Marché de définition ou dialogue compétitif
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Marché de définition ou dialogue compétitif
RÉGLEMENTATION PROJETS COMPLEXES (1/2) Marché de définition ou dialogue compétitif ? Dans ce dossier consacré aux projets complexes. Didier Adda, conseil en propriété industrielle, et Jean-Marc Peyrical, avocat, comparent trois procédures : le marché de définition, le dialogue compétitif et la conceptionréalisation. ● Quelques conseils pour y optimiser ces procédures, à la lumière des modifications prévues par le Code 2006 des marchés publics. ● Par DIDIER ADDA, conseil en propriété industrielle, cabinet TPC, ancien acheteur public. es réformes globales du Code des marchés publics ne sont pas les seules à avoir bouleversé les habitudes des praticiens. Le décret du 27 mars 1993 (1) avait introduit deux procédures générant une nouvelle logique pour la commande publique : l’appel d’offres sur performances (ancêtre du dialogue compétitif) et les marchés de définition. La procédure d’appel d’offres sur performance fut peu à peu utilisée pour des projets complexes, avec des cas de dérives. Parmi celles-ci peut être citée la négociation, ou à l’inverse l’absence de dialogue de la part de l’administration, pour imposer les moyens demandés aux fournisseurs sans tenir compte de leurs réserves, mais aussi la persuasion d’un candidat, meilleur à l’oral qu’à l’écrit, pour imposer une solution peu appropriée. De son côté, le marché de définition, souvent mal compris, a été utilisé avec beaucoup plus de modération. Dans le cadre de la transposition des directives européennes « mar- L L’ESSENTIEL 왘 Le dialogue compétitif apparaît mieux structuré que l’ancien appel d’offres sur performances et moins risqué pour les administrations. 왘 Le marché de définition se révèle plus équitable pour les concurrents retenus, car ils sont payés pour leurs prestations sur la base de leur offre de définition et non en fonction d’une éventuelle prime. 왘 Le futur Code devrait réserver la procédure du dialogue compétitif aux « marchés complexes », source de bien des difficultés d’interprétation, et restreindre peu à peu l’utilisation des marchés de définition. 98 MON5337P98-101 RGL ouv.indd 98 chés publics », les pouvoirs publics, avec le Code 2004, ont instauré une nouvelle procédure, le « dialogue compétitif », en abrogeant l’appel d’offres sur performances. DEUX PROCÉDURES DISTINCTES Le dialogue compétitif est apparu plus structuré que l’ancien appel d’offres sur performance et moins risqué pour les administrations. En effet, à l’issue du dialogue, chaque candidat retenu fait une offre. Cette procédure conforte la personne responsable du marché, car elle écarte toute possibilité de négociation de l’offre à l’issue du dialogue. En revanche, la procédure de marché de définition se révèle plus équitable pour les concurrents retenus au stade de la définition, car ils sont payés pour leurs prestations, sur la base de leur offre de définition, et non pas en fonction d’une prime hypothétique. Une gestion différente ● Pour le dialogue compétitif, le règlement de consultation est l’outil de gestion de la procédure. Ce document sert à énoncer les règles de bonne gestion du dialogue, de la remise de la première version de la proposition jusqu’au choix des offres, à savoir : la remise de la proposition, le déroulement du dialogue, la tenue des rencontres, l’élaboration des comptes rendus, les échanges administration/entreprises, le jugement des offres, les critères de choix… Toutefois, la réussite de la procédure s’apprécie au regard des résultats du marché. Ceux-ci reposent sur la qualité du programme fonctionnel, des échanges, ainsi que sur la capacité de l’administration à être à l’écoute de l’ensemble des com- pétiteurs, avec discernement, pour optimiser le projet sous tous ses aspects. ● Pour le marché de définition, tout repose sur le cahier des clauses techniques particulières (CCTP). Ce cahier sert à définir les objectifs du marché de réalisation, les modalités de recensement et d’analyse des besoins, et l’élaboration d’une solution pour y répondre. En fait, ce document instaure une méthode structurée de travail applicable à tous les candidats pour qu’à l’issue du processus de définition, l’administration obtienne une définition précise de ses besoins avec une solution adéquate. Retour d’expériences ● Pour que les délais de la procédure de dialogue compétitif ne dérivent pas, il apparaît important de mentionner, dans le règlement de la consultation, la planification du déroulement de la procédure, tout en prévoyant la possibilité de l’allonger s’il s’avérait nécessaire d’effectuer une ou plusieurs rencontre(s) supplémentaire(s). Si, par exemple, le règlement n’instaure pas un formalisme structuré et égalitaire, en ce qui concerne les rencontres, la procédure pourrait se voir contestée par un des candidats rejetés. Si une administration attend des candidats qu’ils l’aident à rédiger intégralement son cahier des charges en échange d’une simple prime, elle fait fausse route avec cette procédure. Si, par contre, le pouvoir adjudicateur désire faire évaluer ses spécifications et son montage technique et administratif au regard des propositions des concurrents avant de finaliser son dossier de consultation, l’objectif sera complètement atteint. Ainsi, la mise à disposition, auprès des Le Moniteur • 10 mars 2006 6/03/06 11:04:28 concurrents, d’un projet partiellement défini (dont la finalisation repose sur le dialogue) s’avère préférable à la communication d’un programme fonctionnel allégé. En général, la communication d’un document complet de spécifications accompagné d’un cadre de réponse, génère un dialogue constructif, permettant aussi au pouvoir adjudicateur d’apprécier, en toute transparence, le meilleur niveau d’adéquation de ses besoins en fonction des moyens ou des montages proposés. Ces propositions pourraient même avoir une incidence sur l’adaptation du niveau d’exigences fonctionnelles pour obtenir, à l’issue de la consultation, des offres en adéquation avec la demande formulée dans le dossier de consultation des entreprises (DCE) et entrant dans le budget cible. En conséquence, il est important que le pouvoir adjudicateur reste à l’écoute des concurrents. Il doit aussi être clair sur ses objectifs et ses attentes afin que le dépouillement des offres remises après la clôture du dialogue ne soit pas une mauvaise surprise. A savoir notamment : pas de moyen satisfaisant ou un montant global du projet au-dessus du budget. ● Dans le cadre du marché de définition, si le CCTP n’est pas suffisamment cadrant au niveau des prestations, des livrables et du planning d’exécution, chaque projet de définition risque de ne pas être comparable avec les autres, faisant ainsi perdre à cette procédure une partie de son intérêt. De plus, si la prestation de définition sert à effectuer un véritable audit ou un démonstrateur conséquent, le budget alloué au marché de définition devra être prévu en conséquence. Si la personne publique 10 mars 2006 • Le Moniteur MON5337P98-101 RGL ouv.indd 99 attend des titulaires qu’ils sachent rédiger un CCTP, voire un CCAP, ils seront déçus. En réalité, l’art du CCTP et CCAP est difficile. L’administration détient une expertise en la matière, surtout si les concurrents lui donnent le descriptif des moyens pour être intégrés au sein du cahier des charges. Si le pouvoir adjudicateur pense que le marché de définition sert uniquement à exprimer des besoins et à obtenir une solution sur mesure, la démarche n’est pas la bonne ; il aurait dû faire exécuter une étude préalable. En revanche, s’il profite de la procédure pour identifier plusieurs niveaux de périmètres de besoins, pour déterminer celui qui est le mieux en adéquation avec ses attentes et son budget, alors le choix des procédures s’avère opportun. FREINS ÉMIS PAR LE FUTUR CODE Les administrations commencent à peine à s’habituer à ces procédures, surtout en ce qui concerne le dialogue compétitif. Néanmoins, le projet de Code 2006 (2) dans sa version 2 accessible sur le site web du Minefi modifie certaines modalités et conditions d’utilisations (sous réserve d’éventuelles modifications devant le Conseil d’Etat). Pour le dialogue compétitif, ces changements pourraient apparaître comme de simples précisions. Aux termes du futur article 36 du Code, le recours au dialogue compétitif ne s’appliquerait que dans le cas de marché considéré comme complexe, si le pouvoir adjudicataire n’est objectivement pas en mesure de définir seul et à l’avance les moyens techniques pouvant répondre à ses besoins et/ ou s’il n’est objectivement pas en mesure d’établir de montage ju- ridique ou financier d’un projet. Cette évolution du texte pourrait être un frein à l’utilisation de cette procédure du fait de l’introduction du terme « objectivement », qui pourrait être source de difficulté d’appréciation. Vu l’ampleur d’une telle procédure, il est à penser que si un pouvoir adjudicataire y a recours, cela ne peut être qu’en toute objectivité. Sinon que d’argent et de temps perdu ! Mais le frein le plus important figure au VI paragraphe 3 du futur article 67 : « Le dialogue se poursuit jusqu’à ce que soient identifiées, éventuellement après les avoir comparées, la ou les solutions qui sont susceptibles de répondre aux besoins, pour autant qu’il y ait un nombre suffisant de solutions appropriées ». Ce dernier membre de phrase risque d’être générateur de bon nombre d’interrogations pour qui s’intéresse à cette procédure. En effet, quelle valeur doit avoir ce nombre ? Sachant que le VII du même article précise que « les candidats » sont invités à remettre une offre à l’issue du dialogue, il semble que ce nombre soit au moins 2 voire 3, sauf si le nombre de candidats retenus est inférieur à 3 (chiffre « de la concurrence » et d’exigence minimum du nombre de candidats pour la procédure de dialogue compétitif). latives à l’avis d’appel public à la concurrence qui manquent dans le Code actuel y figureraient (objet des marchés de définition et réalisation, critère de sélection des candidatures et des offres du marché de définition, critères de sélection des offres du marché de réalisation, seuil de publication). Mais l’essentiel réside dans le fait d’une remise en concurrence entre les titulaires des marchés de définition à l’issue de leur marché de définition avec une remise d’offre. Cette exigence dissociera désormais, pour chaque titulaire du marché de définition, la définition de la solution proposée et de son offre. Cette dissociation permettra-t-elle d’obtenir l’offre la plus avantageuse au regard des solutions proposées ? Ainsi, peu à peu l’appel d’offres, même décliné, redevient à la mode avec tout son arsenal assez antiéconomique. En effet, cette procédure ne permet pas réellement d’ajuster le meilleur périmètre de besoins à l’offre la plus avantageuse. D. A. ■ (1) Décret 93-733 du 27 mars 1993 (JO, 30 mars 1993), articles 99 et 108 de l’ancien Code des marchés publics. (2) Directives « marchés publics » 2004/17/CE et 2004/18/CE du 31 mars 2004. EN SAVOIR PLUS 왘 Articles VOLONTÉ DE RAPPROCHEMENT En ce qui concerne les marchés de définition/marché de réalisation, la réforme semble plus significative avec une volonté de rapprochement entre ces deux procédures. Ainsi, selon le texte de l’article 73 de la version du futur Code, le nombre minimum de titulaires du marché de définition passerait à 3. Des précisions re- du « Moniteur » : « Annoncé pour mars, le Code 2006 sera d’application immédiate », 27 janvier 2006, p. 72 ; « Une procédure de dialogue compétitif à la française », par Didier Adda, 27 février 2004, p. 70. 왘 Fiche explicative de la Commission européenne du 17 janvier 2006 sur le dialogue compétitif, publiée dans « Le Moniteur » du 27 janvier 2006, cahier détaché n°1, p. 420. > 99 6/03/06 11:04:33 RÉGLEMENTATION PROJETS COMPLEXES (2/2) Conception-réalisation ou dialogue compétitif ? Les contrats de conceptionréalisation permettent d’associer l’entrepreneur aux études de conception d’un ouvrage. ● Dans une décision du 8 juillet 2005 (3), le Conseil d’Etat a été amené à rappeler le caractère dérogatoire de la procédure. ● Cela amène à comparer la procédure de conceptionréalisation et le dialogue compétitif. ● Par JEAN-MARC PEYRICAL, avocat à la Cour epuis les lois des 29 août (sécurité intérieure) et 9 septembre (justice) 2002 (1), le procédé des contrats mêlant conception et construction a été relancé, même si l’ordonnance du 17 juin 2004 relative aux contrats de partenariat prévoit la possibilité de la souscription de contrats de maîtrise d’œuvre distincts de ces derniers. En réalité, ces contrats « globaux » existaient bien avant l’apparition de ce mouvement législatif, des baux emphytéotiques administratifs à certains contrats relevant du Code des marchés publics (2). Concernant ce dernier, les dispositions relatives à la conception construction sont devenues, avec le temps, un classique de son contenu, même si elles relèvent d’un régime d’exception. C’est justement cette caractéristique qui a été rappelée, il y a quelques mois à peine, par le Conseil d’Etat (3), le procédé ne pouvant être banalisé au détriment de la fonction de maîtrise d’œuvre telle qu’instaurée par la loi sur la maîtrise d’ouvrage du 12 juillet 1985. D LA NÉCESSITÉ DE CIRCONSTANCES PARTICULIÈRES Il est vrai que les faits d’espèce de cet arrêt ne plaidaient pas en L’ESSENTIEL 왘 Un marché de conception-réalisation ne peut être conclu, à l’issue d’une procédure dérogatoire à l’appel d’offres, que si les caractéristiques du projet rendent nécessaire l’association de l’entrepreneur aux études conception de l’ouvrage. 왘 Le dialogue compétitif ne peut être utilisé pour les projets entrant dans le champ d’application de la loi MOP. 100 MON5337P98-101 RGL ouv.indd 100 la faveur de la conception-réalisation. Une communauté d’agglomération avait en effet choisi de faire appel à cette technique contractuelle pour la réalisation d’un atelier-relais pour la production et l’exploitation de dirigeables sur un aérodrome. Elle justifiait le recours à la procédure par des contraintes particulières liées à la forme architecturale, à la détermination des matériaux et des structures à utiliser, et au choix des procédés de construction à mettre en œuvre. Le Conseil d’Etat a cependant jugé que la réalisation de cet atelier-relais ne présentait pas, eu égard à sa destination, à ses dimensions, à sa structure et à la nature des matériaux à mettre en œuvre, de difficultés techniques justifiant le recours à un marché de conception réalisation. Il s’agit en l’espèce d’une application logique de l’article 37 du Code des marchés publics – version 2004 - selon lequel il ne peut être recouru à une telle procédure que lorsqu’il est envisagé des ouvrages « dont la finalité majeure est une production dont le processus conditionne la conception-réalisation » et « dont les caractéristiques, telles que des dimensions exceptionnelles ou des difficultés techniques particulières, exigent de faire appel aux moyens et à la technicité propre des entreprises ». En d’autres termes, ne peuvent être concernés que des ouvrages bien particuliers. Ces caractéristiques sont délicates à définir, d’autant qu’elles doivent justifier la nécessité d’associer le constructeur à la conception de l’ouvrage. Ce procédé de « maîtrise d’œuvre intégrée » est fondamentalement contraire à l’esprit de la loi sur la maîtrise d’ouvrage publique de 1985, qui repose sur une maîtrise d’œuvre indépendante et autonome (4). C’est ce qu’a d’ailleurs rappelé le Conseil d’Etat dans sa décision du 8 juillet 2005, en précisant que la passation d’un marché de conceptionréalisation « modifie les conditions d’exercice de la fonction de maîtrise d’œuvre ». Il est donc absolument nécessaire que le process de l’équipement envisagé, comme dans le cas de certaines stations d’épuration, ne permette pas de dissocier les missions de conception et de réalisation, et implique une confusion de ces deux missions au sein d’une seule et même entreprise. Et effectivement, dans de tels cas, bien précis et bien ciblés, la conception-réalisation peut se justifier en termes de cohérence et d’optimisation des process à mettre en œuvre. Mais, à nouveau, cette confusion ne peut que rester exceptionnelle, sachant qu’elle ne permet plus au maître d’œuvre, en un tel cas, d’être un « collaborateur » du maître d’ouvrage, et donc de l’aider au stade de la préparation du contrat de travaux, de sa passation – s’agissant notamment du choix du titulaire – et de son exécution, les missions de contrôle étant, à ce niveau, d’une importance qu’il convient de ne pas occulter. UN FAUX REMÈDE AUX CARENCES DU DIALOGUE COMPÉTITIF Pourtant les faits d’espèce de la décision du Conseil d’Etat du 8 juillet 2005 symbolisant ce phénomène et la lecture régulière des avis d’appel à la concurrence relatifs aux marchés de travaux révèlent une recrudescence de l’utilisation du procédé de la conception-réalisation, phénomène dont l’explication réside peut-être dans les problèmes d’interprétation posés par le mécanisme du dialogue compétitif. Le Moniteur • 10 mars 2006 6/03/06 11:04:35 EN SAVOIR PLUS 왘 Textes : loi n° 95-704 modifiée du 12 juillet 1985, notamment article 18-I. Décret n° 93-1270 du 29 novembre 1993 portant application de l’article 18-I de la loi MOP. Loi n° 2002-1094 d’orientation et de programmation pour la justice (LOPJ). Loi n° 2002-1138 d’orientation et programmation pour la sécurité intérieure (LOPSI). Directive 2004/18/CE du 31 mars 2004, notamment article 29. 왘 Bibliographie : N. Charrel, « Dialogue compétitif et conceptionréalisation », Revue « Contrats Publics », édition Le Moniteur n° 31 mars 2004, p. 83. Droit des marchés publics (dir. Ch. Bréchon-Moulènes), « La conception-réalisation », III. 234, édition Le Moniteur, vol. 1. En vertu de l’article 36 du Code des marchés publics, la procédure de dialogue compétitif portant à la fois sur la définition d’un projet et sur son exécution ne peut être utilisée pour les opérations qui relèvent du champ d’application de la loi MOP, ce qui ne fait d’ailleurs que confirmer des textes et des jurisprudences antérieures (5). Ainsi, dans le cas où le maître d’ouvrage souhaite, pour des équipements bien particuliers, lier la conception et la réalisation d’un équipement relevant de la loi MOP, il ne peut utiliser que la procédure de conception-réalisation ; ce qui ne fait d’ailleurs que renforcer, justement, le caractère exceptionnel des contrats « d’intégration » des missions d’études et de construction. Une telle approche n’est pas sans poser des problè- mes concrets, dans le cas d’opérations relatives à des stations d’épuration (6). En effet, d’une part, si le titulaire du contrat de réalisation d’une telle station a été choisi suite à une procédure de dialogue compétitif confiant aux candidats des missions de conception, la légalité de la procédure et du contrat s’en trouve fragilisée au regard du Code des marchés publics ; mais, d’autre part, si aucune mission de définition de projet n’est confiée aux candidats, le recours au dialogue compétitif n’est plus justifié. En effet, en un tel cas, cela signifie qu’il a été précédé d’un marché de maîtrise d’œuvre, ce qui enlève une légitimité certaine à une procédure qui vise à demander aux candidats de présenter des solutions techniques visant à répondre aux besoins et objectifs de l’admi- Contrats globaux, conceptionréalisation et conseil constitutionnel Pour certains, le Conseil constitutionnel aurait « constitutionnalisé » la conception-réalisation. En effet, dans sa décision 2003-473 DC du 26 juin 2003 relative aux contrats de partenariat, il a considéré « qu’aucune règle ni aucun principe de valeur constitutionnelle n’imposent de confier à des personnes distinctes la conception, la réalisation, la transformation, l’exploitation et le financement d’équipements publics », ce qui a notamment donné lieu à l’interprétation selon laquelle tout contrat liant la conception et la réalisation ne serait pas, par nature, contraire au « bloc » de constitutionnalité. Un tel raccourci ne doit bien évidemment pas faire oublier que d’autres textes (loi MOP, Code des marchés publics) viennent, dans la pyramide de légalité, limiter le recours à de tels contrats ; de plus, le Conseil constitutionnel a, dans la même décision, rappelé que ces contrats ne pouvaient être généralisés sous peine de « priver de garanties légales les exigences constitutionnelles inhérentes à l’égalité devant la commande publique, à la protection des propriétés publiques et au bon usage des deniers publics », ce qui a le mérite d’insister sur leur caractère dérogatoire. ■ 10 mars 2006 • Le Moniteur MON5337P98-101 RGL ouv.indd 101 nistration… Sans doute est-il possible, dans cette hypothèse, de trouver des solutions d’équilibre, dont celle consistant à faire précéder le dialogue compétitif d’un contrat comportant quelques missions de maîtrise d’œuvre (étude de faisabilité ou pré-étude, par exemple), les candidats au dialogue compétitif ne faisant dès lors que compléter les études au travers de solutions techniques élaborées préalablement. Mais, comme tout équilibre, il ne peut que s’avérer fragile (7) et donc relativement aléatoire. A une époque où les textes prônant des solutions de contrats globaux se multiplient, peut-être serait-il nécessaire de modifier la loi MOP et le Code des marchés publics afin d’assouplir les possibilités de recours au dialogue compétitif pour les ouvrages relevant de la loi MOP. Une telle avancée ne serait pas contraire au droit communautaire, qui ne pose pas de limites en la matière, et ne porterait pas atteinte à l’autonomie de la maîtrise d’œuvre dès lors que le dialogue compétitif est encadré par des critères assez stricts, et se trouve donc assez peu utilisé. Elle permettrait surtout d’empêcher une utilisation trop fréquemment injustifiée de la conception-réalisation, ainsi que la banalisation d’une procédure dont l’intérêt réside justement dans son caractère rare et exceptionnel. Et cette évolution serait légitimée par la distinction fondamentale qui oppose la procédure de dialogue compétitif de celle de la conception-réa- lisation, la première offrant une réponse à un besoin de l’administration dans la recherche de ses moyens et solutions permettant d’atteindre ses objectifs, alors que la seconde répond à des motifs d’ordre technique qui n’ont pas nécessairement un lien avec la problématique de définition des besoins et moyens ci-dessus exprimée. Il n’est pas toujours certain que les acteurs des constructions publiques, tant publics que privés, aient pleinement conscience d’une telle différence de philosophie, pourtant fondamentale. J.-M. P. ■ (1) On peut considérer que ces deux textes sont à l’origine du renouveau des contrats de partenariat, initialement qualifiés de partenariats publicprivé (PPP). (2) Les conventions de délégation de service public, véritables archétypes du partenariat publicprivé, auraient également pu être évoquées, même si le mode de rémunération de leur titulaire est sensiblement différent de celui qui prévaut dans les contrats de partenariat (rémunération versée par les collectivités publiques sous forme de loyer échelonné). (3) CE, 8 juillet 2005, « Communauté d’agglomération de Moulins », req. 268 610. (4) La volonté affichée par le législateur d’une maîtrise d’œuvre indépendante dans les constructions publiques conférant à la procédure d’appel d’offres un caractère de droit commun pour la réalisation d’ouvrages relevant de la loi MOP, l’appel d’offres restreint avec projet de base et variantes autorisées apparaissant particulièrement adapté à de nombreux cas d’espèces. (5) Dans un arrêt du 3 novembre 1997, « Conseil national de l’ordre des architectes », req. 148 433, le Conseil d’Etat avait déjà jugé que la loi MOP de 1985 et ses décrets d’application limitaient les possibilités de lier les études à la réalisation des ouvrages soumis à leur champ d’application à la procédure de conception-réalisation. (6) En admettant, dans ce cas, qu’une station d’épuration est un ouvrage relevant de la loi MOP, on pourrait en effet soutenir que, au moins dans certains cas, il s’agit d’un ouvrage destiné à une activité dont la conception est déterminée par le processus d’exploitation, à l’instar de tous les ouvrages de bâtiment ou d’infrastructures dont le process détermine toutes les phases de mise en œuvre, de la conception à la réalisation finale. (7) D’autant qu’il peut difficilement s’appliquer aux constructions neuves de bâtiment, où une mission de maîtrise d’œuvre de base s’impose. 101 6/03/06 11:04:38