Contrat social, déjeuner-débat avec Jean

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Contrat social, déjeuner-débat avec Jean
Déjeune Contrat social le 21 juin 2006, invité Jean-Christophe le Duigou,
secrétaire national de la CGT
Thèmes de discussion envisagés
1. la sécurité sociale professionnelle : concept contenu articulation avec les contraintes
du marché du travail
2. Visions de la CGT sur la réforme de l’État et la Fonction publique.
3. Évolution financière publique et sur l’endettement de l’État
4. La CGT et l’Europe
5. La question de la sécurité sociale et des retraites
Compte rendu
1. Sécurité sociale professionnelle
JCLD commence par une critique du système où les acteurs économiques ont
engendré une régulation brutale, cause d’accroissement du chômage. Or plus
longtemps le salarié subit la condition de chômeur, moins ses chances de réintégration
sont élevées. Il rappelle que le taux de sous-emploi est largement supérieur au taux de
chômage : 20 à 22 %. (parking d’emploi, exclus temporaire ou durables de l’emploi,
temps partiels contraints (45 %). Environ 1 500 000 personnes sont hors marché du travail.
Des comportements pervers apparaissent dans la gestion de la main-d’œuvre car
l’offre de travail est pléthorique. Un effort insuffisant de qualification du salarié est
effectué par les entreprises en dépit de quelques améliorations ; le travail sous-qualifié
se développe. Le traitement social du chômage n’est pas satisfaisant. La mobilité du
salarié est faible en moyenne un salarié demeure 14 ans sur son poste. Et par ailleurs il
existe un turnover considérable (flexibilité). Donc on est en présence d’une sousutilisation des compétences et des capacités humaines.
Ce constat général implique une reconfiguration des garanties sociales notamment en
développant les capacités et les qualifications, le transfert de savoir-faire (cf. Alain
Supiot).
Le thème de la flexi-sécurité n’est pas nouveau ; il date des années soixante-dix. La CGT
avait abordé cette notion à l’époque du développement des CDD. Assurer une
continuité du contrat de travail alors que les réalités économiques ou les besoins des
entreprises évoluent est un enjeu. Il existe des contrats d’entreprise qui apportent des
garanties de travail. Il faut répondre au besoin de nouveauté et de mobilité. On assiste
aujourd’hui à une profonde gestation du travail qui est en mutation. (la mondialisation
n’explique pas tout) ; la société de la connaissance, les initiatives individuelles créent
une rupture. Un nouveau modèle productif émerge : il a à voir avec l’environnement,
les externalités négatives et positives du système de production, avec le
développement durable. Il faut donc apporter la garantie sociale et répondre au
besoin de mobilité dans des marchés transitionnels de travail.
En répondant à une question de Gilles sur la question de la compétition économique,
JCLD souligne la question du ré-emploi des salariés, la spécialisation économique et les
avantages comparatifs des pays développés ne sont pas durables (Chine, Inde, Brésil).
De fait « tout le monde ne sera pas ingénieur » ; il faut concevoir un système
économique efficace tout en élevant le niveau de chaque catégorie ; trouver une voie
originale dans les échanges et les coopérations internationales. Il n’y a pas de modèle
à suivre.
Pierre C. évoque alors le handicap sérieux de notre système scolaire. Ce qui permet à
JCLD de répondre par la question de la formation des enseignants, de dénoncer l’effet
d’endogamie (auto-recrutement) et d’imaginer de faire contrepoids à cette
homogénéité sociale par une relation nouvelle parents enseignants. Le Yalta éducatif
des années cinquante qui a déconnecté la formation professionnelle de la formation
générale (on retrouve cette séparation dans les forces syndicales) n’est pas bon et a
encore des conséquences négatives. [en 1950 les centres d’apprentissage ont été
animés par des délégués CGT venus en force]
Pour résumer le concept de sécurité sociale professionnelle : l’objectif est de faire face
à la rupture de l’intégration et de retrouver une logique de prévention (transférabilité
des droits), remutualisation des coûts de la formation et amélioration des conditions de
travail (vieillissement prématuré au travail).
Ceci passe par des discussions avec le MEDEF par une remise à plat. Or il existe des
divisions profondes entre branches professionnelles. Et il faut définir qui paye.
2. La réforme de l’État et le déficit public.
Pas de participation syndicale à la commission Pébereau. On coupe à tort les liens
entre l’économique, le social et le politique. Il y a grand danger à le faire. Oui, il existe
un problème de dette. L’endettement au titre des dépenses sociales est dangereux et
illogique. (Par ailleurs il y a un débat sur le calcul du montant de la dette (hors-bilan).
Les compartiments des finances sociales ne sont pas utiles. Trois points doivent être
articulés entre eux : 1 : la croissance est indispensable sinon déflation, 2/le
redéploiement des dépenses est nécessaire pour appuyer la croissance, 3/l’Europe est
le bon support pour porter l’endettement lié au financement des investissements
d’avenir.
À cet égard il convient de réorganiser les finances selon deux critères d’une part, les
investissements matériels ou immatériels (éducation) ; d’autre part, les charges
courantes ; Agir dans la zone euro « ils resteront tous frères mais nous avons le droit de
choisir nos amis ». À noter que les organisations syndicales britanniques sont favorables à
l’Europe et à l’euro. Demongs souhaite appliquer le modèle social européen en GB. Les
organisations syndicales vont tenter de se positionner sur des secteurs nouveaux (USA).
Le syndicat doit être un opérateur global non décideur politique mais avec une vision
d’ensemble ; or corporations et sous-corporations se multiplient. Plus personne n’a le
sentiment d’être dans le même bateau. (Le limogeage d’Allègre a été dramatique
pour le syndicalisme).
Il manque un débat public et une association des OS sur ces sujets et pas seulement les
organisations syndicales de la Fonction publique ; il faut une approche d’ensemble
sinon la fragmentation engendrera des blocages.
3. Politique énergétique
À une question de François sur l’énergie, JCLD fait un rappel des positions de la CGT. En
2012 les besoins d’énergie seront au plus haut en pointe et en semi-base. Les besoins
augmentent de 1,5 % par an. D’où les nécessaires économies d’énergie. La CGT a été
historiquement favorable au remplacement du charbon par le nucléaire. Elle est
favorable à l’EPR au vu de l’importance à conserver le savoir-faire français dans cette
étape intermédiaire (Asie, Chine, Inde) pour être présent dans les phases suivantes. Et
éviter des monopoles ou nous faire supplanter par d’autres. Bien traiter la question de
déchets au regard des exigences de sécurité. Et question fondamentale du
développement durable.
Le dossier Suez-Gaz de France pose la question des réseaux. Ce ne peut être le marché
seul qui traite de ces questions ; il faut une contrainte et une régulation publiques. Les
signes des prix ne peuvent être correctement interprétés car ils ne peuvent répercuter
complètement le coût des investissements à long terme. (40 ans). D’où des mécanismes
de socialisation de nature para-publiques. Notamment au bénéfice des entreprises. La
CGT est en faveur d’une autorité européenne de l’énergie. C’est aussi la position de la
branche énergie de la CES. Il y a un bilan à faire sur cette affaire Suez/Gaz de France
qui a contribué à un montant d’OPA de 52 milliards d’euros contre aucun financement
d’investissement. Par ailleurs la synergie industrielle énergie/environnement (eau) chez
Suez n’est pas évidente.
Certes il y a une identité énergétique de chaque État (Allemagne contre le nucléaire).
Mais il faut rendre compatible le dispositif d’ensemble (agence européenne de
l’énergie). Au delà du projet Suez/Gaz de France il y a la question du fichier clients
d’EDF ainsi que celle des 60 000 agents du service commun EDF-GDF.
Une autre question est celle de la transposition de la directive « ouverture au marché
domestique » ; quel intérêt réel pour le consommateur ? procédures imposées aux
agents, préjudiciables aux consommateurs (ouverture du réseau dissocié du contrat
d’approvisionnement du gaz) ; délais lourds ;
Pourquoi ne pas regarder l’hypothèse Total/GDF ? Quant à la renationalisation de GDF
(projet du PS), elle coûterait 11 milliards d’euros !
Sur une question de Francis sur France-Télécom, JCLD évoque la question de la rupture
technique qui fait qu’il y a un profond changement de problématique du réseau et
critique le comportement différent de l’ATT défavorable à l’opérateur historique,
contrairement à la doctrine de l’ART.
4. Fonction publique
Le plan d’embauche de 1975 –76 a encore des conséquences aujourd’hui. La question
est qui s’endette ? Les entreprises vont moins s’endetter. L’État ? l’Europe ? Au-delà de
la question du financement par emprunt ou par action du secteur privé, le bouclage
de l’économie se fait non seulement par le prélèvement sur l’épargne existante mais
encore sur le crédit (création monétaire). Cette dernière aujourd’hui n’appartient
qu’au système financier.
L’État a trois leviers d’action la réduction des effectifs représente bien sûr des
économies réelles, mais à long terme.
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les missions comme en 1945 (Maurice Thorez « trop de fonctionnaires » (Prujat).
La mobilité interministériele et intercorps
Le dialogue social et la démocratie sociale
Le Pors a créé le statut de la FPE, FPH et FPT avec une partie commune forte comme
contre-feu aux tendances centrifuges des fonctions publiques hospitalière et territoriale
par rapport à la fonction publique d’État. Préservant ainsi les évolutions ultérieures.
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Un interlocuteur intelligent et ouvert, très au fait des problèmes et des questions du
moment. Des points importants de convergence avec contrat-social qui montrent que
le débat public est plus que nécessaire et une dimension qui s’impose : le retour de l’art
politique pour retrouver les chemins de la compétitivité globale de notre pays. Qu’il y
ait un bateau commun qui nous transporte.