Paroles n°5 (mars 2005) - Université Toulouse
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Paroles n°5 (mars 2005) - Université Toulouse
LE MAGAZINE D’INFORMATION DE L’UNIVERSITÉ DE TOULOUSE-LE MIRAIL - N°5 - Mars 2005 Spécial Les femmes à l’UTM P.11 > Dossier : De la mixité à l’égalité pub MGEN Édito La longue marche vers l’égalité Notre université s’est depuis longtemps inscrite dans le long combat, jalonné d’avancées, mais aussi d’échecs et de retours en arrière, pour une égalité véritable entre les êtres humains. Les effectifs étudiants marquent une féminisation accentuée ; nous pourrions nous en réjouir or elle résulte d’un effet mécanique des débouchés auxquels préparent nombre de nos formations (métiers de l’enseignement et du travail social) et qui offrent un taux de féminisation spectaculaire. Le nombre important des femmes, enseignantes, « chercheures » ou IATOSS, exerçant leurs fonctions à l’UTM ne doit pas masquer le décalage évident dans la répartition, à leur détriment, au fur et à mesure que l’on s’élève dans la hiérarchie des titres et des indices de traitement. Enfin, si la participation des femmes aux différents conseils élus, voire à l’animation et à la direction des composantes et des services, atteint dans notre université un niveau appréciable, il est vrai que la direction centrale souffre d’une sous-féminisation avérée. Il y a donc du grain à moudre pour une action renforcée en matière d’égalité… C’est bien pourquoi j’ai, dès juin 2002, peu après le début de mon mandat, signé une convention avec la Commission Européenne pour un programme de promotion de l’égalité. Il se trouve que j’ai eu le bonheur de travailler pendant de longues années avec Rolande Trempé et Marie France Brive. À partir de leurs recherches sur les femmes engagées dans le syndicalisme et dans la Résistance et avec l’appui des présidents successifs, Marie France Brive et ses collègues ont su obtenir postes “ Il y a donc du grain à moudre pour une et moyens pour lancer enseignements action renforcée en matière d’égalité…” et recherches spécialisés sur le genre (groupe Simone/Sagesse devenu laboratoire de recherche). C’est en s’appuyant sur ce laboratoire que les chargées de mission à l’Egalité, recrutées au titre de la convention de 2002, ont rassemblé les données quantitatives et qualitatives nécessaires à toute décision. Je suis fier d’avoir mis en place une commission destinée à statuer sur les cas de harcèlement qui pourraient se présenter. Notre université n’est pas exempte de ce phénomène hélas trop répandu, mais elle est désormais en mesure de le réduire et en tous cas de dissuader ceux qui auraient tendance à s’y livrer. Ce numéro rend compte des événements qui ont marqué l’actualité récente de l’UTM, événements auxquels nos collègues femmes ont pris une part prépondérante, qu’il s’agisse du Service d’enseignement à distance ou de la nouvelle bibliothèque. En brossant le portrait de 20 collègues investies dans les secteurs les plus divers, nous rendons compte de leur action et nous saluons leur professionnalisme, ainsi que la qualité de leur engagement. À l’UTM, la mixité est un acquis que chacun peut observer. Mais l’égalité reste un objectif à atteindre. Et cet objectif exige un combat permanent auquel je convie chacune et chacun d’entre nous. Rémy Pech Président de l’Université de Toulouse-Le Mirail Rémy Pech Président de l’Université de Toulouse-Le Mirail 3> - N°5 - Mars 2005 Actualité > 6/9 Les 40 ans du SED : l’âge de la maturité > 8 • ça c’est passé le 24 novembre 2004 > 9 • Les pas de la paix > 9 > 10/13 Université en marche De la mixité à l’égalité > 11/13 Dossier spécial > 36/41 > 14/35 Études et Formations L’UTM pionnière des enseignements spécialisés sur le genre > 37/38 • Focus... L’IUT de Figeac > 40 • Paroles d’ancienne étudiante : Cécile Molio, psychologue > 27 Paroles est un magazine d’information édité par le Service d’Information et de Communication de l’Université de Toulouse II-Le Mirail • Siège de la publication : 5, Allées Antonio-Machado – 31058 Toulouse Cedex 9 – Téléphone : 05 61 50 42 50 – Courrier électronique : [email protected] – Site internet : www.univ-tlse2.fr • Directeur de la publication : Rémy Pech • Directrice de la rédaction : Vincentella de Comarmond • Coordination : Daniel Lacoste (05 61 50 41 81) • Secrétariat de rédaction : Marie-Claude Farcy • Maquette : Daniel Lacoste - Laurence Schmitt • Secrétariat : Jordane Marfaing Comité de rédaction : Jean-Marie Cellier – Vincentella de Comarmond - Philippe Dedieu - Marie-Claude Farcy - Jean-Pierre Ferré - Véronique Fontanilles - Didier Foucault - Longin Fourdrinier - Pierre Fraixanet - Daniel Lacoste - Christian Mange - Jean-Michel Minovez - Robert Ruiz - Sylvie Tiné • Ont participé à ce numéro : Benjamin Clauzel - Benoît Colas - Eric Ferrante -Nathalie Gomez Nathalie Lapeyre - Jacqueline Martin - Marie-Louise Roubaud - Sylvie Tiné • Photographies : Université de Toulouse II-Le Mirail (Daniel Avril - Joaquim Vieira) / Julien Fournet - Chloé Robert / François Canard • Conception : Rivière&Co, Toulouse (05 34 31 35 80) • Photogravure et Impression : Cent pour cyan • Publicité : Daniel Lacoste (06 87 80 84 68) et Régine Schnabel (05 61 50 49 67) • ISSN : 1764-5557 • Dépôt légal : 04/11/03 • La reproduction des textes, illustrations et photographies, partiellement ou dans leur totalité, est interdite, sauf accord préalable de la rédaction. La vie de la Recherche > 42/45 L’équipe d’accueil doctoral Simone-SAGESSE, 20ans déjà > 43 • Interview : Nicky Le Feuvre, Directrice du laboratoire de recherche SAGESSE > 43 > 46/47 Université 2010 Parcours de santé > 47 Vie Universitaire > 48/51 Harcèlement : us et coutumes > 49/50 • Parole de souffrances > 50 • Le harcèlement sexuel et moral : un délit timide et déficient > 51 • Point de vue sur le harcèlement psychologique au travail > 51 Des ouvrages à lire, des dates, des infos à retenir... À Savoir > 52/55 Actualité Étudiantes et étud étrangers...tous en Soirée d’accueil des étudiants étrangers 6> - N°5 - Mars 2005 diants nsemble ! 7> - N°5 - Mars 2005 Actualité Les 40 ans du SED : l’âge de la maturité ! La plus grande part des diplômes peuvent être préparés via le SED après un choix judicieux de modules optionnels et libres. L e 9 décembre 2004, l’Université de Toulouse-Le Mirail a célébré les quarante ans de son Service d’Enseignement à Distance. À cette occasion, le président Rémy Pech, René Souriac, ancien directeur du SED et ancien vice-président, Henri Le Prieult, directeur actuel, ont mis l’accent sur le caractère universitaire et l’utilité sociale du SED. On a pu visionner des extraits de films sur l’histoire de France réalisés par le SED et l’École supérieure de l’audiovisuel (ESAV) et un excellent film sur le service tourné pour la circonstance par Claude Aubach. Créé en 1964 pour venir en aide aux étudiant-e-s qui ne pouvaient assister aux cours, il est devenu après 1972, à l’instigation de son directeur de l’époque Emile Arnaud, une sorte 8> - N°5 - Mars 2005 d’université à distance proposant des cours faits par les mêmes enseignante-s, validés par les mêmes diplômes sur des sujets communs à tous les étudiant-e-s. Cette garantie de qualité universitaire a contribué à la réputation du SED : avec ses 5 000 inscrits, il est le service d’enseignement à distance universitaire le plus important de France. Le SED s’est adapté aux demandes du public. Ainsi, dès 1985, il propose un suivi pour les professeure-s de collèges souhaitant compléter leur formation universitaire… Avec le service de la Formation continue de l’Université, il a créé une formation à distance au Diplôme d’accès aux études universitaires (DAEU). Aujourd’hui, ses efforts se concentrent aussi sur la mise en ligne des cours dispensés au SED. Composante essentielle de notre université, ce service exprime notre ouverture sur le monde actuel et ses besoins de formation. Également réparti entre la région MidiPyrénées et le reste du monde, le public du SED est féminisé à 80 %. Équipé-e-s d’ordinateurs (80 %), les étudiant-e-s sont satisfait-e-s des cours papiers à 90 %, les enseignements en ligne sont plus discutés (50 % de satisfaction) et un manque de contacts avec les enseignant-e-s est regretté. Ces attentes justifieront de nouvelles avancées : annales d’examen, corrigés d’exercices et un meilleur suivi. Contact : Tél. 05 61 50 47 77 www.univ-tlse2.fr/sed Ça s’est passé le 24 novembre 2004 D epuis combien de temps l’attendait-on cette nouvelle Bibliothèque Universitaire ? Depuis la nuit des temps, dit l’un, depuis avant-hier reprend l’autre. On savait bien qu’elle serait là un jour, ajoute un troisième. Il fallait savoir l’attendre, la mériter. Pour sûr, ça n’est pas un bâtiment ordinaire, cette BU. Rien qu’à la voir, elle en impose, avec ses grandes baies de lumière, son parement de briques et ses deux passerelles d‘accès qui ressemblent à des ponts-levis. Pourtant elle n’est ni un château fort, ni une bastille, ni un monastère. Elle est celle qu’elle est, posée là comme en lévitation entre l’Arche et la Maison de la recherche. Une bibliothèque, rien qu’une biblio- thèque, comme on sait encore en construire aujourd’hui, à Saint-Denis, à Limoges ou ailleurs : spacieuse, lumineuse, chaleureuse, transparente, secrète, disponible, discrète… Certains prétendent qu’elle brille d’une présence singulière qui pourrait bien symboliser le renouveau du campus à l’horizon 2015. D’autres qu’elle exprime en silence une nouvelle cohérence, encore à mûrir, dans la douleur et les tensions. La voilà donc cette nouvelle BU, offerte à tous/toutes et à chacun-e comme une promesse de plein vent ou un gage de fidélité. Contact : Service Commun de la Documentation (SCD) - Tél. 05 61 50 40 92 www.univ-tlse2.fr/scd.html Rémy Pech (président de l’UTM), Nicole Belloubet-Frier (rectrice de l’académie de Toulouse), et Martin Malvy (président du conseil régional de Midi-Pyrénées) lors de l’inauguration de la nouvelle bibliothèque universitaire du Mirail. Les pas de la Paix Rachid va marcher. Pendant des heures, des jours et des nuits, il marchera. Il l’a décidé après un soir d’attentat, c’était en mars 2004, à Madrid. Mais c’était aussi après le 16 mai 2003, à Casablanca… Révolté, Rachid s’est dit qu’il allait traverser les frontières, à pieds, entraîner avec lui les pacifistes du Maroc, ceux d’Espagne, tous ceux des cinq continents qui voudraient bien le suivre. Durant ce périple de 66 jours, tout au long des 1 100 km, de Madrid à Tolède, de Ronda à Algeciras et de Tanger à Rabat jusqu’à Casablanca, la foule, les familles des victimes, les témoins anonymes, d’autres marcheurs rejoindront Rachid et l’accompagneront. En la mémoire de ces hommes et ces femmes disparus, pour soutenir les survivants, Rachid l’a décidé : il part ce 11 mars de Madrid et arrivera le 16 mai à Casablanca. Mais il ne s’arrêtera pas là. Plus tard encore, il le sait, il créera des lieux de rencontres, peutêtre des colonies de vacances pour les enfants meurtris… plus tard. Rachid marche, il avance déjà. Aidons-le à réaliser ce beau projet. Contact : Les pas de la Paix Rachid El Khomsi Tél. 06 74 12 86 94 [email protected] 9> - N°5 - Mars 2005 Université en marche 10 > - N°5 - Mars 2005 De la mixité à l’égalité… Il suffit d’arpenter les couloirs de l’Université pour constater que les femmes y sont nettement plus nombreuses que les hommes. Au Mirail, comme dans toutes les universités de Lettres et Sciences Humaines, la mixité est déjà un acquis. de femmes au Conseil d’administration, instance de décision de l’Université. La représentation équitable des hommes et des femmes, c’est-à-dire la parité, est un objectif qui n’est pas encore atteint. Q u’en est-il de l’égalité à l’UTM ? L es femmes et les hommes investissent-ils les mêmes études, les mêmes filières, les mêmes emplois, statuts, grades et fonctions ? Même si beaucoup de progrès ont déjà été accomplis, le chemin vers l’égalité est encore long… Les femmes sont bien présentes, mais pas partout de la même manière. Ainsi, l’UTM compte 70 % d’étudiantes et seulement 30 % On constate une situation quasiment paritaire dans le corps enseignant (47 % de femmes) mais une sous féminisation flagrante des professeur-e-s de rang A (27 % de femmes). Comme le soulignait un récent article paru dans Le Monde, à ce rythme là, il y aura bientôt plus de femmes au sénat qu’au sommet de la hiérarchie universitaire… En effet, dans les domaines considérés comme « prestigieux », l’égalité reste à conquérir… Étudiant-e-s de l’UTM : la féminisation varie selon les disciplines Les filles sont majoritaires dans toutes les Unités de Formation et de Recherche (UFR), mais plus ou moins… de 62 % en Sciences Espaces et Sociétés à 84 % en Psychologie. En géographie, on dénombre seulement 42 % de filles, en sciences de l’éducation, 77 %. L’orientation différenciée des filles confirme que les choix des disciplines sont marqués par les représentations stéréotypées des métiers. Aux deux extrêmes, géographe/philosophe = un métier d’homme, psychologue = un métier de femme. Stabilité de la féminisation des cycles L’UTM ne présente pas de spécificité par rapport à la moyenne nationale. En 1er cycle, les filles représentent 71 % des effectifs, 73 % en 2ème cycle et 65 % en 3ème cycle. On note une tendance à la hausse depuis une dizaine d’années en 3ème cycle. Les filles Fonds Social Européen sont de plus en plus 11 > - N°5 - Mars 2005 Université en marche Le Le personnel personnel IATOS IATOS :: peu peu de surprises… de surprises… sauf pour sauf les femmes pour lespersonnels femmes personnels d’encadrement d’encadrement diplômées, ce qui rend les inégalités sur le marché du travail d’autant plus incompréhensibles et injustifiées. Maîtres de conférences et professeurs : le plafond de verre Si la discipline est un critère de différenciation, le métier d’enseignant-e – chercheur-se, comme toutes les professions supérieures, est marqué par un « plafond de verre ». Il symbolise le butoir hiérarchique auquel se heurtent les carrières des femmes. 55 % des femmes sont représentées dans le corps des maîtres de conférences (MCF), elles ne sont plus que 27 % parmi les professeur-e-s d’université (PR). Sur 161 professeur-e-s de rang A, 44 seulement sont des femmes ! Au niveau national et pour les universités de Lettres et Sciences Humaines, 48 % de femmes sont maîtres de conférences et 27,5 % professeures. Toutes disciplines confondues, l’écart entre les deux corps se creuse : 34 % de maîtres de conférences et 14 % de professeure-s. Actuellement, un homme maître de conférences a deux fois plus de chances de devenir professeur qu’une femme et celles-ci le deviennent à 50 ans (40 ans pour les hommes). Comment expliquer cet état de fait ? Le « vivier » de femmes MCF n’est pas en cause (du moins en Lettres et Sciences Humaines). Les maternités, la 12 > - N°5 - Mars 2005 répartition inégalitaires des responsabilités familiales influencent certainement l’évolution des carrières féminines, mais n’expliquent pas tout. N’oublions pas que les exigences en matière d’enseignement, de recherche, de publication, de responsabilités administratives sont quasiment les mêmes pour les MCF et les PR. Si les femmes arrivent à « tout concilier » quand elles sont maîtres de conférences, on voit difficilement pourquoi elles n’y arriveraient pas en étant professeures. Pourtant, en 2003, sur 26 MCF recrutés à l’UTM, 13 étaient des femmes… sur 11 PR recrutés, il y avait seulement 3 femmes ! Dans le premier cas, il y avait autant de candidatures masculines que féminines. Dans le deuxième, les hommes étaient deux fois plus nombreux que les femmes… La question de la confiance en soi (et de la confiance des autres) y est certainement pour quelque chose aussi… Le « plafond de verre » concerne moins les femmes IATOS de notre Université que les femmes enseignanteschercheuses. Avec 70 % de femmes parmi le personnel administratif, le Mirail dépasse la moyenne nationale. Le personnel administratif féminin de l’Université arrive même à atteindre des postes à responsabilité puisqu’elles représentent 63 % des personnels de catégorie A au Mirail, contre 51 % au niveau national. Malgré un taux de féminisation important en catégorie A, celui-ci est moins élevé qu’en catégorie C où les salaires restent proches du SMIC et la stabilité de l’emploi est moins fréquente. La proportion de femmes parmi le personnel d’encadrement varie selon les secteurs d’activité : elles sont sur représentées en filière Administration Scolaire et Universitaire (ASU) (79 %) et bibliothèque (75 %). Par contre, elles sont sous représentées en filière Ingénieur, Technique, administratif de Recherche et de Formation (ITRF). (56 %). Malgré un taux de féminisation important en catégorie A, celui-ci est plus important en catégorie C, où les salaires restent proches du SMIC et la stabilité de l’emploi moins fréquente. Les instances de décision de l’Université : sous représentation des femmes Dans les instances de décision, les inégalités sont flagrantes : 30 % de femmes au Conseil d’administration (CA), 32.5 % au Conseil scientifique (CS). À quand l’adoption du principe démocratique de parité pour constituer les listes ? Au CA, instance qui détermine la politique de l’établissement, les femmes enseignantes-chercheuses du collège B, ainsi que les étudiantes, sont particulièrement sous représentées. Au CS, instance qui propose au Conseil d’administration les orientations politiques pour la recherche : 25 % d’étudiantes, moins de 30 % de femmes du collège A et B. Au CEVU, instance consultative, qui propose au Conseil d’administration les orientations en matière d’enseignement, on est plus proche de la représentation paritaire des hommes et des femmes (52,5 % de femmes et 47,5 % d’hommes). Les freins à la carrière des femmes renvoient certainement à l’éducation des jeunes et aux stéréotypes sexistes qui y sont véhiculés. La convention interministérielle pour la promotion de l’égalité des chances entre les femmes et les hommes dans le système éducatif de février 2000 propose d’étendre la parité aux jurys et aux instances de décision universitaires : www.education.gouv.fr/ syst/egalite/conv.html L’égalité d’accès aux listes électorales devra être prise en compte aux prochaines échéances électorales. Contacts : Nathalie Lapeyre [email protected] Tél. 05 60 50 41 07 Les travaux de la mission : www.univ-tlse2.fr/egalite-h-f Observatoire de la Vie Etudiante (OVE) : www.univ-tlse2.fr/ove Site éducation nationale : www.education.gouv.fr/syst/egalite La mission égalité hommesfemmes à l’UTM a une action de sensibilisation de l’ensemble des acteurs/actrices de l’Université à la réalité des disparités femmes – hommes : représentation des femmes dans les instances de décision, recrutements, recueil et analyse de statistiques sexuées, communication sur les textes législatifs, visibilisation et développement des enseignements, de la recherche et de la documentation sur la thématique « genre ». De 2003 à fin 2005, elle a pu exister grâce à un financement européen, qu’en sera-t-il par la suite ? Pour en savoir plus : Delavault Huguette, Boukhobza Noria, Hermann Claudine et Konrad Corinne, 2002, Les enseignantes – chercheuses à l’université. Demain la parité ?, Paris, L’Harmattan. Maruani Margaret, 2000, Travail et emploi des femmes, Paris, la découverte. Mosconi Nicole, 2000, Femmes et savoir : La société, l’école et la division sexuelle des savoirs, Paris, L’Harmattan. 13 > - N°5 - Mars 2005 Dossier spécial Paroles de femmes à l’université Textes de Marie-Louise Roubaud Photographies de François Canard 14 > - N°5 - Mars 2005 « Rendre justice au travail anonyme des femmes» U ne mère peintre, Yvette Monteil, un père médecin, admirateur des œuvres de son épouse, Christine Aribaud a grandi dans le climat affectif de la création et a trouvé de bonne heure des raisons de se passionner pour l’art. De son adolescence, on sent qu’elle a gardé comme un éblouissement renouvelé devant la beauté des êtres, des tissus, des tableaux. « Ma mère peignait et elle ne pouvait pas mettre un rideau étanche entre sa peinture et nous. L’art est devenu un exercice de famille ». Pourtant c’est par des études de sciences politiques qu’elle commence ; chemin faisant l’histoire de l’art la séduit. « C’est Michèle Pradalier qui m’a aidé dans l’orientation de mes études, dans mes thèmes de recherche : maîtrise en histoire médiévale sur la peinture murale gothique dans l’Aude et l’Hérault, puis la thèse sur les ornements liturgiques dans le diocèse de Toulouse. Cette dernière recherche m’a pris quatre ans. C’était un terrain de recherches passionnant, mais difficile au départ, parce qu’il fallait inventer une méthode d’approche, procéder à une datation qui n’avait jamais été faite ». Pour autant que l’étude soit prenante, la vie ne s’est pas arrêtée là pour Christine qui a pris le temps de se marier et de faire deux filles : Irène et Adèle, 15 ans et 12 ans aujourd’hui. L’enseignement artistique lui a donné des raisons de prolonger sa vocation de chercheur et la soutenance de thèse terminée en 1989, elle a organisé, à partir de ses travaux et au terme de deux ans de préparation, une exposition au musée Paul Dupuy « Soieries en sacristie ». Ce fut un évènement remarqué autant par la découverte Christine ARIBAUD : « Derrière chaque broderie il y a une histoire ». qu’il permettait de chefs d’œuvre tout à fait ignorés, que par l’ampleur du trésor ainsi mis en lumière : une centaine de pièces provenant des églises de Midi-Pyrénées. Cette exposition scellait également une belle histoire d’amitié entre deux femmes également investies dans leur métier : « La rencontre avec Dany Nadal, restauratrice de tissus anciens, avait été pour moi déterminante. C’est elle qui m’a initiée à l’approche technique et anthropologique des tissus ». L’expérience de la première exposition a été à ce point réussie que le musée anthropologique de Corte en Corse et l’Institut pontifical d’archéologie chrétienne de Rome l’ont chargée d’une exposition similaire à Corte. « Derrière chaque broderie, il y a une histoire humaine qui se profile. Les deux expositions ont permis entre autre de sauvegarder des chefs d’œuvre en péril ». La prochaine recherche de Christine Aribaud portera sur les broderies des Carmélites. Des études du même ordre ont été menées sur les broderies des Ursulines par Christine Turgeon, une québécoise, qui est une « ancienne » du Mirail, et par Danièle Denise conservateur au musée de Fontainebleau sur le travail de broderie dans l’ordre des Visitandines. Sans doute est-ce dans l’ordre logique que ce soit des femmes qui rendent justice à l’art anonyme… et féminin de l’aiguille. Pour Christine Aribaud la parité c’est une question de temps ; « la parité des diplômes ne fait pas tout. Après, la vie fait une sélection. Moi par exemple je ne négligerai pas mes enfants pour une carrière ; le temps est pour les femmes plus compté. Je pense aussi que les hommes aiment davantage le devant de la scène et qu’ils sont parfois plus diva que les femmes ». 15 > - N°5 - Mars 2005 Dossier spécial Participer à une œuvre commune I l n’y a pas d’âge pour suivre une formation continue. « Par contre il faut être dix fois plus motivée que la moyenne pour la mener jusqu’au bout ». Anne-Valérie Bernadas née Anne-Valérie Collu sait de quoi elle parle puisqu’elle même est passée par les chemins ardus de l’intégration et de la formation continue. Fille d’émigrés sardes arrivés dans les années 60 dans le midi toulousain elle a hérité de son ascendance méditerranéenne outre des yeux aussi bleus que la mer, l’opiniâtreté que confère la confrontation avec les obstacles de toute nature. Née dans un milieu modeste, mais « avec pour modèle une aînée plus intellectuelle que moi et avec laquelle je redoutais d’être comparée » AnneValérie a d’abord été tentée par des études de psychologie qui lui ont donné à vie le goût d’apprendre. Elle a passé quatre ans en pointillé, sur les bancs de l’université du Mirail, avec en parallèle des activités de surveillance ; le tout interrompu par un grave accident de voiture « on mesure que la vie peut s’arrêter du jour au lendemain ». Après une brève incursion dans le privé à des postes de secrétariat, Anne-Valérie est entrée sur concours à l’UTM où elle est devenue pendant 4 ans gestionnaire de cursus dans la section sociologie du Mirail pour les étudiants handicapés. « J’ai commencé à entrer dans la vie active à 19 ans. J’en ai 39 aujourd’hui. Après vingt ans j’éprouve toujours le même sentiment : la jeunesse est un éternel recommencement, même si les nouvelles générations me semblent plus matures. Elles ne vivent plus en vase clos. L’université est une micro société qui reflète à une petite échelle les problèmes de la société 16 > - N°5 - Mars 2005 Anne-Valérie BERNADAS : « L’image qui me vient à l’esprit, c’est celui d’un sablier. Je suis un des grains de sable ». civile. L’image qui me vient à l’esprit pour symboliser cet espace c’est celui d’un sablier. Je suis un des grains de sable ». En poste au secrétariat de direction de la formation continue en charge des dossiers et budgets de subventions du Conseil Régional, elle se sent heureuse de son travail : « je participe à une œuvre commune ». Elle ne s’endort pas pour autant sur ses lauriers et prépare un nouveau diplôme interuniversitaire de management de service public, d’éducation et de formation. Mariée « mon mari est cuisinier, ça tombe bien parce que j’ai horreur de faire la cuisine » mère d’une petite fille de 12 ans Déborah, Anne-Valérie pratique pour ses loisirs un sport de relaxation dérivé des arts martiaux : le taï chi chuan. Elle a hérité de son père qu’elle accompagnait sur les chantiers un goût prononcé pour la maçonnerie. Elle sait donc se servir du fil à plomb...et faire du bêton. Elle a mis son savoir faire en pratique chez elle pour l’édification d’un abri de jardin. Elle s’avoue aussi maniaque en maçonnerie que pour le montage d’un dossier. La parité ? « je ne voudrais pas jouer les avocats du diable. On fait tout pour, mais… je ne suis pas sûre que c’est parce que les hommes ont barré les femmes qu’elles n’ont pas le pouvoir. Il me semble que nous ne nous battons pour les mêmes choses. Nous cédons plus facilement la place. En ce qui me concerne que la haute hiérarchie soit investie par un homme ça ne me dérange pas, mais ça pourrait tout aussi bien être une femme. Elle est née en «Terre courage» E lle est née à Lavelanet dans l’Ariège, cet endroit où selon le peintre Mady de la Giraudière le ciel a, certains jours, une couleur violette inégalée. Marie Bonnans, aînée de deux frères et qui a fait ses études à Foix, quoique devenue toulousaine, est donc marquée par cette « Terre courage » dont on dit depuis toujours qu’elle produit des hommes et du fer, en oubliant tout de même qu’un homme sur deux est, ici aussi, une femme. Marie Bonnans qui travaille aujourd’hui en bonne entente au secrétariat du service informatique n’a pas à priori de revendication féministe ; elle appartient à une génération qui se sent libre d’être soi, sans avoir à jouer des coudes, sans avoir besoin non plus de réclamer sa place au soleil, pour se sentir maîtresse de la situation. Au terme de plusieurs stages d’informatique, après un concours d’Etat et une affectation à l’Université de Montpellier II au secrétariat du département des sciences et technologies des industries alimentaires, elle est arrivée à sa demande à l’UTM en 1998. D’abord au secrétariat de l’imprimerie et depuis cinq ans au secrétariat du service informatique. Elle ne s’est pas pour autant coulé dans le moule ; cette sportive née roule en Ducati 600 monster, ça lui permet d’arriver rapidement à l’Université et d’éviter les embouteillages, certes, mais c’est surtout le sentiment de liberté qui trouve à se fortifier dans la pratique de cette conduite. Marie Bonnans a un programme de loisirs bien à elle en dehors. Elle suit des cours de danse et ne quitte pas, l’hiver surtout, ses chères Pyrénées pour des randos en montagne, des courses de ski. Si elle apporte dans son travail son goût de l’exactitude et de la mesure, Marie BONNANS : une sportive née qui roule en Ducati 600 monster. elle garde pour sa vie hors des murs de l’Université, son amour de l’espace, de la vitesse et de la liberté et de l’originalité. 17 > - N°5 - Mars 2005 Dossier spécial Marie-Paule CANALE : « Je rêvais d’art ». « La bibliothèque comme un lieu de vie » E tudiante dans les années 80 dans la section d’histoire de l’art à l’UTM où elle est aujourd’hui installée comme bibliothécaire au service commun de la documentation Marie-Paule Canale a cette phrase digne de « la Bohême » de Puccini lorsqu’elle rappelle ses premières années d’études : « Je rêvais d’art », et deux ans de formation professionnelle intensive dans un métier qui exige des connaissances aussi bien en économie, en histoire, en sociologie, enfin en technique de l’informatique. « Mais l’information n’émerge pas 18 > - N°5 - Mars 2005 des simples moteurs de recherche. On a toujours besoin de passeurs, on l’a bien compris, même au temps d’internet, l’élément humain garde sa prépondérance et les livres eux-mêmes ont besoin pour retrouver le cycle de la vie d’être portés par des mains amicales afin d’être lus et entendus à bon escient par les lecteurs. C’est d’ailleurs cet élément de communication, si important dans la filière du livre, que Marie-Paule Canale a privilégié en créant à la rentrée 2004 avec la complicité de Mathilde Muños et avec l’équipe de la BUC un journal de liaison dont le titre « Le cri du rat » se justifie par le sous-titre humoristique lui aussi « le soir au fond de la bibliothèque après la fermeture ». Le pari a été réussi avec la création de ce journal sur papier glacé, qui informe, qui amuse, instrument de travail, de connaissance et de liaison, qui s’accompagne de précieux conseils de lecture. Marie-Paule Canale a peaufiné son métier au-delà de la licence d’ingénierie de l’information et de la communication, dans les lieux les plus divers, à travers un stage de formation aux archives municipales de Toulouse et au fonds régional de la bibliothèque municipale de Toulouse, auprès de l’incontournable Marianne Miguet, puis au Centre technique du livre de l’enseignement supérieur à Marne la Vallée, à la Médiathèque départementale de la Haute-Garonne. Elle a été amenée à sillonner le département en bibliobus et à prendre conscience des problèmes de la lecture publique sur le terrain au quotidien. Cette native du Lot et Garonne rêvait de revenir au pays. Ayant fait acte de candidature, elle a été affectée à la rentrée 1999 au traitement du fonds slave et essentiellement au service des recherches documentaires destinées à accompagner les usagers dans leur investigations, notamment dans les 2e et 3e cycles grâce à l’utilisation des outils informatisés, bases de données bibliographiques. Elle a été aidée en cela par sa connaissance de la langue puisque des ascendances ukrainiennes sommeillent dans sa branche maternelle des Wojtyniak et qui l’ont prédisposée à acquérir les bases pratiques du russe pendant trois années d’études à l’Université. Elle a pris chemin faisant le goût de la poésie russe d’Anna Akahanatova et d’Olga Sedacova. A écouter parler Marie-Paule on comprend vite que les bibliothèques quel que soit leur terrain, populaire ou universitaire, constituent pour elle une grande et vivante orchestration. Il n’y est pas interdit de jouer au chercheur de trésors. La parité ? Elle est pour bien sûr « Le métier reste un métier d’hommes. Les femmes ne sont pas ou peu représentées dans les postes de direction ». Le parcours du combattant U ne résistance de fil de fer. C’est l’image qui vient à l’esprit quand on voit Sabrina Dahache égrener le fil de ses activités. Elle est née dans le Gers à 30 km d’Auch, entre Mirande et Vic à Saint-Arailles. Un père d’origine juive, rapatrié d’Algérie dans les années 60, maçon de son métier, et une mère gersoise, exploitante agricole qui complète le revenu de l’exploitation de 19 hectares par l’élevage de canards. Grandie à la ferme, seule fille d’une fratrie qui comprend deux grands frères, dont l’un va reprendre les activités agricoles familiales après un an d’humanitaire au Mali au sein du « Croissant rouge », Sabrina a d’abord suivi ses études au lycée de Mirande. Très tôt chez elle nait la volonté d’étudier. Après un bac économique et social, elle a suivi des études par correspondance auprès du SED du Mirail, tout en occupant un poste de maîtresse d’internat au lycée d’enseignement général et technique agricole de Pavie (à côté d’Auch), sans renoncer à la participation de la vie de la ferme. « Dans mes débuts de maîtresse d’internat j’avais des élèves qui avait mon âge. J’étais timide, mais ça m’a guéri. J’ai eu très vite la réputation d’être stricte dans l’étude. J’exigeai le silence et je l’obtenais. » Quand on est maîtresse d’internat, puis conseillère principale d’éducation, la surveillance se double d’une tâche improvisée d’assistante sociale. Après deux années d’études d’anglais, Sabrina est revenue dans le giron de la sociologie sa discipline préférée qu’elle n’a plus quitté depuis. Au terme de deux années de Deug pour la licence, deux années de maîtrise avec soutenance d’un mémoire sur « les déterminants de l’installation individuelle en agriculture » elle Sabrina DAHACHE « étudier coûte que coûte ». aborde aujourd’hui en cinquième année le DEA et passe, des études par correspondance, à la fréquentation des cours du Mirail. « Le statut de maîtresse d’internat donnant priorité aux études, j’ai pu organiser mon temps de présence en fonction de mes cours. Je viens au Mirail deux jours par semaine le lundi et le mardi ». Ces deux journées ressemblent beaucoup à un parcours du combattant. Sabrina ne manque jamais aucun cours. On peut affirmer au vu de son emploi du temps qu’elle y a quelque mérite. Pour le premier semestre où les cours commencent à 8 h 30 il lui faut se lever à 5 h 30, prendre sa voiture pendant quarante minutes jusqu’à la gare la plus proche celle d’Auch où elle prend la micheline de 6 h 07 qui la mène à la gare des Arènes d’où elle rejoint en quatre stations le Mirail. « J’arrive avec une heure d’avance dans la salle de cours. Le deuxième semestre ne commençant qu’à 9 heures je peux prendre le train de 7 h 07. J’arrive toujours avec une heure d’avance. » Une petite heure mise à profit pour l’étude, comme l’a été l’heure du voyage en micheline. Le soir du lundi au mardi, Sabrina couche à l’hôtel, mange dans sa chambre. Mais tous les obstacles surmontés, il y a au bout du compte l’espoir de la soutenance de thèse en septembre sur « les filles dans l’enseignement agricole », sous la direction d’Annie Rieu et de Nicky Lefevre. Si elle privilégie l’étude, néglige le loisir, Sabrina Dahache ne sacrifie pas sa vie familiale qui lui offre tout ce qui donne du prix à une vie : le confort et la tendresse et lui insuffle la foi qui soulève les montagnes 19 > - N°5 - Mars 2005 Dossier spécial Gisèle DUGES : « Notre département ça bouge. C’est l’Espagne». « Ici on a droit à la parole » E lle a fait une entrée explosive à l’UTM au moment d’AZF ». Responsable administrative du département des études hispaniques et hispano américaines, Gisèle Dugès aborde néanmoins sans peur et sans reproche sa quatrième année de présence au Mirail et sa 25ème année d’activité au sein de l’administration de l’Education Nationale. « Je venais du rectorat d’Académie où j’avais passé vingt et un ans et j’ai retrouvé au Mirail d’anciennes collègues qui m’ont aidé à me familiariser avec les lieux. J’ai trouvé ici un état d’esprit qui me plait. On prend le temps d’écouter et on a le droit à la parole. » Gisèle Dugès, de son nom de jeune fille Guzman retrouve aussi dans le 20 > - N°5 - Mars 2005 département d’études hispaniques, la pratique de la langue maternelle. « Je suis née à Montauban de parents espagnols réfugiés. Mon père et ma mère s’étaient mariés à Madrid et à la fin de la guerre civile, nantis d’un garçon, ils avaient quitté l’Espagne, et vécu séparés l’expérience des camps dressés à la hâte sur les plages du littoral français. Dans la foulée, ils s’étaient installés dans l’Ariège où mes deux autres frères sont nés, puis à Montauban. Je me souviens que toute petite j’allais très souvent avec mon père sur la tombe d’Azana, le dernier président de la République espagnole, mort en exil à Montauban. Mon père lui était resté fidèle, alors qu’il avait débuté la guerre civile dans les rangs franquistes désertés pour le camp républicain. C’est pourquoi d’ailleurs, il était poursuivi et ne pouvait envisager de retourner en Espagne pendant toute la durée du franquisme. D’ailleurs, même à la mort de Franco ma mère craignait d’y revenir ; il a fallu que sa famille restée sur place et, nous même les enfants, nous insistions pour qu’elle envisage un retour possible.» L’héritage d’un passé somme toute douloureux n’a pas altéré la détermination à vivre de la jeune Gisèle Guzman. Après son Bac elle trouve à travailler à Montauban au PEP (« Pupilles d’Enseignement Public ») un organisme semi-public qui s’occupe d’organiser des colonies de vacances pour pupilles de la nation en collaboration avec l’Inspection d’Académie où elle va finalement assurer sur place cinq ans de présence, avec une année de délégation comme auxiliaire de bureau au lycée Bourdelle. Titularisée, Gisèle Dugès nommée au Rectorat d’Académie de Toulouse et mère d’une petite fille, choisit de revenir dans un premier temps à Montauban. « J’ai tenu un an, la plus malheureuse de la famille c’était moi. J’ai donc décidé de revenir à Toulouse, tout en continuant à vivre à Montauban. Depuis 25 ans, je prends le train matin et soir ». Cette difficulté n’en est pas une, puisque ce qui prime, c’est l’intérêt du travail. « J’ai la chance de travailler en bonne harmonie avec l’équipe administrative, avec les enseignants et avec les étudiants. Ce n’est pas certains jours une construction de tout repos. Dans notre département ça bouge, c’est l’Espagne… La prudence diplomatique de Gisèle Dugès n’exclut pas la détermination, ni la fidélité à la vocation d’origine : « Je tiens quand je le peux, à faire de l’accueil et à répondre aux attentes des étudiants dont certains sont en état de détresse ». La parité ? « Dans la fonction publique les concours et les salaires sont à égalité. Mais je reste persuadée que même là, ça ne se passe pas pareil pour les hommes et pour les femmes et qu’il y a des sacrifices à faire pour les femmes qui sont différents de ceux des hommes. » La double appartenance C omme son nom le donne à penser elle est née en Algérie, dans un village de l’Oranie, proche de Mostaganem. « Ma mère avait 18 ans quand elle s’est mariée mon père en avait 20. Je suis la quatrième d’une famille de douze enfants : trois garçons et neuf filles. Moi je n’ai eu qu’un fils. » Ceci explique-t-il cela ? « Ça a peut être joué. Mon mari est d’origine martiniquaise issu d’une famille de treize enfants. Avant de le rencontrer, je ne pouvais pas imaginer qu’il existe une famille plus nombreuse que la mienne. Le contact avec le pays d’origine ? « Jusque dans les années 70, on revenait voir nos grands-parents dans le village. La langue de la famille est restée l’arabe, mais entre frères et sœurs nous parlons français. J’avais pris la résolution de parler arabe à mon fils Mehdi mais j’y ai renoncé, parce que l’usage de l’arabe n’était pas spontané. Pour le nom de famille, Mehdi a celui de son père. Je garde mon nom de jeune fille, pour moi c’est une mise en avant de ce que je veux maintenir. Je me sens d’abord française, puis algérienne. C’est un renversement qui s’opère. De même, je me sens beaucoup plus ancrée dans ma région ». Cette région c’est le Tarn de la Montagne noire, à Mazamet, où la famille Guerraoui s’est fixée. « Il n’y a pas en moi de sentiment d’exil. Ma mère est très attachée à tout ce qui rappelle l’Algérie natale. On a baigné à travers elle dans la culture algérienne. « Ma mère, là ba,s portait le voile, était attachée à la religion, mais en France elle disait « Je ne veux pas que mes filles soient dépendantes d’un homme comme je l’ai été ». Je ne dirai pas que nos mères vivaient par procuration, je dirai plutôt que pour elles, l’identité était une identité maternelle. Le bien Zohra GUERRAOUI : « je suis liée à l’esprit d’une époque qui revendiquait la liberté pour les femmmes ». être de leurs enfants étaient leur raison de vivre. « A 18 ans j’ai passé mon Bac, puis je me suis inscrite à la faculté de droit de Toulouse. J’ai compris que ce n’était pas mon univers, et l’année suivante je me suis inscrite en psycho au Mirail. Mes parents m’ont fait confiance, comme ils ont fait confiance à mes sœurs. Ma mère a toujours vécu dans la crainte de la dislocation de la famille. On l’a entendue. Nous sommes restés très liés. Il était pour moi hors de question que je me définisse exclusivement à travers l’identité maternelle. Je suis une femme, liée à l’esprit d’une époque qui revendiquait la liberté. Je me suis toujours considérée comme une actrice de ma propre vie. Je me sens assez forte pour assumer ce que je suis ». Après un DESS en psychologie, Zohra a travaillé comme psychologue dans un centre de formation. Tout en travaillant, elle a préparé et soutenu en 1992 une thèse sur « l’identité en situation interculturelle », étude portant sur la population féminine maghrebine en France et son rapport à la contraception. Aujourd’hui, elle est MCF de psychologie interculturelle. La parité ? « Malgré tous les discours les choses changent très peu. Dans les métiers où les qualités feminines sont requises, ce sont les femmes qui sont les plus nombreuses, mais dans les sphères du pouvoir, la dominante est masculine. Contrairement au discours affirmant que le masculin opprime le féminin, je pense que nous avons notre part de responsabilité. Les femmes ne s’autorisent pas à investir d’autres champs que ceux de la tradition. » 21 > - N°5 - Mars 2005 Dossier spécial Marie-Christine HENNINGER : elle n’a eu de cesse de revenir dans la ville de son adolescence et de ses premières études. Pour une gestion sociale D irectrice adjointe du département d’Economie et gestion et de l’UFR Sciences, Espaces et Société, Marie-Christine Henninger n’est pas d’une nature à parler à la légère. Sa sobriété de ton n’exclut ni la détermination ni la passion de l’enseignement et de la recherche. La parité ? « C’est difficile à décréter. C’est une bonne chose que la question soit posée, cela évite de l’oublier. C’est comme une petite piqûre de rappel de temps à autre. Plus les nouvelles générations de femmes arrivent, plus la parité gagne du terrain. Le secteur des maîtres de conférences, dans certains départe- 22 > - N°5 - Mars 2005 ments au moins, tend vers la parité. Enfin parité bien ordonné commençant par chez soi, j’ai la chance d’être soutenue par un mari qui assume la moitié de l’intendance. Mes beauxparents me secondent également dans la garde de ma petite fille Ambre de deux ans et demi, ce qui permet de mieux gérer le caractère aléatoire de certaines réunions. » Cet esprit rigoureux s’est formé dans la région toulousaine où elle n’a eu de cesse de revenir vivre. « J’ai fait ma scolarité à Toulouse, au lycée Bellevue jusqu’au Bac, puis à l’école de commerce supérieure d’Amiens. J’ai ensuite bifurqué vers une agrégation d’économie et de gestion préparée à l’Université des Sciences Sociales Toulouse I ». Une année d’enseignement au lycée Raymond Naves lui confirme son goût pour la pratique pédagogique mais l’incite à se diriger vers le supérieur. « J’ai cherché une fonction qui me permette des responsabilités variées dans l’enseignement, dans la recherche, voire même la mise en pratique de ce que j’enseigne… la gestion. » Depuis deux ans au Mirail, MarieChristine Henninger a trouvé matière à s’investir. « Ma fille est née le 1er octobre 2002 et j’ai intégré l’Université le 1er février suivant comme maître de conférences en gestion. La dizaine d’enseignants de notre département s’est regroupé autour d’un intérêt commun pour les problématiques issues de l’économie sociale et solidaire. C’est ce qui lui donne son caractère atypique et innovant. Nous formons des étudiants que cette vision de l’économie interpelle, parfois au point d’envisager de se lancer dans un projet réel : création d’une association, d’une coopérative. Même si nous sommes encore prestataires de services pour les autres filières de la faculté, notre département a développé des filières qui adoptent un nouvel habillage avec la réforme d’une spécialité de la Licence, mention sociologie. Il permet d’adopter cette double spécialité dès la première année, ce qui est nouveau. Un Master économie qui comprend trois spécialités : économie sociale, technique de l’information et de la communication dans le développement territorial et recherche en économie sociale. Nous gagnons une nouvelle habilitation qui correspond à l’ancien DEA. » Pour autant, Marie-Christine Henninger n’a pas renoncé à la recherche. Son sujet : le réseau des AMAP : (Associations pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne), c’est-à-dire une agriculture de proximité et de qualité apte à nourrir les hommes et à faire vivre les paysans tout en respectant la nature. Qui oserait dire que ceci n’est pas un programme d’actualité ? Du plomb à l’informatique M algré son nom d’origine autrichienne Laurence Karl est née sur Seine, dans l’Aube, une région riche en cathédrales romanes… et en vins de champagne. A 19 ans, titulaire d’un BEP d’arts graphiques, elle débute dans les métiers de l’imprimerie, à l’époque du plomb, un temps pas si éloigné en somme où la presse et le livre étaient fabriqués main au « marbre » à base de limotypes, de composteurs, de clichés gravés sur des plaques de zinc. Un monde venu tout droit de Gutenberg et qui rappelait aussi l’univers balzacien. Un monde dur et exigeant, surtout pour les femmes qui y débutaient. L’air de rien Laurence Karl a donc traversé, comme toute la corporation du livre, une véritable révolution industrielle. Elle ne s’en porte pas plus mal aujourd’hui, car le métier s’est davantage féminisé, à la faveur des progrès techniques qui l’ont allégé précisément du poids du plomb. Laurence Karl fait partie de cette génération qui a vu arriver avec étonnement la PAO… C'est-à-dire Publication Assistée par Ordinateur… « Je me souviens encore dans les années 85 de la première souris. » Laurence est arrivée à Toulouse en 1993. « J’ai été embauchée par les établissements Fournié à Fonsegrives, qui réalisaient les guides de randonnée pour les éditions Milan. Je suis restée 7 ans à cette place. J’ai aimé la région tout de suite ; je ne voudrais pas repartir d’ici. Dans ma région il pleut beaucoup trop. Sur le plan du rapport humain, il me semble que les liens sont plus vite noués, mais aussi plus superficiels. On a du mal à se faire de vrais amis » ; pourtant c’est à Toulouse que Laurence a fondé une famille. « je suis mère depuis 7 ans d’un petit garçon. J’ai toujours voulu privilégier ma vie de femme et donc j’ai, à ce titre, refusé le travail de nuit qui était de Laurence KARL : « Les hommes du sud sont moins machos ». nouveau possible pour les femmes, à la suite d’une directive européenne ». Licenciée des établissements Fournié, elle a fait des remplacements au Centre national d’enseignement à distance - le CNED - avant d’arriver au service de l’imprimerie de l’Université : « Au bout de vingt ans de travail, j’ai occupé presque tous les postes de la chaîne graphique, du montage au façonnage. Mon poste actuel ? Pour moi c’est le top. Je m’y trouve épanouie, dans un bon environnement professionnel et humain ; quand on a comme moi l’expérience du privé, on se rend compte que l’administration c’est une chance. La fabrication d’un livre c’est particulièrement gratifiant lorsque l’auteur est content et qu’il vous remercie… C’est une œuvre aboutie de part et d’autre, et pour celui qui l’a écrit et pour celui qui l’a fabriqué ». Elle est sans peur et sans reproche Laurence qui n’a peur ni des changements de lieux, ni de travail. Elle aime lire des récits historiques, broder, mais oui et reprendre un jour lorsqu’elle aura un peu plus le temps la peinture sur porcelaine. La parité ? « On a beaucoup de progrès à faire. La faute à qui ? Un peu aux deux ; on a trop laissé faire ; on a trop surévalué nos possibilités. On a d’autres qualités, la subtilité, l’organisation. Bien sûr il n’est pas question de rêver de choses qu’on ne saurait pas faire, ou de compétences qu’on n’a pas. Ceci dit, c’est vrai qu’on est mise à l’écart. J’aurais tendance à dire, ayant vécu à la fois dans le Nord et dans le Sud, que les hommes du Sud sont moins machos. Ils acceptent que les femmes soient leurs égales. Dans le Nord ils préfèrent les femmes… à la maison ». 23 > - N°5 - Mars 2005 Dossier spécial Ana Isabel LEAL : « l’accent de l’Espagne ». « Le Mirail, c’est le miroir de l’Europe » E lle a l’accent d’Almodovar et le charme aussi. C'est-à-dire que lorsqu’elle parle espagnol – sa langue d’origine - elle a ce léger zézaiement des habitants de la région de Caceres, en Estrémadure, tout au sud de l’Espagne, tout contre la frontière du Portugal. Une région d’oliviers, de vignes, d’élevage et de belles ruines romaines. Une région où est né à Zarza de Granadilla le réalisateur de « Tout sur ma mère ». C’est à 200 km de sa région et de son village Cedavin qu’Ana Isabel a pourtant fait ses études : dans la très belle ville de Salamanque et dans 24 > - N°5 - Mars 2005 l’une des plus belles universités de la péninsule ibérique. Anna Isabel a mené à bien un BTS de tourisme et un diplôme d’auxiliaire de mode. C’est pendant cette période qu’elle a commencé à étudier le français, à le parler dans ses stages dans l’hôtellerie. Un proverbe espagnol affirme : l’homme propose et dieu dispose, à moins que ce ne soit l’inverse. Ana Isabel n’a pas fait carrière dans le florissant tourisme espagnol pour la simple raison qu’elle a rencontré son fiancé devenu son mari, dans son propre village où il venait passer ses vacances. Elle l’a donc suivi en France où il travaille comme électricien, devinez où ? A l’Université du Mirail ! Voilà donc notre jeune émigrée devenue pour l’état civil Ana Gonzalez, mais elle tient à garder son nom de famille « sinon je me sens dépouillée de mon identité ». La voilà passée du pays de Cervantès à celui de Montaigne et confrontée à l’inextricable grammaire française dans le département de langue étrangère de l’Université. Aujourd’hui Anna Isabel a plusieurs casquettes : elle est à la fois étudiante par correspondance, agent contractuel au service du courrier de l’Université… et épouse en charge de son foyer : « Encore heureux qu’on soit à Toulouse et pas à Strasbourg ; nous repartons deux fois par an pour le pays, retrouver nos racines. Toute une expédition, car c’est à chaque fois un voyage de plus de mille kilomètres pour arriver à bon port c’est à dire sur les terres d’où nous sommes originaires. Ici et là-bas ce sont deux mondes complètement distincts. On ne peut pas les comparer. » La parité, « On en parle. Quand le fera-t-on ? Il ne faut pas nier les évidences. Dans mon pays où le taux de chômage est très fort, les hommes ont du mal à trouver du travail. Les portes se ferment davantage pour les femmes. On leur préfère toujours un homme qui ne demande jamais de congés de maternité. » L’intégration ? « Oui, tant que je ne parle pas. Mais dès que j’ouvre la bouche, je redeviens une étrangère » ; C’est sans doute pourquoi Ana Isabel garde dans son attitude une réserve prudente, un peu de timidité. Ses premiers pas dans la vie du couple ont coïncidé avec ses premiers pas à l’Université. « Pour moi, le Mirail c’est le miroir de l’Europe ». On comprend que le sentiment d’appartenance à cette Europe ne va pas de soi. Le bilinguisme n’y suffit pas même dans un environnement familial et professionnel de qualité. En cumulant en douceur son travail, sa vie de couple et d’étudiante, Ana Isabel ne se refuse aucune difficulté. En espagnol on dit « actos son amores » ce que l’on pourrait traduire par « les actes sont des preuves d’amour ». Il semble que ce soit le cas pour notre jeune espagnole au regard loyal. Portrait de femme avec groupe A vec son parler direct, son regard qui ne vacille pas et une rhétorique qui s’appuie toujours sur le concret de la vie, Jacqueline Martin, « Jacote » pour les intimes, est une figure emblématique des études féministes. Elle a commencé il y a trente ans des recheches universitaires sur l’économie de la famille et du travail féminin (domestique et professionnel) et n’a plus quitté cette voie royale de l’affirmation de soi, ce moi étant compris comme celui du groupe. Elle a été membre du GRIEF (Groupe de Recherche Interdisciplinaire d’Etude des Femmes) à sa création en 1979. Il s’était fixé pour « objet d’appréhender à travers les processus économiques, sociaux, historiques, linguistiques, symboliques et imaginaires, les déterminations multiples et contradictoires qui constituent « la femme ». Jacqueline Martin a fait partie dès 1986 de l’équipe SIMONE créée par Marie-France Brive, morte en août 1993, et dont elle rappelle régulièrement, afin qu’on ne l’oublie pas, l’action déterminante en matière d’études féministes, ce qui explique en grande part aujourd’hui l’une des vocations et des originalités de l’Université du Mirail. « Traquer les stéréotypes sexistes toujours à l’œuvre » exige de la vigilance, un regard sans complaisance et aussi de l’humour. Jacote, au dire de ses amis-e-s, ne manque ni de l’un, ni de l’autre. « A l’école quand on demande à un enfant la profession de la mère au foyer, il marque immanquablement « sans profession ». Moi je suggère qu’on écrive : cent professions. Pour elle, les études sur le genre sont très en retard en France par rapport à ce qui se fait en Angleterre, en Allemagne, au Danemark. Tout Jacqueline MARTIN « De la maternelle à l’université traquer les stéréotypes sexistes, causes des inégalités ». simplement parce qu’il n’y a pas de volonté politique, ni dans les universités, ni dans la recherche. S’il y a un renouveau dans la vie civile, autour de la loi sur la parité de juin 2000, on ne doit pas se masquer que les inégalités entre Femmes-Hommes se creusent. « En France notamment on observe une résistance à prendre cette question au sérieux ». Il n’y a pas, bien sûr, que les études féministes qui sont dans ce cas, toute la recherche en est au même point. Faire vivre les recherches féministes à l’UTM avec les publications, les colloques, c’est aussi assurer la transmission aux jeunes générations. « Les recherches sur les rapports sociaux hommesfemmes ont apporté depuis trente ans des connaissances considérables dans toutes les disciplines. Tout enseignant, de la maternelle à l’université, devraient aujourd’hui intégrer ces connaissances à son enseignement. Car les rapports hommes-femmes, structurent de manière transversale l’ensemble du fonctionnement de nos sociétés. « Les recherches sur les violences faites aux femmes ont montré que tous les pays et toutes les catégories sociales sont concernés, étudiants compris. Chercher sur et enseigner ces réalités n’est pas du miliantisme. C’est une responsabilité professionnelle dans le cadre d’un service public.» Jacqueline Martin n’y va pas par quatre chemins, si elle est toujours sur la brèche des recherches c’est tout simplement, affirme-t-elle avec panache et humour, que « la déclaration des droits de la femme et de la citoyenne rédigées par la montalbanaise Olympe de Gouges en 1791… est toujours d’actualité ! » 25 > - N°5 - Mars 2005 Dossier spécial Karen MESCHIA : « la diversité linguistique fait de l’Université une véritable tour de Babel ». « L’esprit d’ouverture » E lle est née à Manchester le grand port du Nord de l’Angleterre, berceau de la révolution industrielle qui a connu toutes les vicissitudes et le lent déclin des villes vouées exclusivement à l’industrie. Mais commerçante, Manchester a su mieux que d’autres villes réagir, relever le gant et retrouver sa capacité d’innovation. Si elle est bien la fille de cette ville entreprenante marquée par la culture ouvrière et sociale, Karen Meschia, anglaise jusqu’au bout de ses tâches de rousseur et de ses yeux bleus pétillants de vivacité, a mené l’essentiel de sa vie et sa carrière loin des pelouses anglaises. Quand les Anglaises se mêlent d’avoir du charme on sait 26 > - N°5 - Mars 2005 qu’il n’y a pas de Chanel qui tienne. D’ailleurs, Karen qui était descendue dans le Sud de l’Angleterre à Londres pour étudier… le français, puis dans le Sud de la France à Albi pour le perfectionner, a conquis à 21 ans, chez nous, celui qui allait devenir son mari, lui donner la nationalité française et cinq enfants : Thomas, l’aîné de 26 ans, William, 23 ans, Clara, 21 ans, Alex 18 ans et James le petit dernier de 10 ans. « Mon mari est d’origine pied-noir, et dans la famille l’exilé ce n’est pas moi, c’est lui ». Comment Karen Meschia a-t-elle pu concilier sa vie d’enseignante, de chercheuse, de mère de famille, d’administrative en tant que directrice adjointe de l’UFR de langues ? « Tout est question de souplesse, dans la tête, de disponibilité, d’improvisation. Je n’ai pas attendu d’entamer une carrière universitaire pour faire mes enfants. J’ai passé l’épreuve pratique du CAPES enceinte de huit mois ». Après Albi, où elle était lectrice, Avignon et la région parisienne, elle est arrivée ici en 1985. En intégrant le système français d’enseignement, Karen Meschia a suivi le cursus normal : CAPES, agrégation, doctorat…et perdu définitivement l’accent de Manchester. Karen Meschia continue de penser que la maternité reste plus facile à vivre en France. En poste à Toulouse depuis 20 ans, elle a abordé le mandat qu’on lui a proposé il y a trois ans, comme elle aborde toutes choses : avec l’esprit ouvert. « J’ai mis provisoirement entre parenthèse mon désir de publier. J’ai la chance d’être en parfaite harmonie avec Viviane Ramond qui dirige l’UFR et avec toute l’équipe, et j’ai le sentiment d’être un acteur un peu plus impliqué. Notre souci à l’UFR de langues c’est de préserver les langues à faible effectif, face aux langues dominantes. La diversité linguistique fait de l’Université une véritable tour de Babel. Vient s’y ajouter un Institut Universitaire Professionnalisé de Traduction sous le direction de Solange Higgs qui inclue la langue des signes comme langue vivante. Ainsi se confirme la vocation sociale d’une université qui a toujours revendiqué de former des citoyens, d’accueillir au mieux les étudiants handicapés. Notre pôle d’excellence reste la recherche et notre originalité, c’est le programme sur le genre de l’équipe de recherche Simone. Par ailleurs, nous nous inscrivons dans la préparation aux licences, masters et doctorats qui est censé promouvoir la mobilité à l’échelle de l’Europe ». La parité ? « Les femmes ont moins le souci de leur carrière. Ce n’est pas l’objectif qui prime. Elles ne se calquent pas sur un modèle préétabli de réussite professionnelle. La parité c’est la discrimination provisoire ». Des tonnes de thèses E lle fait partie des « anciennes » qui ont étudié dans les vénérables amphis de la rue Lautman dont les murs de briques doivent garder encore le souvenir de quelques cours et assemblées historiques. Etudiante d’histoire et de géographie - ses professeurs s’appelaient Bartolomé Bennassar, Georges Bert rand et Charles-Olivier Carbonel Marie-Claude Mirguet a achevé son cycle d’études en juin 1968, ce qui lui fait dire sans rire « les étudiants d’aujourd’hui, je les trouve calmes ». Calme elle l’est, au terme de 34 ans de vie professionnelle passée au sein de l’administration de l’Education nationale qu’elle va quitter à la rentré prochaine pour cause de retraite, « je suis radiée des cadres, et l’expression ne m’a pas plu », un départ qu’elle attend avec placidité mais qui s’annonce aussi avec quelque nostalgie. Marie-Claude Mirguet a aimé et continue d’aimer ce métier qui l’a maintenue au chaud de la vie étudiante dans la compagnie de gens « extrêmement attachants ». « Ma première rentrée, ce fut en 1971, dans la région parisienne, à l’Inspection Académique de la préfecture du Val d’Oise à Pontoise ». Autant dire un petit exil pour cette native du Lherm qui a vécu trois ans en région parisienne avant de revenir, tambour battant, en 1971 au Mirail où l’Université de Lettres venait de s’installer. Marie-Claude Mirguet a pris également le temps de faire une fille : Claude qui a aujourd’hui 28 ans et qui, après un doctorat de physique à Paul Sabatier, exerce sa spécialité dans un laboratoire en Suède où sa mère a projeté dès les beaux jours, de lui rendre visite. Installée aujourd’hui à la Maison de la Recherche, Marie-Claude Mirguet s’occupe des dossiers des doctorats du 3ème cycle de lettres et sciences humaines. Elle manipule des tonnes de thèse par Marie-Claude MIRGUET : « Les dossiers c’est pas marrant, ce qui intéressant ce sont les gens ». an. « Il y a 110 soutenances de thèse par année scolaire, or il y a des jours où c’est la bousculade. En septembre, il y a eu le même jour 13 soutenances… Il faut trouver les salles, les horaires adéquats, faire coïncider les dates pour les étudiants, les enseignants et l’administration… un vrai bonheur ! » Dans ce contexte, « le relationnel humain est un des éléments de la réussite commune. Les dossiers c’est pas marrant, ce qui est intéressant ce sont les gens. Il ne faut pas non plus être trop familier, pour pouvoir avoir un garde-fou. On doit pouvoir déborder le temps administratif quand il y a des urgences . Chaque cas d’ailleurs est urgent ». La retraite ? « Ce sera prendre le temps de lire, de jardiner, d’entretenir la maison familiale… » La parité ? « C’est quelque chose à laquelle il faut tendre. On va y arriver, mais c’est pas demain matin. Chez nous, heureusement, la secrétaire générale est une femme, ça met du baume au cœur. Dans l’administration, il n’y a pas de problème de parité, pour la simple raison que ce sont majoritairement des femmes, mais pourquoi après tout ? On reproduit des schémas traditionnels, aussi bien dans les Universités de Lettres à majorité féminine que dans les Universités de Science à majorité masculine. Dès qu’on accède à l’échelon des professeurs d’université, on observe une majorité d’hommes. Les hommes diront toujours que c’est parce que les femmes privilégient leur vie de famille. Je trouve que c’est une version un peu trop facile. Il est plutôt question d’habitudes à changer. Ce serait un mieux si les emplois pouvaient s’équilibrer ». 27 > - N°5 - Mars 2005 Dossier spécial Florence MOUCHET : « La musique c’est un tout ». Des troubadours à la musique électro acoustique L a coïncidence veut qu’elle porte le même nom de famille Mouchet que la comédienne Catherine Mouchet à laquelle elle ressemble et qu’Alain Cavalier avait révélé dans « Thérèse » l’histoire d’une vocation religieuse. La vocation de Florence Mouchet est musicale et pédagogique. Elle est née à Limoges dans une famille où la musique règne depuis trois générations : un grand père pianiste amateur et un père flûtiste et enseignant. Florence Mouchet a pris le relais de la dynastie : « Toute 28 > - N°5 - Mars 2005 musique est accessible à tout le monde, il s’agit d’être éduqué ». Éduquée, il faut croire que Florence Mouchet l’a bien été, puisqu’elle possède l’oreille absolue. Si dès le départ de ses études elle a choisi comme sujet de thèse la musique des troubadours, c’est on l’a compris, parce que le Moyen Âge est depuis toujours sa saison préférée, sans que pour autant elle néglige les autres formes de musique ; l’œcuménisme étant sa religion elle écoute avec autant de ferveur Guillaume de Machaut que Boulez, du jazz que de la musique électro-acoustique. « Pour ma thèse, j’ai limité ma recherche aux troubadours du Midi de la France. On étudie plus souvent leur poétique et leur érotique que leur musique. Or ce furent des auteurs compositeurs à part entière qui créaient simultanément texte et musique comme Bernard de Ventadorn. Il n’était pas rare qu’à cette époque, une même mélodie serve à plusieurs textes différents. C’est un patrimoine qui a été longtemps négligé ». Il y a dix ans que Florence Mouchet enseigne à Toulouse. Le nombre des étudiants est en légère augmentation. « Ceux que nous formons envisagent comme débouché principal l’enseignement. Nous travaillons en partenariat avec le Conservatoire et nous faisons appel à eux pour les disciplines techniques. L’enseignement d’aujourd’hui diffère beaucoup de celui d’il y a trente ans ou même de celui que j’ai reçu. C’est sans doute en musique que les progrès de l’enseignement sont plus visibles. Les études sont devenues moins élitistes, plus accessibles. Nous incluons la musique dans une vision plus globalisante de la culture ». Un maître de musique n’est pas un enseignant tout à fait comme les autres. Il n’éduque pas que l’oreille et la voix, il donne sens à une philosophie de la vie. Quand on est étudiant en musique on l’est tout le temps, à l’université, dans la rue, chez soi. « Quand j’enseigne l’histoire de la musique à mes étudiants je leur parle aussi d’histoire de l’art, de civilisation, d’histoire ». Le niveau des concours est excellent et le taux de réussite des étudiants en musique est le meilleur de France. Florence Mouchet ne se contente pas de parler de musique, elle en joue aussi. « J’ai commencé à apprendre le piano à l’âge de six ans. C’est pour moi une respiration nécessaire.» Florence est enfin une jeune femme occupée à sa vie de famille, mère de deux enfants en bas âge : Thibaut, 8 ans et Solesne 4 ans. Le garçon suit la voie maternelle et joue du piano. Même si elle aime assister à des concerts de jeunes talents qui n’ont pas la notoriété qu’ils mériteraient et dont les qualités sont pourtant prometteuses, Florence Mouchet préfère le jeu à l’écoute « Sur une île déserte c’est un piano que j’emporterai pour pouvoir jouer ». Le goût de l’action solidaire À porter le nom d’un poète originaire de surcroît de l’Aude toute proche, autant s’imaginer qu’on est de sa famille. Sans faire partie du cercle des poètes disparus, sans avoir aucun lien de parenté avec Pierre Reverdy, et sans préméditer une trajectoire précise, Hélène Reverdy mène une vie pleine d’activités artistiques – musique et gymnastique rythmique dont elle a été régulièrement finaliste aux championnats de France avant de passer monitrice -associées à des activités syndicales- qui conjuguent son goût de l’action, de la solidarité…et de la poésie. Si elle se reconnaissait « un peu associable » à ses débuts, Hélène Reverdy a su dépasser les limites de sa timidité et entrer dans la vie universitaire avec enthousiasme. Sa petite enfance s’est passée à Serres sur Arget, à 11 kilomètres à la perpendiculaire de Foix. « C’était la belle époque où l’on descendait l’hiver en luge à l’école ». De ces années-là, qui ont été ses classes de nature, date son goût du mouvement et de l’effort, son amour de la montagne où elle a vécu dix huit ans et où elle revient toujours, son attachement enfin à la vie familiale à laquelle elle doit ses engagements profonds. En passant du lycée Gabriel Fauré de Foix à l’UTM et d’un Bac littéraire, mention mathématiques au Deug d’Espagnol et à une licence des sciences de l’éducation Hélène Reverdy suit une vocation pédagogique puisque sa finalité avouée est de préparer le concours d’entrée à l’IUFM : l’Institut universitaire de formation des maîtres. L’étudiante toulousaine qu’elle est devenue n’a pas coupé ses racines ariégeoises. Elle continue d’aider l’ensemble instrumental de l’Ariège, avec lequel elle a pris part l’été à l’organisation de concerts à Labastide de Besplas, au château de Palays, à Helène REVERDY : « On est très peu à vouloir que les choses changent ». Auzat. En découvrant les charmes de la vie toulousaine, Hélène Reverdy a également découvert les vertus du compagnonnage syndical. Elle est secrétaire générale de l’UNEF et en est à sa troisième année de militantisme. « J’ai assisté à une AG et j’ai été accrochée tout de suite par les idées défendues. La plupart des étudiants du Mirail sont salariés et il leur est difficile souvent d’assurer convenablement leur temps d’ études. Nous nous battons pour une refonte du système des bourses, pour une allocation d’autonomie. Il faut savoir que certains vivent dans des situations de grande précarité, avec parfois 390 euros par mois ». L’action syndicale ne se contente pas du cadre local. C’est ainsi que l’UNEF s’est naturellement mobilisée lors des inondations de l’Asie du sud-est en prenant comme relais les sommes réunies par le Secours Populaire. Enfin l’UNEF et Hélène Reverdy en particulier, se sont mobilisés contre l’action violente des néo-nazis qui sont actifs sur d’autres campus. Ses convictions, Hélène Reverdy les tient de sa famille et pour cause. « Mon arrière grand-père, 85 ans, a vécu la déportation. Il a fait partie de ce qu’on appelait le convoi de la mort vers Buchenwald-Dachau en avril 1945. S’il a survécu il m’a toujours dit que c’était à cause de la solidarité entre les prisonniers et aussi parce qu’un SS l’avait aidé ». Nul besoin donc de parler du devoir de mémoire à Hélène, qui n’oublie pas les leçons de l’histoire familiale. La parité ? « La différence n’est pas dans nos capacités. Il faut continuer à se battre pour obtenir un droit égal. En fait on est très peu à vouloir que les choses changent réellement ». 29 > - N°5 - Mars 2005 Dossier spécial Annie RIEU : au croisement des rapports de classe et de sexe. Une sociologie compréhensive E lle est née dans l’Ariège au pied des Pyrénées à Couflens, de la rencontre non programmée d’un paysan du crû, devenu ouvrier en milieu rural, dont elle a découvert tardivement qu’il s’était engagé pendant la guerre dans les rangs de la Résistance comme passeur, et d’une mère réfugiée catalane arrivée de Barcelone, à pied avec sa famille jusqu’au Perthus, dans la cohorte des 500 000 républicains espagnols chassés par le franquisme. Annie Rieu a grandi dans le climat endolori de deux guerres successives celle de l’Espagne et de la France face aux fascismes franquiste puis hitlérien, dans le compagnonnage d’une paysannerie sans terre où les femmes n’avaient pas d’autre identité que 30 > - N°5 - Mars 2005 celle de la famille. Cet environnement affectif et social a orienté tous ses engagements politiques et ses choix de recherches futures. Annie Rieu a grandi dans la langue occitane qu’elle continue de vénérer comme la langue catalane d’ailleurs. La recherche sur le terrain de la ruralité auprès des femmes en activité, en Aveyron, dans le Gers dans « son » Ariège lui ont fait prendre la mesure « d’une domination qui ne disait pas son nom ». « Les cénacles politiques et les organismes de défense des agriculteurs sont des bastions masculins. Les femmes n’occupent pas des postes clés dans l’exécutif. Si elles n’ont pas un statut de chef d’exploitation les femmes agricultrices à la retraite se retrouvent avec l’équivalent d’un RMI ». Combative, Annie Rieu l’est à sa manière tranquille. Si le feu couve en elle, il ne transparaît qu’à ses tâches de rousseur, à sa chevelure, à l’éclat sombre des yeux. Le langage est ferme mais le ton est mesuré. Elle interroge le terrain, elle enregistre, elle écrit, elle publie des articles et un livre : « Femmes engagements publics et vie privée » (éd. Syllespse) écrit en collaboration avec Yannick le Quentrec. Annie Rieu a fait de sa propre vie la source d’une sociologie « compréhensive » où elle ne perd jamais de vue son propre itinéraire qui la rend solidaire des moins fortunés, en souvenir du temps où c’était elle qu’on aidait. « L’institutrice du village, les professeurs des collèges, nous ont permis d’accéder à des études supérieures au Mirail où là aussi, les relais existaient : Georges Calvet, Claude Rivals ». Annie Rieu, sociologue, est depuis 1982, chargée de recherches au CNRS dans l’unité mixte de recherche 5044 : le CERTOP (Centre d’Etudes et de Recherches, Travail, Organisation, Pouvoir) et associée à l’équipe Simone/ SAGESSE dont elle a été au départ l’un des membres fondateurs. Elle continue de travailler sur la place des femmes dans les organismes politiques et syndicaux, leur articulation avec la vie privée et les résistances masculines. « J’ai découvert un peu tard que j’aimais m’engager. Je suis une femme politique et politisée. Si je suis entrée en politique c’est pour participer à la réduction des inégalités. Mes choix me placent au croisement des rapports de classe et de sexe ». Elle goûte toujours l’inestimable bonheur de choisir ses sujets, d’être dans une équipe et d’encadrer des maîtrises qui correspondent à ses propres interrogations. La parité ? « Elle existe plus dans les discours que dans les faits. Et puis on a beau aligner des chiffres, là où est le pouvoir, les femmes ne sont pas. La quantité n’est pas la qualité. Les postes de décision ne leur reviennent pas. Il faudrait savoir pourquoi. Il faut croire que le pouvoir a du bon puisque les hommes tiennent tant à le garder ». Le sentiment de la liberté À cause de son nom, on la croirait polonaise, née sur les bords de la Baltique. Il n’en est rien. Stalinski c’est en fait le nom de son mari –polonais et normand- et sa blondeur et ses yeux bleus sont tout simplement ceux d’une lot-et-garonnaise née sur les bords de la Garonne, à Bordeaux, une ville dans les veines de laquelle coulent, comme dans toute la plaine atlantique, quelques gouttes de sang anglais. C’est à Bordeaux qu’Annick a fait ses études d’espagnol jusqu’à la licence et c’est Toulouse qui l’a accueillie à bras ouverts pour la deuxième partie de sa vie professionnelle au Rectorat de l’Académie d’abord, puis à l’UTM qui complète et couronne sa carrière. Entre ses deux époques, Annick Hébrard est devenue Annick Stalinski et a vécu ce qu’elle appelle « la belle époque » au collège Jean Mermoz à Soissons où elle avait en charge l’intendance, la restauration, l’établissement du budget, la gestion du personnel d’entretien, le tout dans une atmosphère familiale. Annick Stalinski est restée onze ans attachée au Rectorat de Toulouse où elle s’occupait de la vie scolaire, des conseils d’administration des lycées et des collèges, de l’attribution des fonds sociaux pour les établissements publics locaux d’enseignement (EPLE) une mesure d’aide instituée par Ségolène Royal. « Il m’a semblé qu’au bout de onze ans j’avais fait le tour des choses. J’ai vécu chaque changement de situation comme un enrichissement, qui me permettait de connaître un autre monde. J’étais curieuse d’une expérience universitaire. Je suis arrivée au Mirail, à ma demande, il y a cinq ans ». A l’administration centrale du Mirail Annick Stalinski a retrouvé des conditions de travail idéales : « on m’a Annick STALINSKI : « je suis pour un salaire de la femme au foyer ». fait confiance et on m’a laissé carte blanche. J’ai trouvé ici un sentiment de liberté. C’est vrai que le travail empiète parfois sur ma vie privée, mais je ne le déplore pas, puisque c’est un choix ». Dans une université qui vit au rythme régulier des conseils d’administration, la tâche administrative est constante, dès lors qu’il s’agit de veiller à l’ordre du jour, au respect des quorums, à la convocation des experts, des membres des conseils, « tout le monde a accès aux décisions dans les trois jours ». Fidèle pour les vacances à l’océan, au charme du bassin d’Arcachon et à celui plus torride des terres intérieures du bordelais, Annick Stalinski vit avec bonheur à Toulouse, « Je n’ai jamais compris qu’on oppose les deux villes, chacune a ses atouts. Je ne me revendique pas plus de l’une que de l’autre ». La parité ? « Si j’ai choisi très tôt l’administration publique c’est qu’on y trouvait à poste égal des salaires égaux. J’avais l’exemple de ma mère qui avait souffert d’abandonner son travail pour m’élever. Elle était totalement dépendante de mon père, et c’est elle qui m’a poussé à préserver mon indépendance. J’ai refait moi aussi une fille unique parce que étant donné l’organisation de travail de notre couple un deuxième enfant m’aurait obligé à abandonner une fonction d’encadrement qui exigeait que je sois toujours présente. Aussi, suis-je pour un salaire de la femme au foyer. Si on veut que les femmes fassent des enfants il faut les aider. Ma vision de l’avenir est raisonnablement pessimiste. Il me semble qu’aujourd’hui les jeunes générations souffrent de rapports de violence qui sont comme le contrecoup de la libération des femmes ». 31 > - N°5 - Mars 2005 Dossier spécial Iris STROBEL : « mes amis aujourd’hui sont surtout français ». La fibre européenne E lle est née dans un paysage de montagnes à l’ouest de la Bavière à Kempten. Très tôt elle a voyagé – « l’esprit du voyage est dans la famille » - à la suite de papa et maman, une mère souriante et séduisante photographiée avec tendresse et humour dans un paysage de neige baigné dans la lumière ocre et rouge d’un coucher de soleil. Le père d’Iris Strobel est peintre le dimanche et le reste de la semaine il restaure les poêles anciens, d’authentiques et imposants chefs-d’œuvre de faïence qui ornent et réchauffent les châteaux et les grandes demeures bourgeoises. « Dès l’enfance j’avais un rêve, c’était d’apprendre le français couramment ». Cet amour de la langue et du pays est 32 > - N°5 - Mars 2005 né de vacances passées au soleil dans les confins des Corbières « chez des amis de mes parents ». Iris Strobel est passé du rêve à la réalité. Non seulement elle vit dans ce Sud qui l’a très tôt aimantée, mais elle accomplit ses études d’arts plastiques au Mirail, dans la langue qui a bercé son adolescence et qu’elle parle aujourd’hui couramment, avec une pointe d’accent. « Mes amis sont surtout français ». Son but n’était pas en effet de retrouver l’Allemagne à Toulouse, pourtant pourvue d’une colonie allemande importante. Pour autant, elle n’a pas rompu les amarres avec sa propre famille qu’elle revoit régulièrement à l’occasion des fêtes importantes et dont elle partage le goût pour la peinture et la nature. Des goûts qui trouvent largement à s’exprimer dans son travail de plasticienne où elle associe l’image et la musique dans des variations au climat bien tempéré… Iris, qui rêve de la France quand elle est en Allemagne et de l’Allemagne quand elle est en France, se sent en fait très européenne. Cette filiation ne la coupe pas du reste du monde, question là aussi de culture familiale. Sa mère est une adepte du shiatsu, une méthode de relaxation orientale et un de ses frères vit aujourd’hui aux Etats-Unis. Oui, l’esprit du voyage et de la découverte est, chez les Strobel, plus qu’un loisir : une méthode d’investigation du monde. Iris elle a choisi de découvrir l’Inde, dont elle a parcouru le Sud à partir de Bombay, il n’y a pas si longtemps pour ses 21 ans, d’octobre 2001 à janvier 2002. Un voyage qui l’a marquée et qui l’a changée : « C’était très dur à cause de la misère et à la fois très dépaysant, très déroutant car leur culture n’a rien à voir avec la nôtre. Les hindous fonctionnent complètement différemment de nous. J’ai essayé de mieux comprendre ce pays à travers des lectures et notamment celle du livre de Rohinton Mistry L’équilibre du monde. Iris Strobel a le goût altruiste du dépassement de soi… et la fibre pédagogique. Elle souhaite donc enseigner, à des enfants de 7 à 12 ans ce qu’elle aime par-dessus tout : l’art. Ses choix ne sont pas encore clairement définis. Vivre en France où sont ses nouveaux amis et sa nouvelle vie ou en Allemagne où réside sa famille ? Le choix est d’autant plus difficile, qu’elle se sent aujourd’hui chez elle des deux côtés du Rhin. En attendant, Iris Strobel poursuit avec sérénité ses études et ses examens. Elle s’accorde un temps de loisirs en ville : des cours de danse contemporaine et de percussion orientale sur un instrument marocain : la darbouka. Et pour les vacances, cette montagnarde qui aime et la neige et la montagne parle avec un grand éclat de rire gourmand des plaisirs de l’été au bord de la mer, la nôtre s’entend. Au cœur de la planète livre E n elle, tout est mouvement et flamboiement, Sylvie Tiné se meut dans la planète des livres avec l’autorité enjouée que donne une passion accomplie. Cette jeune femme, mince et nerveuse, est une avocate passionnée de la cause de la lecture. Son espace privilégié : la librairie « Études » dont elle assure la responsabilité il y a eu quinze ans en octobre dernier, et qui fonctionne sur l’association de deux librairies toulousaines : Ombres blanches et Privat. « Je peux dire que c’est ici que j’ai compris le métier, que c’est ici que j’ai découvert tout le sens qu’il avait pour moi. C’est ici que j’ai compris l’importance de ce métier, point de passage entre l’éditeur, l’auteur et le lecteur ». Sylvie Tiné ne saurait parler de ce qu’elle aime sans y ajouter la grâce et la foi. Si Sainte Thèrèse d’Avila disait trouver Dieu dans ses casseroles, Sylvie Tiné a trouvé elle, dans les livres, une saveur supplémentaire à l’existence. « Au départ, j’ai été une lectrice, une bouffeuse de livres. J’avais un Deug de lettres. Je voulais être journaliste. Non pas pour faire de la critique de livres. Je voulais rendre compte, être dans l’évènement. Et puis finalement c’est ce que je fais dans mon métier d’aujourd’hui. Au moment où Christian Thorel a agrandi la superficie de sa librairie, il avait besoin de quelqu’un et moi j’avais besoin de me remettre dans la vie. La rencontre s’est faite, à mon bénéfice, avec un homme que je considère exceptionnel tant il est un homme de culture et un entrepreneur. Il m’a proposé la responsabilité de la librairie sur le camps. Tout était à faire, un véritable laboratoire. Nous avons été la première librairie à nous installer sur un campus universitaire. Nous avons obtenu l’accord du Ministère et il y a eu une volonté forte Sylvie TINE : « Nous avons été la première librairie à nous installer sur un campus universitaire ». des instances universitaires locales qui faisait suite à une réflexion sur la lecture en milieu étudiant. L’ouverture de la librairie répondait à un afflux de population étudiante dont les besoins n’étaient pas couverts par les prêts d’ouvrages. Notre seul impératif : n’être pas déficitaire. Nous sommes une affaire privée qui a une mission à caractère public ». De cette difficulté, Sylvie Tiné a fait un atout . « C’est prenant et passionnant. Nous sommes un lieu de création innovant, un lieu d‘animation, car je provoque des rencontres avec des auteurs, sans faire du suivisme. Nous sommes un lieu atypique. Notre but c’est d’amener les jeunes à lire en leur prouvant qu’on peut conjuguer les lectures savantes et ludiques. Nous invitons donc des écrivains qui correspondent à cet état d’esprit : François Bon, Bernard Noël, Stephanie Benson, Jean Rouaud, Christine Jordis, Fred Vargas, Michel Vovelle - historien de la Révolution française, Bartolomé Bennassar, François Godicheau, etc… Bien sûr on envisage l’avenir avec une certaine inquiétude. Le livre scolaire reste cher. Combien de temps peuton assurer le risque financier, pour que nos librairies restent encore des lieux de découvertes, de rencontres, de production du savoir ? Le lectorat cultivé exigeant s’effrite. La relation avec le livre est remise en cause avec tout le système d’accès gratuit à la presse, au disque… ». La parité ? « Je ne crois pas à l’égalité mais à l’affirmation des différences… et au respect des personnes. La parité me va très bien. Dans la parité il y a la différence. Ça nous place dans la construction d’un être ensemble ». 33 > - N°5 - Mars 2005 Dossier spécial Nathalie VALIERE : l’exemple d’une formation continue réussie. Statistiques and Co A dolescente, elle voulait jouer au football : « L’entraîneur de mon frère souhaitait me récupérer ». On imagine en effet qu’elle devait être une bonne recrue, difficile à rattraper à la course, parce que volontaire. Mais l’époque n’était pas aux femmes sur les pelouses et l’opposition maternelle aidant, Nathalie Valière s’est contentée de pratiquer la pétanque, le vélo, le basket et le badmington. Aujourd’hui, où mariée elle est mère de deux enfants en bas âge, Lilian 6 ans et Lola 4 ans, et où une opération à la cheville et des complications au genou la tiennent éloignée de la pratique du sport, elle pratique l’aquarelle en vacances dans l’Aveyron ou en Provence. En épousant un homme originaire de Naucelle, dans ce qu’on appelle « la 34 > - N°5 - Mars 2005 petite Irlande », elle a aussi épousé la cause du rugby et celle de l’Aveyron. Née à un kilomètre du Mirail, à la Fourguette où jadis ses grandsparents maraîchers faisaient pousser des salades avant d’être expropriés pour cause d’édification des grands ensembles, Nathalie Valière a passé une scolarité paisible au collège la Reynerie puis au lycée polyvalent du Mirail pour un Bac professionnel de comptabilité. « L’université cherchait à recruter pour son service de statistiques et je me suis présentée à la rentrée d’octobre 1991. Alain Dintilhac était arrivé l’année précédente pour diriger le service. Pour moi il a été comme une bonne étoile, il m’a poussé à reprendre les études. » Au bout de deux ans de présence au Mirail, tout en y continuant son travail Nathalie Valière s’est lancée dans la formation continue : aux cours du soirs de l’IPST (Institut de la Promotion Sociale du Travail) pour obtenir un DUT (Diplôme Universitaire Technologique) d’informatique puis une licence IUP-MIAGE (Institut Universitaire Professionnel, Méthode Informatique Appliquée à la Gestion des Entreprises). Quatre années de formation d’arrachepied qui correspondent à un bond qualificatif important. « Le plus difficile, c’était les mathématiques. Je n’avais pas le niveau scientifique requis ». Entre-temps, Nathalie avait rencontré celui qui allait devenir son mari « Il m’a beaucoup aidé, encouragé même. Je n’ai rien à reprocher aux hommes ! ». Aujourd’hui où le service s’est étoffé, Nathalie reste la seule femme dans une unité de cinq personnes. Elle effectue le travail que faisait son chef de service : la gestion des statistiques côté étudiant. On travaille souvent avec l’Observatoire de la Vie Etudiante. On a pu ainsi déterminer qu’au bout de la première année, un étudiant sur trois quitte l’Université. Ceux qui restent réussissent plus vite qu’avant grâce au système de compensation. Dans l’effectif de 26 798 étudiants de la rentrée de 2004-2005 (on est précis en statistiques) 70 % sont des femmes ! L’UFR la plus importante est celle des langues, suivie de l’UFR SES ». La statisticienne chevronnée qu’elle est devenue au terme de 14 ans de vie universitaire n’a pas tué chez Nathalie le goût de la communication. Si elle se refuse à toute coquetterie dans le rapport homme-femme, la camaraderie n’est pas pour elle une valeur vide de sens. « La parité ? Une femme doit être deux fois plus compétente qu’un homme pour se faire admettre. Elle n’a pas le droit de se tromper. Une femme si elle arrive à un poste supérieur, elle y arrive plus tard. On a déjà une grande chance, c’est de travailler. Mon voeu le plus cher a toujours été de me rendre indépendante, y compris de mon mari. Je vis avec lui parce que je l’aime, pas parce qu’il subvient à mes besoins ». Femme-orchestre Au terme d’une vingtaine de rencontres, avec des femmes qui « font » l’université du Mirail et lui donnent son visage et son allant, le comité de rédaction maître d’œuvre de ce « Paroles de femmes » m’a demandé de brosser le portrait de Vincentella de Comarmond. Elle aura la surprise de se découvrir au moment de la mise sous presse. Ce portrait doit tout à l’amitié des gens qui l’entourent et dont je suis l’interprète. L’ étincelle qui est dans son prénom Vincentella, qui lui a été donné en souvenir de sa tante héroïne tragique de la Résistance sous le nom de Danièle Casanova, oui cette étincelle est à la fois dans son regard et dans ses actes. Ce prénom peu banal d’origine corse, a exercé sur celle qui le portait, du fait de l’histoire familiale, l’exigence d’un dépassement de soi qui sous-tend une bonne partie de son action. Tous ceux qui travaillent avec elle depuis ses débuts - en décembre 1999 comme responsable administrative du département de sociologie – savent combien son audace créatrice est tempérée par l’authentique souci de ne rien entreprendre qui ne soit au service d’autrui. Rémy Pech, en accédant à la présidence de l’Université en avril 2001, l’a choisie comme directrice de cabinet, fonction qui se double aujourd’hui de celle de directrice de la communication. En quatre ans de présence à ces postes, Vincentella ne lui a pas donné l’occasion de regretter la pertinence de son choix. « Par ses qualités humaines, sa volonté, sa ténacité, la finesse de son esprit, par sa vaste culture, enfin par l’étendue du réseau de relations qu’elle a su établir pour assurer à l’Université une écoute directe auprès des services du ministère, elle m’a puissamment aidé dans mon mandat. Elle a largement contribué à fortifier l’image de ma présidence en Vincentella de Comarmond : elle sait persuader et insuffler son énergie. reprenant des secteurs dispersés de la communication interne et extérieure avec notamment la création de Paroles. Elle a insufflé une énergie nouvelle. Elle sait persuader et payer de sa personne. Elle est foisonnante. Elle a montré l’étendue de sa compétence au moment d’AZF ». Figure de proue et femme-orchestre du renouvellement de l’Université, Vincentella a mis au service de ce chantier en mouvement, son envergure et les compétences acquises en amont. Après avoir suivi les cours de DEA de philosophie politique, elle s’occupe de la diffusion des manuels scolaires des éditions Magnard dans les pays francophones, puis elle est rédactrice au ministère de la Culture et de la communication et enfin documen- taliste responsable de la valorisation d’un centre de recherche à l’Université de Paris I Panthéon-Sorbonne. Si ses collaborateurs les plus proches lui reconnaissent d’évidentes qualités professionnelles– « elle sait aller vite à l’essentiel »–, ils rendent aussi hommage à la sensibilité à fleur de peau de cette femme de cœur, mère de famille –trois enfants, les jumelles Elsa et Marie et la petite dernière Jeanne, 8 ans - qui sait toujours prendre en compte l’élément humain. La lecture, le cinéma, le sport lui sont enrichissement personnel constant et ne l’écartent pas de ce terrain mouvant dont l’Université du Mirail offre un exemple accompli : une communauté humaine soudée par le désir de ne pas se conformer à l’ordre social établi. 35 > - N°5 - Mars 2005 Études et Formations an dro fém c e n i n i t r is sex s at me is m i o n e fem me hom me n i l u c s in a m in m é f t a c r a i r t pa n o i t a n i m i r dis c s e x exe e s s s e e d xd é t i u l a a i g c é o n s i s t r o p rap g e n re 36 > - N°5 - Mars 2005 L’UTM pionnière des enseignements spécialisés sur le genre La question de la place accordée aux femmes et au genre dans les enseignements et recherches universitaires constitue une préoccupation croissante dans les actions en faveur de l’égalité des sexes en France et à l’étranger. Promouvoir l’égalité des chances E n France, la convention interministérielle pour la promotion de l’égalité des chances entre les femmes et les hommes dans le système éducatif, signée entre le ministère de l’Éducation nationale et le Service des droits des femmes en février 2000, préconise d’évaluer la place faite aux femmes dans les programmes d’enseignement, de rappeler l’apport des femmes dans les champs du savoir, d’introduire des contenus relatifs à la construction des rôles sociaux de sexe, de poursuivre la réflexion sur la place accordée aux femmes dans les manuels scolaires. Une étude récente recensant les enseignements et recherches sur le genre en France, réalisée par l’Association Nationale des Études Féministes (ANEF), montre que peu d’universités proposent des enseignements spécifiques sur le genre, notamment en 1er cycle (voir www.anef.org/publications.php#3). Que propose l’Université ? À l’UTM, suivre des cours sur les rapports sociaux de sexe, sur l’histoire des femmes, sur la place des femmes dans la littérature… c’est possible. Depuis une vingtaine d’années, toute une filière études « genre » s’est créée. Elle propose aux étudiant-e-s une palette de cours et de séminaires spécialisés, situés à tous les niveaux du cursus universitaire. L’UTM, présente dès les années 1970 Les premiers enseignements sur les femmes datent du milieu des années 1970. Ils ont été impulsés par Rolande Trempé en histoire et Monique Haicault en sociologie. Toutefois, ces cours ont surtout été développés à la suite de la création, en 1984, d’un premier poste de maître de conférences en « Histoire 37 > - N°5 - Mars 2005 Études et Formations contemporaine - études féministes », occupé à l’époque par Marie-France Brive, puis par Djamila Amrane entre 1994 et 2004. Un second poste spécialisé en sociologie est occupé depuis 1992 par Nicky Le Feuvre. L’UTM est ainsi une des rares universités en France à bénéficier de deux postes de maîtres de conférences spécialisés en études sur le genre et d’une équipe de recherche spécialisée. Porté par cette dynamique, un Master professionnel intitulé « Politiques sociales et rapports sociaux hommes - femmes » a été créé par le département des sciences sociales, en 1993. Ce Master pluridisciplinaire vise à former les futurs responsables de l’Action sociale aux effets sexués des politiques sociales (dans les domaines de l’emploi, de l’insertion, de la famille, du logement, de la santé, des sexualités, etc.) et à la mise en place de mesures concrètes en faveur de l’égalité des sexes. Une demande croissante, une offre de formation à renforcer Les cours proposés actuellement sur les femmes ou les rapports sociaux de sexe à l’UTM sont tous optionnels et sont concentrés dans les départements d’histoire et de sociologie, même si on en trouve également en anglais, en allemand, en histoire de l’art, en anthropologie, en économie et en espagnol. Actuellement, sur le catalogue des enseignements proposés à l’UTM, qui compte 1 480 Unités d’Enseignement (UE) en tout, seulement 20 sont consacrées intégralement aux rapports sociaux de sexe. Parmi ces enseignements, il existe deux séminaires de Master 1, deux séminaires de Master 2 recherche et un Master professionnel. A l’heure actuelle, la demande étudiante excède très largement l’offre. En histoire, les UE de DEUG en « Histoire des femmes » viennent d’être dédoublées. En sociologie, les 2 UE de Licence spécialisées sur le genre attirent chacune environ 120 étudiant-e-s chaque année. Compte tenu de cette demande, il paraît nécessaire de favoriser l’émergence de nouveaux enseignements de ce type dans les disciplines où elles sont totalement absentes. Ces enseignements sur le genre devraient être mis en valeur dans le catalogue des cours. En effet, ils constituent un atout de formation pour les étudiante-s et pour l’Université. Contacts : www.univ-tlse2.fr/fi/dip/dess/ pol-soc.html www.univ-tlse2.fr/simone www.univ-tlse2.fr/egalite-h-f www.education.gouv.fr/syst/egalite/ conv.html Fonds Social Européen Quelques exemples d’enseignements « genre » à l’UTM 38 > Histoire Femmes, Histoire, Sociétés, Culture ; Genre, sexualité et société Histoire de l’art Techniques – La notion de genre en histoire de l’art moderne et contemporain Sociologie / Ethnologie Socialisation ; Production et reproduction sociales ; Rapports sociaux ; Les femmes en Europe ; Sociologie des rapports sociaux de sexe ; Parenté et organisation sociale ; Politiques sociales et rapports sociaux de sexe Economie Socio économie de la famille Anglais Women and Gender Relations in America, Colonial Times to Present; Contemporary Issues in Historical Perspective Allemand Heinrich von Kleist : représentation théâtrale et rôles de sexe - N°5 - Mars 2005 Grâce à la convention Horizon, réservée aux étudiants de 16 à 28 ans, vous pouvez obtenir une réduction de 50% sur nos services : - cartes - assurance - autorisation de découvert et un crédit “ordinateur portable” à 1euro/jour Études et Formations Focus… L’IUT de Figeac D epuis sa création en 1995 dans la patrie de Champollion, spécialisée dans l’équipement de l’industrie aéronautique, le développement de l’IUT a dépassé les espérances les plus optimistes. Ici, la délocalisation de l’enseignement supérieur est une réalité. La large gamme des formations qui est dispensée à l’IUT permet une réelle intégration dans le tissu économique local. À ce jour, il accueille plus de trois cents étudiant-e-s autour de trois DUT et deux Licences professionnelles sciences de la production industrielle mécanique. Ils/elles seront ingénieure-s en mécanique, technico-commerciaux dans les banques, les grandes surfaces, les assurances… ou choisiront une carrière d’animateur-trice ou de gestionnaire dans les syndicats d’initiative, les clubs sportifs, les collectivités territoriales… Le département Carrières Sociales forme des technicien-ne-s généralistes de l’animation sociale et socioculturelle. Ils/elles reçoivent une formation en sciences sociales et humaines en sciences de la gestion et aux disciplines centrées sur la connaissance de champs spécifiques. Le/la diplômé-e du département Génie Mécanique et Productique est un-e généraliste de la mécanique. Sa formation technique, scientifique, économique et humaine lui permettra de collaborer dans un bureau d’études conception, méthodes, en gestion de L’IUT en chiffres • 315 étudiant-e-s • 25 enseignant-e-s et enseignan-e-s chercheur-e-s • 35 chargé-e-s de cours issu-e-s des entreprises de la région • 11 personnels non enseignants : 6 administratifs et 5 personnels techniques Les départements et les diplômes de l’IUT > Génie Mécanique et Productique, dirigé par José Barale • DUT Génie Mécanique et Productique • Deux Licences professionnelles, science de la production industrielle mécanique : - Spécialité qualité de la production, contrôles industriels, métrologie dimensionnelle - Spécialité ingénierie conception et fabrication assistées par ordinateur (CFAO) des formes complexes 40 > - N°5 - Mars 2005 production, contrôle – qualité, ou de s’insérer dans des équipes d’achat, de vente et d’après-vente. Quant au diplôme Techniques de la Commercialisation, il forme des spécialistes de la fonction commerciale et technico-commerciale. Les étudiante-s apprennent à connaître l’entreprise, son environnement, la distribution de ses produits : marketing, gestion, économie, psycho sociologie des organisations, logistique, mathématiques, statistiques, mercatique du point de vente, de droit… Enfin, dans le cadre de la formation continue, l’IUT propose aux entreprises, aux salariés et demandeurs d’emploi des formations diplômantes ou qualifiantes. > Techniques de Commercialisation, dirigé par Jean-Philippe Peltier • DUT Techniques de Commercialisation (TC) • Licence professionnelle commerce (sous réserve d’habilitation pour la rentrée 2005) • Option commercialisation et distribution des produits du terroir ou sous signe officiel de qualité > Carrières Sociales, dirigé par Catherine Soldano • DUT Carrières Sociales • Option animation sociale et socio-culturelle Contact : IUT de Figeac Avenue de Nayrac 46 100 Figeac Tél. : 05 65 50 30 60 [email protected] www.iutfigeac.com Paroles d’ancienne étudiante Cécile Molio, Psychologue J e suis psychologue au Centre de Préorientation du CRIC (Centre Régional des Invalides Civils). Nous accueillons au sein d’une équipe interdisciplinaire (formateurs-trices, médecins, psychiatre, psychologue, assistante sociale, documentaliste, chargé-e d’insertion) des personnes handicapées reconnues cependant comme pouvant travailler. Notre tâche consiste à les motiver pour les aider à s’insérer dans la vie active. Je les rencontre régulièrement, j’évalue leurs compétences pour construire avec elles un projet professionnel cohérent par rapport à leur handicap. L’enjeu est d’importance car les personnes handicapées trouvent difficilement leur place dans la société. Ma formation intellectuelle et professionnelle à l’Université du Mirail m’a particulièrement bien préparé à exercer ce métier. En effet, durant mes études en psychologie, j’ai appris à devenir rigoureuse, précise et méthodique dans mon travail. L’obtention d’un DESS de Psychologie sociale et du Travail en 1992 a constitué une étape décisive et symbolique. Ce diplôme était très côté, reconnu pour un enseignement de qualité et, de plus, il marque la reconnaissance de 5 années d’études en me conférant le titre tellement désiré de psychologue. Pour mon mémoire, j’ai travaillé avec les enseignants Mme Hajjar et M. Baubion-Broye sur la création d’un outil d’évaluation des personnes handicapées, nommé ISA (Inventaire du Système des Activités). C’était riche et constructif, tant dans sa conception théorique que dans sa réalisation pratique dans le milieu socioprofessionnel. Néanmoins c’était éprouvant, comme à chaque fois qu’on évalue des personnes souffrantes. Je garde un très bon souvenir de mes études au Mirail. L’ambiance y était sympathique, « cool » dans le bon sens du terme. C’est important quand on vient d’avoir son baccalauréat, qu’on débarque à l’université et qu’on ne sait pas encore exactement ce que l’on veut faire… 41 > - N°5 - Mars 2005 cherche La Vie de la Re Affiche du 3e colloque international des Recherches féministes francophones 42 > - N°5 - Mars 2005 L’équipe d’accueil doctoral Simone-SAGESSE, 20 ans déjà… L ’équipe d’accueil doctoral Simone-SAGESSE (SAvoirs, GEnre et rapports Sociaux de SExe), a été créée à l’initiative de Marie-France Brive en 1986. C’est l’un des rares centres de recherche en France spécialisé dans l’analyse pluridisciplinaire (sociologie, économie, droit, histoire) des rapports sociaux de sexe. L’articulation entre la recherche et l’enseignement a été l’un des objectifs de l’équipe dès son origine. L’équipe a joué un rôle central dans le processus d’institutionnalisation des études universitaires et des recherches féministes sur le territoire national et au niveau européen. Problématique générale de recherche Le programme scientifique de l’équipe consiste à affiner les outils conceptuels d’analyse du genre (synonyme de « rapports sociaux de sexe ») et à les mettre à l’épreuve du terrain. Mais qu’est-ce que le « genre » ? Schématiquement, le genre renvoie aux significations sociales attribuées au sexe biologique, au rapport social modalités spécifiques selon les pays et selon les époques ; elle n’a donc rien d’une loi naturelle mais résulte de rapports de force politiques, sociaux et culturels qu’il s’agit de saisir dans toute leur complexité. Les recherches menées par les membres de l’équipe portent sur des terrains très diversifiés qui s’articulent autour de trois axes thématiques : politiques sociales et articulation des temps de vie, mouvements sociaux et citoyenneté, santé et sexualités. Nicky Le Feuvre spécifique construit entre les catégories sexuées. Il convient de rappeler que la remise en cause de la hiérarchie des sexes et de l’assignation des femmes à des fonctions domestiques et sociales conçues comme le prolongement de leur vocation biologique a orienté la recherche dite « féministe », dans toutes les disciplines. Ces recherches ont ainsi démontré que, malgré son caractère universel, la division sexuelle du travail s’opère selon des Interview de Nicky Le Feuvre, directrice du laboratoire de recherche SAGESSE Pouvez-vous nous parler des activités de l’équipe au niveau local ? L’équipe joue un rôle d’interface entre la recherche universitaire et les acteurs de terrain dont le « Mouvement des femmes » dans toute sa diversité. Elle organise, chaque année, une série de conférences (en partenariat avec la Librairie Ombres Blanches à Toulouse), 43 > - N°5 - Mars 2005 cherche La Vie de la Re visant à créer un espace d’échanges et de débats entre les chercheur-e-s et les personnes engagées dans la lutte pour les droits des femmes et l’égalité des sexes. De même, l’existence du Master professionnel « Politiques sociales et rapports sociaux hommes – femmes » favorise la synergie entre le mode de la recherche universitaire et les acteurs de terrain (collectivités territoriales, syndicats, délégations régionales ou départementales aux Droits des femmes, Mission égalité de l’Éducation nationale et du CNRS, réseau des Centres d’Information des Droits des Femmes et des Familles (CIDFF), Missions locales, associations d’accueil de femmes en difficulté, etc.), impliquées dans des actions de promotion de l’égalité des sexes. On sait que les demandes d’expertise en matière d’égalité des sexes sont de plus en plus nombreuses. Est-ce que l’équipe arrive à y faire face ? C’est difficile. Pour nous aider, l’équipe a soutenu la création d’une association des diplômées de ce Master - Artémisia. En collaboration avec les membres de l’équipe, celle-ci propose des conférences-débats, des formations, des missions d’expertise et des études-actions, afin d’orienter nos partenaires extérieurs vers une réflexion critique, notamment à propos des effets discriminatoires des politiques publiques et de les accompagner vers une démarche plus égalitaire. Ainsi, Artémisia vient de proposer des formations pour les personnels de l’Éducation nationale, les travailleurs sociaux, les acteurs des politiques de la ville, les salariés du Conseil régional de Midi-Pyrénées et de plusieurs municipalités de la région, sur une large palette de thèmes : l’état des rapports femmes-hommes en général, les violences sexistes, les freins à l’insertion des femmes dans les métiers dits « masculins », l’articulation L’équipe de recherche Simone-Sagesse (presque au complet) 44 > - N°5 - Mars 2005 des temps de vie, la contraception, etc. Depuis 4 ans, Artémisia collabore avec nous sur le projet de création d’une crèche sur le campus du Mirail à destination de l’ensemble des usagers de l’Université et du quartier avec une approche éducative non sexiste. Et du point de vue de la recherche, quelles sont les principales activités de l’équipe en ce moment ? Par le biais de l’équipe, l’UTM est membre fondateur du RING (Réseau INTerdisciplinaire et interuniversitaire sur le Genre), un Programme Pluri-Formation (PPF) national et de ATHENA, un réseau thématique Socrates européen sur le genre. L’équipe participe également au Comité scientifique du GDR MAGE (MArché du travail et GEnre) et au Conseil d’administration de l’Association Nationale des Études Féministes (ANEF). La plupart des projets de recherche de l’équipe s’inscrivent dans l’espace européen de la recherche, notamment par le biais des programmes de la Commission européenne (5e et 6e Programme Cadre de Recherche et de Développement (PCRD), Daphné, EQUAL, etc.). En dehors des séminaires et des journées d’études, l’équipe organise régulièrement des colloques internationaux, comme celui de septembre 2002 « Ruptures, résistance, utopies », qui a réuni plus de 800 participants. Afin de maintenir la dynamique des échanges Contacts : Secrétariat : Michèle Perreaux Tél. 05 61 50 43 94 [email protected] Centre de documentation : Annie Couillens Tél. 05 61 50 43 97 www.univ-tlse2.fr/simone www.univ-tlse2.fr/genre www.univ-tlse2.fr/simone/artemisia Colloque « Ruptures Résistances & Utopies » à l’UTM. internationaux, l’équipe a créé en 2002 la première liste de diffusion électronique francophone sur les études féministes qui compte à ce jour près de 650 abonnées de par le monde (voir - www.listes.univ-tlse2.fr/ wws/info/etudesfeministes-l). En 2005, nous ouvrons un nouveau chantier, la création d’un portail national de documentation et d’information sur les études genre et l’égalité des sexes, soutenu par le Fonds Social Européen. Ce portail permettra d’accéder aux informations sur les enseignements et recherches sur le genre et de consulter à distance les fonds de tous les centres de documentation spécialisés sur ce thème en France. Colloque « Ruptures Résistances & Utopies » - stand de la marche mondiale des femmes. 45 > - N°5 - Mars 2005 Université 2010 Un parcours de santé à l’UTM en libre accès. Pour mettre de l’air dans ses poumons... 46 > - N°5 - Mars 2005 Parcours de santé : lettre de protestation adressée au président de l’Université N ous, écureuils du parc du château, tenons à faire part de notre vif mécontentement. Nous avions jusqu’à présent le privilège de jouir, à peu près seuls, d’un grand espace de verdure, calme et reposant, avec des arbres presque centenaires… Voilà maintenant que nous sommes obligés de partager ce parc avec la communauté universitaire et les gens du quartier, puisqu’un parcours de santé ouvert à tout le monde vient de se mettre en place ! Oui, monsieur le président, pas moins de onze ateliers, financés par le SUAPS, sont aménagés sur un parcours de 1 300 m de long, dont 500 m d’allées nouvelles ! Consultez donc le panneau situé à hauteur de la médecine préventive et vous verrez de quoi est composé ce parcours : bancs à abdos, poutres fixes, barres parallèles, échelles de suspension, espaliers et barres d’étirement, slalom, pas de géant, haies basses et hautes et barres de traction… Vous voyez, c’est un véritable parcours sportif qui, en plus, est en libre accès ! Sachez, monsieur le président, qu’après s’être contractés, étirés, suspendus, qu’après avoir respiré, expiré, couru, sauté, zigzagué et sué, les étudiants et le personnel de l’Université peuvent se doucher au gymnase tout proche sur la seule présentation d’une carte délivrée au SUAPS ! Quelques repères... Imaginez les fous rires des étudiants, des enseignants, des personnels administratifs, toute la communauté universitaire réunie dans une joyeuse compétition pour venir troubler notre benoîte quiétude dans notre parc ! Nous nous tournons vers vous, monsieur le président, pour que cessent enfin ces cavalcades et ce tohu-bohu ! Contacts : Service Universitaire des Activités Physiques et Sportives (SUAPS) Tél. 05 61 50 43 15 Vie universitaire – Tél. 05 61 50 44 60 [email protected] 47 > - N°5 - Mars 2005 vie Universitaire 48 > - N°5 - Mars 2005 Harcèlement : us et coutumes L’UTM a été à l’initiative de nombreuses actions concernant les relations homme - femme. Elle entend poursuivre activement cette politique de lutte contre les inégalités. D epuis la parution en décembre 2003 de la plaquette sur le harcèlement sexuel initiée par la Mission égalité et la mise en place d’une Commission de médiation, une réflexion s’est engagée sur ce que l’on peut considérer comme un des derniers tabous des universités françaises. Face à un problème dont l’ampleur reste encore méconnue et mésestimée, l’UTM se doit de prendre la mesure de ce phénomène. Un phénomène complexe et dérangeant Le harcèlement est un problème complexe à plus d’un titre tant il touche à des domaines sensibles comme la relation à l’autre dans l’intimité et dans le travail (voir le point de vue de la psychologue). Où commence, par exemple, la frontière entre le jeu de la séduction et les harcèlements ? De nombreuses représentations dominantes demeurent vivaces dans l’esprit du public et remettent en cause la parole des victimes. C’est ainsi que l’on entend souvent : soupçonneux, « Ne l’auriez vous pas aguiché ? » ; fataliste, « Ça a toujours existé » ; menaçant, « C’est votre parole contre la sienne » ; cynique, « Vous n’aviez qu’à réagir plus tôt » ! Certes, la loi offre un certain nombre de définitions et de repères mais son évolution même, peut-être ses limites, illustre les difficultés à saisir le phénomène dans sa complexité (voir le point de vue de la juriste). D’une manière générale, le harcèlement relève d’un mécanisme structurel de discrimination fondé sur le sexe et il touche à l’université tous les publics entre eux, étudiant-e, enseignant-e, personnel administratif. Contrairement aux idées reçues, il n’y a pas un seul type de harceleurs-euses ; ceux-ci usent de multiples stratégies en fonction des situations souvent marquées par des relations d’autorité (entre supérieurs hiérarchiques et personnels administratifs, titulaire et vacataires, etc.). Des pratiques à dénoncer et à combattre Concernant les enseignant-e-s, les 49 > - N°5 - Mars 2005 vie Universitaire Parole de souffrances Récit d’une étudiante du Mirail, invitée à monnayer son parcours universitaire « méthodes les plus courantes vont des regards embarrassants sur le corps, des commentaires insidieux, des attouchements contraints jusqu’à, dans les cas extrêmes, des violences physiques en passant par l’invitation à domicile et la restitution des notes contre une demande de faveurs sexuelles. Certains-es promettent aussi des participations à des colloques, des publications, des contrats de recherche et de travail. Comment résister aux sollicitations sexuelles quand on est dans une situation de vulnérabilité ? Ces actes répréhensibles entraînent une souffrance vécue dont les effets se mesurent sur le long terme (voir le récit de l’étudiante du Mirail). Perturbations dans la vie amoureuse et sexuelle, dans l’entourage familial et social, dépressions, voire même tentatives de suicide sont des conséquences courantes. Les devenirs universitaires et professionnels sont aussi affectés ; des étudiant-e-s sont dans l’incapacité de réussir leur parcours et se voient dans l’obligation de quitter notre Université 50 > - N°5 - Mars 2005 pour un changement d’établissement ou même d’interrompre leur scolarité. Une cellule d’écoute à l’UTM En effet, le harcèlement moral et sexuel met en question avant tout une des raisons d’être essentielle du système éducatif français : l’égalité des chances. C’est la raison pour laquelle les universités devraient se doter d’une cellule d’écoute venant en aide aux victimes du harcèlement. En attendant, il est nécessaire, comme l’a précisé le président de la Conférence des Présidents d’Université (CPU), de permettre l’expression des plaintes dans l’enseignement supérieur en développant une politique active d’information et de prévention. Contacts : [email protected] Mission égalité / 05 61 50 41 07 / [email protected] www.univ-tlse2.fr/egalite-h-f Ne me demandez pas pourquoi je ne vous ai pas parlé avant… Moi, je ne suis pas grand-chose, sinon celle qui fout la merde… celle qui dénonce… la réac de service qui ne trouve pas ça normal de coucher avec les personnes qui ont le pouvoir d’évaluer, qui ont le pouvoir de délivrer un diplôme, qui ont le pouvoir de salarier ou de renvoyer. Ce n’est pas aussi simple qu’une relation entre adultes, librement consentie, c’est de l’abus de pouvoir… mais peut être pas tant que ça, parfois je ne sais même plus… Demandez-vous pourquoi il a fallu que j’attende d’être en doctorat pour me sentir la force de parler publiquement. C’était lui qui était respecté pour son travail de terrain, ses écrits ; c’était lui qui apportait les financements ; c’est avec lui qu’on milite. C’était lui l’intouchable, infiltré partout, ayant toutes les casquettes et tous les pouvoirs. Si l’on demande à une plaignante quelle sanction elle souhaite contre son agresseur, elle demande perpète ou rien du tout ; elle attend juste que tout le monde lui dise qu’elle n’est pas seule à trouver ça anormal. Ne me demandez plus ce que j’attends de vous, demandez vous ce que vous pouvez faire pour nous toutes. » Le harcèlement sexuel et moral : un délit timide et déficient L a loi du 17 janvier 2002, dite de modernisation sociale, donne une définition nouvelle du délit de « harcèlement », aussi bien en tant qu’infraction pénale qu’en tant qu’infraction à la législation du travail. Désormais, le droit reconnaît explicitement le « harcèlement moral », constitué par des « agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale et de compromettre son avenir professionnel ». Le « harcèlement sexuel » consiste désormais dans le fait de « harceler autrui dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle ». Au sens du code du travail, un tel comportement engage la responsabilité de son auteur-e et ouvre droit pour la victime à des dommages intérêts ; le code pénal punit le harcèlement d’une peine de un an d’emprisonnement et d’une amende de 15 000 euros. Alors que l’ancienne législation inscrivait le délit de harcèlement sexuel sur la notion d’abus d’autorité, la définition nouvelle considère qu’il s’agit, dans tous les cas, d’une violence et d’une atteinte à la dignité de la personne ; mais la loi ne donne pas de seuil à partir duquel certains agissements deviennent sanctionnables. A partir de quelles limites et sous quelles formes les manifestations du désir sexuel d’un individu pour un autre individu peuventelles être qualifiées de « harcèlement sexuel » ? On sait, en effet, que le désir sexuel non partagé est toujours pour son objet non seulement unilatéral et violent mais souvent « harcelant » en lui-même. On le voit, la loi est timide et déficiente ; elle est loin de couvrir toutes les modalités ou d’instituer une sanction à la mesure de la violence perverse que sous-tend ce genre d’agression. Nathalie Cambillau, juriste [email protected] Centre de Recherches en Droit de la Santé Publique Université de Sciences Sociales. Point de vue sur le harcèlement psychologique au travail L a souffrance mentale au travail est devenue un phénomène massif lié à l’évolution des organisations de travail. Elle regroupe différentes notions dont le harcèlement psychologique. Expliquer cette notion par une problématique individuelle « c’est un pervers narcissique », c’est à mon sens méconnaître la réalité du travail, ses paradoxes, ses enjeux. Dans le harcèlement psychologique au travail, c’est en fait le rapport global au travail et à son organisation qui est perverti. Il est donc primordial de pousser l’investigation du côté du réel du travail et d’analyser les contradictions du travail qui favorisent la transgression des règles communes, la subversion des rôles et des fonctions, le discrédit de la vérité. D’autre part, la dégradation de la relation victime-agresseur ne se fait pas indépendamment de l’histoire personnelle de la victime et du sens qu’elle attribue à la situation. Il y a quasiment toujours un conflit sous-jacent, dans lequel la victime a tenté de préserver ou de promouvoir quelque chose qui lui tenait à cœur et dans lequel s’exprimaient son histoire, sa subjectivité. Ce travail avec un tiers extérieur permet d’aider la personne à repérer et à comprendre à quelle problématique professionnelle elle s’est heurtée, de saisir ce qu’elle a tenté de défendre et ce qu’a tenté d’imposer ou de défendre la partie adverse. Il permet de redonner du sens et participe ainsi à la reconstruction progressive du bien être physique, psychique et social de la personne. Contact : Marie-Pierre AESCHLIMANN, Psychologue sociale et du travail. Consultation « Souffrance au travail », Service de maladies professionnelles et environnementales au CHU Purpan à Toulouse. Tél. 05 61 77 21 90 Organismes spécialisés CLASCHES – Collectif de Lutte Anti-Sexiste Contre le Harcèlement Sexuel dans l’Enseignement Supérieur www.membres.lycos.fr/clasches AVFT – Association Européenne contre les Violences faites aux Femmes au Travail www.avft.org 01 45 84 24 24 CIDF – Centre d’Information des Droits des Femmes 05 34 31 23 31 [email protected] 51 > - N°5 - Mars 2005 À SAVOIR La collection « Féminin-Masculin » des PUM Les recherches sur le genre et les rapports sociaux de sexe connaissent depuis quelques années un développement exponentiel en France et dans les pays francophones. Faute de canaux de diffusion adéquats, ces travaux restent largement inconnus, au sein de la communauté scientifique comme auprès du grand public. Cette collection veut constituer un lieu d’échanges et de diffusion des nouvelles approches et réflexions scientifiques développées autour de cette problématique dans le cadre des sciences sociales. Elle vise à faire connaître des travaux inédits sur des thèmes particulièrement novateurs et à offrir au public francophone des textes fondateurs déjà publiés en langue étrangère. Elle offre trois orientations majeures : la conceptualisation théorique de la reproduction transformation des catégories et des rapports sociaux de sexe ; les questions de méthodologie de recherche liées à l’analyse du genre ; l’édition de manuels pouvant servir aux enseignements scolaires et universitaires. Sous la direction de Jacqueline Martin sont parus : - La Parité-Enjeux et mise en œuvre (1998) - Les femmes et l’Université en Méditerranée (1999) - Les femmes sujets d’histoire (2000) - Nouvelles approches des hommes et du masculin (2000) Contact : Presses Universitaires du Mirail – 05 61 50 38 10 http://www.univ-tlse2.fr/pum Une équipe d’un nouveau « genre » Merci à Christian Mange (rapporteur de la commission vie universitaire), Nathalie Lapeyre (chargée de mission à l’Egalité femmes-hommes) et Vincentella de Comarmond (directrice de la rédaction) pour avoir initié et coordonné ce Paroles de femmes. À SAVOIR Les coups de cœur de la librairie Études > ESSAI Les femmes dans les années quarante – Juives et non juives, souffrances et résistance sous la direction de Jacques Fijalkow Des historien-ne-s ou sociologues, spécialistes de l’histoire des religions ou des études féministes, abordent la question des femmes en Europe durant la Seconde Guerre mondiale. Ils s’interrogent sur la place de ces femmes dans les régimes fascistes puis à celles de la France de Vichy. Les auteur-e-s insistent surtout sur le sort des femmes internées comme opposantes, antifascistes ou juives. Des protestantes de la Cimade aux militantes politiques, des catholiques isolées aux juives de l’armée secrète, ce livre donne la parole à toutes celles qui, reconnues plus tard parmi les Justes, s’engagèrent dans le combat pour la dignité et le refus de l’asservissement. Jacques Fijalkow est professeur en Sciences de l’éducation à l’UTM où il dirige une des écoles doctorales de l’UTM. HARMONIA MUNDI, 246 p., 22 euros > ESSAI Collection « Les mots de », dirigée par Marlène Coulomb-Gully L’histoire des femmes Les femmes ont une histoire qui remet en questions les archétypes de « LA » femme et de l’éternel féminin pour s’intéresser à la diversité et à la richesse des parcours, aux relations complexes entre les sexes et à la construction sociale du masculin et du féminin au fil des siècles. Ce livre recense les mots difficiles ou qui ont changé de sens. Il définit les concepts et les catégories socio-culturelles utilisés en histoire des femmes et du genre, dans le domaine français. Il explicite les approches et les outils de la recherche historiographique la plus récente. PUM, 121 p., 10 euros Contact : Librairie Etudes – 05 61 44 18 25 [email protected] Formation des personnels enseignants et IATOS La cellule formation de l’UTM et la mission égalité femmes – hommes invitent tous les personnels à participer à deux modules de formation : − « Femmes et hommes : quelle égalité ? » afin d’approfondir les connaissances sur les représentations des femmes et des hommes dans la société ainsi que dans le milieu professionnel. − « Confiance en soi pour les femmes », pour mettre en œuvre une méthode ordonnée et structurante de confiance en soi. Inscrivez-vous au plus tard le 15 mars 2005. Contact : [email protected] CAM Films de femmes… MARS… • Mardi 1er : Mardissonances. Concert cymbalum/ piano. Chapiteau 12h45. I ls sont nombreux les films du CAM réalisés par des femmes, sur des femmes… En voici quelques exemples non exhaustifs. • Mercredi 2 : Danse contemporaine. Ulysse. ballet de Samuel Mathieu. Chapiteau 12h45. • Jeudi 3 : Théâtre. Les monologues du vagin d’Eve Ensler. Journées des langues anciennes organisées par l’ARTELA. Chapiteau 12h45. Dans Camps de femmes, Rolande Trempé retrace la vie quotidienne et les luttes des femmes à l’intérieur des camps de concentration en France. Natacha Aveline nous explique dans Mourir à Tokyo que les prix faramineux des valeurs foncières mettent en cause des espaces comme les cimetières, jugés peu rentables. Les femmes de l’Equipe SIMONE ont réalisé La Parité, enjeux et mise en œuvre lors du colloque international La Parité organisé à l’UTM en février 1998. Christiane Fioupou, Wendy Harding, Michèle Kaltemback et Françoise Besson sont les auteurs de la collection Littérature et poésie anglophone. • Mercredi 9 : Défilé romain. Chapiteau à 12h45. Ciné-Mirail. Jason et les Argonautes de Don Chaffey. Amphi 3 13h45. • Jeudi 10 : Cultures du monde. Concert de luth. Tarek Abdellah. Chapiteau 12h45. Les femmes du département d’espagnol, Michèle Soriano, Carla Fenandes, Isabelle Touton, Carine Herzig… ont également réalisé beaucoup de programmes avec des auteurs espagnols et latino-américains pour la chaîne VO. Kinga Joucaviel nous a fait part de quelques réflexions autour de la musique polonaise avec son film Autour de Quo Vadis, diffusé sur VO. Dans un souci de sauvegarde patrimoniale de la langue et de la mémoire collective, Joëlle Ginestet a également réalisé une collection de 7 émissions en occitan pour la chaîne VO, auprès de locuteurs naturels en occitan gascon ou languedocien. • Mercredi 16 : Danse contemporaine. La compagnie Androphine. Chapiteau 12h45. • Jeudi 17 : Théâtre. Eugène le choisi de François Fehner. Chapiteau 12h45. • Vendredi 18 : Danse contemporaine. Quatuor de Samuel Mathieu. Chapiteau 12h45. • Jeudi 24 : Théâtre. Ore rubate de Mattia Sbragia, présenté par la compagnie I.Chiassosi. Chapiteau 12h45. • Mercredi 30 : Danse contemporaine. Ulrick Funke. Chapiteau 12h45. AVRIL… • Mardi 5 : Chœur de Toulouse. Répertoire : J. Brahms, C. Loewe, M. Ohana, M. Tippett. Chapiteau 12h45. • Jeudi 7 : Théâtre. Comic Potencial d’Alan Ayckbourn, pièce en anglais présenté par la troupe du Département d’anglais. Chapiteau 12h45. • Lundi 11 : Cultures du monde. Concert de luth. Alex Clapot. Chapiteau 12h45. • Jeudi 14 : Pièce de théâtre d’Ulriche Syha, Conduire en Allemagne, proposée par la compagnie « La part manquante ». Chapiteau 12h45. MAI… • Du lundi 9 au vendredi 13 : Semaine polonaise. Des femmes d’autres universités ont également collaboré à nos productions, telles que Denise Douzant et Pernette Grandjean qui ont réalisé les films Cuba, un café très spécial et Café du Cerrado, les frontières de la qualité. • Mercredi 11 : Danse contemporaine. Aquarium. Chapiteau 12h45. Merci Mesdames ! Contact : 05 61 50 44 62 www.univ-tlse2.fr/ciam • Lundi 9 et mardi 10 : Fête des ateliers du CIAM. Contact : [email protected] 05 61 50 42 48 55 > - N°5 - Mars 2005