Délicate et saine

Transcription

Délicate et saine
Délicate et saine
Pièce de théâtre courte
En 5 scènes
Durée approximative : 30 minutes
Quatre personnages
2 femmes : Manuela Benitez – Francine Martin
2 hommes : Alan Martin – Loïc Person
Loïc Person, responsable d’Alan Martin, dragueur et prétentieux, s’invite à dîner
chez lui afin de connaître l’endroit où il vit, et surtout rencontrer l’épouse de celui-ci,
ne sachant pas qu’il a menti sur ce point et qu’il est célibataire.
Alan décide donc de trouver rapidement une femme pour la soirée.
Décors : une table et quatre chaises dans un salon
Note de l’auteur : Les didascalies sont volontairement rares afin de laisser libre cours
à l’imagination et à la personnalité des comédiens(nes) et du metteur en scène.
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Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction, intégrale ou partielle réservés pour tous pays.
ISBN : 978-1-326-19642-4
Dépôt légal : Février 2015
© Daniel Pina Lulu.com Éditeur Standard Copyright License
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Scène 1 – Francine – Alan
Alan est assis et lit un journal. Arrivée de Francine.
Francine – Encore caché derrière ton journal ?
Alan – Je ne me cache pas, j’épluche les petites annonces.
Francine – Et que cherches-tu dans les petites annonces, une voiture d’occasion?
Alan – Non, une femme.
Francine – Neuve ou d’occasion ?
Alan – Maman !
Francine – Mais enfin Alan une femme ne se trouve pas dans un journal voyons !
Alan – Ah non ! Et depuis quand ?
Francine – Depuis qu’existe Internet.
Alan – Je pense avoir plus de chance avec le journal.
Francine – Pourquoi chercher une femme à l’aide d’un support, tu ne peux pas
attendre d’en rencontrer une ?
Alan (se lève) – J’en ai besoin pour ce soir.
Francine – Oh ! Tu es en manque à ce point-là ?
Alan – C’est pour mon responsable au travail.
Francine – Entremetteur en plus ! Il ne peut pas s’en trouver une tout seul ?
Alan – Ce n’est pas ça le problème, il vient dîner et ne sait pas que je suis
célibataire.
Francine – Et alors ? Tu as le droit de l’être il me semble ! Être célibataire n’est pas
une tare que je sache ?
Alan – Bien entendu. Mais…
Francine – Mais quoi Alan ?
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Alan – C’est que… c’est un dragueur invétéré, aussi au fur à mesure des
conversations je lui ai laissé entendre que j’étais avec un véritable top model, voilà !
Francine – Ah oui quand même ! Mais pourquoi lui mentir ?
Alan – Parce que ! Il n’arrête pas de se vanter de sortir avec les plus belles femmes
de la région.
Francine – En même temps nous sommes dans le Loir-et-Cher !
Alan – Peut-être mais en attendant, moi, je suis tout seul.
Francine – Je vois ! Mon pauvre fils s’est senti diminué face à son ché-chef.
Alan – Oui, un peu !
Francine – D’où les petites annonces du journal.
Alan – C’est ça !
Francine – Il est grand temps d’évoluer tu sais !
Alan – Merci pour ton analyse, maman.
Francine – Tu es victime de la rigidité de notre société, c’est tout.
Alan – Tu parles de moi comme d’un débile là !
Francine – Je pense que tu aurais été un bon personnage pour le roman de Jane
Austen.
Alan – Quel roman ?
Francine – Orgueil et préjugés.
Alan – Je t’en prie maman, épargne-moi tes comparaisons absurdes.
Francine – Alors affronte ton chef et assume le fait que tu es célibataire.
Alan – Je suis dans la merde !
Francine – C’est une évidence, et je doute fort que tu trouves celle que tu cherches
avant ce soir.
Alan – Comment je vais me sortir de ce coup-là moi ?
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Francine – En lui disant la vérité tout simplement, si c’est un homme intelligent, il
comprendra.
Alan – Au risque de passer pour un crétin.
Francine – Et un menteur.
Alan (se replonge dans le journal) – Aide à la personne, aide à domicile, ils font ce
genre de dépannage ?
Francine – Oui mon chéri, regarde à la rubrique escorte girl.
Alan – Mais je ne veux pas d’une fille comme ça !
Francine – Tu en aurais pourtant bien besoin.
Alan – Qu’est-ce que tu dis ?
Francine – Que tu es allé trop loin dans ton mensonge et que je ne vois pas
comment t’en sortir. Tu es bien comme ton père.
Alan – C’est-à-dire ?
Francine – Toujours à compliquer les choses. Remarque, tu tiens de moi aussi, mais
juste un p’tit peu alors ! Pour le meilleur de toi.
Alan (se lève d’un bond) – Tu as raison, je vais l’appeler et annuler la soirée.
Francine – Mais non, surtout pas ! Si tu fais ça, plus jamais ton p’tit chef ne te
traitera comme un homme.
Alan – Pas grave, de toute façon il ne l’a jamais fait.
Francine – Il faut que tu arrêtes de baisser la tête, il est temps de te faire respecter.
Alan – Oui mais, je n’ai ni ton charisme ni ta notoriété.
Francine – Ça s’acquiert tout ça tu sais, je n’en ai pas toujours eu !
Alan – Dans tes relations, tu ne connaîtrais pas par hasard une femme qui serait
libre ce soir ?
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Francine – Maintenant que tu le dis je vais voir ce que je peux faire, en attendant,
continue de chercher dans le journal, sait-on jamais ! (s’éloigne pour téléphoner)
Alan – J’habite à Mer, Loir-et-Cher, région Centre, six mille habitants, moyenne
d’âge soixante-cinq ans. J’ crois bien qu’ c’est pas gagné ! (va se rasseoir) Mais
pourquoi je suis allé dire ça moi aussi ?
Après quelques secondes, retour de Francine.
Francine – Arrête de bougonner et va te préparer.
Alan – Tu as trouvé quelqu’un ?
Francine – Mais oui !
Alan – Qui est-ce ?
Francine – La fille de la première adjointe du maire… (se montre des deux pouces)
ta mère… elle est à Mer et accepte donc de venir passer la soirée avec toi.
Alan – La fille de la première adjointe est amère ? Ça ne va pas être drôle alors !
Francine – Eh bien cache ta joie mon garçon !
Alan – Merci maman, vraiment merci, sans toi je ne sais pas ce que j’aurais fait.
Francine – Qu’est-ce qu’il y a, tu n’as pas l’air satisfait ?
Alan – Tu la connais cette fille, tu l’as déjà vu, tu sais comment elle est ?
Francine – Cool mon garçon ! Non je ne la connais pas, mais sa mère n’est pas mal
du tout.
Alan – Espérons qu’elle lui ressemble alors ! Pourvu qu’elle soit belle.
Francine – Le physique semble être important pour toi on dirait ?
Alan – Oui, c’est très important.
Francine – Tu sais à quel point je t’aime mon fils, mais bon, toi-même…
Alan – Quoi maman ?
Francine – Je veux dire… tu ne remporterais pas un prix de beauté non plus !
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Alan – Je suis moche, c’est ce que tu es en train de me dire ?
Francine – Ah non mon chéri, pas moche mais, il faut être réaliste, tu ressembles
plus à ton père qu’à Ryan Gosling.
Alan – Je croyais qu’aux yeux de leurs parents les enfants étaient les plus beaux !
Francine – Mais c’est le cas mon chéri. Tu sais le physique… même les plus beaux
vieillissent et finissent par devenir moches de toute façon.
Alan – Alors si je comprends bien j’ai déjà fait la moitié du chemin !
Francine – Tout ça ne m’empêche pas de t’aimer.
Alan – Ça, ça veut dire que je ne suis vraiment pas jobard.
Francine – Pour moi tu es le plus beau. Même si tu ne l’es pas autant que Ryan
Gosling.
Alan – Merci maman, je suis vraiment rassuré.
Francine – Allez ne t’inquiète pas ! La fille de mon adjointe viendra vers vingt
heures.
Alan – Merci m’man ! C’est sympa de ta part ! Au fait, tu dînes avec nous ?
Francine – Vu que je suis ici chez moi, que c’est moi qui paye tout, alors oui, je dîne
avec vous. C’est possible ça ?
Alan – Plus on est de fous ! Franchement m’man, tu peux me dire ce qu’il a de plus
que moi ce Ryan Gosling ?
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Scène 2 – Francine – Alan – Manuela – Loïc
Alan et Francine sont sur scène
Francine – Manuela ne va pas tarder, tu as prévu quoi pour le dîner ?
Alan – Je n’en sais rien, les copains de boulot me font la surprise.
Francine – Détends-toi, même si je pense que c’est une erreur d’organiser cette
soirée.
Alan – J’en viens à espérer qu’il ne vienne pas.
Francine – Un peu de courage mon fils.
Alan – Je suis mort de trouille.
Francine – À cause d’elle ou de lui ?
Alan – À cause d’eux !
Francine – Maintenant tu ne peux plus reculer.
Alan – Alors là tu as raison ! À y réfléchir j’aurais mieux fait de me casser une jambe.
Francine – C’est quand même toi qui as provoqué cette situation !
Quelqu’un frappe à la porte. Alan va ouvrir et revient avec Manuela.
Francine (s’avance vers Manuela) – Manuela je présume ?
Manuela – Bonsoir madame le maire.
Francine – Vous savez donc qui je suis ?
Manuela – Vous savez bien que ma mère est votre adjointe, mais au-delà de ça je
connais le maire de ma ville vous savez !
Francine – Bien entendu ! Suis-je bête !
Manuela – J’en ai bien l’impression oui.
Francine – Vous dites ?
Manuela – Je ne veux pas vous mettre la pression.
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Francine – C’est gentil. Je suis ravie de vous rencontrer. Vous connaissez mon fils
Alan ?
Manuela – Non, enchantée !
Alan – Moi… moi aussi. Asseyez-vous !
Francine – Alors Manuela, comment va votre mère ?
Manuela – Bien. J’avoue que son coup de fil m’a un peu surprise.
Francine – Nous vous remercions d’être venue, n’est-ce pas Alan ?
Manuela – Pas de quoi. Alors, que me vaut le plaisir de cette invitation ?
Alan – Euh ! Voilà, c’est une démarche, comment dire, un peu particulière.
Manuela – Vous pouvez préciser ?
Alan – Bien. Mon chef vient dîner pour la première fois et croit que je suis marié.
Et… comme je lui ai un peu menti sur ma situation familiale, j’ai pensé que… vous
comprenez ?
Manuela – Non !
Alan – J’ai pensé que… enfin, si vous voulez faire semblant, ça me dépannerait.
Manuela – Faire semblant de quoi ?
Francine – D’être avec mon fils, tout simplement.
Manuela – C’est pour ça que vous m’avez invitée ?
Alan – Non ! Si, oui. Je sais que ce n’est pas politiquement correct.
Manuela – En somme vous me prenez pour une call girl !
Francine – Non Manuela, pour une collaboratrice.
Manuela – Collaboratrice mes fesses oui !
Alan (les regarde) – Oui ! Elles sont ?
Manuela – Elles sont comme elles sont, faudra faire avec, enfin façon de parler.
Alan – Ça veut dire que vous acceptez de rester ?
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Manuela – Désolée, mais je n’ pense pas être la bonne personne pour ce genre de
situation.
Alan – Francine je vous en prie ne me laissez pas tomber.
Manuela – Mais vous vous rendez compte de ce que vous me demandez ?
Alan – Je vous paierai s’il le faut. Maman combien tu peux lui donner ?
Francine – Pourquoi pas Manuela, prenez-le comme un jeu, comme un jeu de rôle.
Alan – Siou plaît siou plaît Manuela, dites oui, je vous redevrai ça !
Manuela n’a pas le temps de répondre car on frappe à la porte. Alan va
précipitamment ouvrir et revient avec Loïc.
Alan – Je vous présente…
Loïc (regarde les deux femmes et se précipite au-devant de Francine) – Je suis Loïc
Person, en personne. Je suis ravi de faire enfin la connaissance de l’épouse d’Alan.
Francine – Mais c’est que…
Loïc – Alan ne m’avait pas dit que vous étiez aussi belle.
Francine – C’est que…
Loïc – La timidité, sans doute.
Francine – C’est que… oui sans doute.
Loïc (à Alan) – Et cette adorable créature se prénomme comment ?
Alan – Ma mère femme Manu-Francine.
Loïc – Je ne comprends rien à ce que tu dis, tu as l’air stressé, détends toi mon
vieux.
Alan – C’est que…
Francine – Francine, je m’appelle Francine. Mais vous me flattez.
Manuela – Bien, puisque vous n’avez plus besoin de moi…
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Loïc (s’avance vers Manuela) – Votre discrétion en a fait oublier votre présence,
Madame ?
Manuela – Manuela… Manuela Benitez.
Loïc – Benitez ! Comme le roi de l’arène ?
Alan – Le roi de quelle reine?
Francine – Le toréro mon chéri, le toréro.
Alan – Quel toréro?
Manuela – El Cordobes !
Alan – Un toréro qui a un corps d’obèse ?
Loïc – Décidément Alan tu montres tes capacités au quotidien. Manuela, vous êtes
qui par rapport à lui ?
Manuela – Sa call girl, sa roue de secours…sa…
Alan – Elle plaisante… Manuela est… (tousse) ma femme.
Loïc (se tourne vers Francine) – Je suis confus, j’ai cru que c’était vous.
Francine – Mon ego m’a empêché de dire la vérité.
Loïc – Mais alors, vous êtes ?
Francine – Je suis sa mère.
Loïc – Vous êtes sa mère ?
Alan – Vous savez ma mère est aussi Maire de notre bonne ville de Mer.
Loïc – Vous êtes mère et Maire.
Francine – Exact, je suis Maire à Mer, j’aurais pu être terre à terre. (rires)
Loïc – D’être terre à terre vous aurez sans doute rendu amère. (rires)
Manuela – Eh ben je sens que je vais passer une bonne soirée moi !
Loïc (à Francine) – Vous êtes tout à fait charmante.
Alan – Vous savez, toute ma famille habite le Loir-et-Cher.
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Manuela – Ces gens-là ne font pas d’ manières.
Francine – Tu l’as dit bout filtre.
Loïc – Comment peut-on avoir une mère aussi jeune ?
Manuela – Comment peut-on avoir un collègue aussi impoli ?
Alan – Manuela !
Loïc – C’est pour moi que vous dites ça ?
Manuela – Bien évidemment que c’est pour vous.
Loïc – Mais pourquoi donc ?
Manuela – Vous me traitez comme une moins que rien.
Alan – Manuela !
Manuela – Quoi Manuela, ce n’est pas parce que tu te laisses piétiner par ce… ce…
que je dois en faire autant.
Alan – Par ce quoi, Manuela?
Loïc – Oui, par ce quoi, Manuela, hein ?
Francine – Personnellement j’ai une petite idée sur la question.
Manuela – Je pense avoir le bon mot pour la réponse.
Francine – Hautain, prétentieux, narcissique ?
Manuela – Je pensais plutôt à… (s’approche de Loïc et lui dit quelque chose à
l’oreille)
Loïc – Oh !! Oh !!!
Manuela – Ça vous choque ?
Loïc – Non ! Ça m’excite !!!
Alan – C’est pas vrai, j’ suis foutu. Pardonnez chef cet écart de langage.
Loïc – Je vois. Même chez toi tu es un dominé alors ?
Alan – Mais non, pas du tout.
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Francine et Manuela – Mais si !
Alan – (s’approche de Manuella, parle tout bas) C’est bon ! J’ai compris que ma
proposition ne vous intéresse pas, vous pouvez partir, je me débrouillerai tout seul.
Manuela – Mais non, quelle drôle d’idée, vous vous trompez, je reste.
Alan – Vous feriez ça pour moi ?
Manuela – Non pour moi.
Loïc – Tout va bien les amoureux ?
Manuela – Je trouve curieux qu’un type, qui soit chef de surcroît, s’invite chez un
subalterne !
Francine – C’est vrai ça, pour quelle raison monsieur Person ?
Loïc – (réfléchit avant de répondre) Mais justement, pour être un bon chef.
silence
Alan (à Loïc) – À propos tout à l’heure je peux savoir ce qu’elle vous a dit à l’oreille ?
Loïc – C’est un secret entre Manuela, Ryan Gosling et moi.
Rideau ou obscurité
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Scène 3 – Alan – Manuela – Francine – Loïc
Alan et Manuela sont sur scène
Alan – Je profite que ma mère et Loïc soient dans la cuisine pour vous remercier
d’être restée.
Manuela – Oh mais, tout le plaisir est pour moi.
Alan – Mais de quel plaisir parlez-vous au juste ?
Manuela – Celui de vous voir vous dépatouillez avec le p’tit chef par exemple.
Alan – Ah ça ! On dirait bien que ça vous amuse.
Manuela – Dites-le-moi si je me trompe mais, c’est bien vous qui êtes venu me
chercher non ?
Alan – C’est exact ! D’ailleurs n’oubliez pas qu’on se dit tu, sinon ça va paraître
bizarre.
Manuela – J’avoue ne pas en revenir d’avoir accepté cette proposition, parce qu’à
bien y réfléchir j’y gagne quoi en échange de ce service ?
Alan – Étant vendeur dans une épicerie fine je peux vous offrir, moyennant finance,
le top de nos ventes.
Manuela – C’est vraiment trop généreux !
Alan – C’est une de mes qualités. Par contre je vous demande de brosser mon chef
dans le sens du poil.
Manuela – Comptez sur moi, je vais le bouchonner le p’tit bouchon.
Alan – Vous voulez dire bichonner ?
Manuela – Je dis ce que j’ai envie de dire pigé !
Silence
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Alan – Promettez-moi de ne plus l’importuner.
Manuela – Mais ma parole vous avez peur de lui ?
Alan – Il va me mener la vie dure, vous promettez hein !
Manuela – Mais oui ! Croix de bois, et cetera.
Alan – C’est gentil de me rendre ce service, pour moi c’est inespéré.
Manuela – Quel courage !
Alan – Si vraiment, merci d’accepter.
Manuela – Franchement je ne comprends pas pourquoi vous craignez ce type.
Alan – Si je ne fais pas exactement ce qu’il a décidé il va me faire la misère.
Manuela – À ce point ?
Alan – Il se permet tout.
Manuela – Et pourquoi ?
Alan – Parce qu’il a le pouvoir.
Manuela – Quel pouvoir ?
Alan – En premier lieu celui de me gâcher la vie.
Manuela – Pauvre petit bouchon, vous êtes en âge de vous défendre non ?
Alan – Il connaît bien le grand patron.
Manuela – Ah oui ! Et c’est qui celui-là ?
Alan – Un méchant, une terreur.
Manuela – Un monstre sévirait-il dans le monde de l’épicerie fine ?
Alan – Allez-y rigolez, mais moi j’ vous l’ dis ces types sont impitoyables.
Manuela – À ce point ?
Alan – Surtout ne dites pas que je vous l’ai dit, j’ai assez de problèmes comme ça.
Manuela – De quoi parlez-vous ?
Alan – Tout compte fait je crois qu’il est préférable que vous partiez.
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Manuela – Et pourquoi donc ?
Alan – Vous avez l’air gentil et je vous trouve sympathique, c’est pour cette raison
que je ne voudrais pas qu’il vous arrive quelque chose.
Manuela – De la part de ces deux gars ?
Alan – Oui, ils sont capables de tout, surtout du pire.
Manuela – Vous croyez qu’ils me feraient du mal ?
Alan – Sans aucun doute.
Manuela – Alors vous avez besoin d’aide.
Alan – Fuyez tant que vous le pouvez, et pardonnez-moi de vous avoir embarquée
dans cette histoire.
Manuela – Pas si vite, je vous ai dit que je restais, alors je reste.
Alan – Oh là-là-là-là-là-là !!! Vous êtes sûre ?
Manuela – Puisque j’ vous l’ dis !
Alan – Pourquoi vous faites ça ?
Manuela – Je suis votre femme après tout non ?
Alan – Ben oui, mais pourtant non.
Manuela – Ce soir ce sera plus oui que non, pour semblant s’entend !
Alan – Hein ?
Arrivée de Francine et Loïc
Francine (à Alan) – Est-ce normal que le dîner ne soit toujours pas arrivé mon
chéri ?
Alan – Pas du tout, on avait dit 20 heures, je vais les appeler, ce n’est pas normal.
(sort son portable de la poche et appelle)
Loïc – Je ne suis pas étonné on ne peut pas compter sur eux.
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Manuela – Eh bien, vous ne semblez pas avoir beaucoup d’attention pour vos
collaborateurs.
Francine – Allons Manuella qu’allez-vous chercher là ?
Manuela – Je vous demande pardon ?
Alan – C’est Alan, alors je vous attends qu’est-ce que vous faites ?
Loïc – Le premier devoir d’un employé est d’obéir.
Francine – Je suis bien d’accord !
Manuela – Décidemment vous êtes très agréables tous les deux !
Loïc – Je vais prendre ça pour un compliment.
Francine – Moi aussi.
Manuela – Vous avez tort ce n’en est pas un.
Alan (en criant) – Quoi ! Comment ! Ah bon ! Pourquoi ?
Francine – Que se passe-t-il ?
Alan (en hurlant) – Vous ne pouvez pas me faire ça, (désespéré) pas ce soir.
Manuela – Mais quoi, pourquoi tu cries comme ça ?
Alan – Parce que je ne sais pas crier autrement.
Manuela – C’est une bonne explication !
Loïc – Alors Alan, j’attends les vôtres.
Alan – C’est une catastrophe, ils refusent de livrer notre dîner.
Francine – Qui ça, ils ?
Alan – Foxy et Rouky. Vraiment de faire ça c’ n’est pas chouette.
Manuela (en riant) – C’est Big Mama qui ne va pas être contente.
Francine, Alan, Loïc – Qui ça ?
Manuela – Oubliez ça !
Alan – Ils ont fermé la boutique et se sont mis en grève.
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Loïc – De quel droit se mettent-ils en grève ?
Manuela – Je pense que la bonne question est pourquoi se mettent-ils en grève ?
Loïc – Passe-moi ce téléphone. Allez, grouille-toi !
Francine – Quelle autorité !
Alan – C’est vrai ça c’est demandé si gentiment !
Loïc – Allô ! C’est Loïc Person à l’appareil alors écoutez-moi espèce de… allô ! Met
l’appareil dans sa poche - Il a raccroché l’effronté, c’était qui ?
Alan – Mon portable.
Loïc – Qui ça ?
Alan (en tendant la main) – C’est mon portable.
Loïc (en lui remettant) – Tu attaches vraiment trop d’importance à des détails !
Manuela (à Alan) – Donc, mon chéri, si j’ai bien compris nous ne mangerons pas
d’épicerie fine ce soir !
Alan – Je crains qu’il nous faille improviser, chérie.
Francine – Toujours aussi amoureux ces deux-là, c’est vraiment beau à voir, n’estce pas monsieur Person ?
Loïc – Ouais madame Martin, c’est bien beau tout ça mais j’ai surtout une folle envie
de me rincer le gosier.
Francine – Le nom de l’entreprise c’est bien Delicatessen n’est-ce pas ?
Loïc – Tout juste Auguste !
Francine – Eh bien, j’ai comme l’impression que chez vous il n’y a que la
restauration qui soit fine.
Rideau ou obscurité
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Scène 4 – Loïc – Alan – Manuela – Francine
Sont sur scène
Loïc – Je me demande Alan si ce n’est pas toi l’instigateur de cette grève.
Alan – Comment chef, pouvez-vous penser une chose pareille !
Manuela – Tu sais Alan il serait temps que tu prennes conscience que ce type est un
pur produit toxique.
Loïc – Quel type ?
Francine (à Loïc) – Je pense mon cher que c’est de vous dont il s’agit.
Loïc – Ah oui ! Vous croyez ?
Manuela – Vous êtes vraiment un bizarre personnage.
Loïc – Si vous me faites tant de compliments c’est que vous commencez à
m’apprécier plus que de raison. N’est-ce pas Alan ?
Alan – Heu !!! Ah bon !
Loïc – Il faudrait que tu serres la vis de ta femme mon vieux sinon elle va prendre le
dessus.
Alan – La vis ?
Francine (à Loïc) – Vous ne manquez vraiment pas d’air vous !
Loïc – Elles sont toutes folles de moi, vous verrez, vous n’êtes pas à l’abri non plus.
Manuela – À l’abri de quoi au juste ?
Loïc – De tomber raide dingue de moi c’tte blague !
Manuela – Si vous le dites !
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Loïc – Quoiqu’il en soit Alan merci de m’avoir invité.
Alan – Invité, invité, vous m’avez un peu forcé la main tout de même !
Loïc – J’aime me rendre compte par moi-même.
Francine – Et de quoi parlez-vous au juste ?
Loïc – Il m’est important de savoir comment mes collaborateurs mènent leur vie.
Francine – Vous parlez comme un chef d’entreprise je croyais pourtant que vous
n’étiez qu’un gérant, non ?
Manuela – Ne serait-ce pas là une ingérence dans notre vie privée ?
Loïc – Comment vous y allez ! N’y voyez dans ma démarche aucune mauvaise
pensée mais plutôt une manière de mieux nous connaître.
Francine – Et dans quel but ?
Loïc ne répond pas
Alan – Alors chef, dans quel but ?
Loïc – Je ne comprends pas la question.
Manuela – Je pense au contraire que vous comprenez parfaitement mais que vous
refusez de répondre.
Francine – Il serait intéressant de savoir pourquoi.
Loïc – Mais !!!
Alan – Mais quoi, Loïc ?
Loïc – Oh toi ça va comme ça hein !
Manuela – Que se passe-t-il, la soirée ne se déroulerait-elle pas aussi bien que
prévue, Loïc ?
Loïc – Je ne vois pas ce que vous sous-entendez !
Francine – La vérité ne serait-elle pas que vous vous faites inviter pour draguer les
femmes de vos collaborateurs ?
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Loïc – Vraiment, c’est ce que vous pensez ?
Manuela – C’est ce que nous pensons, vraiment.
Loïc – Alors dans ces conditions je me vois contrains d’abréger cette soirée.
Manuela – Pour le moment vous n’allez nulle part.
Loïc – Vous comprendrez que je n’ai plus aucune raison de rester ici.
Francine – Si j’étais vous j’obéirais.
Loïc (à Francine) – C’est vous qui allez m’en empêcher peut-être ?
Alan – Non mon vieux, c’est moi.
Loïc – Toi ? Laisse-moi rire.
Alan vient au-devant de Loïc et le pousse avec son ventre jusqu’à ce qu’il s’asseye.
Loïc – Bon ! Ça rime à quoi tout ça ?
Alan – À vrai dire je n’en sais trop rien.
Francine – Des femmes que vous connaissez sont venues me voir à la mairie, je
leur ai conseillé d’aller à la gendarmerie.
Manuela – Plusieurs plaintes pour chantage ont été déposées contre vous par
plusieurs de vos collaboratrices.
Alan – Ah bon ! Je ne le savais pas.
Loïc – Il y a sûrement erreur sur la personne.
Alan (à Manuela) – Vous êtes qui au juste ?
Loïc – Tu lui dis vous maintenant ?
Manuela – Eh oui il en est ainsi dans notre monde.
Loïc – Quel monde ?
Manuela – Celui des enquêteurs, et ce que nous avons appris sur vous n’est pas joli
joli dites donc, chantage, agressions sexuelles, coups et blessures, menaces de
mort, vous allez vous retrouver à l’ombre pour un bon bout de temps.
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Alan – C’est pas vrai !
Francine – Vous avez forcé ces femmes à coucher avec vous et avez filmé toutes
les scènes en menaçant de tout révéler aux maris.
Alan – C’est pas vrai !
Loïc – Oh toi le trouillard la ferme !
Alan – Tu sais quoi Loïc Person tu n’es pas un chef, tu n’es qu’une espèce de
branleur.
Loïc – Pas du tout, je me suis fait tout seul, à la force du poignet.
Alan – Je ne sais pas ce qui me retient de le corriger.
Francine – Ne te salis pas les mains mon chéri, les gendarmes vont venir l’arrêter.
Manuela (prend Loïc par le bras et le soulève de sa chaise) – Allez, pour vous c’est
l’heure de la prison.
Loïc – Espèce de sale flic !
Manuela – Moi, pas du tout, je ne suis pas de la police.
Alan – Ah bon ! Vous faites quoi alors ?
Manuela – Eh bien j’aurais voulu vous le dire avant mais je n’en ai pas eu le temps,
alors voilà, je suis le patron.
Alan – Le patron de quoi ?
Manuela – Le grand patron, vous savez, le monstre qui sévit dans le monde de
l’épicerie fine.
Loïc – Le patron… je ne connais qu’un seul grand patron, ce n’est pas vous.
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Alan – Pas possible ! Nous croyions tous que vous étiez un homme. Et dire que je
vous ai tutoyée !
On frappe à la porte d’entrée
Francine – La gendarmerie est là pour le poltron, une fois que vous serez parti il n’y
aura plus Person.
Alan (s’approche de Loïc) – Tu m’as fait croire que tu étais en étroite collaboration
avec le patron, tu n’es qu’un menteur et un tricheur.
Loïc – J’ te dis que le patron est un homme, c’est elle qui ment. Je hais les femmes.
Francine – Personne ici n’en doute un seul instant.
Alan – Tu as pourri la vie de tout le monde au magasin c’est pour ça qu’ils se sont
mis en grève. Mais vous patronne, que vous faisiez-vous pendant ce temps-là ?
Manuela – Ça ne fait que trois jours que j’occupe ce poste, et à l’heure qu’il est je
pense que les gendarmes ont également arrêté mon prédécesseur, pour les mêmes
motifs.
Loïc – Dommage, on formait une bonne équipe tous les deux. Je comprends
maintenant pourquoi vous ne portez pas le même nom que cet abruti d’Alan.
Alan – Abruti, et tu sais de quoi tu parles !
Manuela – Allez petit génie en route pour la cellule.
Rideau ou obscurité
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Scène Finale – Francine – Alan
Sont sur scène
Francine – Eh bien cette soirée s’est passée au-delà de nos espérances.
Alan – Quoi ! Tu étais au courant de tout ? Tu savais qui elle était ?
Francine – Eh oui, et nous avons fait boucler deux dangereux personnages.
Alan – C’est vrai et de bien belle façon.
Francine – Comment as-tu trouvé Manuela ?
Alan – J’ai bien aimé jouer le rôle de son mari, j’avoue.
Francine – En plus d’être une belle femme elle est intelligente, saine et délicate.
Alan – Patronne d’épicerie fine et être délicate et saine c’était de bonne augure.
Francine – N’empêche que, sans le vouloir tu as été bon ce soir mon chéri, tu
mériterais un César. Tu devrais te lancer dans la comédie.
Alan – Ah oui ? Merci ! Ce soir à l’affiche Alan Martin, c’est un peu commun non ?
Francine – Oui un peu, il faudra te choisir un pseudo.
Alan – Bonne idée. Quelque chose de… d’accrocheur… de sûr. Alan de…! Alan
quelque chose…! Je l’ai… Alan Gosling ça sonne bien non !
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