Le cinéma, le juriste, la médiathèque – 5.- La VàD

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Le cinéma, le juriste, la médiathèque – 5.- La VàD
Le cinéma, le juriste, la médiathèque – 5.- La VàD
5 – La VàD
5.1 – VàD, VOD, SVOD, Replay TV,…
Il existe quatre principaux modèles de VOD (Video On Demand – en français VàD, Vidéo à la
demande), qui peuvent chacun varier sur certains points :
- Téléchargement temporaire (Location dématérialisée ou « Rental VoD » ou« Download to rent » ou
« DTR ») : le client acquiert la possibilité de visionner le film pour une durée limitée (de 24 à 48h) ou
pour un nombre limité de visionnages. Les prix pratiqués vont généralement de 0,99 € à 4,99 € par
acte. Des offres groupées (« packs ») peuvent également être proposées au client où celui-ci
préachète un nombre de téléchargements temporaires. La plate-forme de VoD accorde une remise
pour cet achat groupé par rapport au prix de vente à l’unité (de 5 à 15 %)
- Téléchargement définitif (Vente dématérialisée ou « Electronic Sell through » ou« Permanent
Download » ou « Download to Own » ou « DTO ») : le fichier est acquis définitivement par le client
pour une consommation illimitée. Les prix pratiqués s’échelonnent entre 9,99 à 19,99 €. Dans
certains cas, le client peut acquérir le droit de graver le fichier sur un DVD (« Download to Burn ») ou
de le copier sur un terminal mobile
Abonnement (« Subscription VoD » ou « S-VoD ») : moyennant un abonnement mensuel, le client
accède librement en téléchargement temporaire à un catalogue de programmes. L’accès peut être
sans limite ou à concurrence d'un nombre de films ou d’un plafond de consommation fixé
mensuellement.
- Diffusion gratuite de programmes vidéo financés par la publicité (« Free-ad VoD ») : offre gratuite
de programmes à la demande financée par de la publicité.
Le modèle économique de la « catch-up TV » (ou « télévision de rattrapage »), qui consiste à
proposer un programme à la demande suite à sa diffusion télévisuelle est dans une certaine mesure
assimilable juridiquement à la VOD.
Comment se répartit le coût d’un film en VOD en téléchargement temporaire ?
Pour un film qui sera facturé 4,99€ :
- taxes fiscales (TVA et taxe vidéo du fonds de soutien) et reversements aux sociétés de gestion
collective : 1,10€
- part du distributeur : 1,23 €
- rémunération du producteur du film : 2,45€
- marge brute de l’éditeur de la plateforme VOD (coûts d’encodage, frais de mise en ligne, coûts de
maintenance, frais de promotion) : 0,20 €.
Jean-Yves de Lépinay – Octobre 2014
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5.2 – Les offres de VàD par les bibliothèques
Ce sont aujourd’hui environ 150 médiathèques qui ont mis en œuvre des offres de VOD pour
leurs usagers, selon des modalités diverses.
Le nombre d’expériences et leur durée permettent aujourd’hui de prendre le recul
nécessaire à un premier bilan, mais aussi nous invitent à nous interroger sur le sens de ce
service. La VOD est en effet un service largement proposé par des opérateurs commerciaux,
c’est également un service proposé en ligne : en quoi cela devrait-il concerner des
institutions « non-commerciales », dont l’une des raisons d’être est de mettre en œuvre des
actions destinées à un public local, principalement dans un équipement inscrit dans un
territoire ?
Il est souvent répété ici et là que la lutte contre le piratage passe par le développement
d’offres simples d’accès, et respectueuses du droit. L’organisation de tels services est le rôle
des médiathèques depuis toujours. Elles sont peut-être les seules structures à même
d’accompagner la volonté de partage des internautes, en le proposant dans un cadre légal et
maîtrisé.
On peut ainsi exprimer, en réponse à la question du rôle des médiathèques en matière de
VOD, trois postulats.
Postulat 1 : les médiathèques ont un rôle à jouer pour la mise en œuvre d’un accès simple,
économique, respectueux du droit, raisonné, éditorialisé… aux œuvres cinématographiques
et audiovisuelles, en ligne et en consultation sur place.
Postulat 2 : le rôle des médiathèques ne peut pas d’être simplement le relais d’offres
commerciales proposées à prix réduit. Elles doivent avoir la possibilité de constituer
librement leur catalogue à partir de la diversité des œuvres disponibles, de les valoriser en
ligne et sur place, et de proposer des tarifs d’accès forfaitaires.
Postulat 3 : les offres en ligne des médiathèques doivent nécessairement être articulées à
leur action sur le territoire physique. Cela passe donc par une réflexion parallèle sur la
consultation sur place, les droits de projection, les liens entre les médiathèques et d’autres
structure de diffusion (cinémas,…), les politiques d’animation, de formation, leur place dans
les dispositifs d’éducation à l’image, etc.
Plusieurs approches sont possibles, par exemple :
- La mise en œuvre de services proposant aux usagers de la médiathèque un nombre
de films limités, parfois relativement exclusifs, pour une durée sans doute limitée
également, mais avec un fort accompagnement en ligne, et/ou sur place.
- La mise en œuvre de services proposant aux usagers un nombre de films importants,
équivalents en tout cas à ce que proposent les principales offres commerciales ; la
médiathèque y ajoutant son travail de mise en valeur, en cohérence avec la
connaissance qu’elle a de son public.
Jean-Yves de Lépinay – Octobre 2014
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Le paysage actuel :
Quatre offres principales se disputent aujourd’hui le marché de la VàD en bibliothèques.
- Médiathèque numérique :
Il s’agit du regroupement des offres d’Arte Vod et d’Universciné, proposées en
« package » avec une tarification spécifique pour les bibliothèques. C’est l’offre la
plus ancienne, et celle qui obtient le plus de succès, sans doute en particulier grâce à
la qualité et la diversité du fonds qu’elle propose. Elle repose sur un modèle de
paiement à l’acte.
-
CVS :
Proposée par un fournisseur de DVD pour les médiathèques, il s’agit d’un service
intégré qui donne accès à des films, mais aussi à des livres numériques, des jeux
vidéos, des musiques, etc. L’offre de films est moins riche que celle de la
Médiathèque numérique, mais le modèle a des qualités certaines en terme de
souplesse pour la médiathèque. Il s’agit également de paiement à l’acte
-
Adavision :
Proposée par le fournisseur historique des médiathèques publiques, l’ADAV, connue
pour la qualité de ses services et l’attention qu’elle porte à leurs missions, l’offre
initiale est directement déclinée de l’offre DVD : la médiathèque fait l’acquisition de
fichiers numériques et de droits associés, et elle est en charge du développement des
moyens techniques pour les proposer au public. Peu de structures ont pu adhérer à
une formule qui s’est avéré trop lourde, bien que fondée sur des principes
« corrects » : paiement forfaitaire, maîtrise de son offre et de ses services par la
médiathèque.
-
Adavision-Médialib :
Pour tenter de corriger les défauts de son offre initiale, l’ADAV a imaginé cette
formule plus simple à mettre en œuvre, qui peut permettre des actions sur un petit
nombre de films fortement accompagnés, mais insuffisante (car trop coûteuse, en
particulier) pour répondre au désir de proposer une offre abondante et diversifiée.
Les deux offres de la Médiathèque numérique et de CVS ont par ailleurs le même défaut
d’être « fermées », de ne pas laisser à la médiathèque la possibilité de fédérer ses diverses
offres et de créer un catalogue unique, d’y ajouter les fichiers d’une collection locale, etc.
Or cette possibilité est une condition sine qua non au développement de services répondant
aux trois postulats listés ci-dessus. Pour faire une analogie : si la médiathèque se contentait
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d’offres ainsi fermées et « propriétaires », c’est un peu comme si elle acceptait de traiter
avec les grands éditeurs pour offrir certains catalogues au détriment d’autres (Gallimard,
mais pas les éditions de Minuit…), avec un catalogue et des rayons rangés par éditeur…
Au-delà de ces offres, il ne faut négliger ni la question des offres de VOD « de niche », que
les médiathèques ont naturellement vocation à relayer - citons par exemple l’offre de
l’éditeur L’Harmattan : 685 films ! – et les nombreuses offres gratuites, dont il est de leur
responsabilité de les valoriser, les organiser, en fonction de leur connaissance du public
local, des particularités de leur territoire, des événements qui s’y produisent,…
Enfin, il faut penser aux offres publiques qui s’annoncent, selon des modalités diverses - tous
publics ou publics spécialisés, accès à distance ou consultation sur place : Agence du court
métrage, Images de la culture, Catalogue national des films documentaires,…- , et qu’il serait
bienvenu d’étudier de façon davantage coordonnée. Il est possible de penser que, bien
articulées, elles pourraient être un socle pour le développement des services à développer
par les médiathèques publiques. Il en est de même de divers projets de plates-formes
régionales qui sont actuellement en gestation.
En ce qui concerne le Catalogue national, en particulier, une réflexion sur les modalités de la
VOD pourrait être l’occasion de le refonder sur de nouvelles bases.
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