Chômage et santé psychologique : synthèse et perspective

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Chômage et santé psychologique : synthèse et perspective
Chômage et santé psychologique : synthèse et perspective.
Martine ROQUES
(In C. Bonardi, N. Gregori, J.Y. Menard et N. Roussiau (Eds.). Psychologie sociale
appliquée : Emploi, travail, Ressources Humaines (53-73). Paris : In Press).
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Vous avez vu, ce chômeur qui s’est enchaîné devant l’ANPE ? J’ai entendu ça ce matin !
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C’est sûr que le chômage, ça démoli ! En général, ça aide pas les chômeurs à avoir une
bonne image d’eux-mêmes !
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Oui, mais enfin, ça dépend ! Moi, mon cousin, il a été au chômage pendant un an. Et bien,
ce temps là lui a permis de redécouvrir ses enfants, il s’en est beaucoup plus occupé, en
plus il en a profité pour réfléchir à sa vie professionnelle, à son métier, il s’est réorienté,
et maintenant, il a l’air plus équilibré et bien plus heureux qu’avant ! Comme quoi, ça
dépend !
-
Ben oui, mais ça dépend de quoi ?
Introduction :
Dans ces paroles se trouve résumée toute la question sous-jacente à la recherche sur
les effets psychologiques du chômage. Lors des premières recherches, apparaissant dans les
années trente conjointement à la "grande dépression", le chômage est décrit comme une
situation vécue de manière uniformément négative, ayant un effet destructeur, notamment sur
le bien-être psychologique. Les recherches plus contemporaines aboutissent, quant à elles, à
des résultats beaucoup moins homogènes, voire contradictoires ; une des questions principales
réside dans l’analyse des variables susceptibles de médiatiser l’effet du chômage, réduisant ou
au contraire augmentant son effet destructeur.
Un des effets le plus couramment étudié concerne la santé psychologique ou le bienêtre psychologique. Autrement dit, le chômage entraîne-t-il obligatoirement une détérioration
de l’image que l’individu a de lui-même, une baisse du moral, un manque de confiance en soi,
etc. ? Quelles sont les variables susceptibles de faire varier ce lien ? Quels modèles explicatifs
ont été développés, en particulier par la psychologie sociale ?
C’est à ces questions qu’est consacré ce chapitre. La littérature très abondante
disponible aujourd’hui sur le sujet nous conduite à faire des choix ; ainsi ce chapitre n’a pas la
prétention d’être exhaustif. Après avoir défini brièvement les notions de santé psychologique
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ou bien-être psychologique et présenté les instruments de mesure les plus couramment
utilisés, nous synthétiserons les principaux résultats disponibles à l’heure actuelle, en
rappelant brièvement ceux des études pionnières. Nous présenterons ensuite quatre modèles
théoriques utilisés pour expliquer ces résultats.
I.
Qu’est-ce que le bien-être psychologique : définitions et mesure.
Dans les études sur le chômage, santé psychologique et bien-être psychologique sont
considérés comme synonymes et renvoient aux même processus affectifs et cognitifs. Malgré
les différences entre auteurs quant à la définition de la notion, il est en général admis qu’un
faible bien-être psychologique renvoie à un ou plusieurs des facteurs suivants :
Anxiété, dépression, moral bas, manque de confiance en soi, faible sens de
l’autonomie personnelle, inhabileté à faire face aux problèmes quotidiens,
insatisfaction de soi [comprenant une faible estime de soi], insatisfaction de
l’environnement physique et social (Warr et Jackson, 1983).
Un des instruments de mesure le plus utilisé pour mesurer le bien-être psychologique
est le questionnaire général de santé (General Health Questionnaire : GHQ, d’après Goldberg,
1978). Ce questionnaire mesure l’état du sujet récemment ressenti et non les troubles stables
et chroniques. Il constitue donc un indicateur d’une condition de vulnérabilité. Ce
questionnaire existe en plusieurs versions comprenant plus ou moins d’items ; la version la
plus utilisée est celle en 12 items (exemple d’items : vous êtes-vous senti récemment
constamment stressé, tendu ? Vous êtes-vous senti récemment capable de vous concentrer sur
ce que vous faisiez ? Avez-vous récemment perdu confiance en vous ?). Les personnes sont
invitées à dire comment elles se sentent sur une échelle de type Likert en quatre points (de 0 :
beaucoup moins que d’habitude à 3 : beaucoup plus que d’habitude). Un score est alors
calculé par addition des réponses. Un fort score au G.H.Q. indique un faible bien-être
psychologique. Cet outil a été validé dans des recherches en psychologie de la santé et en
psychologie sociale (Banks et al., 1980).
Comme indiqué ci-dessus, le bien-être psychologique comprend l’estime de soi. De
nombreuses études sur le chômage se sont focalisées sur cette variable. Rosenberg (1965)
définit l’estime de soi comme « une évaluation de soi-même que l’individu fait et en général
maintient : elle exprime une attitude approbatrice ou désapprobatrice envers soi-même »
(p. 5). Contrairement au bien-être psychologique, l’estime de soi a été mesurée dans les
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études sur le chômage à l’aide d’instruments de mesure très divers. Nous ne prendrons ici que
deux exemples :
-
Le S.E.I. (Self-esteem Inventory), élaboré par Coopersmith (1967) est constitué de 25
items comprenant chacun deux propositions entre lesquelles le sujet indique sa préférence.
Par exemple : « j’aimerais être : tel que je suis versus différent de ce que je suis ».
-
L’échelle de Rosenberg (1965) : les items sont formulés soit positivement (je sens que je
suis une personne aussi bien que les autres), soit négativement (j’ai l’impression de ne
rien faire de bien). Cette échelle donne lieu à une mesure globale de l’estime de soi ou à
deux mesures séparées (estime de soi positive et négative).
Dans les études qui sont présentées ci-après, l’instrument utilisé est en majorité le
G.H.Q.
II.
Chômage et santé psychologique : les résultats des premières
recherches à nos jours.
II. 1. Le chômage a un impact négatif sur le bien-être psychologique.
La recherche concernant l’impact du chômage sur la santé psychologique a déjà une
longue histoire. La majorité des auteurs soulignent dans leurs recherches que la perte
d’emploi est un événement traumatisant, qui génère du stress et des conséquences négatives.
De façon générale, l’absence d’emploi serait en elle-même préjudiciable au bien-être
psychologique. Toute la littérature, même la plus récente, s’accorde sur ce point.
Les conséquences négatives du chômage ont tout d’abord été décrites dans les années
1930 par des chercheurs tels que Jahoda, Lazarsfeld et Zeisel (1933/1972), Bakke (1933) et
Eisenberg et Lazarsfeld (1938). Ces études, basées sur une grande variété de recherches tant
qualitatives que quantitatives, montrent que l’expérience du chômage est clairement négative
et psychologiquement destructrice (Ezzy, 1993). Il n’existait cependant pas, à cette époque,
d’échelle permettant de mesurer la santé psychologique.
Des recherches plus récentes ont démontré, à l’aide de méthodologies quantitatives
plus rigoureuses, que la perte d’un emploi entraîne une baisse du bien-être psychologique,
comparativement à des groupes de contrôle de personnes qui restent employées et
indépendamment du niveau de bien-être psychologique antérieur à la perte d’emploi (par
exemple Kessler, Turner & House, 1989).
Nous retrouvons les mêmes résultats en ce qui concerne l’estime de soi, et ceci aussi
bien dans les études longitudinales que transversales (Waters et Moore, 2002a). Ces deux
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auteurs soulignent qu’une faible estime de soi peut, à son tour, influencer négativement la
probabilité de retrouver un emploi (Waters et Moore, 2002b). C’est ce que Kasl (1982)
appelle "l’hypothèse causale inversée". Ainsi, par exemple, Iversen et Sabroe (1988)
rapportent que des chômeurs qui retrouvent un emploi dans l’intervalle d’une année ont un
bien-être psychologique (mesurée à l’aide du G.H.Q.) meilleur que ceux qui restent au
chômage. De même, Vinokur et Schul (1997) trouvent qu’une perception de maîtrise (reflété
notamment par les scores d’estime de soi) prédit de manière significative le ré-emploi sur une
période de six mois.
II.2. Les effets ne sont pas homogènes.
Si Fryer (1995) note que les résultats convergent vers la conclusion générale que le
chômage est associé à une santé psychologique faible, il note aussi que les effets ne sont pas
homogènes. Autrement dit, « alors que le chômage tend à être associé à des scores moyens
faibles de bien-être psychologique pour les groupes de chômeurs, tous les individus ne sont
pas affectés de manière similaire. Certains souffrent plus que d’autres et il peut même y en
avoir certains pour lesquels la santé psychologique s’améliore » (Feather, 1997, p. 37).
Ainsi, le chômage ne peut être considéré comme "uniformément" négatif, de même
que l’emploi n’est pas "uniformément" positif. Nous retrouvons ces nuances dès les premières
études sur le chômage. Ainsi, Bakke (1933) observe que certaines personnes s’adaptent au
chômage, le trouvant moins déplaisant que l’emploi, qui renvoie pour eux à une occupation
oppressante. De même, Jahoda, Lazarsfeld et Zeisel (1933/1972, p. 53) notent qu’alors que
certaines familles développent une attitude de résignation, d’autres arrivent à maintenir leur
bien-être psychologique, dans lequel l’espoir et des projets pour le futur sont maintenus. Dans
les études plus contemporaines, nous retrouvons ce type de résultats. Ainsi, Andersen (2002)
observe sur un échantillon de chômeurs que 34 % des chômeurs de longue durée ont un déclin
du bien-être psychologique mais que 28 % ont une amélioration du bien-être psychologique
durant leur chômage.
II.3. Les variables médiatrices : quelques exemples.
Ainsi, l’expérience du chômage peut sensiblement varier en fonction de nombreux
facteurs d’ordre très divers : l’âge, le sexe, les revenus, les supports sociaux, les raisons de la
perte d’emploi, l’engagement dans l’emploi, la satisfaction dans l’emploi antérieur,
l’espérance de retrouver un emploi, la durée du chômage, les attributions causales, etc.
Il ne nous est pas possible ici d’illustrer toutes les variables médiatrices étudiées. Nous
allons simplement prendre quelques exemples :
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L’âge :
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Les individus expérimentent différemment le chômage selon leur âge. Par exemple,
Broomhall et Winefield (1990) montrent que les jeunes et ceux qui sont proches de la
retraite sont moins affectés que ceux qui sont dans un âge intermédiaire.
-
Le sexe :
Les réactions psychologiques au chômage seraient différentes selon le sexe. Par exemple,
Muller, Hicks et Winocur (1993) trouvent que les chômeurs ont moins d’énergie, une
détresse, une tension et une fatigue plus fortes que les chômeuses. Dans une étude
longitudinale, Lahelmo (1992), mesurant le bien-être psychologique à l’aide du G.H.Q.,
montre que les hommes réagissent plus négativement à la perte d’emploi que les femmes.
Cependant, d’autres études produisent des résultats inverses. Ainsi, les femmes au
chômage auraient des scores d’estime de soi significativement plus bas que les hommes
(Warr et Jackson, 1983).
-
La privation économique :
Si « la privation financière a été fréquemment mentionnée comme étant une cause majeure
des effets négatifs du chômage durant la grande dépression des années trente » (Feather,
1997, p. 37), dans la recherche contemporaine, ce facteur a pris une place moins
prépondérante et joue plutôt un rôle de variable modératrice. Whelan (1992), dans une
étude portant sur 6764 personnes mesure la privation économique primaire (e.g. manque
de nourriture, problème pour payer les dettes, etc.), le revenu familial et le bien-être
psychologique (mesuré à l’aide du G.H.Q.). Il observe que la pauvreté médiatise l’impact
du chômage, dans le sens "attendu" : ce sont ceux qui ont les plus grandes difficultés
financières qui montrent la plus grande détérioration du bien-être psychologique.
Cependant, est-ce que l’effet psychologique négatif du chômage est dû seulement à la
pression financière ou est-ce qu’il dépend aussi de la perte d’autres bénéfices potentiels de
l’emploi ? La réponse n’est pas encore claire. D’un côté, des études rapportent que la
pression financière est le seul facteur qui affecte la santé psychologique des chômeurs.
D’un autre côté, d’autres études ont trouvé des effets négatifs sur le bien-être
psychologique associés à la perte d’emploi, même pour des chômeurs qui recevaient 90 %
de leur revenu antérieur durant la première année de chômage (cf. Winefield et al., 2002).
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Les attributions :
Les théories de l’attribution cherchent à analyser comment les individus expliquent leurs
actes et les conséquences de ces actes. Les causes invoquées peuvent être soit internes
(c’est-à-dire renvoient à des facteurs propres à la personne : personnalité, motivation,
effort, capacités, habiletés, etc.), soit externes (c’est-à-dire font référence à des facteurs
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extérieurs à la personne : circonstances, chance, hasard, etc.). Les attributions
constitueraient une variable médiatrice car elles influenceraient les conséquences
psychologiques et comportementales des événements autant positifs que négatifs. Les
recherches montrent que les attributions concernant la perte d’emploi influenceraient la
perception de soi. Ainsi, se rendre personnellement responsable de son chômage
(attribution interne) est associé à une estime de soi faible, alors que renvoyer la
responsabilité à des facteurs environnementaux (attribution externe) serait associé à une
estime de soi forte ou n’influencerait pas la perception de soi (Winefield et al., 1992). De
même, une attribution interne pour expliquer la perte d’un emploi diminuerait la
satisfaction de vie et augmenterait la dépression. Ainsi, « les chômeurs qui pensent qu’ils
ont été traités injustement à cause d’un facteur personnel (e.g. l’âge) sont ceux qui
ressentent la plus grande détresse psychologique. La variabilité des conséquences
psychologiques est avant tout fonction des différentes attributions données pour expliquer
la perte d’emploi » (Hanisch, 1999, P. 193). De même, une internalité plus élevée
favoriserait la quête de travail (Fournier, Pelletier et Pelletier, 1993).
II.4. La combinaison des variables médiatrices : les résultats se complexifient.
Cependant, l’introduction de ces variables médiatrices ne peut suffire si on reste dans
une analyse qui demeure somme toute linéaire :
chômage variable médiatrice effet psychologique
En effet, ces variables se combinent aussi entre elles pour donner des résultats certes
plus complexes mais en même temps plus proches de la réalité. Ainsi par exemple :
-
Sexe et âge :
Des études ont montré que le chômage affecte autant le bien-être psychologique des
jeunes chômeurs que celui des jeunes chômeuses, car l’emploi occupe une place aussi
importante pour chacun d’eux. Des différences entre les sexes se manifesteraient non pas
dans la direction des effets produits mais dans leur intensité. Autrement dit, chez les
jeunes, les deux sexes seraient affectés par le chômage, mais les femmes le seraient plus
que les hommes (voir par exemple Feather, 1982).
-
Privation économique et sexe :
Waters et Moore (2002a) observent que la privation financière a un effet négatif plus
important pour les hommes que pour les femmes.
-
Attribution causale, âge et sexe :
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Nous avons vu que des explications internes augmenteraient les effets négatifs du
chômage sur le bien-être psychologique, mais favoriseraient la recherche d’emploi. Les
résultats deviennent beaucoup plus complexe lorsque l’explication causale est conjuguée
avec d’autres variables explicatives. Par exemple, Joulain (1995) montre sur une
population de jeunes chômeurs que les plus dynamiques dans la recherche d’emploi sont
les plus internes, notamment si ce sont les plus jeunes et plutôt des femmes ; à l’inverse,
les moins internes s’avèrent moins actifs, notamment s’ils sont plus âgés et si ce sont des
hommes.
II.5. En guise de conclusion intermédiaire.
Sans prolonger ici cette revue de questions, quelles sont les premières conclusions que
nous pouvons en tirer ?
1) D’une part, les effets du chômage ne sont pas homogènes et linéaires, comme le
laissaient entendre les premières études. Il ne s’agit pas ici de nier que le chômage
est une situation difficile, qui peut générer des effets négatifs importants.
Cependant, comme toute situation traumatisante, le chômage entraînera des
réactions différentielles, certaines personnes réagissant très négativement, d’autres
un peu moins et d’autres enfin arrivant à dépasser et positiver cette situation.
2) D’autre part, ces vécus différentiels, qui sont maintenant reconnus comme une
évidence dans la littérature contemporaine, peuvent s’expliquer par la prise en
compte de variables médiatrices. Cependant, celles-ci ne peuvent être considérées
indépendamment les unes des autres, au risque d’aboutir à des résultats
contradictoires. Il est nécessaire de combiner ces variables médiatrices pour en
analyser les effets conjugués sur le vécu du chômage.
Nous allons voir que les différents cadres théoriques utilisés pour expliquer les
résultats présentés ci-dessus prennent diversement en compte ces deux premières conclusions.
III.
Les modèles explicatifs
Les modèles explicatifs utilisés dans le cadre de la recherche sur les effets
psychologiques du chômage ont eux aussi évolué. Comme le notent Ball et Orford (2002, p.
378) : « Parmi les explications théoriques des effets négatifs associés au chômage, trois des
plus notables sont ceux développés par Jahoda (1982), Warr (1987a et b) et Fryer (1986) ».
Pourquoi ces trois modèles sont-ils les plus "notables" ? Mis à part le fait qu’ils ont donné lieu
à une multitude d’études, ils sont intéressants car ils renvoient à deux perspectives différentes,
voire antagonistes :
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-
La première renvoie à ce que l’on trouve nommé dans la littérature sous le terme de
modèles "privatifs". L’explication des effets du chômage repose ici sur ce qui va manquer
au chômeur, du fait de la perte d’emploi. En d’autres termes, la perte ou l’absence
d’emploi priverait le chômeur d’un certain nombre d’éléments qui expliqueraient les
effets, majoritairement négatifs ici, du chômage. Dans cette perspective, le chômeur est
plutôt considéré comme subissant passivement la situation. Les deux premiers modèles
(celui de Jahoda et de Warr) se situent dans cette perspective.
-
La seconde perspective, par opposition à la précédente, insiste sur le fait que l’individu est
un acteur, agissant sur la situation, et donc capable d’influencer celle-ci. Ces modèles, que
l’on peut nommer "proactifs", visent à apporter un éclairage sur les vécus différentiels du
chômage. Le modèle de Fryer est à la base de cette perspective. Celui-ci a donné lieu à de
nombreuses études, la plupart de type qualitatif, sur de petits échantillons. Nous
présenterons un quatrième modèle qui se situe dans la droite ligne de celui de Fryer et qui
permet des études de type plus quantitatif : le modèle du système des activités.
III.1. les modèles "privatifs"
III. 1.1. Le modèle fonctionnaliste de Jahoda.
Dans le modèle de Jahoda (1982, 1988), toute forme d’emploi, satisfaisante ou
insatisfaisante, fournit, voire force, l’accès à des "catégories d’expériences" variées. Celles-ci
renvoient pour Jahoda, aux fonctions de l’emploi, qui peuvent être manifestes ou latentes. La
fonction manifeste de l’emploi est de permettre à une personne de gagner de l’argent. Les
fonctions latentes renvoient à cinq catégories d’expériences : 1) l’emploi impose une structure
temporelle à la journée, mais aussi à la semaine et à l’année ; le chômage détruirait la
structure habituelle, mettant le chômeur face à un temps "désignifié" ; 2) l’emploi fournit des
buts collectivement partagés ; le chômage, par l’absence de cette participation a un travail
collectif, minerait le sens de la vie, entraînant un sentiment d’inutilité ; 3) l’emploi implique
des contacts sociaux (en dehors de la famille) ; le chômage réduirait ces rencontres et ces
expériences partagées ; 4) l’emploi définit la position, le statut et l’identité de l’individu dans
la société ; le chômage entraînerait non seulement une perte de statut mais aussi une
mutilation de l’identité ; 5) l’emploi oblige à une activité régulière ; le chômage supprimerait
ces activités régulières et déstructurerait la vie quotidienne de la personne.
Ce modèle pose donc que même le plus insatisfaisant des emplois est préférable au fait
de ne pas avoir d’emploi du tout. Par exemple, un individu peut avoir un emploi dans lequel
la structure temporelle est ressentie comme trop rigide, le contact avec le supérieur
hiérarchique mauvais, les buts peu clairs ou inacceptables, le statut trop bas et l’activité
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ennuyeuse et fatigante, mais l’emploi demeure néanmoins un support psychologique même
quand les conditions sont mauvaises (Jahoda, 1981). Pour Jahoda, d’autres activités (e.g. les
loisirs), même signifiantes pour l’individu, ne peuvent fournir ces "catégories d’expériences",
car cela demanderait un effort trop important, un degré d’initiative personnelle qui est rare
dans toutes les strates de la population (Jahoda, 1982).
Ce modèle a fourni un cadre d’analyse à de nombreuses recherches et a donné lieu à la
constitution d’une échelle de mesure (Acess to Categories on Experience : ACE, cf. par
exemple Creed et Machin, 2003). Ce modèle a aussi subi un certain nombre de critiques.
D’une part, le fait qu’aucune autre activité, même signifiante pour le sujet, ne peut remplir les
fonctions latentes (dévolues uniquement à l’emploi par Jahoda) sera critiqué par de nombreux
auteurs (cf. la perspective proactive développée plus loin). Jahoda tempèrera d’ailleurs ellemême ses propos en accordant cette possibilité aux femmes : « Même si les femmes préfèrent
avoir un emploi, le chômage les frappe moins durement, psychologiquement parlant, que les
hommes, parce qu’une alternative est disponible pour elles, à savoir retourner au rôle
traditionnel de femme au foyer, qui leur fournit une structure temporelle, des buts, un statut et
une activité, même si cela offre une opportunité faible pour une large expérience sociale »
(Jahoda, 1982, p. 53). De même, elle reconnaît elle-même qu’il est aussi important de
considérer le degré d’exercice du contrôle personnel que fournit l’emploi.
Winefield et al. (2002) notent par ailleurs que le fait qu’un emploi insatisfaisant serait
préférable au chômage n’est pas soutenu par les résultats des recherches récentes (Feather,
1990). Ainsi, par exemple, Winefield et Tiggemann (1994) ont effectué une étude
longitudinale sur des jeunes (19-20 ans), chômeurs et employés. Ils distinguent deux sousgroupes d’employés : les satisfaits et les insatisfaits. Ils notent que « les différences observées
pour le bien-être psychologique sont présentes entre les employés satisfaits et les autres
groupes (employés insatisfaits et chômeurs). Dans aucun cas, il n’y a de différence entre les
employés insatisfaits et les chômeurs. Ce résultat jette un doute sur le modèle de privation de
Jahoda selon lequel, parce que l’emploi satisfait plusieurs fonctions, autant latentes que
manifestes, même un travail insatisfaisant est préférable au chômage » (p. 49). De plus, des
études sur les chômeurs adultes ont montré que, si 90 % d’entre eux rapportent un déclin dans
la santé mentale ou physique, les 10 % restant présentent une amélioration, qui est associée au
fait qu’ils ont quitté un emploi extrêmement stressant, autant mentalement que physiquement.
Fryer et Winefield (1998) ont d’ailleurs suggéré que le chômage peut être considéré comme
équivalent dans ces effets psychologiques à un emploi fortement stressant.
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Pour conclure sur le modèle de Jahoda, nous pouvons reprendre le propos de Andersen
(2002, p. 188) : « Les gens préfèrent clairement avoir un emploi que d’être chômeur, mais
contrairement à la "perspective privative", nous trouvons de fortes indications selon lesquelles
la plupart des chômeurs sont capables de faire face à la situation. Les effets du chômage sur le
bien-être psychologique ne sont pas très bons mais ne sont pas non plus mauvais. Plus
spécifiquement, sur plusieurs aspects, les effets sur le bien-être psychologique sont
relativement faibles et autant les employés que les chômeurs reconnaissent que le chômage
apporte des opportunités pour avoir plus de contacts avec les amis et les connaissances. Le
sentiment de solitude et d’isolation n’est pas très répandu et les personnes rapportent rarement
des problèmes de buts et de structuration de la vie quotidienne ».
III. 1.2. Le "modèle des vitamines" de Warr (1987a et b).
Dans son modèle, Warr fait une analogie entre les caractéristiques de l’environnement
et différentes sortes de vitamines. Ce modèle propose neuf caractéristiques de
l’environnement qui seraient reliées à la santé mentale. Ces caractéristiques sont : les
opportunités de contrôle ; les opportunités d’utilisation des connaissances et habiletés ; les
buts générés de l’extérieur ; une prédictibilité environnementale variée ; la disponibilité de
l’argent ; la sécurité physique ; l’opportunité pour des contacts interpersonnels ; une position
sociale valorisée.
Il est évident que certaines de ces caractéristiques environnementales recoupent les
fonctions de l’emploi listées par Jahoda. Ces neuf caractéristiques doivent conduire à une
"bonne" santé mentale. Cependant, comme certaines vitamines (e.g. les vitamines C et E),
certaines caractéristiques (les EC ou caractéristiques à effet constant) sont supposées
bénéfiques pour la santé mentale jusqu’à un certain niveau, au-delà duquel elles ne
fournissent plus de bénéfice supplémentaire. L’argent, la sécurité physique et la position
sociale valorisée sont dans cette catégorie. Comme d’autres vitamines (e.g. vitamines A et D),
d’autres caractéristiques environnementales (les AD, ou caractéristiques à effet additionnel
décroissant) sont supposées être bénéfiques jusqu’à un certain niveau mais préjudiciables à la
santé mentale si elles sont présentes à l’excès. Les six caractéristiques restantes sont dans
cette catégorie. Pour ces caractéristiques, une personne peut en avoir trop (e.g. trop de buts,
trop de variété, trop de prédictibilité, etc.).
Warr applique le "modèle des vitamines" dans de nombreux contextes et observe une
variation notable des neuf caractéristiques dans le domaine du chômage et de l’emploi. Il
considère que son modèle permet d’interpréter "conceptuellement et empiriquement" les
effets différentiels sur la santé mentale de la transition que constitue la perte d’emploi (Warr,
10
1987b). Ainsi, pour Warr, il est inapproprié de penser que le chômage est inévitablement
destructeur ou que l’emploi serait inévitablement constructif. Les effets de la survenue du
chômage dépendent des modifications des neuf caractéristiques environnementales primaires.
Si majoritairement, ces effets affecteront négativement la santé mentale, parfois ils seront
neutres, parfois ils amélioreront la santé mentale (Warr, 1987a).
En résumé, le modèle de Warr permet d’expliquer, pour une part, les effets
différentiels du chômage sur la santé psychologique. Cependant, comme le note Feather
(1997), le modèle de Warr ne permet pas de dire pourquoi ces caractéristiques
environnementales sont importantes et comment elles peuvent interagir et se combiner pour
affecter le bien-être psychologique. L’analogie avec les vitamines pourrait être poussée plus
loin puisque les vitamines sont conçues comme étant associées à des besoins physiologiques
de base. Est-ce que les caractéristiques environnementales sont le reflet de valeurs et besoins
vitaux qui ont une base biologique et sociale complexe ? Est-ce qu’une déficience dans une
ou plusieurs caractéristiques environnementales peut-être compensée par une abondance dans
les autres caractéristiques ? Est-ce que certaines caractéristiques sont primaires, dans le sens
où une personne ne peut pas vivre sans elles, alors que d’autres seraient secondaires ou moins
importantes ? Comment décode-t-on à quel moment il y a surabondance des caractéristiques
AD (i.e. à effet additionnel décroissant) ? Est-ce que les caractéristiques environnementales
sont inter-reliées et structurées ? Est-ce que la disponibilité de l’argent constitue une limite ou
une frontière qui gouverne l’émergence des autres caractéristiques environnementales ?
Si le modèle de Warr permet de mieux expliquer des vécus différentiels, il n’en
demeure pas moins inscrit dans une perspective privative, analysant le chômage en termes de
manque. Les questions précédentes suggèrent les zones d’ombre d’une telle perspective.
III.2. Les modèles "proactifs"
III.2.1. Le modèle "actif" du chômage de Fryer
Ce modèle met en évidence la caractéristique psychologique qui est vue comme la
base du fonctionnement de l’être humain, à savoir la potentialité d’agir comme un agent actif,
ayant des initiatives, des projets, s’efforçant de donner sens aux événements et de les
influencer (Fryer, 1990). Les individus au chômage s’efforcent de trouver des alternatives
permettant l’expression de soi, et ainsi réagissent dans des voies différentes. Dans cette
perspective, l’initiative est à la base des réactions et il est prématuré de conclure que le vide
créé par l’absence des fonctions latentes de l’emploi va nécessairement rendre l’individu
psychologiquement vulnérable. Fryer conteste la notion de passivité implicitement contenue
dans les perspectives privatives. L’étude qui supporte ce modèle est celle de Fryer et Payne
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(1984). Dans cette étude (brièvement rappelée ici), Fryer et Payne constituent un échantillon
de chômeurs particulièrement "proactifs". La proactivité est caractérisée par le fait qu’un
individu choisit d’intervenir dans les situations d’une manière qui permette à cet individu,
considéré comme agent, d’agir dans des directions qu’il valorise, plutôt que de répondre
passivement aux changements imposés. Pour choisir les chômeurs pouvant être caractérisés
comme proactifs, les auteurs ont demandé à des travailleurs sociaux qui s’occupaient de
chômeurs, d’identifier ceux qui utilisaient leur chômage d’une façon exceptionnellement
positive et créatrice. La constitution de l’échantillon a nécessité plusieurs mois.
A l’aide d’entretiens semi-directifs, ils ont essayé d’expliquer cette proactivité. Une
analyse du contenu des entretiens leur a permis d’extraire 20 catégories de problèmes, par
exemple : la perception d’opportunité dans le chômage, la distinction entre travail et emploi,
la structuration du temps et des comportements auto-imposés, etc. Ils notent que le fait
dominant dans la compréhension de l’expérience du chômage de cet échantillon n’est pas ce
que le chômage a enlevé à ces personnes, mais ce que ces dernières ont apporté au chômage.
Les individus qui composent leur échantillon ont réussi à entreprendre des activités extraprofessionnelles le plus souvent sociales ou socialement reconnues. Le thème qui émerge le
plus souvent est la distinction entre "être employé" et faire un "travail signifiant".
De nombreux autres travaux ont cherché à savoir dans quelle mesure des activités
pouvaient compenser la perte de l’emploi formel. Ainsi, par exemple, Hepworth (1980)
montre que le prédicteur le plus adéquat de la santé psychologique durant le chômage est la
perception que le temps est occupé. De même, Feather et Bond (1983) observent une
association positive entre les niveaux d’estime de soi et une utilisation du temps structuré de
manière signifiante. Winefield, Tiggemann et Winefield (1992) dans une analyse portant sur
des jeunes, chômeurs et employés insatisfaits de leur emploi, montrent que le fait d’engager
des activités signifiantes diminue le stress associé autant au chômage qu’à l’insatisfaction à
l’égard de l’emploi. De même, Kilpatrick et Trew (1995) dans une étude portant sur des
hommes chômeurs âgés de 25 à 45 ans, identifient quatre styles de vie différents : actif,
social, domestique et passif. En regard du bien-être psychologique, les styles de vie actif et
social constituent plus un support psychologique que les styles domestique et passif.
Ainsi ce modèle apporte un éclairage intéressant en proposant un autre modèle du
sujet que celui développé dans la perspective précédente. Il reste qu’il n’a été appliqué qu’à
des échantillons très restreints et dans des analyses qualitatives. Le modèle qui suit permet
une approche plus quantitative de ces vécus différentiels.
III.2.2. Le modèle du système des activités.
12
Le modèle du système des activités se situe dans la droite ligne du modèle de Fryer
développé ci-dessus. Pour présenter brièvement ce modèle, nous partirons de deux exemples :
le premier est le cas de cet homme qui, depuis qu’il est au chômage, ne va plus à la chasse
avec ses copains le week-end, parce que ça n’a plus de sens pour lui. Le deuxième concerne
ce chômeur qui disait, lors d’un entretien, que depuis qu’il est au chômage, il ne se sentait
plus le droit de voter. Que peuvent signifier ces réactions ? Ces deux chômeurs signifient, à
leur manière, que nos différentes activités, nos différents rôles et statuts (familiaux,
professionnels, de citoyen, etc.) ne sont pas indépendants les uns des autres. Pour agir dans un
domaine de vie (le domaine des loisirs par exemple), l’individu a besoin de motivation, de
significations, d’informations qui peuvent provenir d’autres domaines de vie (le domaine
professionnel par exemple). Autrement dit, il existe des échanges entre les différents
domaines de vie, échanges de contraintes (le temps et/ou l’énergie passé à une activité n’est
plus disponible pour une autre) et de ressources (la motivation pour réaliser une activité peut
provenir d’un autre domaine, comme c’est le cas dans les deux exemples pris ici). Mais ces
échanges ne sont pas les mêmes pour tous les individus : si nous reprenons les deux exemples
ci-dessus, toutes les personnes ne stoppent pas leurs loisirs lorsqu’elles se retrouvent au
chômage ; de même, beaucoup de chômeurs ressentent comme tout à fait légitime d’aller
voter (et les politiques le savent bien !). Autrement dit, ces échanges entre les différents
domaines de vie se font en fonction des valeurs et des significations que le sujet attribue à ces
différentes activités.
Autrement dit, le chômage, lorsqu’il survient dans la vie d’un individu, va perturber
bien sûr l’organisation de la sphère professionnelle, mais va aussi perturber le réseau
d’échanges entre les différents domaines de vie. Les sujets se trouvent alors en situation de
devoir redéfinir l’organisation de leurs activités, aussi bien celles qui relèvent de la sphère
professionnelle que celles de leurs autres domaines d’existence (familial, social : relations
institutionnelles, personnelles, etc.). Cependant, cette réorganisation ne sera pas identique
pour tous les chômeurs.
Au cours de cette réorganisation consécutive au chômage (et plus généralement à toute
perturbation), le sujet ne sera pas passif, comme pris par des forces qu’il ne maîtriserait en
aucune manière, telle une « girouette ». Comme dans le modèle proposé par Fryer, le sujet est
plutôt ici considéré comme le « barreur » d’un bateau à voile. Bien sûr, des forces externes,
vents et courants, s’exercent sur le voilier, sur lesquels le barreur n’a aucune maîtrise. Mais le
déplacement du voilier ne dépendra pas seulement de la direction de ces forces et de leur
combinaison. Ce déplacement sera aussi relatif à la structure du bateau. Et, dans cette
13
structure, il existe plusieurs éléments que le barreur peut faire varier : la taille et l’orientation
de la voilure, la position de la dérive et celle du gouvernail, de telle sorte qu’en modifiant la
structure, le barreur puisse se diriger à la fois avec et contre les forces externes (Curie, 1993,
p. 302). Comme le barreur au cours de sa navigation, le demandeur d’emploi peut changer de
but, perdre du temps à cause de mauvais choix, faire des choix différents en fonction de son
expérience, de la signification qu’il donne aux conditions « extérieures », voire il peut risquer
la noyade, faute de n’avoir pas su ou pu réagir. L’idée générale du modèle du système des
activités (cf. Curie, 1993, 2000 ; Roques, 1995 pour plus de détails) est donc que tout individu
(et le chômeur comme les autres) est un sujet actif et pluriel. Ce modèle peut être schématisé
de la manière suivante :
Sous-système 1
Sous-système 2
Act
C/R
Act
M.A.
M.A.
C/R
M.V.
M.A.
C/R
Act
Act : Activités
C/R : Contriantes / Ressources
M.A. : Modèle d’action
M.V. : Modèle de Vie
Sous-système 3
Schématisation du système des activités
(Hajjar, Baubion-Broye et Curie, cités par Roques, 1995, p. 133)
Ce modèle pose que les activités des individus sont organisées en une pluralité de
sous-systèmes ou domaines (professionnel, familial, personnel, social). Un sous-système se
définit par des ressources et des contraintes, des activités et un modèle d’action. Ce dernier
gère les relations que le sujet établit à un moment donné entre les moyens qu’il met en œuvre
et les objectifs qu’il projette d’atteindre dans un domaine de vie. Entre ces sous-systèmes
existent des échanges (informationnels, matériels, motivationnels) plus ou moins intenses qui
rendent les sous-systèmes à la fois interdépendants et relativement autonomes. Relativement
autonomes parce que chaque sous-système a des objectifs propres à la réalisation desquels
14
peuvent concourir des moyens spécifiques. Par exemple, pour un chômeur, un objectif dans le
domaine professionnel (trouver un emploi) implique de mobiliser un certain nombre de
moyens propres à ce sous-système : répondre à des offres d’emploi, se renseigner sur le tissu
économique local, entreprendre une formation et/ou un bilan de compétences, etc.
Interdépendants parce qu’entre sous-systèmes s’effectuent des échanges de ressources et de
contraintes, de sorte que les activités propres à un sous-système peuvent servir (ou gêner) le
déroulement des activités ou l’atteinte d’objectifs d’autres sous-systèmes. Par exemple,
toujours pour ce chômeur qui veut trouver un emploi, ses activités sociales (membre d’une
association sportive) peuvent lui apparaître comme une aide car elles lui permettent d’une part
d’utiliser un réseau de relation et, d’autre part, de rester actif, de ne pas se laisser
« submerger » par l’absence d’emploi et donc de conserver une perception de lui positive.
Mais ces mêmes activités peuvent, à l’inverse, pour un autre chômeur, ne pas être perçues
comme une ressource car il ne se sent pas le droit d’avoir des activités de loisirs, alors qu’il
n’a pas d’emploi. Les échanges entre sous-systèmes s’effectuent sous l’égide d’une instance
de contrôle (ou modèle de vie) qui gère les modalités de ces échanges soit pour les activer (et
accroître ainsi l’interdépendance des sous-systèmes), soit pour les inhiber (et dissocier ou
segmenter les sous-systèmes, renforçant l’autonomie relative) et assurer ainsi la compatibilité
des modèles d’action. Ces échanges, comme le montre l’exemple pris ci-dessus, ne s’exercent
pas indépendamment des significations et des valeurs que le sujet attribue à ses activités.
Le système des activités peut ainsi être défini comme le produit de l’activité de
régulation d’un sujet agissant en fonction de son modèle de vie et des contraintes et
ressources de ses conditions de vie. Autrement dit, c’est le produit de choix opérés sous
contraintes.
Un exemple de recherche nous permettra d’illustrer ce modèle. Roques (1995) a
conduit une étude longitudinale dans l’objectif d’analyser les facteurs qui peuvent accélérer
ou au contraire gêner la sortie du chômage. L’hypothèse posée est que la différence de vitesse
de sortie du chômage ne dépend pas (ou pas seulement) du positionnement des demandeurs
d’emploi par rapport à la sphère professionnelle mais plus généralement du fonctionnement
de l’ensemble du système des activités. L’échantillon total est de 691 personnes ayant
répondu à un questionnaire à cinq reprises sur une durée de 19 mois. Trois groupes ont été
distingués : le groupe 1 retrouve un emploi après 7 mois de chômage (n = 26) ; le groupe 2
retrouve un emploi après 11 mois de chômage (n = 12) ; le groupe 3 ne trouvent pas d’emploi
pendant les 19 mois que dure l’étude (n = 19). Le questionnaire portait sur la valorisation
respective des domaines de vie professionnel, social et privé, ainsi que sur le nombre
15
d’activités réalisées dans chacun de ces trois domaines. Les résultats confirment l’hypothèse
posée. Ainsi, à un niveau global d’analyse (sans séparer les différents temps d’observation), il
apparaît bien une relation entre la sortie rapide du chômage et l’intensité des Comportements
de Recherche d’Emploi (C.R.E). Cependant, la prise en compte des différents temps
d’observation complexifie cette relation. Pour le groupe 1, il existe bien une corrélation
positive entre l’intensité des C.R.E. et l’accès à l’emploi. Pour les deux autres groupes, la
relation est beaucoup moins explicite : le groupe 2 sort du chômage alors que l’intensité des
C.R.E. baisse, et le groupe 3 ne sort pas du chômage, alors que l’intensité augmente pour
égaler puis dépasser celle du groupe 2. Ceci nous a amené à conclure que la recherche
d’emploi est une condition nécessaire mais non suffisante à la sortie du chômage. La prise en
compte de la sphère professionnelle ne suffit pas à expliquer à elle seule la différence de
vitesse de sortie du chômage.
La prise en compte du fonctionnement du système des activités dans son ensemble
permet d’accéder à une compréhension plus complète de la vitesse de sortie du chômage des
trois groupes. Le groupe 1 fonctionne par segmentation des sous-systèmes. Les sujets de ce
groupe présentent une consistance intra-sphère (forte valorisation et fortes activités) pour
deux domaines : professionnel et social. Les sujets trouvent, dans ces deux domaines de vie,
les raisons et les moyens d’agir, leur permettant de déployer de hauts niveaux d’activités.
Cette consistance rend moins nécessaire les échanges entre domaines de vie, il existe une
prévalence du contrôle local (modèle d’action). Le contrôle central (modèle de vie) agit ici par
inhibition, de façon à ce que le fonctionnement du sous-système professionnel ne soit pas
perturbé par le fonctionnement du système social et inversement. Ceci est confirmé par la
quasi-absence de relation entre domaines de vie : le seul échange existant est une synergie
entre les activités professionnelles et sociales. Les relations sociales semblent constituer ici
une ressource, au moins sur deux plans : d’une part, elles permettent de conserver un haut
niveau d’activités, et, d’autre part, elles sont « instrumentalisées », dans la mesure où les
sujets de ce groupe utilisent fortement les canaux de recherche d’emploi nécessitant
l’utilisation de réseaux relationnels. Voici ce que dit pour illustrer un chômeur de ce groupe :
« Les activités en dehors de travail permettent certainement d’occuper le temps. Il ne faut pas
tout mélanger. Le fait de chercher un emploi n’empêche pas d’avoir des activités, au contraire
même, ça permet de se bouger ».
A l’opposé, le groupe 3 qui reste au chômage pendant 19 mois, fonctionne par
substitution. La valorisation d’un domaine de vie entraîne la dévalorisation de l’autre. De
même, lorsque le niveau d’activité croît dans un domaine de vie, il décroît dans l’autre. Cette
16
régulation par substitution peut amener les sujets à vivre la perturbation sous le mode de
l’aliénation (désignification des activités autant professionnelles que sociales). L’organisation
du système des activités va évoluer vers une accommodation à la perturbation (forte baisse de
la valorisation professionnelle, repli sur les activités privées). Cependant, cette régulation par
substitution et accommodation peut prendre plusieurs formes. Elle peut amener un
apragmatisme général : « Maintenant, je suis obligé d’attendre […] L’A.N.P.E., je ne la
contacte plus parce qu’il n’y a jamais rien, alors ! […] Ma femme regarde [les petites
annonces], elle me donne des trucs, elle me dit : tu crois pas qu’on devrait appeler, je lui dis :
non, ça vaut pas le coup, parce que je ne serai pas pris, alors ! […] Je n’ai plus envie de rien
faire. Depuis que la chasse est ouverte, je n’y ai été que trois fois. Je ne vais plus à la pêche
non plus. Alors qu’avant, je n’étais jamais là le week-end. Mais maintenant, je ne trouve plus
d’intérêt dans les loisirs. Avant, quand je travaillais, je pouvais décider de m’arrêter une
journée, maintenant, ça n’a plus de sens … ». Mais cette régulation par substitution et
accommodation peut aussi prendre un aspect plus « dynamique ». Voici ce que dit un autre
chômeur de ce même groupe : « Ça dépend comment on le vit. Moi, je m’y arrange bien, ça
ne me pose pas de problèmes particuliers d’être au chômage. Bien sûr, il faut voir aussi le
côté financier […] Mais en fait, ça devient vite une organisation. Par exemple, on a cassé la
bagnole. Bon deux solutions : je bosse, j’ai pas envie de passer le week-end à faire de la
mécanique, je l’amène au garage. Mais là, le matin, je mets un vieux pantalon et on y va. J’ai
le temps. C’est une façon différente de vivre, c’est sûr. Ça a aussi des avantages, c’est bien
d’être avec notre fille toute la journée […] C’est vrai qu’au niveau financier, c’est pas
mirobolant, mais enfin ».
Contrairement aux deux autres groupes, le groupe 2 régule la perturbation par
intersignification, par appui réciproque, chaque domaine de vie constituant un appui pour les
autres. Ici, c’est le réglage par le modèle de vie qui prédomine, par activation des échanges
entre les sous-systèmes. Pour les sujets de ce groupe, les activités semblent être plurifonctionnelles, correspondant à un recouvrement partiel des différents domaines. De ce
recouvrement naît l’harmonisation – la mise en synergie – des activités. Les propos de ce
chômeur illustrent ce mode de régulation de la perturbation : « Si on travaille pas, on peut
avoir des activités associatives, donc ça s’assimile à du travail. Donc on peut travailler par
exemple au sein d’une association en tant que bénévole et ne pas avoir de rémunération, mais
avoir les mêmes avantages que dans le travail, sauf le salaire. Personnellement, c’est ce que je
recherche aussi dans le travail, c’est surtout une revalorisation, des contacts, enfin toutes ces
choses là que je trouve aussi dans mes activités associatives ».
17
Ainsi, cette recherche illustre bien la nécessité de prendre en compte les différentes
sphères de vie du demandeur d’emploi afin d’aboutir à une compréhension la plus complète
possible. C’est par le fonctionnement du système des activités dans son ensemble que la
complexité des facteurs rendant compte de la vitesse de sortie du chômage peut être
appréhendée.
Un dernier résultat de cette recherche est important à noter ici : l’estime de soi a aussi
été mesuré au cours de cette recherche. Or, il n’y a pas de différence significative entre les
trois groupes en ce qui concerne l’estime de soi.
Ainsi, le modèle du système des activités permet de prendre en compte un ensemble
de variables médiatrices et d’analyser leurs effets conjoints sur le vécu du chômage.
IV.
Conclusion.
Ce chapitre a permis de présenter les principaux résultats obtenus par la recherche en
psychologie sociale concernant les effets du chômage sur le bien-être psychologique. Nous
avons montré que ceux-ci ne peuvent pas être envisagés de manière uniforme et linéaire. Il y a
maintenant un consensus sur le fait que, face au chômage, les vécus seront différents. Comme
le notent Feather (1992, p. 315) : « La recherche sur les impacts psychologique du chômage a
clairement indiqué que le chômage a des conséquences négatives sur le bien-être
psychologique de la plupart des individus, que certains font mieux face à l’expérience du
chômage que d’autres, et que les effets du chômage sont déterminés par un ensemble
complexe de variables qui peuvent exacerber ou réduire son impact ». Nous avons à plusieurs
reprises montrer l’importance de prendre en considération cet ensemble complexe de
variables, comme le propose la perspective proactive et notamment le modèle du système des
activités.
Cette orientation des recherches doit être à notre avis maintenue, voire renforcée et
ceci pour plusieurs raisons :
1) D’une part, parce que, même si la recherche actuelle est abondante et riche, il reste
encore beaucoup à faire pour comprendre totalement ce qui génère ces vécus
différentiels. Par exemple, une piste de recherche est développée par des études
récentes qui s’intéressent non seulement aux réactions des chômeurs mais aussi à
celles de leur famille (e.g. Smith, 2002 ; Van der Merwe et Greeff, 2003).
2) D’autre part, parce que l’emploi a subi, lors de la dernière décennie, des
modifications très importantes : augmentation de la pression au travail, diminution
de la sécurité de l’emploi, augmentation de la nécessité de se recycler pour
18
s’adapter, augmentation de l’inégalité des revenus, distribution inéquitable de
l’emploi, etc. « Ces changements vont obligatoirement modifier l’impact de
l’emploi et de l’absence d’emploi sur la santé et le bien-être psychologique, avec à
nouveau la potentialité d’être bénéfique ou destructeur » (Winefield et al., 2002,
p. 1). Autrement dit, ces changements récents importants vont influencer non
seulement le vécu de l’emploi et du non-emploi, mais ils vont aussi entraîner une
complexification de la catégorisation des publics en regard du statut par rapport à
l’emploi. Ce phénomène s’est déjà produit entre les années trente et les années
quatre-vingt : dans les années trente, la catégorisation en deux groupes (employés
versus chômeurs) était évidente autant dans sa constitution que dans les vécus
psychologiques. Dans les recherches plus récentes, nous avons vu que les choses
se complexifiaient : les chômeurs ne constituent pas un groupe homogène, pas plus
que les employés. Et d’autres catégorisations, tels que les employés insatisfaits
(Winefield et Tiggemann, 1994), les sous-employés (Creed et Machin, 2002) font
leur apparition. Il y a fort à parier que cette évolution va se poursuivre. La frontière
entre emploi et chômage va donc devenir de plus en plus ténue, autant au niveau
des catégorisations que des effets psychologiques.
Autrement dit, il est important de considérer que l’individu, quel que soit son statut par
rapport à l’emploi, réagit comme un tout. Et pour comprendre et expliquer les conduites des
individus, il convient de prendre en compte un champ d’investigation suffisamment large.
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