Migration cellulaire sous-confinement: évaluation

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Migration cellulaire sous-confinement: évaluation
Migration cellulaire sous-confinement:
évaluation quantitative des déformations du noyau par approche mixte
modélisation-corrélation d'images
1. Contexte et objectifs
La migration sous confinement joue un rôle fondamental dans plusieurs processus biologiques
comme l’embryogénèse, la réponse immunitaire ou la tumorogénèse. En particulier, les
cellules cancéreuses sont capables de migrer à travers la matrice extracellulaire pour entrer
dans le réseau sanguin et envahir les tissus sains. Pendant ce transfert, les cellules doivent
réguler leur comportement migratoire et invasif car elles sont continuellement exposées à des
interactions biochimiques et biomécaniques qui sont déterminées par la biophysique et la
microstructure de l’environnement (Friedl and Wolf 2010). En effet, les tissus connectifs
peuvent créer des matrices interstitielles hétérogènes en composition, densité et organisation.
D’un côté, ces matrices peuvent être composées par des fibres dispersées de collagène où le
degré d’alignement et la rigidité de la matrice et les dimensions des pores sont des paramètres
importants. De l’autre côté, elles peuvent être formées par des réseaux compacts de fibres qui
constituent des barrières physiques adjacentes à des canaux qui, selon leurs dimensions,
peuvent soit guider ou inhiber complètement la migration cellulaire.
Or, plusieurs observations expérimentales ont montré que, afin de pouvoir migrer au sein de
milieux confinés, la cellule doit réorganiser son cytosquelette ainsi que les organelles comme
le noyau, qui est la composante la plus volumineuse et rigide du compartiment cellulaire. Au
cours de ces dernières années plusieurs études à la fois in vivo et in vitro ont porté sur
l’analyse du comportement migratoire au sein de scaffolds reproduisant un tissu connectif et
fibreux (Provenzano et al. 2008; Erler and Weaver 2009; Egeblad et al. 2010; Friedl and Wolf
2010). Toutefois, des techniques plus récentes (techniques au microlaser) ont permis de
concevoir des microcanaux dont la géométrie peut être plus facilement contrôlée et adaptée
(Irimia et al. 2007; Rolli et al. 2010). Un grand nombre de systèmes expérimentaux ont été
reproduits et simulés numériquement par des modèles de Cellular Potts (Marée et al. 2007;
Scianna et al. 2013). Si d’un côté ces modèles permettent d’avoir une description discrète de
la cellule, ils ne s’appuient pas sur une approche mécanique permettant d’identifier à la fois
les champs de déformations et les forces générées par la cellule qui sont deux facteurs clés au
cours de la migration confinée.
Cette thèse aura comme objectif principal de décrire quantitativement les efforts et les
déformations mis en jeu par les cellules lors d’une migration confinée. Le sujet s’articule
selon 2 axes impliquant la mise au point
• d’un modèle aux éléments finis basé sur une approche purement mécanique ;
• d’une méthode d’évaluation des déformations cellulaires par corrélation d'images.
L’objectif est de déterminer quantitativement les capacités de déformabilité de la cellule et de
son noyau relativement à celle de son environnement pourrait constituer un outil potentiel afin
de diagnostiquer et identifier la progression du cancer. On souhaiterait en particulier dégager
les circonstances qui favorisent ou rendent difficile la progression, (i) favorables pour les
cellules-"médicament" que l'on souhaite voir franchir les tissus (ii) antagonistes pour les
cellules par exemple de type métastasiques ce qui permettrait d'envisager des thérapies
s'appuyant sur la modification de ces paramètres de souplesse ou rigidité.
2. Axe 1 : Réflexions à partir d'un modèle in silico de cellule
Le modèle aux éléments finis développé au cours de cette thèse se basera sur une approche
purement mécanique comme cela a été proposé dans nos travaux précédents (Allena and
1
Aubry 2012; Allena 2013) (Fig. 1). La migration se développe en trois phases: i) protrusion ii)
adhésion iii) contraction qui se répètent au cours du temps de façon cyclique. La
décomposition du gradient de transformation est employée ici pour décrire d'une part les
déformations (actives internes d'origine biologique) cycliques de protrusion et contraction,
d'autre part les déformations (passives) élastiques générées par l'interaction entre la cellule et
le substrat. L'avancement de la cellule est contrôlé par une synchronisation délicate entre les
déformations actives et les forces d'adhésion qui sont appliquées alternativement à l'avant et à
l'arrière de la cellule. Le substrat n'étant pas homogène mais ayant une morphologie obtenue
par microfabrication (microcanaux), la cellule détecte les obstacles présents sur son chemin à
l'aide d'une stratégie spécifique qui lui permet d'adapter sa géométrie ainsi que sa direction de
migration. Le modèle sera validé en comparant i) les forces d'adhésion au substrat ii) le
champ de déformation numérique de la cellule avec celui expérimental qui sera déduit avec
une technique originale de traitement d'image originale d'appuyant sur les éléments finis.
(a)  Channel 16
t = 9000 s
(c) Channel 7
t = 6000 s
(b) Channel 12
t = 9000s
(d) Channel 4
t = 1800 s
Fig. 1 Simulation aux éléments finis de la migration d’une cellule
à travers un microcanal de différentes dimensions.
3. Axe 2 : Evaluation des déformations d'une cellule par corrélation d'image
Récemment, On a développé une technique d'analyse d'images s'appuyant sur un filtrage et
une segmentation à partir de la solution d'équations aux dérivées partielles. Ces dernières sont
approchées par une technique d'éléments finis qui sert à la modélisation de la migration in
vitro (Rapport de Master 2 : G. Barbic, G. Paulon, A PDE-based model for tomographic
image reconstruction, Politecnico di Milano, Ecole Centrale Paris). On peut ainsi bénéficier
d'une approche ultra-cohérente entre les mesures et la simulation et une comparaison
expérience-calcul quasiment exempte d'artefacts. Pour ce faire, on essaiera d’identifier des
marqueurs naturels au sein de la cellule (i.e. organelles).
L'approche repose sur une formulation en terme de problème inverse (Puel and Aubry 2011)
de l'identification du champ de déplacements de la cellule en fonction du temps au sens où on
veut minimiser la fonction d'erreur J(v,t) telle que:
J(v,t ) = ∫ g( x + v dt,t + dt ) − g( x,t ) dV
2
Ωt
(1)
où g(x,t) désigne le niveau de gris de l'image observée de la cellule aux instants t et t +dt et
v(x,t) le champ de vitesses cherché. A partir de ce champ de vitesse, on peut ensuite déduire le
champ de déformations et le comparer à celui prédit par le modèle. Le modèle servira ainsi de
régularisation du problème inverse pour réduire la classe des vitesses possibles. Quand il ne
2
sera pas possible de minimiser raisonnablement la fonction d'erreur, le modèle sera mis à jour
dans les zones les plus incohérentes (Tong 2013).
4. Encadrement de la thèse
La thèse sera encadrée par Denis Aubry et sera conduite en partenariat avec Rachele Allena,
du Laboratoire de Biomécanique de l’ENSAM Paris, qui interviendra en particulier dans le
cadre du développement du modèle numérique (Axe 1). De plus, une collaboration avec
l’équipe "System and Cell Biology of Cell Polarity and Cell Division" de l’Institut Curie (M.
Piel) permettra de discuter les observations expérimentales nécessaires pour valider le travail
numérique.
5. Bibliographie
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