les Plantagenêts sont aussi rois
d’Angleterre. Il faut donc compter avec les empereurs germaniques et avec la papauté. Enfin, la conquête participe
aussi d’une croissance polymorphe de l’influence capétienne dans le royaume : de l’éducation des princes territoriaux à la cour de France, à la présence de conseillers
royaux dans l’entourage des grands, en passant par la formation des élites locales dans les collèges parisiens, à la
diffusion de modèles d’architecture civile et militaire.
Faire confronter les documents 4 et 5 p. 47 et faire répondre
aux questions 5, 6, 7 et 8. Même si les deux documents
sont séparés par plus de trois siècles (question 5), les
deux montrent Philippe Auguste en majesté. Le grand
sceau de Philippe II (document 4, question 6) et
la miniature du XVIe siècle idéalisent le roi de la même
façon.
1. Faire retrouver la tradition romaine : Philippe est représenté sous l’habit antique d’un nouveau Constantin, la
toge nouée sur l’épaule droite (question 7).
2. Faire retrouver la tradition franque : Philippus gratia
Dei rex Francorum, « Philippe, par la grâce de Dieu, roi
des Francs ». C’est la reprise de la titulature mérovingienne, même si Philippe Auguste se fait parfois appeler
rex Francie, « roi de France ».
3. Faire retrouver les signes traditionnels de la majesté : la
couronne, le sceptre dans sa main gauche, le trône, le lys
d’or dans sa main droite qui, outre la pureté de la fleur,
serait un symbole solaire, faisant déjà du monarque capétien un roi-soleil (question 8).
➤ Activité 2 : documents 3, 4 et 5 p. 47
La souveraineté capétienne s’affirme petit à petit.
Faire observer le document 3 p. 47 et faire répondre aux
questions 3 et 4. Le règne de Philippe Ier est l’un des plus
longs de l’histoire de France, puisque ce roi règne quarante-huit ans (1060-1108). On distingue deux phases.
La première, qui va de l’avènement du roi jusqu’à 1080,
dévoile un pouvoir royal assez faible, sans grand
succès dans sa lutte contre les châtelains – Hugues de
Dammartin, Simon de Valois ou Étienne de Blois, par
3. Voir « Pourquoi a-t-on construit des châteaux forts ? », « L’héritage des châteaux forts », « Le château de Quéribus ».
4. Surnom donné à Geoffroy V le Bel, comte d’Anjou, et qui désigne par la suite la dynastie anglaise qui règne sur l’Angleterre de 1154 à 1485.
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déclare la guerre au roi de France. Pour empêcher l’invasion de la Normandie, le roi d’Angleterre fait bâtir une
forteresse sur la Seine, Château-Gaillard, sur le modèle
défensif des kraks de Syrie-Palestine, tirant sa force de sa
situation dominante et de sa masse imposante. La mort de
Richard (1199), au siège du château de Châlus en
Limousin, donne l’avantage à Philippe Auguste. Jean sans
Terre ne bénéficie pas du même prestige que son aîné et
Philippe fait jouer contre lui tous les ressorts de la féodalité : en tant que seigneur, il lui reproche de ne pas avoir
demandé l’investiture de ses fiefs en France et il soutient
Hugues de Lusignan, un vassal de Jean, qui se plaint que
ce dernier lui a ravi sa fiancée, Isabelle, héritière du comté
d’Angoulême. Le mariage se trouvant rompu sans compensation, Hugues prend les armes contre Jean et
demande que l’affaire soit jugée par ses pairs à la cour de
France. Jean ne s’y présente pas au jour prévu. Philippe
réunit son Conseil qui prononce la saisie de tous ses fiefs.
La garnison du Château-Gaillard capitule le 6 mars 1204 ;
Rouen se rend deux mois plus tard. Le traumatisme est
grand en Normandie : les châtelains sont sommés de choisir entre leurs terres anglaises, qui impliquent fidélité aux
Plantagenêts, et leurs terres normandes, qui signifient la
soumission à Philippe Auguste.
Sur les traces
de Philippe Auguste
L’exploitation pédagogique
des documents en classe
➤ Activité 1 : document 1 p. 48
Le monarque capétien est un roi sacré.
Philippe Auguste est le dernier fils aîné du lignage capétien sacré du vivant du roi. Faire observer le document 1
p. 48 et faire répondre aux questions 1 et 2. On sait,
depuis le sacre de Philippe Ier (23 mai 1059), comment se
déroule la cérémonie : l’archevêque de Reims commence
par exposer au roi la foi catholique et lui demande de
défendre l’Église dans ses personnes et dans ses biens.
Ayant acquiescé, le roi fait lecture de sa déclaration et la
signe. Les prélats, les grands vassaux et le peuple approuvent alors en criant par trois fois : « Nous approuvons,
nous voulons, que cela soit ! » Cette phase où le roi est
assis sur un trône surélevé succède à l’onction par l’archevêque de Reims, sur la tête, la poitrine, les épaules, la jointure des bras et les mains, et à la remise des insignes
royaux (question 2). Le sacre reste le privilège de l’archevêque de Reims ; sont présents l’abbé de Saint-Denis, qui
garde les insignes royaux, comme la couronne et l’épée
(question 1) et l’abbé de Saint-Remi de Reims, où est
conservée la Sainte Ampoule du sacre.
2. L’avancée en Val de Loire. Faire observer aux élèves le
document 2 p. 48 et faire répondre aux questions 3, 4
et 5. Hors de Normandie, les seuls châteaux solidement
tenus par les Plantagenêts sont les forteresses urbaines qui
se trouvent dans la vallée de la Loire – dont Tours – et à
proximité de l’Anjou (question 4). Faire repérer le roi de
France qui porte la traditionnelle tunique jacinthe semée
de lys d’or et deux insignes royaux : la couronne et le
sceptre (question 3). Les assaillants pénètrent dans Tours
grâce à de grandes échelles fixées sur les murs d’enceinte
(question 5). La prise de la ville se fait sous le commandement du roi.
Il faut attendre le règne de saint Louis (1226-1270) pour
que le déroulement de la cérémonie soit consigné dans
plusieurs « ordines » – ou mises en ordre du sacre royal –
plusieurs fois repris par la suite. Philippe III le Hardi
(1270-1285) est sans doute sacré en suivant le dernier des
« ordines » de la fin du règne de son père, saint Louis.
3. Enfin, le triomphe de Bouvines. Faire confronter les
documents 3 et 4 p. 49 et faire répondre aux questions 6,
7 et 8. L’avancée capétienne provoque des résistances.
Entre 1204 et 1214, le conflit avec les Plantagenêts dégénère en guerre européenne. Aux côtés de Jean sans Terre :
le comte de Flandre, Ferrand de Portugal, le comte de
Boulogne, Renaud de Dammartin, et l’empereur Otton IV
de Brunswick (question 7). Philippe Auguste est soutenu
par la papauté et le jeune Frédéric de Holenstaufen, le
futur empereur Frédéric II. Pour le roi de France, l’urgence
est de soumettre Ferrand. Mais, pendant que Philippe
assiège Gand, une flotte anglaise disperse les vaisseaux
français à l’entrée de Damme, l’avant-port de Bruges. La
situation s’aggrave très vite : Jean sans Terre débarque à
La Rochelle, tandis que les troupes flamandes et impériales entrent en Picardie. Deux victoires assurent le salut du
lignage capétien. La première est celle du fils de Philippe,
près d’Angers, à la Roche-aux-Moines (2 juillet 1214),
contre Jean sans Terre, pendant le temps où Philippe se
porte au nord. Le roi de France dispose d’un millier de
chevaliers et autant de sergents à cheval et d’hommes de
pied recrutés parmi les milices urbaines, ainsi que des
compagnies de routiers. Philippe force son destin en enga-
➤ Activité 2 : document 2 p. 48 et documents 3
et 4 p. 49
Dans ce XIIIe siècle qui a une réputation pacifique, la
guerre est presque constante.
De tous les princes européens, Henri II (1154-1189) est le
plus gâté par la fortune des héritages et des mariages.
Par sa mère, fille du roi Henri Ier, il hérite de l’Angleterre
et de la Normandie, ainsi que de la suzeraineté sur la
Bretagne. Avec l’Anjou, dont son père était comte, il
reçoit la suzeraineté sur le Maine et la Touraine. Son
épouse, Aliénor, séparée du roi de France Louis VII, lui
apporte l’Aquitaine en dot, dont le cœur est le Poitou,
mais dont les droits s’étendent jusqu’au comté de
Toulouse. Ce sont les terres françaises d’Henri II que
Philippe Auguste convoite.
1. La conquête de la Normandie. De retour de croisade en
1192, deux ans après Philippe Auguste, le roi
d’Angleterre, Richard Cœur de Lion, héritier d’Henri II,
est capturé par le duc d’Autriche Léopold, qui le livre à
l’empereur Henri VI. Philippe en profite pour s’allier à
Jean sans Terre, dernier frère de Richard, qui lui prête
hommage pour la Normandie. Richard, libéré en 1194,
41
Paris transformé par Philippe Auguste
geant la bataille à Bouvines, le 27 juillet, de surcroît un
dimanche. Au centre, le roi livre un combat acharné à
Otton et il le met en fuite ; son aile gauche vient à bout de
Renaud de Dammartin ; son aile droite, de Ferrand qui est
fait prisonnier (« Ferrand, te voilà ferré ») et ramené
triomphalement à Paris (questions 6 et 8). Dans sa
Philippide, Guillaume le Breton fait de cette bataille qui
« tente Dieu » un combat national à l’honneur du roi et du
lignage capétien. Cette victoire marque pourtant la fin de
la carrière militaire de Philippe II. Et il semble que l’événement n’est guère connu au sud de la Loire et à peine
dans l’Empire…
L’expansion du domaine et les progrès de l’administration
royale exigent un centre. Paris devient la véritable capitale
du royaume durant la décennie 1190-1200, lorsque
Philippe y établit ses archives et son trésor et y convoque
ses baillis et ses prévôts. La surface enclose par les murs
de Paris est d’environ 250 hectares. La population parisienne serait passée sous le règne de Philippe Auguste de
25 000 à 50 000 habitants, ce qui ferait de la capitale la
plus grande ville au nord des Alpes. Enserré dans ses
fortifications, Paris comprend en 1214 trois secteurs différents : l’Université, la Cité et la Ville.
1. L’Université est établie sur la rive gauche, dominée depuis
plus d’un siècle par les abbayes de Saint-Germain-des-Prés,
de Sainte-Geneviève et de Saint-Victor. La nouvelle muraille
de Philippe – achevée en 1209-1210 pour la rive gauche –
n’enclôt toutefois que Sainte-Geneviève. Elle renferme encore
des champs et des vignes, mais elle offre une telle sécurité que
les maisons se pressent bientôt sur toute la rive gauche.
2. Le plus petit secteur, le plus dense aussi, est l’île de la
Cité, sur la Seine, où sont établis les deux seigneurs de
Paris. Sur la pointe est, reliée à la rive gauche par le PetitPont, se trouve la cathédrale de Notre-Dame, siège du seigneur-évêque. Cet édifice, construit dans le nouveau style
gothique et dont la première pierre a été posée en 1163 par
l’évêque Maurice de Sully, absorbe depuis lors toute son
énergie : en 1182, le chœur est achevé et l’autel principal
est consacré. L’épiscopat de Guillaume de Seignelay
(1219-1224) voit l’achèvement de la galerie des Rois et le
commencement de la Grande Rose occidentale. À la pointe
ouest de l’île de la Cité se dresse le palais du seigneur-roi
avec une tour de pierre ronde et la chapelle Saint-Nicolas.
C’est là que résident Philippe, sa famille, ses domestiques,
ses chambellans, ses chapelains, les clercs de sa chancellerie, lorsque la « maison » du roi est dans la capitale.
Trois fois par an (en novembre, en février et au printemps), baillis et prévôts se pressent à la tour fortifiée des
chevaliers du Temple pour y présenter leurs comptes.
3. Le roi et l’évêque se partagent la juridiction sur la Ville.
Il leur reste à s’accorder sur leurs frontières mutuelles, sur
la rive droite, en particulier, qui est le secteur le plus productif. Depuis l’époque celte, la rive droite s’est développée autour de noyaux commerciaux, la place de Grève à
l’est, et les Champeaux à l’ouest, qui sont tous deux le site
de grands marchés.
L’héritage de Philippe Auguste
Château-Gaillard aujourd’hui
Richard, fort de son expérience en Terre sainte, fait bâtir le
plus spectaculaire château de toute la chrétienté latine. La
forteresse du Château-Gaillard, perchée sur un promontoire rocheux et dominant la vallée de la Seine, remplace
Gisors comme pièce maîtresse de la défense de la
Normandie. Le site originel des Andelys appartient à
Gautier, l’archevêque de Rouen, et Richard s’était engagé
à ne pas fortifier cette zone. L’archevêque s’oppose donc
au projet et met le duché en interdit, mais le roi Plantagenêt riposte en arguant auprès du pape de l’importance de
ce projet pour la paix en Europe : depuis ChâteauGaillard, Richard dissuadera Philippe de menacer Rouen
et la Normandie. Un compromis est trouvé : les Andelys
sont échangés contre le port de Dieppe et la totalité de ses
revenus. L’ancienne motte castrale – une palissade de bois
juchée sur une butte entourée d’un fossé – est remplacée
par des murs de pierre disposés autour d’un donjon central
protégé par des douves. Lorsque la décision de Richard est
prise, trois solutions s’offrent à lui pour le donjon central
en pierre. L’usage est de construire un donjon rectangulaire, généralement deux fois plus long que large. Cette
configuration est utilisée par les comtes d’Anjou à
Langeais et à Loches, dans la vallée de la Loire, par les
comtes de Flandre à Gand, et aussi par les rois-ducs anglonormands à Londres, Douvres, Caen, Falaise et Domfront.
Ces grandes constructions aux murs massifs servent d’habitation en même temps que de défense, mais leurs surfaces
planes sont vulnérables aux engins de siège, et leurs
murailles à 90° offrent des angles morts qui protègent les
assaillants des flèches des défenseurs. Pour y remédier, on
peut construire un donjon de forme polygonale, comme
celui de Gisors. Les murs cintrés offrent toutefois la meilleure résistance aux engins de siège et le moins d’angles
morts, d’où une troisième série de constructions qui utilise
les donjons ronds. La solution la plus simple consiste à
utiliser un plan cylindrique et à renforcer le mur d’une
sorte d’éperon dans sa partie la plus exposée. C’est la formule adoptée par le seigneur de la Roche-Guyon dans le
Vexin, par le roi Richard à Château-Gaillard et par
Philippe lui-même à Issoudun, dans le Berry.
➤ Activité possible
• Demander aux élèves de confectionner des panneaux
pour préparer une exposition thématique sur le « Paris de
Philippe Auguste ». À cet effet, la Bibliothèque nationale
de France propose la découverte sur CD-Rom d’une sélection de ses dossiers accessibles sur Internet. Ce CD-Rom
est distribué gratuitement aux établissements scolaires :
« Le Moyen Âge », BNF, 2004 ou http://www.bnf.fr/.
La cathédrale gothique de Chartres,
Notre-Dame de la Belle Verrière
L’art gothique se substitue peu à peu à l’art roman pendant
la seconde moitié du XIIe siècle dans les villes d’Île-de-
42
détail de la vie de saint Lubin, deuxième fenêtre du bascôté nord de la nef, par exemple.
France. Il se définit par l’utilisation systématique de la
voûte sur croisée d’ogives, d’arcs-boutants et de fenêtres
en arc brisé. Réutilisant des procédés du style roman, l’architecture gothique innove en recourant à de nouvelles
techniques : la croisée d’ogives dirige les poussées de la
voûte sur de minces piliers, et non plus sur des murs ; les
arcs-boutants servent de soutien extérieur aux piliers ;
entre les piliers, les murs qui ne soutiennent plus la voûte
sont percés de hautes et larges fenêtres en forme d’arcs
brisés5. Car l’architecture gothique est d’abord une architecture de la lumière. La conquête de la lumière passe par
l’agrandissement des fenêtres et par l’emploi de verre
plat, blanc ou coloré. D’immenses verrières inondent de
lumière l’intérieur des édifices religieux et civils. La
conquête de la lumière, c’est, dans les églises, le développement des vitraux. Dans son traité, De diversis artibus, le
moine Théophile, au XIe siècle, évoque cet art et l’assemblage auquel on procède. Découpés au fer rouge, les morceaux de verre de couleurs différentes sont sertis dans un
maillage de plomb, formant une mosaïque lumineuse. La
cathédrale de Chartres présente un des plus beaux et des
plus spectaculaires ensembles de vitraux : 160 baies
vitrées, 2 600 m2 de verrières comprenant quelque
5 000 personnages. Une rosace d’un diamètre d’environ
10 m surmonte chacun des trois portails. Les vitraux
sont d’une grande richesse de couleurs où prévalent les
bleus (le « bleu de Chartres ») et les rouges au
XIIe siècle, puis les verts et les ors au XIIIe siècle. Au milieu
du XIIIe siècle, les grisailles, simple verre blanc rehaussé
de dessins géométriques, sont de plus en plus employées
pour laisser passer plus encore de lumière. Les parois de
verre expliquent les Écritures et la vie des saints. Elles
détaillent des épisodes de la Bible, comme le vitrail de la
Passion, au revers de la façade occidentale. Des scènes
profanes sont également figurées : Le Marchand de vin,
➤ Activités possibles
• En arts plastiques, faire travailler les élèves sur la
confection et la décoration des vitraux.
• Le Centre international du vitrail à Chartres propose des
sorties éducatives pour toutes les classes : quatre ateliers
thématiques autour de la lumière (deux heures), de l’architecture et de la lumière (deux heures), du verre et de la
lumière (deux heures), et des images et de la lumière
(deux heures). Le Centre est installé à 50 m de la cathédrale, au 5 rue du Cardinal-Pie, 28000 Chartres ;
tél. 02 37 21 65 72 ; http://www.centre-vitrail.org/.
Pour construire le résumé
Solliciter les élèves pour trouver les mots clés de la leçon.
Par exemple : Philippe Auguste, Capétiens, domaine royal,
sacre, guerre, Plantagenêts, Bouvines, Paris. Mettre en
relation chacun de ces mots avec des repères figurant sur
la chronologie p. 46. Mettre en commun les réponses et
écrire ensemble le résumé de cette séquence.
Bibliographie
– J. Baldwin, Philippe Auguste, Fayard, 1991.
– M. Bourrin-Derruau, « Temps d’équilibres, temps de
ruptures (XIIIe siècle) », Nouvelle Histoire de la France
médiévale, coll. « Points Histoire », Le Seuil, 1990.
5. Voir « Pourquoi a-t-on construit des églises au Moyen Âge ? », activité 3 : documents 5 et 6 p. 39.
43
Qui était saint Louis ?
Pages 52 à 57 du dossier
Référence aux Instructions officielles
À partir du XIIe siècle, le pouvoir royal des Capétiens s’affirme au détriment des seigneurs. Et, dans la suite des derniers rois de ce lignage, de Philippe II Auguste (mort en 1223) à Charles IV le Bel (1322-1328), les quarante années
du règne de Louis IX – plus connu sous le nom de saint Louis – dominent.
Compétences
• Appréhender le temps en situant les moments importants du règne de Louis IX.
• Établir des liens entre deux documents de même nature. Par exemple, confronter deux cartes du royaume de France
au début et à la fin du règne de saint Louis.
• Appréhender l’espace en localisant les croisades de Louis IX en Orient.
• Caractériser une période : Louis IX est un des très rares cas de laïcs canonisés au Moyen Âge.
Photofiche
Voir photofiche n° 8 p. 87.
Le contexte historique
➤ Les origines de saint Louis
Louis IX dit « saint Louis », est le second fils de Louis
VIII (1223-1226) et de la reine Blanche de Castille, petitefille de Henri II Plantagenêt et nièce de Jean sans Terre. Il
y a un doute sur son année de naissance, 1214 ou 1215,
car, en l’absence d’état civil, les nombreuses maternités de
Blanche sont mal connues. Louis n’aurait pas dû régner,
son frère Philippe étant de quatre ans son aîné. Il devient
pourtant héritier à la mort de Philippe en 1218. Enfin,
Louis n’a que douze ans lorsque son père meurt et il est
placé sous la tutelle de sa mère. À sa majorité – à 20 ou
21 ans – le roi est marié avec la fille aînée du comte de
Provence, Marguerite, âgée de quatorze ans. Quatorze ans
est un âge normal pour se marier à l’époque ; vingt ans, en
revanche, c’est tardif. Blanche de Castille, très attachée à
son fils et aussi très jalouse de son pouvoir qui a grandi
pendant la minorité de Louis, n’est sans doute pas pressée
de le voir s’émanciper. Louis est aussi très impressionné
par son grand-père, Philippe Auguste, dont il aime répéter
les bons mots et saluer les faits d’armes contre les
châtelains frondeurs. Si bien que Louis IX est le premier
roi à régner sur le Nord et le Midi de la France et, en 1230,
il promulgue le premier ordre royal valable pour toute la
France.
➤ La croisade et le roi
L’étude de la chronologie p. 52 permet de comprendre que
la croisade mobilise toute l’énergie du roi de France :
victorieux contre le roi d’Angleterre Henri III (1242),
Louis IX contracte une grave maladie dans les marais de
Saintonge et il jure de se croiser s’il guérit. Sa décision est
prise avant l’annonce de la prise de Jérusalem par les
Turcs (1244).
Louis se croise dans un climat de pénitence : il fait élever
la Sainte-Chapelle dans l’enceinte du palais royal pour
abriter un morceau de la vraie croix et la couronne d’épines
du Christ, vendus par le roi latin de Constantinople.
L’excommunication de l’empereur germanique Frédéric II
désigne Louis pour prendre la tête de la croisade en 1248.
Le but de ce pèlerinage armé est l’Égypte ayyubide1 car
les croisés veulent réduire la puissance du sultan plutôt
que de reprendre Jérusalem qui reste hors de portée. Louis
s’empare facilement de Damiette (1249) et établit le siège
devant la forteresse de La Mansourah. Dans la mêlée, le
frère du roi, Robert d’Artois, meurt, et les troupes royales,
décimées par la dysenterie et la résistance des Mamelouks2,
capitulent (1250). Libéré contre rançon, le roi gagne les
États latins d’Orient (document 1 p. 54) pour en organiser
la défense contre les émirs de Syrie. Il rentre en France en
1254, après la mort de la reine Blanche qui gouvernait
pendant son absence. Louis IX se croise une seconde fois
en 1267 et il passe trois ans à réunir l’argent et les armes
nécessaires à son expédition. Le roi meurt sous les murs
de Tunis le 25 août 1270, espérant jusqu’au dernier
moment, selon son confesseur Geoffroy de Beaulieu,
convertir le sultan (« Alors qu’il s’approchait de la mort,
il n’avait d’autre souci que les affaires de Dieu et le développement de la foi chrétienne », document 4 p. 55).
Finalement, tout « l’Orient n’aura été pour saint Louis que
mirages »3.
L’exploitation pédagogique
des documents en classe
Malgré ses échecs en Orient, Louis IX est le seul roi de
France et le dernier roi médiéval à obtenir le statut
suprême du chrétien : la sainteté. Comment Louis IX estil devenu « saint Louis » ?
1. Dynastie musulmane fondée par Saladin, fils d’Ayyub, qui unifie le Proche-Orient, c’est-à-dire l’espace compris entre le Nil et l’Euphrate, dans la seconde
moitié du XIIe et la première moitié du XIIIe siècle.
2. Les esclaves-soldats de la dynastie ayyubide.
3. J. Le Goff, Saint Louis, Gallimard, 1996.
44
répondent à la question 10. Faire repérer la tunique jacinthe
à lys d’or que porte le roi de France. Puis montrer aux élèves
que la bannière flottant en haut à droite du bateau est
frappée du même signe. Tous les personnages portent des
croix latines sur leurs vêtements – ce qui les désigne
comme des croisés.
2. Louis respecte le principe de n’être jamais agresseur et
de rechercher la juste paix avec ses voisins européens.
Faire observer le document 4 p. 53 et faire répondre aux
questions 8 et 9. Montrer aux élèves que le traité de Paris
(question 8) est de nature féodale : la cérémonie de
l’hommage oblige le roi d’Angleterre Henri III à mettre un
genou à terre devant Louis, son suzerain (question 9) ; les
mains de Louis se referment sur celles de son vassal.
Henri III est en effet duc de Guyenne (carte 1 p. 52, question 1) et, en contrepartie, le duc-roi prête hommage à
Louis – qui, lui, n’est le vassal de personne ! – pour tous
ses fiefs en France. « Il advint que le saint roi négocia tant
que le roi d’Angleterre, sa femme et ses enfants vinrent en
France pour traiter de la paix entre lui et eux. Les gens de
son conseil furent tout opposés à ladite paix et lui disaient
ainsi : “Sire, nous sommes extrêmement surpris que vous
vouliez donner au roi d’Angleterre une si grande partie de
votre terre […].” À cela le saint roi répondit :
“Seigneurs, je suis certain que les devanciers du roi
d’Angleterre ont perdu tout à fait la conquête que j’occupe ;
et la terre que je lui donne, je ne la lui donne pas en raison
d’une obligation à laquelle je serais tenu envers lui et
envers ses héritiers, mais pour établir l’amour entre mes
enfants et les siens, qui sont cousins germains. Et il me
semble que je fais un bon emploi de ce que je lui donne
[…] parce que maintenant il entre en mon hommage.
[…]”»5.
Quelques pièces du procès de canonisation sont conservées. Par exemple, le témoignage de son confesseur, un
moine dominicain, délié du secret de la confession. Plus
tardif, le Livre des saintes paroles et des bons faits de
notre saint roi Louis de l’hagiographe Jean de Joinville
(1225-1317). Le procès commence après la mort du roi
(1270), les témoins déposent en 1282, et Louis IX est
canonisé en 1297. La sainteté de Louis IX se rattache à des
modèles antérieurs (les biographes du roi de France le présentent comme la réplique du roi biblique Josias) ou
contemporains (comme François d’Assise au début du
XIIIe siècle). Tous ces documents révèlent les efforts de saint
Louis pour instaurer un code de conduite spécifiquement
chrétien.
➤ Activité 1 : document 2 p. 52 et document 3 p. 53
Les quatre serments prononcés pendant le sacre expriment
le caractère religieux du roi de France :
1. Le roi promet d’abord à l’Église de la protéger dans ses
personnes et dans ses biens.
2. Le roi promet ensuite de faire régner la paix et la justice. Faire observer aux élèves le document 2 p. 52 et les
faire répondre aux questions 2 et 3. L’iconographie royale
popularise l’image de Louis IX épris de justice et la délivrant lui-même, assis sous un chêne, devant le donjon du
château de Vincennes. « Maintes fois en été, le roi alla
s’asseoir au bois de Vincennes après sa messe ; il se plaçait sous un chêne et nous faisait asseoir autour de lui. Il
demandait alors de sa propre bouche : “ Y a-t-il quelqu’un
qui ait un procès ?” Et tous ceux qui en avaient se levaient.
Il disait alors : “Taisez-vous tous et on réglera vos affaires
l’une après l’autre.” Il appelait Monseigneur Perron de
Fontaines et monseigneur Geoffroi de Vilette et disait à
l’un d’eux : “Réglez-moi ce procès.” Et quand il voyait
quelque chose à corriger, il le corrigeait lui-même. »4
Les élèves observent ensuite le document 3 p. 53 et
répondent aux questions 4, 5, 6 et 7. Dire aux élèves que
ce dessin du XVIIe siècle est typique des représentations du
roi saint. Les lys d’or et l’hermine sur la tunique jacinthe
symbolisent sa majesté, tandis que sa couronne et son
nimbe ajustés l’un à l’autre en font l’intermédiaire entre
Dieu et son peuple à qui il assure le salut. Faire remarquer
aux élèves la proximité de Louis avec le lépreux à qui il
donne à manger : à son chevet, un genou à terre, le roi se
rend accessible au malade, selon le modèle de saint
François d’Assise et l’idéal des ordres mendiants.
3. Puis le roi promet de défendre la sainte foi catholique
contre les hérétiques.
4. Enfin, après le couronnement, le roi fait « devant Dieu,
le clergé et le peuple » une dernière promesse qui résume
les trois précédentes.
Sur les traces de saint Louis
Le pèlerinage est à la mode en tant que moyen de pénitence depuis le Xe siècle. Pour être absous de leurs péchés,
l’Église impose aux laïcs des pénitences parfois fort
lourdes, consistant en abstinences, en pèlerinages plus ou
moins lointains : Saint-Jacques-de-Compostelle, Rome,
Jérusalem surtout. Et même si la Jérusalem terrestre n’est
que le pâle reflet de la Jérusalem céleste, elle demeure le
théâtre de la Passion. Ce succès est dû aussi à la dévotion
croissante portée au Saint-Sépulcre, qui est censé abriter
des fragments de la vraie croix, alors que se développe le
culte des reliques dans la chrétienté latine.
Le 27 novembre 1095, à Clermont, le pape Urbain II lance
le premier appel à la croisade. Sa prédication développe le
thème de la profanation du tombeau du Christ par les
musulmans. Alors que la féodalité s’impose en Occident,
seule la croisade, pèlerinage armé en Terre sainte, peut
permettre de reprendre « l’héritage du Christ ». Urbain II
fait aussi de ce « voyage d’outre-mer » l’un des moyens de
➤ Activité 2 : documents 4 et 5 p. 53
Dans le domaine militaire, Louis IX observe scrupuleusement les deux grandes règles de la guerre chrétienne :
1. Louis se croise pour venir en aide aux chrétiens du
Levant. Les élèves observent le document 5 p. 53 et
4. Jean de Joinville, Livre des saintes paroles et des bons faits de notre saint roi Louis, 1297-1309.
5. Op. cit.
45
la rédemption des chevaliers européens. La difficulté du
« passage », les embûches qui guettent les pèlerins, les
dangers du combat sont une épreuve qui conduit à la
rémission des péchés, porteuse de grâce tout autant que le
but du voyage qui est le recueillement sur le tombeau du
Christ. Car ces chevaliers, pour violents qu’ils soient,
aspirent au salut, mais se sentent menacés par l’exercice
de la guerre et par leur mode de vie si éloigné de l’idéal
du « mépris du monde » prôné par l’Église.
Pourtant, la croisade perd beaucoup de sa force chez les
chrétiens au XIIIe siècle. D’abord à cause des échecs rencontrés : les musulmans reprennent Jérusalem en 1187, et
la IVe croisade se termine par le pillage de Constantinople
en 1204. Ensuite parce que de nombreux souverains qui
s’y sont engagés s’y sont déconsidérés. Par exemple,
lorsque Philippe Auguste affronte Richard Cœur de Lion
(1188-1192) ou quand l’empereur Frédéric II rachète
Jérusalem au sultan al-Kamil (1229).
L’exploitation pédagogique
des documents en classe
Louis IX est d’abord un chevalier admiré pour ses faits
d’armes jusqu’à sa première croisade (1248-1254). À son
retour, il a changé. L’échec de son « passage » en Orient
ne montre-t-il pas que Dieu l’a abandonné ?
➤ Activité 1 : documents 1 et 2 p. 54
et document 4 p. 55
L’équipée de Louis IX en Orient se solde par un désastre.
Comme tous les chrétiens, Louis IX reste persuadé que la
guerre contre les musulmans est « juste », suivant en cela
la doctrine de saint Augustin (IVe-Ve siècles) : la guerre est
dite « juste » si elle n’est pas une fin en soi, mais vise à
rétablir la paix ; si elle conforte la justice ; si elle garantit
ce qu’Augustin appelle « la tranquillité de l’ordre » ; c’està-dire si elle punit les hérétiques et reconquiert des terres
usurpées.
Faire observer aux élèves le document 1 p. 54 et faire
répondre aux questions 1 et 2. Faire localiser et délimiter
le monde musulman et les États latins d’Orient. Louis IX
embarque au port nouvellement créé d’Aigues-Mortes
(question 2) ; sa flotte hiverne à Chypre, puis met le cap
sur l’Égypte (question 1). Les élèves observent le document 2 p. 54 et répondent aux questions 3, 4 et 5. Louis
prend Damiette en juin 1249. Faire remarquer aux élèves
la présence du roi de France sur le champ de bataille. Ils
le reconnaissent à son heaume doré et à sa couronne. Le
modèle du roi-chevalier se nourrit de la croisade.
Mais l’armée de Louis IX capitule à La Mansourah
(1250). Rançonné, le roi reste en Terre sainte jusqu’en
1254. Après la mort de sa mère, Louis rentre. Faire lire le
document 4 p. 55 et faire répondre aux questions 9 et 10.
Le roi se croise une seconde fois en 1270, et son but est
Tunis. Louis meurt sous les murs de la ville le 25 août
1270. Les Européens perdent définitivement pied en
Orient à la fin du XIIIe siècle (chute de Saint-Jean-d’Acre
en 1291).
Pour aller plus loin
Après saint Louis, le modèle du roi chevalier ne disparaît
pas vraiment, mais il se recentre sur les guerres européennes.
Au XIVe siècle, Jean II le Bon, « plein de courage et de
hâtive volonté », est aimé et admiré, à l’inverse de son
père, Philippe VI, qui a fui le champ de bataille devant les
Anglais. On met Charles VI, son petit-fils, à la tête des
armées, mais son oncle, se rappelant le désastre de Poitiers
et la capture de Jean le Bon (1356), refuse qu’il participe
à la bataille d’Azincourt (1415). Charles VII conduit, sans
s’exposer personnellement, les campagnes de la fin de la
guerre de Cent Ans. Louis XI, son fils, préfère éviter le
hasard des combats. À la fin du XVe siècle, les guerres
d’Italie redonnent vie au modèle du roi-chevalier et l’on
voit, trois siècles après la captivité de saint Louis, le roi
François Ier rançonné après sa défaite à Pavie (1525).
➤ Activité 2 : documents 3, 4 et 5 p. 55
Le destin tragique de saint Louis en Orient coïncide avec
un retournement de la religiosité européenne.
Jusqu’alors, l’image de Dieu était celle de la majesté, de
la victoire sur la mort et l’hérésie ; or, la religiosité évolue
de telle sorte qu’apparaît désormais au premier plan la
représentation du Christ souffrant. Le XIIIe siècle est celui
de la Passion. Lorsque Louis IX rentre en France en 1254,
triste, persuadé de ne plus être digne de son peuple, un
chroniqueur le dépeint chevauchant jusqu’à Paris et rencontrant dans chaque paroisse une ferveur populaire qui le
surprend lui-même. Les élèves observent le document 3
p. 55 et ils répondent aux questions 6, 7 et 8. Comme pour
le document 3 p. 53, faire remarquer la tunique jacinthe
et les lys d’or sur la chape en hermine, qui symbolisent la
majesté, et le nimbe, qui désigne « saint Loïs » comme
l’intercesseur entre Dieu et son peuple. Les signes de piété
du roi sont typiques des grands laïcs du XIIIe siècle : il
s’attarde sur les dépouilles des chrétiens tués par les musulmans, et il lave les pieds des pauvres. « Le roi pratiqua si
largement l’aumône que, partout où il allait dans son
royaume, il faisait faire des dons aux églises pauvres, aux
léproseries, aux hôpitaux. Tous les jours, il donnait à une
grande quantité de pauvres, sans parler de ceux qui mangeaient dans [son palais]. Et, bien des fois, je l’ai vu luimême couper leur pain et leur donner à boire ; et, quand
ils avaient mangé, ils emportaient une certaine somme
d’argent. Il fit faire la maison des aveugles à côté de Paris,
pour y mettre les pauvres aveugles de la cité de Paris.
Certains de ses familiers grognaient de ce qu’il faisait de
si larges aumônes et qu’il y dépensait beaucoup. Et [le roi]
disait : “J’aime mieux que l’excès des grandes dépenses
que je fais soit fait en aumônes pour l’amour de Dieu
qu’en faste et vaine gloire de ce monde.” »6
Faire relire le document 4 p. 55 : « Allongé sur un lit de
cendres répandues en forme de croix, il rendit son dernier
souffle à l’heure précise où Jésus, le fils de Dieu, mourut
sur la croix. » Louis IX devient, au contact de cette Terre
sainte où le Christ a été martyrisé, une réincarnation de ce
Dieu de souffrance… Et, pour pousser cette identification,
6. Op. cit.
46
• Pour les visites scolaires de la basilique de Saint-Denis :
http://www.ville-saint-denis.fr/ ; http://www.tourisme93
.com/.
il meurt devant Tunis – tous ses hagiographes le rapportent
– à trois heures de l’après-midi, comme le Christ !
Faire observer le document 5 p. 55 et faire répondre aux
questions 11 et 12. Au loin, faire reconnaître les silhouettes
des vaisseaux de retour de Tunis. La dépouille du roi est
rapportée en France par son fils Philippe, héritier de la
couronne après la mort de son frère aîné en 1260. De son
père, il hérite la piété et le goût de la chevalerie. D’ailleurs
il doit son surnom de « Hardi » à sa bravoure sous les murs
de Tunis. Faire repérer le nouveau roi de France : il porte
une tunique jacinthe, dont la couleur devient définitivement celle du pouvoir et du sacré, une chape d’hermine
parsemée de lys d’or et une couronne (question 11). Le
corps de saint Louis n’est pas rapatrié entier car on ne sait
pas l’embaumer. Le corps est dépecé et bouilli dans du vin
mélangé d’eau pour que les os et le cœur soient conservés
à Saint-Denis ; le roi de Sicile Charles d’Anjou, frère du
roi, expédie les entrailles à l’église de Monreale. Faire
remarquer aux élèves l’ordonnancement du cortège : sur la
gauche, le roi Philippe est accompagné par des laïcs richement vêtus et par des réguliers, tandis qu’à droite, la foule
se presse pour toucher la châsse mortuaire (question 12).
« Le roi te touche, Dieu te guérit », aimait dire Louis IX
aux foules venues de très loin. Plus qu’un signe de piété,
le peuple sollicite encore les pouvoirs de guérison de
Louis à travers sa dépouille, qui est perçue comme une
relique. La canonisation du roi accentue cette croyance
populaire.
La lithographie du
des Quinze-Vingts
XIX e
siècle et l’hôpital
Mais porter la couronne de saint Louis crée des devoirs
auxquels échappe le commun des mortels et qui s’expriment à travers les serments que le roi de France prononce
lorsqu’il est sacré :
1. D’abord défendre la foi et défendre l’Église. Évoquer la
fondation du collège de la Sorbonne (1257) par Robert de
Sorbon, chapelain de saint Louis, pour les clercs séculiers
et les étudiants en théologie. Le collège se double rapidement d’un tribunal inquisitoire.
2. Ensuite, faire régner la justice. Faire décrire par les élèves
la lithographie du XIXe siècle : saint Louis rend la justice
sous un chêne, devant le donjon du château de Vincennes.
Faire confronter cette image avec le document 2 p. 52.
Depuis les Mérovingiens, le roi de France est un justicier
et son État un État de justice. Le roi en personne est juge
des affaires publiques et aussi des affaires privées : déclarer
une guerre, c’est porter un jugement contre un prince
étranger qui a contrevenu au droit des gens et c’est
envoyer une armée pour exécuter ce jugement. Mais saint
Louis est le premier à comprendre que, dans un royaume
agrandi, le roi ne peut lui-même rendre la justice à tous et
qu’il faut confier à des officiers compétents la mission de
l’administrer en son nom. C’est une délégation et non un
abandon de pouvoir, le roi retenant la possibilité de juger
les affaires qui lui sont soumises directement et d’appeler
devant lui celles qui ont d’abord été jugées ailleurs.
3. Enfin, à l’instar de saint Louis, faire preuve de piété.
Insister sur la création de l’hôpital des Quinze-Vingts en
faveur de trois cents aveugles (1254).
Pour aller plus loin
Les échecs de Louis IX en Orient participent à la modification de l’identité de la chrétienté latine : jusque-là, la
chrétienté latine comprenait l’Europe occidentale et la
Terre sainte. L’essor de l’Occident fait que, de plus en
plus, l’être et l’avenir de la chrétienté se trouvent en
Europe. Jean de Joinville, par exemple, qui a accompagné
le roi pendant six ans lors de sa première croisade, ne veut
pas repartir avec lui. Il argumente que son devoir de
seigneur chrétien est de s’occuper de son domaine et de
ses gens, en Champagne... De même, saint François est
allé en Terre sainte et en est revenu avec la conviction qu’il
faut convertir les infidèles, pas leur faire la guerre.
La monnaie
La création de l’écu d’or en 1266 rappelle aux sujets de
saint Louis que la monnaie est la chose du roi. Jusqu’à
cette date, l’Europe frappe des deniers d’argent. Mais des
centaines de grands ont, depuis le Xe siècle, usurpé le droit
de frapper monnaie, et de nombreux ateliers sont encore
actifs au XIIIe siècle. Entre toutes les espèces différentes
frappées, le poids de métal que contient chaque pièce
suffit à déterminer un rapport. Quatre « parisis » valent
cinq « tournois », parce que le denier frappé à Paris
contient un quart d’argent de plus que le denier frappé à
Tours. La monnaie de compte, d’autre part, n’est que le
système des multiples du denier. Au lieu de dire « douze
deniers », on dit « un sou », mais un sou ne peut être matériellement fait que de douze pièces d’un denier. La livre
vaut vingt sous, mais il n’y a aucun autre moyen de payer
une livre autrement qu’en versant deux cent quarante
deniers ! Tout change vers le milieu du XIIIe siècle pour
faire face au développement commercial qui s’accommode mal du paiement en deniers. À l’imitation des villes
italiennes, les rois européens frappent des monnaies
d’argent plus lourdes, des « grosses pièces » : c’est en
France le « gros » tournois d’argent, émis en 1266 par
L’héritage de saint Louis
La basilique de Saint-Denis
Louis IX fait aménager la basilique de Saint-Denis de
façon à en faire la nécropole de la royauté française, où
s’affirme la continuité des trois grands lignages depuis
Clovis (les Mérovingiens, les Carolingiens et les Capétiens).
➤ Activités possibles
• Demander aux élèves de confectionner des panneaux
pour préparer une exposition thématique. Plusieurs thèmes
sont possibles dont celui des gisants.
47
saint Louis. Le « gros » vaut douze deniers. Pour la première fois, il y a une pièce d’argent qui vaut un sou.
L’autre changement, c’est le retour à la monnaie d’or. On
l’avait oubliée en Europe depuis Charlemagne. L’or, c’est
le dinar arabe ou le besant byzantin. La tentation d’imiter
les villes italiennes saisit quelques monarques, parmi
lesquels le roi de France.
➤ Activité possible
• Faire reproduire un écu d’or, par exemple, à partir des
collections du Musée national du Moyen Âge, thermes et
hôtel de Cluny, 75005 Paris, http://www.musee-moyen
age.fr/, rubrique « Pour les enfants ». La reproduction est
à dimension réelle.
nouveau à Aigues-Mortes. C’est une flotte marseillaise
qui le transporte à Tunis où il meurt.
➤ Activités possibles
• En arts plastiques, faire travailler les élèves sur les
vitraux (techniques de construction et décoration).
• Sur la croisade, la Bibliothèque nationale de France propose la découverte sur CD-Rom d’une sélection de ses
dossiers accessibles sur Internet. Ce CD-Rom est distribué
gratuitement aux établissements scolaires : « Le Moyen
Âge », BNF, 2004 ou http://www.bnf.fr/.
Pour construire le résumé
Aigues-Mortes et la Sainte-Chapelle
Saint Louis est le modèle du roi-chevalier, et le modèle du
roi-chevalier se nourrit d’abord de la croisade. Louis IX,
projetant une croisade et ne voulant pas s’embarquer dans
un port appartenant à l’un de ses vassaux, cherche à
acquérir un point de la côte où il lui serait possible d’établir un port et son arsenal. Grâce à un legs (1240), le roi
obtient un bourg en Camargue qu’il agrandit et fortifie :
Aigues-Mortes (les Eaux Mortes) dresse, dans un paysage de marais, d’étangs et de salines, les longues courtines et les grosses tours de son enceinte. C’est aujourd’hui
encore l’image saisissante de la ville médiévale
puisqu’elle est restée en l’état… Sa muraille dessine un
quadrilatère dont les murs, surmontés de chemins, sont
flanqués de tours : les plus fortes (comme la tour de
Constance) sont aux angles ou défendent les portes ou
poternes. Les remparts n’ont que deux portes au nord ;
mais au sud, pour desservir les quais d’embarquement le
long du grau Louis, sont percées cinq portes. À l’intérieur,
une large voie permet à la garnison de se déplacer rapidement. À l’extérieur, des fossés remplis d’eau protègent
la ville. En 1248, 38 nefs, louées aux Génois, avec
2 800 chevaliers et 25 000 hommes à leur bord, sont
rassemblées dans le port d’Aigues-Mortes. Par dévotion,
Louis IX fait bâtir, en même temps, la Sainte-Chapelle
pour abriter un morceau de la vraie croix et la couronne
d’épines du Christ. En 1270, saint Louis s’embarque à
Solliciter les élèves pour trouver les mots clés de la leçon.
Par exemple : Louis IX, saint Louis, croisade, justice, paix.
Mettre en relation chacun de ces mots avec des repères
figurant sur la chronologie p. 52. Mettre en commun les
réponses et écrire ensemble le résumé de cette séquence.
Bibliographie
– J. Le Goff, Saint Louis, Gallimard, 1996.
– J. de Joinville, Livre des saintes paroles et des bons faits
de notre saint roi Louis, 1297-1309, reproduit dans
Historiens et chroniqueurs du Moyen Âge.
– M. Bourrin-Derruau, « Temps d’équilibres, temps de
ruptures (XIIIe siècle) », Nouvelle Histoire de la France
médiévale, coll. « Points Histoire », Le Seuil, 1990.
– Bourreau, C.-S. Ingerflom, La Royauté sacrée dans le
monde chrétien, Éd. de l’EHESS, 1992.
– A. Vauchez, La Sainteté en Occident aux derniers siècles
du Moyen Âge, d’après les procès de canonisation et les
documents hagiographiques, École française de Rome,
1981.
– Dupront, Du sacré, Gallimard, 1987.
48
Qui était Philippe le Bel ?
Pages 58 à 63 du dossier
Référence aux Instructions officielles
À la suite des grands rois du XIIIe siècle, Philippe le Bel (1285-1314) veut faire admettre la souveraineté incontestable du roi dans son royaume, au prix d’une crise ouverte et souvent violente avec la papauté (1296-1303) et les
Templiers (1307), et de guerres longues et coûteuses contre l’Angleterre et la Flandre.
Compétences
• Appréhender le temps en situant les moments importants du règne de Philippe IV le Bel.
• Confronter deux documents de même nature. Par exemple, deux textes sur la querelle entre Philippe et le pape.
• Distinguer une information d’une opinion. Par exemple, à l’occasion du procès intenté par Philippe contre l’ordre
du Temple.
• Caractériser une période : l’affirmation tous azimuts de la souveraineté royale.
Photofiche
Voir photofiche n° 9 p. 89.
Le contexte historique
fief de Guyenne par Philippe. En Flandre, saint Louis a
rendu un arbitrage qui règle la crise de succession de la
comtesse Marguerite de Flandre : choisi par saint Louis
comme nouveau comte, Guy de Dampierre, le second
mari de Marguerite, est donc son vassal. Mais la Flandre a
des ressources et une situation face à l’Angleterre que
Philippe le Bel convoite. Il s’appuie sur les seigneurs flamands, tandis que le comte a le soutien des bourgeois1 des
villes drapantes et s’allie à l’Angleterre. Dès 1292, Guy de
Dampierre va outre-Manche, où le roi Édouard Ier le reçoit
comme son égal. Tous les deux se jurent une éternelle
amitié et parlent de marier Philippine de Flandre, la fille
de Guy, au futur Édouard II. En 1297, l’ost (armée)
royal pénètre victorieusement en Flandre et Philippe
confisque son comté à Guy. Mais les villes flamandes se
révoltent et les Français sont massacrés à Bruges, les 17
et 18 mai 1302. Taillé en pièces à Courtrai (1302), l’ost
royal rétablit l’honneur de Philippe à Mons-en-Pévèle, le
18 août 1304.
Philippe IV le Bel est le fils de Philippe III le Hardi et
d’Isabelle d’Aragon. Ses contemporains, unanimes, le
trouvent « beau de visage et charmant d’aspect », d’où son
surnom. L’étude de la chronologie p. 58 permet de découvrir que, pour les fidèles de la cour comme pour ceux qui
ne sont pas ses familiers, Philippe supporte mal la comparaison avec saint Louis, son grand-père.
Saint Louis est en effet un personnage charismatique. Il
est un modèle auquel se réfèrent ses successeurs comme
les Français, qui regrettent le « bon temps de monseigneur
saint Louis ».
A contrario, la dureté et la froideur de Philippe le Bel
impressionnent. « Ce n’est ni un homme ni une bête. C’est
une statue. » La remarque de Bernard Saisset, l’un des
ennemis du roi, définit bien ce « roi de fer ». Philippe est
secret aussi, puisqu’il ne laisse nul enseignement à ses
proches et à ses descendants. Et les historiens s’interrogent
encore sur les graves décisions qu’il a prises :
L’exploitation pédagogique
des documents en classe
1. D’abord la querelle engagée avec le pape. Le roi de
France excommunié, voilà qui correspond mal avec l’idée
qu’on a du roi chrétien ! Que Guillaume de Nogaret, le
plus célèbre juriste de Philippe le Bel, ait giflé le pape
pour le compte du roi – à Agnani le 7 septembre 1303 –
n’arrange pas les choses.
2. Puis, sur deux frontières, Philippe pousse à la guerre.
Lorsque saint Louis reçoit l’hommage du roi d’Angleterre
Henri III (1259), Philippe réactive le conflit avec son fils,
Édouard Ier, qui est aussi le vassal du roi de France. Car si
le roi de France n’est le vassal de personne, le roi
d’Angleterre non plus, en tant que roi ! Mais, comme duc de
Guyenne, Édouard doit l’hommage à Philippe. Édouard Ier
accepte d’ailleurs mal cette situation humiliante. En 12941297, des provocations françaises justifient la saisie du
Depuis la fin du XIIIe siècle, la monarchie absolue
progresse partout en Europe au détriment des fidélités
personnelles et de l’ordre seigneurial. En France, le roi,
personne sacrée aux pouvoirs délégués par Dieu et qui
n’est le vassal de personne, est celui dont tout provient
dans l’ordre du royaume.
➤ Activité 1 : document 1 p. 58, document 1
p. 52 et document 3 p. 59
La souveraineté du roi s’exerce sur un territoire de plus en
plus vaste.
Faire confronter les documents 1 p. 58 et 1 p. 52. Faire
remarquer aux élèves que Philippe élargit le champ de la
souveraineté royale :
1. Fabricants et marchands de l’industrie drapière, importateurs de laine, banquiers.
49
1. En Europe d’abord, les frontières de la France progressent vers l’Est lorrain et provençal : elles sont sur la
Meuse, la Saône et la ligne du Rhône est gagnée, mais
elles laissent encore hors du royaume Metz et Avignon.
2. Puis à l’intérieur : cent ans de guerres contre les seigneurs et de diplomatie ont agrandi le domaine du roi
capétien [domaine royal et apanages en orange dans la
légende]. Philippe le Bel est le premier seigneur du
royaume : il est seigneur sur les rivages de la Manche, de
l’Atlantique et de la Méditerranée. Philippe récupère par
son mariage avec Jeanne (1284) le comté de Champagne
et le royaume de Navarre, auxquels il ajoute le Barrois
(1297).
remarquer aux élèves que le roi n’est pas seul lorsqu’il
rend la justice (question 7). Philippe est entouré de sa
cour2 : c’est « le roi en parlement ». Un parlement est une
réunion que le roi convoque, qu’il préside, qu’il écoute.
Ceux qui entourent le souverain ne sont pas des juges
professionnels, mais des conseillers car le roi ne peut
pas juger toutes les affaires qui montent vers lui.
2. La justice est de plus en plus rendue par une session
extraordinaire de la cour, constituée pour juger au nom du
roi. Les séances des parlements ordinaires sont assez chargées pour occuper leurs membres six ou sept mois par an :
le roi y paraît de moins en moins. Ce ne sont pas encore
les parlements de la Renaissance et de l’Ancien Régime
peuplés de magistrats spécialisés. Mais la liste des
conseillers est publiée à chaque réunion de travail. Elle
s’ouvre sur les noms de deux clercs de haut rang et de
deux grands seigneurs laïcs ; suivent les noms de vingtdeux conseillers, moitié clercs, moitié laïcs. Les conseillers
sont avant tout des juristes – on dit « légistes » au
XIVe siècle – formés au droit romain et armés pour la
défense des droits du roi (question 8). Ils sont déjà là sous
saint Louis ; Philippe n’innove pas en sollicitant leur
talent, il leur accorde juste une place plus grande dans son
État de justice…
3. Faire remarquer aux élèves que le principe de délégation est suggéré sur ce document : à l’arrière-plan, le fourreau de Philippe est vide, et au premier plan, une personne
utilise son épée pour frapper une autre personne sous le
regard complice du roi. L’autorité de Philippe reste donc
entière quand il attribue telle ou telle part de son pouvoir
(question 9). C’est une délégation et non un abandon de
pouvoir, le roi retenant toujours la possibilité d’annuler les
arrêts rendus en son nom et en celui de l’Église. Signaler
la présence d’un clerc – qui brandit une croix – aux côtés
du supplicié : il lui administre le sacrement de l’extrêmeonction, veillant, jusqu’au dernier moment, au salut de son
âme (question 10).
Puis faire répondre à la question 1 p. 58. Des principautés territoriales anciennes subsistent cependant –
Bretagne, Bourgogne, Flandre, Guyenne – où l’autorité
royale, exercée depuis Paris, doit composer avec celle des
vassaux du roi.
Rappeler aux élèves que le sacre fait de la royauté une
monarchie de droit divin : le sacre est un rite d’initiation
qui transforme le roi désigné par la coutume de l’hérédité
en souverain sacré par l’onction divine du saint chrême,
versé sur lui par l’archevêque de Reims. Faire observer le
document 3 p. 59 pour montrer que la parentèle du roi est
associée à son gouvernement :
1. Philippe est plus grand que ses enfants bien qu’il soit
assis sur son trône, au centre de la miniature. Il revêt la
traditionnelle tunique jacinthe semée de lys d’or et une
couronne.
2. Philippe est entouré de ses enfants : sa fille Isabelle,
reine d’Angleterre (à gauche) – à faire identifier grâce à
sa robe rouge semée de léopards d’or (question 5) – et son
fils aîné Louis, roi de Navarre et futur Louis X (à droite).
À côté d’Isabelle se tiennent ses deux frères, Philippe le
Long et Charles le Bel.
3. Et, à l’extrême droite, Philippe de Valois, frère du roi,
assure l’avenir de la dynastie capétienne si la ligne directe
devait s’éteindre (question 6).
➤ Activité 3 : document 2 p. 58
Les assemblées de Philippe le Bel sont les prémices d’une
représentation de la Nation.
Pour aller plus loin
Le problème de la succession royale se pose pour la première fois en France le 5 juin 1316, à la mort de Louis X.
Jusque-là, depuis l’« élection » par les grands de Hugues
Capet en 987, les rois capétiens se sont succédé en ligne
masculine par primogéniture. Jusqu’au règne de Philippe
Auguste, ils ont pris la précaution de faire sacrer de leur
vivant leur fils aîné. Louis VIII – le père de saint Louis –
est le premier roi à ne pas être sacré du vivant de son père,
preuve que la légitimité dynastique des Capétiens est enracinée.
Faire lire le document 2 p. 58 et faire répondre aux questions 2, 3 et 4 :
1. Qui siège dans les assemblées convoquées par le roi
(question 2) ? Il y a, en 1302 comme en 1308, un millier
de personnes au moins. Ce sont les représentants de quelques villes. Des seigneurs laïcs, des évêques et des abbés
viennent en personne. D’autres utilisent la procédure qui
est prévue pour la représentation des villes : ils délèguent
des procureurs.
2. Ces assemblées, que l’on qualifie d’« états généraux »,
le roi y recourt en 1302 et 1303 contre le pape, en 1308
contre le Temple et en 1314 pour obtenir une contribution
extraordinaire du clergé (questions 3 et 4). Il les convoque,
il les préside, il les écoute. Il y fait parler un membre de sa
cour. Mais le roi est sûr de leur adhésion (« Alors un bourgeois de Paris se leva et parla pour les bourgeois de la ville ;
➤ Activité 2 : document 4 p. 59
L’État de Philippe est d’abord un État de droit.
Faire observer le document 4 p. 59 et faire répondre aux
questions 7, 8, 9 et 10 :
1. Depuis les Mérovingiens, le roi seul – juché sur son
trône au centre de la miniature – est juge… Mais faire
2. C’est l’ensemble des laïcs et des clercs à qui le devoir de fidélité impose envers le roi un devoir d’aide et de conseil.
50
Le roi peut compter sur l’aide5 et le conseil de ses vassaux,
ducs et comtes comme simples chevaliers, mais guère
d’argent. Depuis Philippe Auguste, la croisade a fourni le
meilleur des prétextes aux impositions « extraordinaires »,
et surtout aux décimes levées par le clergé au profit du roi.
Philippe le Bel reprend cette argumentation déjà séculaire :
la lutte contre le duc de Guyenne et le comte de Flandre
est une croisade, et le serait encore plus si le pape voulait
bien les excommunier !
il dit qu’ils étaient tous prêts à venir en aide au roi. »), et
l’acclamation tient lieu de vote. Les états généraux de
Philippe ne sont donc pas des assemblées représentatives.
Sur les traces de Philippe le Bel
Le contexte historique
Le conflit s’apaise, mais il reprend en 1301-1302, lorsque
l’évêque de Pamiers, Bernard Saisset, nommé par le pape
sans l’autorisation du roi, est soupçonné de trahison puis
arrêté. Cette accusation réveille la querelle des investitures : la loyauté d’un évêque est-elle due au roi et à l’État
ou au pape et à l’Église ? Boniface convoque les représentants du clergé français à Rome pour réaffirmer la doctrine
de la supériorité pontificale et de la souveraineté temporelle des papes6. Philippe interdit aux ecclésiastiques de se
rendre à Rome et, devant une assemblée de nobles, bourgeois et clercs, en appelle contre Boniface au concile
général. Philippe le Bel est excommunié et il réplique en
accusant Boniface VIII d’hérésie.
Le règne de Philippe le Bel (1285-1314) révèle les incompatibilités entre le monarque absolu, ayant dans le
royaume une autorité différente et supérieure à toutes les
autres par sa nature, et le pape, qui prétend à l’empire universel et ne se contente pas de son pouvoir sur le gouvernement des âmes (« Dieu nous a placés au-dessus des rois
et des royaumes : c’est pourquoi les légistes se trompent
lorsqu’ils te disent que tu n’as pas de supérieur », lettre du
pape Boniface VIII, 1301, document 1 p. 60).
L’exploitation pédagogique
des documents en classe
Faire observer le document 3 p. 60 et faire répondre aux
questions 4 et 5. Guillaume de Nogaret, le garde des
Sceaux de Philippe, part pour l’Italie et pénètre par
surprise à Agnani (1303) où se trouve Boniface VIII.
Faire remarquer aux élèves qu’on en vient aux mains :
Boniface, tiare en tête, signe de la supériorité pontificale,
est malmené par la troupe française. Le coup de main
échoue, mais le pape, malade et choqué, meurt un mois
après. Ce conflit accroît le pouvoir du roi dans le royaume.
Sa souveraineté – le concept du roi « empereur en son
royaume » – l’emporte définitivement sur les prétentions
du pape Boniface qui s’estimait « l’unique pasteur de tous ».
➤ Activité 1 : documents 1 et 3 p. 60
L’affirmation de la souveraineté royale se fait aux dépens
du pape.
Dès 1202, le pape Innocent III déclare que le roi de France
– alors Philippe Auguste – ne « reconnaît aucun supérieur »
au temporel. Puis, à la fin du XIIIe siècle, les « légistes » de
Philippe le Bel rappellent que « le roi ne tient son pouvoir
que de Dieu et de lui-même ». Mais le premier conflit
entre Philippe et le pape Boniface VIII a surtout des
raisons financières : la guerre contre l’Angleterre et la
Flandre creuse le déficit de la trésorerie royale. Philippe
fait donc appel au clergé pour lever les décimes à son profit (1294-1297). Faire lire aux élèves le document 1 p. 60
et faire répondre à la question 1. Les plaintes du clergé
sont entendues à Rome (« tu opprimes le clergé, tu lèves
sur lui des impôts. », lettre de Boniface VIII, question 1).
Le pape interdit d’abord au clergé de payer des taxes au
roi3. Puis Boniface recule : si une situation d’urgence
justifiant l’impôt est démontrée, les clercs doivent l’acquitter,
mais il appartient au roi d’en faire la démonstration4.
Toujours à l’affût de nouvelles sources de revenus, le comportement de Philippe heurte la coutume féodale qui exige
que « le roi de France [vive] du sien ». Le « sien », c’està-dire ce que le roi possède en tant que propriétaire et
seigneur banal. Les manants établis sur son domaine lui
doivent des redevances et des services. Le roi de France
exploite ses banalités : le pressoir, le four, le moulin. Il
vend les blés et les vins des redevances payées en nature,
ses coupes de bois. Il afferme pâtures et forêts de son
domaine… Cette règle juridique condamne le roi de
France à négocier son droit à lever l’impôt. Auprès de qui ?
➤ Activité 2 : documents 4, 5, 6 et 7 p. 61
L’affirmation de la souveraineté royale se fait aux dépens
du Temple.
Pour assurer leur survie au milieu du monde musulman,
les États latins d’Orient ont besoin d’un apport constant
d’hommes et de moyens matériels qui ne peuvent venir
que de l’Europe. Mais les routes sont peu sûres et les pèlerins qui affluent vers Jérusalem ont besoin d’être protégés.
Quelques croisés pieux rassemblés autour du champenois
Hugues de Payns décident alors de rester en Terre sainte,
de prolonger leurs vœux et de mener une vie de moinessoldats. Cette confrérie des « pauvres chevaliers du
Christ » se constitue en ordre. L’ordre des Chevaliers du
Temple tire son nom du fait que le roi Baudouin II de
Jérusalem les installe dans l’ancienne mosquée al-Aqsa,
que l’on identifie au temple de Salomon.
Faire observer aux élèves le document 4 p. 61 et faire
répondre à la question 7. Faire reconnaître les Templiers :
des croix latines barrent leurs vêtements car l’ordre du
3. Bulle Clericis laicos, 1296.
4. Bulle Etsi de statu, 1297.
5. L’aide, c’est le service en armes, un service que limite et tarifie la coutume, mais le jeu complexe des fidélités fait que le roi ignore à chaque fois combien
d’hommes réunira l’armée royale et combien de seigneurs fautifs il faudra sanctionner pour leur dérobade.
6. Bulle Unam sanctam, 1302.
51
papauté, qui culmine avec l’ordonnance royale de 1407
proclamant les libertés de l’Église gallicane et se dénoue
avec le concordat de 1516 signé entre le pape Léon X et
François Ier. Ce concordat règle la répartition des pouvoirs
du roi et du pape jusqu’à la Constitution civile du clergé
de 1790 : le roi nomme les évêques et les prêtres, le pape
leur accorde leur investiture canonique. Finalement, les
prétentions absolutistes des rois de France ont garanti les
libertés de l’Église gallicane.
Temple est né de la croisade, et la tonsure identifie les
Templiers comme des réguliers. Le roi et ses conseillers
veulent faire supprimer le Temple et mettre le procès dans
les mains de l’Inquisition7. C’est chose faite le 13 octobre
1307, et, une fois arrêtés par les officiers royaux, quelques
Templiers commencent à avouer des crimes indicibles :
1. Faire lire le document 5 p. 61 et faire répondre à la
question 8. D’abord, les rites secrets obscènes qu’auraient
pratiqués les Templiers : baisers sur la bouche, sur le
plexus, sur l’anus ou les parties génitales. Ensuite, le
reniement du Christ et le crachat sur le crucifix. Enfin,
l’adoration d’une idole, nommée « le Baphomet ». Le but
de l’Inquisition est d’identifier le Temple à une hérésie et,
en l’occurrence, à une hérésie inspirée de l’islam
(Baphomet est une déformation de Mahomet).
2. Faire lire le document 6 p. 61 et faire répondre à la
question 9. Des aveux édifiants sont obtenus, y compris
ceux du maître de l’ordre, Jacques de Molay. Est-ce la
vérité ou bien les aveux sont-ils extorqués sous la torture
comme l’affirme ce document (« Tous les frères du
Temple qui ont reconnu ces mensonges ont menti. Ils ont
parlé par crainte de la mort. Une partie d’entre eux n’a
parlé que sous la torture ») ? L’important est que la population croie à la véracité de ces aveux, à commencer par le
roi lui-même dont la piété est sincère. Le Temple porte sa
défense devant le pape Clément V.
3. En vain ! Philippe utilise la manière forte. Faire observer
aux élèves le document 7 p. 61 et faire répondre à la
question 10. Des Templiers reviennent sur leurs aveux : ils
sont brûlés vifs comme relaps. Par exemple, Jacques de
Molay est brûlé vif le lendemain de sa rétractation
(19 mars 1314). En 1312, au concile de Vienne, l’ordre est
supprimé ; ses biens sont remis en France à un autre ordre
militaire, celui des Hospitaliers. L’affaire des Templiers
n’a donc pas amélioré la trésorerie royale. L’explication
financière n’est pas suffisante : la piété du roi et l’impopularité des Templiers après la chute de Saint-Jean-d’Acre en
1291 désignent l’ordre comme une cible facile.
Le palais des Papes
En 1305, le Français Bertrand de Got devient le pape
Clément V. Philippe le Bel pense faire du pape le docile
instrument de son gallicanisme. Pour échapper au roi de
France, Clément se réfugie d’abord dans le Comtat
Venaissin (1309), puis à Avignon (finalement acheté en
1348 à Jeanne de Naples, comtesse de Provence).
Entourée de remparts, la ville est dominée par le rocher
des Doms que couronne la cathédrale. À côté, le colossal
palais des Papes dresse ses hautes murailles crénelées et
ses énormes tours. Il compte parmi les plus vastes
châteaux d’Europe : 15 000 m2 de superficie. À la fois forteresse et palais, il comporte deux édifices accolés : le
Palais Vieux, qui est l’œuvre de Benoît XII (1334-1342),
et le Palais Nouveau, construit par Clément VI (13421352). Le château est vandalisé en 1789 : le mobilier est
dispersé, les statues et sculptures sont brisées. À partir de
1810, il est converti en caserne ; du moins, les badigeons
ont-ils protégé quelques-uns des chefs d’œuvre peints
sur les murailles. Évacué en 1906, maintenant propriété
de la ville d’Avignon, le palais est restauré. Sept papes
français se succèdent à Avignon jusqu’en 1376. Évoquer
les allées et venues des prélats et des serviteurs, le mouvement des gardes en grand uniforme ; les cardinaux,
les princes, les ambassadeurs qui sollicitent des audiences ;
les pèlerins qui encombrent la cour pour recevoir la bénédiction du souverain pontife ou pour le voir sortir sur sa
mule blanche ; les plaideurs et les avocats qui s’agitent
autour des tribunaux ecclésiastiques. Pour les cardinaux
italiens, ces années sont vécues comme un exil. Car, de
l’autre côté du Rhône, en terre française, d’autres tours
jaillissent : tour carrée de Philippe le Bel, tours rondes du
fort Saint-André ; à leurs pieds s’étend Villeneuve-lèsAvignon…
L’héritage de Philippe le Bel
L’« empereur en son royaume »
➤ Activités possibles
Les crises des XIVe et XVe siècles encouragent les prétentions absolutistes des rois de France. Alors qu’en
Angleterre le peuple s’oppose au pouvoir royal et soutient
les nobles, en France, au contraire, il le soutient contre
eux. Dès lors s’ouvre la voie anglaise vers le parlementarisme et s’oppose la voie française vers l’absolutisme,
dont le règne de Louis XIV apparaît comme l’apogée. Les
« légistes » de Philippe le Bel appliquent en effet au roi les
textes définissant les pouvoirs de l’empereur romain du
Bas-Empire – c’est l’« empereur en son royaume » – et
affirment l’indépendance du roi à l’égard du pape. Suivent
de nombreux conflits entre la monarchie française et la
• Demander aux élèves de confectionner des panneaux
pour préparer une exposition thématique. Plusieurs thèmes
sont possibles dont celui de l’architecture.
• Pour les visites scolaires du palais des Papes : http://
www.palais-des-papes.com.
• Décembre 2005 : ouverture du nouveau musée de l’Œuvre
qui retrace l’histoire du palais des Papes.
La dévaluation de la monnaie
Le besoin financier croît avec la guerre. À partir du règne
de Philippe le Bel, les dépenses restent presque supérieures
aux revenus réguliers de la monarchie. L’impôt compte
7. Organisme judiciaire ecclésiastique, créé par la papauté pour lutter contre l’hérésie. Elle fut surtout active du XIIIe au XVIe siècle dans l’Europe catholique.
52
représentants des ordres ne sont pas élus ; ni le bas clergé,
ni le petit peuple des villes et des campagnes ne sont d’ailleurs représentés. Ces assemblées n’ont aucun pouvoir de
décision ; c’est guère moins que les états généraux,
convoqués par le roi de France à partir de 1484 et qui sont
les assemblées consultatives et représentatives des membres
des trois ordres. Lorsqu’elles deviennent électives –
aux états généraux de Tours en 1484 –, les députations
regroupent le même nombre de députés quand le tiers état
représente à lui seul plus de 95 % de la population ! Dans
les états généraux, les délibérations se font par ordres,
séparément. Mais les députés s’appuient sur les cahiers de
doléances, rédigés pour le tiers état par des assemblées de
paroisse. L’influence de ceux qui savent lire et écrire, des
plus instruits, se fait sentir dans les doléances. À partir
de 1614, le roi de France ne convoque plus les états généraux. Ce sont les difficultés financières qui contraignent
Louis XVI à en reprendre la convocation pour tenter
d’éviter la banqueroute en 1789.
plus dans les revenus du roi que ce qu’il tire de son
domaine, comme tout autre seigneur. Philippe compte sur
les décimes du clergé, qui se succèdent sans interruption à
partir de 1295 ; le roi lève aussi sur les laïcs – et sur la fortune patrimoniale des clercs – un impôt direct et permanent taxé en 1295 à un centième de la valeur des possessions foncières, et à partir de 1296 à un cinquantième de
cette même valeur, sauf à baisser le taux pour les patrimoines
les plus modestes. Mais si la guerre justifie l’impôt, elle
limite le droit à l’impôt : en 1313, le gouvernement royal
fait interrompre la perception et restituer aux contribuables
les sommes déjà levées lorsqu’on apprend que la guerre
contre la Flandre n’aura pas lieu ! Philippe le Bel
dévalue aussi la monnaie, c’est-à-dire la monnaie de
compte. En effet, les trois fonctions de la monnaie –
compter, échanger, épargner – ne se font pas comme
aujourd’hui dans la même unité de compte. Les pièces de
monnaie servent aux échanges sur les marchés, aux paiements et à l’épargne, et sont frappées en métal précieux
(or, argent). Mais, en France, on compte en « livres »,
monnaie fictive qui sert à fixer toutes les valeurs : prix,
salaires, etc. Aucune pièce de monnaie ne porte donc une
valeur faciale, car sa valeur en livres est fixée par ordonnance du roi. Dévaluer signifie que le denier contient de
moins en moins d’argent fin. Lorsqu’il dévalue, où est le
profit de Philippe ? Dans la frappe de pièces nouvelles8 et
dans le nouveau cours des espèces.
Pour construire le résumé
Solliciter les élèves pour trouver les mots clés de la leçon.
Par exemple : Philippe le Bel, conseillers (ou légistes),
impôt(s), guerre(s), pape, Temple, états généraux. Mettre
en relation chacun de ces mots avec des repères figurant
sur la chronologie p. 58. Mettre en commun les réponses
et écrire ensemble le résumé de cette séquence.
➤ Activité possible
• Sur la monnaie, la Bibliothèque nationale de France propose la découverte sur CD-Rom d’une sélection de ses
dossiers accessibles sur Internet. Ce CD-Rom est distribué
gratuitement aux établissements scolaires : « Le Moyen
Âge », BNF, 2004 ou http://www.bnf.fr/.
Bibliographie
Les états généraux
– J. Favier, Philippe le Bel, Fayard, 1978.
– A. Demurger, « Temps de crises, temps d’espoirs (XIVeXVe siècles) », Nouvelle Histoire de la France médiévale,
coll. « Points Histoire », Le Seuil, 1990.
– A. Demurger, Vie et Mort de l’ordre du Temple : 11181314, coll. « Points Histoire », Le Seuil, 1989.
– Dossier « Enquête sur les Templiers », L’Histoire, n° 198,
1996.
Les trois « estats » du roi de France, ce sont les trois ordres
de la société féodale. Ceux qui prient : le clergé ; ceux qui
combattent : les nobles ; ceux qui travaillent : ordre formé
de multiples classes sociales, de loin le plus nombreux,
ordre sans nom mais classé en dernier – le tiers état. Le roi
dit souvent : « Mon clergé, ma noblesse, mes peuples »,
parlant du corps social dont il est le souverain absolu.
Dans les assemblées formées par Philippe le Bel, les
8. Pour chaque pièce qu’il fait frapper, le roi garde pour lui la différence entre la valeur intrinsèque, c’est-à-dire le prix du métal contenu dans la pièce, et le
cours légal qui résulte de l’ordonnance royale.
53
Écrire à la manière de… les troubadours
Pages 64 et 65 du dossier
Référence aux Instructions officielles
L’univers de la littérature se découvre aussi dès l’école primaire, par la pratique de l’écriture. Cette expérience, plus
exigeante, permet à l’élève de commencer à prendre conscience des spécificités du monde des fictions.
L’essentiel est de permettre que l’œuvre vienne s’inscrire dans la mémoire de chacun par les divers aspects qui la
constituent : les personnages, la trame narrative, des expressions, le texte d’un passage fort.
Pour que les élèves puissent acquérir des références culturelles, il importe que les lectures ne soient pas abordées au
hasard, mais se constituent, tout au long du cycle, en réseaux ordonnés : autour d’une époque…
Le pastiche, l’imitation et le détournement sont les bases du travail d’écriture, en référence aux textes littéraires.
Compétences
• Être capable de créer une œuvre littéraire qui soit conforme à un style d’écrit.
• Être capable de développer un vocabulaire de la description.
L’exploitation pédagogique en classe
Ménestrel : au Moyen Âge, musicien de basse condition qui
récitait ou chantait des vers en s’accompagnant d’un instrument.
Jusqu’au XIe siècle, la littérature est composée essentiellement de vies de saints. Ensuite apparaissent les récits
épiques. Ils valorisent l’esprit héroïque et les exploits
guerriers. Ce sont les « chansons de geste ».
La chanson de geste la plus connue est la Chanson de
Roland. Le fond du récit est historique. Au printemps de
l’année 778, le roi Charles (futur Charlemagne) lutte
contre les musulmans dans les Pyrénées. Au cours de la
bataille de Roncevaux, ses hommes sont surpris par des
montagnards basques qui les massacrent. Parmi les morts
se trouve Roland, le « comte des marches de Bretagne ».
La Chanson de Roland montre les tensions internes de la
société féodale (entres vassaux et suzerain, entre l’ambition personnelle et le dévouement), ainsi qu’un drame
humain. Au fur et à mesure des « laisses » (strophes),
l’histoire prend un chemin plus romanesque que véridique. Les laisses sont faites pour être écoutées, non pas
lues.
À partir du XIIIe siècle, la chanson de geste évolue vers un
texte fait pour être lu. Les assonances sont remplacées par
des rimes, des récits plus longs et plus compliqués. Le fantastique, le mystérieux et l’extraordinaire y font leur apparition. On passe d’un récit guerrier à un texte où l’amour
et l’étrange sont dominants.
➤ Activité 1 :
« J’apprends à connaître les troubadours »
À partir de la seconde moitié du XIIe siècle, sous l’influence des femmes et de l’Église, les mœurs s’adoucissent. Les habitudes deviennent de plus en plus raffinées.
L’aristocratie préfère des œuvres moins guerrières, moins
sanglantes. Les intrigues amoureuses se développent et
permettent d’approfondir l’âme humaine. Les sentiments
apparaissent, souvent analysés dans de longs monologues,
comme dans Lancelot ou le Chevalier à la charrette de
Chrétien de Troyes. Les éléments de la vie quotidienne
apparaissent désormais dans les récits.
Ceux-ci sont fortement marqués par la redécouverte des
auteurs romantiques de l’Antiquité qui avaient été oubliés
pendant tout le début du Moyen Âge.
Si l’amour est largement célébré, le fantastique y occupe
aussi une très large place. Celui-ci prend sa source dans
les récits celtiques comme la légende du roi Arthur et des
chevaliers de la Table ronde.
Les récits de l’amour courtois sont d’abord apparus dans
le Sud de la France. Ils étaient écrits par des troubadours
comme Jaufré Rudel ou Bernard de Ventadour. Ils se sont
diffusés dans le Nord de la France par les foires et le commerce, mais aussi grâce à Aliénor d’Aquitaine qui « tenait
salon » dans son château et recevait des artistes en tous
genres. Ses filles continuèrent à développer les mœurs raffinées. L’une d’elles, Marie, comtesse de Champagne,
organisait même des « cours d’amours », temps de
réflexion sur les sentiments. Un de ses protégés, Chrétien
de Troyes (1135-1183 environ), écrit des romans où
l’amour des dames est placé au centre du récit. Les chevaliers se battent par amour pour elles.
Pour que les termes utilisés au cours de ce chapitre soient
simples pour les élèves, il est nécessaire de leur donner
quelques définitions :
Troubadour : poète lyrique des XIIe et XIIIe siècles composant des œuvres dans une des langues d’oc. Au fur et à
mesure, le terme glisse et sert à désigner une activité littéraire.
Langue d’oc : ensemble des dialectes parlés dans la moitié
Sud de la France.
Trouvère : poète qui compose dans la langue d’oïl aux XIIe
et XIIIe siècles.
Langue d’oïl : ensemble des dialectes romans parlés dans
la moitié Nord de la France.
De 1100 environ à la fin du XIIIe siècle, les troubadours
inventent la poésie lyrique en langue d’oc. Les troubadours sont des poètes mais aussi des musiciens et des
compositeurs. Les tout premiers sont originaires du
54
Pour cela, préparer trois grandes feuilles (du type affiches)
qui serviront de référentiel à l’écriture. Elles seront affichées au mur.
Limousin et de Provence. Les troubadours sont d’origines
sociales et de statuts très divers. On compte parmi leurs
rangs des comtes, des princes et des barons, des bourgeois,
des chevaliers, des hommes d’Église, des jongleurs, ainsi
que des femmes.
Partager les élèves en groupes. Chaque groupe réfléchira
aux outils nécessaires à l’écriture d’une strophe.
• Groupe 1 : mettre en place un vocabulaire – outil pour
la description du paysage (écriture de la première strophe).
Pour cela, leur faire choisir une photo et la faire décrire.
Introduire le vocabulaire de description (premier plan,
second plan, arrière-plan) ; de position (devant, derrière,
au-dessus, au-dessous) et de nuances (couleurs, teintes
chaudes ou froides).
• Groupe 2 : fabriquer un catalogue de « bons moments »
possibles (écriture de la seconde strophe).
Pour cela leur proposer de décrire un moment avec des
amis. Ou bien leur faire décrire la photo p. 65 : « Le
jardin de l’Amour ». Un homme et une femme sont dans
un jardin, ils discutent. Rien n’existe en dehors d’eux…
• Groupe 3 : faire décrire ce que deux amis peuvent se
dire quand ils se revoient après une longue absence (écriture de la troisième strophe).
Introduction du vocabulaire des souvenirs (« je me souviens », « à l’époque », « à ce moment »…).
Description de ce que les deux amis ont fait pendant le temps
de l’absence (« Pendant ce temps, en ton absence… »).
➤ Activité 2 : « J’étudie un texte écrit
par le troubadour Jaufré Rudel »
Jaufré Rudel, prince de Blaye, participe à la IIe croisade
(1147-1149) et meurt à Tripoli. Au cours de cette croisade,
il nous propose une lecture personnelle de l’amour pur et
mystique qui l’inspire. Cet amour lui fait regarder le printemps avec des yeux neufs et émerveillés. Jaufré Rudel
nous montre aussi que l’amour a deux visages : celui de
l’émerveillement mais aussi celui de l’inquiétude et du
désespoir.
Il est possible de relever avec les élèves les mots du champ
lexical des sentiments, ainsi que le champ lexical de la nature.
➤ Activité 3 : « J’écris à la manière
de l’amour courtois »
Pour que les élèves puissent appréhender l’atmosphère des
écrits de l’amour courtois, il est possible de leur raconter
l’histoire de Tristan et Iseut.
Le roman a été écrit au XIIe siècle par Thomas d’Angleterre.
On y retrouve tous les éléments de la littérature courtoise.
Tristan est orphelin. Il est élevé comme chevalier à la cour
du roi Marc de Cornouailles. Il est doué pour toutes les
activités, que ce soit la musique ou le sport. Un jour, il tue
en duel un géant (le Morholt). Mais il est blessé et ses
blessures qui s’infectent le condamnent à s’exiler. À l’agonie, il s’échoue en Irlande. Iseut la blonde, belle-sœur du
Morholt, le guérit à l’aide d’un philtre magique. Tristan,
guéri, retourne à la cour du roi Marc et celui-ci le désigne
très naturellement comme son successeur car il n’a pas de
descendance. Mais des barons jaloux obligent le roi à
prendre une épouse. Marc décide d’épouser la femme au
cheveux d’or. Mais cette femme est une inconnue. Tristan,
soupçonné de vouloir le pouvoir par-dessus tout, décide
d’aller chercher Iseut la blonde et de la donner au roi
comme épouse. Après différentes aventures, Tristan et
Iseut se retrouvent dans le bateau qui les ramène au château. Par erreur, Tristan boit le philtre d’amour destiné au
roi. Le philtre agit, Tristan et Iseut s’aiment. Par fidélité
pour son roi, Tristan laisse Iseut épouser Marc, mais leur
amour est plus fort que les convenances. Le roi, apprenant
leur passion, les condamne à la mort. Mais Tristan
s’échappe, délivre Iseut et ils partent se réfugier dans la
forêt du Morois. Pendant plusieurs années, ils vivent
cachés dans la forêt. Plusieurs fois, le roi Marc les entrevoit endormis. Pour leur signifier sa présence, le roi leur
laisse des indices de son passage. Remplis de remords, les
amants se séparent. Mais leur amour est plus fort que tout.
Après différentes aventures, au cours desquelles les
amants sont à nouveaux réunis puis séparés, Tristan meurt.
Iseut le rejoint et boit le même philtre de mort que lui.
À la fin du travail de chaque groupe, élaborer une « ficheoutil » avec les mots et expressions utiles pour écrire à la
manière des troubadours. Ces fiches-outils seront affichées au mur. Pour une plus grande lisibilité, il est préférable
que ce soit l’enseignant qui écrive les mots et expressions
de chaque groupe. Utiliser pour cela les trois affiches.
Par la suite, les élèves peuvent écrire leur texte de façon
individuelle.
Pour aller plus loin
Les Instructions officielles préconisent de prolonger le
projet d’écriture par un projet d’édition du texte réalisé.
C’est l’occasion, pour les élèves, de s’initier à la fabrication d’un livre.
À la suite de l’écriture des textes, proposer : un travail sur
les enluminures pour embellir le travail d’écriture ; une
illustration des textes ; la fabrication d’un livre avec les
textes et les illustrations.
Bibliographie
– Lagarde, Michard, Moyen Âge, Bordas, 1948.
– Jaufré, Michel Casem, La Chanson du troubadour, Milan,
1991.
Site
Pour que le travail d’écriture ne soit pas fastidieux et qu’il
ne prenne pas trop de temps, il est possible de mettre en
place à l’oral les outils nécessaires à l’écriture.
www.instrumentsmedievaux.org/histoire/Texte/troub.html
55
La guerre de Cent Ans : pourquoi et comment ?
Pages 66 à 71 du dossier
Référence aux Instructions officielles
Pendant longtemps, les historiens ont vu dans la guerre de Cent Ans la conséquence d’une querelle dynastique
compliquée par un conflit féodal. Ce dernier daterait du mariage d’Henri II Plantagenêt avec Aliénor d’Aquitaine,
répudiée par le roi de France Louis VII (1152). Devenu roi d’Angleterre en 1154, Henri II est plus puissant que le roi
de France, dont il est le vassal pour divers fiefs, dont la Normandie, le Maine, l’Anjou, la Saintonge et la Guyenne1.
Aujourd’hui, les causes de la guerre de Cent Ans sont à trouver dans les mutations du monde féodal finissant – ce
que les historiens appellent « les crises » – aux XIVe et XVe siècles.
Compétences
• Appréhender le temps en situant les moments importants de la guerre de Cent Ans.
• Confronter deux documents de nature différente. Par exemple, une carte du royaume de France et une généalogie
des rois de France et d’Angleterre.
• Caractériser une période : les crises des XIVe et XVe siècles.
Photofiche
Voir photofiche n° 10 p. 91.
Le contexte historique
meurt en 1322, son frère Charles le Bel devient roi sans que
personne n’avance les droits des quatre filles de Philippe.
Que les femmes n’accèdent pas à la royauté est désormais
un fait acquis en France. Après la mort de Charles, il est
exclu de faire appel à sa sœur, Isabelle, reine d’Angleterre.
Mais pourquoi pas à son fils, Édouard III, roi d’Angleterre, qui se trouve être le plus proche parent mâle – plus
proche parent par les femmes – du roi défunt ? Accepter
cette solution ouvrirait la voie à des querelles sans fin : les
filles des trois rois précédents, mariées, auront des enfants
et, parmi eux, il y aura bien un garçon qui, petit-fils de
Louis X, Philippe V ou Charles IV le Bel, aura de facto
des droits supérieurs à ceux d’Édouard. Les grands élisent
donc le descendant direct de saint Louis par les mâles et
l’aîné des hommes du lignage, Philippe de Valois, fils
d’un frère de Philippe le Bel. Surtout, précise la chronique
de Guillaume de Nangis, « ceux du royaume de France ne
pouvaient souffrir volontiers d’être soumis à la souveraineté des Anglais ».
L’étude de la chronologie p. 66 permet de montrer que la
guerre de Cent Ans, qui commence en 1337 et se termine à
Castillon en 1453, est en fait entrecoupée de nombreuses trêves.
La guerre de Cent Ans (1337-1453) serait un conflit de
succession qui aurait mal tourné. Le 1er février 1328,
Charles IV le Bel meurt. Il a une fille et sa veuve, Jeanne
d’Évreux, est enceinte. En attendant la prochaine naissance, Philippe de Valois est nommé régent par une
assemblée de grands laïcs et de prélats. Philippe n’est pas
fils de roi et n’est que cousin germain de Charles IV. Si
l’enfant à naître devait être un garçon, cette régence se
prolongerait jusqu’à sa majorité. Mais si c’est une fille ?
En avril, Jeanne met au monde une fille : elle ne régnera
pas car, depuis le choix de 1317, il est admis que les femmes ne règnent pas. En effet, après la mort de Louis X le
Hutin (1316), son frère, Philippe le Long, second fils de
Philippe le Bel et de Jeanne de Navarre, assura la régence
avec l’accord de ses oncles Charles de Valois et Louis
d’Évreux, puis se déclara roi après la mort de l’enfant Jean Ier.
Cette succession fut contestée car trois princes pouvaient
prétendre à des droits : Philippe lui-même, Charles de
Valois son oncle, et Eudes de Bourgogne qui défendait les
droits de Jeanne, la fille de Louis X et de Marguerite de
Bourgogne, sa sœur. Le 3 février 1317, l’université de
Paris déclare que Philippe est mieux placé que Jeanne, car
il n’est séparé de saint Louis que par deux générations,
contre trois pour sa nièce. L’argument est trop faible. Quelques
jours plus tard, une assemblée parisienne affirme que « femme
ne succède pas au royaume de France ». Les « légistes »
ne motivent pas encore leur choix par la loi salique selon
laquelle la couronne serait transmise de mâle en mâle.
Cette loi est le fruit d’une construction postérieure, une
cinquantaine d’années plus tard. Et quand Philippe V
La crise de succession cacherait un conflit féodal : le roi
d’Angleterre ne supporterait plus de rendre l’hommage au
roi de France pour le duché de Guyenne. La guerre de
Cent Ans serait donc née de l’incompatibilité de la situation féodale de la Guyenne avec la dignité royale de son
duc. Et même si Édouard III, fait l’hommage en 1329, le
problème reste entier. Ainsi, en réponse aux provocations
françaises, Édouard III revendique en 1337 la Couronne
de France à laquelle il prétend avoir droit par sa mère.
L’exploitation pédagogique
des documents en classe
➤ Activité 1 : document 2 p. 66
La mort de Charles IV le Bel (1322-1328) provoque une
crise de succession avec le roi d’Angleterre.
1. Voir « Philippe Auguste », activité 2, document 2 p. 48 et documents 3 et 4 p. 49.
56
Bretagne et en Guyenne rendent le débarquement
d’Édouard III inévitable. En juillet 1346, une première
chevauchée l’amène aux portes de Paris, puis il se replie
vers le Ponthieu sans attaquer. Philippe VI hésite à le poursuivre, mais les nobles veulent en découdre. La bataille
s’engage à Crécy, le 26 août 1346. C’est un massacre ;
resté presque seul, Philippe fuit. Les trêves conclues entre
Philippe et Édouard sont prolongées jusqu’en 1355. En
octobre 1355, l’héritier du royaume d’Angleterre,
Édouard de Galles, dit « le Prince Noir », commande une
chevauchée en Languedoc. Toutes les chevauchées sont
l’occasion de razzias, ce qui explique qu’elles ne reviennent pas par le même chemin pour accroître les opportunités de butin (question 7). L’année suivante, il fonce vers
Tours.
2. Faire observer le document 3 p. 67 et faire répondre
aux questions 5 et 6. Le nouveau roi de France, Jean II le
Bon (1350-1364), lui coupe la retraite dans les plaines de
Mauperthuis, près de Poitiers, le 19 septembre 1356.
Anglais et Français sont reconnaissables à leurs armoiries,
les léopards pour les premiers, les fleurs de lys pour les
seconds. Comme à Crécy, la supériorité anglaise vient de
l’arc gallois, trois fois plus rapide que l’arbalète, et de la
coutille, un long couteau emmanché d’un bâton. De plus,
les nobles français attaquent en désordre et beaucoup
fuient. Jean le Bon est fait prisonnier et il est enfermé à
Londres. Le pays prend le deuil. Sa libération n’est possible
que contre une forte rançon. Dans un premier temps, elle
s’élève à quatre millions d’écus d’or et Jean doit céder en
toute souveraineté, donc sans réclamer d’hommage, la
Guyenne et le Ponthieu. Puis, Édouard III réclame la totalité de l’héritage des Plantagenêts, ce qui revient à détacher toute la façade atlantique du royaume. Le dauphin
Charles, devenu régent en l’absence de son père, refuse et
la guerre reprend.
3. Faire observer le document 1 p. 66 et faire répondre
aux questions 1 et 2. Édouard semble sortir vainqueur
(question 2) : lors des discussions de Brétigny confirmées
par la paix de Calais (1360), le roi d’Angleterre renonce à
la Couronne de France, abaisse le montant de la rançon,
mais il obtient environ un tiers du royaume : une Guyenne
agrandie du Poitou, du Quercy et du Rouergue, auxquels
s’ajoutent Calais et le Ponthieu (question 1).
Faire observer aux élèves le document 2 p. 66 et faire
répondre aux questions 3 et 4. Lorsque Charles IV meurt
en février 1328, sa troisième épouse, Jeanne d’Évreux, est
enceinte. Comme en 1316-1317, la question se pose de
savoir qui va régner, mais cette fois, le roi défunt n’a plus
de frère. Il n’a qu’une sœur, la reine Isabelle, veuve
d’Édouard II d’Angleterre. Si en tant que femme elle est
écartée de la couronne, ne peut-elle pas transmettre ses
droits à son fils Édouard III, qui est le plus proche héritier
mâle (question 3) ?
Une réunion de grands laïcs et ecclésiastiques déclare que
« femme ni par conséquent son fils ne peut par coutume
succéder au royaume de France ». Leur choix se porte sur
Philippe de Valois, le fils de Charles de Valois, frère de
Philippe IV le Bel, qui devient régent. Le 1er avril, Jeanne
accouche d’une fille et les grands élisent Philippe de
Valois comme roi. Quels sont les atouts de Philippe VI
(1328-1350) ? Sa proche parenté avec les Capétiens
directs puisqu’il est le neveu de Philippe le Bel et l’indépendance du royaume puisque, comme l’écrit un chroniqueur, « il n’avait jamais été vu que le royaume de France
eut été soumis au roi d’Angleterre ni à son gouvernement » (question 4). La crise de 1328 montre une image
renouvelée de la monarchie française. Un nouveau système successoral s’est imposé : les femmes n’héritent pas,
elles ne transmettent pas l’héritage ; seul l’aîné des mâles
du lignage, à condition qu’il soit français, règne. Édouard
III accepte mal la succession. Il met un an avant de prêter
un hommage « de bouche et de parole seulement, sans
mettre les mains entre les mains du roi de France ». De
plus, Philippe doit contenter Jeanne, la fille de Louis X, qui
aurait pu aussi prétendre à la Couronne, en lui donnant la
Navarre.
Édouard rompt son hommage en 1337 et réclame le titre
de « roi de France ». En décidant l’embargo sur les laines
anglaises indispensables aux métiers flamands du drap, il
pousse à la révolte que dirige à Gand un riche marchand,
Jacques Van Artevelde, tandis que Philippe soutient son
représentant local, le comte Louis de Nevers. Édouard
intrigue aussi dans la succession bretonne en favorisant
Jean, comte de Montfort, tandis que Philippe pousse
Charles de Blois, son neveu qui a épousé Jeanne de
Penthièvre, nièce du duc défunt. La façade atlantique de la
France devient un enjeu entre les deux rois.
➤ Activité 3 : document 5 p. 67
➤ Activité 2 : documents 3 et 4 p. 67
Les premières victoires sont anglaises.
Après la mort de Jean II le Bon, le nouveau roi de France,
Charles V (1364-1380), devient le roi de la reconquête.
Dans la confrontation à venir, le rapport de force semble
favorable à Philippe, qui utilise 50 000 combattants, surtout des nobles, recrutés au moyen du ban et de l’arrièreban. Édouard mobilise 30 000 hommes, des professionnels recrutés par contrats et salariés, parfaitement adaptés
à la guerre offensive : celle des chevauchées du Prince
Noir, par exemple.
1. Faire observer le document 4 p. 67 et faire répondre à
la question 7. La flotte française commence par subir un
cuisant revers devant l’Écluse, l’avant-port de Bruges, le
24 juin 1340. Des trêves suivent mais les conflits en
Faire observer le document 5 p. 67 et faire répondre aux
questions 8 et 9. Le 2 octobre 1370, Bertrand du Guesclin
reçoit l’épée de connétable des mains de Charles V. Ce
nobliau breton, comme tous les routiers, aime la guerre,
l’argent et l’aventure. C’est un routier qui est resté fidèle
à la cause de Charles V (question 8) :
1. Il sert déjà son père depuis 1354 ; pour lui, il prend
Mantes et Meulan tenus par Charles de Navarre. Charles
de Navarre, ou le Mauvais2, est le petit-fils du roi Louis X
le Hutin ; il a hérité de sa mère Jeanne le petit royaume de
Navarre. Il répète qu’il est issu « de la droite lignée royale
2. Appelé « le Mauvais » par le chroniqueur navarrais Davalos de La Pisuna au XVIe siècle.
57
Caffa en Crimée et un navire répand le fléau à Messine, à
Gênes et à Marseille dès novembre 1347. Arles, Aix, Avignon
sont touchés avant la fin de l’année. On connaît les trois
axes de progression de la pandémie à partir du bas Rhône :
à l’ouest, vers le Languedoc, Perpignan et l’Espagne, puis
Toulouse et la vallée de la Garonne ; Bordeaux est frappé
en juillet 1348 et de là, par la voie océanique, la maladie
gagne la Normandie et l’Angleterre ; à l’est, la Provence ;
au nord, par le couloir rhodanien, Lyon, Chalon, Paris
(août 1348) sont contaminés, puis la Flandre.
de France ». Mais son destin est scellé : qu’il reste fidèle
au roi de France ou qu’il s’allie au roi d’Angleterre, il doit
abandonner ses prétentions à la Couronne et ne peut espérer qu’étendre ses fiefs dans l’Ouest du royaume où il possède déjà le comté d’Évreux. Au printemps 1364, la
période d’interrègne de six semaines qui sépare la mort de
Jean le Bon en Angleterre du sacre de son fils aîné,
Charles, est déterminante. Charles de Navarre, mécontent
que le duché de Bourgogne ait été attribué au fils puîné de
Jean, Philippe le Hardi, attaque les châteaux royaux en
Normandie. Le 16 mai, l’armée franco-bretonne que commande Du Guesclin pour le dauphin Charles est victorieuse de Jean de Grailly, redoutable mercenaire gascon
qui défend les intérêts du roi de Navarre. Prévenu par un
messager, le dauphin se précipite à Reims où il est sacré
trois jours plus tard.
2. En 1368, le comte d’Armagnac, vassal du Prince Noir,
refuse de lever l’impôt qu’exige son seigneur. Il fait appel
à Édouard III, qui est son suzerain, mais aussi à Charles V,
qu’il considère encore comme son roi, la Guyenne continuant à faire partie de la France, même si Édouard ne
prête plus hommage à Charles (question 9). Charles
somme le Prince Noir de comparaître à Paris devant ses
pairs. Le 3 juin 1369, Édouard reprend le titre de roi de
France, tandis que Charles confisque la Guyenne. Mais,
depuis le désastre de Poitiers, le recrutement des armées a
changé. À l’exemple de l’Angleterre, Charles V recrute des
capitaines qu’il solde et qui sont eux-mêmes chargés de
constituer leur compagnie de routiers par contrat. Les
exploits chevaleresques en terrain découvert sont devenus
anachroniques. Les villes sont mises en défense. Du
Guesclin est le chef de cette guerre nouvelle. Les victoires
s’enchaînent, et, en 1374, Édouard III ne possède plus que
Calais, Bordeaux et Bayonne. Du Guesclin est l’un des
rares serviteurs de la royauté à être inhumé en 1380 dans
la nécropole de Saint-Denis.
Faire confronter les documents 1 et 2 p. 68 et faire répondre
aux questions 1 et 2. Les contemporains – le chroniqueur
Jean de Venette, par exemple – savent décrire les signes
cliniques de la maladie. Deux formes de contagion sont
bien distinguées en fonction du mode de pénétration du
bacille. La pénétration cutanée provoque une forte température, puis la formation de ganglions, ou bubons, durs et
douloureux, à l’aine, à l’aisselle ou au cou, et ensuite des
maux intestinaux et nerveux entraînant le décès dans 80 %
des cas (question 1). La pénétration pulmonaire – non
évoquée dans cet extrait – est due à l’infection des
muqueuses par les gouttelettes rejetées lorsqu’on parle ou
que l’on tousse ; les symptômes de la peste pulmonaire
sont, le bubon excepté, proches de ceux de la peste bubonique. Mais la mortalité est de 100 %. La période d’incubation est courte et la mort survient dans les huit jours. La
saisonnalité de l’épidémie est marquée : la peste bubonique est virulente l’été et en sommeil l’hiver ; c’est tout
le contraire pour la peste pulmonaire.
Froissart3 écrit qu’un tiers de la population a disparu en
France et cette estimation est confirmée par des monographies paroissiales faites sur les villes de Paris, Périgueux,
Lyon, jusque dans les montagnes pyrénéennes. Le registre
bourguignon de Givry est plus précis encore puisqu’il a
enregistré les mariages et décès survenus entre 1338 et
1350 : les décès, en temps normal au nombre d’une vingtaine par an, sont de 649 en 1348 ! Il y avait une vingtaine
de mariages par an avant la Grande Peste, il n’y en a aucun
en 1348. La peste dérange le renouvellement normal des
générations, et, comme le dit Jean de Venette en paraphrasant les Écritures, « il y eut une telle mortalité de gens de
l’un et l’autre sexe, plutôt les jeunes que les vieux, qu’on
pouvait à peine les ensevelir » (question 2). La seule solution serait de fuir ou de s’enfermer. Au contraire, les processions se multiplient pour lutter contre ce qui est considéré comme un châtiment divin pour punir les hommes de
leurs péchés. Dans une société où les solidarités sont fortes devant la mort, les enluminures montrent à la fois les
victimes qui sont enterrées pêle-mêle, leurs proches, les
fossoyeurs et les ordres religieux qui sont contaminés.
Pour rétablir l’ordre du monde, des responsables sont désignés : les juifs et les lépreux ou même des vagabonds
(accusés d’avoir empoisonné les puits) sont persécutés.
Surtout, la Grande Peste est suivie d’un grand nombre de
rechutes et l’épidémie ne disparaît de France qu’en 1720 !
Aucune reprise démographique durable n’est possible en
Europe avant la fin du XVe siècle.
Sur les traces de la France
au temps de la guerre de Cent Ans
L’exploitation pédagogique
des documents en classe
➤ Activité 1 : documents 1 et 2 p. 68
La Grande Peste est la première et brutale manifestation
des « malheurs des temps ».
La peste est une maladie infectieuse très contagieuse provoquée par le bacille Yersinia pestis. La puce Xenopsylla
cheopis est l’hôte de ce bacille. Une simple piqûre de puce
peut infecter un rat noir. Le rat n’est pas un vecteur rapide ;
mais s’il est transporté, dans une cargaison de blé par
exemple, il répand l’infection très loin de son terrier. C’est
ce qui se passe en 1348. La Grande Peste ou « peste noire »,
se diffuse rapidement en Europe. Depuis l’Asie centrale –
les forêts du lac Baïkal – elle atteint le comptoir génois de
3. Jean Froissart, Chroniques, éd. S. Luce, G. Raynaud, L. Mirot, SHF, 14 vol., 1864-1967.
58
➤ Activité 2 : document 3 p. 68
d’écorcheurs. Le noble, protecteur et garant de l’ordre,
devient agent du désordre. La Chronique des quatre premiers Valois décrit bien l’effet dissolvant de la violence
quotidienne sur la société : « Car moult de gens en furent
mis à mort, mainte pucelle corrompue, mainte prude
femme violée, mainte bonne personne destruite et gastée,
mainte eglise, mainte ville et mainte maison arse [brûlée]
et brisée et maint enfant en devindrent orphelins et povres
mendians. »
2. Faire observer le document 5 p. 69 et faire répondre
aux questions 8 et 9. Les nobles du Bassin parisien font
appel à Charles de Navarre. Pourquoi ce prince du sang ?
Charles a recruté une importante clientèle dans la noblesse
normande et picarde. Le « parti navarrais » est le premier
de ces partis aristocratiques qui sont un élément essentiel
de la société politique des XIVe et XVe siècles. Le 10 juin, à
Meaux, Charles s’empare de Guillaume Cale, le chef de la
révolte, et massacre l’armée des Jacques (question 9). La
Contre-Jacquerie des nobles est marquée par autant
d’horreurs que la révolte paysanne.
La Grande Peste marque à peine la vie militaire du temps.
Édouard III rompt son hommage en 1337 et prend le titre
de roi de France en 1340 à Gand. La guerre ne commence
vraiment qu’à l’été 1345 et l’on sait comment la nombreuse mais hétéroclite armée de Philippe VI est décimée
à Crécy (1346). Faire observer le document 3 p. 68 et
faire répondre aux questions 3 et 4. Le roi d’Angleterre
met alors le siège devant la ville de Calais qui capitule le
4 août 1347. La corde au cou, à genoux, les bourgeois de
Calais remettent les clés de leur cité à Édouard.
Les légats du pape imposent une trêve le 28 octobre 1347.
La Grande Peste a pour conséquence de la prolonger, mais
cela n’empêche pas quelques accrocs.
➤ Activité 3 : documents 4 et 5 p. 69
Les défaites discréditent la noblesse.
Avant la prise de Calais, il y eut Crécy ; après il y aura
Poitiers. Déjà critiquée en 1346, la noblesse française
l’est encore plus en 1356. Les états généraux4 réunis en
1347, 1355 et 1356-1357 vilipendent la politique royale.
C’est qu’à dix ans de distance, les mêmes difficultés
reviennent : une armée inefficace et des ressources financières insuffisantes.
1. Faire lire le document 4 p. 69 et faire répondre aux
questions 5, 6 et 7. L’armée de Crécy et de Poitiers est
nobiliaire : la noblesse supporte donc seule la responsabilité de la défaite. La noblesse « a perdu honneur et prix »,
dit la Complainte rimée de la bataille de Poitiers. Le dauphin Charles ordonne de mettre en défense le royaume. Le
plat pays est sacrifié. Tous les comptes urbains détaillent
le relèvement des murailles des villes et des châteaux. À
Paris, à Toulouse, à Poitiers, on cure les fossés, on détruit
maisons et églises accrochées aux remparts. Partout les
paysans sont réquisitionnés, tandis que des compagnies
de routiers sillonnent le plat pays pour tenir garnison. Le
28 mai 1358, une bagarre oppose une de ces compagnies
aux paroissiens de Saint-Leu-d’Esserent et neuf hommes
d’armes sont tués. C’est le signal de la Jacquerie5, qui se
répand comme une traînée de poudre en Beauvaisis, en
Picardie, dans le Vexin, jusqu’en Normandie, et même en
Auxerrois (question 6). Les chroniqueurs laissent des
récits tourmentés de châteaux abattus, de chevaliers massacrés, de femmes violées et d’enfants rôtis à la broche
(question 5). Partout « ils dirent que les nobles chevaliers
couvraient de honte le royaume, et que ce serait bien fait
de les détruire tous » (question 7). Révolte de la misère ?
Non. La Jacquerie touche les plaines riches du Bassin
parisien, où les « laboureurs » – ces paysans aisés qui
obtiennent ensuite du roi des lettres de rémission – sont
victimes, comme leurs châtelains, de la dépression des
prix agricoles. Haine de la noblesse ? Oui. Les chroniques
relèvent la « commocion des non-nobles contre les nobles »6.
Le château, qui était abri, est devenu repaire de routiers et
➤ Activité 4 : document 6 p. 69
Le jour où le royaume de France a failli disparaître.
Le 5 août 1392, Charles VI (1380-1422) est victime de sa
première crise de folie. Des rechutes suivent qui durent de
quelques jours à quelques mois. Pris de fureur, le roi ne
sait plus qui il est et il hurle. Puis il demeure prostré, refusant de manger et de se laver. Cette maladie mentale n’empêche pas le roi de rester robuste, de continuer à monter à
cheval et à chasser. Charles VI règne encore pendant trente
ans. Pourtant, la maladie du roi permet aux princes du
sang de gouverner. Les oncles du roi disposent des apanages7
que Jean le Bon leur a donnés en Anjou, Berry et
Bourgogne, tandis que Charles VI gratifie son frère Louis
du duché d’Orléans. À l’image de ce qui se passe depuis
le Xe siècle8, les princes autonomisent l’administration de
leurs domaines. Mais, pour soutenir leur rang, ils ne peuvent se contenter de leurs seuls revenus, ils ont besoin des
finances royales. La situation entre les princes devient
intenable en 1405, après la mort du duc de Bourgogne,
Philippe le Hardi. Louis d’Orléans met la main sur le
Trésor et la reine Isabeau est obligée de fuir Paris avec le
dauphin, Louis de Guyenne. Jean sans Peur, nouveau duc
de Bourgogne et comte de Flandre, commandite l’assassinat de Louis d’Orléans, le 23 novembre 1407. En face, ses
adversaires se regroupent sous la férule de Bernard
d’Armagnac qui, en tant que beau-père du fils de Louis,
dirige la vengeance contre le duc de Bourgogne. Les
Armagnacs s’imposent à Paris mais ils sont vaincus par
les Anglais à Azincourt (1415). Au même moment, les
dauphins successifs meurent : Louis de Guyenne en 1415,
Jean de Touraine en 1417. Charles, le nouveau dauphin et
futur Charles VII, n’a que 13 ans. Jean sans Peur reprend
alors Paris et les Armagnacs sont massacrés. Charles ne se
réconcilie pas avec Jean sans Peur qu’il fait assassiner sur
4. Voir « Philippe le Bel », « L’héritage de Philippe le Bel », pp. 52-53.
5. Probablement du nom de Jacques Bonhomme utilisé par les nobles pour tourner en dérision la simplicité des paysans.
6. Chronique des quatre premiers Valois (1327-1393), éd. S. Luce, Paris, SHF, 1862.
7. Apanage : portion du domaine royal accordée aux cadets de la maison de France en échange de leur exclusion de la Couronne.
8. Voir « Pourquoi a-t-on construit des châteaux forts ? ».
59
le pont de Montereau, le 10 septembre 1419. La reine, qui
rallie le « parti bourguignon » que dirige désormais
Philippe le Bon, s’installe à Troyes, tandis que Charles
prend le titre de régent et se réfugie à Bourges9. Faire
observer aux élèves le document 6 p. 69 et faire répondre
à la question 10. Le duc de Bourgogne veut venger son
père et donc il rejette le dauphin. Mais, comme son père,
il voudrait tenir Paris, ce que le roi d’Angleterre, Henri V,
lui refuse. Sans enthousiasme, il conclut, le 2 décembre
1419, une alliance avec les Anglais, complétée par le
mariage du duc de Bedford, frère d’Henri V, avec Anne,
sœur de Philippe. L’année suivante, le traité de Troyes
(21 mai 1420) est conclu entre Charles VI et Henri V : le
crime de Montereau justifie l’exhérédation du dauphin
Charles ; Henri V – avec la tunique rouge frappée des léopards d’or – doit épouser Catherine de France – la jeune
femme dont il tient la main droite – fille de Charles VI –
avec la tunique jacinthe aux lys d’or (question 10).
Charles, en donnant la main de sa fille, adopte Henri
comme un fils et en fait son héritier. La traité de Troyes
fonde la « double monarchie » : Henri sera roi, mais les
deux royaumes gardent leurs coutumes, leurs langues et
leurs institutions.
et des familiers du roi donnent soudain une teinte aristocratique à tout l’est parisien. De cette architecture civile
encore féodale, il reste la porte à tourelles du connétable
de Clisson.
Une France qui a failli disparaître
Voir l’activité 4, document 6 p. 69. En 1420, les Anglais
occupent la Normandie, la région parisienne, Calais et la
Guyenne ; les Bourguignons tiennent, outre la Bourgogne
et la Flandre, la Champagne et la Picardie ; tous les pays
au sud de la Loire, l’Orléanais, l’Anjou et le Maine reconnaissent Charles. Rien n’est figé cependant dans les « trois
France » : le Mont-Saint-Michel résiste aux Anglais ; des
bandes delphinales conservent des places en Picardie et en
Champagne. Charles doit tenir militairement et ramener à
lui le duc de Bourgogne. Le projet n’a rien d’irréaliste car
les rapports des Bourguignons avec les Anglais sont exécrables. Et les Anglais savent que, sans l’alliance bourguignonne, ils ne pourront jamais dominer durablement leur
nouveau royaume. D’autant plus que les morts d’Henri V
et de Charles VI, en 1422, ouvrent une longue période de
régence en Angleterre comme en France. Dès qu’il
apprend la mort de son père, le dauphin se fait sacrer roi
de France sous le nom de Charles VII.
L’héritage de la guerre
de Cent Ans
Pour construire le résumé
Charles V le Sage et les transformations
de Paris / Le Louvre
Solliciter les élèves pour trouver les mots clés de la leçon.
Par exemple : guerre de Cent Ans, Philippe VI de Valois,
Édouard III, « malheurs des temps », Jean II le Bon,
Charles V. Mettre en relation chacun de ces mots avec des
repères figurant sur la chronologie p. 66. Mettre en commun les réponses et écrire ensemble le résumé de cette
séquence.
L’essor de Paris se poursuit au début du XIVe siècle. La rive
droite connaît une telle activité que, vers 1350, quatre cinquièmes des contribuables parisiens y sont domiciliés. Le
prévôt des marchands prend en 1356 l’initiative d’une
nouvelle enceinte, qui est poursuivie par Charles V (13641380), mais qui n’enferme que la rive droite (la ligne des
« Grands Boulevards ») dans un rempart flanqué de tours
carrées. La révolution parisienne de 1358 est la première
rupture grave entre le roi et la population. La conséquence
topographique de ce conflit est que, pendant trois siècles,
la ville va s’étendre vers l’est. Fuyant le palais de la Cité
ensanglanté par l’émeute, Charles V fixe sa résidence à
l’est (sur le chemin de Vincennes), au bourg Saint-Paul,
dans un vaste ensemble de galeries et de jardins conçus
pour les fêtes d’une cour brillante et lettrée. Ce choix de
l’hôtel Saint-Paul, puis de l’hôtel des Tournelles qui lui
succédera aux XVe et XVIe siècles comme résidence des
Valois, ainsi que la proximité des logements des conseillers
Bibliographie
– G. Duby, Histoire de France : le Moyen Âge (987-1460),
Larousse, 1988.
– J. Favier, La Guerre de Cent Ans, Fayard, 1980.
– A. Demurger, « Temps de crises, temps d’espoirs (XIVeXVe siècles) », Nouvelle Histoire de la France médiévale,
coll. « Points Histoire », Le Seuil, 1990.
9. Voir « L’héritage de la guerre de Cent Ans », « Une France qui a failli disparaître ».
60
Qui était Jeanne d’Arc ?
Pages 72 à 77 du dossier
Référence aux Instructions officielles
Jeanne d’Arc (1412-1431) qui, grâce à la richesse de la documentation constituée par les pièces de ses deux procès
(condamnation en 1431, réhabilitation en 1456), est l’un des personnages les mieux connus du XVe siècle reste pourtant mystérieuse. Les minutes des jugements ont bien consigné ses déclarations, mais elles sont écrites dans la langue
des juristes et des théologiens, alors que les paroles de Jeanne expriment une culture populaire. Ce contraste rend
Jeanne suspecte ou incompréhensible à ses contemporains (de Charles VII à l’évêque Pierre Cauchon). Le fossé culturel séparant Jeanne de son entourage politique, militaire et ecclésiastique a donc permis toutes les interprétations
historiographiques.
Compétences
• Appréhender le temps en situant les moments importants de la vie de Jeanne d’Arc.
• Confronter deux documents de nature différente.
• Mettre en perspective l’épopée johannique en la replaçant dans la société du XVe siècle et la chronologie de la guerre
de Cent Ans.
• Caractériser une période : la victoire française dans la guerre de Cent Ans.
Photofiche
Voir photofiche n° 11 p. 93.
Le contexte historique
Faire observer aux élèves le document 1 p. 72 et faire
répondre aux questions 1 et 2. Après le traité de Troyes
(1420) et la mort de Charles VI (1422)1, le royaume de
France est partagé entre un roi légal, l’Anglais Henri VI –
un enfant – qui, de Paris, tient la France du Nord et la
Guyenne (« Domination anglaise » en bleu sur la carte), et
doit beaucoup au soutien du duc de Bourgogne, et un roi
qui se dit légitime, le dauphin Charles, « roi de Bourges »
pour ses adversaires, qui tient tous les pays au sud de la
Loire (« Partie du royaume fidèle à Charles VII » en
orange sur la carte). Faire repérer Domrémy dans la vallée
de la Meuse, à la frontière entre ces deux domaines. C’est
un des rares bourgs, à proximité du duché de Bourgogne
et de l’Empire, qui, dépendant d’Henri VI, soit resté fidèle
à Charles (question 1). En 1425, les habitants désertent
une première fois Domrémy sous la pression bourguignonne et, en 1428, quand les Anglo-Bourguignons
mettent le siège devant Vaucouleurs, Jeanne, avec les
siens, se réfugie à Neufchâteau. C’est dans ce contexte
qu’elle commence à entendre des « voix » – celles de saint
Michel, de sainte Catherine et de sainte Marguerite – qui
lui commandent de « bouter [les Anglais] hors de toute
France », d’aller trouver le dauphin Charles à Chinon et de
le faire sacrer à Reims (question 2).
Jeanne est née en janvier 1412 dans un bourg lorrain,
Domrémy, châtellenie de Vaucouleurs, baillage de Chaumont.
Ses parents – Jacques d’Arc et Isabelle Romée – sont des
« laboureurs », c’est-à-dire des paysans aisés. Leur patronyme est écrit dans les documents d’époque Darc, Tarc,
Dare, Day, etc. Le nom de Jeanne d’Arc apparaît pour la
première fois dans un poème en 1576. De son enfance on
connaît ce qu’elle-même et quelques proches racontent aux
procès : sa dévotion, marquée par le prosélytisme des frères
mendiants (communion et confession fréquentes, pratique
des œuvres de miséricorde, culte spécial à certains saints
et surtout à la Vierge et au nom de Jésus qu’elle portera
sur sa bannière et qu’elle prononcera sur le bûcher) ; son
enthousiasme pour les fêtes et les jeux de son âge. Jeanne
reçoit l’éducation « orthodoxe » d’une chrétienne du peuple
qui ne sait ni lire ni écrire, et dont tout le bagage savant se
limite à la mémorisation du Pater, de l’Ave, du Credo et
aux souvenirs de prêches et de conversations répétés.
D’ailleurs, Domrémy est situé sur une route très fréquentée
par les marchands, les clercs, les pèlerins et les soldats,
c’est-à-dire le monde médiéval de la route, colporteur de
nouvelles et de rumeurs qui s’amalgament au fonds local.
La chronologie p. 72 permet de comprendre que la réussite fulgurante de Jeanne est liée à la guerre de Cent Ans.
Faire observer le document 2 p. 72 et faire répondre aux
questions 3 et 4. À la fin de la guerre de Cent Ans, le
modèle de « monarchie chrétienne nationale » porté par
Jeanne triomphe : les Anglais sont en Angleterre, bien
qu’ils conservent Calais ; les Français sont en France, et le
roi légitime, Charles VII, a été sacré à Reims (question 3).
Les frontières du royaume de France sont sur l’Escaut, la
Meuse, la Saône, et la ligne du Rhône est gagnée jusque
L’exploitation pédagogique
des documents en classe
➤ Activité 1 : documents 1 et 2 p. 72
L’irruption de Jeanne d’Arc en 1429 est le déclic nécessaire pour faire du dauphin Charles un roi victorieux.
1. Voir « La guerre de Cent Ans : pourquoi, comment ? », « Sur les traces de la France au temps de la guerre de Cent Ans », activité 4, document 6 p. 69.
61
siteur de France à Rouen. Le procès s’ouvre le 9 janvier
1431 devant une cour de théologiens et d’universitaires au
nombre de 231 (mais tous ne siègent pas en même temps).
Dans un moment de détresse, Jeanne abjure ses fautes le
24 mai. Elle se ressaisit très vite et, en signe de fidélité
envers Dieu et ses voix, elle reprend le 27 mai ses habits
d’homme. Jeanne est retombée dans ses erreurs : elle est
relapse. Un nouveau procès est expédié et, le 30 mai 1431,
Jeanne d’Arc est brûlée vive sur la place du VieuxMarché de Rouen.
dans le Dauphiné, mais elles laissent encore hors de portée des villes comme Metz et Avignon. Depuis le XVe siècle,
nos frontières ont progressé vers l’Est lorrain, franc-comtois et provençal (question 4).
➤ Activité 2 : documents 3 et 4 p. 73
Jeanne est une héroïne nationale.
Faire observer le document 3 p. 73 et faire répondre à la
question 5. Ce tableau n’est pas un document d’époque
puisqu’il date du XIXe siècle (question 5). Jeanne n’est pas
plus bergère que les autres filles de son village, qui, chacune à son tour, conduisent le troupeau commun. Par analogie, le mystère de Jeanne est contenu dans la figure de la
bergère : comment cette jeune fille – elle a dix-sept ans
lorsqu’elle approche le dauphin Charles pour la première
fois – est-elle passée de la direction de son troupeau au
commandement de l’armée royale ?
Sur les traces de Jeanne d’Arc
L’exploitation pédagogique
des documents en classe
Faire lire le document 4 p. 73 et faire répondre aux questions 6, 7 et 8. Quand Jeanne écrit aux Anglais, elle se présente comme « chef de la guerre » (question 6) et les
somme de vider rapidement le pays (question 7) ; quand
elle s’adresse au duc de Bourgogne, Philippe le Bon, elle
lui demande de se soumettre à Charles (question 8).
Jeanne entre à Orléans le 29 avril et participe aux combats
qui aboutissent à la levée du siège d’Orléans par les
Anglais, le 8 mai 1429. La nouvelle de ce succès se
répand très vite, dans la France anglaise comme dans le
royaume de Bourges. Le rayonnement de Jeanne devient
national. À Lyon, le vieux Jean Gerson, l’ancien chancelier de l’université de Paris, approuve la patriote fidèle à
son roi, et, du couvent de Poissy, Christine de Pisan
reprend la plume pour la célébrer à son tour. Les victoires
s’enchaînent : sur la Loire, Jargeau, Meung et Beaugency
sont repris ; les Anglais sont battus à Patay le 18 juin.
➤ Activité 1 : documents 1 et 2 p. 74
Jeanne d’Arc conduit une guerre de libération nationale.
Lorsqu’elle commence à entendre des « voix », Jeanne va
trouver, en mai 1428, le capitaine de Vaucouleurs, Robert
de Baudricourt, qui la traite de folle et la chasse. Le
12 février 1429, après que Vaucouleurs eut été assiégé et
Domrémy razzié, elle fait une nouvelle tentative auprès de
Baudricourt. Au terme d’une séance d’exorcisme d’où elle
sort victorieuse, le capitaine lui donne un équipement et
une escorte armée. La petite troupe arrive à Chinon, résidence du dauphin Charles, le 4 mars. Prévenu par
Baudricourt, Charles la reçoit le 6 mars.
Faire observer le document 1 p. 74 et faire répondre aux
questions 1, 2 et 3. Cette tapisserie – dite « de Nuremberg »
– est réalisée par des artisans allemands installés en
Suisse. Elle montre la notoriété de Jeanne peu de temps
après sa mort. La Pucelle est déjà devenue un mythe qui
déforme la réalité. En effet, à Chinon, le dauphin – sur la
gauche du document – n’est pas venu couronné à sa rencontre (question 1). Et tous les attributs dont est affublée
Jeanne lui sont donnés après cette journée : une bannière
blanche avec la devise « Jésus-Marie », une armure complète et une épée, trouvée, sur ses indications, en la chapelle de Sainte-Catherine-de-Fierbois près de Tours, un
écuyer, deux pages et un chapelain (question 2). On sait
aussi que des adeptes enthousiastes l’ont suivie depuis la
Lorraine. Jeanne parvient à reconnaître Charles dans la
grande salle du château et, dans un entretien privé, le
convainc de sa mission par un « signe » qu’elle refusera
toujours de révéler à ses juges (question 3). Charles la
soumet à l’interrogatoire des théologiens de l’université
de Poitiers. Elle leur fait quatre prédictions : les Anglais
lèveront le siège d’Orléans, Charles sera sacré à Reims,
Paris rentrera dans l’obéissance du roi et le duc d’Orléans
reviendra d’Angleterre où il est captif depuis la bataille
d’Azincourt. La cour du dauphin est divisée. Le chancelier
Regnaut de Chartres se méfie des prophètes, surtout
quand ils sont femmes. Jeanne reçoit le soutien du parti de
la guerre à outrance – le duc d’Alençon, Gilles de Rais, La
➤ Activité 3 : document 5 p. 75
Jeanne est une martyre.
Le 17 juillet 1429, Charles VII est sacré par Regnaut de
Chartres, qui officie pour la première fois dans sa cathédrale. Mais ses capitaines échouent devant Paris le 8 septembre. En concluant une trêve avec le duc de Bourgogne,
Charles signifie que, pour le moment, il renonce à cette
ville. Le 24 mai 1430, alors qu’elle défend la garnison
assiégée de Compiègne, Jeanne tombe aux mains de
Jean de Luxembourg, condottiere au service du duc de
Bourgogne. Jeanne rate son évasion du château de
Beaulieu-en-Vermandois, elle se précipite du haut d’une
tour, ce qui lui sera reproché à son procès comme une tentative de suicide. Le 26 mai, l’université de Paris réclame
qu’elle soit jugée comme hérétique par un tribunal
d’Inquisition. Les Anglais, qui veulent la condamnation de
Jeanne, l’achètent à Jean de Luxembourg et la remettent à
la justice de l’Église, tout en déclarant qu’ils la reprendraient si elle n’était pas déclarée hérétique. Un tribunal
d’Inquisition est constitué par Pierre Cauchon, évêque de
Beauvais, diocèse sur lequel Jeanne a été prise ; son diocèse étant aux mains des compagnies de Charles, le tribunal siégera à Rouen, où Cauchon s’est replié. Il s’adjoint
un religieux dominicain, Jean le Maître, vicaire de l’inqui-
62
liste de 1275 dans les grandes cérémonies comme le sacre.
En 1429, seul manque, parmi les pairs ecclésiastiques,
l’évêque de Beauvais, Pierre Cauchon. Pour les laïcs, on
« représente » les pairies manquantes : Alençon, le seul
pair présent, figure le duc de Bourgogne ; les comtes
de Clermont et de Vendôme représentent la Normandie et
la Guyenne ; Guy de Laval, Raoul de Gaucourt et
Hardouin de Maillé figurent les comtes de Toulouse, de
Flandre et de Champagne. Quatre jours plus tard, selon la
tradition imposée par Jean le Bon, le roi se rend à Corbeny
devant la châsse de saint Marcoul, pour y guérir des
écrouelles.
Hire, Xaintrailles – face aux tenants de la paix avec la
Bourgogne. Jeanne est finalement autorisée à participer
aux combats après que les matrones se soient assurées de
sa virginité et les théologiens de son orthodoxie.
Faire observer le document 2 p. 74 et faire répondre aux
questions 4 et 5. Cette miniature représente la levée du
siège d’Orléans et l’entrée des troupes de Charles, le
8 mai 1429. Pendant l’année qu’a durée le siège (14281429), les Anglais ont eu le temps d’isoler la ville par de
solides retranchements (question 4), comme le montrent
ces palissades derrière lesquelles ils se cachent (question 5). Jeanne commence à entrer dans Orléans à la nuit,
le 29 avril, et redonne espoir à la garnison et aux habitants.
Malgré une blessure à l’épaule, Jeanne exhorte les hommes
d’armes à prendre les palissades les unes après les autres.
L’armée royale de secours arrive le 4 mai. Une série de
victoires oblige les Anglais à lever le siège, le 8 mai.
➤ Activité 4 : documents 5 et 6 p. 75
Jeanne est jugée comme une hérétique.
Le procès de Jeanne est un procès d’« Inquisition en
matière de foi ». L’Inquisition – forme de répression de
l’hérésie établie par la constitution Excommunicamus de
Grégoire IX (1231) – compile toutes les mesures antérieures
qui sanctionnaient les hérétiques. La prison perpétuelle
devient la pénitence salutaire infligée à l’hérétique repentant. L’hérétique obstiné reçoit le châtiment qu’il mérite
avec l’abandon au juge séculier et la peine de mort par
le feu. Ceux qui sont en connivence avec l’hérésie sont
frappés d’excommunication.
➤ Activité 3 : documents 3 et 4 p. 75
Jeanne impose le sacre du dauphin Charles.
À la cour de Bourges, des conseillers pensent que le sacre
est inutile puisque la couronne se transmet uniquement en
ligne masculine par primogéniture. Et la couronne étant
indisponible2, le dauphin est roi par l’intermédiaire du
sang royal dont il a hérité.
1. Faire observer le document 5 p. 75 et faire répondre à
la question 8. Jeanne se présente seule devant ses deux
juges (question 8), Pierre Cauchon et Jean le Maître, qui
lui reprochent surtout le port de vêtements d’homme, qui
tombe sous le coup d’une interdiction canonique, sa tentative de suicide, ses visions considérées comme une imposture et un signe de sorcellerie. Les deux juges respectent
scrupuleusement la procédure inquisitoriale, voulant ainsi
éviter tous les cas d’annulation possibles.
2. Faire lire le document 6 p. 75 et faire répondre aux
questions 9 et 10. Jeanne doit jurer de dire la vérité sur
son propre compte et sur celui des autres. Elle est interrogée du 20 février au 15 mars. Le document est un extrait
du procès-verbal. Jeanne y répète les propos de sa correspondance au roi d’Angleterre (document 4 p. 73),
lorsqu’elle écrivait vouloir « bouter [les Anglais] hors de
toute France » (question 10). Elle précise qu’elle n’a
« jamais tué personne », portant elle-même l’étendard
pour éviter d’avoir à utiliser son épée. Des déclarations de
Jeanne, les juges tirent douze articles soumis à
l’université de Paris qui, le 23 mai, valide les conclusions
des facultés de théologie et de droit. Les théologiens et les
canonistes s’accordent pour déclarer Jeanne menteuse,
idolâtre, schismatique et apostate. La pression de
l’Inquisition ne se relâche pas et le lendemain, dans le
cimetière de Saint-Ouen où la sentence doit être rendue,
Jeanne cède et abjure ses fautes. Son abjuration porte un
rude coup à la légitimité de Charles VII. Elle est condamnée à la prison perpétuelle. Les Anglais sont furieux. Mais
Jeanne révoque son abjuration et, selon la formule consacrée, elle est livrée au bras séculier pour être brûlée le
30 mai sur la place du Vieux-Marché.
1. Faire lire le document 3 p. 75 et faire répondre à la
question 6. Jeanne estime que la filiation est une condition nécessaire mais non suffisante pour faire le roi. Sa
culture est celle du peuple et le peuple veut un sacre et un
couronnement pour faire le « vrai roi » (question 6). Elle
l’emporte. L’équipée vers Reims prend vite une allure
triomphale. Charles néglige Auxerre qui refuse de le recevoir ; menacée d’un siège, Troyes capitule ; Reims, enfin,
ouvre ses portes.
2. Faire observer le document 4 p. 75 et faire répondre à
la question 7. À Reims, le 17 juillet 1429, il faut improviser. On n’a pas de copie de l’ordo de Charles V qui
réglait les détails de la cérémonie. Les insignes du sacre et
la couronne sont à Saint-Denis, qui est aux mains des
Anglais. Plus compliqué encore : après l’onction donnée
par l’archevêque de Reims (question 4) et le couronnement, les douze pairs du royaume tendent les mains vers la
couronne pour signifier l’adhésion du royaume à son nouveau chef. Mais il manque beaucoup de pairs qu’il faut
remplacer au pied levé. La liste en a été dressée en 1275.
Six pairs ecclésiastiques : l’archevêque de Reims, les
évêques de Langres et de Laon, qui ont rang de duc, et les
évêques de Châlons, Noyon et Beauvais, qui ont rang de
comte. Six pairs laïcs : les ducs de Normandie, Guyenne
et Bourgogne ; les comtes de Flandre, Toulouse et
Champagne. La liste des pairs ecclésiastiques est pérenne.
Celle des laïcs en revanche est modifiée puisque Toulouse
et Champagne ont été rattachées au domaine royal. Sans
plus se soucier du chiffre six, les rois du XIVe siècle créent
de nouveaux pairs, qu’ils choisissent parmi leur parentèle :
Bourbon, Anjou, Alençon. Mais ils continuent d’utiliser la
2. Voir « L’héritage de Charlemagne et des Carolingiens », « La loi salique ». Cette règle est admise depuis 1419. Un roi de France ne peut choisir son successeur et il ne peut abdiquer. De même, un prince du sang n’a pas la faculté de renoncer à son droit de succéder.
63
Pour aller plus loin
Charles ne peut devoir son trône à une hérétique. Il lui faut
obtenir l’annulation du jugement condamnant Jeanne.
Comment y parvenir ? Il faut contester la régularité du
procès et donc reprendre le contrôle des institutions
ecclésiastiques qui avaient condamné la Pucelle, c’est-àdire l’université de Paris et l’archevêché de Rouen. En
1437, Charles VII entre à Paris. Puis, le 10 novembre
1449, il est à Rouen et il diligente une enquête sur la
façon dont s’était déroulé le procès de Jeanne. Sans grand
succès. En 1452, pour plaire à la Cour, le cardinal (normand) d’Estouteville fait rouvrir l’enquête sans plus de
résultat. En 1455, à la demande de la mère et du frère de
Jeanne, débute un nouveau procès d’Inquisition, où le
nouveau grand inquisiteur de France, le dominicain Jean
Bréhal, milite pour réhabiliter la mémoire de Jeanne. Le
7 juillet 1456, dans le palais archiépiscopal de Rouen, les
légats pontificaux, sous la présidence de Jean Juvénal des
Ursins, archevêque de Reims, déclarent le procès d’Inquisition et la condamnation de Jeanne « comme entachés
de vol, de calomnie, d’iniquité, de contradiction, d’erreur
manifeste en fait et en droit y compris l’abjuration,
les exécutions et toutes leurs conséquences » et, par suite,
« nuls, invalides, sans valeur et sans autorité ». Jeanne
« n’a encouru […] aucune marque d’infamie ni macule
[…] qu’elle doit être déchargée et disculpée ». La
décision est publiée dans toutes les grandes villes de
France.
L’héritage de Jeanne d’Arc
La maison natale de Jeanne d’Arc
à Domrémy / Jeanne d’Arc au cinéma
La maison natale de Jeanne d’Arc, sur les bords de la
Meuse, dans le village de Domrémy, est devenue la propriété du département des Vosges en 1818 et classée
monument historique en 1840. Conservée et restaurée,
elle est ouverte au public. Bien que son père fût un paysan
aisé, la maison de Jeanne est modeste : quatre pièces basses
surmontées d’un grenier. Au-dessus de la porte d’entrée
une statue scellée dans le mur a été découverte : elle représente Jeanne à genoux, tête nue et couverte de son armure.
Juste à côté de la maison, le centre johannique où l’on
peut découvrir une exposition consacrée à la jeunesse,
à l’action et à la mythologie de Jeanne. Le diaporama
et la scénographie de la grande galerie d’exposition, du
déambulatoire et de la salle de projection contextualisent
l’épopée johannique.
➤ Activités possibles
• Maison natale de Jeanne d’Arc : 2, rue de la Basilique,
88630 Domrémy-la-Pucelle, tél. 03 29 06 95 86, http://
www.vosges.fr.
• Le site du musée Jeanne-d’Arc de Rouen (33, place du
Vieux-Marché, 76000 Rouen, tél. 02 35 88 02 70, http://
www.jeanne-darc.com) propose un historique de la guerre
de Cent Ans, un questionnaire pédagogique, une photothèque et une filmographie en ligne.
La réhabilitation de Jeanne d’Arc /
L’image de Jeanne au XIX e siècle
L’historiographie humaniste de la Renaissance minimise
l’héroïsme de Jeanne au profit de l’État royal qui, par la
seule volonté de Dieu, a sauvé la France3. Le XVIIe siècle
est aussi une époque de relégation pour Jeanne, dont
l’épopée surnaturelle et « hallucinée » choque l’esprit
rationaliste. Cette veine rationaliste la maltraite encore au
Siècle des Lumières. Jeanne est une des cibles de Voltaire,
qui la ridiculise dans l’épopée héroï-comique de La
Pucelle (composée en 1738, éditée en 1762). Beaumarchais,
dans Les Lettres sérieuses et badines (1740), ne voit en
Jeanne qu’une idiote superstitieuse manipulée par des
ecclésiastiques fripons, et Montesquieu la réduit à une
« pieuse fourberie ». Pourtant, dans le même temps, une
abondante littérature catholique d’édification chante ses
louanges, le nombre des images la représentant en guerrière atteste sa popularité. La Restauration (1814-1830), la
monarchie de Juillet (1830-1848) et le Second Empire
(1852-1870) voient la légende de Jeanne s’épanouir avec
le patriotisme moderne. Trois personnes font beaucoup
pour la connaissance, la notoriété et le mythe de Jeanne.
Michelet dans l’Histoire de France (1841), puis dans une
Jeanne d’Arc postérieure en dresse un portrait mémorable.
L’érudit Jules Quicherat donne des procès et des documents annexes une remarquable édition (1841-1849).
Monseigneur Dupanloup, évêque d’Orléans depuis 1849,
prépare l’opinion catholique à la canonisation de Jeanne.
Après la guerre de 1870, Jeanne devient symbole de l’espoir de la recouvrance de la Lorraine et de la revanche sur
l’impérialisme allemand. Ses images – statues, lithographies, gravures – pullulent. Monarchistes et républicains,
catholiques et laïcs favorisent le culte de Jeanne. La
papauté proclame l’héroïne nationale bienheureuse en
1909, puis sainte et patronne de la France en 1920.
La naissance du patriotisme
La généalogie du sentiment national est l’un des thèmes
favoris de l’historiographie française du XIXe et de la première moitié du XXe siècle. Et c’est Jeanne d’Arc, patriote
et sainte, qui devient la figure emblématique du sentiment
national né des « malheurs des temps », des combats et des
victoires de la guerre de Cent Ans. Dans un souci de
réévaluation, l’historiographie récente indique que, dès le
XIVe siècle, le sentiment national a pénétré en profondeur
la société française, sous l’influence de l’État royal et de
la guerre de Cent Ans. La crise de succession de 13284,
la captivité du roi Jean II le Bon et la reconquête de
Charles V sont les épisodes décisifs de la « naissance de la
nation France »5. Avant Jeanne, on invoquait déjà l’amour
3. Voir « La guerre de Cent Ans : pourquoi et comment ? », « L’héritage de la guerre de Cent Ans », « Une France qui a failli disparaître ».
4. Voir « La guerre de Cent Ans : pourquoi et comment ?», activité 1 : document 2 p. 66.
5. C. Beaune, Naissance de la nation France, Gallimard, 1985.
64
la chronologie p. 72. Mettre en commun les réponses et
écrire ensemble le résumé de cette séquence.
et la défense de la patrie. Jeanne n’a donc pas créé le sentiment national. Son engagement à 17 ans manifeste au
contraire qu’il existait déjà, surtout dans les espaces frontaliers. Bien sûr, il s’est considérablement renforcé dans
les dernières années de la guerre, qui devient une guerre
de libération nationale. D’ailleurs, la royauté fait du 12 août
– prise de Cherbourg, dernière place tenue par les Anglais
en Normandie – une fête nationale.
Bibliographie
– Jeanne d’Arc : une époque, un rayonnement, colloque
d’histoire médiévale (Orléans, 1979), éd. du CNRS,
1982.
– R. Pernoud et M. V. Clin, Jeanne d’Arc, Fayard, 1986.
– G. et A. Duby, Le Procès de Jeanne d’Arc, Julliard, coll.
« Archives », 1973.
– A. Demurger, « Temps de crises, temps d’espoirs (XIVeXVe siècles) », Nouvelle Histoire de la France médiévale,
coll. « Points Histoire », Le Seuil, 1990.
– J. Favier, La Guerre de Cent Ans, Fayard, 1980.
Pour construire le résumé
Solliciter les élèves pour trouver les mots clés de la leçon.
Par exemple : Jeanne d’Arc, guerre de Cent Ans,
Charles VII, Orléans, sacre, unité nationale. Mettre en
relation chacun de ces mots avec des repères figurant sur
65
Qui était Louis XI ?
Pages 78 à 83 du dossier
Référence aux Instructions officielles
Louis XI (1461-1483) a été malmené par ses contemporains et par l’historiographie. Les fidèles de son père, Charles
VII, et ceux de son grand adversaire le duc de Bourgogne, Charles le Téméraire, le dépeignent comme un tyran.
Moins d’une génération après sa mort, les chroniqueurs racontent que, durant sa longue maladie, Louis s’abreuvait
du sang de nouveau-nés, qu’il était l’assassin de son frère et qu’il se délectait à entendre les cris de ses victimes suppliciées. Les machinations perpétuelles de cette « universelle aragne », l’accoutrement modeste d’un roi qui, entiché
de ses « compères », hante les tavernes, la dévotion superstitieuse d’un monarque couvert de médailles font de Louis XI
un despote pathétique. L’Histoire de France de Michelet (1841) est un tournant dans l’historiographie du roi. Certes,
Louis reste un tyran « sans être pire que la plupart des rois de cette triste époque », mais il est l’ennemi d’un mal plus
grand que la tyrannie : la féodalité. Déjà perce la modernité de Louis XI : le roi a le sens de l’État. Il serait un
maillon essentiel de la chaîne historique qui a fait la France moderne.
Compétences
• Appréhender le temps en situant les moments importants du règne de Louis XI.
• Confronter deux documents de nature différente.
• Caractériser une période : Louis XI est le roi d’un moment, celui de la renaissance du royaume parmi les décombres
de la guerre de Cent Ans et de la Grande Peste.
Photofiches
Voir photofiche n° 12 p. 95.
Le contexte historique
le lendemain : la petite Marguerite, alors âgée de onze ans,
fille du roi d’Écosse, soutien de son père contre les
Anglais. Durant l’automne 1436, Louis accompagne son
père dans les provinces méridionales pour y collecter de
l’argent. Il chevauche à travers des campagnes dévastées
par les grandes compagnies auxquelles les paysans donnent le nom d’« écorcheurs ». Il a alors l’occasion d’entendre plus d’un bourgeois se plaindre des exactions commises par les officiers royaux et des dégâts causés par les
querelles des nobles. À quatorze ans, Louis dirige seul un
assaut contre Château-Landon et s’empare rapidement de
la ville. À quinze ans, le dauphin devient lieutenant général pour le Languedoc. De ses expériences de jeunesse, il
garde le souvenir concret des distances, des résistances
féodales à la centralisation du royaume dont il n’a connu
la capitale, à peine récupérée sur les Anglais, que lors d’un
bref séjour en 1438.
Fils de Charles VII et de Marie d’Anjou, Louis XI vient au
monde le 3 juillet 1423 à un moment difficile pour cet
héritier royal : la fortune des Valois est au plus bas. Contraint
de céder sa fille au roi d’Angleterre, Charles VI, son
grand-père, était devenu fou. Si certains reconnaissaient
en son père le roi de France, par dérision ses nombreux
ennemis appelaient Charles VII le « petit roi de Bourges » ;
sa mère elle-même avait déclaré qu’il était bâtard. Deux
heures après la naissance de Louis, Charles VII s’oblige à
dicter un faire-part grâce auquel les rares villes, seigneurs
et puissances étrangères qu’elle pouvait intéresser sont
informés de cette heureuse nouvelle. Louis reçoit, comme
tous les enfants nobles de l’époque, une double éducation
fort sérieuse : intellectuelle avec Jean Majoris, licencié ès
lettres, chanoine de Rouen1 ; sportive et militaire avec
Guillaume d’Avaugour, bailli de Touraine. Durant les dix
années qu’il passe dans la forteresse tourangelle de
Loches, loin des cours et des princes, Louis apprend à se
sentir à l’aise au milieu des gens simples. Il s’habitue à
user d’un langage familier, à porter des vêtements peu
coûteux, à apprécier une nourriture ordinaire et à se
contenter de logis sans prétention. Le 24 juin 1436, au
milieu d’une foule de courtisans réunis dans la grande
salle du château de Tours sous la présidence de sa mère,
Louis rencontre pour la première fois celle qu’il doit épouser
La chronologie p. 78 permet de montrer aux élèves que
l’histoire de Louis XI est l’histoire d’un homme autoritaire qui sait imposer aux autres ses décisions. Dauphin, il
se rebelle contre son père ; roi, il ravale les princes
orgueilleux de son royaume au rang de loyaux sujets. En
1440, suivant une coutume médiévale illustrée par de
nombreux fils héritiers2, Louis – il a dix-sept ans – rejoint
la révolte des grands seigneurs, ou Praguerie, contre
Charles VII et le parti « angevin3 » tout-puissant à la Cour.
1. Le célèbre humaniste et théologien Jean Gerson, chancelier de l’université de Paris, établit lui-même un programme d’études qu’il adresse au précepteur
aussi bien qu’au dauphin.
2. Par exemple, les fils d’Henri II d’Angleterre, révoltés contre leur père au XIIe siècle, et Charles de Bourgogne dit « le Téméraire » contre son père Philippe
le Bon au XVe siècle.
3. Par référence à Yolande d’Aragon, duchesse d’Anjou, reine de Sicile, et surtout belle-mère de Charles VII. L’influence de la duchesse est grande sur son
gendre. Par exemple, c’est elle qui le pousse à conclure une trêve avec la Bourgogne en 1424 ; ou, pour rompre l’alliance anglo-bretonne, Yolande approche
le frère du duc de Bretagne, Arthur, comte de Richemont, qui accepte la charge de connétable du roi de France en 1425.
66
Philippe le Bon les villes de la Somme (1463). Dans les
dernières années de son règne (question 2), le roi profite
de la mort de l’héritier de Philippe le Bon, Charles le
Téméraire, en 1477, pour s’emparer, au mépris des droits
de Marie de Bourgogne, seule héritière du duc et sa
propre filleule, de la Picardie, du Boulonnais, du duché de
Bourgogne, de l’Artois et de la Franche-Comté que lui
confirme le traité d’Arras en 1482 (question 1). Mais
Louis ne peut empêcher le reste des possessions impériales
du lignage bourguignon – la Hollande, la Zélande, le
Brabant, le Luxembourg – de passer aux mains de
Philippe, fils de Marie et de son époux, Maximilien
d’Autriche : les Habsbourg sont sur les frontières les plus
vulnérables du royaume. Cependant, Louis reçoit de son
oncle, le « bon roi » René, l’Anjou (1475) et la promesse
du reste de l’héritage, le Maine et la Provence, effectivement annexés au royaume en 1481. Bref, si le domaine
royal est étendu par Philippe Auguste jusqu’aux rives de la
Manche et de la Méditerranée6, Louis le fait progresser
vers l’est franc-comtois et provençal : la ligne de la Meuse
n’est pas gagnée, celle du Rhône l’est. Metz reste hors de
portée, mais Avignon est en France (question 3).
L’application de l’ordonnance royale de réforme de
l’armée (2 novembre 1439) est bloquée par les grands –
Charles de Bourbon, Jean d’Alençon et Jean IV
d’Armagnac en tête – gros utilisateurs de compagnies
d’écorcheurs et hostiles à l’idée d’abandonner au roi l’exclusivité du recrutement de troupes. Les conjurés gagnent
à eux le dauphin, que son père avait chargé de faire appliquer la réforme militaire en Poitou. Le roi finit par mater
la Praguerie et « exile » son fils en Dauphiné (1446).
Pendant dix ans, Louis gouverne sa province de manière
exemplaire et y fait son apprentissage du « métier de roi ».
Il s’y remarie en épousant sans le consentement de son
père, en 1451, une enfant de douze ans, Charlotte, la fille
du duc de Savoie, dont les domaines ouvrent vers l’Italie.
Vaincu après une nouvelle rébellion, Louis abandonne le
Dauphiné – qui est rattaché au domaine royal – en 1456 et
se réfugie à la cour du duc de Bourgogne, Philippe le Bon,
où il demeure jusqu’à son avènement. Aux environs du 25
juillet 1461, Louis reçoit la nouvelle qui fait de lui « le très
chrétien roi de France Louis le Onzième », Charles VII
étant mort le 22 juillet d’une infection de la mâchoire qui
lui a obstrué la gorge. Louis se précipite à Reims pour y
être sacré, le 15 août, jour de l’Assomption de la Vierge
Marie qu’il vénère.
➤ Activité 2 : document 2 p. 79
Louis XI réussit à transformer les princes ligueurs en
sujets loyaux.
L’exploitation pédagogique
des documents en classe
Charles VII et son fils ont de mauvais rapports dès la
Praguerie. De là, dès qu’il apprend la mort de son père,
Louis s’empresse de renvoyer les officiers royaux qui sont
restés fidèles à Charles VII – le chancelier Guillaume
Juvénal des Ursins, le prévôt de Paris Robert
d’Estouteville – des baillis et sénéchaux et des capitaines
de la grande ordonnance de 1439. Politiquement c’est une
faute : les révocations privent les officiers de petite extraction de l’essentiel de leurs revenus. Odet d’Aydie, par
exemple, un petit noble gascon, est devenu capitaine de
vingt lances en 1445 ; il est un vétéran de la campagne de
Normandie et Charles VII l’a nommé bailli de Cotentin en
1451. Sa révocation sans cause le transforme en intrigant
de premier rang. Avec ses frères, il passe au service du duc
de Bretagne, qui lui donne une compagnie de cent lances.
Il est l’un des champions de la ligue du Bien public, « le
premier inventeur et principal auteur des troubles, guerres,
mauls et divisions », écrit Louis XI.
➤ Activité 1 : document 1 p. 78
« Nous n’avons rien perdu de la couronne mais nous
l’avons augmentée et accrue4 ».
Faire observer le document 1 p. 78 et faire répondre aux
questions 1, 2 et 3. De par son étendue, le domaine royal
(en orange sur la carte) égale à peine les possessions des
grands feudataires (en jaune). Pour l’essentiel, il est
constitué de la Normandie, de l’Île-de-France et de la
Champagne, de la Touraine, du Poitou et de la Saintonge,
et des grandes provinces méridionales de la Guyenne, du
Languedoc et du Dauphiné. À l’est et au nord, il se trouve
limité par les domaines du duc de Bourgogne : son duché,
ses comtés d’Artois et de Flandre et sa province de
Picardie ; à l’ouest, par ceux du duc de Bretagne et les provinces du Maine et de l’Anjou ; au centre, par les terres
des ducs de Berry et de Bourbon ; au sud, enfin, par les
possessions des comtes d’Armagnac, de Foix et de
Comminges5. Tel est, au XVe siècle, le vaste royaume de
France, le cadre où se déroule l’expansion du domaine
royal commandée par Louis XI. Ayant aidé le roi
d’Aragon à vaincre les Catalans révoltés, Louis XI commence par garder la Cerdagne et le Roussillon qu’il s’était
fait remettre comme gage (1462-1463). L’acquisition de
ces deux comtés permet à la France de repousser ses frontières méridionales jusqu’à la limite « naturelle » des
Pyrénées. Puis Louis rachète au duc de Bourgogne
Faire observer le document 2 p. 79 et faire répondre aux
questions 4, 5, 6, 7 et 8. Les révocations de 1461 ne sont
pas la cause exclusive de la ligue du Bien public, mais
elles ont créé un contentieux entre le roi et les grands, qui
se coalisent sous la direction du duc de Berry, Charles, le
frère et héritier de Louis XI, de Charles le Téméraire, alors
comte de Charolais, et du duc de Bretagne, François II
(question 6). La force de la coalition nobiliaire et les
maladresses de Louis XI ébranlent le pouvoir royal (question 7). C’est à la résistance des Parisiens assiégés par les
4. Philippe de Commynes, Mémoires, éd. J. Calmette et G. Durville, Les Belles Lettres, coll. « Les Classiques de l’histoire de France au Moyen Âge », 1964-1965.
5. Beaucoup de grands vassaux du roi de France jouissent d’avantages et de ressources supplémentaires : le duc de Bourgogne possède de vastes territoires
impériaux, comme la Hollande, la Zélande, le Brabant, le Luxembourg et la Franche-Comté ; la maison d’Anjou doit hommage à l’empereur pour le duché
de Lorraine et le comté de Provence ; la Bretagne peut toujours compter sur le soutien de l’Angleterre ; les seigneurs pyrénéens bénéficient d’une longue
tradition d’indépendance.
6. Voir « Qui était Philippe Auguste ? », « Le contexte historique », activité 1 : documents 1 et 2 p. 46.
67
ligueurs que le roi doit son salut après l’indécise bataille
de Montlhéry du 16 juillet 1465. Au prix de larges concessions – il doit donner, par exemple, la Normandie en apanage7 à son frère Charles – Louis fait éclater la coalition
aristocratique. Les évincés de 1461 sont pour beaucoup
rétablis dans leurs offices. Une fois la ligue dissoute, le roi
reprend la Normandie à Charles, impose la paix au duc de
Bretagne et encourage le soulèvement des Liégeois contre
le nouveau duc de Bourgogne : Charles le Téméraire
(question 8). Par la suite, les différentes coalitions nobiliaires donnent l’occasion à Louis XI d’emprisonner Jean
d’Alençon, de faire assassiner Jean V d’Armagnac, de
faire exécuter Charles de Melun, Louis de Luxembourg,
comte de Saint-Pol, et Jacques d’Armagnac, duc de
Nemours. Ces exécutions par décapitation sont exemplaires
et signent l’infamie du crime de lèse-majesté dont ces
grands se sont rendus coupables. En revanche, la moyenne
noblesse reste fidèle à Louis XI, ce qui explique d’ailleurs
l’échec de la ligue du Bien public.
arrière vers l’époque où le Dauphiné était tout pour lui. Le
2 septembre, la dépouille du roi est transportée en la
cathédrale Saint-Martin où doivent avoir lieu des obsèques
solennelles. Puis Louis est enseveli à Notre-Dame de Cléry.
Sur les traces de Louis XI
L’exploitation pédagogique
des documents en classe
➤ Activité 1 : documents 1, 2 et 3 p. 80
La dévotion du roi est au service de sa politique.
1. Faire observer le document 1 p. 80 et faire répondre
aux questions 1 et 2. Ce portrait de Louis XI, peint par un
anonyme, montre un visage enlaidi par un nez proéminent,
où le regard est vif (question 2). Le roi est austère, sobrement vêtu, il porte le collier de l’ordre de Saint-Michel et
la médaille dédiée à la Vierge (question 1).
2. Mais Louis n’est pas, comme les chroniqueurs l’ont
souvent écrit, un roi bourgeois. Faire lire le document 2 et
faire répondre aux questions 3 et 4. Certes, lorsque le roi
fait son entrée dans une ville, il préfère chevaucher à dos
de mule, habillé simplement, à la grande surprise de ses
sujets. Cet excès de modestie (« C’était aussi le plus humble, dans son discours comme dans sa mise », d’après
Philippe de Commynes, question 3) cache en fait un sens
aigu de la scénographie du pouvoir car, ce faisant, le roi
copie l’entrée du Christ à Jérusalem. De la même manière,
lorsque Louis XI crée l’ordre de Saint-Michel en 1469
pour concurrencer l’ordre bourguignon de la Toison d’or.
Faire observer aux élèves le document 3 p. 80 et faire
répondre aux questions 5 et 6. Ce tableau est peint par
Jean Fouquet vers 1475. Cet artiste, de naissance tourangelle, formé en Italie, qui est à la fois miniaturiste et peintre,
travaillait déjà pour Charles VII et pour ses officiers
Guillaume Juvénal des Ursins, chancelier, et Étienne
Chevalier, trésorier de France. Fouquet illustre les Statuts
de l’ordre de Saint-Michel que Louis XI vient de créer et
figure la tenue d’un chapitre de cet ordre de chevalerie
présidé par le roi de France – au centre du tableau, assis
sur son trône (question 5). Lorsque Louis fonde cet ordre,
il le voue à l’archange saint Michel qui est devenu un
protecteur du royaume depuis l’épopée johannique (question 6). Cette scène idéalise à la fois l’archange saint
Michel, saint patron de la fameuse abbaye qui n’a jamais
été prise par les Anglais et qui a donné sa voix pour que
Jeanne d’Arc libère la France, et le serment de fidélité que
doivent les chevaliers à leur souverain.
➤ Activité 3 : document 3 p. 79
Louis XI est un roi dévot.
Louis espère avoir assuré sa succession, d’abord par la
naissance, en 1470, d’un fils : Charles. D’autre part, il
croit avoir neutralisé deux grands seigneurs : Louis, duc
d’Orléans, cousin germain de Charles, et Pierre de
Bourbon, duc de Beaujeu, mariés d’autorité à ses deux filles.
Faire observer le document 3 p. 79 et faire répondre aux
questions 9 et 10. Louis XI a toujours été un roi itinérant.
N’aimant pas plus Paris que son père, il a toujours résidé
dans les villes et les châteaux de la Loire. En septembre
1482, Louis s’installe au Plessis-du-Parc-lès-Tours, à
proximité de Tours. C’est la dernière de ses nombreuses
retraites ligériennes. Le samedi 30 août 1483, Louis entre
en agonie. Faire repérer le roi sur son lit de mort ; faire
identifier la tunique jacinthe et les lys d’or sur la chape en
hermine, qui symbolisent la majesté depuis saint Louis
(question 10). Louis demande lui-même les saints sacrements, se confesse, et récite les prières qui conviennent à
chacune de ces cérémonies. Faire remarquer aux élèves
que les moines et les nonnes sont nombreux au chevet du
roi, les autres sont des officiers de sa Cour (question 9).
Nul moment de la vie n’est plus empreint de symbolisme
chrétien que l’agonie8. Cette remarque est d’autant plus
vraie que Louis est un dévot. Il fonde des messes et dote
largement les églises. Il voue un culte particulier à NotreDame et se rend souvent en pèlerinage dans l’église de
Notre-Dame de Cléry, située à une dizaine de kilomètres
au sud-ouest d’Orléans. Cette église renferme une statue
de Notre-Dame, statue de bois noircie par l’âge, qu’un
paysan avait trouvée dans un champ et qui remonte peutêtre à l’évangélisation de la Gaule. Pendant son agonie,
Louis demeure « en grande santé de sens et d’entendement, en bonne mémoire, sans souffrir douleur que l’on
connût », et continue de parler « jusques à une patenôtre
avant sa mort.9 » Ses dernières paroles, il les adresse à NotreDame d’Embrun, opérant ainsi un retour nostalgique en
➤ Activité 2 : documents 4, 5 et 6 p. 81
Louis XI vient à bout de la puissance bourguignonne.
1. Faire observer le document 4 p. 81 et faire répondre
aux questions 7 et 8. Avec Charles V, les Valois ont donné
7. Portion du domaine royal accordée aux cadets de la Maison de France en échange de leur exclusion de la Couronne.
8. Voir « Pourquoi a-t-on construit des églises ? », « Sur les traces des pèlerins et des moines », activité 3 : documents 4 et 5 p. 41.
9. Philippe de Commynes, Mémoires, op. cit.
68
monarque sans égal en Europe. Commynes nous laisse
aussi le récit de leur rencontre à Péronne, les 9-15 octobre
1468. Charles retient Louis quasi prisonnier et le roi doit
lui céder la Picardie et l’aider à réprimer ses anciens alliés,
les Liégeois. Libéré, Louis récidive en ne respectant pas la
parole jurée et il comprend qu’il ne peut pas affronter son
rival de face. Il intrigue, l’isole, soutient les villes
d’Alsace contre ses prétentions territoriales et les Suisses
qui le battent en 1476 à Grandson et à Morat. Le duc y
perd son argent et la vie. À l’annonce de la nouvelle, Louis
ne cache pas sa joie.
à la France un roi habile. De son père, Jean II le Bon,
Charles a hérité d’un royaume en lambeaux. Pourtant,
sous sa sage conduite, les Anglais sont contenus tandis
que les compagnies de mercenaires sont peu à peu réduites
à l’impuissance. En 1392, Charles VI, le fils de Charles V,
devient fou. Une violente lutte politique s’engage entre le
duc de Bourgogne, Philippe le Hardi, et Louis, duc
d’Orléans, respectivement oncle et frère cadet du roi
(question 7), qui l’un et l’autre convoitent les ressources
et le gouvernement du royaume. Lorsque, en 1407,
Jean sans Peur, le nouveau duc de Bourgogne, machine
l’assassinat du duc d’Orléans, la France sombre dans la
guerre civile. Tour à tour, les Bourguignons puis les
Armagnacs10 s’emparent de Paris et du malheureux
Charles VI, massacrant leurs adversaires dans les rues.
Les deux « partis » sont soudés par les liens du sang et de
la fidélité personnelle qui fondent des regroupements
rivaux pour défendre l’honneur du roi ou du duc.
L’ensemble de l’aristocratie partage donc le devoir de vengeance.
2. Deux générations plus tard, leurs descendants se vouent
donc la même haine. Louis XI et Charles le Téméraire
(question 8) ont en commun leur goût du pouvoir personnel. Sinon, tout les oppose : le physique, les comportements, les projets. Faire observer le document 5 p. 81 et
faire répondre aux questions 9 et 10. Quand il succède à
son père Philippe le Bon, Charles est aussi séduisant que
Louis a les traits grossiers (question 10). La cour du duc
de Bourgogne éblouit par son faste et par les fêtes données
en son honneur ; à la magnificence et à la fréquentation
des grands, Louis préfère la parcimonie et les petites gens.
Faire lire le document 6 p. 81 et faire répondre aux questions 11 et 12. Dire aux élèves que le portrait du duc
dressé par Philippe de Commynes est un portrait à charge.
Commynes est un homme d’action et un homme politique.
Conseiller du duc de Bourgogne passé au service du roi de
France, Commynes a dû se justifier et se défendre en
imposant à l’historiographie un Charles le Téméraire et un
Louis XI déformés. Ainsi, la témérité du duc est reliée à la
prétention de son projet politique : celui de ceindre la couronne de roi, voire d’empereur. En effet, Charles est à la
tête d’une principauté que, depuis un siècle, ses ancêtres
ont agrandie sans cesse et il souhaite réunir la Flandre à la
Bourgogne pour reconstituer l’ancienne Lotharingie. « Il
s’agissait de choses presque impossibles, car la moitié de
l’Europe n’aurait su le contenter » (question 11). L’échec
du Téméraire ? « Il disposait d’hommes et d’argent en
quantité suffisante, mais il n’avait pas assez d’intelligence
et de malice pour conduire ses entreprises » (question 12).
Le succès de Louis ? Ses ennemis l’appellent « l’universelle aragne », une métaphore à laquelle Jean II d’Aragon
donne sa signification en précisant que le roi de France est
« l’inévitable vainqueur de toute négociation ». Les
ambassadeurs milanais, qui se croient eux-mêmes plus
rusés que tout ce qui vient de l’autre versant des Alpes, le
jugent « le plus subtil homme qui soit ». Pour Philippe de
Commynes, sa sagacité, sa connaissance des comportements et des choses, son exceptionnelle vitalité, en font un
L’héritage de Louis XI
Une légende : les cages de fer
dans lesquelles Louis XI enfermait
ses prisonniers
Comme ses prédécesseurs, Louis XI gouverne avec des
serviteurs qui lui sont fidèles et qui sont compétents.
Certains appartiennent à une bonne noblesse ; d’autres
doivent leur bonne fortune au roi. Louis XI promeut ses
hommes, les marie souvent, mais quand il se prend à douter de leur fidélité, il les emprisonne. Les procès politiques
se sont multipliés, autant que les complots. Au moment de
la ligue du Bien public, Charles de Melun est lieutenant du
roi à Paris ; il est approché par les ligueurs et laisse une
porte de la ville ouverte. Il n’est cependant inquiété qu’en
1468. Il est interrogé par une commission dirigée par
Tristan L’Hermite, prévôt des maréchaux depuis Charles VII.
Incarcéré (mais pas dans une cage de fer), torturé, il avoue
tout et est exécuté le 22 août 1468. L’année suivante, c’est
au tour de son ennemi, le cardinal Balue, de tomber dans
la toile de « l’universelle aragne » : Louis lui reproche ses
accointances avec Charles le Téméraire et l’embûche de
Péronne. Son état ecclésiastique lui sauve la vie. Il est
emprisonné et il ne sera libéré que sous Charles VIII. Plus
grave, la trahison de Louis de Luxembourg, comte de
Saint-Pol, connétable de France depuis la ligue du Bien
public. En 1475, il s’empare, aux dépens du roi, de SaintQuentin. Il traite ensuite avec les Anglais, leur promet la
ville, puis la refuse au roi d’Angleterre lorsqu’il s’y présente. Furieux, Édouard IV révèle à Louis XI la félonie de
son officier. Louis de Luxembourg est jugé par le
Parlement de Paris auquel le roi adjoint quelques commissaires royaux. Le comte de Saint-Pol est décapité le 19
décembre 1475. Jacques d’Armagnac, duc de Nemours et
pair de France, est tout aussi impliqué que Louis de
Luxembourg dans ce coup fourré. Pierre de Bourbon, duc
de Beaujeu et gendre du roi, le saisit en mars 1476.
Lorsqu’il a tout avoué, le procès est diligenté par le
Parlement et les commissaires du roi. Pierre de Beaujeu
préside l’assemblée et prononce la peine de mort.
Nemours fait vainement appel au pardon du roi et est exécuté le 4 août 1477. Dire aux élèves que Louis XI, qui se
10. On appelle ainsi les partisans de Charles d’Orléans, fils du duc assassiné, en raison du mariage qu’il a contracté avec la fille du comte d’Armagnac.
69
méfie du Parlement, trop peu docile, a recours systématiquement aux commissaires ; sans pouvoir éviter toutefois
de faire valider la procédure et la sanction par le
Parlement. De là, la « légende noire » de Louis XI : les
cages de fer deviennent l’expression de l’arbitraire royal.
puis placée sous la presse à vis actionnée par un apprenti.
Les épreuves terminées sèchent sur un fil, puis sont relues
méticuleusement avant de passer au tirage en série. Il reste
à monter les pages et à relier le livre.
L’imprimerie arrive en France /
Les débuts de l’industrie de la soie
en France
• Faire fabriquer des caractères d’imprimerie dans des
supports tendres : pâte à modeler, pommes de terre.
• Faire rechercher les méthodes anciennes et actuelles de
fabrication du papier et de l’encre.
➤ Activités possibles
Surtout absorbé par la diplomatie et la guerre, Louis XI
comprend aussi que l’économie fait la puissance des États.
Il incite, sans succès, les nobles à répudier le préjugé de
dérogeance et à pratiquer le commerce. Il favorise l’introduction de nouvelles activités économiques en France (la
soie à Lyon et Tours) et le développement des foires (Lyon
contre Genève). Il veut mettre une monnaie assainie au
service de l’économie nationale en créant, en 1475, une
monnaie forte : l’écu au soleil. Surtout, sans que le roi, ses
conseillers, ses officiers interviennent, s’amorce la
remontée démographique, économique, artistique de la
France. Vers 1475 s’achève la première restauration
rurale, celle qui affecte les terroirs les plus productifs. La
spécialisation agricole fait des progrès (lin dans le Nord,
chanvre dans l’Ouest, pastel en Languedoc). La draperie
se répand dans les petites villes et les campagnes. De
même, la France est très vite gagnée par l’imprimerie
(Paris, 1470 ; Lyon, 1473). Le procédé est artisanal, c’està-dire manuel. Les artisans composent le texte à imprimer
en prenant les caractères un par un dans les casiers où ils
sont soigneusement rangés. La page composée est encrée
Pour construire le résumé
Solliciter les élèves pour trouver les mots clés de la leçon.
Par exemple : Louis XI, domaine royal, grands féodaux,
Charles le Téméraire. Mettre en relation chacun de ces
mots avec des repères figurant sur la chronologie p. 78.
Mettre en commun les réponses et écrire ensemble le
résumé de cette séquence.
Bibliographie
– P. Murray Kendall, Louis XI, Fayard, 1974.
– P. Frédérix, La Mort de Charles le Téméraire, Gallimard,
coll. « Trente Journées qui ont fait la France », 1966.
70
Jouer à la manière de… l’adoubement d’un chevalier
Pages 84 et 85 du dossier
Référence aux Instructions officielles
La pédagogie du cycle 3 ne doit pas se replier sur une conception abstraite et formelle de l’accès aux connaissances.
Elle reste appuyée sur l’expérience concrète.
Avec l’aide du maître, comprendre un document historique simple (texte écrit ou document iconographique) en relation au programme, en lui donnant son statut de document.
Avec les œuvres poétiques et théâtrales, les élèves, guidés par leur enseignant(e), prolongent l’interprétation en
cherchant à transmettre à leurs camarades ou à un public plus large.
Le travail régulier de diction des textes peut s’accompagner de projets plus ambitieux (en particulier lorsque le théâtre
est abordé).
Compétences
• Être capable d’oraliser des textes devant la classe pour en partager collectivement le plaisir et l’intérêt.
• Être capable de mettre sa voix et son corps en jeu dans un travail collectif portant sur un texte théâtral.
• Être capable d’élaborer et d’écrire un texte avec ou sans support, en respectant des contraintes orthographiques, syntaxiques, lexicales et de présentation.
• Être capable d’utiliser correctement le lexique spécifique de l’histoire dans les différentes situations didactiques mises en jeu.
• Être capable de raconter un événement ou l’histoire d’un personnage.
L’exploitation pédagogique en classe
ans, le page change de statut et son entraînement physique
se transforme en un apprentissage des combats à cheval. Il
est nommé alors écuyer. Il commence sa formation auprès
de chevaliers plus anciens. L’acquisition des techniques de
guerre n’est pas le seul élément de sa formation. Le jeune
garçon vit au château de son seigneur, entouré des chevaliers adultes. Cette proximité lui apprend le respect et la
fidélité. Quand le jeune garçon est formé, il entre dans le
monde des adultes par une cérémonie : l’adoubement. Ce dernier est une cérémonie symbolique, qui se déroule en plusieurs
temps : la remise des armes et de l’équipement au jeune
chevalier par son parrain, puis la mise à l’épreuve de façon
symbolique du jeune chevalier par le biais de la « colée ».
Au Moyen Âge, l’adoubement était une cérémonie officielle qui permettait de devenir chevalier et de pouvoir
combattre. (cf. « Pourquoi a-t-on construit des châteaux
forts ? » pp. 27 à 31)
➤ Activité 1 :
« Je découvre l’importance des chevaliers »
Au cours du Moyen Âge, s’est mis en place un partage de
la société en trois groupes : ceux qui prient, ceux qui combattent et ceux qui travaillent. Les religieux prient, les
paysans travaillent et les chevaliers combattent.
Malgré l’image bucolique que l’on peut avoir des chevaliers défendant la veuve et l’orphelin, il ne faut pas oublier
que les chevaliers sont avant tout des combattants à cheval.
Ils sont au service du seigneur, servant à la fois de garnison et de manifestation de la puissance seigneuriale.
C’est une société fermée, violente et rude. Pour être chevalier, il faut pouvoir financer son équipement : les armes
(lance et épée), la tenue (casque, armure) ainsi que le cheval. Les seules personnes pouvant financer cet équipement
étaient les propriétaires de fiefs (de terres).
L’Église, dont l’importance augmente tout au long du
Moyen Âge, tente de canaliser la violence de ce groupe.
Elle transforme la cérémonie de l’adoubement en une
cérémonie religieuse. Le futur chevalier doit être en état
de grâce. Pour cela, il doit passer la nuit précédente en
prière. Il doit expier ses péchés.
La liste des interdits est trop longue à faire, mais le texte
du « serment de paix à Beauvais » de 1023 donne une
bonne idée de l’importance des interdits posés par l’Église
dans la vie des chevaliers :
« Je n’envahirai en aucune façon les églises […]. Je n’assaillirai pas le clerc et le moine qui ne portent pas les
armes du siècle, ni celui qui les accompagne sans lance ni
bouclier, à moins que je n’aie sujet de me plaindre d’eux
[…]. Je n’enlèverai ni bœuf ni vache… Je ne saisirai ni le
vilain ni la vilaine, ni les sergents ni les marchands, je ne
leur prendrai point leurs deniers […]. Je ne saisirai ni
mule ni mulet, ni cheval […] dans les pâturages […]. Je ne
détruirai ni incendierai les maisons. »1
➤ Activité 2 :
« Je découvre la vie des chevaliers »
Devenir chevalier suppose une formation longue et difficile. Celle-ci débute vers l’âge de sept ans. Le futur chevalier est confié par son père à un châtelain de confiance
(son parrain). À son service, le jeune page apprend le respect de l’adulte, à devenir un bon cavalier et à s’endurcir
physiquement. Il apprend à monter à cheval et à utiliser les
armes. La chasse lui permet de mettre en pratique ses
connaissances. Son entraînement est quotidien. Vers treize
1. J. Carpentier et F. Le Goff, « Étude sur le règne de Robert le Pieux (996-1031) », Histoire de France, coll. « Points Histoire », Le Seuil, 1987.
71
➤ Activité 3 : « Je deviens un chevalier »
Pour que les élèves soient créatifs à la fois dans la forme
et dans les couleurs utilisées pour fabriquer leurs blasons,
il est nécessaire, auparavant, de leur montrer différents
blasons.
Matériel à prévoir :
• Un carton par élève de type carton de déménagement.
Ici, le travail se fait dans l’optique de la pièce de théâtre.
Il faut donc que le blason soit visible par le dernier rang
de spectateurs.
• Des ciseaux suffisamment forts pour couper le carton.
• Du matériel de dessin (peinture, craies grasses, feutres…)
pour décorer le blason.
• Ficelle ou gros Scotch double face.
Mise en œuvre de l’activité :
a. Faire dessiner au brouillon les élèves, pour qu’ils choisissent la forme et les dessins héraldiques de leur blason.
b. Quand la forme et les couleurs sont arrêtées, passer à la
réalisation au format définitif. Attention ! le blason est
peint directement sur le carton, celui-ci servant aussi de
bouclier pour la cérémonie d’adoubement. Il est donc
nécessaire que les élèves dessinent le blason au milieu du
carton.
c. Découper le carton autour du blason en forme de bouclier.
Démarche 1 : chaque
groupe participe à un élément du tout pour une présentation d’envergure.
Démarche 2 : chaque
groupe fait tout pour plusieurs petites présentations.
Groupe A : écriture ou
reprise dans le dossier de la
cérémonie d’adoubement.
Groupe B : fabrication des
décors en lien avec les arts
visuels.
Groupe C : fabrication
des accessoires (épée, blason…).
Groupe D : les comédiens.
• Subdiviser la classe pour
que chaque groupe soit
composé de 5 élèves (nombre
de comédiens nécessaires à
la saynète).
• Utiliser la trame de
l’adoubement proposée
dans le dossier page 85.
• Chaque groupe jouera la
saynète après avoir fabriqué non pas les décors,
mais au moins les accessoires
indispensables, comme l’épée
et le bouclier avec le blason
du chevalier.
Pour aller plus loin
Dans le cadre des Instructions officielles, il est possible
d’inscrire ce projet de pièce de théâtre dans un ensemble
plus vaste de spectacle. Celui-ci sera joué devant d’autres
classes ou les familles de l’école.
Coup de pouce :
Pour renforcer les traits de séparations du blason (ce qui
fait ressortir encore plus les couleurs), utiliser de la craie
grasse noire.
Pour éviter que le carton ne s’imbibe trop, utiliser de la
peinture épaisse. Le plus simple est d’utiliser de la gouache
en tube et non pas en pastille.
Pour que les élèves puissent tenir le bouclier, il est possible
de fabriquer au dos une poignée en utilisant du gros Scotch
double face. Autre solution : percer de part et d’autre du
blason deux trous et y faire passer une ficelle qui servira
de poignée.
Bibliographie
– J. Carpentier et F. Lebrun, Histoire de France, coll.
« Points Histoire », Le Seuil, 1987. Ce livre propose une
synthèse de l’histoire de France de – 6000 au XXe siècle.
Il comprend, entre autres, six chapitres sur le Moyen
Âge et un sous-chapitre sur les chevaliers.
– R. Delort, La Vie au Moyen Âge, coll. « Points Histoire ».
Le Seuil, 1982. Ce livre analyse les structures de la
société féodale.
– P. Joubert, L’Héraldique, Ouest-France, 1984. Nombreux
exemples de blasons. Les illustrations sont en couleurs.
– Le Blason, « Que sais-je », n° 336.
➤ Activité 4 : La cérémonie d’adoubement
L’activité peut être menée de plusieurs façons.
Subdiviser la classe en plusieurs groupes. Le nombre de
groupes dépend de la démarche que vous choisissez.
72
Nom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Prénom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Clovis et les Mérovingiens
Dossier pages 6 à 11
1. Lis le document 1 de ton dossier page 8, puis réponds aux questions.
a. À qui Clovis s’adresse-t-il ?
....................................................................................................................
b. Que propose-t-il ?
....................................................................................................................
....................................................................................................................
c. Pourquoi parle-t-il à Jésus-Christ ?
.......................................................................
....................................................................................................................
....................................................................................................................
d. De quand date le texte ?
....................................................................................................................
e. Est-ce un document de l’époque du baptême de Clovis ?
....................................................................................................................
2. Place sur le dessin les légendes suivantes : Clotilde – baptistère – pape – Saint chrême – Clovis.
...........................
...........................
...........................
© HACHETTE LIVRE 2006.
...........................
...........................
73
3. Lis ton livre pages 6 à 11, puis réponds aux questions.
a. Qui est Clovis ?
....................................................................................................................
....................................................................................................................
....................................................................................................................
....................................................................................................................
b. Qu’a-t-il fait ?
....................................................................................................................
....................................................................................................................
....................................................................................................................
....................................................................................................................
c. Que fait Clotaire Ier à la mort de son frère ?
....................................................................................................................
d. Pourquoi ?
....................................................................................................................
....................................................................................................................
e. Complète les phrases avec les mots suivants : Gaule – invasions – Francs – barbares.
Au début du
Ve
siècle, des peuples . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . venus de l’Est envahissent la
.........................
Ces . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . s’accompagnent de massacres et de destructions.
Parmi eux, les . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . s’établissent dans le nord de la Gaule et en Belgique.
f. Explique pourquoi les Mérovingiens ont perdu leur pouvoir.
....................................................................................................................
....................................................................................................................
....................................................................................................................
....................................................................................................................
Résume la leçon en utilisant les mots :
© HACHETTE LIVRE 2006.
Francs – Clovis – christianisme – Mérovingiens.
74
Nom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Prénom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Charlemagne et les Carolingiens
Dossier pages 12 à 17
1. Observe le document 1 de ton dossier page 12, puis réponds aux questions.
AngloSaxons
Danois
Mer
du Nord
Saxe
Elb
Od
e
Rhin
er
Austrasie
Neustrie
Loire
......................................................
Slovaques
Carinthie
......................................................
......................................................
Tchèques
Moraves
Bavière
Bourgogne
Slaves
......................................................
Avars
Aquitaine
Lombardie
Roncevaux
Croates
Danube
M
re
Serbes
ri
Bulgares
at
Arabes
Ad
États de
l’Église
er
Eb
Catalogne
......................................................
......................................................
iq
ue
Rome
......................................................
......................................................
Mer
Méditerranée
Byzantins
200 km
Arabes
a. Repasse en vert sur la carte les limites du royaume de Charlemagne en 768. Aide-toi du document 1
de ton dossier page 12.
b. Colorie en jaune les régions conquises par Charlemagne.
c. Prends une carte d’Europe d’aujourd’hui et compare-la à celle de ton livre page 12. Quels pays
d’aujourd’hui appartenaient au royaume de Charlemagne ?
....................................................................................................................
d. Pourquoi peut-on dire que Charlemagne était « le premier Européen » ?
....................................................................................................................
....................................................................................................................
....................................................................................................................
2. En 843, le royaume de Charlemagne est partagé entre ses trois fils.
Royaume de Charles le Chauve •
• Lotharingie
Royaume de Lothaire •
• Francie orientale
Royaume de Louis le Germanique •
• Francie occidentale
75
© HACHETTE LIVRE 2006.
Relie chaque souverain avec son territoire.
3. Lis le document « L’école de Charlemagne » page 16 de ton dossier, puis réponds
aux questions.
a. Dans quels lieux les enfants vont-ils à l’école ?
.........................................................
....................................................................................................................
b. Quelles matières les enfants apprennent-ils à l’époque de Charlemagne ?
....................................................................................................................
....................................................................................................................
c. Quelles différences y a-t-il entre ce que tu apprends aujourd’hui et ce que les enfants apprenaient
sous Charlemagne ?
....................................................................................................................
....................................................................................................................
....................................................................................................................
d. Tous les enfants peuvent-ils aller à l’école ? Explique ta réponse.
....................................................................................................................
....................................................................................................................
4. Complète le texte avec les mots suivants :
comtes – Aix-la-Chapelle – missi dominici – pape.
Le . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . couronne Charlemagne en l’an 800.
Celui-ci fait d’. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . sa capitale. Les . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . sont chargés
par l’empereur de le représenter dans les provinces. Les domaines carolingiens sont administrés par
les . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
5. Qui envahit l’Occident aux IXe et Xe siècles ?
....................................................................................................................
....................................................................................................................
Résume la leçon en utilisant les dates suivantes :
751 – 768 – 800 – 814 – 843 – 987.
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Aide-toi de la frise chronologique de la page 12 de ton dossier.
76
Nom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Prénom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
L’islam et Mahomet
Dossier pages 18 à 23
1. Complète les mots croisés.
Horizontalement
Verticalement
1. Successeur de Mahomet
A. Livre sacré des musulmans
2. Ville où les Arabes ont été arrêtés en 732
B. Lieu de prière pour les musulmans
3. Dieu des musulmans
C. Terme qui désigne les chapitres dans le Coran
4. Lieu où les musulmans vont en pèlerinage
D. Nom de la religion des musulmans
5. Pays de Mahomet
E. Nom du prophète
C
D
E
1
B
3
2
A
4
5
a. astrolabe :
...................................................................................................
....................................................................................................................
b. mosquée :
...................................................................................................
....................................................................................................................
77
© HACHETTE LIVRE 2006.
2. Cherche dans le dictionnaire la définition des mots suivants :
3. Lis les pages 18 à 23 de ton dossier, puis réponds aux questions.
a. Quels sont les cinq piliers de l’islam ?
....................................................................................................................
....................................................................................................................
....................................................................................................................
....................................................................................................................
b. Qu’appelle t-on l’Hégire ?
....................................................................................................................
....................................................................................................................
....................................................................................................................
....................................................................................................................
c. Complète les phrases avec les mots suivants : Francs – califes – Poitiers.
Après la mort de Mahomet, les Arabes musulmans sont dirigés par des . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Par la guerre Sainte, ils font la conquête d’un immense empire. Mais les conquêtes s’essouflent :
les Arabes sont arrêtés par les . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . , menés par Charles Martel à . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
en 732.
d. Écris pour chaque date l’événement qui lui correspond.
622 → . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
vers 570 – 632 → . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
751 → . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
4. Observe le document 5 page 21 de ton dossier. Décris l’équipement du guerrier arabe.
....................................................................................................................
....................................................................................................................
....................................................................................................................
Résume la leçon en utilisant les mots :
© HACHETTE LIVRE 2006.
Mahomet – Arabes – islam – coran – conquête – calife.
78
Nom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Prénom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
La vie au Moyen Âge
Dossier pages 26 à 31
1. Observe la 5e image du document 2 de ton dossier page 27, puis réponds aux questions.
a. Décris les vêtements de cet homme.
....................................................................................................................
....................................................................................................................
....................................................................................................................
b. À quelle classe de personne appartient-il ? Pourquoi ?
....................................................................................................................
....................................................................................................................
....................................................................................................................
c. Selon toi, que fait-il ?
....................................................................................................................
....................................................................................................................
d. À quel mois de l’année correspond cette image ?
....................................................................................................................
2. Observe le document 6 page 29, puis réponds aux questions.
a. Décris les habits des hommes de la boutique.
....................................................................................................................
....................................................................................................................
....................................................................................................................
b. Observe le document 2 page 27. Décris les habits des hommes dans les champs.
....................................................................................................................
....................................................................................................................
c. Compare les deux documents. À quel ordre chaque personnage appartient-il ? À quoi le vois-tu ?
....................................................................................................................
....................................................................................................................
....................................................................................................................
....................................................................................................................
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© HACHETTE LIVRE 2006.
....................................................................................................................
3. Lis le document 1 de ton dossier page 28, puis complète les phrases.
Dieu ordonne aux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . d’enseigner la foi.
Les . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . sont les protecteurs de l’Église.
Les . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . fournissent tout à tout le monde.
Ces trois . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . sont indispensables l’un à l’autre.
4. Lis les pages 26 à 31 de ton dossier, puis réponds aux questions.
a. Quelle est la différence entre un vilain et un serf ?
....................................................................................................................
....................................................................................................................
b. De qui est composé la société au Moyen Âge ?
....................................................................................................................
....................................................................................................................
c. Qu’utilise-t-on à partir du Xe siècle pour labourer la terre ?
....................................................................................................................
d. Pourquoi est-ce une invention importante ?
....................................................................................................................
....................................................................................................................
5. Complète les phrases avec les mots suivants :
outils – moines – conquises – agricole – charrue – défrichement.
À partir de l’an 1000, de nouveaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . , comme la . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
ou la herse, améliorent les cultures. De nouvelles terres cultivées sont . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
sur les forêts et les marais. Les . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . jouent un rôle essentiel dans ce vaste
mouvement de . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . La production . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . augmente ;
les paysans vivent mieux.
Résume la leçon en utilisant les mots :
© HACHETTE LIVRE 2006.
seigneur(s) – paysan(s) – commune(s) – défrichement.
80
Nom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Prénom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Les châteaux forts
Dossier pages 32 à 37
1. Observe les documents 5 et 6 de ton dossier page 35, puis réponds aux questions.
a. Quelles armes le chevalier utilise-t-il pour se défendre ?
....................................................................................................................
....................................................................................................................
....................................................................................................................
....................................................................................................................
b. Quelles armes le chevalier utilise-t-il pour lancer une attaque ?
....................................................................................................................
....................................................................................................................
....................................................................................................................
....................................................................................................................
c. Regarde le document 5. Quels sont les indices qui te permettent de savoir lequel des deux combattants
est le Sarrasin ?
....................................................................................................................
....................................................................................................................
....................................................................................................................
2. « Qui suis-je »
a. « Situé dans la partie centrale du château fort, je contiens la demeure du seigneur.
Je suis : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . »
b. « Quand on me relève, personne ne peut entrer au château.
Je suis : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . »
c. « Cérémonie importante, mon étape est obligatoire pour devenir chevalier.
Je suis : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . »
d. « Je suis un oiseau spécialiste de la chasse.
e. « Je suis un événement lors duquel les chevaliers s’affrontent.
Je suis : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . »
f. « Grâce à moi, les soldats peuvent grimper le long des murailles des châteaux forts.
Je suis : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . »
81
© HACHETTE LIVRE 2006.
Je suis : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . »
3. Légende le siège d’un château fort.
Place sur le dessin les légendes suivantes :
Canon – arbalète – arc – épée – casque – fossé – meurtrière – muraille – créneau – échelle.
...........................
...........................
...........................
...........................
...........................
...........................
...........................
...........................
...........................
...........................
Résume la leçon en utilisant les mots :
© HACHETTE LIVRE 2006.
château fort – motte castrale – chevaliers – donjon – adoubement – seigneur(ie).
82
Nom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Prénom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
L’église au Moyen Âge
Dossier pages 38 à 43
1. Regarde ton dossier page 39, puis place sur le dessin les légendes suivantes :
nef – bas-côté – mur – arc doubleau.
...........................
...........................
...........................
...........................
a. Qu’appelle-t-on une église romane ?
....................................................................................................................
....................................................................................................................
b. Qu’appelle-t-on une église gothique ?
....................................................................................................................
....................................................................................................................
2. Lis le document 5 de ton dossier page 41, puis relie le nom de la prière en latin avec
son sens en français.
Laudes •
• Office (ou prière) de la troisième heure
Prime •
• Office (ou prière) de louanges
Tierce •
• Office (ou prière) de la sixième heure
Sexte •
• Office (ou prière) de la première heure
3. Lis le « Carnet de route » de ton dossier page 43, puis trouve les définitions
suivantes :
..................................................................
b. Bâtiments religieux de style roman ou gothique :
.....................................................
c. Voyage entrepris par les chrétiens au nom de Dieu :
d. Destination du principal pèlerinage :
..................................................
....................................................................
e. Hommes ou femmes vivants dans les monastères :
f. Impôt que les hommes versaient au clergé :
....................................................
............................................................
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© HACHETTE LIVRE 2006.
a. Lieu de rassemblement des chrétiens :
4. Quel est le rôle du clergé ?
....................................................................................................................
....................................................................................................................
....................................................................................................................
....................................................................................................................
5. Pour quelles raisons y a-t-il un aussi grand nombre d’églises au Moyen Âge ?
....................................................................................................................
....................................................................................................................
....................................................................................................................
....................................................................................................................
....................................................................................................................
6. À quelle religion appartiennent la plupart des habitants de la France au Moyen Âge ?
....................................................................................................................
....................................................................................................................
7. Quel pèlerin est un vrai modèle pour les chrétiens ?
....................................................................................................................
8. Pourquoi le pèlerin porte-t-il une coquille Saint-Jacques sur son chapeau ? Aide-toi
du document page 43 de ton dossier.
....................................................................................................................
....................................................................................................................
....................................................................................................................
9. Définis ce qu’est un pélerinage.
....................................................................................................................
....................................................................................................................
....................................................................................................................
© HACHETTE LIVRE 2006.
Utilise les mots que tu viens d’écrire dans l’exercice 3 pour écrire ton résumé.
84
Nom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Prénom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Philippe Auguste
Dossier pages 46 à 51
1. En utilisant la frise chronologique de ton dossier page 46, complète ta chronologie.
____
1180 - 1223
......................................................
......................................................
Conquête de l’Angleterre
par le duc de Normandie
900
1000
1100
987
......................................................
......................................................
1200
1165
......................................................
......................................................
2. Observe les documents 1 et 2 de ton dossier page 46, puis réponds aux questions.
a. Combien d’années séparent ces deux cartes ?
....................................................................................................................
b. Quelles sont les régions qui ne sont plus des possessions anglaises en 1223 ?
....................................................................................................................
....................................................................................................................
c. Que peux-tu dire de l’évolution du domaine royal entre ces deux dates ?
....................................................................................................................
....................................................................................................................
3. Complète la grille de mots croisés. Aide-toi de ton dossier pages 46 à 51.
5
2
1
6
Verticalement
1. Cachet de cire attaché au bas
des documents officiels.
2. Victoire de Philippe Auguste
en 1214.
5. Province conquise en 1204.
6. Personnes devant
3
obéissance au roi
mais parfois plus
puissant que lui.
7
4
85
© HACHETTE LIVRE 2006.
Horizontalement
3. Château parisien construit
sous le règne de Philippe Auguste.
4. Lieu du sacre des rois.
7. Personnage de l’église catholique
qui couronne le roi.
4. Place correctement le nom des insignes royaux.
la couronne – le sceptre – le trône – la fleur de lys.
...............................
...............................
...............................
...............................
Résume la leçon en utilisant les mots :
© HACHETTE LIVRE 2006.
Philippe Auguste – domaine royal – sacre – Capétiens – Bouvines – guerre – Plantagenêts – Paris.
86
Nom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Prénom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Saint Louis
Dossier pages 52 à 57
1. Relie les dates avec leurs événements. Aide-toi de ton livre page 52.
1214 •
• Début du règne de Louis IX
1226 •
• Départ pour la croisade en Égypte
1234 •
• Louis IX est canonisé
1248 •
• Naissance de Louis
1258 •
• Mort de Louis IX
1270 •
• Paix avec les rois d’Aragon et d’Angleterre
1297 •
• Mariage du roi
2. Lis le document 2 de ton dossier page 52, puis réponds aux questions.
a. Qui nous raconte cet épisode ?
....................................................................................................................
b. Qui venait voir le roi ?
....................................................................................................................
c. Regarde le document 3 page 53. Quelle image donne-t-il du roi ?
....................................................................................................................
....................................................................................................................
....................................................................................................................
3. Observe le document 3 de ton dossier page 55, puis réponds aux questions.
a. Quelle est la date de ce document ?
....................................................................................................................
b. Retrouve la date des croisades page 52 de ton dossier. Le document 3 est-il de la même époque ?
c. Décris les personnages qui sont à droite de saint Louis. Qui sont-ils ?
....................................................................................................................
....................................................................................................................
....................................................................................................................
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© HACHETTE LIVRE 2006.
....................................................................................................................
d. Qui sont les personnages derrière saint Louis ?
....................................................................................................................
e. Quels insignes religieux portent-ils ?
....................................................................................................................
....................................................................................................................
f. À quoi reconnais-tu saint Louis ?
....................................................................................................................
....................................................................................................................
....................................................................................................................
g. Quelle image de saint Louis ce document montre-t-il ?
....................................................................................................................
....................................................................................................................
....................................................................................................................
4. Cherche dans un dictionnaire les définitions suivantes :
a. Relique :
.....................................................................................................
....................................................................................................................
b. Charité :
.....................................................................................................
....................................................................................................................
5. Pourquoi Louis IX est-il surnommé « saint Louis » ?
....................................................................................................................
....................................................................................................................
....................................................................................................................
....................................................................................................................
....................................................................................................................
Résume la leçon en utilisant les mots suivants :
© HACHETTE LIVRE 2006.
Louis IX – saint Louis – croisade – justice – paix.
88
Nom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Prénom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Philippe le Bel
Dossier pages 58 à 63
1. Construis ta frise chronologique en utilisant celle de ton dossier page 58.
a. Replace les événements ou les dates importantes sur la frise chronologique suivante.
b. Colorie en vert le règne de Philippe le Bel.
c. Colorie en jaune la période de conflit avec le pape.
____-____
Règne de Philippe le Bel
1260
1270
1280
1290
1267
......................................................
......................................................
1300
1296 - 1303
.............................................
.............................................
1310
1320
1307
......................................................
......................................................
2. Qui est Philippe le Bel ?
....................................................................................................................
....................................................................................................................
....................................................................................................................
3. Lis le document 2 de ton dossier page 60, puis réponds aux questions.
a. Pourquoi un légiste de Philippe le Bel fait-il cette réponse ?
....................................................................................................................
....................................................................................................................
....................................................................................................................
b. De quoi Boniface est-il accusé ?
....................................................................................................................
....................................................................................................................
c. Pourquoi est-ce grave ?
....................................................................................................................
....................................................................................................................
....................................................................................................................
89
© HACHETTE LIVRE 2006.
....................................................................................................................
d. Comment se termine la querelle entre le pape et Philippe le Bel ?
....................................................................................................................
....................................................................................................................
e. Explique le mot idole. Tu peux t’aider d’un dictionnaire.
....................................................................................................................
....................................................................................................................
4. Qui sont les Templiers ?
....................................................................................................................
....................................................................................................................
....................................................................................................................
5. Pourquoi Philippe le Bel fait-il arrêter les Templiers ?
....................................................................................................................
....................................................................................................................
....................................................................................................................
....................................................................................................................
6. Qui est qui ?
Fils aîné de Philippe le Bel •
• Charles de Valois
Frère de Philippe le Bel •
• Isabelle
Sœur de Philippe le Bel •
• Philippe
Frère d’Isabelle •
• Charles
Frère de Louis •
• Louis
Résume la leçon en utilisant les mots :
© HACHETTE LIVRE 2006.
Philippe le Bel – Templiers – Impôt – états généraux – conseillers – guerre – pape – Temple.
90
Nom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Prénom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
La guerre de Cent Ans
Dossier pages 67 à 71
1. Complète la frise chronologique. Aide-toi de ton dossier page 66.
1356
.....................................................................
.....................................................................
1320
1330
1340
1350
1360
1415
.....................................................................
.....................................................................
1370
1380
1390
1400
1410
____
.....................................................................
.....................................................................
1420
1430
1440
1450
1460
____-____
Guerre de Cent Ans
____-____
1346 ............................................................................
Jeanne d’Arc
2. Lis le document 1 de ton dossier page 68, puis réponds aux questions.
a. Quels mots l’auteur utilise-t-il pour décrire la peste ?
....................................................................................................................
....................................................................................................................
....................................................................................................................
b. Quelle phrase te permet de dire que cette épidémie a été très importante ? Recopie-la.
....................................................................................................................
....................................................................................................................
....................................................................................................................
3. « Qui suis-je ? » Aide-toi du document 2 page 66.
a. « Je suis roi d’Angleterre de 1422 à 1471. Je suis :
..................................................
b. « Mon grand-père était Philippe VI de Valois. Je suis :
..............................................
»
»
c. « Je suis la femme d’Édouard II d’Angleterre. Je suis : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . »
d. « Un de mes fils est Louis X le Hutin. Je suis :
e. « J’ai été surnommé « le Hardi ». Je suis :
........................................................
»
.............................................................
»
a. Pourquoi la guerre de Cent Ans a-t-elle lieu ?
....................................................................................................................
....................................................................................................................
....................................................................................................................
91
© HACHETTE LIVRE 2006.
4. Lis les pages 66 à 71 de ton dossier, puis réponds aux questions.
b. La guerre a-t-elle vraiment duré 100 ans ?
....................................................................................................................
....................................................................................................................
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c. Qu’arrive-t-il au roi de France en 1356 ?
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d. Comment la guerre se finit-elle ?
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e. Les chevaliers français et anglais combattent-ils de la même façon ? Montre-le.
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f. Quels autres malheurs la France connaît-elle durant la guerre avec l’Angleterre ? Aide-toi du
« Carnet de route » de ton dossier page 71.
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Résume la leçon en utilisant les mots :
© HACHETTE LIVRE 2006.
Édouard III – Charles V – Jean II le Bon – la peste – Jacquerie – guerre de Cent Ans –
Philippe VI de Valois.
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Nom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Prénom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Jeanne d’Arc
Dossier pages 72 à 77
1. Retrouve les dates clés de la vie de Jeanne d’Arc.
Aide-toi de ton dossier pages 72 à 77.
1412 •
• l’Église catholique canonise Jeanne d’Arc
1425 •
• Jeanne d’Arc délivre Orléans
25 février 1429 •
• Procès et exécution de Jeanne d’Arc
8 mai 1429 •
• Le procès de Jeanne d’Arc est déclaré sans valeur
1430 •
• Jeanne d’Arc rencontre le roi Charles VII à Chinon
30 mai 1431 •
• Jeanne d’Arc est capturée
1450 •
• Jeanne d’Arc déclare avoir entendu des voix
1920 •
• Naissance de Jeanne d’Arc
2. Reporte les numéros sur le dessin de la miniature de ton dossier page 73.
햲 Jeanne
햳 L’évêque Cauchon
햴 Le bûcher
햵 Rouen
햶 Un moine
햷 Un croisé
햸 Le bourreau
햹 Les spectateurs
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...
...
...
...
...
...
...
a. Hérétique :
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b. Canonisation :
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© HACHETTE LIVRE 2006.
3. Recherche dans le dictionnaire les définitions suivantes :
4. Lis le document 3 et observe le document 4 page 75, puis réponds aux questions.
a. Qu’a fait Jeanne d’Arc en mai 1429 ?
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b. Quand a eu lieu le sacre de Charles VII ?
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c. Quels sont les signes du sacre ? Compare les deux documents pour répondre.
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d. Que dit Jeanne au roi (document 3) ?
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5. Qu’arrive-t-il à Jeanne d’Arc en 1431 ? Pourquoi ?
Aide-toi du « Carnet de route » page 77.
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6. Pourquoi Jeanne d’Arc est-elle devenue un personnage célèbre ?
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Construis ton résumé avec les mots suivants :
© HACHETTE LIVRE 2006.
guerre de Cent Ans – Jeanne d’Arc – Charles VII – Orléans – sacre – unité nationale.
94
Nom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Prénom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Louis XI
Dossier pages 78 à 83
1. Retrouve les dates clés de la vie de Louis XI. Aide-toi de ton dossier pages 78 à 83.
Mort du duc
de Bourgogne
Début du règne
de Louis XI
1460
1465
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......................................................
1482
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.....................................................................................
____
____
1470
1480
____
Acquisition de la Provence
1490
1483
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2. Que reproche le roi de France au duc de Bourgogne Charles le Téméraire ?
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3. Lis le texte 2 page 80 dans ton dossier, puis réponds aux questions.
a. Comment Louis XI réagissait-il lorsqu’il échouait dans un projet ?
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b. Explique le mot « mise », puis va vérifier la définition dans un dictionnaire.
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© HACHETTE LIVRE 2006.
c. Décris le roi Louis XI.
4. Lis le document 6 page 81, puis réponds aux questions.
a. Relève les mots du texte qui montrent que le duc de Bourgogne est courageux.
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b. Quels mots montrent qu’il a des défauts ?
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5. Lis le « Carnet de route » page 83, puis réponds aux questions.
a. Que fait Louis XI à la mort de Charles le Téméraire ?
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b. Quelles régions et quelles provinces entrent alors dans le domaine royal ?
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c. Comment le roi reconstruit-il le pays ?
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Résume la leçon en utilisant les mots :
© HACHETTE LIVRE 2006.
Charles le Téméraire – domaine royal – grands féodaux – Louis XI – conquêtes.
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