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25 octobre 2012 page 1/2 sur abonnement Éditions
Mexique, la flaquita
a emmené au bal
le torero macho
S
on portable ne serinera plus la musique
de Œil de tigre. Son chien Blacky ne harcèlera plus les vaches de tienta de son rancho
de l’état de Querétaro et il ne mettra plus
de coca-cola dans son vin. Le cinq à
Mexico, la flaquita, la maigrelette, la mort, « a emmené
au bal », comme on dit au Mexique, le torero Mariano
Ramos. Soixante ans ; insuffisance rénale. Son cercueil
exposé à La casa de los toreros n’a pas pu faire une
dernière vuelta sur le ruedo de la Monumental où les
siens voulaient faire dire une messe. Il était pris par une manifestation
religieuse. On espère que l’urne de ses cendres y fera un ultime tour de
piste au début de la Grande Saison. Même blocage de son vivant à la fin
de sa carrière. En 2009, après une tournée d’adieux « pour récolter un peu
d’argent », il veut y faire sa dernière course. Son apoderado Alfredo
Gomez “El brillante” ne brille pas. Il échoue à le faire engager et se heurte
à la mauvaise volonté du gérant, Rafael Herrerias qui, pourtant, avait été
à ses débuts, valet d’épées de Mariano. Un vieux chien de sa chienne ?
Et pourtant, Mexico, il y a abondamment triomphé. D’abord comme
novillero dans un mano a mano avec Rafael Gil “Rafaelillo” le gitan de
Tijuana aux quarante-six coups de cornes et quelques extrêmes onctions.
Ensuite, comme matador, il y torée plus de soixante-dix fois et plusieurs
de ses faenas sont restées dans la mémoire. Celle, en janvier 74, devant
le toro Abarrotero de José Julian Llaguno, et qu’il fait gracier un an après
avoir reçu, à Léon, pour la corrida d’adieux de Josélito Huertas, oreilles,
queue et patte de Bigoton son premier toro gracié. Celle, l’année suivante,
au toro de Fernando de la Mora Azucarero, dont il recevra la queue ; celle
encore en 75 à Mil Amores de Mariano Ramirez, oreille et queue ; celle,
enfin, son chef-d’œuvre, en mars 82, toute de puissance, d’engagement,
de technique devant Timbalero, toro gris de l’élevage Pierres Noires. Un
toro abrupt, bravissime, dangereux, qui attaquait sauvagement en donnant d’impressionnants coups de tête de bas en haut comme s’il voulait
encorner le ventre des gros courriers qui passent juste au-dessus de la
Monumental. Elle vaudra au « torero de la Viga », une zone de Mexico où
il était né, l’épithète homérique de « torero poderoso ». Son poder, son
pouvoir de déficeler les toros les plus ficelles, Mariano Ramos l’a reçu de
l’entraînement à la dure que lui a imposé son oncle, le novillero Paco
Mariano Ramos © DR
Aparicio Ramos, le père de la torera Juanita Aparicio qui avait rempli la
Monumental pour un mano a mano avec l’américaine Betty Ford. Il avait
six ans et Tonton Paco lui infligeait, comme gammes, d’interminables
séances de « doblones » donnés de chaque main, sans lui laisser faire un
« derechazo » et encore moins une naturelle. Puis, chez l’éleveur Agustín,
Chavez il l’obligeait à toréer des vaches déjà toréées, exercice que
Mariano s’imposera systématiquement par la suite.
Il avait pris l’alternative à Mexico en 71 des mains du fameux Manolo
Martinez “Le diable” avec qui il a maintenu toute sa carrière une solide
rivalité. Ils ne s’adressaient la parole qu’en piste. En dehors, des chiens de
faïence. Comme avec Joselito Huertas qui le haïssait. Blessure narcissique. Un jour à Mexico, Ramos, comme il a l’habitude de le faire, brinde
un de ses toros à Agustín Chavez qui l’a aidé tout au long de sa carrière.
Josélito Huertas “Le lion de Tétéla” est assis juste au-dessous de Chavez.
Il croit que le brindis est pour lui, il se lève. Mariano le fait rasseoir aussi
sec : « asseyez-vous, le brindis est pour Agustín ». Il ne manquait pas
d’estomac et avait la réputation d’être insouciant et anarchique. À
Merida, une fois, il torée un excellent toro de Suarez del Real que le juez
de plaza, le président, refuse de gracier. Ramos s’entête, continue de
toréer après les trois avis et estoque son adversaire. Le public lui accorde
la patte et la police l’arrête à la sortie. Il était l’égal des grands mexicains
de l’époque, Manuel Capetillo “Le torero de soie”, Alfredo Leal “Le prince
du toreo”, Curro Rivera “L’oiseau de l’aube”, Lomelin, Jorge Gutierrez “Le
cinquième atlante de Tula”, David Silveti “Le roi David” et Eloy Cavazos
“Le petit géant” que l’insolent El Pana, qui le déteste, surnomme, à cause
de sa petite taille, “Le fils de Blanche-Neige”. “El Pana” mais aussi “El
Glison” autre torero biscornu, Ramos, contrairement à ses collègues qui
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ne les prenaient pas au sérieux, avait accepté de leur donner l’alternative.
Tout comme il acceptait d’aider une quarantaine de novilleros. Il l’avait
vu faire à Jorge “El Ranchero” Aguilar. Ça l’avait intrigué : « pourquoi tu
as tant de novilleros avec toi ? » Réponse : « aide et le ciel t’aidera ». “El
Pana”, il a fini par se fâcher avec lui en 2009 à l’occasion de sa tournée
d’adieux et de l’alternative à Apizaco de son protégé Juan Luis Silis. La
course est montée par les trois toreros mais au dernier moment, pour des
problèmes d’alcoolisme, “El Pana”, “Le sorcier d’Apizaco” déclare forfait.
Mariano devra payer sa part du financement. Lui, le charro, avait le sens
de la parole donnée, refusait qu’on l’appelle maestro parce que, selon lui
Dieu seul méritait ce titre, et s’alignait devant les élevages les plus compliqués : Rancho Seco, San Marcos, Piedras Negras.
Il avait été élevé à l’école charra. Dès l’âge de deux ans son père Rafael,
un maestro de charreria l’avait dressé à cette fiesta de la « mexicanité », à
ce sport national qui exalte le courage, la ténacité, la vigueur et, à travers
le dressage des chevaux, la maîtrise des taurillons et l’art de florear la
reata, de jouer avec un lasso, promeut l’allégeance à une sorte de rude
code chevaleresque où il faut être à la fois agile, costaud et essentiellement mexicain. Il sera d’ailleurs une année champion national des charros. Pour ses admirateurs, le Mexique était trop petit pour lui et on a dit
que ses apoderados, des amis plutôt que des hommes d’affaires, ont manqué d’ambition et de professionnalisme dans l’administration d’une carrière pourtant bien remplie. Mais pas reconnue à sa juste dimension. On
ne lui aurait pas rendu justice. Lui les en a exonéré. Il expliquait que c’est
sa propre timidité avec la presse qui l’a empêché de faire plus de bruit
Chimie.
Le docteur Antonio Alcala Malavé,
chercheur en biochimie et neurosciences de Malaga,
a donné le 4 octobre à Las Ventas dans la conférence
« La magie de l’esprit du torero » le résultat de ses
recherches sur la spécificité du mental des toreros.
Pour lui, la dopamine, la sérotonine, la norépinephrine
ou noradrénaline, substances qui sont dans notre
cerveau, sont, à cause de la peur qui modèle
différemment le sien, en plus grande quantité chez le
torero, « ce qui a pour conséquence une répercussion
directe sur ce qu’il ressent, sur la façon dont il souffre
et vit ». Pour lui, le mental d’un torero, différent de
celui d’une personne ordinaire, est « extraterrestre ».
Et il garde tout au long de sa vie cette « singulière et
spécifique personnalité » qui a une base « chimique ».
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© DR
en octobre du Vanity Fair espagnol. Déclaration : « tu
dois transformer la peur en émotion ».
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Blessures. Le novillero Ismaël Cuevas grièvement blessé le 9 à
Toros, business et bamboula.
Mijas par un toro qu’il combattait en privé, fracture de la vertèbre C7,
a pu, la semaine dernière, remuer les bras et les jambes et marcher.
Vendredi 12 à Calanda, coup de corne avec 3 trajectoires dans la cuisse
droite pour le novillero Alberto Alvarez. Dans la même course, David
Mora, entorse du ligament du genou gauche. 10 jours avant c’est le
novillero sans picador Miguel Angel Silva qui, à Hoyo de Pinares,
s’était fait arracher la fémorale de la jambe droite.
Cayetano Rivera-Ordoñez et son frère Francisco ont
annoncé, presque simultanément et sans tralala, qu’ils
arrêtaient de toréer. « Momentanément » pour
Cayetano qui a 36 ans, l’âge où est mort son père
Paquirri. Les deux veulent se consacrer à leurs autres
activités, en particulier le monde des affaires pour
Francisco qui a investi dans l’immobilier, l’industrie
textile, l’agriculture, les boutiques, les parcs
d’attractions, l’élevage, la restauration, les arènes (il
est copropriétaire de celles de Ronda). De plus, il est,
récemment, devenu adjudicataire du « Mercado
gourmet » de Séville contre Manzanares, qui vient
cette semaine de contester la décision, et il est
désormais actionnaire à 25% de la bodega Liba y
Deleite qui produit les vins d’Acontia de Ribera del
Duero y Toro. Comme Cayetano, modèle d’Armani,
Francisco qui touchait entre 21.000 et 90.000 euros
par course a vendu son image pour des campagnes
publicitaires, celle par exemple pour les montres
suisses Versan qui lui aurait rapporté, selon le site
Vanitatis.com, 901.500 euros. Francisco s’est fait couper
la coleta par sa fille Cayetana à
l’hôtel, le 14, après sa dernière
corrida à Saragosse. Puis il a fait
une grosse bamboula avec sa
cuadrilla dans le bar du T.G.V.
Saragosse-Madrid.
Le13 mai 2010 à Nîmes, Castella affrontait 6 toros au bénéfice
de la population d’Haïti victime d’un tremblement de terre. La recette
de 226.200 euros a servi à la construction d’une école à Port-au-Prince.
Elle sera achevée en avril prochain.
Mexique. Dimanche à Monterrey, Arturo Macias gracie le toro
Ingeniero de Fernando de la Mora. À Pachuca, El Zapata, 3 oreilles.
Vanity Fair. José Mari Manzanares fait la une
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dans le mundillo où on saluait son courage et son machisme devant les
toros durs, en admettant son manque d’art devant des toros plus nobles.
Il tente l’aventure européenne en 74. On le voit en Espagne, en France au
Portugal. Il connait un succès à Valencia, coupe une oreille à Bilbao, et
deux à Pampelune le neuf juillet, pour une faena au centre par naturelles
avec un toro de Martinez Elizondo. Mais il échoue à Madrid. En quatre
courses il ne parviendra pas à couper une seule oreille. Ce n’est pas son
seul échec : à Pachuca un jour il n’avait pas pu tuer un toro qui portait le
surnom de son valet d’épées et à qui il l’avait brindé : “Patas Verdes”. Et
pour sa confirmation d’alternative à Mexico avec des toros impossibles de
Tequisquiapan, des claques hostiles lui criaient « redeviens novillero ! ».
En 2009, avec mille-cinq-cent-soixante-dix courses sans un coup de
corne, Ramos, cinquante-sept ans, avait décidé que stop. Il voulait sortir
des toros « en bonne santé ». Il aurait voulu arrêter bien avant, après
mille corridas. Il l’avait annoncé à Diana son épouse. Elle l’avait mal pris :
« comment ça tu te retires ! ».Elle lui avait envoyé dans les pattes le nom
d’Antoñete « qui avait toréé jusqu’à soixante-dix balais ». En 2009 sa
tournée d’adieux n’a pas été à la hauteur de son importance. Les grands
organisateurs l’avaient oublié ou abandonné. Il tombera dans une sorte
de dépression nerveuse. Il se contentera de courses dans des arènes
secondaires et de festivals taurins qu’il toréait en habit charro.
Cependant, à travers sa grande faena à Timbalero, Rafael Cardona le
chroniqueur de Cronica lui a rendu une justice posthume : « ce n’est pas
maintenant le moment de rendre compte ni de la faena, ni de l’émotion
de cette après-midi. Mais si dans ma vie j’avais seulement assisté à cette
faena je pourrais légitimement dire : j’ai vu le miracle absolu de la fiesta. »
El Cid a quitté le G10. Comme il l’a fait en octobre,
il n’aura pas à payer le dédit d’1 million d’euros à
l’association qui défend le droit d’image des toreros
vedettes.
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25 octobre 2012 page 2/2 sur abonnement Éditions
Finkielkraut. Sur suggestion de Simon Casas, le philosophe
Alain Finkielkraut a assisté à Nîmes à la fameuse corrida de José Tomás.
Il en est sorti « bouleversé ». Il a trouvé ça « formidable ». Du coup pour
son émission « Répliques » du samedi 24 novembre à 9h sur France
Culture il organise un débat sur la tauromachie entre la philosophe
Elizabeth de Fontenay, hostile à la
corrida, et Francis Wolff auteur de La
philosophie de la corrida.
René Pons est un écrivain rare, rigoureux, lucide,
secret, austère et ironique. On retrouve ces traits qui
marquent une œuvre littéraire sans complaisance dans
Une question noire. Il y scrute son goût pour la corrida.
Plus d’un demi-siècle d’interrogations.
Ce livre paraîtra le 6 novembre. En avant-première pour
les abonnés et les habitués de la boutique internet, les
éditions Atelier Baie vous le proposent à 9,50 ¤ frais de
port compris, au lieu de 10 ¤ dès sa sortie en librairie. Sur
www.editions.atelierbaie.fr, dans la rubrique Littérature.
Prix feria du Pilar
à Saragosse.
Triomphateur, Padilla.
Meilleure faena, El Juli.
Meilleure estocade, Jiménez-Fortes.
Meilleur toro, Flameado
d’Ana Romero.
Nous Deux paru le 30 juin 1961.
Collection Henriette et Claude Viallat.
editions.atelierbaie.fr Bruno Doan