La Charte des Droits fondamentaux de l`Union européenne

Transcription

La Charte des Droits fondamentaux de l`Union européenne
M. Nicolas Desrumaux
DEA Droit International et Communautaire
Mémoire présenté en vue de l’obtention du diplôme de
DEA Droit International et communautaire
La Charte des Droits fondamentaux de
l’Union européenne
Sous la direction de
M. le Professeur Vincent COUSSIRAT-COUSTÈRE
Université des Sciences juridiques, politiques et sociales
Lille 2
Année 2000-2001
La Charte des Droits fondamentaux de
l’Union européenne
~ Une alchimie à droit constant ~
Quelques remerciements…
Ces quelques lignes sont les dernières que je rédige pour mon mémoire. Que ces
mots soient les premiers à gagner mon lecteur, afin que je puisse à travers lui exprimer
ma plus profonde reconnaissance pour toutes celles et tous ceux qui, durant l’année
écoulée, m’ont apporté leur aide et leur soutien. Au quotidien ou occasionnellement.
Fidèles amis ou simples connaissances. Anonymes. Dans les moments les plus difficiles
comme dans les joies les plus simples, tous ont contribué, grâce à leur « alchimie »… à
transformer cet ouvrage et ainsi – je l’espère – lui permettre d’atteindre sa maturité.
Je remercie tout particulièrement mon Directeur, le Professeur Vincent
Coussirat-Coustère, pour ses conseils et pour le temps qu’il a bien voulu m’accorder,
ainsi que pour les documents qu’il a eu la gentillesse de mettre à ma disposition. Mes
remerciements les plus profonds vont également à ma famille, à qui je dois de pouvoir
poursuivre sur le sentier que je me suis tracé.
Merci à Thibaut pour nos soirées de philosophie strasbourgeoise. Merci à Hélène
pour sa bonne humeur, et pour la profondeur de ses engagements. Merci à Marc, à
Katie, à Kevin, à Marjorie d’être tout simplement mes très chers amis. Merci à Lottie, à
Aroa, à Karen, à Julien, à Caroline, à Béatrice et à Suzanne, à Frédéric et à Monika, à
tous les autres étudiants de la promotion pour cette année passée ensemble, pour nos
moments d’étude, en bibliothèque ou dans les centres, ainsi que pour nos moments
d’évasion. Merci à Lina qui a bien voulu me relire…
Merci à Ingrid…
Merci également à Mme Florence Benoît-Rohmer, initiatrice de mon intérêt pour
la Charte des Droits fondamentaux.
Enfin, je remercie humblement tous ceux qui ne sont pas sur cette page, et qui
méritent mille fois d’y être…
La faculté n’entend donner aucune
approbation ni improbation aux développements
contenus dans le présent mémoire. Les opinions développées
doivent être considérées comme propres à leur auteur
SOMMAIRE
Introduction ………………………………………………………………………6
TITRE PREMIER : UNE CODIFICATION DU DROIT POSITIF ………….…….17
Premier chapitre : La diversité des sources de légalité ……………….19
Second chapitre : La lisibilité des droits consolidés …………………..57
TITRE SECOND : L’HARMONISATION DES MECANISMES
DE GARANTIE ET D’EFFECTIVITE ……………………..96
Premier chapitre : Le principe d’application uniforme en
matière de droits des personnes ……………………………………………97
Second chapitre : Des droits fondamentaux… à géométrie
variable ? ……………………………………………………………………..136
Conclusion ……………………………………………………………………..170
1
TABLE DES ABREVIATIONS
~
Acad. Dr. internat.
Académie de Droit international de La Haye.
AEL
Academy of European Law (Institut universitaire européen de
Florence)
AFDI
Annuaire français de Droit International
aff. ; aff. jtes
affaire ; affaires jointes.
AJDA
Actualité juridique du droit administratif
Ass.
Arrêt d’assemblée
Bull. CE
Bulletin officiel des Communautés européennes
CAA
Cour administrative d’appel
Cah Dr. eur.
Cahiers de Droit européen
CE ou TCE
Traité instituant la Communauté européenne
CEE ou TCEE
Traité instituant la Communauté économique européenne
CEIE
Centre d’études internationales et européennes
cf.
Confer
Chap.
Chapitre
Chron.
Chronique
CJCE
Cour de Justice des Communautés européennes
2
CMLR
Common Market Law Review
CNRS
Centre National de la Recherche Scientifique
Coll.
Collection
COM
Document classé de la Commission
Comm.
commentaire numéro
Comm. EDH
Commission européenne des Droits de l’Homme
Concl.
Conclusions
Cour EDH
Cour européenne des Droits de l’Homme
DG
Division Générale
D. et R.
Décisions et Rapports de la Commission européenne des
droits de l’homme (depuis 1975).
Dir.
Directeur
Gaz. Pal.
Gazette du Palais
GREEDI
Groupe d’Etudes Européennes et de Droit International
(Université de Lille II)
e. a.
et autres
Ibid.
précité à la note précédente.
I.D.E.D.H.
Institut de Droit européen des Droits de l’Homme
JCP éd. G
Juris-Classeur périodique – La Semaine juridique, édition
Générale.
JDI
Journal du Droit international
3
JOCE
Journal Officiel des Communautés européennes
LGDJ
Librairie Générale de Jurisprudence
n°
numéro
Op. cit.
précédemment cité
OPOCE
Office des publications officielles des Communautés
européennes
Ord.
Ordonnance
p.
page
pp.
de la page … à la page …
Prot.
Protocole
PUF
Presses Universitaires de France
RAE
Revue des Affaires européennes
RCADI
Recueil des Cours de l’Académie de Droit International de La
Haye
RCDI priv
Revue critique de droit international privé
Rec.
Recueil de la jurisprudence de la Cour de Justice des
Communautés européennes et du Tribunal de Première
instance
Rec. Déc.
Recueil de Décisions de la Commission européenne des
droits de l’homme (1960-1974).
Règl.
Règlement
Rép.
Répertoire
4
Rev.
Revue
Rev. Trim. Dr. Homme
Revue Trimestrielle des Droits de l’Homme.
RMUE
Revue du Marché Unique européen
RRJ
Droit prospectif - Revue de la Recherche juridique
RTD eur.
Revue Trimestrielle de Droit européen
s.
suivant(s)
SFDI
Société française pour le Droit international
TUE
Traité sur l’Union européenne
UE
Union européenne
v.
voir
vol.
volume
5
INTRODUCTION
Au fur et à mesure que l’intégration européenne se poursuit, de l’économie vers
le politique, la question du degré de protection des droits de l’homme ou des droits
fondamentaux (considérons ces deux expressions sinon comme identiques, au moins
comme équivalentes) prend de plus en plus de place dans les préoccupations
européennes1. Toutefois, dans une Union comprenant Quinze Etats membres, et peutêtre bientôt plus, instaurer la concorde autour de valeurs essentielles constitue un travail
de titan… sinon un défi à la Sisyphe.
1
Reconnaissance communautaire des Droits de l’Homme. Depuis la
Seconde guerre mondiale, les droits de l’homme sont un thème majeur de la vie interne
des Etats et des relations internationales ; les droits de la personne sont une
préoccupation consubstantielle de la création des Communautés. Le débat sur
l’existence, la reconnaissance et la proclamation d’un corpus de droits fondamentaux
communautaires se retrouve dans les prémisses mêmes de l’Union. Très rapidement,
l’Assemblée puis le Parlement européen ont pris diverses initiatives dans le sens d’une
meilleure protection des droits de l’homme2. A cet égard, une déclaration commune du
1
V. Constantinesco, Le renforcement des droits fondamentaux dans le traité d’Amsterdam, ronéoté.
2
Les résolutions et déclarations se sont multipliées, depuis le rapport n°39/67 sur la protection juridique
des personnes privées dans la CE, dit « Rapport Deringer » (JOCE n° 103 du 2 juin 1967), jusqu’à la
résolution du Parlement européen du 28 avril 1997, en passant par la Résolution sur l’Union européenne
(JOCE n°C 179 du 6 août 1975, p. 28) ou la déclaration des droits et des libertés fondamentaux du 12
avril 1989 (JOCE n°C 120 du 16 mai 1989), le Parlement est toujours resté attaché à la nécessité de doter
l’Union d’une Charte des droits fondamentaux, v. G. Cohen-Jonathan, Le Parlement européen et les
Droits de l’Homme, Rev. Marché commun et de l’Union européenne, 1978, p. 387 ; J.-F. Renucci, Droit
européen des droits de l’homme, 2e éd. LGDJ, 2001, p. 16 et s., §§ 13 à 18.
6
Parlement européen, du Conseil et de la Commission sur les droits fondamentaux3
précède la Charte des Droits fondamentaux d’une vingtaine d’années. Face à cette
prolifération d’instruments déclaratoires des droits de l’homme dans la Communauté,
fruit des préoccupations des Institutions communautaires, la question de l’utilité de la
Charte peut se poser. La Charte des droits fondamentaux de l’Union (ci-après la Charte),
adoptée lors du dernier Conseil européen de Nice4, n’est-elle que la dernière étape d’un
rabâchage institutionnalisé ? Rien n’est moins sûr : jusqu’à présent, chaque texte
communautaire à portée déclaratoire ne s’intéressait guère aux mécanismes de garantie.
La Charte innove en ce que non seulement elle contient des clauses d’articulation entre
les droits, mais de plus elle fut rédigée comme si elle devait entrer en vigueur, et chaque
droit qu’elle porte développer sa force obligatoire.
2
L’appropriation prétorienne des droits fondamentaux dans l’Union. La
Cour de Justice des Communautés (CJCE) fut confrontée pour la première fois à la
question des droits fondamentaux en 1959, dans son célèbre arrêt Stork5. La timidité
qu’elle afficha alors fut corrigée à l’occasion de l’arrêt Stauder, au terme duquel la Cour
contrôle le droit dérivé communautaire au regard des « droits fondamentaux de la
personne compris dans les principes généraux du droit communautaire, dont la Cour
assure le respect. »6 A l’inverse, l’arrêt Internationale Handellsgesellschaft7, du 17
3
Ce texte ne comporte que deux articles : « 1. L’Assemblée, le Conseil et la Commission soulignent
l’importance qu’ils attachent au respect des droits fondamentaux tels qu’ils résultent notamment des
constitutions des Etats membres ainsi que de la Convention européenne de sauvegarde des droits de
l’homme et des libertés fondamentales.
2. Dans l’exercice de leurs pouvoirs et en poursuivant les objectifs des Communautés européennes, ils
respectent et continueront à respecter ces droits. » (JOCE n° C 103 du 27 avril 1977, p. 1)
4
Déclaration conjointe du Parlement européen, du Conseil et de la Commission, proclamant la Charte des
Droits fondamentaux de l’Union européenne, Faite à Nice, le 7 décembre 2000, (JOCE n°C 364, 31
décembre 2000, pp. 1-22).
5
CJCE, 4 février 1959, aff. 1/58, Stork c/ Haute Autorité de la CECA, Rec. 1959, p.43.
6
CJCE, 12 novembre 1969, aff. 29/69, Stauder, Rec. 1969, p. 419, cons. 2.
7
décembre 1970, marque le refus de la Cour de contrôler la validité d’un acte
communautaire à l’aune des droits constitutionnels nationaux. La Cour rompt ainsi avec
le postulat axiomatique selon lequel le transfert progressif de compétences souveraines
ne peut conduire à une réduction du niveau de protection des droits fondamentaux
garanti par les ordres constitutionnels nationaux8. Cependant elle reconnaît que les
droits fondamentaux font partie intégrante des principes généraux du droit, dont la
sauvegarde s’inspire des traditions constitutionnelles communes aux Etats membres9. La
réponse des cours suprêmes ne se fit pas attendre10. Et devant les risques de
désintégration communautaire que présentaient les réticences nationales, la CJCE va
reprendre et enrichir, dans les arrêts Nold et Hauer11, sa motivation antérieure : non
seulement « la Cour […] ne saurait admettre des mesures incompatibles avec les droits
fondamentaux reconnus et garantis par les constitutions de ces Etats. », mais de plus
« les instruments internationaux concernant la protection des droits de l’homme,
auxquels les Etats membres ont coopéré ou adhéré, peuvent également fournir des
indications dont il convient de tenir compte dans le cadre du droit communautaire
(…) »12. Sans pour autant s’estimer liée par eux, la CJCE a reconnu aux instruments
internationaux de protection des droits de l’homme, auxquels les Etats membres ont
coopéré ou adhéré, une fonction d’orientation. Parmi ceux-ci, la Convention de Rome,
du 4 novembre 1950, a un impact privilégié sur les droits fondamentaux
communautaires.
7
CJCE, 17 décembre 1970, aff. 11/70, Internationale Handelsgesellschaft, Rec. 1970, p. 1125, concl.
Dutheillet de Lamothe.
8
M. Dauses, La protection des Droits fondamentaux dans l’ordre juridique des Communautés
européennes, RAE n° 4, 1992, p. 11.
9
CJCE, Internationale Handelsgesellschaft, op. cit., cons. 2.
10
Bundesverfassungsgericht (BverfGE), 29 mai 1974, « Solange I », note M. Fromont, Rev. Trim. Dr.
eur. 1975, p. 316.
11
CJCE, 14 mai 1974, aff. 4/73, Nold, Rec. 1974, p. 491 ; CJCE, 13 décembre 1979; aff. 44/79, Hauer,
Rec. 1979, p. 3727.
8
3
Le refus de l’adhésion à la CEDH. Devant l’influence croissante en Europe
des droits fondamentaux tels qu’ils ressortent de la Convention européenne de
sauvegarde des droits de l’homme (ci-après CEDH), la question fut posée à la Cour de
savoir si la Communauté pouvait adhérer au système conventionnel des droits de
l’homme. Dans son avis 2/9413, du 28 mars 1996, la Cour répondit qu’ « en l’état actuel
du droit communautaire, la Communauté n'a pas compétence pour adhérer à la
[CEDH], car, d'une part, aucune disposition du traité ne confère aux Institutions
communautaires, de manière générale, le pouvoir d'édicter des règles en matière de
droits de l'homme ou de conclure des conventions internationales dans ce domaine et,
d'autre part […] l'adhésion […] entraînerait un changement substantiel du régime
actuel de la protection des droits de l’homme, en ce qu'elle comporterait l'insertion de
la Communauté dans un système institutionnel international distinct ainsi que
l'intégration de l'ensemble des dispositions de la convention dans l'ordre juridique
communautaire », lequel « revêtirait une envergure constitutionnelle et dépasserait
donc par sa nature les limites de l'article 235 du traité »14.Comme la Cour en déduit
que l’adhésion à la CEDH ne peut se faire que par voie de révision des traités, toute
incorporation formelle des droits y consignés est alors bloquée.
4
L’apport du Traité d’Amsterdam. La question de la consignation des
droits fondamentaux dans les traités prendra une autre dimension avec le traité
d’Amsterdam, signé le 2 octobre 1997 et entré en vigueur le 1er mai 199915. Tout
12
CJCE, Nold, ibid., cons. 2, al. 1 et 2 ; CJCE, Hauer, ibid, cons. 3, al. 2.
13
CJCE, avis 2/94 du 28 mars 1996, Adhésion de la Communauté à la Convention de sauvegarde des
droits de l’homme et des libertés fondamentales, Rec. 1996, p. I-1759.
14
CJCE, avis 2/94, ibid, cons. 6.
15
V. F. Sudre, La Communauté européenne et les droits fondamentaux après le traité d’Amsterdam : vers
un nouveau système européen de protection des droits de l’homme ?, JCP éd. G., 1998, I, p. 100.
9
d’abord, l’article 6, paragraphe 1 du Traité UE16 érige les trois principes de respect des
droits de l’homme, de démocratie et de prééminence du droit en principes essentiels de
l’ordre juridique communautaire. Ensuite, est instauré un mécanisme de contrôle
juridictionnel visant à sanctionner toute « violation grave et persistante » de l’article 6,
paragraphe 1 UE17. La Charte des droits fondamentaux s’inscrit dans cette logique
d’instauration progressive d’un mécanisme de contrôle communautaire de violations des
droits fondamentaux ; l’Union se dote d’un corpus de droits qui précisent la teneur des
obligations seulement évoquées dans les articles 6 et 7 UE. En elle-même, la Charte
pourrait être considérée comme un « niveau intermédiaire » de reconnaissance formelle
des droits fondamentaux, s’insérant entre les dispositions évasives des traités et les
dispositions techniques du droit dérivé ou les considérants casuistiques du juge
communautaire.
5
Les lacunes du traité d’Amsterdam. Au sortir de la Conférence
intergouvernementale d’Amsterdam, les traités n’ont été amendés ni pour permettre
l’adhésion des Communautés à la Convention européenne de sauvegarde des droits de
l’homme et des libertés fondamentales, comme y invitait a contrario l’avis 2/9418, ni
pour doter les Communautés ou l’Union d’un catalogue de droits fondamentaux
propres. Le professeur Constantinesco en déduit que : « Ce double refus des Etats
membres explique d’une part, que, faute d’une conception d’ensemble, le traitement des
droits fondamentaux dans le traité d’Amsterdam ait pris l’allure d’une mosaïque de
solutions ponctuelles et fragmentaires et que, d’autre part, l’appréhension des droits
fondamentaux y ait été effectuée en fonction des seules impératifs internes de
16
« L’Union est fondée sur les principes de liberté, de la démocratie, du respect des droits de l’homme et
des libertés fondamentales, ainsi que de l’Etat de droit, principes qui sont communs aux Etats membres. »
17
Mais à échéance sera sanctionné tout « risque clair de violation grave par un Etat membre des
principes énoncés à l’article 6, paragraphe 1 » (art. 7, paragraphes 1 et 2 UE, tels que révisés par le traité
de Nice du 9 décembre 2000, non encore en vigueur).
18
CJCE, avis 2/94 du 28 mars 1996, op. cit.
10
l’Union. »19. A cette inacceptable situation d’incertitudes qui confine au vide juridique,
les Conseils européens suivants allaient tenté de remédier…
6
Les mandats des Conseils européens. Sous présidence allemande, le
Conseil européen de Cologne, des 3 et 4 juin 1999, décida de cerner le contenu des
droits fondamentaux, à travers la rédaction d’une compilation. L’objectif affiché par le
Conseil européen était « d’établir une charte de ces droits afin d’ancrer leur importance
exceptionnelle et leur portée de manière visible pour les citoyens de l’Union »20. Une
« Enceinte » fut donc organisée par le Conseil de Tampere, les 15 et 16 octobre 1999,
afin de déterminer la composition de ce groupe ad hoc ainsi que ses modalités de
travail21. Laconique, les Conclusions du Conseil de Cologne laissaient peu de directives
à la Convention. Elles insistaient beaucoup sur les sources : les droits de libertés et
d’égalité, ainsi que les droits de procédure garantis par la CEDH, et par les traditions
constitutionnelles communes aux Etats membres, en tant que principes généraux du
droit communautaire. Les droits économiques et sociaux tels que résultant de la Charte
sociale européenne (CSE) et de la Charte communautaire des droits sociaux
fondamentaux des travailleurs (CCDSF), seront également partiellement pris en compte.
Oscillant entre abstraction et imprécision, les Conclusions des Conseils européens
donnaient peu d’indications à l’organe chargé de la codification.
19
V. Constantinesco, Le renforcement des droits fondamentaux dans le traité d’Amsterdam, op. cit., p.
34.
20
Conclusions de la Présidence, Décision du Conseil concernant l’élaboration d’une charte des droits
fondamentaux de l’Union européenne, points 44 et 45 (Bull. UE n°6-1999, point I.18) et annexe IV, p. 43
(Bull. UE n°6-1999, point I.64).
21
Conclusions de la Présidence du Conseil européen de Tampere, des 15 et 16 octobre 1999, Bull. UE n°
10-1999, points I.1 – I.16, spéc. point I.2 et annexe.
11
7
Les acteurs de la Charte. Institution nouvelle qui a appliqué des méthodes
originales de préparation et d’adoption de la Charte, la « Convention »22 a d’abord posé
un problème… de nom. Transgressant les mandats déterminés en sommets européens23,
l’organe baptisé « Enceinte » s’est lui-même renommé « Convention », assemblée
collégiale sous la direction d’un comité de rédaction, lui-même renommé « Présidium ».
Mais plus que le nom, l’originalité de la Convention réside dans sa composition. Pour la
première fois coopèrent dans un même organe les Institutions européennes24 et
nationales, les parlements nationaux et le Parlement européen. La Convention n’avait
rien d’un comité d’experts, c’était un organe officiel, chargé de « produire un texte ». En
son sein, une « Task-force », composée de fonctionnaires des Institutions européennes25,
effectue le travail préparatoire de recensement des droits ; le Présidium, composé d’un
président26, de trois vice-présidents et d’un commissaire, organise les séances ; les
« composantes » veillent à la cohérence de l’ensemble du projet. Des consultations des
Etats candidats à l’adhésion sont organisées. Travaillant dans la plus stricte égalité,
chacune des instances dépositaires de différentes légitimités a contribué à donner à la
Charte sa richesse et son architecture particulière.
8
Le Conseil européen de Nice des 7 et 9 décembre 2000. Au terme de son
exercice, la Convention a présenté le texte de la Charte au Conseil européen informel de
Biarritz, lequel a donné son accord unanime au projet27. Le texte fut alors définitivement
22
Dans le reste de notre étude, ce terme désignera automatiquement l’organe qui a présidé à la rédaction
de la Charte.
23
G. Braibant, La Charte des droits fondamentaux, Droit social n°1, janvier 2001, p. 70.
24
Curieusement, la Cour des Comptes ne disposait pas d’observateurs (v. Conclusions de la Présidence de
Tampere, op. cit.).
25
Sous la présidence du professeur Jacqué, directeur du service juridique du Conseil.
26
En l’occurrence, il s’agissait de Roman Herzog, ancien Président de la Cour constitutionnelle allemande
et ancien Président de la République Fédérale d’Allemagne.
27
Bull. UE, n° 10-2000, point 1.2.1.
12
arrêté. Lors du Conseil européen de Nice, conformément au programme établi lors du
sommet de Cologne, le Conseil, le Parlement européen et la Commission proclamèrent
la Charte des droits fondamentaux « en marge du Conseil européen ». Autrement dit, le
texte est approuvé, sans toutefois revêtir de force contraignante « officielle ». Du point
de vue formel, la Charte ne revêt donc qu’une valeur de déclaration politique. Le
Conseil européen se félicite de cette proclamation, et espère la plus large diffusion de la
Charte28.
9
Présentation de la Charte. La Charte des droits fondamentaux de l’Union
européenne comporte 54 articles, précédés d’un préambule introductif. En sus des
dispositions générales reprises à la fin du texte (chapitre VII, articles 51 à 54), les
articles sont regroupés autour de six valeurs fondamentales : la dignité (articles 1 à 5),
les libertés (article 6 à 19), l’égalité (articles 20 à 26)29, la solidarité (articles 27 à 38), la
citoyenneté (articles 39 à 46) et la justice (articles 47 à 50). La Charte est accompagnée
d’un exposé des motifs, rédigé par le Présidium, qui précise les sources sur lesquelles se
fonde la Charte des droits fondamentaux : en plus des sources indiquées par le Conseil
de Cologne, cet exposé se réfère aux deux Pactes relatifs aux droits de l’homme,
adoptés par l’Assemblée générale des Nations-Unies le 16 décembre 1966, à la
Convention d’Oviedo sur les Droits de l’Homme et la Biomédecine, à certaines
jurisprudences des Cours de Luxembourg ou de Strasbourg… De l’avis de la
28
Conclusions de la Présidence, Conseil européen de Nice des 7, 8 et 9 décembre 2001, points 2 et 11,
Bull. UE n° 12-2000, points 1.3, 1.2.2, 2.2.1 et s.
29
Entre l’avant-projet de charte (Charte 4422/00 Convent 45) du 28 juillet 2000, d’une part, et le projet
définitif de Charte (Charte 4487/00 Convent 50), tel qu’adopté par le Conseil européen de Biarritz des 13
et 14 octobre 2000, deux articles sont venus grossir les rangs des droits ayant trait à l’égalité. Il s’agit d’un
article préservant la diversité religieuse, culturelle et linguistique (art. 22), et d’un article sur la protection
des personnes âgées (art. 25). Certains droits sociaux furent donc révélés in extremis !
13
Commission, cet exposé des motifs pourrait être un élément utile à l’interprétation
ultérieure de la Charte30.
10 Contenu de la Charte – Méthode. Conformément aux Conclusions de
Cologne, l’élaboration de la Charte des droits fondamentaux visait à « ancrer leur
importance exceptionnelle et leur portée de manière visible pour les citoyens de
l’Union ». La Convention était donc tenue d’effectuer un travail de révélation, et non de
création ou d’innovation. Néanmoins, elle devait également procéder à l’adaptation des
droits de l’homme à leur temps. C’est pourquoi, à la lumière des cultures, des sociétés
européennes et de leurs mœurs, certains droits nouveaux sont codifiés dans la Charte,
bien qu’ils n’aient pas encore été complètement ou explicitement consacrés comme
droits fondamentaux.
11 Contenu de la Charte – Pragmatisme et ambitions. L’influence de la
Convention européenne des droits de l’homme a été déterminante pour la Charte.
Pragmatique, celle-ci reprend en substance les articles 2 à 14 de la CEDH31. Mais, pour
pragmatique qu’elle soit, la Charte se montre également ambitieuse, dans la mesure où
elle n’hésite pas, soit à révéler des droits nouveaux, soit à adapter des droits anciens aux
relations sociales contemporaines. Au regard de la base de réflexion proposée par le
Présidium32, les travaux de la Convention ont amené à la consécration explicite d’autres
droits : la liberté de la recherche scientifique (article 13), la liberté d’entreprise (article
16), la propriété intellectuelle (article 17 § 2), les droits des enfants (article 24), une
protection en cas de licenciement injustifié (article 30) l’accès aux services
économiques d’intérêt général (article 36), le droit à une bonne administration (article
30
Communication de la Commission, du 13 septembre 2000, COM(2000) 559 final, sur la Charte des
droits fondamentaux de l’Union européenne, point 17, p. 6.
31
32
V. infra Titre I, Chap I, Section I, paragraphe 2.
Charte 4112/00, Body 4 du 27 janvier 2000. Les documents de travail de la Convention sont
disponibles sur le site du Conseil (http://www.consilium.eu.int/df/default.asp?lang=fr).
14
41). A l’inverse, certains droits sont quasiment absents de la Charte, soit que les débats
ont amené à les considérer comme des objectifs, et non comme des principes ou des
droits justiciables (c’est le cas du droit au travail33 ou du droit à une rémunération
équitable34), soit qu’ils découlent d’autres droits consacrés (ainsi en est-il du droit de
grève, inclus dans l’article 28 relatif à la négociation et aux actions collectives, ou du
droit à un revenu minimum, couvert par l’article 34, paragraphe 3, au titre de
l’assistance et de la sécurité sociales.)
12 Le statut juridique de la Charte. La nature juridique de la Charte laisse
sceptique35. Les juristes les plus formalistes insisteront sur l’absence de proclamation
officielle de la Charte et sur le choix laissé aux futurs Conseils européens de l’insérer
dans les Traités36. Les positivistes rappelleront que la Charte est publiée au JOCE, série
C, et constitue une codification du droit positif, c’est-à-dire à la fois une simplification
et une consolidation du droit existant, déjà en vigueur. Pour notre part, nous axerons
notre réflexions sur un simple constat : comme charte de droits dits fondamentaux, le
texte litigieux ne saurait recevoir que le plus haut respect de la part des autorités
nationales et communautaires, surtout les Institutions qui l’ont solennellement proclamé.
Son observation s’impose par la nature même, non de l’instrumentum, mais des droits
que cet instrument exprime.
33
Art. 1er de la Charte sociale européenne révisée ; art. 4 de la Charte communautaire des droits sociaux
fondamentaux des travailleurs.
34
Art. 5 de la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs.
35
Sur les nombreuses contributions des instances, v. Communication de la Commission, du 11 octobre
2000, COM(2000) 644 final « Sur la nature de la Charte des droits fondamentaux de l’Union
européenne », enregistré par la Convention comme Charte 4956/00, Contrib. 355, p. 4 et 5, points 4 à 8 ;
v. infra nos développements § 72.
36
Ce qui n’est guère à l’ordre du jour : ni le Conseil européen de Stockholm ni celui de Göteborg ne
mentionnent la Charte (v. http://ue.eu.int/presid/conclusions.htm).
15
13 Problématique : En somme, la Charte est marquée par une double hybridité.
La première a trait au processus et aux méthodes de travail, qui tinrent compte de
sources aux origines et à la portée diverses. La seconde se retrouve dans la codification
de droits tirés du droit positif dans un instrument formellement déclaratoire ou, pour
mieux dire, dans un instrument qui n’a pas encore reçu l’onction de la justiciabillité.
Dès lors, nous pouvons nous demander quels sont l’intérêt et la portée juridique du
travail de codification entrepris. Codifier les droits fondamentaux en vigueur dans
l’Union se résume-t-il à compiler certains droits de l’ordre juridique communautaire, ou
ne nécessite-t-il pas l’introduction de normes nouvelles, telles que les normes
d’articulation ? Comment la Convention a-t-elle synthétisé l’ensemble des droits
fondamentaux existants dans l’Union européenne, pour rédiger une Charte qui, bien
qu’elle n’ait aucune certitude d’entrer en vigueur, demeure dynamique et garante de
l’effectivité de la protection des personnes ?
14 Plan. Malgré ses lacunes et ses faiblesses, notamment son absence de valeur
juridique formelle, la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne synthétise,
pour les rendre visibles, plus de cinquante années de progrès juridiques. Pour la
première fois se retrouvent articulés, au sein d’un même texte, des droits et des
principes de diverses natures et de sources variées : des droits civils, politiques,
économiques, culturels, sociaux, et les droits des citoyens. Mettant en œuvre, de façon
relativement nette, le principe d’indivisibilité des droits, la Charte rassemble et distille
les valeurs communes aux peuples de l’Union. Elle constitue donc une véritable
codification à droit constant (Titre premier). Mais unifier les droits fondamentaux dans
l’Union est vain si le texte qui le permet ne s’intègre pas correctement parmi les autres
textes de droit positif, si la revendication des droits, des principes et des libertés qu’il
assure est empêchée soit par d’autres dispositions, soit par l’absence de normes
d’articulation adéquates. La valeur de la Charte dépend avant tout de son efficience, et
son respect est conditionné par l’harmonisation de normes procédurales propres à
garantir son applicabilité directe (Titre Second).
16
TITRE PREMIER :
UNE CODIFICATION DU DROIT
POSITIF
15 Plan. Ainsi que le suggère la reprise des conclusions du Conseil européen de
Cologne dans la contribution du Présidium37, la Charte est le fruit de la convergence de
plusieurs sources de légalité hétéroclites. Si l’influence de la Convention européenne de
sauvegarde des droits de l’homme est prééminente en droit communautaire, celles de la
Charte sociale européenne est bien moindre, celle des Pactes des Nations-Unies
inexistante. En dépit de la grande diversité des sources de légalité dont procède la
Charte (chapitre I), les rédacteurs de ce texte sont parvenus à synthétiser les droits de
l’Homme en vigueur dans l’Union, afin de les rendre lisibles, c’est-à-dire accessibles
aux personnes directement concernées (chapitre II).
37
V. infra, chapitre I, paragraphes 19 et s., pp. 21 et s.
18
PREMIER CHAPITRE : LA DIVERSITÉ DES SOURCES DE
LÉGALITÉ
16 Convention et sources de légalité. Le mandat donné à la Convention par le
Conseil européen de Cologne demandait à celle-ci de rédiger une Charte afin de « réunir
les droits fondamentaux en vigueur au niveau de l’Union […] de manière à leur donner
une plus grande visibilité »38. La mission de la Convention consistait donc à accomplir
un travail analytique et synthétique. D’une part, dans sa dimension analytique, la
Convention devait recenser l’intégralité des droits de l’homme tels que garantis dans
l’ordre juridique communautaire, c’est-à-dire, indépendamment de la nature juridique de
la source de chaque droit, passer en revue chacune d’entre elles afin de répertorier les
droits invocables par le particulier. D’autre part, dans sa dimension synthétique, la
Convention s’efforçait de trouver une formulation satisfaisante tant pour les parties que
pour les titulaires39 des droits, suffisamment courte pour être intelligible par un citoyen
« raisonnable et moyennement avisé », et suffisamment riche pour ne pas trahir les
subtilités inhérentes au régime des droits fondamentaux. Une lecture d’ensemble de la
Charte tend à suggérer que cette mission, malgré quelques lacunes ou imprécisions (sur
lesquelles nous reviendrons40) est accomplie.
38
39
Conclusions de la Présidence, Conseil européen de Cologne, 3 et 4 juin 1999, point 44.
Ainsi que le relève le Professeur Denys Simon, le choix sémantique peut revêtir une certaine
importance : « on précisera que le vocabulaire de « titulaire » ou de « sujet » de droit est préféré à celui
de « bénéficiaires », qui sent un peu la Charte octroyée » (RUDH, numéro spécial n°1-2 sur La Charte
des droits fondamentaux, p. 26, note 27). Précisons que nous utiliserons indifféremment la variété
sémantique mise à disposition dans le reste de ce mémoire.
40
Voir infra, titre II, chapitre second, section I, §2, B.
19
17 Pluralité des sources. S’agissant de l’analyse des droits fondamentaux tels
que garantis dans l’Union, la Convention ne s’est pas contentée de passer en revue les
textes purement communautaires, mais a retenu différents textes porteurs de droits
fondamentaux. En effet, les droits de l’homme ne constituent pas des normes
techniques. Au contraire, ils constituent une discipline transversale, dont le champ
d’étude se déploie par delà les frontières théoriques et académiques de la distinction
entre droit public et droit privé, par delà les frontières physiques des Etats membres et
des Communautés, et enfin par delà les divergences culturelles, sociologiques et
éthiques. Dès lors, limiter le recensement des droits fondamentaux à une catégorie
d’instruments déterminés en fonction de leurs auteurs ne pouvaient qu’amoindrir la
richesse et la dynamique propres aux droits fondamentaux. Aucun organe, quel que soit
sa légitimité, ne peut prétendre au monopole d’édiction des droits fondamentaux de
l’Union. C’est donc avec sagesse et objectivité que les membres de la Convention se
sont inspirés, certes principalement, des instruments communautaires de protection des
droits fondamentaux41. Ils ne négligèrent pas pour autant les instruments nationaux42,
européens43 ou internationaux44 de garantie qui déploient leurs effets dans l’ordre
41
Citons simplement les traités sur la Communauté européenne et sur l’Union européenne, ainsi que leurs
protocoles, la jurisprudence de la CJCE, la Convention Europol, les nombreux règlements et directives du
Conseil et du Parlement européen, la jurisprudence de la Cour relative aux droits fondamentaux, la Charte
communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs (bien qu’il s’agisse d’une déclaration
politique), la Convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés.
42
Appréhendés essentiellement au titre des traditions constitutionnelles communes aux Etats membres,
mais aussi des principes communs aux ordres juridiques nationaux, tel que le principe de légalité et de
proportionnalité des délits et des peines (art. 49). Citons également la jurisprudence des Cours suprêmes
nationales, pour leur apport à la protection des droits fondamentaux au niveau européen.
43
Ainsi, la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (et
ses protocoles), complétée par la jurisprudence de la Cour EDH, la Convention du Conseil de l'Europe sur
les droits de l'homme et la biomédecine, la Convention du Conseil de l'Europe pour la protection des
personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel du 28 janvier 1981, la
Charte sociale européenne, la Convention relative à la lutte contre la corruption.
20
juridique communautaire, ni les sources de droit les plus souples, telles que la
jurisprudence de la Cour de Luxembourg, notamment celle relative aux principes
généraux du droit.
18 Sources de légalité et droit communautaire. Incontestablement, la théorie
classique des sources du droit international trouve ses limites en droit communautaire.
Bien que ce dernier demeure encore lié par les traités fondateurs à ses origines de droit
international, le droit communautaire s’est affranchi de ses racines pour constituer le
modèle le plus intégré de droit régionalisé. Certaines sources de droit non écrit, telles
que la coutume, ont perdu quasiment toute influence45. A l’heure où sont remis en cause
les fondements mêmes de la théorie des sources46, prospèrent et croissent de nombreux
ordres juridiques ayant chacun leurs sources propres. La Charte des droits fondamentaux
se devaient de prendre l’exacte mesure de cette autonomisation des sources.
19 Recensement des sources. Cependant, la Charte constitue un texte de droits,
non un historique du développement des droits fondamentaux de l’Union. Le texte
énonce les droits garantis et non les sources. Dès lors, accomplir une « recherche en
paternité » des droits de la Charte postule de se tourner vers les travaux préparatoires,
44
Au titre desquels nous trouvons la Déclaration universelle des Droits de l’Homme, le statut de la Cour
pénale internationale adopté à Rome le 17 juillet 1998, la Convention du Conseil de l'Europe pour la
protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel du 28
janvier 1981.
45
Contra CJCE, 16 juin 1998, aff. C-162/96, Racke, Rec. 1998, p. I-3655. Dans cet arrêt est
explicitement consacré en droit communautaire le principe de droit international rebus sic standibus,
corollaire du principe pacta sunt servanda.
46
V. R. Monaco, Réflexions sur la théorie des sources du droit international, in J. Makarczyk, Theory of
International Law at the Threshold of the 21st Century. Essays in honour of Krzysztof Skubiszewski, éd.
Kluwer Law International, La Hague, 1996, pp. 517-529 ; G. Abi-Saab, Les sources du droit
international ; essai de déconstruction, in Liber Amicorum Eduardo Jimenez d’Arechaga, Le Droit
international dans un monde en mutation, Montevideo, 1994.
21
les notes et contributions des différentes instances consultées47. A cet égard, le
Présidium a rédigé une intéressante contribution48, reprise dans un rapport du député
François Loncle49, présentée sous forme de tableau synoptique sur le site Internet de la
Commission50. Nous pouvons supposer que la contribution du Présidium retranscrit,
sinon le résultat des débats, au moins les sources de légalité les plus éminentes parmi
celles retenues par les groupes de travail..
20 Sources internationales non pertinentes. Sur le plan juridique la
dichotomie entre droits civils et politiques et droits culturels, économiques et sociaux
trouve peu de justifications. C'est une division diplomatique, inspirée par le climat de
guerre froide entre les Etats libéraux de l'Ouest et les démocraties sociales de l'Est,
matérialisée dans les deux pactes des Nations Unies de 196651. D'une part, le Pacte
international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) regroupe les droits de la
personne et ceux inhérents au processus de participation politique. Ce sont des « droits
47
A ce jour, le site Internet du Conseil met à disposition 230 contributions, émanant de divers organes,
depuis les institutions communautaires jusqu’aux cellules de la société civile, en passant par les
représentants d’organisations internationales telles que le Conseil de l’Europe. Ces contributions sont
disponibles à l’adresse http://www.consilium.eu.int/df/default.asp?lang=fr.
48
Cette contribution ne s’intègre pas au corps de la Charte. Adjointe à la Charte, elle n’en constitue
qu’une explication, un commentaire, ainsi que le précise son entête : « Les présentes dispositions ont été
établies sous la responsabilité du Présidium. Elles n’ont pas de valeur juridique et sont simplement
destinées à éclairer les dispositions de la Charte. ». Pourtant, l’avocat général Léger, dans ses conclusions
sous l’affaire C-353/99 P, Hautala c/ Danemark, France, Finlande, Suède et Royaume-Uni, se réfère
explicitement à la « note explicative de la Charte » pour déterminer un lien entre l’article 45 de la Charte
et l’article 255 CE (points 84 et 85)
49
F. Loncle, La Charte des Droits fondamentaux de l’Union européenne, Les Documents d’information
de l’Assemblée Nationale, Rapport n°2616, 2000, 96 p.
50
http://europa.eu.int/comm/justice_home/unit/charte/fr/charter02.html .
51
Assemblée Générale des Nations-Unies, Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et
culturels (16 décembre 1966, entré en vigueur le 3 janvier 1976) ; Pacte international relatif aux droits
civiques et politiques (16 décembre 1966, en vigueur le 23 mars 1976).
22
de ». D'autre part, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et
culturels (PIDESC) énumère des droits en rapport avec la situation matérielle de
l’individu. Il s’agit, pour l’essentiel, des « droits à ». Si les Pactes traduisent en termes
juridiques l’opposition entre marxistes et libéraux, ils ont toutefois le mérite de mettre
l’accent sur la collectivisation des droits fondamentaux. En d’autres termes, les droits de
l’homme ne sont plus exclusivement des droits individuels. Certains s’exercent et se
déploient dans le corps social d’appartenance de l’individu.
Bien que chaque Pacte ait l'avantage de consacrer expressis verbis certains droits
comme fondamentaux, la classification opérée entre les deux familles s'avère
dangereuse. En effet, dès lors qu'une distinction est opérée, la tentation d'une
hiérarchisation existe, donnant à croire que certains droits sont plus fondamentaux que
d'autres. En outre le mérite pédagogique de cette différenciation s'estompe devant
l'exigence d'indivisibilité des droits de l'homme, principe maints fois affirmé dans les
outils de protection. A l’inverse, la Charte des droits fondamentaux relègue cette
classification au rang d’avatar historique ; son architecture en six titres empêchant toute
catégorisation des droits selon la nomenclature des Pactes52. Dans l’ensemble, les Pactes
sont sans incidence sur la rédaction et l’interprétation de la Charte.
21 Plan. Une lecture attentive de la contribution du Présidium révèle l’impact
des sources de légalité de droit écrit sur la Charte, essentiellement européennes (section
I). Cependant, il serait erroné d’éluder les sources de légalité les plus insaisissables
(section II), notamment les jurisprudences des cours européennes, lesquelles ont
influencé, à un degré moindre, la rédaction des droits consacrés.
52
V. infra titre I, chapitre II, section I.
23
SECTION
I : PREEMINENCE DES
CONVENTIONNELLES
SOURCES
22 Prééminence du droit53 et Communauté de droit. Une lecture comparée de
la Charte des Droits fondamentaux de l'Union européenne avec les principaux
instruments européens de protection des droits révèle combien la première est
influencée par les seconds. La Charte n’est pas avare de références aux articles
européens contenus dans les principaux instruments de protection des droits
fondamentaux, constitutifs d’une « Communauté de droit »54. La réalisation d’une telle
Communauté constitue l’un des objectifs assignés aux traités, et, sur un plan politique,
la raison d’être essentielle de l’intégration communautaire. En matière de droits de
l’homme, constituer une Communauté régie par le droit est à la fois le moyen et la
finalité, l’alpha et l’oméga, du développement harmonieux des Etats membres, dont la
qualité d’Etat démocratique est une condition d’adhésion et du maintien dans les
Communautés55
53
J.-Y. Morin, La « prééminence du droit » dans l’ordre juridique européen, pp. 643-689, in J.
Makarczyk, Theory of International Law at the Threshold of the 21st Century. Essays in honour of
Krzysztof Skubiszewski, éd. Kluwer Law International, La Hague, 1996, 1008 p. Cet auteur insiste sur les
liens existants entre le « Rechtsstaat » allemand et la notion communautaire de « Communauté de Droit ».
54
55
V. CJCE, 23 avril 1986, aff. 294/83, Parti écologiste « Les Verts », Rec. 1986, p. 1339.
V. notamment les articles 6, paragraphe 1, 7 et 49 TUE. Le respect des valeurs démocratiques
communes constituent également, au terme du préambule de la CEDH, une condition d’entrée au Conseil
de l’Europe. A l’occasion de la Conférence de Nice, la modification de l’article 7 UE, autorisant le
déclenchement d’une procédure de sanction en cas de risque d’infraction aux dispositions de l’article 6
UE ou de manquement aux droits fondamentaux, complétant la possibilité de sanction en cas de
« violations massives et répétées des droits de l’homme », renforce les mécanismes de garanties au sein de
l’Union. V. D. Simon, Ubi jus ?, Europe n°3, mars 2000, p. 3.
24
23 Par l’acte d’adhésion, l’Etat reconnaît le travail d’intégration accompli par les
Etats membres et accepte de contribuer à celui-ci56. Dans les traités fondateurs, les
droits fondamentaux développés par l’Union représente qualitativement une part
essentielle de cet acquis. Quantitativement, le droit originaire de l’Union est
relativement pauvre en droits fondamentaux57. Au sein de l’ordre juridique instauré par
le Conseil de l’Europe, les droits fondamentaux conventionnels sont également peu
nombreux, mais d’une part, ils ont l’avantage d’être immédiatement identifiables, et
d’autre part, ils ont bénéficié de l’impulsion donnée par la jurisprudence de la Cour
européenne des droits de l’homme (ci-après Cour EDH)58. Mais l’adhésion n’est pas une
opération à sens unique ; ni le droit communautaire ni le droit conventionnel des droits
de l’homme ne se contentent de pénétrer l’ordre juridique national du nouveau membre.
Au contraire, c'est une opération bijective. D’une part l’Etat membre, bien qu'astreint
par la clause de « stand-still »59, conserve une part des prérogatives inhérentes à sa
souveraineté, rien ne l’empêche d’adopter des mesures d’ordre interne de protection des
droits fondamentaux qui soient plus protectrices que celles en vigueur dans l’Union.
D’autre part, le développement de ces derniers implique que les Etats membres,
véritables maîtres des traités internationaux, modifient ces derniers pour les enrichir de
nouvelles dispositions, modifiant ainsi le niveau de protection communautaire des droits
fondamentaux.
56
V. l’article 49 UE, les Protocoles n°2 et 11 au traité d’Amsterdam, et les Déclarations n°50 et 57 au
traité d’Amsterdam.
57
V. infra, cette section, paragraphe 1.
58
V. infra, ce chapitre, section II.
59
Au terme de l’article 10 CE : « 1. Les Etats membres prennent toutes mesures générales ou
particulières propres à assurer l’exécution des obligations découlant du présent traité ou résultant des
actes des institutions de la Communauté. Ils facilitent à celle-ci l’accomplissement de sa mission.
2. Ils s’abstiennent de toutes mesures susceptibles de mettre en péril la réalisation des buts du présent
traité. »
25
24 Plan. Suite à ces interactions entre ordres juridiques, croissantes avec le
nombre d'adhésions, le droit communautaire s'est enrichi des normes de protection des
droits fondamentaux reconnues par les différents ordres nationaux et consignées dans
divers instrumenta. Pour importante que soit la protection des droits des personnes,
force est de reconnaître que tous les instruments consacrés par les diverses traditions
nationales n'ont ni le même impact, ni le même intérêt. Pour la plupart, les droits
contenus dans cette Charte de codification des droits fondamentaux trouvent leur origine
soit dans les traités fondant l’ordre juridique communautaire (§1), soit dans la
Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme (§2).
§1) Les normes communautaires de protection
des droits fondamentaux
25 Plan. Les traités constitutifs des Communautés européennes demeurent
laconiques s'agissant de la protection des droits de l'Homme. Les références sises dans
les traités sont générales et évasives60. Le principal avantage d'une telle imprécision
réside dans la généralité des termes, lesquels préservent l’impulsion et le potentiel de
développement des droits de l'homme61. Son principal inconvénient est qu'elle appelle,
soit une intervention de niveau législatif, précisant les modes d’organisation de la
garantie des droits fondamentaux, soit une interprétation du juge gardien de l'ordre
juridique communautaire, précisant le sens et la portée de ces termes62. Réservant nos
développements sur le rôle du juge à plus tard, nous nous consacrerons à étudier les
60
L’article F, paragraphe 1 du TUE, dans la version originale du traité de Maastricht,
disposait : « L’Union respecte l’identité nationale de ses Etats membres, dont les systèmes de
gouvernement sont fondés sur les principes démocratiques. »
61
A l'inverse, une clause fermée, reconnaissant par exemple les droits fondamentaux en vigueur au
moment de la ratification du traité, pêche par sa stérilité et prive ces droits d'une part de leurs potentialités.
62
V. infra, section II, paragraphe 1.
26
dispositions pertinentes des traités communautaires (A), puis nous nous intéresserons au
rôle joué en matière de droits de l'Homme par les Institutions titulaires du pouvoir
normatif communautaire63 (B).
A) Le droit originaire de l’Union
26 Le droit originaire matériel. Les droits de la personne, tels qu’ils ressortent
des traités fondant les Communautés, sont peu nombreux. A l’inverse du
développement des droits fondamentaux sur la scène internationale, ce ne sont pas les
droits civils et politiques qui ont posé les jalons du développement des droits
fondamentaux au sein de l’ordre juridique communautaire. Dispositions éparses et
désordonnées, il s’agit avant tout de libertés de nature économique, qui s’inscrivent dans
la formation du Marché intérieur : la liberté de circulation, consentie au bénéfice des
travailleurs communautaires64, la liberté d’expression de la presse et des médias65,
l’égalité de rémunération entre les hommes et les femmes66, les droits à l’information, à
l’éducation et à l’organisation des consommateurs67. La prise en compte de
préoccupations sociales se retrouve dans le traité CE, mais seulement à titre
63
Les Institutions participant au processus d’édiction des normes sont, au terme de l’article 249 CE, la
Commission, le Conseil et, selon les procédures, le Parlement européen.
64
Art. 39 CE à 48 CE. Mais il existe d’autres dispositions se référant à la liberté de circulation des
personnes : les articles 2 al 5 UE, 14 al. 2 CE et 18 CE. Cette liberté n’est pas restreinte par le protocole
annexé au traité sur l’Union européenne et aux traités instituant les Communautés européennes (protocole
n°17, Déclaration n°34).
65
Déclaration n°20 annexée au traité d’Amsterdam.
66
Art. 141 CE (v. également art. 2 et 3 CE et Protocole n°14 du Traité de Maastricht, et Déclaration n°28
jointe au traité d’Amsterdam).
67
Art. 153, paragraphe 1 CE.
27
programmatique68. Quant aux droits civils et politiques, ils font leur apparition avec le
Traité de Maastricht : le droit à l’égalité de traitement69, le droit d’accès aux documents
administratifs70, les droits du citoyen (droits de vote et d’éligibilité aux élections
municipales71 et au Parlement européen72, droit de pétition devant le Parlement
européen73, saisine du médiateur74, droit à une protection diplomatique et consulaire75).
Certaines dispositions, bien qu’inscrites dans les traités, ne sont pas
véritablement affirmées comme des droits fondamentaux, mais comme des droitsprogrammatiques, ou comme des objectifs que l’Union tâchera d’atteindre en suivant les
principes fondamentaux y afférents. Bien souvent, ils sont simplement évoqués dans une
déclaration ou dans un protocole annexé au traité. A leur nombre, citons la lutte contre
les discriminations76 et contre l’exclusion77, la protection de l’environnement78, la
cohésion économique et sociale79, la protection des minorités culturelles et
linguistiques80, le droit à la santé81, l’insertion sociale des handicapés82, le respect des
68
Art. 136 et s. CE, formant le titre XI, lui-même consacré à la politique sociale, l’éducation, la formation
professionnelle et la jeunesse.
69
Art. 13 CE.
70
Art. 207 et 255 CE, v. infra cette partie, chapitre II.
71
Art. 19, paragraphe 1 CE.
72
Art. 19, paragraphe 2 CE.
73
Art. 21 al 1 CE.
74
Art. 21 al 2 CE.
75
Art. 20 CE et Protocole n°6 au traité d’Amsterdam.
76
Art. 13 CE, précité.
77
Art. 136 et 137, paragraphe 1 CE.
78
Art. 175 et 176 CE, et Déclaration n°12 jointe au Traité d’Amsterdam.
79
Art. 158 CE. la cohésion économique et sociale ne peut se réaliser sans un minimum de droits sociaux
fondamentaux, qu’elle préfigure.
80
Art. 30 et 149 CE.
81
Notamment, l’art. 152 CE.
82
Déclaration n°22 relative aux personnes handicapées.
28
convictions, notamment religieuses83… Toutes les politiques de l’Union centrées sur le
développement social harmonieux de l’homme pourraient être abordées ici, mais nous
nous en tiendrons à celles qui émanent des traités.
27 L’article 52 § 2 de la Charte. La portée pratique de la recherche du
fondement communautaire de certains droits fondamentaux réside dans l’article 52 de la
Charte. Celui-ci énonce : « Les droits reconnus par la présente Charte qui trouvent leur
fondement dans les traités communautaires ou dans le traité sur l’Union européenne
s’exercent dans les conditions et limites définies par ceux-ci. » A première lecture, les
rédacteurs ont ainsi entendu respecter scrupuleusement l’état actuel du droit positif des
droits fondamentaux communautaires. Cependant, plusieurs questions se posent
immédiatement. La première interrogation consiste à déterminer ce qu’est un droit
« trouvant son origine dans les traités ». S’agit-il d’un droit dont la formulation réside
exclusivement dans les traités, ou d’un droit consacré par les traités, mais inspiré
d’autres instruments juridiques ou existant également en leur sein ? La Cour de Justice
des Communautés, si elle devait se prononcer sur le sens et sur la portée de cette clause,
ira-t-elle jusqu’à opérer une interprétation restrictive de cette clause de limitation, allant
jusqu’à réduire celle-ci aux droits « purement » communautaires, ou l’étendra-t-elle aux
droits partagés par les principales sources européennes de protection ? Nous pouvons
supposer que la haute juridiction communautaire, devant la relative obscurité de l’article
52, paragraphe 2, de la Charte, optera, comme elle le fit jusqu’à maintenant, pour une
interprétation dynamique des droits fondamentaux. De sorte que le juge communautaire
restreindra la portée de l’exception de l’article 52, paragraphe 2. Une telle interprétation
est propre à assurer une protection croissante des bénéficiaires.
83
Déclaration n°11 annexée au traité d’Amsterdam, relative au statut des Eglises et des organisations non
confessionnelles.
29
28 Une seconde série de questions se pose : comment combiner cette clause
restrictive générale avec l’autre disposition de même nature que contient la Charte en
son article 5384 ? En effet cette autre clause générale de limitation des droits
fondamentaux dispose : « Aucune disposition de la présente Charte ne doit être
interprétée comme limitant ou portant atteinte aux droits de l’homme et libertés
fondamentales reconnus, dans leurs champs d’application respectifs, par le droit de
l’Union, le droit international et les conventions internationales auxquelles sont parties
l’Union, la Communauté ou tous les Etats membres, et notamment la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi
que par les constitutions des Etats membres. » Dans la mesure où il ressort du texte de
cet article qu’il s’applique, malgré sa formulation négative, à « toute disposition de la
présente Charte », ne devrait-il pas restreindre également la portée de la limitation
inscrite à l’article 52, paragraphe 2 de la Charte ? Cette hiérarchisation des clauses
générales de restriction ne nous semble contrevenir ni à la lettre ni à l’esprit de la
Charte, ni aux principes d’interprétation des traités85, et présente l’intérêt de donner
pleine vigueur au respect des droits fondamentaux issus de la Convention. Elle pourrait
même donner une piste de résolution d’éventuels conflits horizontaux entre des clauses
de droit originaire restreignant l’exercice de certains droits communautaires, et d’autres
dispositions, issues d’autres ordres juridiques, et garantissant un niveau supérieur de
protection86.
84
V. infra, nos développements sur la soumission à la Convention européenne des droits de l’Homme
comme standard minimum, Section II, paragraphe 1, B), ainsi que le paragraphe 143, p. 137.
85
Article 31 de la Convention de Vienne de 1962 sur le droit des traités entre Etats.
86
Cette interprétation est par ailleurs conforme à la jurisprudence de la Cour de Luxembourg, qui a
emprunté le droit à un procès équitable à la Convention européenne des droits de l’homme (CJCE, 17 déc.
1998, aff. C-185/95, Baustahlgewebe GmbH, Rec. 1998, p. I-8417) ou la règle rebus sic standibus au
droit international général (CJCE, 16 juin 1998, Racke, op. cit.).
30
B) Le droit dérivé de l’Union
29 Richesse et souplesse. L’édiction de normes de droit dérivé fut l’occasion,
pour les Institutions, de développer les droits fondamentaux des individus. En cinquante
années d’intégration communautaire, la réalisation d’une « Union sans cesse plus étroite
entre les peuples » présumait la reconnaissance de valeurs communes avant même que
le souci de recenser les droits fondamentaux n’apparaisse. La souplesse du droit dérivé,
adopté selon un processus moins lourd qu’une révision des traités, a permis aux
institutions de faire face aux besoins croissants de droits fondamentaux. En effet, le
développement économique, social, technologique, etc. induit une vigilance de tous les
instants pour que les droits essentiels soient adaptés à leur époque. Ainsi depuis
l’affirmation des premiers droits, par exemple les droits de la défense dans le Règlement
17 de 196287, d’autres textes de droit dérivé sont venus enrichir les droits de l’homme,
tels ceux portant protection des données à caractère personnel88. De même, il fallut
attendre la directive « Télévision sans frontière » du 3 octobre 198989, adoptée dans le
sillon de la Convention de l’Europe sur la télévision transfrontalière, signée à
Strasbourg le 5 mai 1989, pour que soit consacrée la liberté d’expression en droit
communautaire. En définitive, le droit dérivé est souvent le lieu de cristallisation des
87
Règlement (CEE) n° 17/62 du Conseil, du 6 février 1962, Premier règlement d’application des articles
85 et 86 du traité CE, JOCE n° 13 du 21 février 1962, p. 204. V. l’article 48 de la Charte.
88
Directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la protection
des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation
des données, JOCE n° L 281 du 23 novembre 1995, p. 31. V. également l’article 8 de la Charte.
89
Directive 89/552/CEE du Conseil, du 3 octobre 1989, visant à la coordination de certaines dispositions
législatives, réglementaires, et administratives des Etats membres relatives à l’exercice d’activité de
radiodiffusion télévisuelle, JOCE L 298 du 17 octobre 1989, modifiée en dernier lieu par la directive
97/36 du 30 juin 1997, JOCE, n° L 202, du 30 juillet 1997.
31
droits fondamentaux émergents, parfois même en l’absence de toute volonté de
consécration.
30 Droit dérivé et invocabilité des droits de l’homme. Malgré sa richesse, le
droit dérivé des droits de l’homme ne constitue pas une source extrêmement efficiente
de protection des droits fondamentaux. Tout d’abord, la diversité et l’originalité des
normes communautaires s’organisent en un système normatif unique dans lequel se
confondent les actes de type « législatif » et ceux de type « exécutif »90. Cet éclatement
des fonctions législatives et exécutives91, qui ne facilite guère l’identification des droits
fondamentaux92, se double ensuite d’une différence de justiciabilité entre normes
communautaires, certaines étant dotées d’effet direct, tandis que d’autres en sont
dépourvues. Cette divergence de régime juridique des normes, qui implique au
contentieux une divergence d’invocabilité, ne recoupe pas non plus exactement la
typologie des actes communautaires, telle qu’elle relève de l’article 249 (ex article 189)
CE93. Sans doute est-ce à partir de ce constat que les Etats membres ont souhaité donner
plus de lisibilité aux droits fondamentaux garantis dans l’Union, et que la Charte trouve
son intérêt. En effet, codifier les droits fondamentaux en vigueur dans l’ordre juridique
90
Sans verser dans un statomorphisme excessif, nous pouvons considérer que certains actes normatifs
communautaires se prêteraient plus facilement, par analogie dans l’ordre interne, à une intervention
législative, d’autres à une intervention exécutive.
91
92
V. G. Isaac, Droit communautaire général, éd. Armand Colin, 1999, p. 117 et s.
Au sein des ordres juridiques étatiques, les droits fondamentaux de la personne humaine sont
généralement l’apanage de l’organe légisaltif, en tant qu’émanation de la volonté du peuple. Par exemple,
le « Rechstaat » allemand est fondé sur la « Grundnorm », le principe du « Parliament sovereignty »
britannique préserve la prérogative parlementaire d’édiction des droits fondamentaux, ou l’article 34 de la
Constitution française déclare
93
Si tous les règlements sont d’effet direct, toutes les directives ne sont pas nécessairement dépourvues
d’effet direct. Ainsi, lorsque les dispositions d’une directive non transposée dans les délais impartis sont
suffisamment claires, précises et inconditionnelles, le particulier peut s’en prévaloir au contentieux devant
son juge national.
32
communautaire, c’est reléguer au second plan toute velléité propre à la forme de l’acte
et, à l’inverse, revaloriser le contenu du droit comme tel. Qu’importe que le droit
consacré dans la Charte soit issu directement des traités, des principes généraux du droit
communautaire ou des traditions constitutionnelles communes aux Etats membres, qu’il
soit tiré d’un règlement ou individualisé dans une directive ! Comme droit fondamental,
il mérite une protection maximale. Le principe d’unité des droits fondamentaux joue ici
pleinement son rôle, au bénéfice des personnes concernées par le droit. Toute réserve
sur le statut juridique de la Charte mise à part, la seule question que se posera le juge
confronté à un litige sur la violation d’un droit fondamental sera celle de savoir si la
personne a le statut de victime, autrement dit si elle est personnellement et
individuellement concernée. Finalement, le principal mérite de la Charte est de codifier
certains droits issus des traités ou du droit dérivé des traités, afin de transcender leur
origine et de les qualifier par leur contenu matériel.
Cependant, les sources textuelles de la Charte des droits fondamentaux ne se
cantonnent pas aux traités fondateurs des Communautés, mais comptent parmi elles
d’autres sources de droits écrits, déjà consacrée dans l’ordre juridique communautaire. Il
s’agit des conventions formant le système conventionnel des droits de l’homme.
§2) Le
l’Homme.
droit
conventionnel
des
Droits
de
31 Pertinence des instruments. C’est assurément de la CEDH que la
Convention s’est le plus servie pour rédiger la Charte, en raison de son importance tant
morale que juridique. Toutefois, un lecteur attentif trouvera les traces d’autres accords
internationaux conclus au sein du Conseil de l’Europe, telle que la Charte sociale
européenne (CSE) ou la Convention d’Oviedo sur les droits de l’homme et la
33
bioéthique94. Certes, l’absence de force contraignante de ces dernières explique la
fugacité des références de la Charte. La relative désaffection de la Convention pour ces
conventions ne préjuge pas de leur aptitude à déployer leur normativité dans la plupart
des Etats membres de l’Union, ou à devenir du droit positif ; la Charte retranscrit
simplement le droit en vigueur dans l’ordre juridique communautaire à un moment
donné.
32 Plan. Ne souhaitant pas prendre le risque de voir rejeter un texte essentiel en
raison de considérations économiques et sociales pour lesquelles certains Etats n'étaient
pas prêts ou favorables, les rédacteurs de la Charte se sont cantonnés à des dispositions
conférant des « droits de » et peu de « droits à »95. A l’instar de la Convention, ils ont
préféré une Charte un peu plus pauvre mais dynamique, à une Charte trop riche… et
rejetée par les Etats membres lors du Conseil européen. C’est pourquoi l'affirmation et
le développement des droits civils et politiques de la Convention de Rome ne posa guère
de difficultés (A), tandis que les droits économiques et sociaux relèvent moins de la
CSE que de la jurisprudence sociale tirée de la CEDH (B)96.
A) L’affirmation des droits civils et politiques
33 Charte, CEDH et droits civils et politiques. La Charte des droits
fondamentaux de l’Union européenne et la Convention européenne de sauvegarde des
94
Convention du Conseil de l'Europe, conclue à Oviedo le 19 novembre 1996, sur les Droits de l'Homme
et la Biomédecine, telle que modifiée par son protocole additionnel du 12 janvier 1998, STE 164, éd. du
Conseil de l’Europe, 20 p.
95
F. Sudre, Droit international et européen des droits de l’Homme, 4e éd. PUF, août 1999, coll. Droit
fondamental, pp. 88 et s.
34
droits de l’Homme et des libertés fondamentales ont ceci de commun qu’elles
consacrent une grande quantité de leurs dispositions à l’exercice des droits civils et
politiques par les membres de la Cité, au sens platonicien du terme. Si la CEDH fait
office de précurseur en la matière, force est de constater, à la lecture du texte brut de la
Convention, que la quasi-totalité des droits y contenus sont des droits civils et
politiques : les chapitres « Dignité » et « Libertés » garantissent la jouissance de droits
civils, le chapitre intitulé « Citoyenneté » traduit les aspirations politiques de l’Union.
La contribution du Présidium précitée insiste sur la similitude qui unit les dispositions
des deux textes97.
34 Les avancées potentielles des droits issus de la CEDH. De ce fait, la
Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne enregistre et perpétue des droits
proclamés dans la CEDH, complétée par cinq protocoles. Les principaux droits que la
doctrine considère comme fondateurs de l’ordre juridique européen des droits de
l’homme se retrouvent dans la Charte. Qu’il s’agisse de droits intangibles98, tels que
l’interdiction de la torture ou des traitements inhumains et dégradants ou le droit à la
vie, de droits conditionnels99, comme les libertés de circulation (art. 2 du Protocole n°4)
ou la liberté d’expression (art. 10 CEDH), ou même de droits processuels (art. 6
CEDH)… chaque droit du système conventionnel des droits de l’homme a un écho dans
la Charte. Mieux encore, certains droits présentés dans la CEDH ont été élargis : le droit
à la vie n’est plus limité par la peine de mort100, l’objection de conscience est en voie de
96
Nous nous consacrerons, dans ces deux parties, à une étude principalement textuelle de la Convention,
agrémentée de quelques références jurisprudentielles. Nous mènerons plus loin une étude jurisprudentielle
plus complète.
97
Nous y reviendrons à l’occasion de l’étude des dispositions matérielles.
98
P. Meyer-Bisch, Le noyau intangible des droits de l’homme, éd. Universitaires de Fribourg (Suisse),
1991, 272 p., spéc. pp. 31-74.
99
F. Sudre, op. cit., pp. 214 et s.
100
Art. 2 CEDH, art. 2 de la Charte.
35
généralisation101, le droit à un procès équitable ne voit plus son champ d’application
limité aux matières civiles et pénales102, le principe de non-discrimination tend
également à devenir un principe général103, le principe de la liberté de
l’enseignement104. Ces avancées n’estompent pourtant pas la discrétion des droits
économiques, sociaux et culturels.
B) La discrétion des droits économiques, sociaux et culturels
35 Charte, CSE et droits économiques, sociaux et culturels. Comme nous
l’avons déjà évoqué, la Convention européenne des droits de l’Homme demeure
silencieuse sur les droits sociaux, en raison de son contexte d’adoption. Mais ce silence
tient également au fait qu’à la même époque, fut adoptée à Turin une Charte sociale
européenne développant quelques droits sociaux, notamment le droit professionnel105 et
le droit à une protection sociale (c’est-à-dire le droit à la santé, à une sécurité sociale et à
une assistance sociale et médicale)106. Ces droits se retrouvent dans la Charte des droits
fondamentaux107. Cependant les droits énumérés par la CSE pêchent pour deux raisons
au moins. La première est que la portée de la CSE est limitée par l’absence d’effet direct
des droits consacrés. La seconde est que, contrairement à la Convention de Rome, la
101
Art. 4, paragraphe 3, b) CEDH (interdiction de l’esclavage et du travail forcé), art.10, paragraphe 2 de
la Charte (liberté de pensée, de conscience et de religion).
102
Art. 6 CEDH, art. 47 de la Charte.
103
Art. 14 CEDH, tel que complété par l’art. 1 Prot. 12 du 4 novembre 2000. V. infra titre II, chap. II,
section II, paragraphe 1, A).
104
Art. 2 Prot. 1 CEDH et art. 14 de la Charte.
105
Art. 1, paragraphe 2 CSE.
106
Respectivement aux articles 13, paragraphe 4, 11 et 20-1, b) CSE.
107
Le Préambule de la Charte mentionne « l’évolution de la société » et « le progrès social » comme
source d’impulsion des droits fondamentaux, l’article 34 consacre le droit à la sécurité sociale et à l’aide
sociale.
36
Convention de Turin ne dispose d’aucun moyen de contrôle juridictionnel108 du respect
des engagements souscrits par les Etats. Mais tandis que la Charte ne faisait que
reprendre des droits civils et politiques garantis par la CEDH, sans réel apport, la reprise
des articles de la Charte sociale, et surtout leur attribution à toute personne sans
discrimination, représentent un saut qualitatif important. En effet, la CSE proposait une
adhésion « à la carte », tandis que la Charte des droits fondamentaux impose une
obligation de respect tant aux Etats membres qu’aux Institutions. Ce faisant, les Etats
membres qui n’avaient pas encore ratifié ces droits spécifiques dans la CSE se voient
opposés un autre instrument juridique, auquel ils n’ont pas adhéré, et qui reprend en
substance d’autres obligations auxquelles ils n’avaient pas (encore) consenties.
36 Charte, CEDH et droits économiques, sociaux et culturels. Soucieuse de
combler une lacune en matière de droits sociaux fondamentaux européens, la Cour
européenne des droits de l’Homme a employé la méthode d’interprétation dite évolutive
pour consacrer, au nom du principe d’indivisibilité des droits fondamentaux, non pas
certains droits économiques et sociaux sui généris, mais l’application au domaine social
de certains droits civils et politiques. Est ainsi soulignée la dimension sociale des droits
civils de la Convention européenne des droits de l’homme109. Depuis l’arrêt Airey du 9
108
Tout au plus pourrions-nous relever les rapports du Comité d’experts indépendants et du Comité
d’experts gouvernementaux, et l’introduction d’une procédure de réclamation collective. Les rapports
apprécient la conformité du droit positif des Etats avec les obligations découlant de la Charte sociale, puis
proposent des recommandations au Comité des ministres, lequel adopte une résolution dépourvue de force
contraignante. Quant au récent mécanisme de réclamation collective, il fut institué au bénéfice de trois
catégories d’organisations, à l’occasion de la révision de la Charte. Ce système, exceptionnellement
ouvert au bénéfice d’ONG nationales, doit encore faire ses preuves (V. I. Daugareilh, La Convention
européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et la protection sociale,
Rev. Trim. Dr. eur. n° 37, janvier-mars 2001, pp. 124-125).
109
I. Daugareilh, La Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés
fondamentales et la protection sociale, RTD eur., janvier-mars 2001, pp. 123 - 137, spéc. p. 126.
37
octobre 1979110, la jurisprudence du juge de Strasbourg a évolué : par exemple fut
étendu au contentieux social le droit à un procès équitable sis à l’article 6 CEDH111, ou
le principe de non-discrimination de l’article 14 CEDH112. Le juge, appelé à appliquer la
Charte, trouvera en elle la confirmation de la réception, en droit communautaire, de
droits sociaux développés dans le système conventionnel des droits de l’homme. En
outre, recourir à des procédés d’interprétation non littéraux constitue un indice du
caractère artificiel de la séparation, au sein de l’ordre européen des droits de l’homme,
entre droits civils et politiques et droits économiques et sociaux.
37 La Charte des droits fondamentaux et l’élaboration d’une Europe
sociale. C’est précisément ce caractère artificiel que dépasse la Charte des droits
fondamentaux de l’Union en reprenant une part de la jurisprudence de la Cour EDH.
Toutefois, la nature même des droits sociaux imposait aux rédacteurs de faire preuve de
prudence. En effet, les Etats membres n’ont pas entendu renoncer à leur souveraineté en
la matière, de sorte que les traités ne contiennent pas encore de disposition générale
conférant une compétence normative aux Communautés. Sauf dans les domaines
spécialisés ou techniques, dans lesquels ils ont entendu harmoniser leurs législations, les
Etats demeurent maîtres de leurs politiques sociales. Sont alors apparus dans la
Communauté deux risques liés à l’absence d’harmonisation : « l’harmonisation
négative » et le dumping social, fruits d’une dérégulation compétitive non encadrée. Par
110
CourEDH, 9 octobre 1979, Airey, A 32, p. 11. Dans cet arrêt transparaît le principe de l’indivisibilité
des droits de l’homme : « pour l’essentiel des droits civils et politiques, nombre d’entre eux ont des
prolongement d’ordre économique et social. »
111
CourEDH, 26 mars 1992, Editions Périscope, A 234-B, § 40. En matière de licenciements injustes, v.
CourEDH, 26 octobre 1993, Darnell, A 272 ; CourEDH, 17 mars 1997, Neigel c/ France, Rec. 1997-II ;
en matière d’octroi de prestations, v. notamment CourEDH, 29 mai 1986, Feldbrugge, A 99.
112
CourEDH, 16 septembre 1996, Gaygusuz c/ Autriche, Rec. 1996-IV, n°14. Dans cette affaire la Cour
combine l’article 14 CEDH et l’article 1 du Protocole additionnel. Mais de nouvelles avancées sont
38
harmonisation négative, il faut entendre la volonté des Etats de comparer leurs normes
nationales et d’aligner leurs législations sur le moins-disant social. Quant au dumping
social, il désigne une pratique gouvernementale visant à subventionner indirectement les
productions nationales, par le biais d’une diminution des prélèvements sociaux au
bénéfice des entreprises exportatrices. Ces deux écueils ne pouvaient être efficacement
évités que par une harmonisation positive113, dont les bases sont posées par la Charte
des droits fondamentaux de l’Union114.
38 Politique sociale. Compte tenu de la faible protection dont jouissent les
droits sociaux fondamentaux sur la scène européenne, il semble important, dans le droit
fil des jurisprudences des Cours de Luxembourg et de Strasbourg, de préserver
l’effectivité des droits consacrés, et ainsi de garantir la justiciabilité de tels droits115.
Toutefois, cette nécessaire protection par le juge de droit commun semble insuffisante à
remplir les objectifs sociaux inhérents au développement d’une Union sans cesse plus
étroite passant, selon la célèbre expression de Robert Schuman116, par la réalisation de
« solidarités de fait ». D’autres mesures doivent intervenir, au niveau du Conseil de
l’Europe ou au niveau de l’Union européenne. Selon le Professeur De Schutter,
« l’insertion de droits sociaux dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union
européenne ne constitue pas un substitut à une politique sociale européenne digne de ce
désormais possibles : la formulation de l’article 1er du Protocole 12 suscite qu’est interdite toute
discrimination dans la jouissance des droits reconnus par la loi, in extenso des droits sociaux nationaux.
113
O. De Schutter, La contribution de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne à la
garantie des droits sociaux dans l’ordre juridique communautaire, numéro spécial de la RUDH, 15
septembre 2000, pp. 33 - 47.
114
Regroupés dans le chapitre IV « Solidarité », combiné avec le Préambule.
115
Selon Olivier De Schutter, op. cit, p. 42 : « Il convient [...] de présumer la justiciabilité des principes
sociaux énumérés dans la Charte, même si cette justiciabilité n’est pas nécessairement à concevoir sur le
modèle de celle reconnue aux droits sociaux proprement dits, c’est-à-dire sur le mode de l’invocabilité
directe. »
116
R. Schuman, Discours au Salon de l’Horloge, 9 juin 1950.
39
nom. Une telle politique est nécessaire. Elle constitue le contre-poids obligé d’un
espace de libertés. »117. Gageons que les responsables politiques sauront donner vie et
corps à une Europe sociale soucieuse de promouvoir des droits sociaux dynamiques.
Ainsi que nous pouvons nous en apercevoir, les sources textuelles des droits
fondamentaux, telles qu’énumérées dans la contribution du Présidium sus-mentionnée,
et telles qu’elles ressortent d’une lecture comparée des textes européens de protection
des droits fondamentaux, sont d’une grande richesse. Le commentaire de la Charte
élaboré par le Présidium laisse également la part belle à certaines sources moins
explicites des droits fondamentaux, lesquelles peuvent être regroupées au sein d’un
« fonds commun » de normes partagées par les Etats membres.
SECTION II : FLUIDITE DU « FONDS NORMATIF
COMMUN »
39 Préexistence d’un « fonds normatif commun ». Les normes de droit
européen que recouvre l’expression « fonds normatif commun » constituent, bien
qu’elles soient imprécises et encore partiellement obscures, un ensemble de valeurs
partagées par les Etats membres de l’Union. Leur nature, leur nombre, leurs qualités
demeurent encore indéterminés. Leur portée même est débattue en doctrine, toutefois la
majorité des auteurs, s’inspirant de la jurisprudence des Cours européennes, s’accordent
à leur donner une autorité inférieure aux traités mais supérieure au droit dérivé ou au
droit interne118, de telle sorte que ces normes s’imposent à tous, y compris aux
117
O. De Schutter, op. cit., p. 47.
118
Si cela ne laisse pas de doute dans les ordres juridiques de tradition moniste, une nuance doit être
apportée pour les Etats de tradition dualiste. Les premiers incorporent directement le traité dans leur ordre
40
Institutions de la Communautés. Le « fonds normatif commun », bien que non
entièrement révélé, se décline en deux branches : d’une part la jurisprudence fondée sur
les droits fondamentaux matériellement reconnus dans les traités, et d’autre part les
traditions constitutionnelles communes aux Etats membres119 telles que révélées par les
principes généraux du droit120.
40 Plan. La Charte des droits fondamentaux comporte de multiples références,
explicites ou implicites, à des sources fluides et évolutives des droits fondamentaux
européens. Les premières sont évoquées de manière détaillées dans la contribution du
Présidium : il s’agit des diverses jurisprudences rendues par les Cours européennes en la
matière (§ 1). Les secondes se regroupent en un corps de normes aux potentialités
multiples, dont certaines seulement sont révélées : les principes généraux du droit et les
traditions constitutionnelles communes aux Etats membres (§ 2).
§1) La consécration de la
européenne comme source de droit
jurisprudence
41 Concurrence, complémentarité ou hiérarchie des Cours ? Dans la
construction prétorienne des droits fondamentaux européens, deux cours interviennent :
la Cour européenne des Droits de l’Homme et la Cour de Justice des Communautés
juridique, sans mesure de transposition. Les seconds exigent qu’un acte de réception, émanant des
autorités étatiques habilitées, transpose la norme en droit interne. Cependant, il ne s’agit là que d’une
règle d’opposabilité, et non d’une règle de validité, l’Etat dualiste demeurant lié au plan international.
119
C. Grewe et H. Ruiz Fabri proposent une étude comparée complète des droits constitutionnels des Etats
membres, v. Droits constitutionnels européens, PUF, coll. Droit fondamental, 1995, 661 p.
120
Nous employons ici une terminologie générique, particulièrement développée dans la jurisprudence de
la Cour de Luxembourg. D’autres lui sont synonymes : « principes fondamentaux », « principes
communs », etc. La Cour de Strasbourg, quant à elle, a également employé l’expression : « principes
reconnus par les nations civilisées ».
41
européennes. La première, juridiction de contrôle des engagements des Etats membres
du Conseil de l’Europe, est l’interprète authentique de la Convention européenne des
droits de l’Homme. La seconde, juge de l’ordre juridique communautaire, est l’unique
interprète des traités CE, CEEA, CECA et du traité sur l’Union européenne, dans la
limite de ses compétences d’attribution. Toutes deux sont autonomes l’une de l’autre ; il
n’existe aucun rapport hiérarchique entre les deux121. Or, si la Cour EDH a une vocation
certaine à préciser le sens et la portée des droits fondamentaux contenus dans la
Convention européenne des droits de l’Homme, la CJCE ne s’est pas cantonnée aux
autres dispositions de droit matériel communautaire ; elle fut amenée, au fil des affaires,
à se prononcer sur l’existence, la portée et l’étendue des droits fondamentaux garantis
dans l’Union, y compris ceux issus de la Convention du 4 novembre 1950. C’est
pourquoi une étude comparée des jurisprudences communautaires et conventionnelles
des droits de l’homme met en exergue un étrange paradoxe : les deux jurisprudences
sont certes complémentaires, mais également concurrentes122 et, malgré quelques
divergences persistantes123, convergentes124.
42 Plan.
Malgré
ces
quelques
divergences,
qui
relèvent
plus
de
l’incompréhension anecdotique que de l’incompatibilité intrinsèque des droits garantis,
les jurisprudences des cours européennes ont donné une assise aux droits fondamentaux
121
J.-F. Renucci, Droit européen des Droits de l’Homme, 2e éd. LGDJ, 1999, pp.485 et s., §§ 355 et s. ;
P. Tavernier, Quelle Europe pour les Droits de l’Homme ?, éd. Bruylant, 1996, coll. Organisation
internationale et Relations internationales, p. 93 et s.
122
L’interprétation de la CEDH par la Cour de Luxembourg emporte, exceptionnellement, des conflits
avec la Cour de Strasbourg. V. par exemple, sur le droit au respect du domicile et son éventuelle extension
aux locaux commerciaux et professionnels, les arrêts CJCE, 21 septembre 1989, aff. 46/87, Hoechst, Rec.
1989, p. 2859, et CourEDH, 30 mars 1989, Chapell, A 152 et 16 décembre 1992, Niemetz c/ Allemagne,
A-251-B.
123
V. en dernier lieu CourEDH, 18 février 1999, Matthews c/ Royaume-Uni, Rec. 1999-I, et CJCE Ord. 4
février 2000, aff. C-17/98, Emesa Sugar c/ Aruba, Rec. 2000, p. I-665.
124
V. par exemple CJCE, Bausthalgewebe, op. cit.
42
dans l’Union. La pénétration des droits de la personne dans l’ordre juridique
communautaire eut lieu soit directement, par le biais de la jurisprudence de la CJCE
(A), soit indirectement, par l’attrait d’Etats membres, pris individuellement, devant la
Cour EDH (B).
A) La jurisprudence de la CJCE
43 Le contrôle des actes communautaires. Excepté par le biais de
compétences d’attribution éparses et finalisées, les Communautés ne disposent pas, sur
le plan interne, de compétence pour légiférer en matière de Droits de l’Homme. Certes,
les articles 6 et 7 UE, évoqués précédemment, obligent l’Union européenne, les
Communautés et les Institutions qui les administrent à respecter les droits
fondamentaux. Mais une obligation de respect est, en elle-même, insuffisante à conférer
une compétence d’édiction normative125. Ainsi, selon le Pr. Benoît-Rohmer, la
protection des droits fondamentaux ne constitue pas en soi un objectif des
Communautés126. Sans doute est-ce l’une des raisons théoriques qui font obstacle à la
promulgation de la Charte comme corpus autonome de droits fondamentaux.
Néanmoins, l’observation de la pratique institutionnelle, comme de la pratique
125
CJCE, 17 février 1998, aff. C-249/96, Grandt, Rec. 1998. C’est l’une des raisons par lesquelles la
Cour de Justice a refusé, dans son avis 2/94 de 1996, l’adhésion de la Communauté européenne à la
Convention européenne des droits de l’homme. La Cour relève que la Communauté ne dispose que de
compétences d’attribution, et doit agir dans les limites des compétences qui lui sont assignées. (CJCE,
avis 2/94 du 28 mars 1996, Adhésion de la Communauté à la Convention de sauvegarde des droits de
l’homme et des libertés fondamentales, Rec. 1996, p. I-1759.). Pour une critique de cet arrêt, v. D. Simon,
Rev. Europe, mai 1996, chron. n° 6.
126
F. Benoît-Rohmer, La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, Dalloz n°19, 10 mai
2001, pp. 1483-1492. Les objectifs horizontaux des Communautés sont définis à l’article 3 CE. Aucun de
ses 21 alinéas ne mentionne expressément le développement des droits fondamentaux dans la
Communauté.
43
juridictionnelle, révèle que de telles difficultés peuvent être considérées comme des
scrupules, certes honorables sur le plan du droit institutionnel, mais en inadéquation
avec la production normative communautaire en matière de droits fondamentaux sur les
autres plans du droit communautaire.
En effet, dès l’aube des Communautés, la Cour de Justice fut confrontée à la
nécessité de contrôler l’action des Institutions et, dans le silence des traités, d’obtenir de
celles-ci le respect des droits fondamentaux que les constitutions nationales garantissent
à leurs ressortissants. La Cour affirme régulièrement que « le respect des droits
fondamentaux fait partie intégrante des principes généraux dont elle assure le
respect. »127. Le truchement des principes généraux du droit permet la défense
prétorienne des droits de l’homme, et la jurisprudence de la Cour de Justice comble
certaines brèches laissées ouvertes par les traités. Depuis l’arrêt Nold128, la Cour de
Justice des Communautés européennes, procédant par « retouches successives », a
introduit dans l’ordre juridique communautaire quelques uns des droits de la CEDH les
plus significatifs : le droit de propriété129, la liberté professionnelle130, la liberté
syndicale131, la liberté de religion132, la liberté de pensée et d’expression133, le droit à la
protection de la vie privée et familiale134, la liberté d’association135, le droit au juge136,
127
CJCE, 12 novembre 1969, Stauder, op. cit. ; CJCE, 17 décembre 1970, Internationale
Handellsgesellschaft, op. cit.,
128
CJCE, 14 mai 1974, aff. 4/73, Nold, Rec. 1974, p. 491.
129
CJCE, 13 décembre 1979, aff. 44/79, Hauer, Rec. 1979, p. 3727.
130
CJCE, 8 octobre 1986, aff. 234/85, Ministère public de Fribourg c/ Keller, Rec. 1986, p. 2897.
131
CJCE, 8 octobre 1974, aff. 175/73, Union syndicale Service public européen – Bruxelles e.a., Rec.
1974, p. 917.
132
CJCE, 27 octobre 1976, aff. 130/75, Prais, Rec. 1976, p. 1589.
133
CJCE, 18 juin 1991, aff. C-260/89, ERT c/ DEP, Rec. 1991, p. I-2925.
134
CJCE, CJCE, 26 juin 1980, aff. 136/79, National Panasonic, Rec. 1980, p. 2033 ; CJCE, 18 mai 1989,
aff. 249/86, Commission c/ République fédérale d’Allemagne, Rec. 1989, p. 1263 ; CJCE, 24 mars 1994,
44
le droit à un recours juridictionnel effectif137, le droit à un procès équitable138, le
principe de non-rétroactivité des dispositions pénales139. Comme l’observe H. Labayle,
« C’est quasiment l’ensemble du catalogue fourni par la CEDH qui va progressivement
investir le droit communautaire »140.
44 Le contrôle de l’exécution normative du droit communautaire. Le
contrôle de la Cour de Justice des Communautés se porte également sur les actes des
Etats membres lorsque ceux-ci mettent en oeuvre le droit communautaire. Bien que les
principes d’autonomie procédurale141 et de subsidiarité142 visent à garantir, au bénéfice
des Etats, une indépendance relative dans la mise en œuvre du droit communautaire,
l’encadrement opéré par la Cour de Justice en matière de droits fondamentaux va
croissant. Dans son célèbre arrêt Wachauf143, du 13 juillet 1989, le juge de Luxembourg
annonce le principe d’un contrôle, en établissant que les Etats membres sont tenus
d’appliquer le droit communautaire dans des conditions qui ne méconnaissent pas les
droits
fondamentaux
communautaires.
Cependant,
l’exercice
de
ces
droits
aff. C-2/92, The Queen c/ Ministry of Agriculture, Fisheries and Food, ex parte Denis Clifford Bostock,
Rec. 1994, p. I-955.
135
CJCE, 28 octobre 1975, aff. 36/75, Rutili c/ Ministère de l’Intérieur, Rec. 1975, p. 1219.
136
CJCE, 15 mai 1986, aff. 222/84, Johnston c/ Chief Constable of the RUC, Rec. 1986, p. 1651 ; CJCE,
15 octobre 1987, aff. 222/86, Heylens, Rec. 1987, p. 4097.
137
CJCE, 18 juin 1991, ERT, op. cit. ; CJCE, 5 octobre 1994, aff. C-23/93, TV 10, Rec. 1994, p. I-4795.
138
CJCE, 5 mars 1980, aff. 98/79, Pecastaing, Rec. 1980, p. 691.
139
CJCE, 10 juillet 1984, aff. 63/83, Kent Kirk, Rec. 1984, p. 2689.
140
H. Labayle, Droits fondamentaux et droit européen, AJDA 1998, n° spéc. p. 76.
141
V. notamment CJCE, 4 avril 1968, aff. 34/67, Lück, Rec. 1968, p. 369 : « le droit communautaire ne
limite […] pas le pouvoir des juridictions nationales compétentes d’appliquer, parmi les divers procédés
de l’ordre juridique interne, ceux qui sont appropriés pour sauvegarder les droits individuels conférés par
le droit communautaire ».
142
Tel que défini aux articles 2 UE et 5, paragraphe 2 CE et dans le Protocole n°7 au Traité d’Amsterdam.
143
CJCE, 13 juillet 1989, aff. 5/88, Wachauf, Rec. 1989, p. 2609.
45
fondamentaux communautaires trouve deux limites. La première réside dans l’arrêt
Kremzow144, au terme duquel le contrôle communautaire n’a plus lieu dès lors que l’Etat
agit en dehors du champ d’application du droit communautaire. la seconde est que les
Etats membres peuvent invoquer les dispositions de leur ordre public interne pour priver
les justiciables du bénéfice de certaines libertés qu’ils tirent des traités. La Cour
apprécie la réalité de l’argument, son opportunité et la proportionnalité de la mesure
restrictive de libertés adoptée par l’Etat membre145. Toutefois la Cour a très tôt posé en
principe, dans l’affaire Rutili146, que les mesures restrictives justifiées par une exception
d’ordre public ne peuvent échapper aux exigences des principes fondamentaux issus
notamment de la Convention européenne des droits de l’homme. Ainsi, là où le droit
communautaire était impuissant à restreindre les débordements de l’autonomie
procédurale étatique147, le juge de Luxembourg s’approprie la CEDH et y puise des
éléments de contrôle. En définitive, les Etats agissants dans le cadre du droit
communautaire sont soumis aux droits fondamentaux communautaires, dont la Cour de
Justice assure le respect, tandis que les Etats prenant des mesures hors du champ
d’application du droit communautaire sont soumis au moins aux dispositions de la
CEDH, dont la Cour EDH assure seule148 le respect. Reste à déterminer le sens et la
portée des obligations assumées au titre de cette convention.
144
CJCE, 29 mai 1997, aff. C-299/97, Kremzow, Rec. 1997, p. I-2629. V. également CJCE, 11 juillet
1985, aff. jtes 60/84 et 61/84, Soc. Cinéthèque et a. c/ Fédération nationale des cinémas français, Rec.
1985, p. 2605, cons. 26.
145
La jurisprudence est extrêmement dense ; v. par exemple, en matière pénale, les arrêts CJCE, 4
décembre 1974, aff. 41/74, Van Duyn c/ Home Office, Rec. p. 1337 ; 18 mai 1982, aff. jointes 115 et
116/81, Adoui et Cornuaille, Rec. p. 1665 et 19 janvier 1999, aff. C-348/96, Donatella Calfa, Rec. p. I11.
146
Les arrêts de principes sont : CJCE, 28 octobre 1975, aff. 36/75, Rutili, Rec. p. 1219 ; v. également
CJCE, 1er juin 1999, aff. C-319/97, Kortas, Rec. p. I-3143.
147
Ceci est patent dans l’arrêt CJCE, 29 mai 1997, Kremzow, op. cit., cons. 16 à 19 et dispositif.
148
Pour autant que l’Etat ait ratifié la CEDH. Au moment de la ratification française de 1974, tous les
Etats de la CEE sont Hautes Parties à la CEDH. V. CJCE, 11 juillet 1985, Cinéthèque, précité.
46
B) La jurisprudence des organes de Strasbourg
45 Une interprétation dynamique. L’originalité du système conventionnel des
droits de l’homme se reflète dans le dynamisme affirmé de son interprétation. La Cour
de Justice des Communautés n’hésite pas à user des méthodes d’interprétation
téléologique et systémique149 afin de déterminer le contenu et la portée des normes
communautaires en litige. Quant à la Cour de Strasbourg, l’on a soutenu que son mérite
propre serait d’employer régulièrement la méthode d’interprétation dynamique150,
s’appuyant sur une Convention européenne des droits de l’homme considérée comme un
« instrument vivant ». Selon le Pr. Sudre, cette méthode d’interprétation, abusivement
qualifiée d’évolutive151, est en réalité axée sur l’efficience : « Dès lors que le dynamisme
interprétatif du juge européen ne prend pas appui, du moins formellement, sur la
convergence des droits internes […] l’interprétation dynamique est tout entière tendue
vers l’effectivité des droits consacrés par la Convention – il s’agit de « protéger des
droits non pas théoriques ou illusoires mais concrets et effectifs » - et si le juge
européen prend quelques libertés avec le texte et le « sens ordinaire » des mots, c’est
pour la protection du « bien commun » que sont les droits et libertés individuels. »152.
Cependant, l’efficience n’est pas l’apanage de la méthode d’interprétation dynamique.
L’efficience est une donnée de droit positif ; la méthode d’interprétation se rattache au
droit procédural. Et si en filigrane, c’est la question d’un gouvernement des juges qui
transparaît, souligner la dichotomie entre une lecture littérale de la Convention et son
application concrète au terme de cinquante ans ne peut qu’aboutir à un tel constat.
149
150
V. infra, chapitre II, section II.
La méthode d’interprétation dynamique consiste, quant à elle, à accentuer au fil du temps les
obligations des Etats en matière de protection des droits fondamentaux.
151
F. Sudre, A propos du dynamisme interprétatif de la Cour européenne des droits de l’homme, JCP éd.
G, n°28, 11 juillet 2001, pp. 1365 - 1368. Nous n’entrerons pas dans cette querelle sémantique, et notre
propos tiendra pour synonymes les méthodes d’interprétation évolutive et dynamique.
152
F. Sudre, op. cit., p. 1368.
47
Aucune juridiction, si littérale ou conservatrice soit sa lecture des textes applicables,
n’échappe à sa propre cinétique. Celle de la Cour de Strasbourg n’est pas
ontologiquement différente de celle de la Cour de Luxembourg, et le dynamisme
interprétatif de la première est repris dans la jurisprudence de la seconde153.
46 La Charte et la jurisprudence de la Cour EDH. Quel que soit le degré de
dynamisme de la jurisprudence des Cours, la Charte des droits fondamentaux reprend à
son compte les évolutions prétoriennes des juges de Luxembourg et de Strasbourg. Si le
mandat de Cologne ne laisse aucun doute s’agissant de la jurisprudence communautaire,
une interrogation demeure sur la référence à la Convention européenne présente dans la
Charte. Une simple allusion à la jurisprudence conventionnelle des droits de l’homme
fut préférée à une reprise claire et directe, au sein de l’article 52, paragraphe 3 de la
Charte154. En effet ce dernier énonce : « Dans la mesure où la présente Charte contient
des droits correspondant à des droits garantis par la Convention européenne de
sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, leur sens et leur portée
sont les mêmes que celles que leur confère ladite convention […] ». Cet extrait présente
ce que nous pourrions appeler une « obscure clarté », tant il est difficile d’en évaluer la
portée. La référence aux « droits garantis par la Convention européenne de sauvegarde
des droits de l’homme et des libertés fondamentales » peut s’entendre comme un renvoi,
soit au texte nu, vidé de l’apport de la Cour EDH, soit à la jurisprudence de la Cour de
Strasbourg, interprète authentique, intégrée au texte de la Convention, soit à la CEDH
telle qu’interprétée par la CJCE, soit aux renvois de la CJCE à la jurisprudence de la
Cour EDH. La seconde option demeure la plus probable, comme le laisse entrevoir la
153
V. J. Andriantsimbazovina, La Convention européenne des droits de l’Homme et la Cour de Justice
des Communautés européennes : de l’emprunt à l’appropriation ?, Rev. Europe n°9, octobre 1998, pp. 37.
154
Op. cit.
48
contribution du Présidium155. Mais un doute survient en cas de jurisprudence
contradictoire entre les Comités ou Chambres de Strasbourg, et les instances de
Luxembourg. En dépit de l’absence antérieure de normes d’articulation entre les normes
communautaires et conventionnelles des droits de l’homme, pour la première fois est
affirmée une référence globale au sens et à la portée de la Convention européenne des
droits de l’homme, et non un renvoi prétorien à un principe de la CEDH ou une simple
reprise d’un attendu pertinent dans un arrêt de la Cour de Justice de Luxembourg. Il
appartiendra à la CJCE de trancher le conflit « horizontal » latent dans cette clause156.
En définitive, la reprise des normes conventionnelles des droits de l’homme dans
la Charte des droits fondamentaux pose des problèmes autrement plus complexes que la
simple régulation de rapports horizontaux entre ordres juridiques. L’emploi d’autres
normes (les principes généraux du droit et les traditions constitutionnelles communes)
apporte des pistes de solution… mais pose également de nouveaux problèmes.
155
En effet, le commentaire de l’article 52, paragraphe 3 du projet de Charte par le Présidium
énonce : « Le paragraphe 3 vise à assurer la cohérence nécessaire entre la Charte et la CEDH en posant
en principe que, dans la mesure où les droits de la présente Charte correspondent également à des droits
garantis par la CEDH, leur sens et leur portée, y compris les limitations admises, sont les mêmes que
ceux que prévoit la CEDH. […] La référence à la CEDH vise à la fois la Convention et ses protocoles. Le
sens et la portée des droits garantis sont déterminés non seulement par le texte de ses instruments, mais
aussi par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme ». Si la Charte intègre la
jurisprudence de la Cour de Strasbourg, pourquoi celle-ci n’est-elle mentionnée dans aucun article de la
Charte ?
156
V. J.-P. Jacqué, La démarche initiée par le Conseil européen de Cologne, in numéro spécial de la
RUDH, 15 septembre 2000, pp 3-7.
49
§2)
Les
principes
généraux
du
droit
communautaire et les traditions constitutionnelles
communes aux Etats membres.
47 Constitutionnalisation des droits fondamentaux. C’est à l’occasion du
sommet de Maastricht que le Conseil européen a « constitutionnalisé » dans les Traités,
d’une formule lapidaire, la technique retenue par la CJCE pour révéler, développer et
garantir les droits des personnes. L’article 6, paragraphe 2 du TUE157 décrit le
processus : les principes généraux du droit sont employés, à la fois pour extraire les
droits fondamentaux communs des constitutions des Etats membres, et pour révéler les
principes de la CEDH qui s’imposent dans l’ordre juridique communautaire.
Ambivalents, les principes généraux du droit ont une fonction essentiellement
révélatrice de droits et principes provenant d’autres sources. Ils ne constituent donc pas
une source autonome de droits fondamentaux158.
S’agissant
des
traditions
constitutionnelles, apparues avant toute référence à la CEDH159, Franck Moderne
remarque que « la technique de constitutionnalisation des droits fondamentaux, qui a
permis de les inscrire dans la norme première et de les faire bénéficier de la protection
renforcée que reçoit la Constitution dans les démocraties libérales contemporaines –
avec en particulier la mise en place d’une justice constitutionnelle spécialisée confiée,
selon le modèle kelsénien (devenu modèle européen), à un Tribunal constitutionnel
unique, distinct et indépendant du pouvoir judiciaire – n’a rien d’insolite ni
d’exceptionnel. […] On ne s’étonnera donc pas de la référence, dans la jurisprudence
157
Cité infra, note 277, p. 88.
158
V. par exemple CJCE, 22 mars 1961, aff. 42 et 49/59, SNUPAT, Rec. 1961, p. 156, qui s’appuie sur un
« principe élémentaire de droit ». V. également D. Simon, Y a-t-il des principes généraux du droit
communautaire ?, Droits n°14, 1991, pp. 73-86.
159
CJCE, 17 décembre 1970, aff. 11/70, Internationale Handelsgesellschaft, Rec. 1970, p. 1125, op. cit.
p. 8.
50
de la Cour de Justice des Communautés européennes, aux « traditions constitutionnelles
communes » des Etats membres. Ce n’est là qu’un hommage rendu à l’histoire des
démocraties constitutionnelles, indissolublement liée à celle des droits de la personne
humaine. »160. Finalement, les principes généraux du droit garantissent les droits de la
personne par un emprunt d’une « constitution supranationale »161 à d’autres
constitutions, nationales.
48 Révélation et utilité. Deux familles de normes aussi « fluides » que les
principes généraux du droit communautaire ou les traditions constitutionnelles
communes aux Etats membres constituent une solution pour palier, au sein de l’ordre
juridique communautaire, l’inefficience – voire l’absence même – des normes
d’articulation entre droits fondamentaux communautaires et droits fondamentaux
conventionnels des droits de l’homme. Une lecture d’ensemble de l’utilisation des
principes généraux du droit par la CJCE met l’accent sur le passage d’une appropriation
substantielle des normes de la CEDH à une application directe de cette convention dans
l’ordre juridique communautaire162. De même, les traditions constitutionnelles
communes aux Etats membres ont permis un mouvement similaire d’appropriation de
droits constitutionnellement protégés dans l’ordre juridique des Etats membres, pour
hisser certains droits fondamentaux nationaux au sommet de la hiérarchie des normes
communautaires. Plutôt que d’intégrer les seules normes communes aux droits
constitutionnels nationaux, elle initia un alignement des standards de protection sur la
160
F. Moderne, La notion de droit fondamental dans les traditions constitutionnelles des Etats membres
de l’Union européenne, in F. Sudre et H. Labayle, Réalité et perspectives du droit communautaire des
droits fondamentaux, éd. Bruylant, Bruxelles, 2000, pp. 60 – 61.
161
V. la thèse de J. Gerkräth, L’émergence d’un droit constitutionnel européen. Modes de formation des
sources d’inspiration de la Constitution des Communautés et de l’Union, Université Robert Schuman,
Strasbourg RG, 16 novembre 1996, 442 p., spéc. p. 416 et s.
162
J. Andriantsimbazovina, op. cit., pp. 4 et 5. V. infra les paragraphes 146, 162 et 172.
51
garantie la plus élevée. Ces normes étant par nature « désincarnées », il appartient au
juge communautaire d’en révéler le contenu, le sens et la portée.
49 Plan. Au final, ces traditions constitutionnelles communes ont inspiré la
rédaction de la Charte, sinon dans l’esprit de tous les droits, au moins dans certains
d’entre eux tels que le droit à l’objection de conscience163, le droit à l’éducation164 ou le
principe d’égalité des personnes en droit165. Etudiant conjointement les principes
généraux du droit communautaire et les traditions constitutionnelles communes aux
Etats membres, telles que révélés par le juge et telles que reprises dans la Charte des
droits fondamentaux, nous pouvons, dans un premier temps, prendre la mesure de leur
dynamisme (A), puis nous verrons quels changements apporte la Charte des droits
fondamentaux dans la hiérarchie des normes communautaires (B).
A) Deux sources dynamiques pour les droits fondamentaux
communautaires
50 Des normes insaisissables mais nécessaires. La jurisprudence du juge de
Luxembourg est jalonnée de l’emploi de ces deux sources non-écrites. Indissolublement
liées les unes aux autres, les principes généraux du droit révèlent les traditions
constitutionnelles communes, mais ne s’y résument pas. Leur imprécision et leur
caractère non-exhaustif constituent à la fois leur faiblesse, en terme d’accessibilité et de
clarté, et leur atout, en terme de potentialités et de mutabilité. S’agissant des principes
généraux du droit communautaire166, c’est-à-dire des principes communs à l’ensemble
163
Art. 10, paragraphe 2 de la Charte.
164
Art. 14 de la Charte.
165
Art. 20 de la Charte.
166
Pourvu que nous acceptions de postuler leur existence. V., à nouveau, D. Simon, Y a-t-il des principes
généraux du droit communautaires ?, op. cit.
52
des systèmes juridiques, nationaux ou internationaux, ceux-ci présentent surtout des
difficultés d’identification167. S’agissant des principes généraux du droit international
public, un précédent donne à penser qu’ils s’appliquent en droit communautaire168,
toutefois les diverses œuvres de codification entreprises, par exemple par la
Commission du Droit international des Nations-Unies ou par l’Institut du Droit
international de Florence, amenuisent cette réserve de principes offerte au juge.
S’agissant des traditions constitutionnelles communes, malgré les divergences de
formulation169, il s’agit toujours pour la Cour de procéder, à base de droit comparé, à
l’identification d’un patrimoine commun de droits fondamentaux. La Cour pourra même
ériger une originalité constitutionnelle nationale en tradition constitutionnelle commune,
pourvu que les autres Etats membres ne génèrent pas de dispositions de même nature
qui lui soient contraires.
51 Autorité des sources non-écrites. Les principes généraux du droit
communautaire, qu’ils soient spécifiques au système communautaire ou inspirés des
traditions constitutionnelles communes, ont servi non seulement à vivifier le contenu
matériel des droits fondamentaux, mais également à organiser, comme normes
d’articulation, les rapports entre les ordres juridiques internationaux et nationaux. La
casuistique de la Cour, source exclusive de révélation des normes non-écrites, témoigne
de cette double fonction. En matière de révélations de principes généraux
fondamentaux, l’arrêt Nold170, du 14 mai 1973, pose trois règles essentielles :
167
Selon le tableau dressé par G. Isaac in Droit communautaire général, op. cit., pp. 160-161.
168
CJCE, Racke, op. cit.
169
Ainsi la Cour s’inspire-t-elle des « règles reconnues par les législations, la doctrine et la jurisprudence
des pays membres » (CJCE, 12 juillet 1957, aff. 7/56 et 7/57, Algéra, Rec. 1957, p. 81.), ou des
« principes communs aux systèmes juridiques des Etats membres » (CJCE, 25 février 1969, aff. 23/68,
Klomp, Rec. p. 43.)
170
CJCE, 14 mai 1974, Nold, op. cit.
53
l’application au niveau communautaire de la norme nationale la plus élevée171,
l’intégration dans l’ordre juridique communautaire de dispositions de la CEDH172, et la
relativité des droits fondamentaux173. Ces trois règles confèrent aux principes généraux
du droit, portant reconnaissance d’un droit fondamental, une autorité croissante, bien
supérieure à celle dont bénéficient, par exemple, les principes à caractère technique.
Cependant, l’adoption de la Charte remet en cause cette position hiérarchique dans la
pyramide des normes communautaires.
B) La réorganisation des normes de droit
52 La Charte et les principes généraux du droit communautaire. L’un des
dangers de la Charte réside dans ce que les principes généraux du droit communautaire
risquent une disparition par codification. En effet, l’opération de retranscription
nécessite une part de recentrage de l’esprit, c’est-à-dire une modification des concepts et
des méthodes de raisonnement. Si les Hébreux l’ont déjà compris (ne dit-on pas du
Talmud qu’il est « un renouvellement de la lettre par l’intelligence » ?), les Européens
ne doivent pas perdre de vue que toute cristallisation des principes généraux du droit
communautaire, dans le corps d’un texte, ne constitue pas un simple changement
171
La Cour, « tenue de s’inspirer des traditions constitutionnelles communes aux droits des Etats
membres […] ne saurait admettre des mesures incompatibles avec les droits fondamentaux reconnus et
garantis par les constitutions de ces Etats » (ibid. cons. 13). Feu le Recteur Issac y lit l’expression du
principe du standard maximum (in Droit communautaire général, op. cit.).
172
« Les instruments internationaux concernant la protection des droits de l’Homme auxquels les Etats
membres ont coopéré ou adhéré peuvent également fournir des indications dont il convient de tenir
compte dans le cadre du droit communautaire » (ibid, cons. 13 in fine).
173
Les droits de l’Homme ne sauraient être appréhendés comme « des prérogatives absolues : ils doivent
être considérés, comme dans le droit constitutionnel de tous les Etats membres, en vue de la fonction
sociale des biens et activités protégées. » Il est dès lors opportun de « réserver à l’égard de ces droits
l’application de certaines limites justifiées par les objectifs d’intérêt général poursuivis par la
Communauté, dès lors qu’il n’est pas porté atteinte à la substance de ces droits » (ibid, cons. 14).
54
d’échelle, mais bien une altération de la nature juridique de la norme retranscrite. Les
conséquences se mesurent au niveau du contentieux. L’adoption de la Charte ne risquet-elle pas de rendre inutiles pour la Cour les principes généraux du droit ? En définitive,
la Charte des droits fondamentaux pose aussi le problème de la pérennité des définitions
classiquement retenues en doctrine pour les principes généraux du droit communautaire.
53 La Charte et les traditions constitutionnelles communes des Etats. Notre
objectif n’est pas ici d’aborder un thème déjà traité, celui des difficiles rapports entre le
droit international et le droit constitutionnel national. En l’absence d’une prise en
considération des droits fondamentaux garantis par les constitutions nationales, le juge
de droit commun pouvait être conduit à examiner la conformité d’actes communautaires
avec les droits fondamentaux constitutionnellement protégés, ce qui aboutissait à
remettre en cause tant l’unité d’interprétation que l’uniformité d’application du droit
communautaire174. Toute la jurisprudence relative aux affaires So lange175 illustre
combien sont délicats les rapports entre les ordres juridiques nationaux et
communautaires. De même, un autre écueil menace le lecteur : celui de confondre le
contenu matériel de la Charte, « symbole des valeurs communes qui fondent l’Union »,
avec les traditions constitutionnelles communes176. Par définition, la notion de
« traditions constitutionnelles communes des Etats membres » est une notion autonome,
174
F. Picod, Les sources, in CEDECE, Réalité et perspectives du droit communautaire des droits
fondamentaux, Faculté de Droit de Montpellier, 4 et 5 novembre 1999, éd. Bruylant, Bruxelles, coll. Droit
et Justice, 2000, spéc. p.145 et s.
175
Cour Constitutionnelle de Karlsruhe, (29 mai 1974) « Solange I », BverfGE 37, 271 ; (22 octobre
1986), « So lange II », BverfGE 73, 339 ; (7 juin 2000), « Solange III », EuGRZ, 2000, p. 328 et s., v.
chron. W. Zimmer, De nouvelles bases pour la coopération entre la Cour constitutionnelle fédérale et la
Cour de Luxembourg ?, Europe n°3, mars 2001, pp. 3-6.
176
Cette confusion est d’autant plus regrettables que nous pouvons, avec F. Moderne, relever un
parallélisme des approches nationales dans l’identification des droits fondamentaux, mais surtout des
divergences quant à la densité constitutionnelles des droits fondamentaux (F. Moderne, La notion de droit
fondamental dans les traditions constitutionnelles des Etats membres de l’Union européenne, op. cit.).
55
propre au droit communautaire. Enfin, les nombreuses clauses de renvoi à la loi
nationale, sur lesquelles nous reviendrons177, peuvent conduire à une inversion dans les
influences respectives des traditions constitutionnelles communes aux Etats membres et
de la CEDH. Alors que l’article 6, paragraphe 2 UE plaçait logiquement la Convention
de Rome en première place des droits fondamentaux, la Charte revalorise le rôle de la
loi nationale, sans renvoi explicite au contrôle du droit matériel par le système
conventionnel des droits de l’homme.
54 Conclusion du chapitre. Les sources de légalité qui ont dirigé la rédaction
de la Charte, variées dans leur forme comme dans leur autorité, ont été diversement
appréciées par la Convention, parfois en-deçà de leur véritable valeur, mais toujours
avec la volonté de prendre en considération les rapports qui les lient. Les traités
communautaires et la CEDH ont servi de matière première, enrichie par les
jurisprudences des Cours européennes. La CSE et les autres déclarations politiques ont
fixé des objectifs et orientent l’élan des droits des personnes. Enfin, les principes
généraux du droit, notamment les traditions constitutionnelles communes, ont servi de
catalyseurs. Ce foisonnement justifie la prudence avec laquelle il nous faut lire la
contribution rendue par le Présidium, laquelle n’est que le reflet des aspirations propres
aux auteurs de la Charte. Loin de jeter une lumière éclairante sur les conséquences de
l’adoption de la Charte, ce commentaire ne fait que souligner les difficultés inhérentes
tant au déroulement de l’exercice qu’à son aboutissement. Certes, consacrer les droits
issus des traditions constitutionnelles communes donne à celle-ci une plus grande
visibilité et permet au lecteur de la Charte d’en cerner le contenu. Mais ne prive-t-on pas
ainsi la CJCE d’un précieux outil d’assouplissement de sa jurisprudence ? Le corps des
traditions constitutionnelles ne risque-t-il pas de subir quelques modifications suite aux
multiples adhésions que les Conseil européens annoncent pour 2008 ? Comment
garantir pour l’avenir la visibilité des droits y consignés ?
177
V. infra, titre II, chapitre II, section I, paragraphe 1.
56
SECOND CHAPITRE : LA LISIBILITE DES DROITS
CONSOLIDES
55 Le principe de transparence. La Charte des Droits fondamentaux étant
censée rendre visibles les droits fondamentaux de l’Union pour les citoyennes et les
citoyens, sa rédaction ne pouvait s’accomplir sans un minimum de clarté. Précisément,
au nombre des principes généraux du droit garantis dans les Communautés se trouve le
principe de transparence, qui recouvre et dépasse l’exigence de clarté. Plus précisément,
le principe de transparence s’inscrit parmi les principes généraux du droit administratif
et du due process, au même titre que le principe de confiance légitime178, la nonrétroactivité des sanctions et l’obligation de ne pas retirer ou abroger des actes qui ont
conféré des droits ou des avantages, ou encore le principe des droits de la défense, qui
s’applique aussi bien dans les procédures administratives, qu’au contentieux devant le
juge de Luxembourg. Selon ce principe, la décision doit être prise au plus limpide et au
plus proche possible du citoyen179. En conséquence, tout citoyen européen et toute
personne morale établie dans un Etat membre a droit d’accès aux documents du
Parlement européen, du Conseil de l’Union européenne et à ceux de la Commission
européenne180. Comme le fait remarquer l’avocat général Léger : « La connaissance par
178
V. J. Schwarze, Droit administratif européen, éd. Bruylant, OPOCE, 1994, 2 volumes, 1631 p.
179
Ainsi, dans cette acception, le principe de transparence se rapproche du principe de subsidiarité (article
5 CE), selon lequel la décision communautaire doit être prise à l’échelon le plus efficace le plus bas. Les
Communautés n’interviendront donc que si et dans la mesure où elles disposent de moyens d’action plus
efficace que les Etats membres, que si et dans la mesure où leur action est mieux adaptée que celle des
Etats.
180
Art. 255, paragraphe 1 CE. Notons que le Conseil est la seule Institution pour laquelle il soit fait
mention de sa capacité à contrebalancer le droit d’accès des particuliers aux documents administratifs par
l’exigence d’efficacité des procédures institutionnelles (art. 207, paragraphe 3 CE). Par comparaison avec
57
les citoyens des activités de l'administration est une garantie de son bon
fonctionnement. Le contrôle de ceux qui confèrent leur légitimité aux pouvoirs publics
incite ces derniers à l'efficacité dans le respect de leur volonté initiale et peut ainsi
susciter leur confiance, ce qui est un gage de paix publique autant que de bon
fonctionnement du système démocratique. Au niveau le plus élevé de ce système,
l'information des citoyens est aussi le plus sûr moyen de les associer à la gestion des
affaires publiques »181.
56 Transparence et Traité CE. L’accès aux documents administratifs est
organisé par les articles 207, paragraphe 3, alinéa 2, et 255 CE, ainsi que par une
Déclaration annexée au traité d’Amsterdam182. L’article 207 CE a trait à l’organisation
du Comité des représentants permanents (COREPER)183, en charge d’assister le Conseil
lors de la préparation de travaux ou de l’exécution de mandats confiés par celui-ci, et à
la collaboration avec le Secrétariat général184, placé sous la responsabilité d’un
Secrétaire général, Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité
commune. Au terme du paragraphe 3 de cet article, le Conseil adopte son règlement
intérieur. L’alinéa second du paragraphe 3 intéresse plus spécifiquement les conditions
d’accès aux documents : « Pour l’application de l’article 255, paragraphe 3, le Conseil
élabore, dans ce règlement, les conditions dans lesquelles le public a accès aux
documents du Conseil. Aux fins du présent paragraphe, le Conseil détermine les cas
les dispositions régissant les autres institutions, les traités légitiment donc un certain niveau d’opacité au
bénéfice du Conseil.
181
L’avocat général Léger reprend ici les conclusions de son confrère Tesauro sous CJCE, 30 avril 1996,
aff. C-58/94, Pays-Bas c/ Conseil, Rec. 1996, p. I-2169.
182
Déclaration n°35 relative à l’article 119 A [art. 255 CE], paragraphe 1, du traité instituant la
Communauté européenne, in Les traités de Rome, Maastricht et Amsterdam – textes comparés, éd. La
documentation française, p. 276.
183
Art. 207, paragraphe 1 CE.
184
Art. 207, paragraphe 2 CE.
58
dans lesquels il doit être considéré comme agissant en sa qualité de législateur afin de
permettre un meilleur accès aux documents dans ces cas, tout en préservant l’efficacité
de son processus de prise de décision. En tout état de cause, lorsque le Conseil agit en
sa qualité de législateur, les résultats et les explications des votes, ainsi que les
déclarations inscrites au procès-verbal, sont rendus publics. »185 Ainsi, le Conseil est-il
tenu de préserver l’équilibre entre l’efficacité des procédures décisionnelles186, qui
impliquent une part de confidentialité, et le libre accès du public aux éléments fondant
la décision. Toutefois, l’accès de tout un chacun187 aux documents est également
circonscrit par la possibilité offerte à un Etat de demander à la Commission, ou au
Conseil, de ne pas communiquer à des tiers un document émanant de cet Etat sans
l’accord préalable de celui-ci188. En somme, les Etats ne souhaitent pas aller aussi loin
dans les règles de transparence que celles qu’ils imposent aux Institutions, ni même à la
Convention en charge de rédiger la Charte.
185
Notons que le Conseil est la seule Institution qui, ait, dans les traités, capacité à contrebalancer le droit
d’accès des particuliers aux documents administratifs par l’exigence d’efficacité des procédures
institutionnelles. Par comparaison avec les dispositions régissant les autres Institutions, les traités
légitiment donc un certain niveau d’opacité au bénéfice du Conseil. V. F. Lafay, L’accès aux documents
de l’Union : contribution à la définition d’une problématique de la transparence en droit
communautaire, RTD. Eur. n°1, janvier-mars 1997, p. 44 et s.
186
Obligation liée au principe de bonne administration, mais qui ne se confond pas avec celui-ci. En effet,
l’efficacité des procédures décisionnelles impose de faire un bilan coûts-avantages afin de déterminer
l’adéquation entre les résultats obtenus et les procédures suivies, tandis que le principe de bonne
administration (« good governance ») est plus général, et implique des considérations plus sociologiques,
et par conséquent non-quantifiables, telles que la diligence.
187
Notons que la qualité de citoyen de l’Union n’est pas requise dans les traités pour l’accès aux
documents administratifs. Il semble donc que l’accès aux informations relatives aux processus d’adoption
des actes communautaires soit un des rares droits universels du traité.
188
Déclaration relative à l’article 119 A [art. 255 CE], paragraphe 1, du traité instituant la Communauté
européenne, op. cit.
59
57 Transparence et juridiction communautaire. Outre ces considérations plus
politiques que juridiques, le système communautaire souffre du fait que le juge de
Luxembourg s’estime infondé à « adresser une injonction aux institutions ou se
substituer à ces dernières dans le cadre du contrôle de légalité qu'il exerce. Cette
limitation du contrôle de légalité s'applique dans tous les domaines contentieux que le
Tribunal est susceptible de connaître, y compris celui de l'accès aux documents »189.
Dans un arrêt Hautala190 faisant actuellement l’objet d’un pourvoi, le TPI a affirmé une
obligation de diffusion des plus larges, avec cependant une exception : « les institutions
refusent l'accès à tout document dont la divulgation pourrait porter atteinte à [...] la
protection de l'intérêt public »191. Cependant, l’intérêt de la jurisprudence Hautala est
d’imposer aux Institutions, en dépit de cette exception, le respect du principe de
proportionnalité, et, dans le souci d’une bonne administration, d’opérer un arbitrage
entre l’accès du public aux documents et la masse de travail que représenterait, pour
l’administration concernée, la mise à disposition de ces documents192. En définitive, les
Institutions se voient réserver une marge d’appréciation discrétionnaire, sans doute
nécessaire, mais préjudiciable à la sécurité juridique.
189
TPI, Ord., 27 octobre 1999, aff. T-106/99, Meyer, Rec. 1999, p.II-3273, point 21 ; v. également TPI,
15 septembre 1998, aff. T-374/94, T-375/94, T-384/94 et T-388/94, European Night Services e.a. c/
Commission, Rec. 1998, p. II-3141, point 53 ; TPI, 19 juillet 1999, aff. T-14/98, Hautala c/ Conseil, Rec.
p. II-2489 ; TPI, 12 juillet 2001, aff. T-204/99, Olli Mattila c/ Conseil et Commision, Non publié au
Recueil.
190
TPI, 19 juillet 1999, Hautala c/ Conseil, ibid.
191
Plus particulièrement dans le domaine de l’ordre public des relations internationales (comme il ressort
de l’espèce Hautala).
192
Confirmé récemment par l’attendu 68 de l’arrêt TPI, 12 juillet 2001, Olli Mattila c/ Conseil et
Commision, op. cit. : « Il résulte de l'arrêt Hautala contre Conseil, précité, que le principe de
proportionnalité permet au Conseil et à la Commission, dans des cas particuliers où le volume du
document ou celui des passages à censurer entraînerait pour eux une tâche administrative inappropriée,
de mettre en balance, d'une part, l'intérêt de l'accès du public aux parties fragmentaires et, d'autre part,
60
D’aucuns parmi les initiateurs de la Charte s’accordent à la créditer de la grande
transparence de ses travaux193, phénomène unique dans l’histoire de l’élaboration des
textes de ce type. Et, malgré les fluctuations et précisions croissantes de la jurisprudence
de la Cour de Justice et du Tribunal de Première Instance, la Charte vient consacrer un
droit général d’accès aux documents administratifs, formulé en ces termes : « Tout
citoyen ou toute citoyenne de l’Union ou toute personne physique ou morale résidant ou
ayant son siège statutaire dans un Etat membre194 a un droit d’accès aux documents du
Parlement européen, du Conseil et de la Commission »195.
58 Transparence et dynamique des droits fondamentaux. Finalement les
rédacteurs de la Charte se sont retrouvés confrontés au défi de rédiger un texte soumis à
deux impératifs contradictoires. Le premier consistait à rédiger, dans la plus grande
transparence, une Charte qui consigne les droits de l’homme en vigueur dans l’Union,
c’est-à-dire à se conformer au droit positif des droits fondamentaux reconnus dans
l’ordre juridique communautaire. Le second impératif imposait de respecter la
dynamique propre des droits de l’homme, lesquels sont tributaires du contexte socio-
la charge de travail qui en découlerait (point 86). Le Conseil et la Commission pourraient ainsi, dans ces
cas particuliers, sauvegarder l'intérêt d'une bonne administration ».
193
V. cependant Infra Section I, paragraphe 1er, A).
194
Les seules personnes exclues du champ d’application de cet article sont donc les personnes, physiques
ou morales, qui sont dépourvues de tout lien de rattachement avec une situation intra-communautaire ; la
politique en matière d’asile, de visas et d’immigration des ressortissants d’Etats tiers (Titre IV, articles 61
à 69 CE) ne connaît que des balbutiements d’harmonisation, et demeure encore en grande partie
dépendante des politiques nationales des Etats membres (articles 63 al. 2, 64, 68 al 2 CE).
195
Article 42 de la Charte. Cet article reprend mot pour mot l’article 255, paragraphe 1er du traité CE,
amputé des aménagements prévus aux paragraphes 2 et 3. Or, ces dérogations sont réintroduites par le jeu
de la clause de limitation générale de l’article 52, paragraphe 2 CE. L’identité des termes employés dans
ces deux dispositions ne laisse aucun doute : le droit d’accès aux documents constitue bien un droit « qui
trouve son fondement dans les traités communautaires », il s’exercera donc « dans les conditions et
limites définies dans ceux-ci ».
61
économique et doivent être constamment adaptés aux nécessités de leur temps. A la
lecture du texte adopté, nous pouvons affirmer que le défi ainsi relevé est en grande
partie remporté, même s’il pose des problèmes juridiques inédits, et que la Charte
réussit le tour de force de « concilier l’inconciliable », traduit dans les deux impératifs
sus-évoqués.
59 Principe ou droit fondamental ? Mieux encore, le principe de transparence,
ainsi que son corollaire le droit de toute personne, relevant de la juridiction des Etats
membres de l’Union européenne, d’accéder aux documents administratifs des
Institutions participant au processus législatif, sont érigés en droits fondamentaux de
l’Union européenne. Or, une étude de la jurisprudence récente du Tribunal de première
instance tend à montrer les hésitations du juge communautaire à considérer le droit
d’accès aux documents comme droit fondamental de l’Union européenne196. De même,
la doctrine s’est révélée tout aussi hésitante197. Désormais, l’article 42 de la Charte lève
toute ambiguïté : le droit d’accès aux documents administratifs compte indiscutablement
au nombre des droits fondamentaux de l’ordre juridique communautaire.
196
TPI, 15 septembre 1998, European Night Services e.a. c/ Commission, op. cit. ; TPI, 19 juillet 1999,
Hautala c/ Conseil, op. cit. ; TPI, Ord., 27 octobre 1999, Meyer, op. cit. ; TPI, 12 juillet 2001, Olli
Mattila c/ Conseil et Commision, op. Cit.. La question était posée au Tribunal de la violation d’un
« principe fondamental d’accès aux documents administratifs », dans l’affaire T-188/98, du 6 avril 2000,
Aldo Kuijer c/ Conseil (Rec. 2000, p. II-1959 ), or celui-ci refusa de se prononcer. A l’inverse, le TPI a
déjà considéré ce droit comme « principe général » (TPI, 19 mars 1998, aff. T-83/96, Van der Wal c/
Commission, Rec. 1998, p. II-545, point 48), cependant la Cour, saisie d’un pourvoi, a observé un prudent
silence (CJCE, 11 janvier 2000, aff. jtes C-174 et C-189/98 P, Pays-Bas et Van der Wal c/ Commission,
Rec. 2000, p. I-47.), de sorte que toute conclusion définitive sur la nature de droit ou de principe de
l’accès aux documents administratifs doit être considéré comme hâtive.
197
Le professeur Constantinesco, en considérant l’insciption de droits opposables à l’administration
communautaire comme droits de l’administré communautaire, suggère ainsi que l’accès du public aux
documents est un droit fondamental (V. Constantinesco, Le renforcement des droits fondamentaux dans le
traité d’Amsterdam, op. cit, ronéotypé.).
62
60 Plan. Selon la lecture que nous en adoptons, la Charte se présente soit
comme un texte d’enregistrement des droits fondamentaux garantis dans l’Union, c’està-dire un texte stabilisateur de ces droits (Section I), soit comme un texte s’insérant dans
le processus d’intégration communautaire, accentuant, par le biais de droits
fondamentaux évolutifs, les liens tissés depuis cinquante ans entre les Etats membres
(Section II). Toutefois, cette lecture antagoniste peut être dépassée ; nous tâcherons dans
ce chapitre de circonscrire l’apparente incompatibilité entre les deux degrés de lecture,
pour souligner la complémentarité existante entre eux.
Section I :
La Charte, outil de stabilisation
61 Stabilisation et sécurité juridique. La défense des droits fondamentaux de
l’Union ne pouvait se faire sans un minimum de certitudes. Plus que dans les autres
domaines du droit matériel, le principe de sécurité juridique s’impose198. L’Enceinte
puis la Convention n’avaient pas pour tâche d’extraire des droits fondamentaux ex
nihilo, mais, tel un scribe, de traduire les droits fondamentaux en vigueur afin de les
consolider. Le fondement même du travail des groupes de rédaction de la Charte se
retrouve dans le mandat de Cologne : « Le Conseil européen estime qu'à ce stade du
développement de l'Union européenne il conviendrait de réunir les droits fondamentaux
en vigueur au niveau de l'Union dans une charte de manière à leur donner une plus
grande visibilité »199. Leur mission principale se résume donc à une proposition :
198
CJCE, 18 février 1975, aff. 66/74, Farrauto, Rec. 1975, p. 157 ; CJCE, 9 juillet 1981, aff. 169/80,
Société Gondrand, Rec. 1981, p. 1931. Les règles de prévisibilité et de clarté sont consubstantielles d’une
« Communauté de droit ».
199
Conclusions de la Présidence du Conseil européen de Tampere, des 15 et 16 octobre 1999, point 44,
Bull. UE n° 10-1999, points I.1 – I.21
63
retranscrire le droit positif, afin d’obtenir un texte en accord avec ce qui existe déjà
juridiquement.
Or, les groupes de travail se sont rapidement rendus compte que le droit positif
en question était mouvant. Et si la souplesse des droits fondamentaux est une
caractéristique propre du droit garanti, leur devoir était aussi de retranscrire cette
souplesse. Dans leurs efforts de codification, les rédacteurs de la Charte rencontrèrent
un premier écueil, qui ne se trouvait pas dans les virtualités du droit, mais plutôt dans
ses absences. Le mandat de Cologne n’interdisait pas de tenir compte des latences du
droit, il imposait seulement de ne pas anticiper sur l’avenir en consignant, sous couvert
de codification, des droits inédits.
62 Plan. Dès lors, les parties intervenantes à la rédaction de la Charte ont fourni
une réflexion riche à deux niveaux : d’une part dans la formulation des droits existants,
d’autre part dans l’articulation d’ensemble de ces droits, aux confluents des ordres
juridiques nationaux, communautaires et conventionnels des droits de l’Homme. La
Convention a forgé un texte à la rédaction trempée dans le souci de double cohérence :
cohérence des droits entre eux et cohérence des droits avec le tissu juridique et social
(§1). Si le texte de la Charte témoigne d’une cohérence propre, ses externalités laissent
sceptique : l’ensemble des droits consacrés se conjugue-t-il avec le système juridique
communautaire, dans lequel les droits sont sensés s’insérer ? L’« espace de liberté, de
sécurité et de justice » sort-il fortifié de cet exercice ? (§2).
§1)
Le souci de cohérence
63 Plan. Tailler la Charte dans le marbre du droit positif demande une rigueur
rédactionnelle et un souci de cohérence proches de l’excellence. La Convention a
effectué, mieux qu’un travail de compilation, une véritable synthèse (lato sensu) des
droits existants, tenant compte des évolutions techniques et sociales, mais aussi des
64
aspirations communes des bénéficiaires de la Charte. Plus que d’une Charte légale, c’est
d’une Charte légitime dont a accouché l’Enceinte. Pour mener à bien ce travail de
synthèse, et conformément à la transparence voulue par les instances politiques de
l’Union, les différents organes des sociétés civiles européennes ont été invités à
participer aux débats. L’invitation connut un succès mitigé (A). Dès lors, si l’entreprise
de rédaction de la Charte participait du souci de rapprocher la Communauté du citoyen,
la lisibilité du produit final varie selon les aspirations du lecteur (B).
A) La participation civile aux débats
64 Consultation de la société civile. Le premier volet de l’application du
principe de transparence aux organes de rédaction de la Charte fut la large consultation
de la société civile, c’est-à-dire des organisations non-gouvernementales (ONG)200,
associations, syndicats, unions d’entrepreneurs, etc… qu’ils soient nationaux,
communautaires ou internationaux. Une telle proximité répond au souci d’impliquer
toutes les structures sociales dans la rédaction d’une Charte qui ambitionne d’être
complète, contemporaine, et proche des réalités socio-économiques de ses bénéficiaires.
L’ouverture aux travaux de l’Enceinte, puis de la Convention, témoigne du vœu louable
d’impliquer, dans la consignation des droits fondamentaux garantis dans l’ordre
juridique communautaire, les diverses structures de défense et d’épanouissement de la
personne. Par ailleurs, le fait que les organes se placent à l’écoute des structures sociales
s’inscrit dans le courant de reconnaissance et de revalorisation des droits économiques,
sociaux et culturels201. Plus de 70 associations aux objectifs divers, pour la plupart
attachées à la défense des droits fondamentaux (mais sans exclusive) ont été entendues,
200
V. les deux motions des Organisations Non Gouvernementales dotées d’un statut consultatif auprès du
Conseil de l’Europe (Charte 4496/00, Contrib. 346, du 4 octobre 2000), disponible sur le site Internet du
Conseil de l’Union européenne.
201
Op. cit., Chapitre I, Section I, paragraphe 2.
65
au nombre desquelles nous pouvons relever Amnisty International, l’Association des
femmes de l’Europe méridionale, la Confédération européenne des syndicats, la
Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH), le Forum
permanent de la société civile, ou des instances telles que le Haut Commissariat pour
les réfugiés des Nations-Unies, etc.
En réalité, il est difficile de mesurer l’impact réel des quelques 230 contributions
rendues par les personnes consultées, qu’elles soient physiques ou morales, de droit
public ou de droit privé. Et notre doute s’accroît à la lecture de la contribution du
Présidium202, laquelle insiste surtout sur les sources formelles des droits garantis, et
laisse peu de reconnaissance à la société civile. Devant travailler à droit constant, la
Convention n’a pu faire siennes certaines propositions, bien que celles-ci s’inscrivent
dans le courant de dynamisation des droits fondamentaux. Mais la mobilisation autour
des droits fondamentaux devrait permettre de dessiner leurs perspectives d’évolution
future.
65 Accès des particuliers aux débats sur la Charte. Le second volet du
contrôle démocratique direct de la Convention par le citoyen réside dans sa capacité à
accéder aux documents pertinents. Par le biais d’Internet, chaque citoyen de l’Union a
pu suivre, en direct, l’évolution des débats au sein de l’Enceinte. L’élaboration des
divers projets de Charte successifs par la Convention est jalonnée de plusieurs étapes, au
terme desquelles la Convention a soumis ses réflexions au feu roulant des critiques, et a
recueilli des opinions variées, émanant des associations attachées à la défense d’intérêts
202
Op. cit., v. surtout le commentaire de l’article 22 de la Charte, lequel maintient le secret autour des
débats enflammés qui alimentent les références au patrimoine spirituel, philosophique et religieux de
l’Europe (G. Braibant, La Charte des droits fondamentaux, Droit social n°1, janvier 2001, pp.69-75).
66
divers, voire du grand public203. En outre, comme le souligne le Commissaire Antonio
Vitorino : « Toute personne qui le souhaitait a pu accéder aux salles de réunion de la
Convention ou se procurer les documents écrits qu’elle produisait, en particulier les
moutures successives du projet, et ceci par une simple consultation du site Internet du
Conseil de l’Union européenne, dédié à l’élaboration de la Charte. »204. Cependant,
nous pouvons soulever deux objections à la transparence affichée vis-à-vis du public. La
première est que le Conseil ne met pas, à disposition des internautes, tous les documents
qui lui sont parvenus. Ainsi, par exemple, un mouvement aussi controversé que la
Church of Scientology n’a pas manqué de s’intéresser à l’élaboration de la Charte, ne
serait-ce que pour tenter d’accroître à son profit le champ d’application de la liberté de
pensée, de conscience et de religion, et ainsi faire valoir ses éternelles prétentions à être
considérée comme église205. Or, le dossier des contributions de la Church of
Scientology, sur le site Internet du Conseil, est vide. Notre propos n’est pas de défendre
le droit de parole de ce mouvement, mais de constater un simple paradoxe : bien qu’une
place lui ait été accordée par les autorités consultatives, aucune contribution de cette
organisation n’est disponible. De même, la plupart des rapports émanant d’autres
associations sont, sinon laudatifs, au minimum constructifs ou confortatifs. De là à
supposer que le Conseil a censuré les critiques trop acerbes à l’endroit de la Charte, il
n’y a qu’un pas... La seconde objection consiste à rappeler que tous les citoyens de la
Communauté ne sont pas connectés à Internet. Par exemple, selon l’INSEE, moins de 10
203
Durant toute la durée des travaux, le Conseil a tenu une boîte aux lettres ouverte, ainsi qu’une adresse
électronique pour les personnes ayant accès à Internet et désireuses de communiquer leurs avis, ou de
poser des questions.
204
A. Vitorino, La Charte des Droits fondamentaux de l’Union européenne, RDU n° 3/2000, p. 500.
205
Les rapports de la Commission d’enquête sur les sectes française, de 1995 et 1999, classe l’Eglise de
Scientologie, démembrement métropolitain de la Church of Scientology, parmi les mouvements sectaires
dangereux aux ramifications multiples (Rapport de la Commission d’enquête sur les Sectes de
l’Assemblée nationale française, dit Rapport Gayart, du 20 décembre 1995, Rapport n°2468, Documents
d’information de l’Assemblée nationale, 316 p.) v. également CAA Lyon, 28 juillet 1997, JCP éd. G
1998, II, n°10025.
67
% des ménages français disposent d’un micro-ordinateur connecté au réseau mondial206,
avec une large proportion réservée aux familles de cadres. En définitive, la transparence
des Institutions via Internet paraît surfaite, et l’accès aux informations est loin de s’être
démocratisée…
B) La stratification des niveaux de lecture
66 La recherche d’un consensus interétatique. Au niveau international tout
d’abord, les représentants des différents Etats membres ainsi que ceux des différents
organes consultés durent trouver un consensus autour de la formulation des droits
fondamentaux. Selon les contributions de deux participants, MM. Fischbach207 et
Braibant, Les débats menés au sein de la Convention, oscillant entre une approche
maximaliste ou minimaliste des droits fondamentaux208, ont abouti à présenter un texte
qui ménage toutes les susceptibilités nationales. Certes, chaque gouvernement demeure
libre de discuter le contenu de la Charte, mais les principales pierres d’achoppement ont
été écartées du chemin. Concrètement, le contenu des trois « corbeilles »209 a été
206
C. Rouquette, La percée du téléphone portable et d’Internet, Insee Première, n° 700, février 2000, 4
p. : « En mai 1999, 23 % des ménages résidant en France possédaient un micro-ordinateur, contre 19 %
un an plus tôt. La part des ménages connectés à Internet depuis leur domicile a plus que triplé sur cette
période d’un an, passant de 2 % à 7 %. »
207
Contributions du Conseil de l’Europe à la Charte des droits fondamentaux, par M. Fischbach, juge à la
Cour européenne des droits de l’Homme, et M. Krüger, Secrétaire Général adjoint, du 17 décembre 1999
et du 21 février 2000 (http://www.consilium.eu.int/df/default.asp?lang=fr).
208
M. Fischbach, Le Conseil de l’Europe et la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne,
RUDH n°1-2, 15 septembre 2000, p. 7.
209
Pour inélégante qu’elle paraisse, cette expression revient à plusieurs reprises dans les propos des
intervenants des colloques de Paris (26 avril 2000) et de Strasbourg (15 et 16 juin 2000). V. G. Braibant,
J.-P. Jacqué et O. De Schutter, in RUDH, op. cit. ; G. Braibant in La Charte des droits fondamentaux de
l’Union européenne, 26 avril 2000 - Paris, DIAN n° 37/2000, 96 p. ; G. Braibant, La Charte des droits
fondamentaux de l’Union européenne, Droit social n° 1, janvier 2001, pp. 69-75.
68
discuté : les droits civils et politiques tels que consacrés par la CEDH, les droits propres
du citoyen de l’Union européenne et les droits économiques, sociaux et culturels. Or, la
grande variété des concepts, des systèmes juridiques, des niveaux de protection, etc., fut
un handicap à l’harmonisation des droits exprimés. Ainsi, l’insertion de la Charte dans
les ordres juridiques de tradition romano-germanique, habitués de longue date à la
codification, se fera avec plus d’aisance que l’insertion de la même Charte dans les
ordres juridiques de Common Law, pour lesquels la codification est un processus
beaucoup plus récent.210
67 Charte unique, lecture plurielle. Nous pouvons dès lors nous demander si
la Convention n’a pas sacrifié la lisibilité de la Charte sur l’autel du consensus interétatique. La Convention avait pour mission de rendre visible les droits fondamentaux
dans l’Union, d’en faciliter l’accessibilité aux citoyens, c’est-à-dire, pour emprunter la
terminologie de la Cour, à un citoyen « raisonnable et moyennement avisé ». Mais son
style rédactionnel fut influencé par une autre exigence : faire en sorte de doter la Charte
de suffisamment de technicité pour que les experts et les juristes puissent s’y référer
utilement. Le danger réside dans l’illusion, pour le bénéficiaire, de lire la Charte avec le
vocabulaire courant ; l’emploi de la terminologie juridique est souvent éloignée des
préoccupations quotidiennes des citoyens.
68 Exemple. Ainsi, l’article 36 de la Charte énonce : « L’Union reconnaît et
respecte l’accès aux services d’intérêt économique général tel qu’il est prévu par les
législations et pratiques nationales, conformément au traité instituant la Communauté
européenne, afin de promouvoir la cohésion sociale et territoriale de l’Union. » Certes,
cet article reprend l’article 16 CE, mais il n’est pas certain que tout un chacun sache ce
210
V. infra, Titre II, Chapitre II, Section II, § 2 in fine.
69
que recouvre la notion de « service d’intérêt économique général »211. La clause de
renvoi au droit national, sous réserve de compatibilité avec le droit communautaire,
laisse libre champ à toutes les interprétations. Le ressortissant français risque fort d’y
voir une consécration des services publics à la française, le citoyen allemand une
capacité d’accès aux « prestations de services »212, c’est-à-dire à la fois un accès et un
contrôle citoyen sur les « Dienstleistungsunternehmen », entreprises fédérales chargées
d’une mission d’intérêt général. Quant au citoyen britannique, sans doute s’interrogerat-il sur la portée pratique d’un « acces to services of general economic interest », dans la
mesure où, au sein d’un secteur public britannique en grande partie privatisé, les critères
d’identification sont obscurs. Finalement, une étude comparative des situations socioéconomiques des Etats membres reflète la variété communautaire, amplifiée par des
divergences linguistiques et sémantiques profondes. Les bénéficiaires des droits
conférés par la Charte n’en auront que plus de mal à les faire valoir dans les autres Etats
membres de l’Union. Encore faut-il que celle-ci soit lisible et s’insère correctement au
sein même de cet espace de liberté, de sécurité et de justice que bâtit l’ordre juridique
communautaire.
§2) L’insertion de la Charte dans « un espace
de liberté, de sécurité et de justice »
69 Ambition et réalisme de l’espace de « liberté, sécurité et justice ». Conçue
comme l’une des principales innovations du traité d’Amsterdam du 2 octobre 1997, la
211
La Commission a ressenti le besoin d’expliciter l’évolution de la notion dans deux communications de
2000, il est topique de remarquer que la première page de la communication est estampillée d’un tableau
rappelant la différence entre « service public », « service universel », « service d’intérêt général » et
« service d’intérêt économique général ». Une fois n’est pas coutume, la régulation communautaire
implique une complexification juridique.
212
Qui est la traduction la plus fidèle du terme « Dienstleistung », figurant dans la version allemande de la
Charte (http://www.europarl.eu.int/charter/default_de.htm).
70
mise en place d’un espace de liberté de sécurité et de justice revêt un intérêt direct pour
le citoyen. Ce chapitre fut l’un des plus débattus de la Conférence intergouvernementale
d’Amsterdam213. Il comporte deux éléments essentiels et interdépendants. Le premier
concerne la défense des droits de l’homme et du principe de non-discrimination. Il
regroupe la formalisation du contrôle juridictionnel des droits fondamentaux par la Cour
de Justice, complétée par l’instauration d’un mécanisme de sanction contre un Etat nonrespectueux des Droits de l’Homme (art. F, paragraphe 1, devenu art. 6, paragraphe 1
UE214), et l’introduction d’une disposition générale sur la non-discrimination (art. 13
CE). Le second se nourrit du premier et a trait à la mise en place de l’espace de sécurité,
liberté et justice proprement dit. Les problèmes rencontrés215 étaient à la mesure des
ambitions affichées de construire cet espace sur les coopérations policière, douanière et
judiciaire, et civile et pénale. Intégrer l’acquis du laboratoire Schengen était le préalable
à un approfondissement du droit communautaire en ces domaines. Furent donc rédigés
un titre IV dans la troisième partie du traité CE216, deux Protocoles et cinq déclarations
annexés au traité217. Cette communautarisation partielle218 du « troisième pilier »
213
M. Petite, Le Traité d’Amsterdam, ambition et réalisme, RMU n°3, 1997, p. 24.
214
Op. cit, Introduction, § 4.
215
Qui ne concernent pas seulement l’harmonisation législative ou l’échange d’informations, mais
également les mécanismes de prise de décision communautaire, la coopération dans la reconnaissance
mutuelle et l’exécution des décisions nationales, etc. Sous la présidence néerlandaise, il devint clair que la
création de l’espace de liberté, sécurité et justice ne pouvait tolérer que se développe, en marge des traités,
un espace Schengen dont les attributions se recoupaient.
216
Titre IV : « Visas, asile, immigration et autres politiques liées à la libre circulation des personnes »,
comprenant les articles 61 à 69 CE.
217
Protocole n°2 intégrant l’acquis de Schengen dans le cadre de l’Union européenne, Protocole n°4 sur la
position du Royaume-Uni et de l’Irlande, Déclarations n°44, 45, 46 et 47, relatives respectivement aux
articles 2, 4, 5 et 6 du Protocole intégrant l’acquis de Schengen dans le cadre de l’Union européenne, et
Déclaration de la France relative à la situation des départements d’outre-mer au regard du protocole
intégrant l’acquis de Schengen dans le cadre de l’Union européenne, in Les traités de Rome, Maastricht et
Amsterdam, textes comparés, éd. La documentation française, 1999, p. 255 et s.
71
implique de profondes modifications dans les processus normatifs régissant ces
matières219.
La grande complexité de ces questions floue la perception du citoyen. Il n’est pas
aisé de distinguer ce qui a été communautarisé par la Conférence d’Amsterdam de ce
qui est demeuré du domaine de la coopération intergouvernementale, et nous ne
saurions analyser l’apport des Institutions depuis le traité d’Amsterdam sans dépasser le
cadre de cette étude220. Par contre, il est emblématique de constater que la Charte fait
allusion à cet espace dans son préambule221, à côté des « valeurs » et des « principes »
de l’Etat de droit. L’espace de liberté, de sécurité et de justice est en passe de devenir,
plus que le leitmotiv d’une intégration européenne absconse, une réalité concrète et
suffisamment garantie.
70 Plan. La question de l’interconnexion entre la Charte et l’espace de liberté,
de sécurité et de justice pose les mêmes problèmes que ceux rencontrés par la
« communautarisation » croissante de piliers intergouvernementaux. Les processus
intergouvernementaux et communautaires ont chacun leur rythme propre. La
« communautarisation » du « troisième pilier » dépend tant des calendriers établis par les
218
Au terme de l’article 42 UE, la communautarisation est appelée à progresser et à gagner d’autre
matières, même si l’exigence d’unanimité du Conseil, posée dans cet article, est difficile à obtenir.
219
La plus grande innovation réside certainement dans la possibilité d’adopter des « décisions-cadre »,
nouvel outil juridique similaire à la directive (art. 34, paragraphe 2 sous b) et art. 35 UE).
220
Le Bulletin de l’Union européenne (ancien Bulletin des Communautés européennes), reprend chaque
mois les principales avancées, décisions-cadre, conventions, conclusions des Conseils européens, etc., qui
contribuent à l’édification de cet espace.
221
« Consciente de son patrimoine spirituel et moral, l’Union se fonde sur les valeurs indivisibles et
universelles de dignité humaine, de liberté, d’égalité et de solidarité ; elle repose sur le principe de la
démocratie et le principe de l’Etat de droit. Elle place la personne au cœur de son action en instituant la
citoyenneté de l‘Union et en créant un espace de liberté, de sécurité et de justice. » (Préambule de la
Charte, al. 2).
72
Conseils européens que de la bonne volonté des Etats réunis au sein du Conseil. De
même, la question transversale des droits de l’homme connaît des impulsions
ponctuelles, sous l’effet des jurisprudences des cours européennes. Finalement, toutes
les interrogations relatives à l’insertion - on serait tenter de dire « l’enchâssement » - de
la Charte dans l’espace de liberté de sécurité et de justice se résument à deux questions
essentielles : la Charte formalise-t-elle les droits de l’espace de liberté, sécurité et justice
(A) ? Et la codification est-elle suffisamment complète pour que la référence à d’autres
instruments de protection des droits fondamentaux devienne obsolète (B) ?
A) Une simple formalisation des droits existants ?
71 L’espace de liberté, sécurité et justice : terreau des droits fondamentaux.
Le remodelage de la construction en piliers des traités par les Conférences
intergouvernementales d’Amsterdam et (dans une moindre mesure) de Nice, qui n’a pas
été jusqu’à leur abandon, est un élément supplémentaire de complication de la lecture
des droits fondamentaux dans l’Union européenne. Ces derniers se retrouvent dispersés
entre l’Union, les Communautés et les Etats membres, entre les piliers de coopération et
le pilier d’intégration communautaire, entre les traités et les protocoles222. Les
problèmes de lisibilité posés par cette internationalisation de la protection des droits de
l’Homme au sein du droit communautaire ne sauraient être résolus sans une présentation
des droits matériels de l’espace de liberté, de sécurité et de justice. Si le traité
d’Amsterdam, à défaut d’adhésion à la Convention européenne des droits de l’homme,
« absorbe » les droits fondamentaux issus de cette dernière223, il n’en demeure pas
222
V. Constantinesco, Le renforcement des droits fondamentaux dans le traité d’Amsterdam, op. cit., p.
34.
223
F. Sudre, La Communauté européenne et les droits fondamentaux après Amsterdam : Vers un nouveau
système européen de protection des droits de l’Homme ?, JCP éd. G, n°1-2, 7 janvier 1998, p. 12 et s. ; V.
également CJCE, 18 juin 1991, aff. C-260/89, ERT, Rec. 1991, p. I-2951, cons. 41 ; CJCE, 10 juillet
73
moins qu’il renforce ces droits de manière autonome. Ainsi, l’apparition des droits
sociaux au sein du préambule du Traité sur l’Union européenne224 et de l’article 136 CE
marque la volonté de poser les jalons d’une communautarisation des droits sociaux. En
outre, la rédaction d’un titre VIII consacré à l’emploi225 permet à la Communauté
d’engager une politique complémentaire de celles des Etats membres226, visant à
garantir, selon les termes de l’article 136, « un niveau d’emploi élevé et durable », dans
le respect des droits fondamentaux des personnes placées sous la juridiction des Etats
membres227. Quant aux diverses manifestations du principe d’égalité, elles ne ressortent
pas toutes de l’article 14 CEDH. Par exemple, la rédaction de l’article 141, paragraphe 4
CE228 constitue plus probablement une réponse des Etats membres à l’arrêt Kalanke229,
qui ouvrait la voie à l’instauration de discriminations positives, qu’une prise en compte
partielle de la jurisprudence de la Cour de Strasbourg.
1984, aff. 63/83, Kent Kirk, Rec. 1984, p. 2689 ; CJCE, 15 mai 1985, aff. 22/84, Johnston, Rec. 1984, p.
1651 ; CJCE, 18 mai 1989, aff. 249/86, Commission c/ RFA, Rec. 1989, p. 1263.
224
Le quatrième considérant du préambule du TUE est ainsi formulé : « Confirmant leur attachement aux
droits sociaux fondamentaux tels qu’ils sont définis dans la Charte sociale européenne, […] et dans la
Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs de 1989 ».
225
Art. 125 à 130 CE.
226
Art. 127, paragraphe 1 CE.
227
Ainsi que le suggère le renvoi opéré dans l’article 125, paragraphe 1 CE à l’article 2 UE, complété de
telle sorte que les droits fondamentaux soient pris systématiquement en compte dans les politiques de
l’Union, y compris dans l’élaboration d’une stratégie coordonnée pour l’emploi.
228
Art. 141, paragraphe 4 CE : « [...] le principe de l’égalité de traitement n’empêche pas un Etat
membre de maintenir ou d’adopter des mesures prévoyant des avantages spécifiques destinés à faciliter
l’exercice d’une activité professionnelle par le sexe sous-représenté [...] ». Cet article doit être rapproché
de la Déclaration n°28 annexée au traité d’Amsterdam, laquelle précise que l’action des Etats membres
vise surtout à « améliorer la situation des femmes dans la vie professionnelle. » in Les traités de Rome,
Maastricht et Amsterdam – textes comparés, op. cit. p. 275.
229
CJCE, 17 octobre 1995, aff. C-450/93, Kalanke, Rec. 1995, p. I-3051.
74
72 La force contraignante de la Charte : un débat dépassé. La lisibilité des
droits codifiés dépend également du paradoxe résultant de l’absence de force
contraignante formelle de la Charte, et de la force contraignante des dispositions
matérielles de la Charte. Les projets de textes communautaires portant droits
fondamentaux ont toujours suscité quelques craintes parmi les gouvernements quand il
s’est agi de leur opérabilité. Au-delà de ces craintes, deux écoles s’affrontent. Les
tenants d’une force contraignante avancent le plus souvent des arguments tirés de
l’efficience du contrôle du respect des droits de l’homme par le juge230, les détracteurs
répondent que la force obligatoire de la Charte rendrait visible la césure entre l’ordre
juridique du Traité de Rome et l’ordre juridique issu de la Convention de Rome, ou
figerait les droits fondamentaux communautaires en les privant de leur dynamique231.
Un tel débat nous semble stérile, au moins pour trois raisons. La première a trait à la
nature même des droits : comme charte de droits dits « fondamentaux », les dispositions
consignées ne peuvent que bénéficier de la plus haute considération, et garantir, au
bénéfice des personnes, des droits s’inscrivant au plus haut niveau dans la hiérarchie des
normes. La deuxième raison nous vient du mandat confié à Cologne par le Conseil
européen : rendre visible les droits de la personne déjà en vigueur dans l’Union, c’est se
référer essentiellement à du droit positif, donc déjà consigné dans d’autres instruments
normatifs ayant force contraignante. Le troisième motif est d’ordre plus psychologique :
comme le relève Guy Braibant232, « sur la question du caractère contraignant de la
Charte, j’ai récemment dit qu’elle est non pas secondaire, mais seconde [...] au sens
originel du terme : elle vient après » ; l’important réside dans la qualité rédactionnelle
de la Charte : « [...] si nous avons une bonne Charte, elle sera dans deux ou trois ans
juridiquement contraignante parce que la pression pour qu’elle soit contraignante ne
230
F. Loncle, Contribution au Colloque « La Charte des droits fondamentaux de l’Union euripéenne », du
26 avril 2000, DIAN 37/2000, p. 29 et s., spéc. pp. 31-33.
231
G. Cohen-Jonathan, Le Parlement européen et les Droits de l’Homme, RMCUE 1978, p. 390.
232
G. Braibant, in RUDH, 15 septembre 2000, p. 11.
75
pourra pas être ignorée. »233. Le refus de donner à la Charte une force obligatoire
explicite, enregistré lors du sommet de Nice, ne serait donc qu’un différé, qui n’affecte
le statut de la Charte que de manière formelle, et surtout temporaire234.
B) La Charte comme norme unique de référence ?
73 La CJCE et la Charte. Résumer, c’est trahir. Le travail de codification à
droit constant constitue par nature un travail de synthèse, mais une synthèse exagérée
risquait d’éloigner la Charte des subtilités de l’acquis communautaire. Dès lors, pour un
droit donné, le choix d’une formule très vaste reflète sans doute la valeur de ce droit et
son étendue, toutefois une telle formulation sera passablement éloignée des réalités de
ce droit, de ses subtilités et de son insertion dans l’ordre juridique communautaire. Par
exemple, le droit à la liberté de circulation et de séjour est énoncé de manière
extrêmement laconique : « Tout citoyen ou toute citoyenne de l’Union a le droit de
circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres. »235. Pour en
saisir le sens et la portée, il faut se référer à l’article 52, paragraphe 2 de la Charte, qui
opère un renvoi aux traités communautaires. Or, de nombreux articles concernent la
liberté de circulation des personnes236, et lui apportent des tempéraments237, sans
233
G. Braibant, ibid.
234
Au jour où nous rédigeons ces lignes, la Cour de Justice a reçu les conclusions de l’avocat général
Philippe Léger dans l’affaire Hautala, qui abondent en ce sens (v. Infra Section II, paragraphe 2, A, § 86).
235
Art. 45, paragraphe 1 de la Charte, emprunté à l’art. 18, paragraphe 1 CE.
236
Les articles 2 al 5 UE et 14 al 2 CE énoncent la liberté de circulation des personnes comme objectif de
l’Union et de la réalisation du marché intérieur, l’article 18 CE en pose le principe même, les articles 39 à
55 CE déclinent la liberté de circulation en liberté de circulation des travailleurs, liberté de prestation de
services, liberté d’établissement, et enfin l’article 183, paragraphe 5 prévoit la liberté de déplacement des
ressortissants des pays et territoires d’outre-mer.
76
compter les innombrables textes de droit dérivé. Il appartiendra à la Cour de Justice,
saisie d’un litige sur les restrictions apportées à ce principe de liberté de migration,
d’apprécier, en même temps que l’étendue de la clause de renvoi, les limitations
tolérables pour le droit litigieux.
Indépendamment de la valeur juridique individuelle des droits et libertés
reconnus dans la Charte, la Cour de Justice est actuellement incitée à s’interroger sur la
valeur et la portée de la Charte dans son ensemble. Sur ce point, les avocats généraux
près la Cour de Justice des Communauté ont été particulièrement plus diserts que la
Cour. Réservant l’étude des conclusions des avocats généraux à plus tard238, nous
pouvons relever que, dès le mois de février 2001, le Tribunal de Première instance a
publié, dans un arrêt Mannesmannröhren-Werke239, ce qui demeure à ce jour l’unique
référence jurisprudentielle à la Charte. Prudent, le Tribunal se garde de se prononcer sur
la nature juridique de la Charte, ou des dispositions qu’elle contient, et lui dénie toute
pertinence ratione temporis dans la mesure où la Charte fut adoptée postérieurement à
l’établissement des faits240. Sur cette position, nous pouvons faire deux remarques. La
première est que, implicitement, le Tribunal a accepté la recevabilité d’un argument qui,
bien que tardif, est fondé sur la portée juridique de la Charte241. La seconde est que
237
Ainsi en est-il notamment de la réserve d’ordre public, de sécurité public et de santé public (art. 48,
paragraphe 3, 55, 64, 186 et 297 CE), qui permet à un Etat de maintenir ou de réintroduire, sous certaines
conditions, des entraves à la liberté de déplacement.
238
V. notamment infra les conclusions de l’avocat général Léger, sous l’affaire Hautala, Section II,
paragraphe 2, A), § 86.
239
TPI, 20 février 2001, aff. T-112/98, Mannesmannröhren-Werke AG c/ Commission, Rec. 2001, p. II-
729.
240
TPI, Mannesmannrörhen-Werke AG, ibid., cons. 76 : « […] cette Charte a été proclamée par le
Parlement européen, le Conseil et la Commission le 7 décembre 2000. Il s’ensuit que la Charte ne peut
avoir aucune incidence sur l’appréciation de l’acte attaqué, qui était adopté antérieurement. Dans ces
circonstances, il n’y a pas lieu de rouvrir la procédure orale comme demandé par la requérante. »
241
TPI, Mannesmannrörhen-Werke AG, ibid., cons. 15.
77
l’argument soulignant l’antériorité des faits est un argument purement formel. En effet,
s’agissant d’une codification à droit constant, la Charte reprend des droits déjà en
vigueur dans l’ordre juridique communautaire. Par conséquent, le juge aurait très bien
pu esquiver l’absence de reconnaissance formelle de la portée juridique de la Charte
pour s’en tenir aux principes préexistants des droits de la défense. Et Laurence Idot de
constater : « Il y a un grand décalage entre l’affirmation de beaux principes et la
réalité »242.
74 La CJCE et l’espace de « liberté, sécurité et justice ». Dès lors, le silence
de la juridiction communautaire n’apporte rien, si ce n’est une incitation à la vigilance.
A tout le moins devons-nous admettre que les droits garantis dans la Charte ont une
force contraignante certes, mais pas absolue. Ou, pour mieux dire, les prérogatives
accordées dans la Charte des droits fondamentaux ont au minimum le même degré de
normativité que leurs homologues issus d’autres sources de légalité communautaire.
L’effectivité des droits fondamentaux dépend aussi de l’autorité que leur reconnaît le
juge communautaire, et de la consécration de leurs sources. Or, nous l’avons vu, ces
sources sont nombreuses, hétérogènes, et de portées variées243. C’est pourquoi nous
pouvons augurer que la Cour de Justice continuera, en dépit de la Charte, à développer
l’espace de liberté de sécurité et de justice, en puisant les droits y afférents à d’autres
sources. Si nous admettons que la Charte dispose du potentiel nécessaire à l’impulsion
des droits fondamentaux dans l’ordre juridique communautaire, les autres instruments
de protection n’en perdent pas pour autant leur pertinence. Nous pouvons certes
considérer la Charte comme source privilégiée pour l’espace de liberté, sécurité et
justice, mais l’ériger au rang de norme unique de référence semble excessif. La Charte
242
L. Idot, Le Tribunal fait application de la jurisprudence Orkem, Rev. Europe, avril 2001, p. 29, comm.
141, pour une analyse plus complète de l’architecture et du fond de l’arrêt. La citation du Professeur Idot
ne se rapporte pas précisément à la Charte, mais plus largement à l’ensemble du droit procédural. Mutatis
mutandis, la citation demeure pertinente.
243
V. titre I, chapitre premier.
78
se doit d’accompagner les autres instrumenta, elle ne les remplace pas. Ce n’est que
dans le respect de cet acquis communautaire qu’elle pourra révéler ses qualités, et servir
la cause de l’intégration communautaire.
SECTION II : LA CHARTE, OUTIL AU SERVICE DE
L’INTEGRATION
75 Coopération
loyale
et
non-régressivité.
L’intégration
des
droits
fondamentaux du droit communautaire serait vide de sens si n’étaient pérennisés les
acquis. La révélation progressive des droits de la personne ne permet aucun retour en
arrière. Or, la dynamique de révélation des droits fondamentaux communautaires
bénéficient d’un double garde-fou. Le premier réside dans l’effet de cliquet propre au
droit communautaire. En effet, l’article 10 CE établit le principe de coopération
loyale244, lequel est une version « communautarisée » du principe de droit international
de l’exécution de bonne foi. Il oblige les Etats a collaboré à l’intégration
communautaire. Le second réside dans le principe de non-régressivité des droits
fondamentaux, au terme duquel les Etats ne sauraient diminuer la protection acquise
dans les instruments internationaux. Ce principe de non-régressivité se retrouve à
l’article 53 de la Charte, et établit que, sauf dispositions plus favorables du droit de
l’Union (art. 52 § 2), le renvoi aux droits originaux assure au minimum une garantie
équivalente à la CEDH245.
244
D. Simon, Le système juridique communautaire, op. cit., notamment p 97, § 77.
245
Voir infra titre II, chapitre II.
79
76 Droits de la personne et application différenciée. A maints reprises fut
affirmée la neutralité de la Charte à l’égard de la répartition des compétences entre la
Communauté et les Etats membres246. L’article 52, paragraphe 2 de la Charte dispose :
« La présente Charte ne crée aucune compétence ni aucune tâche nouvelle pour la
Communauté et pour l’Union et ne modifie pas les compétences et tâches définies par
les traités. » Or, la normativité des droits fondamentaux n’est assurément pas une tâche
nouvelle pour la Communauté : implicitement, notamment à travers le principe
d’universalité et la nature transdisciplinaire des droits de la personne, ou pour garantir
l’effet utile de dispositions des traités247, les Institutions ont été appelées à légiférer dans
le domaine des droits fondamentaux. Partant, il serait naïf de déceler dans l’article 52 un
verrou apposé sur la compétence communautaire en matière de droits des personnes. Et
si les Etats conservent les compétences inhérentes à leur imperium, qui impliquent de
les laisser progresser dans les voies qui leur semblent justes, la répartition internationale
des compétences normatives en matière de droits fondamentaux ne les autorise pas à
déroger aux instruments édictés par les Institutions communautaires. En d’autres termes,
c’est à la Communauté qu’il appartient de décider et de mettre en œuvre une application
différenciée des droits essentiels, ou non.
77 Plan. En dépit des faiblesses que nous n’avons pas manqué de relever tout au
long de cette étude, il serait injuste de ne pas relever les domaines dans lesquels la
Charte apporte une plus-value en matière de droits de la personne (§1). Cependant,
l’exercice ayant prouvé ses limites, il conviendra ensuite de nous demander si la Charte
ne révèle pas une impasse : celle de déterminer le socle de valeurs communes de
l’Union (§2).
246
V. par exemple la communication de la Commission, du 13 septembre 2000, « Sur la Charte des droits
fondamentaux de l’Union européenne », COM(2000) 559 final, p. 8.
247
C’est particulièrement le cas de l’article 12 CE, qui porte sur le principe de non-discrimination
nationale. V. Titre II, Chap II, Section II, paragraphe 1, A).
80
§1) L’enrichissement des droits existants
78 Plan. Mouler la Charte dans l’argile de l’intégration demande des qualités
rédactionnelles empreintes de souplesse et d’élasticité. L’esprit de la Charte porte les
traces de cette exigence, la lettre en véhicule les atouts. Le but étant de renouveler la
formulation des droits fondamentaux afin d’en garantir l’adaptabilité, tout en respectant
le sens des-dits droits, les rédacteurs de la Charte ont abandonné les dichotomies
classiques (A), dont les vertus pédagogiques collaient mal à la réalité des droits
fondamentaux communautaires. Reste à savoir s’ils lui ont substitué d’autres
distinctions, plus utiles. Il semble que la Charte opère en effet une distinction entre les
principes et les objectifs. Mais les ambiguïtés de cette différenciation sémantique font
osciller le lecteur entre espoirs fondés et illusions déçues (B).
A) Une remise en cause des divisions académiques
79 Le principe d’indivisibilité des droits civils, politiques, économiques,
sociaux et culturels. La Charte n’est pas le premier texte à renoncer à la distinction,
établie au milieu du siècle, entre droits civils et politiques d’une part et droits
économiques, sociaux et culturels de l’autre. Dans un rapport rendu en 1999 par un
groupe de réflexion de la Commission européenne248, traitant des avancées souhaitables
des droits fondamentaux dans l’Union, est soulignée l’indivisibilité des droits « civils »
et des droits « économiques et sociaux » dans le cadre communautaire : « Toute
démarche visant la reconnaissance explicite des droits fondamentaux doit inclure à la
fois les droits civils et sociaux. Ignorer leur interdépendance met en cause la protection
des premiers comme des seconds. C’est pourquoi le principe d’indivisibilité a été
248
Rapport du groupe d’experts en matière de droits fondamentaux, présidé par M. Spiros Simitis,
« Affirmation des droits fondamentaux dans l’union européenne – Il est temps d’agir. », Commission
européenne, DG Emploi, relations industrielles et affaires sociales, OPOCE, février 1999, 19 p.
81
affirmé à maintes reprises. »249. Toutefois le principe d’indivisibilité ne signifie pas une
simple juxtaposition des deux catégories de droits ; comme l’a développé la Cour
européenne des droits de l’Homme dans sa jurisprudence, il n’y a pas de
« cloisonnement étanche » entre droits civils et politiques d’une part, et droits
économiques, sociaux et culturels d’autre part. La suppression de cette catégorie pédagogique certes, mais historiquement dépassée250 – exige un réexamen et une
formulation nouvelle des droits civils et politiques, « de manière à y incorporer des
points traditionnellement abordés dans le cadre clos des droits sociaux »251.
L’expansion des droits fondamentaux opérée devra tenir compte des politiques sociales
fondamentales, et la reconnaissance explicite des droits fondamentaux demeurer un
processus ouvert. Dans un premier temps, les traités communautaires doivent incorporer
les droits reconnus dans les articles 2 à 13 de la CEDH, tels que complétés par les
Protocoles. Sont concernés le droit à la vie252, l’interdiction de la torture, des traitement
inhumains et dégradants253, l’interdiction de l’esclavage, de la servitude et du travail
forcé ou obligatoire254, le droit à la liberté et à la sûreté255, le droit à un recours effectif
devant un tribunal indépendant et impartial ainsi qu’à une audition publique et
équitable256, le principe de non-rétroactivité de la loi pénale257, le droit de se marier et
de fonder une famille, le droit au respect de la vie privée et familiale258, le droit à la
liberté de pensée, de conscience et de religion259, le droit à la liberté d’expression260, le
249
Rapport précité, point 8 al 1, p. 15.
250
V. supra, Chapitre I, Section I, paragraphe 2.
251
Rapport précité, point 8 al 4, p. 15.
252
Art. 2 CEDH.
253
Art. 3 CEDH.
254
Art. 4 CEDH.
255
Art. 5 CEDH.
256
Art. 6 et 13 CEDH.
257
Art. 7, paragraphe 1 CEDH.
258
Art. 8 CEDH, complété par l’art. 5 du Protocole 7, du 22 novembre 1984.
259
Art. 9 CEDH.
82
droit à la réunion pacifique et à la liberté d’association261, le droit de propriété262, le
droit de vote263, la liberté de circulation264. Dans un second temps, préconise le rapport,
l’adhésion de l’Union à la CEDH traduira la mutation structurelle que connaît celle-ci,
et il sera alors temps de compléter ce premier catalogue par le principe d’égalité de
traitement (sans distinction fondée sur la race, le sexe, la couleur, l’ethnie, la nationalité,
la culture, la langue, la conscience, la pensée, la religion, les convictions politiques,
l’orientation sexuelle, l’âge ou le handicap), le libre choix professionnel, le contrôle de
l’utilisation des données personnelles, le droit au regroupement familial, le droit
d’action collective, le droit à la consultation, à la participation et à l’information, pour
les décisions touchant les intérêts des travailleurs.
80 La structure de la Charte. Qu’il s’agisse de nouveaux droits sociaux ou de
droits civils étendus au domaine social, les droits en question devaient, à terme, être
regroupés en un texte unique. En définitive, le rapport Simitis annonçait l’originalité de
l’ossature de la Charte des droits fondamentaux, loin des partitions standards entre
droits civils et politiques d’une part, et droits économiques et sociaux d’autre part.
Hormis la section consacrée aux « Dispositions finales », la séparation de la Charte en
six
chapitres,
intitulés
« Dignité »,
« Libertés »,
« Egalité »,
« Solidarité »,
« Citoyenneté » et « Justice », répond aujourd’hui à ce souci d’indivisibilité des droits
fondamentaux.. En effet, paradoxalement, l’éclatement des droits en six chapitres sert la
cause de l’unité conceptuelle de ces droits, dans la mesure où ces six chapitres ne
révèlent pas d’antagonismes profonds, mais une complémentarité. Là où les droits
justiciables - les droits civils et politiques - étaient traditionnellement opposés aux droits
non-justiciables - les droits économiques, sociaux et culturels - la Charte, comme
260
Art. 10 CEDH.
261
Art. 11 CEDH.
262
Art. 1 du Protocole additionnel du 20 mars 1952.
263
Art. 3 du Protocole additionnel.
264
Art. 2 du Protocole 4, du 16 novembre 1963.
83
codification à droit constant, promet une justiciabilité265 aux premiers comme aux
seconds. Intégrer un dualisme, quel qu’il soit266, c’était risquer d’aboutir à une
acceptation partielle de la Charte par la Convention, et susciter chez les autorités
nationales la tentation de fragmenter elles-mêmes la Charte. Au contraire, la partition en
six chapitres, la dissémination et l’interpénétration des droits civils, culturels,
économiques, politiques et sociaux témoignent du souci d’obtenir, pour l’ensemble de la
Charte, la plus grande justiciabilité. Ainsi est respecté le mandat de Cologne. Ainsi sont
actualisés des droits, eux-mêmes porteurs de développements futurs.
81 Cette répartition des droits, si elle sert l’homogénéité des droits civils,
politiques, sociaux et économique, porte cependant quelques inconvénients. Tout
d’abord, le fractionnement tend parfois à l’éparpillement. Par exemple, tous les droits
reconnus aux bénéfice des citoyens, et classés sous le chapitre « Citoyenneté »… ne
concernent pas que la citoyenneté ! La possibilité de saisine du médiateur ou le droit de
pétition devant le Parlement européen sont ouverts aux personnes résidents sur le
territoire de la Communauté, in extenso aux ressortissants extra-communautaires. A cet
égard, la classification retenue par la Convention semble un peu artificielle. En outre,
opérer une partition en six chapitres est éloigné de la logique binaire de la tradition
juridique française267, et ne se prête pas à une présentation commode, ni simplement
265
Surtout par le biais de l’article 47, paragraphe 1 de la Charte : « Toute personne dont les droits et
libertés garantis par le droit de l’Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal
dans le respect des conditions prévues au présent article ». V. infra.
266
Ontologiquement, les droits fondamentaux ne se prêtent pas naturellement à une partition entre droits
civils et politiques d’une part, et droits économiques, sociaux et culturels d’autre part. La doctrine a
proposé d’autres distinctions tout aussi intéressantes, entre droits immédiatement exigibles et droits
programmes, entre droits intangibles et droits susceptibles de dérogation, ou entre droits de générations
différentes… V. P. Daillier et A. Pellet, Droit international public, 5e éd. LGDJ, 1994, p. 641, § 433.
267
Selon la célèbre méthodologie de MM. Aubry et Rau.
84
pédagogique268. Néanmoins, quelle présentation didactique la Convention aurait-elle pu
trouver ? Lui était-il possible, compte tenu des délais impartis et de la diversité des
sources, de trouver une présentation plus pertinente ? Il n’est pas aisé de clarifier les
droits fondamentaux communautaires, et de rapprocher ainsi l’Union du citoyen, il est
plus difficile encore de trouver des articulations suffisamment précises, souples et
opérationnelles pour refléter la richesse des droits fondamentaux communs, dans le
respect du processus d’intégration et de la dynamique des droits fondamentaux.
D’autant que les droits fondamentaux se répartissent également entre d’un côté les
principes, et de l’autre les objectifs.
B) Entre « principes » et « objectifs », le ferment de l’avenir ?
82 Une distinction purement théorique ? La distinction opérée entre les
« principes » et les « objectifs » a servi de moteur pour l’élaboration de la Charte, de clé
pour résoudre certaines difficultés. Le texte final retient cette différence : déjà le
préambule de la Charte mentionne côte à côte les valeurs et les principes269, suggérant
ainsi un distinguo entre les deux. Nous pouvons toutefois nous interroger sur sa
pertinence ainsi que sur son opérabilité. Selon le professeur Braibant, les droits sociaux
ne doivent pas tous être considérés comme des objectifs politiques, et se répartissent
entre droits, principes et objectifs, seuls les premiers étant ontologiquement justiciables.
Cependant, l’éminent professeur objecte que « les principes ne doivent pas être
considérés comme des droits de seconde zone. La différence entre les principes et les
268
Ce qui pourrait susciter une désaffection de la part du citoyen, qui éprouverait quelques difficultés à
s’orienter entre les divers chapitres.
269
Préambule de la Charte, alinéa 2, précité. Les valeurs retenues, « universelles et indivisibles », sont la
dignité humaine, la liberté, l’égalité et la solidarité. Les principes énoncés sont les principes de démocratie
et d’Etat de droit.
85
droits tient à ce que les droits doivent être respectés et les principes mis en oeuvre »270.
Valeurs, principes, objectifs... Ce que la Charte gagne en variété conceptuelle, elle le
perd en lisibilité. Et nous pouvons alors nous demander quelle sécurité juridique la
Charte apporte au particulier ? Comment ce dernier pourra-t-il, intuitivement, distinguer
les principes justiciables, traduits en droits, des principes non-justiciables qui leurs sont
juxtaposés ? Un indice de cette différenciation réside en ce que les droits attribués à des
titulaires (« toute personne », « les travailleurs », etc.) sont justiciables, tandis que les
principes non justiciables sont formulés en termes généraux, comme des obligations à la
charge de l’Union271, sinon parfois des Etats272. Une seconde question se pose : Les
principes retenus par la Convention sont-ils bien des principes authentiquement
communautaires, sinon communs, appelés à perdurer ?273 Cette question en appelle
deux autres : les objectifs assignés à l’Union, en terme de droits fondamentaux,
constituent-ils de réels objectifs ou des utopies ? La priorité politique de la
Communauté n’est-elle pas de s’élargir plutôt que d’accroître ses règles de protection
des personnes ? En dépit de la proclamation de la Charte, la détermination d’une
politique réellement intégrative des droits fondamentaux ne semble pas, en définitive,
constituer un objectif premier des instances politiques de l’Union.
83 L’affirmation d’objectifs comme neutralisation douce des droits ? La
remise en cause des distinctions académiques et l’établissement de nouvelles lignes de
démarcation, entre principes et objectifs, laisse au lecteur le goût amer du scepticisme
quant à la valeur ajoutée de la Charte. Du point de vue de la codification de règles
juridiques, la Convention s’en est tenue aux règles juridiques existantes. Du point de
270
G. Braibant, Conclusions du colloque des 15 et 16 juin 2000, RUDH, op. cit., p. 68.
271
Par exemple, l’article 22 de la Charte énonce : « L’Union respecte la diversité culturelle, religieuse et
linguistique. »
272
La formulation extrêmement globale de l’article 13 ne peut qu’inclure les Etats au nombre des obligés :
« Les arts et la recherche scientifique sont libres. La liberté académique est respectée. ». V. infra.
273
V. infra, le paragraphe 2.
86
vue de l’essor des droits fondamentaux, la retranscription de leur évolution est plus
sobre, et les objectifs affirmés empruntent plus au jeu politique qu’au domaine
juridique. Or, en politique, affirmer des objectifs revient à gagner du temps, en reportant
à plus tard la concrétisation des idées en droit. La déclaration incantatoire n’engage
personne ; et affirmer que chacun « tendra à » signifie juridiquement que nul n’est tenu
par quelque obligation que ce soit. C’est une neutralisation « douce » de certaines
revendications sociales, que la Convention reconnaît comme sources virtuelles de droit
pour l’avenir, mais qu’elle refuse de consacrer explicitement. Ceci est d’autant plus
dommageable que, selon les conclusions du Présidium274, la référence à la CEDH dans
l’article 53 inclut la jurisprudence de la Cour de Strasbourg, laquelle accueille de plus
en plus favorablement les revendications de certaines minorités275. C’est pourquoi, cette
discrétion de la Convention au sujet de nouveaux droits s’analyse comme une
neutralisation douce du droit, temporaire et susceptible de bien des aménagements
jurisprudentiels276.
Certes il est nécessaire de se fixer des objectifs ne serait-ce que pour s’assurer
que les Quinze s’accordent sur l’avenir de l’Europe. Pourtant ceux-ci doivent, à plus ou
moins long terme, trouver une formulation juridique, à peine de priver l’individu du
bénéfice du droit escompté. La traduction juridique des objectifs est une nécessité
sociale, et demeure inhérente à une compréhension dynamique des droits fondamentaux.
Or, la Charte n’énonce pas d’objectif qui ne puisse être concrétisé, au mieux en
principe, sinon en droit subjectif justiciable. Une élévation des objectifs au rang de
principes fera de la Charte un second « instrument vivant » de la protection des droits
fondamentaux en Europe, dans le sillage de la Convention européenne des droits de
274
Précitées, chapitre I, Section I, paragraphe 2.
275
V. V. Coussirat-Coustère, Chronique in AFDI, 1996, pp. 748-783 ; AFDI, 1997, pp. 559-592 ; AFDI,
1999, pp. 746-766. V. également infra, nos développements sous paragraphe 143, p. 137.
276
Par opposition au silence, qui demeure la formulation la plus difficile à interpréter, et à la négation des
droits, qui constitue une neutralisation « dure » des droits.
87
l’homme. Ceci est d’autant plus nécessaire que le terme « d’objectif » est juridiquement
ambigu : il est parfois employé en droit constitutionnel français comme synonyme de
« droit subjectif ».
§2) Un socle commun ?
84 Un socle de valeurs et de droits. Le développement d’un « espace de liberté,
sécurité et justice » s’inscrit dans la logique d’un nouvel objectif de l’Union européenne
inséré dans les traités par la révision d’Amsterdam277. Pour assurer la cohérence de la
construction de cet espace, l’article 6, paragraphe 2 UE reprend à la lettre l’ancienne
formulation du traité de Maastricht278 : l’Union respecte les droits fondamentaux tels
qu’ils ressortent de la CEDH et des traditions constitutionnelles communes aux Etats
membres, y compris dans la lecture prismatique qu’en donnent les principes généraux
du droit communautaire. Avec M. Labayle, nous pouvons relever que : « L’essentiel est
donc dit : un patrimoine commun de valeurs constitue le socle sur lequel l’Union
européenne repose. »279. Bien que la Charte des droits fondamentaux fut accueillie à
l’unanimité par les conférenciers s’exprimant au nom de leurs Etats, de nouvelles
divergences de vue pourraient bien survenir dans un avenir proche. Les Quinze n’auront
de cesse d’affirmer leur unité de point de vue, mais chacun tentera de promouvoir une
277
Art. 2 al 4 UE : « [L’Union se donne pour objectif] de maintenir et de développer l’Union en tant
qu’espace de liberté, de sécurité et de justice, au sein duquel est assurée la libre circulation des
personnes, en liaison avec des mesures appropriées en matière de contrôle des frontières extérieures,
d’asile, d’immigration, ainsi que de prévention de la criminalité et de lutte contre ce phénomène. »
278
Art. 6, paragraphe 2 UE : « L’Union respecte les droits fondamentaux tels qu’ils sont garantis par la
Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à
Rome le 4 novembre 1950, et tels qu’ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux Etats
membres, en tant que principes généraux du droit communautaire. »
279
H. Labayle, La Cour de Justice et l’espace de liberté, sécurité et justice, in R. Mehdi, L’avenir de la
justice communautaire : enjeux et perspectives, éd. La documentation française, 1999, p. 69.
88
lecture « renationalisée » des droits fondamentaux y consignés. Quant aux Institutions,
elles ont pris peu de risques à proclamer une Charte qui leur sera difficilement
opposable au contentieux : les droits consignés sont déjà respectés par les organes
normatifs de l’Union. Les obligations codifiées seront plus fréquemment opposées aux
Etats membres, dans leur œuvre d’exécution normative du droit communautaire, qu’aux
Institutions, ne serait-ce qu’en raison du fait que le juge communautaire de droit
commun demeure le juge national.
85 Plan. Il nous incombe donc de nous demander par quels moyens la Charte
peut servir l’intégration communautaire des valeurs partagées par la CEDH et par les
traditions constitutionnelles communes, et de déterminer si elle renforce les liens
juridiques, politiques, économiques et sociaux entre les Etats membres et entre les
peuples (A). Puis, nous tenterons de mesurer l’impact de la Charte sur l’architecture
juridictionnelle de l’Union (B).
A) Des valeurs partagées par les Quinze
86 Charte et principes moraux communs. Sans doute est-ce M. L’Avocat
général Philippe Léger, dans ses conclusions sous l’affaire C-353/99 P, Hautala,
présentées le 10 juillet 2001280, qui relève le mieux la richesse et l’ambivalence de la
valeur des droits consacrés dans la Charte : « Certes, il convient de ne pas ignorer la
volonté clairement exprimée des auteurs de la charte de ne pas la doter de force
juridique obligatoire. Mais, toute considération relative à sa portée normative mise à
part, la nature des droits énoncés dans la charte des droits fondamentaux interdit de la
considérer comme une simple énumération sans conséquence de principes purement
moraux. Il importe de rappeler que ces valeurs ont en commun d'être unanimement
280
Conclusions de M. l’avocat général Léger sous CJCE, aff. 353/99 P, Hautala, non-publiées au Recueil.
89
partagées par les États membres, qui ont choisi de les rendre visibles en les consignant
dans une charte, afin de renforcer leur protection. La charte a indéniablement placé les
droits qui en font l'objet au plus haut niveau des valeurs communes aux États membres.
Il est admis que les valeurs politiques et morales d'une société ne se retrouvent
pas toujours en totalité dans le droit positif. Cependant, lorsque des droits, des libertés
et des principes sont, comme dans la charte, décrits comme devant occuper le plus haut
niveau des valeurs de référence au sein de l'ensemble des États membres réunis, il
serait inexplicable de ne pas y puiser les éléments qui permettent de distinguer les
droits fondamentaux des autres droits.
Les sources de ces droits, énumérées dans le préambule de la charte, sont pour
la plupart dotées d'une force contraignante au sein des États membres et de l'Union
européenne. Il est naturel que les normes du droit positif communautaire tirent profit,
en vue de leur interprétation, de la position des valeurs auxquelles elles correspondent
dans la hiérarchie des valeurs communes.
Comme le laissent supposer la solennité de sa forme et de la procédure qui a
conduit à son adoption, la charte devrait constituer un instrument privilégié servant à
l'identification des droits fondamentaux. Celle-ci est porteuse d'indices qui contribuent
à révéler la véritable nature des normes communautaires de droit positif. »281. A son
instar, nous pouvons relever combien la nature même des droits consolidés dans la
Charte, commande de transcender leur impérativité morale pour leur conférer une force
contraignante. Reste à attendre la réponse de la Cour qui, dans l’arrêt Hautala, se voit
281
Ibid., points 80 à 83. Que le lecteur veuille bien nous pardonner la longueur de cette citation, mais
celle-ci révèle toute la subtilité d’une Charte qui, bien que dépouillée de valeur formelle, est rehaussée
d’une valeur juridique et morale indéniable. Cet extrait des conclusions de l’Avocat général Léger
constitue sans doute l’une des meilleures traductions de la lettre et de l’esprit de la Charte.
90
offrir l’occasion de dépasser le mandat confié à la Convention par les autorités
politiques de Cologne et de Tampere.
87 Principes constitutionnels communs – Approche matérielle. En somme,
selon l’avocat général Léger, il est possible, grâce à la Charte, de distinguer les droits
fondamentaux des autres droits garantis au sein de l’Union. Cette présentation est
parfaitement conforme au mandat des Conseils européens de Cologne et de Tampere.
Mais elle postule que les valeurs communes dont s’agit soit toutes retranscrites dans la
Charte, et qu’elles le soient entièrement. Or, dans la mesure où le droit interne est un
droit vivant et mouvant, et dans la mesure où la Convention a du arbitrer entre certains
principes pour ne retenir que ceux qui sont conformes au droit positif à un moment
donné, l’intangibilité des principes énoncés n’est pas acquise. Et l’exercice devient plus
ardu, et plus intéressant, dès lors qu’il s’agit, au for des ordres juridiques nationaux,
d’extraire – pour les mettre en exergue – les valeurs communes aux Etats membres
délaissées de la Charte. Comment identifier les principes dont il est question et qui sont
fondamentaux
tant
pour
la
personne
humaine
que
pour
l’ordre
juridique
communautaire ? Dans l’ensemble des constitutions nationales, ces principes sont
relativement peu nombreux, mais leurs implications sont immenses. Une approche
matérielle de droit constitutionnel comparé européen nous permet de recenser des droits
de première génération : la religion et la propriété viennent en tête, ensuite la liberté
personnelle, le droit à la sûreté et la liberté d’association, et en troisième lieu
l’inviolabilité du domicile, la liberté de réunion, la liberté de la presse et le droit au
juge282. Ce fonds commun de libertés peut toutefois avoir une densité normative
variable et une justiciabilité différenciée283.
282
C. Grewe et H. Ruiz-Fabri, Droits constitutionnels européens, PUF, coll. Droit fondamental, 1995, §§
124 et s., pp. 158 et s.
283
C. Grewe et H. Ruiz-Fabri, ibid., p. 159.
91
88 Principes constitutionnels communs – Approche structurelle. Cependant,
l’approche matérielle de droit constitutionnel comparé connaît également les limites
propres à toute approche matérielle. Ne faudrait-il pas étendre le champ de nos
investigations à l’ensemble des principes structuralistes des ordres juridiques nationaux,
notamment les principes procéduraux communs, aptes à garantir l’effectivité de la
jouissance des droits de l’homme ? Ces principes fondent un patrimoine commun pour
les démocraties284 : sous des formulations diverse, nous retrouvons, outre le respect des
droits de l’homme et des libertés fondamentales, le concept d’Etat de droit, l’existence
d’un contrôle de constitutionnalité confié à une juridiction spécialisée (une cour
constitutionnelle), la démocratie parlementaire, la séparation souple des pouvoirs avec
responsabilité du gouvernement devant le Parlement et la possibilité de dissolution du
Parlement, le renforcement de l’exécutif, le rôle croissant du juge et une certaine
conception de la démocratie locale. Force est de constater que les dispositions de la
Charte sont imprégnées de ces principes et valeurs communs, même si elle leurs donne
une expression épurée de toute considération constitutionnaliste. Par l’alinéa 2 de son
Préambule, la Charte se réfère à la quintessence des constitutions nationales, mais ne
l’intègre qu’imparfaitement dans l’ordre juridique communautaire.
B) L’impact de la Charte sur les rapports
inter-institutionnels
89 Une
proclamation
conjointe
des
Institutions
communautaires.
Symbolique unité des Institutions face aux droits fondamentaux, la proclamation de la
Charte des droits fondamentaux par les Institutions285 constitue un « message clair
284
C. Grewe et H. Oberdorff, Les constitutions des Etats de l’Union européenne, éd. La documentation
française, coll. Retour aux textes, Paris, 1999, p. 16 et s.
285
C’est-à-dire par le Conseil, la Commission et le Parlement européen. La Cour de Justice et la Cour des
Comptes sont exceptées, car ce sont des autorités judiciaires, dépourvues en principe de tout pouvoir
92
hautement symbolique »286 à destination des citoyens, des Etats membres et des Etats
candidats à l’adhésion. En effet, même sans valeur juridique formelle, la Charte engage
ainsi les trois organes chargés du « pouvoir législatif » communautaire, à respecter non
seulement les droits codifiés, mais également les principes généraux qui les ont inspirés.
Rédigée « comme si » elle devait s’insérer dans les traités, la Charte des droits
fondamentaux de l’Union européenne ressemble parfois plus à un code de bonne
conduite qu’à une déclaration de droits. Bien sûr, le dernier alinéa du Préambule287
suggère que l’intégralité des droits s’impose aux Institutions et aux organes. Mais les
droits et principes directement opposables aux Institutions sont relativement peu
nombreux : le droit d’accès aux documents administratifs288, le principe de bonne
gouvernance289, le droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial290, et les
droits de la défense291. Les Institutions et organes de l’Union ne sont d’ailleurs
expressément cités qu’à l’article 41, paragraphes 1 et 3. Le Parlement européen apparaît
à l’article 39, lequel traite du droit de vote et d’éligibilité aux élections du Parlement
européen. En somme, la Charte semble bien plus sûrement opposable aux Etats
membres qu’aux Institutions qui l’ont proclamée.
politique, et donc de la capacité de proclamer une Charte. Leur devoir de réserve les oblige à ne pas porter
d’appréciation globale sur le droit qu’on leur demande d’appliquer. Même si, paradoxalement, la
substance des droits reconnus dans la Charte est révélée… par le juge !
286
V. A. Gruber, La Charte des Droits fondamentaux et l’Union européenne : un message clair
hautement symbolique, Petites Affiches n°15, 22 janvier 2001, pp. 4-17.
287
« En conséquence, l’Union reconnaît les droits, les libertés et les principes énoncés ci-après. »
288
Article 42 de la Charte. V. supra paragraphe 55 et s.
289
Article 41 de la Charte. V. CJCE, 27 mars 1990, aff. C-10/88, Italie c/ Commission, Rec. 1990, p. I
1229. Ce principe résulte également d’une lecture a contrario de l’article 43 de la Charte, portant droit de
saisine du médiateur.
290
Bien que cet article n’aille pourtant pas jusqu’à consacrer un droit d’accès au prétoire de la Cour de
Justice, les principes y contenus lui sont applicables. V. infra.
291
Article 48 de la Charte.
93
90 La Charte et les procédures normatives. Si les Etats comme les Institutions
ont l’obligation morale de respecter les droits fondamentaux tels que consignés dans la
Charte, leur justiciabilité intrigue. Deux questions essentielles, ayant trait aux rapports
entre les Etats et les Institutions, conditionnent l’avenir de la Charte : les Etats membres
pourront-ils invoquer la Charte à l’occasion d’un contentieux en manquement initié par
la Commission, pour exciper d’une exception d’illégalité d’un règlement ou d’une
directive ? Un recours en annulation pourra-t-il être introduit par une Institution ou un
Etat au nom de l’un de ces droits fondamentaux s’il estime que celles-ci n’ont pas
adopté ou ont incomplètement adopté les règlements ou directives nécessaires à la
jouissance harmonieuse des droits fondamentaux ? Si la CJCE s’en tient à une lecture
littérale des articles 220 et 226 à 228 CE292, la Charte n’étant pas encore incorporée
dans les traités ne devrait pas bénéficier d’une invocabilité formelle dans le cadre d’un
contentieux en manquement. A l’inverse, méconnaître la Charte pourrait constituer, non
une violation du présent traité, mais une infraction à « toute règle de droit relative à son
application »293. En somme, si la Charte n’est que potentiellement applicable au
contentieux en manquement, elle nous semble immédiatement opposable aux
Institutions au contentieux de la légalité.
91 Conclusion du chapitre. Par delà les problèmes de lisibilité et les
conséquences néfastes liées à leur extrapolation, nous pouvons garder un sentiment de
satisfaction globale : la Charte n’est pas le texte empreint de byzantinisme juridique que
l’on craignait. Le mérite de sa rédaction, qui traduit également sa plus grande faiblesse,
est qu’elle se situe à cheval sur trois ordres juridiques aux divergences avérées : l’ordre
juridique national, l’ordre juridique communautaire et l’ordre juridique conventionnel
des droits de l’homme. Texte de compromis, la Charte des droits fondamentaux de
l’Union européenne ressemble parfois à un texte de compromission, surtout si nous
292
Lesquels fondent la base juridique du recours en manquement.
293
Art. 230 al. 2 CE (nous qui soulignons).
94
nous penchons sur les normes d’application contenue dans la Charte. Cependant la
recherche de l’effectivité n’est pas un travail aisé, et la Charte peut encore, en la
matière, révéler de bonnes surprises…
95
TITRE SECOND :
L’HARMONISATION DES
MECANISMES DE GARANTIE ET
D’EFFECTIVITE
92 Plan. Curieux mélange d’argile et d’or, la Charte des Droits fondamentaux se
caractérise aussi par un étrange paradoxe : d’une part elle synthétise, pour en assurer une
lecture unitaire, un corpus de normes fondamentales disparates, déjà en vigueur dans
l’Union, d’autre part la Charte réserve aux Etats une marge de manœuvre suffisante
pour que ceux-ci préservent leurs identités nationales, lesquelles s’expriment
notamment à travers les droits fondamentaux. Toutefois, cette latitude laissée par la
Charte ne doit pas leurrer : si l’autonomie institutionnelle et procédurale est préservée
en matière de droits fondamentaux, elle ne peut aller jusqu’à rendre en pratique
impossible ou difficilement accessible l’accès à une garantie effective des droits294. Tout
au plus offre-t-elle la possibilité d’adapter les droits de la personne au contexte social
(chapitre II). Une question demeure : est-il opportun de préserver, dans une Europe sans
cesse plus soudée et plus étroite, une « uniformité différenciée » des droits
fondamentaux ? Le principe d’application uniforme des droits fondamentaux
communautaires se concilie-t-il avec le choix politique de maintenir une « intégration
dans la diversité »295 des droits processuels ? (chapitre I)
294
CJCE, 9 mars 1978, aff. 106/77, Simmenthal, Rec. 1978, p. 629.
295
La question du respect des spécificités nationales a connu un regain d’intérêt dans la doctrine, au point
que la Revue du Marché commun et de l’Union européenne lui a consacré, à partir de janvier 2001, une
rubrique régulière, sous la direction de Pierre Maillet et sous le titre « l’Intégration dans la Diversité »…
96
PREMIER CHAPITRE : LE PRINCIPE D’APPLICATION
UNIFORME EN MATIÈRE DE DROITS DES PERSONNES
93 Application uniforme et principe d’universalité. Rechercher les éléments
propres à assurer une application uniforme des droits de l’homme par le biais de la
Charte nécessite tout d’abord de définir le groupe de titulaires aptes à bénéficier des
droits conférés. Or en matière de droits fondamentaux, le principe d’universalité prime.
Derrière ce principe se situe l’idée que partout, quelque chose est du à l’individu en
raison de sa nature, de sa qualité irréductible et imprescriptible d’être humain. De
célèbres textes se sont fait l’écho de ce principe d’universalité : la Déclaration des droits
de l’homme et du citoyen de 1789, ou la Déclaration universelle des droits de l’homme
(DUDH) de 1948 traduisent une vocation à l’universalité296. Toutefois, si les droits de
l’homme tendent à l’universalité, ils sont freinés dans leur ascension par les réticences,
les objections et les désaccords des Etats, et nous pouvons dire, avec le professeur
Wachsmann, que si « les droits de l’homme sont donc un universalisme (ils s’adressent
à tous les hommes, sans distinction), ils ne sont pas universels »297. Si la Charte des
296
Ce texte n’est pas exempt de critique. La DUDH concilie mal les doctrines libérales et marxistes et,
selon F. Sudre, “ elle est avant tout l’expression de l’individualisme occidental et affirmer son
universalité, c’est affirmer que la conception occidental a vocation à l’universalité […] le concept
d’universalité n’est pas admis par tous et n’est pas… universel. ” (F. Sudre, Droit international et
européen des droits fondamentaux, op. cit., p. 41, point 22). Il est aisé d’affirmer l’universalité comme
idéal ou comme éthique, il est bien plus difficile, sinon impossible, de mettre en pratique ce principe ou de
lui donner un contenu juridique.
297
P. Wachsmann, Les Droits de l’Homme, éd. Dalloz, coll. Connaissance du droit, 1992, p. 45, cité par
F. Sudre, ibid.
97
droits fondamentaux n’emprunte que peu de principes à la DUDH298, la majorité des
droits qu’elle confère aux personnes demeurent emprunts de ce même esprit
d’universalité que l’on retrouve dans la Déclaration.
L’uniformité d’application de droits universels semble être le corollaire logique
de l’affirmation du principe d’universalité. Sans le principe d’application uniforme,
quelle portée aurait l’affirmation de libertés dans le chef de tout être humain ? Il serait
vide de sens de proclamer des droits propres à l’essence même des personnes pour leur
dénier ensuite toute effectivité. Sur la scène internationale, le principe « d’application
uniforme effective » peut se manifester de deux façons : soit les autorités nationales
reconnaissent et garantissent le droit en question au bénéfice de la personne concernée,
soit elles se soumettent à une autorité extérieure et indépendante299. Or, si le Droit
international des droits de l’homme est riche de textes revendiquant, dans le chef de tout
être humain, des droits et libertés propres, peu sont dotés d’un système de contrôle
juridictionnel, dominé par une cour habilitée à trancher les litiges les opposant aux
personnes victimes d’une violation de leurs droits fondamentaux300.
94 Application
uniforme
et
protection
prétorienne
des
droits
fondamentaux. Le système de contrôle de la Convention européenne des droits de
298
Seuls l’article 1er de la Charte, qui dispose : “ La dignité humaine est inviolable. Elle doit être
respectée et protégée. ”, et l’article 20 : “ Toutes les personnes sont égales en droit. ”, peuvent être
rattachés à la DUDH.
299
Nous pouvons classer les mécanismes internationaux de contrôle spécifiques aux droits de l’Homme en
deux catégories, selon qu’ils emploient des techniques juridictionnelles (caractéristique du modèle
européen), ou non-juridictionnelles (propre au système universel, par exemple le Comité des Droits de
l’Homme, instauré par l’article 29 du Pacte international sur les droits civils et politiques).
300
Seules deux conventions, d’assise régionale, organisent un contrôle juridictionnel des droits de
l’homme : la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales,
et la Convention interaméricaine des droits de l’homme. Leurs cours sont ouvertes aux particuliers, à
l’inverse des juridictions interétatiques classiques, qu’elles soient diplomatiques ou juridictionnelles.
98
l’homme, reposant sur le principe de garantie collective301, a donné aux droits
fondamentaux européens une dimension inégalée. La Cour européenne des droits de
l’homme veille, non seulement au respect des droits issus de la CEDH, mais également
à leur impulsion, selon le principe d’interprétation dynamique des droits de l’homme302.
Les arrêts de la Cour, revêtus de l’autorité de chose interprétée303, réalisent l’adaptation
prétorienne des droits de la Convention aux changements sociaux européens. Mais si la
Cour de Strasbourg est la seule interprète authentique de la Convention, la Cour de
Luxembourg, dans sa contribution à l’essor des droits fondamentaux dans l’ordre
juridique communautaire, s’est également inspirée de la Convention européenne des
droits de l’homme304, tantôt en reprenant à son compte la lettre, l’esprit, ou la
jurisprudence relatifs à la CEDH, tantôt en émettant des divergences305. Si les craintes
d’incompatibilités existent, les risques de heurts entre les jurisprudences respectives
doivent être relativisés306. Il n’en demeure pas moins qu’au nom du principe
d’application uniforme, une clarification de l’autorité respective des deux cours
européennes demeure souhaitable.
301
V. Cour EDH, 18 janvier 1978, Irlande c/ Royaume-Uni, A 25.
302
Selon ce principe, les droits de l’homme sont évolutifs. Ils s’interprètent de manière contextuelle, à la
lumière des valeurs propres de la société qui les a érigés en droits fondamentaux, de son développement
technologique, économique et social. V. F. Sudre, A propos du dynamisme interprétatif de la Cour
européenne des droits de l’homme, JCP éd. G, n° 28, 11 juillet 2001, pp. 1365-1368.
303
Cour EDH, 18 janvier 1978, Irlande c/ Royaume-Uni, op. cit., attendu 158.
304
En déduisant d’abord de celle-ci des « indications » (CJCE, 28 octobre 1975, Rutili, Rec. 1975, p.
1219 ; CJCE, 3 mai 1981, Pecastaing, Rec. 1981, p. 716), avant d’appliquer directement certains articles
de la Convention dans l’ordre juridique communautaire (CJCE, 17 décembre 1998, aff. C-185/95 P,
Bausthalgewebe GmbH, Rec. 1998, p. I-8417, s’agissant de l’article 6 CEDH ; CJCE, 8 juillet 1999, aff.
C 235/92 P, Montecatini SpA, Rec. 1999, p. I-4539, s’agissant des articles 10 et 11 CEDH).
305
V. par exemple les jurisprudences CourEDH, 30 mars 1989, Chapell, A 152 et 16 décembre 1992,
Niemietz c/ Allemagne, A 251-B, et CourEDH, Vermeulen et CJCE, Ord. 4 février 2000, Emesa Sugar c/
Aruba, Rec. 2000, p. I-665.
306
V. Constantinesco, Le renforcement des droits fondamentaux après Amsterdam, ronéotypé, op. cit.
99
95 En l’absence d’une adhésion formelle des Communautés à la CEDH307,
aucune hiérarchie structurelle – par la subordination de la Cour de Luxembourg à la
Cour de Strasbourg – ou matérielle – par une obligation de conformité de la
jurisprudence communautaire à la jurisprudence conventionnelle des droits de l’homme
- ne peut être instaurée. Si une telle adhésion paraît souhaitable308, avec les
conséquences techniques qu’elle entraîne, il n’en demeure pas moins que les deux
juridictions européennes des droits de l’Homme ont, dans l’ensemble, collaboré en
bonne intelligence. Le principes d’universalité et d’application uniforme des droits de
l’homme n’étant pas absolus, ils ne soumettent pas les jurisprudences respectives à une
obligation de conformité, mais à une recherche de compatibilité. Or il n’est pas certain
que la Charte des droits fondamentaux soit extrêmement rigoureuse à ce propos.
96 Plan. C’est surtout au regard des exigences propres aux principes
d’application effective et d’application uniforme que la Charte laisse sceptique (section
II). A l’inverse, s’agissant du principe d’universalité, la Charte respecte et encourage la
reconnaissance de droits au bénéfice de tous les individus (section I) : la grande majorité
des droits reconnus sont proclamés au bénéfice de « toute personne », sans
discrimination. Cette universalité n’empêche pas la détermination de catégories de
bénéficiaires spécifiques.
SECTION I : L’UNIVERSALITE DES DROITS
97 Processus de spécification. La détermination de catégories de bénéficiaires
spécifiques, dépassant les droits civils et politiques ou économiques et sociaux attribués
307
CJCE, avis 2/94 du 28 mars 1996, Adhésion de la Communauté à la Convention de sauvegarde des
droits de l’homme et des libertés fondamentales, Rec. 1996, p. I-1759, op. cit.
308
F. Benoît-Rohmer, L’adhésion de l’Union à la Convention européenne des droits de l’homme, RUDH
n°1-2, 15 septembre 1995, pp. 58-60.
100
à « toute personne », n’est pas un phénomène nouveau, même si la Charte en constitue
une expression particulière. En effet, la dynamique propre aux droits fondamentaux
invite à dépasser l’égalité purement arithmétique au profit d’une égalité différenciée.
L’égalité ne signifie pas l’égalitarisme. Autrement dit, une conception purement
égalitariste des droits de l’homme, laquelle attribue les mêmes droits à tout un chacun,
ne reconnaît pas la situation spécifique de certaines personnes ou de certains groupes de
personnes. La doctrine lui préférera une conception égalitaire des droits de l’homme, qui
consiste à prendre en compte certaines caractéristiques propres à des minorités qu’il faut
protéger. C’est pourquoi, loin de violer le principe d’universalité des droits
fondamentaux, le processus de spécification l’honore et complète le catalogue de droits
découlant de ce principe.
98 L’expression « processus de spécification » est attribuée, par Franck
Moderne309, à M. Bobbio310, lequel conçoit ce processus de concrétisation comme « le
passage graduel, chaque fois plus accentué, à une détermination ultérieure des sujets
titulaires de droits fondamentaux ». Conformément à la fiction juridique de l’homo
juridicus, les titulaires des droits dits de « première » ou de « deuxième » génération,
voire de « troisième » génération, sont désignés en termes catégoriels (« homme »,
« citoyen ») ou en termes génériques (« tous », « chacun », etc.). Une telle généralisation
faisait fi des situations concrètes, du contexte économique et social, ou de la situation
culturel ou politique de la personne. Or, c’est précisément la lutte contre la
discrimination qui invite à une différenciation, non pas péjorative et aliénante, mais
appliquée de manière positive. Le but de ces discriminations positives est de garantir le
droit à la différence de certaines minorités, et de prévenir toute violation des droits de
309
V. F. Moderne, La notion de droit fondamental dans les traditions constitutionnelles des Etats
membres de l’Union européenne, in F. Sudre et H. Labayle, Réalité et perspectives du droit
communautaire des droits fondamentaux, op. cit.
310
V. N. Bobbio, L’Età dei diritti, Einaudi, Turin, 2e éd., 1992 ; N. Bobbio, Derechos del Hombre y
Filosofia de la Historia, Anuario de derechos humanos, Madrid, n°5, pp. 27 et s., spéc. p. 37.
101
groupes sociaux considérés comme défavorisés311. Des régimes particuliers sont édictés
et assurent la jouissance de droits fondamentaux propres aux catégories protégées312. En
toute hypothèse, « l’idée sous-jacente, qui justifie l’apparition de nouveaux droits, est
que ceux-ci sont nécessaires pour rétablir des équilibres que l’évolution sociale a
perturbé et qu’en conséquence, la sélection des titulaires est la condition même de
l’efficacité de ces droits. »313.
99 Plan. La Charte respecte le principe d’universalité et le consacre en la quasitotalité de ses dispositions. Toutefois elle sait également reconnaître diverses catégories
de bénéficiaires (§1), leur réservant, ponctuellement mais expressément, la jouissance
de droits et libertés propres. Or, le principe d’universalité, est-il besoin de le rappeler,
n’est pas spécifique au droit communautaire. Si ce principe constitue le « Nombre
d’Or » dans l’architecture interne de la Charte, il existe aussi au sein des autres ordres
juridiques européens. Autrement dit, l’attribution de droits à toute personne implique
des interconnexions entre l’ordre juridique communautaire et les autres ordres
juridiques européens, déterminantes pour le déploiement de la Charte en Europe (§2).
311
Des régimes spéciaux ont ainsi été proclamés, au bénéfice des femmes, des enfants, des handicapés,
des prisonniers, des personnes âgées, des minorités sexuelles, etc.
312
La question peut se poser de savoir si les catégories de « consommateurs » ou « d’usagers du service
public » constituent ou non des catégories susceptibles de protection. Si quelques constitutions nationales
ont admis une protection spécifique des individus ayant ces qualités, leur élection au titre de « minorités »
laisse dubitatif.
313
F. Moderne, La notion de droit fondamental dans les traditions constitutionnelles des Etats membres
de l’Union européenne, op. cit.
102
§1) Les différentes catégories de bénéficiaires
100 Typologie des catégories retenues. Cette question, qui semblait complexe
au départ des travaux, a été résolue de manière pragmatique : chaque droit détermine ses
titulaires. Dans le respect du principe d’universalisme, la plupart des droits reconnus
sont conférés à « toute personne », c’est-à-dire tout individu ou toute personne morale
relevant de la juridiction des Etats membres de l’Union, indépendamment de sa
nationalité ou de son lieu de résidence. Toutefois les citoyens de l’Union bénéficient
d’une protection spécifique. D’autres catégories de personnes sont protégées à raison
d’une vulnérabilité particulière : les enfants (articles 24 et 32 de la Charte), les
personnes âgées (article 25), les personnes handicapées (article 26) et les femmes
enceintes ou jeunes mères (article 33, paragraphe 2). D’autres, enfin, sont protégés pour
des motifs socio-professionnels : les travailleurs (articles 27, 28, 30 et 31).
101 Cependant, l’attribution de droits à certains groupes n’est pas complète ; la
Charte n’épuise pas toute la logique du processus de spécification314. Tout d’abord, nous
relevons des libertés fondamentales qui n’ont pas de titulaires déterminés315. Ceci tient
au fait que certaines dispositions n’établissent pas des droits subjectifs qui puissent être
directement invoqués par des individus, mais plutôt des principes opposables aux
organes communautaires et aux autorités nationales dans l’exercice de leurs
compétences316. Tel est le cas, par exemple, de l’accès aux prestations de sécurité
sociale (article 34, paragraphe 1 de la Charte). Dès lors, s’il est délicat d’interpréter et
d’évaluer la portée pratique de ce silence, il serait absurde d’affirmer des droits qui ne
protègent personne. Les principes d’effet utile et d’universalité supposent dans ce cas
314
Ce qui complique tout de même la lisibilité d’ensemble de la Charte, v. titre I, chap. II.
315
Ce qui ne signifie pas que les bénéficiaires de ces dispositions soient indéterminables…
103
que tout individu puisse en être titulaire. Nous inclinerons donc en faveur d’un champ
d’application ratione personae maximal. En outre, la Charte n’opère pas de
cloisonnement étanche entre les différentes catégories sus-énumérées. Certains droits
sont simultanément reconnus au bénéfice de plusieurs groupes de bénéficiaires. Au titre
de ces droits partagés, nous relèverons le droit d’accès aux documents administratifs
(article 42), la saisine du médiateur (article 43) et le droit de pétition devant le
Parlement européen (article 44), alloués à la fois aux citoyens et citoyennes de l’Union
et aux personnes résidents dans l’Union. D’autres droits des citoyens peuvent être
étendus au bénéfice des ressortissants des pays tiers, à l’instar de la liberté de circulation
et de séjour (article 45 § 2).
102 Plan. En matière de sélection des bénéficiaires, la Charte est donc
relativement souple. Les rédacteurs de ce corpus européen de droits fondamentaux ont
allié formulations générales et tournures particulières, non seulement pour garantir les
droits présents dans le patrimoine des individus, mais également pour préserver – sans
le révéler entièrement – un potentiel de droits nouveaux au bénéfice des minorités. A
l’heure de la revalorisation de la place des femmes, le lecteur notera la
« genderisation »317 de la Charte, qui porte protection des personnes (B), et non plus
simplement des « hommes », désignation abusivement érigée au rang de terme
universel. Toutefois, il nous faut au préalable cerner la géographie et les populations
protégées : une distinction doit être opérée entre ressortissants communautaires et
ressortissants extra-communautaires (A).
316
Communication de la Commission du 13 septembre 2000, COM(2000) 559 final, Communication sur
la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, point 25, p. 8.
317
F. Benoît-Rohmer, La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, Dalloz n°19, 10 mai
2001, p. 1488. Toutefois, l’article 53 revient au terme générique de « droits de l’Homme » ; la parité n’a
pas encore entièrement conquis la linguistique des hautes instances de l’Union !
104
A) Ressortissants communautaires et ressortissants des Etats
tiers
103 Charte et citoyenneté. L’insertion, dans une charte de droits dits
fondamentaux, d’un chapitre protégeant spécifiquement le citoyen, qui constitue une
exception au principe d’universalisme, est justifiée si l’on considère la citoyenneté
comme fondement d’une protection plus avancée des droits de l’homme, par rapport au
système général. Au sein de l’ordre juridique communautaire, la Charte des droits
fondamentaux reprend, sans les développer ni les amoindrir, les droits des citoyens et
citoyennes de l’Union déjà affirmés dans le droit originaire318. Cette absence de tout
progrès n’est guère étonnante : d’une part, la Charte n’a pas vocation à développer
l’acquis, mais a bien pour but de codifier le droit positif, d’autre part la citoyenneté et
les droits y afférents sont un sujet délicat. La frilosité des Etats membres - dont a hérité
la Convention - tient au fait que l’émergence de droits propres à la citoyenneté n’est pas
indifférente de la forme politique de l’Union319. Au résultat, les citoyens et citoyennes
disposent de droits propres et de droits partagés avec d’autres catégories de personnes.
Les droits propres sont les droits de participation politique (la liberté de réunion et
d’association au sein d’un parti politique européen320 le droit de vote et d’éligibilité aux
élections du Parlement européen321 ainsi qu’aux élections municipales322) et la liberté de
circulation323. Les droits partagés sont des extensions de droits réservés dans les traités
aux titulaires de la citoyenneté à d’autres catégories de bénéficiaires. Il s’agit des droits
318
Art. 17 à 22 CE.
319
V. D. Simon, Les droits du citoyen de l’Union, RUDH n°1-2, 15 septembre 2000, p. 22.
320
Art. 12, paragraphe 2 de la Charte.
321
Art. 39 de la Charte ; art. 19, paragraphe 2 CE.
322
Art. 40 de la Charte ; art. 19, paragraphe 1 CE.
323
Art. 45, paragraphe 1 de la Charte ; art. 18, paragraphe 1 CE.
105
à une bonne administration324, à l’accès aux documents du Conseil, du Parlement
européen et de la Commission325, au médiateur326, et enfin le droit de pétition devant le
Parlement européen327.
104 Ni la Charte ni le droit communautaire ne sont pourtant l’unique creuset de
la citoyenneté européenne. Si nous nous reportons aux contributions du Conseil de
l’Europe328, rédigées par le juge Fischbach, « grâce à la Convention [de Rome], toute
personne en Europe a le droit de porter les violations alléguées de la Convention
devant la Cour de Strasbourg, qui a mis en place ce qui est considéré comme le plus
efficace des mécanismes internationaux en matière de protection des droits de l’homme.
Son existence s’est avérée constituer une protection importante pour les citoyens
européens. »329. Sans contester la véracité de ces propos, nous pensons utile toutefois de
dissiper quelque risque d’ambiguïté. Le juge Fischbach se place à la fois sur le terrain de
l’universalité (toute personne) et de la citoyenneté (les citoyens), sans préciser qu’il se
réfère à la citoyenneté nationale. En effet, si la citoyenneté européenne se superpose à la
citoyenneté nationale sans la remplacer, aucune disposition du traité n’offre à ses
titulaires de base légale pour saisir la Cour européenne des droits de l’homme. Or, la
Charte attribue des droits spécifiques aux citoyens de l’Union. Comment comprendre la
324
Art. 41 de la Charte. Il est étrange qu’un droit universel (les quatre alinéas de l’article 41 se référant à
« toute personne ») soit inséré dans un chapitre consacré à la citoyenneté... Est-ce une simple erreur
matérielle ou l’insertion de ce droit dans ce chapitre se révèle-t-elle la moins… inappropriée ? En effet, le
droit à une bonne gouvernance ne se rapporte ni à la dignité, li à l’égalité, ni à la solidarité, etc.
325
Art. 42 de la Charte, reprenant l’art. 255, paragraphe 1 CE.
326
Art. 43 de la Charte.
327
Art. 44 de la Charte.
328
Contributions du Conseil de l’Europe à la Charte des droits fondamentaux, par MM. Fischbach et
Krüger, du 17 décembre 1999 et du 21 février 2000 (http://www.consilium.eu.int/df/default.asp?lang=fr).
329
Ibid., p. 2, crochets ajoutés par nous, soulignement de l’auteur.
106
combinaison des articles 6, paragraphe 2 UE330, des droits du citoyens codifiés dans la
Charte et des clauses de standard minimum des articles 52 et 53 de la Charte ? S’il est
encore prématuré d’y lire une possibilité d’ouverture du prétoire de Strasbourg aux
citoyens de l’Union contre celle-ci ou contre les Communautés331, il n’est pas interdit de
penser que la Cour EDH, saisie d’une question sur les implications de la citoyenneté de
l’Union, ferait triompher son point de vue… dans la plus stricte légalité communautaire.
105 Principe d’universalité et ressortissants d’Etats tiers. Ainsi que nous
l’avons évoqué plus haut, la Charte effectue une distinction, légitime mais laborieuse,
entre les citoyens de l’Union, ressortissants communautaires, et les ressortissants
d’autres Etats membres. Légitime, une telle distinction l’est au regard des règles
classiques du droit international. Les Etats membres, regroupés en Union, sont appelés à
établir des lois applicables sur le territoire de l’Union, et réglementant les relations entre
leurs peuples respectifs. Par conséquent, en tant que reflet de cette réalité constitutive
des Communautés, la Charte concerne au premier chef les ressortissants des Etats
membres. Laborieuse, la distinction précitée l’est au regard des dispositions protégeant
les droits des étrangers. La Communauté n’a pas reçu de compétence pour légiférer au
bénéfice des ressortissants extra-communautaires. Cependant, cette incompétence
ratione personnae n’entraîne pas d’incompétence ratione materiae pour autant. C’est
pourquoi, dès l’instant où le ressortissant d’un Etat tiers tombe sous la juridiction d’un
Etat membre, il peut bénéficier des dispositions que la Charte reconnaît à son endroit.
330
A toute fin utile, rappelons sa première proposition : « L’Union respecte les droits fondamentaux tels
qu’ils sont garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés
fondamentales (...) »
331
V. CommEDH, 10 juillet 1978, CFDT c/ Communautés européennes, D. et R. n°13, p. 231 ;
CommEDH, 9 décembre 1987, Tête, D. et R. n°54, p. 52 ; CommEDH, 9 février 1990, M & Co c/
République Fédérale d’Allemagne, D. et R. n° 64, p. 138 ; CommEDH, 10 janvier 1994, Heinz c/ Etats
contractants également parties à la Convention sur le brevet européen, D. et R. n° 76 B, p. 125.
107
106 Malgré cela, il peut paraître choquant d’opérer, au sein d’une Charte
consacrée aux droits fondamentaux, une différenciation sur le fondement de la
nationalité332. La question peut ainsi se poser de savoir ce qui justifie que certains droits,
proclamés comme étant fondamentaux, soient réservés aux citoyens communautaires333,
citoyenneté dont nous savons qu’elle est établie sur le fondement de la nationalité des
Etats membres334. Ceci est d’autant plus étonnant que les droits expressément consacrés
aux ressortissants d’Etats tiers sont peu nombreux : la liberté professionnelle335, le droit
d’asile336 (indirectement) et, sous certaines conditions, la liberté de circulation et de
séjour337. Cependant, les étrangers non-communautaires pourront revendiquer la
protection accordée par d’autres dispositions de la Charte, sur le fondement de leur
appartenance à d’autres catégories, comme les droits attribués à « toute personne », ou
sur la base d’autres qualités, par exemple en tant que « travailleurs ». Si la clause de
non-discrimination338 joue pleinement, celle-ci peut être également une clé d’ouverture
de l’ensemble des droits de la Charte à leur bénéfice.
332
Une telle distinction étant, paradoxalement, prohibée par la Charte (v. art. 21 de la Charte) !
333
V. Supra, § 103.
334
L’article 2 literra 3 UE énonce, parmi les objectifs de l’Union : “ [...] renforcer la protection des droits
et des intérêts des ressortissants de ses Etats membres par l’instauration d’une citoyenneté de l’Union. ”.
L’article 17 CE dispose : « 1. Il est institué une citoyenneté de l’Union. Est citoyen de l’Union toute
personne ayant la nationalité d’un Etat membre. La citoyenneté de l’Union complète la citoyenneté
nationale et ne la remplace pas.
2. Les citoyens de l’Union jouissent des droits et sont soumis aux devoirs prévus par le présent traité. »
335
Art. 15, paragraphe 3 de la Charte.
336
Art. 18 de la Charte.
337
Art. 45, paragraphe 2 : “ La liberté de circulation et de séjour peut être accordée, conformément au
traité instituant la Communauté européenne, aux ressortissants de pays tiers résidant légalement sur le
territoire d’un Etat membre. ” (nous qui soulignons). Cet article est le seul de la Charte a être formulé sur
le mode de l’éventualité.
338
Art. 21 de la Charte, op. cit.
108
107 Une interrogation demeure : qu’advient-il des accords conclus à titre
individuel par les Etats membres ou des accords d’association établis entre la
Communauté et des Etats tiers, et contenant des dispositions préférentielles, à la lumière
de la clause de la nation la plus favorisée ? Cette dernière est-elle opposable aux
Institutions communautaires ? Dans une organisation internationale d’intégration, estelle invocable contre les Etats membres, par le biais de l’article 21 qui prohibe toute
discrimination ? Cette lecture audacieuse de la portée du principe de non-discrimination
s’accorde bien mal avec le mandat de Cologne, prohibant toute remise en cause de la
répartition des compétences entre l’Union et ses composantes339. Par contre, elle est
conforme au principe d’universalité qui imprègne la Charte.
B) Une Charte portant protection des “ personnes ”
108 Un accroissement des titulaires ? Les droits reconnus à « toute personne »
ou dont « nul » ne peut être privé sont le droit à la vie (article 2 de la Charte), le droit à
l’intégrité de la personne (art. 3 § 1), l’interdiction de la torture et des peines ou
traitements inhumains ou dégradants (art. 4), la prohibition de l’esclavage et du travail
forcé (art. 5), le droit à la liberté et à la sûreté (art. 6), au respect de la vie privée et
familiale (art. 7), à une protection des données à caractère personnel (art. 8), les libertés
de pensée, de conscience et de religion (art. 10), d’expression et d’information (art. 11),
et de réunion et d’association (art. 12 § 1), le droit à l’éducation (art. 14 § 1), la liberté
professionnelle et le droit de travailler (art. 15 § 1), le droit de propriété (art. 17 § 1), le
droit à une protection en cas d’éloignement, d’expulsion et d’extradition (art. 19 § 2),
l’accès à un service de placement (art. 29), le droit à une protection contre tout
licenciement lié à la maternité (art. 33 § 2), aux prestations de sécurité sociale (art. 34 §
2), à une protection de la santé (art. 35), à une bonne administration (art. 41), à un
recours effectif devant un tribunal impartial (art. 47), la présomption d’innocence et les
339
Conclusions du Conseil européen de Cologne, op. cit. et alinéa 5 du Préambule de la Charte.
109
droits de la défense (art. 48) ainsi que le bénéfice des principes de légalité et de
proportionnalité des délits et des peines (art. 49), et du principe non bis in idem (art. 50).
L’essentiel de la Charte est ici énuméré. Les droits concernés sont quasiment tous des
droits civils ou politiques, et hérités de la CEDH340.
109 Cependant, au nombre des « personnes » bénéficiant de dispositions
universelles, encore faut-il ajouter une distinction et un complément. La distinction se
retrouve à maints reprises dans la Charte, sous l’expression “ toute personne physique
ou morale ”341. Et ici réside une véritable innovation de la Charte : pour la première fois
sont définis, expressément dans le texte d’un instrument, plusieurs droits fondamentaux
au profit de personnes désincarnées. Certes, la jurisprudence de la Cour européenne
avait déjà ouvert son prétoire aux groupements et associations, et le protocole
additionnel a consacré le respect des biens de « toute personne physique ou morale »342.
Mais c’est bien la première fois que les personnes morales sont protégées343, au sein
d’un texte de droits fondamentaux, par des dispositions autres que patrimoniales, et au
même niveau que les personnes physiques. Le complément quant à lui se situe dans
l’expression « résidant ou ayant son siège social sur le territoire de l’un des Etats
membres »344. Cette exigence de localité, sans restreindre véritablement l’universalité du
droit, tend à le conditionner. Reste à apprécier la notion de « résidence » ; une simple
340
Telles qu’actualisées par la jurisprudence de la Cour, les dispositions reprises couvrent les articles 1 à
11 (excepté 4, paragraphe 3) et 13 CEDH, 1 et 2 du protocole additionnel, 1 du protocole 6, et 4 du
Protocole 7.
341
En ses articles 42 (droit d’accès aux documents), 43, (saisine du médiateur), 44 (droit de pétition).
342
Art. 1 du Protocole additionnel à la CEDH.
343
Même si une partie de la doctrine déplore la pauvreté de leur protection : J. Dutheil de la Rochère, La
Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, Regards sur l’Actualité, janvier 2001, p. 6.
344
Aux articles 34, paragraphe 2 (Sécurité sociale), 39, paragraphe 1 et 40 (droits de vote et d’éligibilité
au Parlement européen et aux élections municipales), 42 (droit d’accès aux documents administratifs), 43
(saisine du médiateur) et 44 (droit de pétition devant le Parlement européen) de la Charte.
110
élection de domicile ne devrait-elle pas permettre aux personnes de revendiquer le
bénéfice du droit, lorsque celui-ci est un droit fondamental ?
110 Une dénaturation de la discrimination positive ? Lorsqu’une personne,
physique ou morale, n’est pas désignée spécifiquement par la lettre de la Charte, elle
peut revendiquer au moins les droits fondamentaux dont bénéficient « toute personne »,
ainsi que les principes qui l’imprègnent lorsque ceux-ci sont justiciables345. En dépit des
efforts de la Convention pour accorder une discrimination positive à certaines catégories
de titulaires, les choix opérés dans l’attribution des droits et des libertés est porteur de
confusion : comme il existe des dispositions protégeant spécifiquement les personnes
morales, le lecteur sera tenté, indépendamment du principe d’universalité, de considérer
que la protection de « toute personne » se réfère uniquement aux personnes physiques.
D’ailleurs, pourquoi réserver la protection des personnes morales aux droits d’accès aux
documents, de saisine du médiateur et de pétition devant le Parlement européen… sans
généraliser d’autres droits et libertés, tel le droit de propriété346, pourtant attribué à
« toute personne physique ou morale » dans la CEDH ? Un tel manque de cohérence se
comprend d’autant plus mal, dans une Charte codificatrice du droit existant, que la
contribution du Présidium mentionne expressément l’article 1 du Protocole additionnel
à la CEDH comme source du paragraphe premier de cet article ! Alors, pourquoi cet
oubli générateur de confusion ?
345
V. la distinction proposée par G. Braibant entre droits, principes, et objectifs, op. cit.
346
Art. 17, paragraphe 1er de la Charte : « Toute personne a le droit de jouir de la propriété des biens
qu’elle a acquis légalement, de les utiliser, d’en disposer et de les léguer. Nul ne peut être privé de sa
propriété, si ce n’est pour une cause d’utilité publique, dans des cas et conditions prévus par une loi et
moyennant en temps utile une juste indemnité pour sa perte. L’usage des biens peut être réglementé par
la loi dans la mesure nécessaire à l’intérêt général ». La « juste et préalable indemnité » annoncée dans
la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, a muté en indemnité « en temps utile ». Le
droit communautaire n’exclut donc pas une expropriation pour cause d’utilité publique sans contrepartie
immédiate.
111
111 Mais il y a plus grave que le risque de confusion : le risque de banalisation
de la discrimination positive. Autrement dit, les catégories sociales nominativement
retenues dans la Charte sont critiquables dès lors qu’elles assimilent des sous-catégories
porteuses de revendications différentes. Ceci est patent dans les droits formulés de
manière indirecte, c’est-à-dire formulés comme des obligations générales à la charge des
Etats. Par exemple, l’article 22 de la Charte énonce : « l’Union respecte la diversité
culturelle, religieuse et linguistique. » Cela signifie-t-il que sont tolérés tous les
mouvements qui se revendiquent d’une religion, quelques soient leur respect des droits
de l’homme347? Qui appréciera, au nom de l’Union, le caractère religieux d’un
mouvement ? En définitive, les droits fondamentaux peuvent pâtir, dans leur ensemble,
des quelques incertitudes inhérentes à une protection indifférenciée. Cela n’empêche pas
la Charte de constituer un standard minimum de droits…
§2) La consécration d’un standard minimum
112 Plan. La portée universelle de la Charte des droits fondamentaux implique
que celle-ci déploie ses effets dans divers ordres juridiques. Cependant, l’application de
la Charte ne peut être monolithique. Chaque ordre juridique réceptionnera les droits
consacrés à la mesure de ses considérations pour les droits de l’Homme, de la place
qu’il leur accorde, des garanties qu’il organise, de l’interprétation qu’il en donne. De
subtiles nuances peuvent ainsi émerger de la variété des considérations, qu’elles soient
nationales, européennes, ou internationales. Cependant, sauf à dénaturer les droits
garantis, ces variations ne doivent pas prendre de vastes proportions. C’est pourquoi,
quelque soit l’ordre juridique dans lequel elle s’insère, la Charte, comme standard
minimum, doit conserver une application homogène. Réservant l’étude de ses rapports
avec le droit national à plus tard, nous nous consacrerons essentiellement à étudier
347
CourEDH, 18 décembre 1996, Valsamis c/ Grêce, spéc. §§ 25 et 26.
112
l’insertion de la Charte dans l’ordre juridique européen (A), puis nous verrons en quoi la
Charte peut dynamiser le Droit international des droits fondamentaux (B).
A) L’insertion de la Charte dans l’ordre juridique européen
113 Autonomie du droit de l’Union. Il est tout aussi important pour
l’effectivité de la protection et de la reconnaissance des droits des personnes, que la
charte s’intègre de façon harmonieuse dans l’ordre juridique européen que dans les
ordres juridiques des Etats membres. Or cette intégration ne doit remettre en cause
aucun principe fondateur de l’ordre communautaire, tel que le principe d’autonomie du
droit communautaire, érigé en règle constitutionnelle du système communautaire par les
arrêts Van Gend en Loos348 de 1963 et Costa contre ENEL349 de 1964, et par l’avis
1/91350. Dès lors, les traités communautaires constituent « plus qu’un accord qui ne
créerait que des obligations mutuelles entre Etats contractants »351.
Cette
caractéristique du droit originaire de l’Union plaide en faveur d’une applicabilité
immédiate matérielle, sans mesure de transposition ni perte d’identité, des droits
garantis par la Charte dans les divers ordres juridiques européens. S’agissant plus
précisément de son intégration dans l’ordre juridique de l’Union, la Convention a rédigé
la Charte « comme si » elle devait être intégrée dans les traités. Sans préjuger de la
volonté politique des Etats membres, force est de constater que si l’on avait préparé la
Charte comme l’on prépare une déclaration politique, le dernier chapitre de celle-ci,
348
CJCE, 5 février 1963, aff. 26/63, Van Gend en Loos, Rec. 1963, p. 3.
349
CJCE, 15 juillet 1964, aff. 6/64, Costa c/ ENEL, Rec. 1964, p. 1141.
350
CJCE, avis 1/91, 14 décembre 1991, Espace Economique Européen, Rec. 1991, p. I-6079.
351
CJCE, 5 février 1963, Van Gend en Loos, précité.
113
portant les « dispositions générales », le plus difficile et le plus âprement négocié, aurait
été superflu352. Ces clauses sont le ferment du futur succès de la Charte.
114 Charte et adhésion à la Convention européenne des droits de l’Homme.
Depuis l’avis 2/94353, la question de l’adhésion des Communautés ou de l’Union354 à la
CEDH pose des problèmes techniques. D’aucuns ont présenté, à tort, ce contre-temps
comme un refus judiciaire de l’adhésion, ou l’établissement d’un catalogue de droits
fondamentaux comme l’enterrement définitif de tout projet d’adhésion. L’adoption de la
Charte n’interdit pas aux Communautés d’adhérer à la CEDH. Longtemps la doctrine a
considéré qu’un saut qualitatif serait réalisé si les Communautés se dotaient d’un
catalogue de droits fondamentaux ou adhéraient à la CEDH. Or, la première n’exclut
pas la seconde. Au contraire, les multiples références de la Charte à des droits issus de la
CEDH, ainsi que la clause de standard minimum incluse dans l’article 53, plaident en
faveur d’une adhésion. Les obstacles techniques à l’adhésion semblent surévalués. Ainsi
que le relève Juliette Lelieur355 au sujet du Colloque organisé par l’IHEE à Strasbourg,
les 16 et 17 juin 2000 : « la plupart des orateurs de ces journées d’étude s’accordent
pour dire que la révision “ constitutionnelle ” des traités de l’Union imposée par la
Cour pour rendre possible l’adhésion est beaucoup plus simple qu’on ne le laisse
entendre ; certains d’entre eux la considèrent d’ailleurs comme souhaitable, notamment
Mme Benoît-Rohmer ». Et cette dernière de souligner les mérites de l’adhésion356 :
352
Communication de la Commission, COM(2000) 644 final, du 11 octobre 2000, Communication sur la
nature juridique de la Charte des Droits fondamentaux, points 7 et 8, p. 5.
353
CJCE, avis 2/94 du 28 mars 1996, Adhésion de la Communauté à la Convention de sauvegarde des
droits de l’homme et des libertés fondamentales, Rec. 1996, p. I-1759.
354
Même si cette dernière n’a pas encore de personnalité juridique aussi complète que la Communauté.
355
J. Lelieur, La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, L’Astrée n°12, octobre 2000, p.
83.
356
F. Benoît-Rohmer, L’adhésion de l’Union à la Convention européenne des droits de l’homme, RUDH
n°1-2, 15 septembre 1995, pp. 58-60.
114
soumettre les Institutions communautaires à un contrôle juridictionnel externe,
dynamiser les droits de l’homme, offrir aux individus des garanties procédurales
supplémentaires, éviter que la primauté du droit communautaire ne puisse être remise en
cause par les Etats membres, et accroître la crédibilité politique internationale de
l’Union.
B) La Charte : un creuset pour le droit international
classique
115 Charte et réserves aux traités. Nous savons que l’Etat français a
systématiquement opposé aux Hautes Parties contractantes des réserves visant à
protéger certaines dispositions constitutionnelles. La France entendait ainsi se réserver
toute latitude pour mettre en jeu l’article 16 de sa Constitution, lequel prévoit la remise
des pleins pouvoirs au Chef de l’Etat, sans causer aucune infraction aux traités ratifiés,
desquelles elle pourrait avoir à répondre. Or la Charte n’autorise aucune exception, ni ne
permet non plus aux Etats, bien que la garantie de la plupart des droits consacrés leur
incombe, d’émettre quelque réserve que ce soit. Mieux encore, la Charte opère une
remise en cause indirecte de certaines réserves, pourtant valides au regard du droit
international classique, par le biais de la clause horizontale de l’article 53. Par exemple
est remise en cause la très controversée réserve française à l’article 15 CEDH,
permettant d’obtenir un certain nombre de dérogations à la CEDH en cas de conflits,
« de guerre ou de danger public pour la vie de la nation ». De même, tous les Etats
membres ayant ratifié la Charte sociale européenne n’ont pas intégré les mêmes droits,
ou les ont assorti de réserves quand cela était possible. L’absorption des droits sociaux
dans la Charte s’analyse donc comme une impulsion donnée à la reconnaissance des
droits économiques et sociaux tels qu’issus de la CSE et incite à considérer les Etats liés
par certaines clauses auxquelles ils n’ont pas (ou pas encore) consenti.
116 Pour novatrice qu’elle soit, cette considération souffre cependant deux
précisions. La première est qu’il ne s’agit là que d’une interprétation. Extensive, cette
115
interprétation entre en concurrence avec d’autres interprétations possibles de la clause
de standard minimum de l’article 53357. En effet, la remise en cause des réserves à la
CEDH résulte d’une lecture évolutive tant de la lettre de l’article 53 que de l’esprit
général de la Charte, mus par la dynamique de la reconnaissance croissante des droits
fondamentaux dans l’Union. La seconde remarque consiste à considérer que la
renonciation implicite des Etats membres aux réserves formulées dans le cadre du
système conventionnel des droits de l’homme existait déjà en germe dans le traité sur
l’Union européenne, en son article 6358. Ce dernier, en se référant à la Convention de
Rome, présuppose une lecture unitaire de cette convention par les Etats membres de
l’Union. La Charte des droits fondamentaux ne ferait que communautariser cette lecture
unitaire, amputée de l’intervention du juge de Luxembourg359.
117 Charte, droits intangibles et jus cogens. Le jus cogens regroupe les
normes impératives du droit international général auxquelles aucune dérogation n’est
permise, et qui l’emportent en particulier sur les engagements contractuels. Les règles de
jus cogens ne peuvent être écartées, sinon par des règles de même nature360. Bien sûr,
nous ne prétendons pas que la Charte des droits fondamentaux codifie les règles de jus
cogens. Il faut la considérer comme un nouvel élément confortatif des droits de la
personne au cœur de l’ordre juridique international, participant de la reconnaissance
croissante de quelques droits fondamentaux comme règles du droit des gens. Si nous
admettons, à l’instar d’Augustin Mascheret, que « le domaine des droits intangibles de
la personne humaine est sans aucun doute celui où le concept de jus cogens trouve
357
V. infra, nos développements paragraphe 143, p. 137.
358
Op. cit., Introduction, § 4.
359
Sur la théorie de l’adhésion « de fait » à la CEDH, v. G. Cohen-Jonathan, L’adhésion de la
Communauté européenne à la CEDH, JTDE, n°17, 16 mars 1995, pp.49-53.
360
Art. 53 et 64 de la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969. V. P. Daillier et A. Pellet,
Droit international public, 5e éd. LGDJ, 1994, p.200 et s., § 129 ; F. Sudre, Droit international et
européen des droits de l’Homme, 4e éd. PUF, coll. Droit fondamental, p. 59 et s., §§ 42 et 43.
116
véritablement sa raison et sa raison d’être »361, alors nous devons également admettre
que la Charte présente certaines dispositions comme normes de jus cogens362.
La Charte, dotée des qualités nécessaires pour devenir un standard de protection,
déploie ses vertus fédératrices à travers plusieurs ordres juridiques qui se chevauchent et
s’interpénètrent. Toutefois, elle semble bien incapable de clarifier, de renforcer ou
d’harmoniser les systèmes procéduraux nationaux ou européens. L’effectivité de la
protection des bénéficiaires en pâtit, mais toute protection n’est pas réduite à néant.
SECTION II : L’EFFECTIVITE DE LA PROTECTION
DES BENEFICIAIRES
118 Les méthodes d’interprétation. L’effectivité de la protection des
bénéficiaires est largement conditionnée par le sens et la portée conférés aux
dispositions,
et
partant
par
les
méthodes
d’interprétation
des
conventions
internationales. Au sein de chaque ordre juridique, le juge livre une interprétation
authentique et enrichissante des droits garantis. Et la Charte n’échappera pas à
361
A. Mascheret, Le noyau intangible des droits de l’homme : sources nationales et internationales, in P.
Meyer-Bisch, Le noyau intangible des droits de l’homme, éd. Universitaires de Fribourg (Suisse), 1991,
272 p., spéc. pp. 40-43 et 63-66.
362
C’est indubitablement le cas de la dignité humaine, présentée comme étant inviolable et devant être
protégée (art. 1 de la Charte), et du principe d’imprescriptibilité des crimes internationaux (art. 49). Le
principe de liberté corporelle (art. 6 de la Charte) s’en rapproche désormais. Certains auteurs nient la
pertinence du recours au concept de jus cogens en matière de droits de l’Homme : F. Sudre, Droit
international et européen des droits de l’Homme, 4e éd. PUF, coll. Droit fondamental, p. 65, § 44.
117
l’interprétation jurisprudentielle363. Sans doute est-il nécessaire, pour anticiper les
futures dimensions des droits conférés, de rappeler les méthodes d’interprétation mises à
la disposition des juges.
119 L’interprétation évolutive. La Cour européenne des droits de l’homme
dispose d’une méthode d’interprétation originale : l’interprétation dite évolutive. La
caractéristique de ce mode d’interprétation réside dans sa dynamique. Selon le postulat
de la Cour EDH, la CEDH est un traité-normatif, non un traité-contrat (les obligations
assumées par les Hautes Parties contractantes ne sont pas soumises au principe de
réciprocité). Par conséquent, les dispositions de la CEDH sont constamment
réactualisées pour bénéficier d’un contenu concret, et s’évaluent à la lumière de
l’évolution sociale et des progrès scientifiques et techniques364. Il s’ensuit, selon
l’expression de L. Condorelli, un « processus de dilatation »365, qui permet aux droits
fondamentaux de gagner de plus en plus d’ampleur366, et offre à la CEDH une portée
extensive. Dans un article récent, le professeur Sudre a apporté une nouvelle critique à
la méthode d’interprétation évolutive. Selon lui, « La Convention européenne des droits
de l’Homme fait l’objet de la part du juge européen d’une interprétation progressiste
qui concourt sans conteste au développement des droits garantis. Il apparaît,
363
Le Tribunal de Première Instance nous a déjà livré une première prise en compte de la Charte dans
l’arrêt Mannesmannrörhen, op. cit., § 73. Si la Cour ne s’est pas encore prononcée, les conclusions des
Avocats généraux l’y incitent instamment. V. par exemple : Conclusions de M. S. Alber sous aff. C340/99, TNT Traco, rendues le 1er février 2001, non publiées au Recueil, point 94, Conclusions de M. J.
Mischo sous aff. jtes C-125/99 P et C-122/99 P, D. c/ Conseil, rendues le 22 février 2001, non publiées
au Recueil, point 97, ou les conclusions Philippe léger sous Hautala, op. cit., chapitre précédent, § 86.
364
E. Kastanas, Unité et diversité, notions autonomes et marge d’appréciation des Etats dans la
jurisprudence de la CEDH, éd. Bruylant, Bruxelles, 1996, 480 p.
365
L. Condorrelli, Commentaire de l’article 1 du Protocole n°1, in L.E. Pettiti, E. Decaux et P.-H. Imbert,
La Convention européenne des droits de l’homme, éd. Economica, Paris, 1995, pp. 971-997.
366
Pour un exemple d’application, dans le domaine social, de droits civils et politiques, v. CourEDH, 16
septembre 1996, Gaygusuz c/ Autriche, A n°14, Rec. 1996-IV, p. 1129.
118
contrairement à une idée reçue, que ce résultat est moins le produit d’une interprétation
de la Convention qui s’appuierait sur l’évolution commune des systèmes juridiques
nationaux que d’une démarche « constructive » du juge européen. »367. Ni le contrôle
d’opportunité ni l’appréciation politique ne seraient donc totalement absents de la
méthode d’interprétation dynamique.
120 Les méthodes d’interprétation systémique et téléologique. Pour garantir
l’effectivité de la protection des bénéficiaires, le juge communautaire a lui aussi
développer des méthodes d’interprétation des traités de Rome. La première est la
méthode d’interprétation systémique368, selon laquelle le juge apprécie une disposition
particulière du droit communautaire à l’aune de l’économie générale des traités. La
seconde est la méthode d’interprétation téléologique369. Fondée sur le principe de l’effet
utile des traités, cette seconde méthode permet de déduire, par une appréhension des
finalités de la Communauté, des conséquences insoupçonnées, tout en manifestant dans
l’interprétation du droit international une réserve plus grande.
121 Complémentarité des méthodes d’interprétation. Devant la diversité des
logiques juridiques employées par les juges européens, et suivant les méthodes retenues,
d’aucuns pourraient raisonnablement craindre un télescopage des jurisprudences dans
l’interprétation des droits garantis, qui aboutirait à un risque d’incompatibilité, sinon de
367
F. Sudre, A propos du dynamisme interprétatif de la Cour européenne des droits de l’homme, JCP éd.
G., n°28, 11 juillet 2001, p. 1365.
368
CJCE, 15 juillet 1964, aff. 6/64, Costa c/ ENEL, Rec. 1964 p. 1141. La méthode d’interprétation
systémique se réfère à l’originalité du système communautaire pour établir le contenu des droits et
obligations.
369
CJCE, 5 février 1963, aff. 26/62, Van Gend en Loos, Rec. 1963, p.3. La méthode d’interprétation
téléologique signifie que la Cour se réfère aux objectifs et à l’effet utile des traités pour éclairer,
compléter ou éventuellement édicter certains droits et obligations.
119
divergence entre la Cour de Strasbourg et celle de Luxembourg370. D’autant plus que les
méthodes employées par les juges européens semblent s’éloigner des règles classiques
de lecture fournies par le droit international général, notamment par la Convention de
Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités.. loin d’être concurrentes, les méthodes
d’interprétation des droits de l’Homme sont complémentaires. Que le juge raisonne de
manière systémique, téléologique ou dynamique, son interprétation se fondera toujours
sur la lettre et l’esprit des droits fondamentaux, à la lumière de leur développement en
Europe. Ces droits ressortent notamment, non pas d’un minimum commun synthétisé
par le juge à un moment donné – sorte « d’écart-type » calculé à partir de paramètres
hétéroclites – mais d’une systémique des contentieux nationaux et internationaux qui
dynamise la discipline unitaire des droits de l’Homme. Comme le relève Mlle RébeccaEmmanuèla Papadopoulou : « Le fait que la Cour interprète les textes […] en fonction
de leur économie, de leur but ainsi que de leur place dans le système du traité afin de
leur donner un maximum d’efficacité, démontre qu’elle a recours conjointement à
l’interprétation téléologique et systématique. »371 On serait tenté de compléter : « […] et
évolutive ». En somme, la gamme des méthodes d’interprétation des conventions
internationales s’inscrit tout entière dans la dynamique des droits fondamentaux.
122 Plan. Oscillant entre harmonisation et respect de l’autonomie nationale, à
cheval sur les ordres juridiques nationaux, communautaire, et conventionnel des droits
de l’homme, la Charte vient troubler le processus d’intégration des droits fondamentaux
en Europe, en enregistrant une certaine diffraction des mécanismes de garantie (§1).
D’aucuns se consoleront de constater que, malgré cette dispersion des garanties
procédurales, le droit d’accès au juge est à nouveau proclamé (§2). Malheureusement,
370
La doctrine s’accorde pourtant à dire que les risques sont sur-évalués : M. Darmon, La prise en compte
des droits fondamentaux par la CJCE, Rev. de Science criminelle n°1, janvier 1995, pp. 27. Contra F.
Benoît-Rohmer, L’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme,
op. cit., supra p. 59, qui aspire à une homogénéité de jurisprudence quasiment absolue.
371
R.-E. Papadopoulou, Principes généraux du droit et droit communautaire, éd. Bruylant, 1996, p. 56.
120
l’exceptionnelle variété des tribunaux et procédures nationaux risque de constituer une
entrave à la revendication concrète des droits de l’homme par les titulaires, préjudiciable
à l’intégration comme à l’effectivité des droits fondamentaux.
§1) Une diffraction des mécanismes de garantie
123 L’intégration dans la diversité. L’intégration des droits fondamentaux en
Europe n’est pas l’apanage de la Charte, non plus du système communautaire. Il est
essentiellement le fruit de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de
l’homme. La Convention européenne des droits de l’homme exprime une part de ce
« patrimoine commun » des démocraties occidentales, et ses dispositions constituent le
seuil minimal d’harmonisation des procédures internes des Hautes Partie contractantes.
Les dispositions dont s’agit sont les articles 6 (droit à un tribunal indépendant et
impartial) et 13 CEDH (droit à un recours effectif). La Convention de Rome n’a pas
pour objectif une uniformité absolue des droits internes, qui conservent leurs
caractéristiques spécifiques, quant au fond et quant à la procédure372. L’objectif réel de
la CEDH est d’harmoniser les ordres juridiques nationaux en fonction du minimum
commun de protection qu’elle définit373.
124 Intégration des procédures et objectifs. Au regard de l’œuvre accomplie
par le système conventionnel, nous pouvons nous demander si la Charte ne se montre
pas largement contre-productive. En effet, la justiciabilité des droits garantis par la
Charte est obscurcie par un double renvoi aux législations et pratiques nationales374,
mais également par la formulation indirecte de droits, présentés comme des principes ou
des objectifs devant être atteints. C’est le cas de la dignité humaine (article 1 de la
372
CourEDH, 26 avril 1979, Sunday Times, A 30, § 61.
373
F. Sudre, Droit international et droit européen des droits de l’homme, op. cit., § 197, p. 290.
374
V. infra Titre II, chapitre II, section I, premier paragraphe.
121
Charte), du droit de se marier et du droit de fonder une famille (art. 9), de l’objection de
conscience (art. 10 § 2), de la liberté et pluralisme des médias (art. 11 § 2), de la
participation de partis politiques européens (art. 12 § 2), de la liberté des arts et des
sciences (art. 13), de la création d’établissements supérieurs d’enseignement (art. 14 §
3), de la liberté d’entreprise (art. 16), de la propriété intellectuelle (art. 17 § 2), du droit
d’asile (art. 18), de la diversité culturelle, religieuse et linguistique (art. 22), de l’égalité
entre les hommes et les femmes (art. 23), du droit à une vie familiale (art. 33 § 1), du
droit d’accès à la sécurité sociale et à une aide sociale (art. 33, §§ A et 3), du droit
d’accès aux services d’intérêt économique général (art. 36), du principe de
proportionnalité des délits et des peines (art. 49 § 3). Nul ne contestera la nécessaire
justiciabilité des droits ici évoqués. Cependant, leur formulation passive laisse, en
pratique, toute discrétion aux Etats membres pour organiser leur garantie effective de
ces droits.
125 Plan. De la contradiction née entre les liberté procédurales nationales et
l’harmonisation des droits processuels va naître un hiatus de la Charte, lequel risque de
pérenniser l’hétérogénéité des procédures nationales (A) sans offrir toutefois les
garanties propres au système de reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires (B),
qui souffre lui-même d’insuffisances.
A) L’hétérogénéité des procédures nationales.
126 Le principe d’autonomie institutionnelle et procédurale. L’hétérogénéité
des droits processuels nationaux est en grande partie due au principe d’autonomie
institutionnelle et procédurale, principe structurel de l’ordre juridique communautaire.
Selon ce principe, chaque ordre juridique national est libre d’organiser comme bon lui
semble son système judiciaire. En effet, si le juge communautaire peut affirmer à son
niveau la primauté de la norme communautaire, il n’a pas le pouvoir d’annuler la norme
nationale contraire. Il appartient aux autorités nationales, et en particulier aux
122
juridictions nationales, de neutraliser, dans l’ordre juridique national, les effets de la
norme déclarée incompatible avec les engagements des traités. Le célèbre arrêt
International Fruit Company375 synthétise ainsi ce principe : « […] lorsque les
dispositions des traités ou des règlements reconnaissent des pouvoirs aux Etats
membres ou leur imposent des obligations aux fins de l’application du droit
communautaire, la question de savoir de quelle façon l’exercice de ces pouvoirs et
l’exécution de ces obligations peuvent être confiés à des organes déterminés, relève
uniquement du système constitutionnel des Etats membres. »376. Ainsi, les Etats
membres voient la préservation, au niveau communautaire, de leurs procédures
nationales, quelles que soient les spécificités de celles-ci (la seule condition que les
droits fondamentaux internationaux leur impose, jusqu’à présent, est de garantir
l’effectivité d’accès à un tribunal377). Si ce principe a connu quelques aménagements,
sinon un revirement378, il imprègne encore fortement les rapports judiciaires entre la
Communauté et les tribunaux nationaux379.
127 L’absence de système communautaire de garantie des droits
fondamentaux. Si nous pouvons relever, dans le système communautaire, les indices de
mécanismes juridictionnels de garantie, force est de constater que la Charte ne contient
aucune disposition procédurale d’harmonisation des procédures nationales. Les
mécanismes existent, certes. Mais le système fait défaut. La Charte est respectueuse de
375
CJCE, 15 décembre 1971, aff. jtes 51 à 54/72, International Fruit Company, Rec. 1971, p. 1107. V.
également CJCE, 4 avril 1968, aff. 34/67, Lück, Rec. 1968, p. 294.
376
Ibid., cons. 4.
377
V. notamment CJCE, 15 mai 1986, Johnston, op. cit. ; art. 13 CEDH.
378
V. infra Chapitre II, Section I, paragraphe 1, A), § 161 nos développements sur le principe
d’encadrement de l’autonomie procédurale.
379
V. CJCE, 19 juin 1990, aff. C-213/89, Factortame, Rec. 1990, p. I-2433 : le juge national peut prendre
des mesures provisoires dans l’attente de l’arrêt définitif de la Cour, notamment pour prévenir
123
l’architecture juridictionnelle existante, c’est-à-dire d’un ordre juridique communautaire
dont les droits de l’Homme sont échafaudés au hasard de la casuistique, et des
revendications présentées au prétoire380. En codifiant les droits fondamentaux
clairsemés dans les textes communautaires, la Convention contribue à solutionner les
incomplétudes du système communautaire en matière de droits de l’Homme, afin que
s’accomplisse un véritable système communautaire de protection des droits
fondamentaux.
128 Un juge communautaire des droits de l’Homme. Compte tenu du
calendrier imparti à la Convention, nul ne pourra lui reprocher de ne pas avoir posé les
fonds baptismaux d’une instance communautaire des droits de l’homme, et rien dans la
Charte n’impose que les questions relatives aux droits fondamentaux soient tranchées
par un juge particulier ou ad hoc381. Les seules obligations procédurales incombant aux
juridictions des Etats membres, ainsi qu’aux chambres des juridictions et organes
communautaires, sont des obligations d’indépendance, d’impartialité, de diligence et de
publicité des audiences (art. 47 de la Charte). Toutefois, nous pouvons nous demander si
l’instauration d’un tribunal communautaire spécialisé dans les droits fondamentaux
serait de bon aloi. Le traité de Nice, en posant les prémisses d’une réforme de
l’architecture juridictionnelle communautaire, a prévu l’instauration de chambres de
l’imminence d’un préjudice grave et irréparable, pour garantir l’effectivité de l’arrêt futur ou pour
préserver les intérêts présents.
380
Lesquelles ne recoupent pas nécessairement toutes les revendications contemporaines en matière de
droits de la personne. V. FIDH, Une Charte des Droits fondamentaux pour l’Union européenne : un réel
progrès ?, Rapport n°287, novembre 1999, pp.4 et s.
381
Au sujet de l’architecture juridictionnelle, notons que, curieusement, nulle disposition de la Charte ne
garantit le double degré de juridiction…
124
recours spécialisées382. Or, rien dans le nouvel article 225 bis CE383 n’interdit la création
d’une chambre spécialisée dans les droits fondamentaux de l’Union européenne,
laquelle serait appelée à trancher les litiges relatifs à l’interprétation de la Charte.
Néanmoins, les droits fondamentaux ne constituent pas une discipline cloisonnée, mais
sont caractérisés par leur interdisciplinarité ; ils sont rarement violés de manière
autonome, et certains se rattachent nécessairement à d’autres contentieux portant sur
d’autres
droits
matériels384.
C’est
pourquoi,
l’instauration
d’une
juridiction
communautaire spécialisée dans les infractions aux droits essentiels, notamment les
violations de la Charte, risquerait fort d’aboutir à un éclatement du contentieux, sans
pour autant assurer l’harmonisation des procédures nationales.
B) La reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires
129 L’organisation d’un réseau judiciaire européen. La coopération judiciaire
en matière civile est principalement organisée par les articles 61 et 65 CE, ainsi que par
les conventions de Bruxelles et de Lugano, respectivement en date du 27 septembre
1968 et du 16 septembre 1988385. L’essentiel de la Convention de Bruxelles, pierre
382
Nouvel article 220 al 2 CE : « En outre, des chambres juridictionnelles peuvent être adjointes au
Tribunal de première instance dans les conditions prévues à l’article 225 bis pour exercer, dans certains
domaines spécifiques, des compétences juridictionnelles prévues par le présent traité. »
383
L’article 225 bis al 1 CE a un champ d’application particulièrement vaste : « Le Conseil, statuant à
l’unanimité sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen et de la Cour
ou sur demande de la Cour de Justice et après consultation du Parlement européen et de la Commission,
peut créer des chambres juridictionnelles chargées de connaître en première instance de certaines
catégories de recours formés dans des matières spécifiques. »
384
Ainsi en est-il de l’article 14 CEDH, jusqu’à une date récente, la Cour de Strasbourg n’a jamais
accordé d’autonomie à cet article. V. titre II, chapitre II, section II, paragraphe 1.
385
Convention de Bruxelles, du 27 septembre 1968, concernant la compétence judiciaire et l'exécution des
décisions en matière civile et commerciale, JOCE n° C 27 du 26 janvier 1998, p. 1 (version consolidée) ;
125
angulaire de la reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires en matière civile et
commerciale, a été communautarisé dans un règlement du Conseil386. Ceci constitue la
première étape de l’organisation d’un réseau judiciaire européen387, qui, si le titre
exécutoire européen était adopté, intégrerait davantage les droits processuels des Etats
membres, privant les procédures d’exequatur de toute utilité. D’autres textes normatifs
constitutifs de ce réseau judiciaire européen sont attendus. Même si les contributions
institutionnelles relatives à la mise en place du réseau judiciaire européen ne
mentionnent pas la Charte, celle-ci aura une influence particulière sur la manière dont se
construira cet espace.
130 L’inadéquation des procédures classiques en matière de droits
fondamentaux. Les mécanismes mis en place par les Conventions de Bruxelles et
Lugano ne permettent pas d’obtenir, dans l’Union, une totale satisfaction en matière de
reconnaissance mutuelle des décisions de Justice, et partant d’effectivité du droit au
juge. Cette insatisfaction survient particulièrement dans le domaine de l’état civil, et de
manière criante en matière de régimes matrimoniaux. Jusqu’à ce jour, aucune procédure
de reconnaissance mutuelle ne vient harmoniser les droits procéduraux des Etats
membres. Dès lors, le droit communautaire ne protège pas contre l’absence de
Convention de Lugano, du 16 septembre 1988, concernant la compétence judiciaire et l'exécution des
décisions en matière civile et commerciale, JOCE n° L 319 du 25 novembre 1988, pp. 9 – 33.
386
Règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la
reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale JOCE n° L 12 du 16 janvier
2001 pp. 1 – 23.
387
V. Conclusions du Conseil européen de Tampere, points 33 à 38. V. également, la décision du Conseil,
du 28 mai 2001, relative à la création du Réseau judiciaire européen en matière civile et commerciale,
Bull. UE 5-2001, point 1.4.9. ; V. enfin, la Communication de la Commission au Parlement européen et
au Conseil, du 23 mai 2001, COM(2001) 278 final, Mise à jour du tableau de bord pour l’examen des
progrès réalisés en vue de la création d’un « espace de liberté, de sécurité et de justice dans l’Union
européenne », p. 17.
126
reconnaissance par l’administration d’une union légalement établie388 dans un Etat
membre entre deux individus, dès lors que le couple use de sa liberté de circulation et
d’établissement. La Cour européenne des Droits de l’homme continue de ménager la
marge de manœuvre nationale en matière d’état civil389. Le système européen des droits
de l’homme semble donc moins protecteur de la vie privée et de l’état des personnes
appartenant à certaines minorités que ne le laisse espérer l’article 9 de la Charte.
En définitive, y compris au sein de la Charte, la reconnaissance mutuelle des
décisions judiciaires demeure incomplète. La possibilité pour toute personne de saisir le
juge comblera-t-elle les lacunes des procédures européennes ?
§ 2 ) L’accès à un tribunal
131 L’article 47 de la Charte. Que les procédures nationales soient
uniformisées ou hétéroclites, il n’en demeure pas moins que la Charte garantit à « toute
personne » le bénéfice d’un recours effectif devant un tribunal indépendant et impartial.
L’article 47, premier alinéa, de la Charte est ainsi formulé : « Toute personne dont les
droits et libertés garantis par le droit de l’Union ont été violés a droit à un recours
effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues au présent article. ».
Calquant l’article 13 CEDH, la Convention transpose et développe un principe
388
Quel que soit le mode d’obtention, administratif ou judiciaire, du statut obtenu. V. CJCE, 31 mai 2001,
aff. jtes C-122/99 P et C-125/99 P, D. et Suède c/ Conseil, non publié au Recueil.
389
V. Le refus de modification d’un état civil dans l’affaire CourEDH, 30 juillet 1998, Sheffield et
Horsham c/ Royaume-Uni, Rec. 1998-V, §§ 75 et 76 ; v. V. Coussirat-Coustère, L’activité de la Cour
européenne des droits de l’Homme en 1998 et 1999, AFDI 1999, pp. 756-757.
127
consubstantiel de tout ordre juridique390. Ce principe est présenté avec son corollaire ; le
droit d’accès serait vain et inutile si le tribunal n’était indépendant et impartial. Cette
obligation, déjà inscrite dans l’article 6, paragraphe 1 CEDH, se retrouve à l’alinéa 2 de
l’article 47 : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement,
publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial,
établi préalablement par la loi. Toute personne a la possibilité de se faire conseiller,
défendre et représenter391 ». En définitive, l’article 47 synthétise les articles 6 § 1 et 13
de la Convention de Rome, tout en intégrant une partie de la jurisprudence
communautaire392 et conventionnelle des droits de l’Homme393 garantissant l’accès à un
tribunal.
132 Malheureusement, la reprise des articles 6 § 1 et 13 CEDH se double d’une
malencontreuse subordination. En effet, la mention, à l’article 47 § 1 de la restriction
« dans le respect des conditions prévues au présent article » semble subordonner le
droit d’accès à un tribunal indépendant et impartial au droit à un recours effectif. Or, le
droit de recours effectif comme le droit à un tribunal indépendant et impartial sont bien
deux droits interdépendants, certes, mais susceptibles de violations propres. La
390
Dès l’aube des Communautés, la Cour a admis le principe de l’ouverture d’un recours et le principe
d’un contrôle communautaire sur le caractère juridictionnel d’une instance (CJCE, 30 juin 1966, aff.
61/65, Dame veuve Vaassen-Göbbels, Rec. 1966, p. 377.)
391
Si la Charte avait mentionné les avocats, comme il l’a été suggéré (J.-M. Burguburu , L’Europe, la
Charte des Droits fondamentaux et les avocats – Charte des droits, Gaz. Pal. n°315, 10 novembre 2000,
pp. 50-51), elle aurait suscité l’instauration à leur profit un monopole de représentation.
392
Notamment le droit d’accès à un tribunal : CJCE, 15 mai 1986, aff. 222/84, Johnston c/ Chief
Constable of the RUC, Rec. 1986, p. 1651 ; CJCE, 15 octobre 1987, aff. 222/86, Heylens, Rec. 1987, p.
4097 ; CJCE, 3 décembre 1992, aff. C-97/91, Oleificio Borelli, Rec. 1992, p. I-6313.
393
Sur le droit à un tribunal, v. CourEDH, 21 février 1975, Golder, Rec. série A vol. 18, 124 p ou
CourEDH, 28 mai 1985, Ashingdane, Rec. série A vol. 93, 89 p. Le paragraphe 3 de l’article 47 fait
directement écho à l’arrêt Airey (CourEDH, 9 octobre 1979, Airey, Rec. série A vol. 32, 60 p.).
128
jurisprudence communautaire les a consacrés de manière autonome394. Par ailleurs, cette
reprise des dispositions de la Convention de Rome est incomplète : l’article 6 § 1
évoquait quatre conditions pour que le tribunal soit adéquat : l’indépendance,
l’impartialité, la base légale, et la compétence pour décider395. Manifestement, cette
dernière condition n’est qu’implicite dans la Charte…
133 Plan. Quelles sont donc les tenants et les aboutissants de cette réécriture des
principes contenus dans les articles 6 et 13 CEDH ? Plus qu’ailleurs dans la Charte, la
codification à droit constant annoncée dans le mandat du Conseil européen de Cologne
intrigue. En remaniant l’articulation des dispositions essentielles de la CEDH en matière
procédurale, la Convention a certes réaffirmé le principe d’effectivité du recours
juridictionnel (A), mais le travail d’actualisation des droits de la défense dans l’Union a
abouti à un regrettable imbroglio (B).
A) Le droit à un recours juridictionnel effectif
134 Consécration du droit devant les juridictions nationales. Déjà en 1950
les articles 13 et 6 § 1 de la CEDH établissent le principe d’accès du particulier à une
instance indépendante et impartiale. La jurisprudence de la Cour européenne des droits
de l’Homme relative à ces articles, fournie, sanctionne régulièrement les cours suprêmes
qui ne respectent pas le principe d’effectivité396. La Cour a développé ainsi, en même
temps que son intervention dans l’organisation procédurale nationale, un ensemble
394
TPI, 27 juin 2000, aff. T-172/98, T-175/98 à T-177/98, Salamander e.a. Rec. 2000, p. II-2487.
395
Extrait de l’art. 6, paragraphe 1 CEDH : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par
un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera… » (nous qui soulignons).
396
V. CourEDH, 30 octobre 1991, Borgers c/ Belgique, Rec. série A vol. 214-B, 197 p ; CourEDH, 20
février 1996, Lobo Machado c/ Portugal, Rec. 1996-I, p. 195, et Vermeulen c/ Belgique, Rec. 1996-I, p.
224, CourEDH, 31 mars 1998, Reinhardt et Slimane Kaïd c/ France, Rec. 1998-II, 640 p.
129
d’obligations négatives397. Or, la CJCE a démenti une part du raisonnement qui fonde
cette jurisprudence398. Nous pouvons regretter que la Charte ne contienne pas de
disposition prompte à régler les divergences existantes entre les Cours européennes
concernant la portée du principe d’effectivité, tandis que la Cour de Strasbourg continue
son œuvre normative en la matière399…
135 Quoi qu’il en soit, le droit d’accès effectif à un tribunal n’est pas absolu.
Dans l’affaire Promédia400, de juillet 1998, la question fut posée au TPI de savoir si le
droit d’accéder à un tribunal, qui constitue un droit fondamental, était susceptible
d’abus. Autrement formulée, la question visait à déterminer les possibilités de sanction
des particuliers coupables d’une forme de « harcèlement juridictionnel ». Le Tribunal
retint que l’abus du droit au juge pouvait en effet constituer un abus de position
dominante, à condition que l’action en justice ne vise pas réellement à défendre les
droits allégués, mais constitue un moyen d’éliminer la concurrence401. Une lecture
combinée des articles 47 (droit à un recours effectif), 53 (niveau de protection) et 54
(interdiction de l’abus de droit) de la Charte aboutit à une confirmation de la
jurisprudence Promédia. Mais l’ancrage textuel de la théorie de l’abus de droit en droit
communautaire demeure conditionné par l’appréciation in concreto des éléments
397
Par exemple, l’arrêt Vermeulen (ibid.) sanctionne la violation de l’indépendance de la Cour de
cassation belge dans la mesure où son Avocat général participe au secret du délibéré, et où impossibilité
est faite aux parties de répondre aux conclusions que rend celui-ci.
398
En ce qui concerne l’ordre communautaire, elle estime que l’avocat général rend ses conclusions en
toute indépendance. Ne faisant pas partie de la formation de jugement, le tribunal conserve son
indépendance et son impartialité (CJCE, Ord. 4 février 2000, Emesa Sugar, op. cit.).
399
V., en dernier lieu, Cour EDH, 7 juin 2001, req. N°39594/98, Kress c/ France, Non-publié au Recueil,
note F. Sudre, JCP éd. G., n°31-35, 1er août 2001, II, 10578.
400
TPI, 17 juillet 1998, aff. T-111/96, Promédia, Rec. 1998, p. II-2937.
401
Cependant, le Tribunal semble retenir une interprétation restrictive de ces critères, ce qui a laissé la
doctrine sceptique quant à la reconnaissance juridictionnelle de la théorie de l’abus de droit (D. Simon,
Rev. Europe, octobre 1998, comm 310 , p. 10).
130
constitutifs de cet abus, et par la portée effective que le juge donnera à la Charte,
notamment par son article 54.
136 Dilution du droit devant la CJCE. A l’échelle communautaire, devant la
Cour de Justice cette fois, la portée du principe d’effectivité du recours juridictionnel,
tel que découlant de la Charte, soulève quelques difficultés. Tout d’abord, si la Charte
contient des droits reconnus dans l’Union, l’applicabilité de l’article 47 de la Charte au
système juridictionnel communautaire s’impose logiquement. D’aucuns s’empresseront
de réclamer alors l’ouverture du prétoire communautaire au particulier, sinon de
déplorer les difficultés d’accès de la CJCE pour les personnes402. Cependant, l’extension
des possibilités de saisine de la Cour au bénéfice des personnes n’est ni une
conséquence logique de l’adoption de la Charte, ni même une réforme compatible avec
le droit originaire de l’Union ; l’effectivité de l’accès au tribunal dans l’Union peut fort
bien résulter de la saisine du juge national, juge communautaire de droit commun, avec
possibilité de renvoi préjudiciel devant la Cour403.
137 En outre, l’affirmation du droit à un recours effectif, appliqué à la CJCE,
pose un problème de science administrative. Si nous combinons l’article 47 avec
l’article 41 (droit à une bonne administration), notamment son paragraphe 3404, nous
pouvons y lire une obligation de réparation à la charge de la Communauté en cas de
violation des principes de diligence, d’impartialité ou d’indépendance par la Cour de
Justice. Cette lecture peut sembler extensive, voire audacieuse, elle correspond pourtant
à une lecture complète de l’article 41, qui ne discrimine pas entre les Institutions
402
F. Benoît-Rohmer, L’adhésion de l’Union à la Convention européenne de sauvegarde des droits de
l’homme, op. cit., p. 59.
403
Tel qu’organisé par les art. 234 et s. CE.
404
Art. 47, paragraphe 3 de la Charte : « Toute personne a droit à la réparation par la Communauté des
dommages causés par les institutions ou par leurs agents dans l’exercice de leurs fonctions,
conformément aux principes généraux communs aux droits des Etats membres. »
131
concernées. La Cour de Justice ne pouvant être juge et partie, quelle instance pourra
déterminer l’applicabilité de l’article 41 § 3 à la juridiction communautaire ? Quelle sera
la teneur de la réparation ? Si en droit administratif, le retrait de l’acte faisant grief
s’impose, la bonne administration judiciaire commande-t-elle l’ouverture du recours en
révision405 ?
B) Entre ombre et lumière : les droits de la défense
138 Les règles du procès équitable. L’article 47 de la Charte constitue un
modèle de synthèse de dispositions de la CEDH, actualisées par la jurisprudence de la
Cour de Strasbourg. Cependant, son insertion dans les ordres juridiques européens frôle
le byzantinisme juridique. En effet, cet article, bien qu’issu de dispositions de la CEDH,
est formulé de manière plus vaste ; son interprétation se fait donc non seulement au
regard de la Convention de Rome (conformément à l’article 52 § 3 de la Charte), mais
également par le biais des traités communautaires (conformément à l’article 53 de la
Charte). Quelques progrès peuvent être immédiatement relevés. Est affirmé le « droit à
un recours effectif devant un tribunal », et non plus seulement devant une « instance
nationale »406. La limitation aux contestations sur les droits et obligations de nature
civile ou sur des accusations en matière pénale a été supprimée407. Quant à l’exigence de
statuer dans un délai raisonnable, elle constitue non seulement la reprise d’une
405
Tel qu’organisé par les articles 98 à 100 du Règlement de procédure de la Cour (JOCE n°C 34 du 1er
février 2001, modifié par JOCE n°L 119, du 27 avril 2001).
406
la Cour de Justice y lira-t-elle une obligation positive de ne pas fermer les tribunaux internationaux aux
ressortissants ?
407
Les développements de la Cour concernant le caractère patrimonial du droit (CourEDH, 26 mars 1992,
Editions Périscope, Rec. série A vol. 234-B, 20 p) ou l’autonomie de la matière pénale (CourEDH, 8 juin
1976, Engel e.a. c/ Pays-Bas, Rec. série A vol. 22, 142 p ou CourEDH, 27 février 1980, Deweer c/
Belgique, Rec. série A vol. 35, 68 p) n’en sont pas caduques pour autant.
132
obligation à la charge des Etats408, mais également la codification d’une jurisprudence
de la Cour de Justice409.
139 Malgré ces progrès, un doute subsiste. Compte tenu de l’autonomie
conceptuelle des droits à un recours effectif et à un tribunal indépendant et impartial,
nous pouvons rester sceptique sur l’intérêt de la ventilation des articles 13 et 6 CEDH
dans les articles 47 et 48 de la Charte. En effet, ni l’extension du champ d’application de
l’article 6, ni la technicité des deux articles ne justifient un tel remaniement des
dispositions de la Convention de Rome, lequel n’apporte aucune lisibilité
supplémentaire. Au contraire, cette opération accuse une perte sèche de clarté. En effet,
comme nous l’avons déjà évoqué, la CJCE applique, sinon la lettre410, au moins les
principes411 contenus dans ces dispositions de la Convention. Dès lors, selon qu’elle
statuera sur au regard de la Charte ou sur le fondement de la CEDH, la Cour devra
suivre deux raisonnements différents. En outre, ni les justiciables ni leurs conseils ne
manqueront d’axer leurs prétentions sur le fondement de la Charte et de la CEDH. A
combiner des dispositions formellement divergentes et matériellement similaires, la
Cour risque d’en perdre son latin… Face à ce risque de confusion, la Cour de
Luxembourg sera probablement amenée à privilégier une lecture unitaire des articles 47
et 42 de la Charte, et 6 et 13 de la CEDH, opérant un retour aux deux principes y
contenus. Quoiqu’il en soit, ces quelques réflexions prospectives témoignent d’une
408
409
CourEDH, 24 novembre 1994, Kemmache c/ France, Rec. série A vol. 296-C, 193 p.
CJCE, 17 déc. 1998, Baustahlgewebe GmbH c/ Commission, op. cit. ; CJCE, 8 juillet 1999,
Montecatini SpA, op. cit.
410
411
ibid.
Par exemple TPI, 27 juin 2000, Salamander, cons. 78, s’agissant du principe général de droit
communautaire de droit à un recours effectif, qui s'inspire de l'article 13 de la CEDH, et TPI, 22 octobre
1997, aff. jtes T-213/95 et T-18/96, SCK et FNK c/ Commission, Rec. 1997, p. II-1739, cons. 56, quant au
principe général du droit communautaire de respect d'un délai raisonnable dans la procédure précédant
l'adoption de la décision litigieuse.
133
réalité : la Convention a échoué dans sa mission de rendre lisibles les droits processuels
en vigueur dans l’Union.
140 Les garanties pour les accusés. Bien sûr, les droits fondamentaux
processuels, garantis dans les ordres juridiques européens à tout prévenu, ont un écho
dans la Charte. Relevons d’emblée le principe de la présomption d’innocence et les
droits de la défense proprement dits412, le principe de la légalité et de la proportionnalité
des délits et des peines413, et le principe non bis in idem414. Chacun de ces droits
processuels a fait l’objet de développements par la Cour européenne des droits de
l’homme, laquelle a assuré leur interprétation autonome415. La Charte prétendant faire
un travail d’actualisation, il est étonnant qu’elle passe sous silence certains aspects des
principes fondamentaux du droit pénal. Certes, l’article 7, paragraphe 1 de la CEDH,
repris à l’article 49, paragraphe 1, est enrichi du principe d’application de la loi pénale
plus douce aux infractions antérieures. Mais la sécurité juridique des personnes serait
altérée si ce dernier principe venait remettre en cause des infractions passées en force de
chose jugée. Le paragraphe 3 de l’article 49416, qui consacre le principe de
proportionnalité des peines, est aussi vide de signification pratique que le paragraphe 2
de l’article 48417 ; ils ne posent aucun étalon de mesure permettant d’apprécier soit
l’exigence de proportionnalité, soit le contenu matériel des droits de la défense. Nous
avons ici un exemple flagrant d’aporie de la Charte par rapport à la CEDH : et si nous
412
Respectivement aux paragraphes 1 et 2 de l’article 48, de la Charte, reprenant, selon la contribution du
Présidium, les paragraphes 2 et 3 de l’art. 6 CEDH.
413
Art. 49 de la Charte.
414
Art. 50 de la Charte. Notons la redondance de l’adjectif « pénal », qui semble exclure les affaires
civiles.
415
v. V. Berger, Jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme, 6e éd. Sirey, 1998, spéc.
pp. 246-301, tandis que la Charte, curieusement, lie les principes de légalité et de proportionnalité.
416
Art. 49, paragraphe 1 de la Charte : « L’intensité des peines doit être proportionnelle à la gravité de
l’infraction. »
134
admettons que la liste de l’article 6, paragraphe 3 CEDH est imparfaite, ou incomplète,
il semble encore plus dommageable pour la lisibilité et l’opérabilité des droits
fondamentaux de procéder par formules lapidaires ou par vues de l’esprit. Car alors, le
juge appelé à appliquer la Charte sera tenté d’employer sa définition nationale des droits
de la défense, ou de la proportionnalité, ce qui n’est guère conforme à l’essence même
de l’intégration communautaire.
141 Conclusion du chapitre. Les droits fondamentaux processuels, aptes à
garantir l’effectivité des droits fondamentaux matériels, ressemblent plus à un salut
donné à la CEDH qu’à une reprise après actualisation de ses dispositions les plus
pertinentes. L’apport du chapitre « Justice » de la Charte est bien moindre que le
commentaire du Présidium à son propos ! Dans ce domaine, la Charte des Droits
fondamentaux accuse un cuisant échec, lequel affecte, voire neutralise, l’efficience de
l’édifice de droits qu’escomptait révéler la Convention. Finalement, la Charte pérennise
les lacunes d’un système communautaire de protection des droits de la personne en
formation… Ainsi que nous allons le voir, elle en encourage aussi le caractère
protéiforme.
417
Art. 48, paragraphe 2 : « Le respect des droits de la défense est assuré à tout accusé. »
135
SECOND CHAPITRE : DES DROITS FONDAMENTAUX… À
GÉOMÉTRIE VARIABLE ?
142 La consécration d’un standard minimum. La question de la
différenciation a souvent été abordée sous deux angles opposés à toute idée
d’intégration communautaire : l’exception nationale et l’abstention constructive.
L’exception nationale connaît diverses modes de concrétisation418, mais toujours la
même finalité : l’inapplicabilité directe du droit communautaire. Quant au refus du
blocage, il part du constat que pour des raisons de politique nationale, un Etat n’est pas
encore prêt à la mesure communautaire envisagée, mais, soucieux de ne pas entraver la
progression communautaire des autres Etats membres, il consent à ce que la mesure soit
adoptée entre les autres Etats419. L’Etat abstentionniste ne bloque pas le processus
d’intégration, et la norme litigieuse entre en vigueur, bien qu’elle lui soit
temporairement inopposable. Cependant l’exigence d’aménagement de marges de
manœuvre, qui encouragent une application du droit communautaire « à géométrie
variable », trouve ses limites en matière de droits fondamentaux. En effet, aucun Etat ni
aucune organisation internationale ne songerait, pour d’évidentes raisons de diplomatie
internationale, à proclamer des droits fondamentaux comme justiciables puis en
revendiquer une non-application. Dès lors, si de « géométrie variable » il est question, ce
418
L’épisode emblématique du Compromis de Luxembourg (1965-1966) peut s’analyser comme une
ramification d’un processus complexe de préservation, en dépit de l’intégration, de bribes d’autonomie de
la volonté étatique. Les Etats ont multiplié les clauses de sauvegarde, qu’il serait fastidieux d’énumérer
ici. Citons à titre d’exemples l’exception d’ordre public national, récurrente dans les traités, les protocoles
et déclarations joints aux traités, les régimes dérogatoires, etc.
419
Par exemple, la liberté de circulation des personnes, au cœur de l’intégration, a ainsi fait l’objet d’un
Protocole organisant un régime spécifique de contrôle d’identité au Royaume-Uni et en Irlande (Prot. 3
annexé au Traité de Maastricht).
136
ne peut être que dans le sens d’une plus grande protection et d’une meilleure
application420. La Charte des droits fondamentaux, socle de valeurs communes, fut donc
rédigée comme standard européen offrant des garanties déjà avancées et à partir
desquelles les Etats pourront progresser encore
143 L’article 53 de la Charte. Nous avons, tout au long, de notre étude, opéré
de nombreuses références ponctuelles à l’article 53 de la Charte, sans souligner sa
portée propre. Or, l’une des clés de la perfectibilité de la Charte réside dans cet article.
Si la Charte accède un jour au rang de standard européen ou se voit qualifiée
d’instrument vivant, cette victoire sera due à l’article 53. Celui-ci dispose : « Aucune
disposition de la présente Charte ne doit être interprétée comme limitant ou portant
atteinte aux droits de l’homme et libertés fondamentales reconnus, dans leur champ
d’application respectif, par le droit de l’Union, le droit international et les conventions
internationales auxquelles sont parties l’Union, la Communauté ou tous les Etats
membres, et notamment la [CEDH], ainsi que par les constitutions des Etats
membres »421. Tandis que l’article 52, paragraphe 2 est formulé de manière positive, et
fait office de clause de conformité, l’article 53 contient une formulation négative de la
clause de standard minimum, prompte à accueillir en son sein les progrès constatés dans
les autres instruments internationaux ou nationaux de protection des droits de l’homme,
tout en laissant leurs lacunes et leurs incohérences sur le parvis. Par son entremise, la
Charte participe de la fonction structurante d’un ordre juridique transnational des droits
de l’homme, initié par la CEDH.
420
Conformément au principe de spécificité et à la dynamique des droits fondamentaux
421
La version précédente de cet article (art. 51 de Charte 4423/00 Convent 45, du 31 juillet 2000) ne
faisait pas explicitement référence au droit de l’Union… et était donc susceptible d’une interprétation
restreinte au volet des relations extérieures de l’Union ou de l’ensemble de ses Etats membres. Cette
addition ouvre la porte à une extension de la Charte aux droits fondamentaux qui apparaîtront dans le
droit dérivé. Il permet également d’inclure les droits nés des piliers intergouvernementaux ou de
coopérations renforcées parmi les sources des futurs droits fondamentaux.
137
144 Exécution normative et aménagement des droits. La doctrine comme la
jurisprudence ont progressivement contribué à minimiser le rôle des Etats membres dans
le
processus
normatif
permettant
d’assurer
l’application
effective
du
droit
communautaire. Or la réalisation de la primauté et de l’effet direct du droit
communautaire passe par une étroite collaboration entre les autorités des Etats et les
Institutions et organes de la Communauté. L’attitude des Etats membres, inspirée par le
principe de collaboration loyale, n’est pas une soumission passive mais une
collaboration active422. Dans la Charte, les clauses de renvoi à la loi témoignent du souci
d’en appeler à la fonction exécutive des Etats. Leur formulation exprime la latitude
laissée aux Etats. A priori les clauses de renvoi au droit national présentes dans la
Charte sont plus liberticides que les formulations choisies dans d’autres instruments
internationaux : affirmer un droit ou une liberté « conformément aux législations et
pratiques nationales » ne signifie pas que ce même droit sera « protégé par la loi et les
pratiques nationales »… La nuance est d’importance et peut avoir des conséquences
pratiques importantes ; une clause de conformité au droit national inclura les restrictions
et les privations précédemment prévues par les pouvoirs législatif et réglementaire.
Ainsi, même si elles sont nécessaires à une bonne administration du droit, les clauses de
conformité au droit national peuvent conduire à des abus du pouvoir exécutif
communautaire confié aux Etats membres.
145 Plan. Nous verrons donc comment la Charte, distillant les valeurs
communes fondamentales de l’Union, peut constituer une grille de lecture des droits de
la personne pour un juge interne toujours prompt à diffuser une vision nationalisée des
droits et des principes fondamentaux (Section II). Mais avant toute chose, voyons
comment la Charte rebondit sur la souveraineté nationale, pour ménager aux Etats une
422
V. R. Kovar, Compétences des Communautés européennes, J.-Cl. Europe, vol. 2, fasc. 420, p. 22, §§
90 et s.
138
marge de manœuvre dans l’application des droits garantis, sans pour autant perdre toute
vocation intégrative (Section I).
SECTION I : L’AMENAGEMENT DES DROITS ET
LES CONDITIONS D’EXPRESSION DE
LA SOUVERAINETE NATIONALE
146 Principe de subsidiarité et droits fondamentaux. Face à l’importance que
revêtent les droits fondamentaux pour le citoyen, la question peut se poser de déterminer
le niveau d’efficience optimum de la garantie de ces droits. Autrement dit, se pose non
seulement la question de savoir qui appliquera la Charte, mais surtout celle de savoir
quelle autorité l’appliquera le mieux. Nous avons rappelé auparavant que la
Communauté dispose d’une compétence en matière de droits fondamentaux423. Or, cette
compétence ne figure pas explicitement dans le traité, mais procède de la conjugaison
utile de plusieurs dispositions et de jurisprudences de la Cour de Justice. Les Etats
n’ayant pas renoncé à leur compétence souveraine en matière de droits essentiels de la
personne, la compétence de la Communauté est partagée avec les Etats membres. Entre
alors en lice le principe de subsidiarité, tel que défini à l’article 5 CE. Selon ce principe,
le niveau d’efficience optimal est le niveau le plus efficace le plus bas. Autrement dit, la
Communauté n’est appelée à intervenir par voie normative que si et dans la mesure où
son action est plus efficace que celle des Etats membres. Or, théoriser le niveau
d’intervention le plus efficient en matière de droits fondamentaux est une délicate
opération, qui dépend essentiellement du contenu même des droits fondamentaux
reconnus. Ce qui implique de se détacher au maximum d’appréciations de nature
éthique ou politique, lesquelles déborderaient le champ de notre étude.
423
V. supra le paragraphe 48, et infra les paragraphes 162 et 172.
139
147 Par contre, une fois le corpus de droits identifié, nous pouvons déterminer,
par subsidiarité juridictionnelle424, quel juge sera le plus apte à en faire respecter
l’application effective. L’objectif essentiel qu’il nous faut ici nous fixer est de
déterminer quel juge sera à même de fournir au justiciable, à la lumière des droits
garantis, la protection la plus adéquate. Or, en l’absence de toute compétence expresse
d’attribution, deux réponses sont possibles. Une lecture centripète des textes confiera à
la Cour de Justice le monopole d’interprétation authentique de la Charte, conformément
au principe d’uniformité du droit communautaire, et conformément à la mission de
Cologne de codifier les droits fondamentaux en vigueur dans l’Union. Une seconde
lecture centrifuge et décentralisatrice se fondera sur la multitude des clauses de renvoi à
la loi et aux pratiques nationales. Ces clauses, qui émaillent la Charte, conditionnent la
mise en œuvre de certains droits, sociaux pour la plupart. En ce qui concerne
l’interprétation de ces exigences de conformité, le juge national semble le plus
compétent pour déterminer le contenu de la norme nationale restrictive du droit. Les
deux solutions peuvent sembler exclusives l’une de l’autre. Elles sont en réalité
complémentaires.
148 Plan. L’adoption d’une charte de droits fondamentaux communautaires
postule, conformément à la primauté de ce droit, l’application homogène, directe et
immédiate des dispositions y contenues sur l’ensemble du territoire de l’Union.
Cependant, ce principe ne s’oppose pas à ce que le droit communautaire lui-même,
respectueux de la progressivité du transfert de compétences des Etats membres vers les
Communautés, renvoie pour son application à la loi nationale (§1). Par contre, le renvoi
à la loi nationale ne saurait constituer une cause d’exclusion du droit communautaire,
lequel interviendra pour contrôler les restrictions apportées au droit (§2).
424
D. Simon, La subsidiarité juridictionnelle, notion-gadget ou concept opératoire ?, RAE n°1, janvier
1998, pp. 84-94.
140
§1) Les clauses spéciales de renvoi à la loi
149 Ambivalence du renvoi à la loi. Les clauses de renvoi à la loi ou aux
pratiques nationales ne doivent pas être lues comme un retour à la souveraineté
nationale, propice à un processus de désintégration communautaire. En effet, de tels
renvois peuvent fort bien aboutir à une exécution normative du droit communautaire par
les Etats membres425. Bien sûr, les velléités nationalistes constituent toujours une
menace pour l’intégration européenne, et le Conseil européen de Nice, celui-là même
qui vit proclamée la Charte des droits fondamentaux, a fait quasiment l’unanimité de la
doctrine contre lui : d’aucuns l’ont considéré comme un retour à la coopération
intergouvernementale426, d’autres comme un échec en raison de l’incapacité des Etats
membres à simplifier l’architecture institutionnelle de l’Union427. Cependant, il serait
excessif de considérer tout renvoi à l’ordre juridique interne comme une menace sur
l’acquis communautaire ou comme un grippage de l’effet de cliquet. En matière de
droits fondamentaux comme en matière de droit matériel, les Institutions ont besoin du
relais des autorités nationales pour que soit appliqué le droit communautaire, tout
comme l’ordre juridique communautaire a besoin des ordres juridiques nationaux pour
que progresse l’Union. Les clauses de renvoi à la loi participent de cet équilibre
d’ensemble.
425
R. Kovar, Compétences des Communautés européennes, JCP Europe, vol. 2, fasc. 420, p. 22 et s.
426
V. par exemple D. Simon, Nice, but not Nice, Rev. Europe, n°2, février 2001, p. 3 ; F. Berrod et M.
Pietri, Nice ou la victoire des Etats membres, Rev. Europe, n°1, janvier 2001, pp. 3-6.
427
M. Wathelet, La charte des droits fondamentaux : un bon pas dans une course qui reste longue, Cah.
Dr. eur., n°5-6, 2000, pp. 585-594.
141
150 Le renvoi à la loi dans la Charte. A cause de cette ambivalence, nous
pouvons nous nous interroger lorsque certains droits, présentés comme universels428,
sont relayés par une clause de renvoi à la loi nationale. Parmi les droits universels, sont
concernés : la protection des données à caractère personnel (art. 8 § 2 de la Charte), le
droit de se marier et le droit de fonder une famille (art. 9), l’objection de conscience (art.
10 § 2), la liberté de créer des établissements d’enseignement (art. 14 § 3), le droit de
propriété (art. 17 § 1), le droit à protection de la santé (art. 35). D’autres droits, accordés
à des catégories sociales, sont également conditionnés par une clause de renvoi à la loi
et de conformité au droit communautaire : la liberté d’entreprise (art. 16), l’égalité entre
homme et femme (art. 23 al 2, puisque le terme « mesure » peut également se référer au
droit communautaire), le droit à la négociation collective et à l’information et à la
consultation des travailleurs au sein de l’entreprise (art. 27 et 28), le droit à une
protection contre tout licenciement injustifié (art. 30), le droit à la sécurité sociale et à
l’aide sociale (art. 34, §§ 1 et 3), le droit d’accès aux services d’intérêt économique
général (art. 36), la liberté de circulation et de séjour des étrangers (art. 45 § 2). Enfin,
un dernier groupe de prérogatives s’exercent « dans les mêmes conditions que les
nationaux », c’est-à-dire qu’elles exigent une égalité de traitement ente ressortissants
communautaires et non-communautaires : c’est le cas des droits de vote et d’éligibilité
aux élections au Parlement européen et aux élections municipales (art. 39 et 40), et du
droit à protection diplomatique et consulaire (art. 46).
151 Plan. En dépit de la menace de « renationalisation » du droit
communautaire, et malgré la diversité de leur formulation les clauses de renvoi à la loi
partagent une double fonction : d’une part, ces clauses réservent une marge
d’appréciation aux Etats membres (A), d’autre part elles constituent une garantie du
respect de la diversité culturelle européenne (B).
428
V. supra chapitre précédent, section I, paragraphe 1, B) et nos développements sous section II,
paragraphe 1.
142
A) La discrétion des Etats membres
152 Marge d’appréciation… ou retour à l’arbitraire ? Les clauses de renvoi à
la législation nationale servent à la fois l’adaptation et l’effectivité des droits, mais elles
ne doivent pas constituer un prétexte pour revenir à des pratiques discriminatoires.
Rappelons simplement que l’absence de toute législation peut être aussi coupable que
l’adoption de mesures nationales incompatibles avec le droit communautaire429,
notamment l’expression communautaire du principe de non-discrimination. Par exemple
l’article 9 de la Charte impose que « Le droit de se marier et le droit de fonder une
famille [soient] garantis selon les lois nationales qui en régissent l’exercice. ». Or, il
existe en Europe deux groupes sociaux dont les revendications familiales sont aux
antipodes les unes des autres : les homosexuels, qui revendiquent un droit à la
différence, et les transsexuels, qui revendiquent un droit à l’assimilation430. Certes, cet
article est moins restrictif que l’article 12 CEDH dont il est tiré431. Mais la totale
absence de référence à ces minorités sexuelles ne permet aucune clarification de leurs
droits fondamentaux respectifs, et la formulation de l’article 9 est par trop différente ce
celle de l’article 12 CEDH pour que cet article corresponde à un droit garanti par la
CEDH, donc interprétable conformément au droit conventionnel des droits de l’homme,
éventuellement enrichi par la jurisprudence de la Cour de Strasbourg (art. 52,
paragraphe 3 de la Charte). Par conséquent, les Etats membres auront toute latitude pour
organiser la protection du droit au mariage et du droit de fonder une famille432, pourvue
429
V. Art. 169 à 171 CE
430
C’est-à-dire un droit à être assimilés au groupe sexuel dont ils réclament l’identité psychologique.
431
Art. 12 CEDH : « A partir de l’âge nubile, l’homme et la femme ont le droit de se marier et de fonder
une famille selon les lois nationales régissant l’exercice de ce droit. ». Sont donc expressément visées
dans la CEDH des personnes de sexes opposés.
432
A titre de nota bene, remarquons que la CEDH protège « le droit de se marier et de fonder une
famille », tandis que la Charte protège « le droit de se marier et le droit de fonder une famille ».
Concrètement, la Charte opère un découplage entre les deux droits, qui acquièrent une autonomie propre,
143
que cette protection soit non-discriminatoire et garantisse la jouissance effective de ces
droits, y compris pour les minorités sexuelles.
153 Le verrou du contrôle de proportionnalité. Indépendamment du contrôle
de la Cour de Justice sur la protection des droits fondamentaux, dans les matières régies
par le traité, celle-ci s’est évertuée par sa jurisprudence, à couper court à tout emploi
exagéré des prérogatives nationales, susceptible d’aboutir à une violation du droit
communautaire. Ainsi, la Cour contrôle non seulement la nécessité433 de la mesure
nationale, mais également sa proportionnalité. Autrement dit, la CJCE contrôle non
seulement la légalité communautaire de la mesure nationale, mais également son
adéquation. Certes, l’inconvénient du contrôle de proportionnalité est qu’il confine au
contrôle d’opportunité, et se confond parfois avec lui434, cependant il ne s’y résout pas.
En matière de droits fondamentaux, la Cour recherchera avec une acuité renforcée si
l’Etat pouvait ou non atteindre le résultat escompté par l’instauration d’autres mesures,
moins restrictives des droits et libertés personnelles, et le sanctionnera le cas échéant435.
B) Une garantie de la diversité culturelle
154 L’intégration différenciée et l’avenir de l’Europe. Pour saisir la
revalorisation de la diversité nationale, qui constitue a priori un obstacle à l’intégration
bien qu’ils soient protégés par le même article. A cet égard, la Charte enregistre une progression des
mœurs à l’échelle européenne.
433
CJCE, 10 juillet 1997, aff. C-261/95, Palmisani, Rec. 1997, p. I-4025, spéc. cons. 27.
434
C’est l’une des critiques adressées à la motivation de l’avis 2/94, du 28 mars 1996 (op. cit.) la Cour
ayant axé son raisonnement sur « l’état actuel du droit communautaire », qu’elle n’a pas développé et
qu’elle est seule à pouvoir apprécier.
435
Par exemple, en matière d’éloignement d’étrangers communautaires coupables d’infraction à la loi sur
les stupéfiants, v. CJCE, 19 janvier 1999, aff. C-348/96, Calfa, Rec. 1999, p. I-11. La Cour estime qu’une
expulsion à vie du territoire grec constitue une infraction disproportionnée.
144
communautaire, il semble judicieux de prendre en considération les mutations politiques
récentes sur la scène européenne. L’adoption de la Charte des droits fondamentaux a
lieu à une époque de crise identitaire de l’Europe. Les opinions publiques se
désintéressent de la question européenne, qu’elles considèrent au mieux avec
indifférence, au pire avec dédain. L’euphorie intégrative de l’après-Masstricht a fait
long feu, et les indices se multiplient d’un retour aux préoccupations nationales.
L’instauration d’un mécanisme de coopérations renforcées436, les interminables
négociations au sein des Conseils européens437, la prolifération des agences
communautaires décentralisées… sont emblématiques des profonds désaccords qui
scindent les peuples européens sur l’avenir de l’Europe. Les Conférences
intergouvernementales sont le théâtre de toutes les rivalités438. La revalorisation des
divergences nationales et la préservation des spécificités locales apparaissent alors
comme un nouvel atout, garantissant la richesse de l’Union, sans pour autant sacrifier le
processus d’intégration. L’adoption d’un catalogue de droits fondamentaux homogénes
dans leur contenu mais sans rigidité excessive s’inscrit dans une logique « d’intégration
dans la diversité »439, et apparaît suffisamment fédérateur pour redonner du souffle à
l’intégration.
155 Les droits fondamentaux et la garantie culturelle. Si les Etats membres
sont suffisamment proches culturellement pour proclamer des droits fondamentaux
similaires, la préservation de leur identité sociale et nationale peut justifier une demande
de discrimination, non pour priver des ressortissants communautaires du bénéfice des
droits consignés dans la Charte, mais pour dépasser les minima imposés, pour donner
436
Art. 40 et 43 UE, et art. 11 CE.
437
D. Simon, Nice, but not nice, Rev. Europe n°2, février 2001, p. 3.
438
D. Vignes, Nice, une vue apaisée. Réponse à deux questions, Rev. Marché commun et de l’Union
européenne n°445, février 2001, p. 81. Notons la profonde divergence d’opinion avec D. Simon, ibid.
439
Titre d’une chronique apparue en janvier 2001 dans la Revue du Marché commun et de l’Union
européenne. V. son édito, p. 1.
145
une forme locale à l’informe supranational. Les progrès réalisés devront aller dans le
sens d’une amélioration des droits fondamentaux, dans un domaine particulier pour
lequel l’Etat voudra accorder une meilleure protection au bénéfice de certaines
catégories sociales, de minorités ou de personnes qui justifieront d’une situation
particulière. Ce processus d’approfondissement sélectif des droits de l’homme ne sera
acceptable que s’il s’agit de poser les prémisses d’une protection encore plus grande.
156 L’exception nationale. Toutefois la proclamation unitaire des droits
fondamentaux ne doit pas constituer le moyen par lequel l’Europe uniformisera la
pensée juridique des droits de l’Homme. Tous les Etats, dont la diversité constitue
précisément la richesse, n’ont pas les mêmes préoccupations. Et certains reconnaissent
comme fondamentaux des droits que d’autres considéreront encore comme matériels ou
dérogeables, ou bien auxquels ils ne donneront pas le même sens ni la même portée.
Dans cette acception, les droits fondamentaux constituent le reflet et l’aboutissement de
l’histoire sociale et culturelle des nations, lesquelles peuvent opposer, à la
reconnaissance des droits de l’Homme, leur préférence culturelle ou l’ordre des
priorités. Il est vain de vouloir appliquer un modèle de protection des droits
fondamentaux à un peuple qui ne se reconnaît pas en lui. Il est tout aussi vain, et même
dangereux, de prétendre unifier les peuples dans une lecture uniforme des droits de
l’homme.
157 Néanmoins, le respect de la souveraineté nationale ne saurait constituer un
rempart infranchissable pour les droits fondamentaux communautaires. Ce qui prime,
c’est l’efficience de la protection la plus élevée. Par conséquent, l’aménagement des
droits par l’exécution normative du droit communautaire ou par l’imperium étatique ne
saurait se concevoir de manière extensive. Elle ne vaudra que pour autant qu’à l’échelle
nationale, les législations adoptées ou maintenues ne descendent pas en-deçà d’un
certain seuil de protection. Ce qui n’empêche pas les Etats membres de maintenir
certaines restrictions, au nom de principes parfois mal évalués.
146
§2) Les restrictions subsistantes
158 Entre liberté et sûreté. A l’instar des instruments classiques de protection
des droits fondamentaux, la Charte recherche la conciliation de deux impératifs,
complémentaires par nature, mais antagonistes dans leurs mises en application
respectives : la proclamation de libertés et le maintien de la sûreté. Les libertés
fondamentales ne sont effectivement acquises que si l’autorité publique se voit dotée
des moyens de régler l’expression harmonieuse des libertés individuelles440. Son rôle est
d’endiguer, par ses prérogatives exorbitantes du droit commun, les atteintes à la liberté
d’autrui qui naîtraient d’un abus de droit de la part de personnes au détriment d’autres.
En la matière, la Charte se montre extrêmement scrupuleuse : la multiplicité des clauses
de renvoi à la législation nationale permet à chaque Etat d’adapter les droits et libertés
consacrés à la nation qu’il réglemente. En outre, l’insertion d’une clause particulière de
répression de l’abus de droit441 constitue une base juridique permettant aux Etats
membres de l’Union de rétablir, au nom de l’intérêt général, des restrictions aux
dispositions de la Charte.
159 Cependant, conformément à la jurisprudence des Cours européennes, le
maintien ou la restauration de restrictions aux droits et libertés ne peut aller jusqu’à
vider ces derniers de leur substance. Ainsi sont tolérées les immixtions des autorités
nationales et des Institutions dans la jouissance des droits et libertés communautaires « à
condition que celles-ci répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général
poursuivis par la Communauté et ne constituent pas, au regard du but poursuivi, une
intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même des
droits ainsi garantis »442. La Cour de Luxembourg veille toujours à la nécessité et à la
440
V. J. Robert et J. Duffar, Droits de l’Homme et libertés fondamentales, 7e éd. Monchrestien, p. 255.
441
Art. 54 de la Charte, reprenant l’article 17 CEDH.
442
TPI, 19 mai 1999, aff. T-34/96 et T-163/96, Connolly c/ Commission, RecFP 1999, p. II-463.
147
proportionnalité des restrictions aux droits fondamentaux adoptées par les autorités
publiques.
160 Plan. La jurisprudence de la Cour de Justice ayant largement contribué à
limiter le volet « purement procédural » du principe d’autonomie institutionnelle et
procédurale (A), les Etats membres sont privés d’un moyen utile pour reconquérir une
part de leur indépendance. Malgré cela, les Etats membres ne sont pas dépourvus de tout
pouvoir législatif en matière de droits fondamentaux : ils pourront toujours intervenir
dans les domaines non couverts par la Charte. Ils ont d’ailleurs contribué à alimenter les
lacunes443 – qui ne peuvent, en matière de droits fondamentaux, qu’être trop
nombreuses – disséminées au gré des thèmes abordés (B).
A) Un principe d’autonomie procédurale… encadré.
161 L’encadrement prétorien de l’autonomie procédurale. Selon le
professeur Simon, « le principe de primauté implique que la prévalence du droit
communautaire sur la norme nationale incompatible soit assurée de façon uniforme et
effective, mais aussi directe et immédiate. Il en résulte que l’autonomie procédurale est
subordonnée à l’obligation de garantir un « standard minimum » […] l’inopposabilité
du droit national contraire est érigée en prohibition absolue, applicable « de plein
droit » (…) »444. Depuis l’arrêt Lück445, la Cour de Luxembourg a, dans divers
443
Au cours des débats, la France s’est montrée farouchement opposée à la reconnaissance d’un droit au
bénéfice des minorités, tandis que le Royaume-Uni a réduit les droits sociaux à leur expression a minima.
La formulation de certains droits a fait l’objet de débats parfois plus ardents que l’identification du droit
lui-même, il en ressort, par exemple, la consécration d’un droit de travailler et non d’un droit au travail
(V. G. Braibant, La Charte des droits fondamentaux, Droit social n°1, janvier 2001, pp.69-75).
444
D. Simon, Le système juridique communautaire, op. cit., p. 288, § 279, citant ensuite l’arrêt
Simmenthal, op. cit. (v. également infra).
148
domaines446, accentué l’encadrement de l’autonomie procédurale. Ainsi la CJCE a-t-elle
sanctionné, au nom du principe de non-discrimination nationale sis dans l’article 12 (ex
art. 6) CE, certains droits procéduraux nationaux, lorsqu’ils imposaient le versement
d’une caution judicatum solvi préalablement à l’introduction d’une action en justice
devant les tribunaux internes447. Cet accentuation de l’encadrement est telle que l’on
serait tenté de penser que, dans un avenir proche, s’opérera un renversement du principe
d’autonomie procédurale… vers un principe d’encadrement procédurale448. Néanmoins,
nous ne constatons ici qu’une tendance, laquelle peut encore s’infléchir.
162 La Charte et l’autonomie législative des Etats membres. Les clauses de
renvoi à la loi nationale ne constituent pas un blanc seing pour les Etats membres. La
multitude des clauses de renvoi à la loi nationale donne à croire que ceux-ci bénéficient,
en conjugaison avec leur autonomie procédurale et institutionnelle, d’une grande
latitude pour amoindrir la portée de certains droits. Cependant, l’effet utile des
dispositions de la Charte et le principe de loyauté communautaire449 postulent que les
Etats s’astreignent à un minimum de cohérence. De sorte qu’à l’occasion d’un recours
en manquement, la Cour de Justice pourrait fort bien circonscrire, au nom du principe
de coopération loyale, la latitude laissée aux Etats membres en matière de droits
fondamentaux. De surcroît, par le jeu de la dynamique des droits fondamentaux, se
profile à moyen ou long terme un devoir étatique d’ajustement progressif de ses
445
CJCE, 4 avril 1968, Lück, op. cit.
446
Par exemple en matière de répétition de l’indû (CJCE, 26 septembre 1996, aff. C-43/95, Data Delecta,
Rec. 1996, p. I-4661), ou de protection juridictionnelle provisoire (CJCE, 19 juin 1990, aff. C-213/89,
Factortame, Rec. 1990, p. I-2433).
447
CJCE, 26 septembre 1996, Data Delecta, ibid. Parmi les lacunes de la Charte figure l’absence du
principe d’équivalence du traitement juridictionnel.
448
Sur l’affirmation de l’autonomie institutionnelle et procédurale, v. titre II, chap I, section II, § 1, A.
449
Art. 10 CE ; V. CJCE, 19 juin 1990, aff. C-213/89, Factortame, ibid., sur l’obligation d’assurer la
protection juridictionnelle des droits découlant de l’effet direct du droit communautaire.
149
compétences souveraines par rapport à l’intégration communautaire des droits
fondamentaux450. En définitive, si la lettre de la Charte laisse une grande marge de
manœuvre au législateur national, son esprit commande la renonciation graduelle des
prérogatives étatiques, au bénéfice d’un socle de droits de la personne de plus en plus
vaste, de plus en plus solide, de plus en plus… communautaire. Mais nous n’en sommes
pas encore arrivés à ce stade. Combler les lacunes de la Charte semble bien plus urgent.
B) Les lacunes de la Charte
163 L’œuvre du Conseil de l’Europe. Si la Charte a le mérite de reprendre à
son compte l’essentiel de la protection accordée aux personnes par les principales
conventions du Conseil de l’Europe, d’aucuns déplorent qu’en certains domaines, la
Charte offre un niveau de protection moindre que les instruments internationaux
correspondants451. Même si ceux-ci sont dépourvus de force juridique contraignante,
nous nous expliquons mal pourquoi leur reformulation dans la Charte est si peu fidèle à
l’esprit comme à la lettre de ces instruments. Ainsi en est-il de la Charte Sociale
européenne révisée452, ou de la Convention sur les droits de l’homme et la
biomédecine453. La première consacre un droit à gagner sa vie454, ou un droit de la mère
et de l’enfant à une protection sociale et économique455, absents de la Charte. La
450
J. Dutheil de la Rochère, L’Europe a-t-elle besoin d’une Charte des Droits fondamentaux ?, Gaz. Pal.
os
n 159 et 160, 7 juin 2000, pp. 5-9. V. également supra, paragraphes 43 et 146, et infra paragraphe 172.
451
Et ceci contrairement à la clause de non-régressivité contenue dans l’article 53 de la Charte.
452
Charte sociale européenne (adoptée à Turin, le 18 octobre 1961, révisée en 1996).
453
Convention du Conseil de l’Europe sur les Droits de l’homme et la biomédecine, du 19 novembre
1996, entrée en vigueur le 1er décembre 1999.
454
Art 1, paragraphe 2 CSE. Ce qui est d’autant plus surprenant que le droit de gagner sa vie, ce qui
implique le droit à un travail, a longtemps figuré dans le projet de Charte (v. Charte 4423/00, Convent 46
du 31 juillet 2000, 37 p).
455
Art. 17 CSE.
150
seconde prohibe « toute intervention ayant pour but de créer un être humain
génétiquement identique à un autre être humain vivant ou mort »456. Mais la Charte ne
reprend l’interdiction du clonage humain que dans son volet reproductif, et non
thérapeutique (article 3, paragraphe 2, littera 4457, et plus subtilement dans l’article 21,
paragraphe 1er portant clause générale de non-discrimination458).
164 De même, la clause de standard minimum (article 52, paragraphe 2 de la
Charte) ne se réfère qu’aux droits correspondants à ceux garantis par la Convention
européenne des droits de l’homme. On comprend mal pourquoi les rédacteurs de la
Charte ont ainsi discriminé, non seulement entre les instruments internationaux de
protection des droits de l’homme, mais également entre les conventions émanant du
Conseil de l’Europe, pour ne retenir que la plus éminente. Quid des conventions portant
coopération judiciaire ? Quid de la Convention sur l’exercice des droits de l’enfant de
1996 ? 459 Pour expliquer leur exclusion de cette clause, plusieurs hypothèses s’offrent à
nous. Immédiatement, nous pensons à une omission. Mais cette hypothèse est peu
vraisemblable, compte tenu tant de la qualité des membres qui composèrent l’Enceinte
puis la Convention que des multiples contributions à l’élaboration de la Charte. Une
seconde hypothèse réside dans le souci de préserver l’homogénéité d’application du
droit dans l’ensemble des Etats membres. Mais à nouveau cette hypothèse tombe devant
456
457
Art. 1, paragraphe 1er du Protocole additionnel à la Convention d’Aviedo (Paris, 12 janvier 1998).
Art. 3, paragraphe 2 de la Charte : « Dans le cadre de la médecine et de la biologie, doivent
notamment être respectés : […]
- l’interdiction du clonage reproductif des êtres humains (…). »
458
V. infra, Section II, paragraphe 1, A). L’article 21, paragraphe 1 de la Charte mentionne l’interdiction
de discrimination sur « caractéristiques génétiques ».
459
Pour ne citer que ces deux exemples : le Conseil de l’Europe est à l’origine d’un grand nombre de
conventions
ratifiées
par
les
Etats
membres
(180
traités,
protocoles
disponibles
sur
http://conventions.coe.int/Treaty/FR/CadreListeTraites.htm).
151
l’unanimité des ratifications de la CSE460 et de la Convention sur la biomédecine par les
Etats membres de l’Union, ou des conventions d’entraide judiciaire. Reste l’absence de
système juridictionnel propre à garantir la justiciabilité de ces traités. En effet, la CEDH
est la seule convention du Conseil de l’Europe à bénéficier d’un système juridictionnel
complet et de nature constitutionnelle, doté d’un interprète authentique, unique461 et
exclusif462. Dans cette hypothèse, il faut alors concevoir l’article 52 comme une clause
d’articulation, non seulement entre les normes communautaires et conventionnelles des
droits de l’homme, mais surtout comme une clause d’articulation entre systèmes
judiciaires. Il n’y a rien d’étonnant à ce qu’elle ne renvoie pas à tous les instruments
pertinents du Conseil de l’Europe. Et notre insatisfaction s’étiole quelque peu à la
lecture de l’article 53, lequel reprend les « conventions internationales auxquelles sont
parties l’Union, la Communauté ou tous les Etats membres. »
165 Les droits oubliés. Certains droits reconnus dans des instruments européens
de protection des droits fondamentaux ont été purement et simplement exclus de la
Charte. Certes, le mandat de Cologne se limitait à la volonté de recenser les droits
fondamentaux en vigueur dans l’Union, et non à emprunter à chaque convention
européenne son niveau de protection le plus élevé. Néanmoins, nous nous expliquons
mal pourquoi certains droits n’apparaissent pas dans la Charte... Ainsi en est-il du droit
au logement, proclamé à l’article 31 CSE463, ou du droit à l’intégration sociale, présent
460
V. Charte sociale européenne – Recueil de textes, Editions du Conseil de l’Europe, 2e éd. septembre-
2000, 406 p.
461
L’adoption du Protocole n°11 à la CEDH a fait disparaître la Commission européenne des droits de
l’homme, et a ainsi limité les risques de divergence d’interprétation des dispositions de la CEDH entre les
organes de Strasbourg.
462
L’exclusivité d’interprétation de la CEDH par la Cour européenne des droits de l’homme n’empêche
pas cependant la CJCE d’en fournir une interprétation valable dans l’ordre juridique communautaire.
463
Art. 31 CSE : « Toute personne a droit au logement. »
152
dans l’article 30 CSE464. Pouvons-nous trouver, dans d’autres clauses de la Charte, les
moyens juridiques de combler ces manques ? Rien n’est moins sûr. Pour reprendre
l’exemple du droit au logement, dans l’état actuel du droit de l’Union, il est peu
probable qu’une lecture extensive de l’article 29 de la Charte conduise à considérer le
« droit au placement » comme plus qu’un droit à une aide sociale d’accès au travail, qui
couvrirait ainsi les deux lacunes de la Charte sus-évoquées. De même manque-t-il à la
Charte465 un article garantissant le droit des personnes appartenant à des minorités
ethniques, religieuses ou linguistiques, voire un droit à l’autonomie locale ou régionale droits préservés par les instruments du Conseil de l’Europe telles que la Conventioncadre pour la protection des minorités nationales466 et la Charte européenne de
l’autonomie locale467. Malheureusement pour les revendications des minorités et pour le
droit à la discrimination positive, l’article 21 de la Charte est formulé de manière
négative. Mais peut-être le juge en aura-t-il une lecture moins littérale…
SECTION
II :
L’ESSOR
DES
DROITS
FONDAMENTAUX NATIONAUX
166 L’exécution juridictionnelle. De même que les autorités législatives et
administratives nationales doivent user de leurs pouvoirs conformément à leurs
464
L’article 30 CSE est ainsi libellé : « Toute personne a droit à une protection contre la pauvreté et
l’exclusion sociale. »
465
Ainsi que le relève à juste titre l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. V. Rapport révisé
de la Commission des questions juridiques et des droits de l’homme, du 27 septembre 2000, « Charte des
droits fondamentaux de l’Union européenne », Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, Doc.
n°8819, Charte 4499/00, Contrib 349, p. 3.
466
Convention-cadre du Conseil de l’Europe pour la protection des minorités nationales, du 10 novembre
1994, entrée en vigueur le 1er février 1998.
467
Comité des ministres du Conseil de l’Europe, Charte européenne de l’autonomie locale, du 15 octobre
1985, en vigueur le 1er septembre 1988, éd. Conseil de l’Europe, série des Traités européens n°122, 7 p.
153
compétences d’exécution du droit communautaire, de même les juridictions nationales
constituent le relais de la mise en ouvre du droit communautaire sur le terrain
contentieux468. Ce juge communautaire de droit commun est ainsi investi, par une sorte
de « détriplement » fonctionnel, d’une mission d’application du droit communautaire et
de respect des droits conventionnels des droits de l’homme, en plus de son rôle
d’autorité nationale469. C’est à lui d’assurer la prévalence du droit communautaire. Et le
principe d’autonomie procédurale encadrée, face aux risques de fluctuation de la
sanction effective de la primauté du droit communautaire, neutralise les effets
centrifuges de l’autonomie procédurale470, notamment des clauses de renvoi à la loi
nationale.
167 Cependant, l’harmonisation de l’exécution juridictionnelle des droits
fondamentaux communautaires n’est pas acquise. Et nous pouvons douter du caractère
opératoire du principe d’autonomie procédurale encadré en matière de droits
fondamentaux. En effet, en opérant un renvoi à la loi nationale, la Charte des droits
fondamentaux de l’Union procède à un renvoi à une loi constitutionnellement contrôlée,
soit par voie d’action, soit par voie d’exception. La plupart des constitutions nationales
disposant d’un catalogue de droits fondamentaux ou d’un Bill of Rights471, le juge
national sera enclin à s’y référer plus qu’à la Charte, qu’il percevra à travers le prisme
des droits nationaux. Or, si le droit constitutionnel national est moins avancé que celui
de la Charte, lequel est doté d’une clause de renvoi à la législation nationale, le juge
national sera incité d’y lire une clause de licéité des restrictions nationales, et non
l’expression du principe de subsidiarité. C’est là toute l’ambiguïté d’une formule
468
V. D. Simon, Le système juridique communautaire, op. cit., p. 108, § 86.
469
V. O. B. Dord, Cours constitutionnelles nationales et normes européennes, Université de Paris X –
Nanterre, 12 janvier 1996, 714 p.
470
D. Simon, La subsidiarité juridictionnelle, notion-gadget ou concept opératoire ?, RAE janvier 1998,
p. 84.
471
Avec lesquels – est-il besoin de le préciser ? – la Charte devra coexister.
154
extrêmement vague : la garantie d’un droit « dans les cas et conditions prévus par […]
les législations et pratiques communautaires. »
168 Liberté du juge international – entrave du juge national. Contrairement
à son homologue de droit interne, le juge international est beaucoup plus libre dans son
interprétation des droits fondamentaux. Si tous deux sont garants, dans leurs ordres
juridiques respectifs, du respect du droit, le juge international est affranchi de la loi
nationale472, tandis que le juge interne doit respecter le droit international, notamment à
travers l’effet utile et la prévalence du droit communautaire473. La latitude laissée au
juge international se retrouve également dans les méthodes d’interprétation laissées à sa
discrétion : systémique, téléologique, évolutive474, …
169 Plan. Appelée à être prise en considération et mise en application tant par le
juge national que par le juge communautaire, la Charte des droits fondamentaux peut
trouver, dans la jurisprudence internationale, un terrain propice à l’harmonisation des
droits fondamentaux garantis aux bénéfice des personnes, sans distinction. Ce faisant,
elle contribue à la neutralisation des discriminations à rebours (§ 1), tout en permettant
aux juges nationaux de prendre en considération des droits émanants d’autres ordres
juridiques nationaux (§ 2).
472
Dont il peut s’inspirer, par exemple au titre des traditios constitutionnelles communes aux Etats
membres, mais qu’il n’applique que sous contrôle des normes internationales ou communautaires.
473
CJCE, 9 mars 1978, aff. 106/77, Simmenthal, Rec. p. 629, cons. 21 : « Il découle de l’ensemble de ce
qui précède que tout juge national, saisi dans le cadre de sa compétence de l’obligation d’appliquer
intégralement le droit communautaire et de protéger les droits que celui-ci confère aux particuliers, en
laissant inappliquée toute disposition éventuellement contraire de la loi nationale, que celle-ci soit
antérieure ou postérieure. » ; v. également les articles 55 et 56 de la Constitution française.
474
V. supra, titre II, chapitre I, section II.
155
§1) Le glas des discriminations à rebours
170 Discrimination à rebours et situations purement internes. En principe, le
droit communautaire ne se préoccupe pas des situations purement interne, mais des
mesures propres à compromettre la jouissance transfrontalière des droits et libertés
garanties par le droit communautaire. Mais cela ne signifie pas que les réglementations
internes en apparence ne déploient pas d’effet qui soient contraires à la réalisation d’un
« espace de liberté, de sécurité et de justice ». Tout contrôle des mesures indistinctement
applicables n’est pas abandonné. Lorsque de telles réglementations auront pour objet ou
pour effet de priver les ressortissants communautaires du bénéfice d’un droit qu’ils
tirent du droit communautaire, la Cour de Justice sanctionnera l’Etat. Toute différente
est la question des discriminations à rebours, dans lesquelles ce sont les nationaux de
l’Etat membre qui, sur son sol, sont défavorisés par rapport aux autres ressotissants de
l’Union. Alors le droit communautaire n’a pas a priori vocation à intervenir475. Mais
des hypothèses existent dans lesquelles le droit communautaire s’interposera entre le
ressortissant national et le droit interne, empêchant ainsi la discrimination à rebours.
Ainsi les discriminations à rebours seront prohibées par le droit communautaire,
sous l’effet de deux mouvements. Le premier mouvement résulte des hypothèses, de
plus en plus nombreuses, dans lesquelles l’Etat refuse fautivement, à son ressortissant,
le bénéfice d’un droit ou d’une liberté auquel le droit communautaire confère un effet
direct476. Le second mouvement vient de la nouvelle rédaction de l’impératif de non-
475
CJCE, 7 février 1979, aff. 115/78, Knoors, Rec. 1979, p. 399, pour une personne n’ayant jamais quitté
son territoire national. Pareille situation est choquante, tout en étant parfaitement explicable en droit.
476
Une lecture combinée des arrêts Auer et Auer II (CJCE, 7 février 1979, aff. 136/78, Auer, Rec. 1979,
p. 437, et CJCE, 22 septembre 1983, aff. 271/82, Auer II, Rec. 1983, p. 2727, note Bazex, RTD eur.
1984, p. 511) permet de constater que la Cour d’Appel de Colmar a refusé le bénéfice de l’égalité de
traitement imposée par une directive non-transposée en considération de la nationalité du demandeur.
156
discrimination, laquelle voit sa nature évoluer vers un principe général de nondiscrimination, et sa portée s’étendre au champ des discriminations à rebours477.
171 Plan. En définitive, le fléau que constituent les discriminations à rebours
pour l’application uniforme du droit communautaire, a trouvé dans la Charte un coup
d’arrêt à son expansion. C’est essentiellement par le truchement d’un principe de nondiscrimination revalorisé (A) que la Charte abonde dans le sens d’une disparition des
discriminations à rebours. Toutefois, resurgit une exigence essentielle d’invocabilité du
droit communautaire au contentieux : celle de l’existence d’un élément d’extranéité
communautaire. La nature des droits consacrés dans la Charte ne commande-t-elle pas
d’apprécier de façon restrictive l’opposabilité des « situations purement internes » au
contentieux des droits de l’homme (B) ?
A) Une impulsion pour le principe de non-discrimination
172 Non-discrimination et droit européen. La non-discrimination, ainsi que
son corollaire l’égalité de traitement, ne s’analysent pas seulement en tant que principes
généraux de droit478 ; ils se retrouvent dans les traités constitutifs de l’ordre juridique
européen. Ces deux aspects d’un même principe s’intègrent dans les libertés
fondamentales pour lesquelles la Communauté européenne a développé une compétence
normative479, et se déploient dans de nombreux domaines du droit matériel. Les articles
12, 13 et 141, paragraphe 3 du TCE en contiennent l’expression communautaire
appliquée aux droits des personnes. D’autres dispositions du traité sur la Communauté
477
V. infra.
478
V. CJCE, 17 avril 1997, aff. C-15/95, EARL, Rec. 1997, p. I-1961 ; CJCE, 13 avril 2000, aff. C-
292/97, Karlsson, Rec. 2000, p. I-2760.
479
V. supra, nos développements aux paragraphes 43, 146 et 162.
157
européenne font également mention de ce principe480. Quant au système instauré par la
Convention de Rome, il a veillé dès les origines à assurer une égalité de traitement
(article 14 CEDH) qui, bien que dépourvue d’existence indépendante d’autres droits et
libertés481, a difficilement acquis une autonomie dans la jurisprudence de la Cour
EDH482.
173 L’originalité du principe de non-discrimination retranscrit dans la Charte
tient à sa démarcation par rapport aux traités européens. Dans le système
communautaire, la différence rédactionnelle avec l’article 13 CE peut susciter des
craintes. En effet, l’égalité de traitement telle que l’explicite l’article 13 CE n’est pas
aussi riche que celui retranscrit dans la Charte. Pour ce qui est du système conventionnel
des droits de l’homme, comme le remarque le professeur Flauss483, l’article 21 de la
Charte ne figure pas dans la liste des droits qui, selon le Présidium, ont le même sens et
la même portée, ou le même sens et une portée plus grande, que les articles
correspondants de la CEDH484. Mais les craintes évoquées demeurent surfaites. Dans
l’ordre juridique communautaire, l’article 13 CE, bien qu’il soit formulé comme un
pouvoir aux mains du Conseil, porte en germe les améliorations recensées dans l’article
21 de la Charte, à travers l’adverbe « notamment ». Le Tribunal a eu l’occasion
480
Mais appliqué à des droits économiques trop éloignés des droits fondamentaux pour que nous nous y
intéressions dans cette étude.
481
La discrimination n’est interdite que pour autant qu’elle se pratique dans un droit ou une liberté.
482
M. Bossuyt, Article 14, in L.-E. Pettiti, E. Decaux et P.-H. Imbert, La Convention européenne des
droits de l’homme, commentaire article par article, 2e éd. Economica, 1999, pp. 478-481. Comparer avec
V. Coussirat-Coustère, AFDI, 1997, p. 590, point 59, et surtout AFDI, 1999, pp. 759-760, point 23.
483
J.-F. Flauss, Les Droits de l’homme dans l’Union européenne : chronique d’actualité 1999-2000 (1re
partie), Petites Affiches, n° 155, 6 août 2001, p. 8.
484
V. Commentaire de l’article 52, paragraphe 2 de la Charte par le Présidium (Charte 4473/00, Convent
49 du 11 octobre 2000).
158
d’étendre le champ d’application du principe de non-discrimination485, la Cour celle
d’énoncer le principe général de non-discrimination486. Et dans le système du Conseil de
l’Europe, suite à l’adoption du Protocole n°12 à la CEDH, le 4 novembre 2000, une
mise à jour de la contribution du Présidium s’impose. Par la teneur des droits énoncés,
dans deux listes non exhaustives, le droit inscrit dans la Charte a certainement le même
sens et une portée plus grande que le droit conventionnel des droits de l’homme ou son
homologue communautaire.
174 Non-discrimination et Charte. En définitive, la Charte prend acte de la
convergence des développements récents du principe de non-discrimination dans les
ordres européens. L’article 21, paragraphe 1 de la Charte dispose : « Est interdite, toute
discrimination fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, les origines ethniques
ou sociales, les caractéristiques génétiques, la langue, la religion ou les convictions, les
opinions politiques ou toute autre opinion, l’appartenance à une minorité nationale, la
fortune, la naissance, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle. ». Simultanément
avec la CEDH487, la Charte érige le principe de non-discrimination en principe structurel
du droit communautaire ; auparavant, le principe de non-discrimination devait se
conjuguer avec d’autres droits établis dans le traité, et dont une violation, ou une
485
Pour une application de ce principe aux situations familiales, v. TPI, 26 septembre 1990, aff. T-48/89,
Beltrante e.a. c/ Conseil, Rec. 1990, p. II-493, cons. 34 ou même jour, aff. T-52/89, Piemonte c/ Conseil,
Rec. 1990, p. II-513, cons. 34 ; les prémisses d’un contrôle communautaire d’un principe autonome
d’égalité de traitement ont été posés par trois arrêts du TPI le 30 septembre 1998 : Chvatal e.a. c/ Cour de
justice (aff. T-154/96, RecFP p. II-1579, cons. 126, 134-135), Losch c/ Cour de justice (aff. T-13/97,
RecFP p. II-1633, cons. 113, 121-122) et Busacca e.a. c/ Cour des comptes (aff. T-164/97, RecFP p. II1699, cons. 49, 58-59).
486
CJCE, 23 novembre 1999, aff.C-149/96, Portugal c/ Conseil, Rec. 1999, p. I-8395, cons.91.
487
art. 1 du Protocole 12 CEDH : « La jouissance de tout droit prévu par la loi doit être assurée, sans
discrimination aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les
opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une
minorité nationale, la fortune, la naissance, ou toute autre situation. »
159
application différenciée sur le fondement de critères prohibés, constituent une infraction
au principe d’égalité de traitement. Désormais, la Charte consacre le droit à l’égalité de
traitement comme un droit propre de la personne, bénéficiant d’une applicabilité
directe, comme un droit autonome, qui n’est pas conditionné par la violation d’autres
droits, comme un droit progressif, susceptible de déployer ses effets dans des domaines
autres que ceux énumérés… et peut-être même comme norme d’articulation entre les
ordres juridiques communautaires et conventionnels des droits de l’homme.
175 L’impulsion ainsi conférée au principe de non-discrimination n’est pourtant
pas absolue. La Charte tolère, voire encourage les discriminations positives, notamment
en ses articles 23 § 2 (droit du sexe sous-représenté), 24 (droit de l’enfant), 25 (droit des
personnes âgées), 26 (intégration des personnes handicapées) et, dans une certaine
mesure, en son article 22 (diversité culturelle, religieuse et linguistique). Ces
discriminations positives s’inscrivent dans le processus de spécification des droits
fondamentaux sus-évoqués488. Elles constituent une expression négative de l’égalité de
traitement : deux individus placés dans deux situations objectivement différentes
doivent être traitées différemment. Partant le principe d’universalité s’accorde avec le
principe de non-discrimination. Bien que la Charte soit dépourvue de valeur juridique
formelle, elle témoigne, non d’une révolution, mais d’une évolution dans la manière
d’appréhender le principe de non-discrimination : s’estompent les limitations classiques
du principe d’égalité de traitement (national, sexuel,…) au profit d’un principe de nondiscrimination véritablement universel…
488
V. titre II, chapitre I, section I.
160
B) L’opposabilité des situations purement internes au
contentieux des droits de l’homme
176 Situations purement internes et non-discrimination. Les solutions
classiques du droit communautaire admettent en principe l’existence des discriminations
à rebours, avec le tempérament révélé notamment à l’occasion des jurisprudences
Auer489, selon lequel une discrimination à rebours tombe devant l’effet direct des
dispositions communautaires. Or, l’adoption de la Charte aura comme effet de réduire le
dernier pré carré de souveraineté que constitue ce type de discriminations. En effet,
rompant avec notre postulat de départ, la Charte ne constitue pas une codification à droit
constant dans le domaine de la non-discrimination. Par sa formulation comme par sa
place dans la Charte, le principe de non-discrimination est érigé en principe gouvernant
l’ensemble des actions des Institutions comme des autorités nationales490. Il s’ensuit
deux séries de conséquences. La première est que le principe de non-discrimination
neutralise à terme toute discrimination à rebours, par « communautarisation » des
dernières situations purement internes. Dès lors qu’une différence de traitement existera
entre deux ressortissants, même nationaux, l’Etat aura manqué à une obligation tirée du
droit communautaire, qui est d’assurer, conformément à la Charte, une égalité de
traitement. L’élément d’extranéité sera, en quelque sorte, pré-constitué par l’adoption de
l’article 21 de la Charte. La seconde série de conséquences est que, par retour de
flammes, sauf disposition ayant même valeur que le principe de non-discrimination,
peuvent également être interdites les discriminations positives.
489
CJCE, Auer I et Auer II, op. cit.
490
L’absence de référence, dans le premier paragraphe de l’article 21, au « domaine d’application du
traité instituant la Communauté européenne et du traité sur l’Union européenne », laquelle figure en tête
du second paragraphe, ne peut constituer un oubli… Ce qui témoigne bien de la volonté de la Convention
de revaloriser le principe de non-discrimination.
161
177 Bien sûr, ce saut qualitatif du droit communautaire de la non-discrimination
sera perçu, par les autorités nationales, avec plus ou moins de bonheur, et peut-être
même décrié comme une forme d’impérialisme. N’en déplaise aux thuriféraires de la
souveraineté nationale, la CJCE a déjà entamé, dans le domaine des droits sociaux, toute
indépendance nationale. Dans l’arrêt Martinez Sala, du 12 mai 1998491, la Cour a lié au
contentieux le principe de non-discrimination, la citoyenneté européenne et le bénéfice
de prestations sociales, en termes clairs : « En tant que ressortissante d'un État membre
résidant légalement sur le territoire d'un autre État membre, la requérante au principal
relève du domaine d'application ratione personae des dispositions du traité consacrées à
la citoyenneté européenne. […] Or, l'article 8, paragraphe 2, du traité attache au statut
de citoyen de l'Union les devoirs et les droits prévus par le traité, dont celui, prévu à
l'article 6 du traité, de ne pas subir de discrimination en raison de la nationalité dans le
champ d'application ratione materiae du traité. Il en résulte qu'un citoyen de l'Union
européenne qui, telle la requérante au principal, réside légalement sur le territoire de
l'État membre d'accueil peut se prévaloir de l'article 6 du traité dans toutes les
situations relevant du domaine d'application ratione materiae du droit communautaire
(…) »492. Cette jurisprudence, certes controversée, pourrait éclairer les rapports entre les
droits consacrés dans divers chapitres de la Charte et, mutatis mutandis, voir le critère
de la citoyenneté européenne prendre le pas sur l’exigence de toute autre qualité dans les
matières couvertes par le traité.
178 Situations
purement
internes
et
inapplicabilité
du
droit
communautaire. Malheureusement, les indices d’une telle évolution sont minces. En
effet, depuis 1998, l’attendu qui nous intéresse dans la jurisprudence Martinez Sala n’a
pas été repris par la Cour de Justice. En outre, cette dernière fait elle-même une
application litigieuse du principe de non-discrimination, ne lui permettant plus de
491
CJCE, 12 mai 1998, aff. C-85/96, Martìnez Sala, Rec. 1998, p. I-2691
492
CJCE, Martinez Sala, ibid., cons. 61 à 63.
162
déployer toutes ses potentialités au sein même du droit communautaire. Dans la dernière
affaire en date, l’arrêt D. et Suède c/ Parlement, du 31 mai 2001, la CJCE a refusé de
considérer l’octroi d’une allocation au fonctionnaire marié comme une discrimination
sur le fondement de l’orientation sexuelle, alors que le requérant avait enregistré un
partenariat légal avec un conjoint de même sexe dans son Etat d’origine493. La Cour a
refusé de se prononcer sur l’effet d’une telle discrimination quant aux droits sociaux liés
au statut national494. En définitive, si la Cour affirme que même l’état civil est
inopposable aux autres Etats de l’Union, il y a peu d’espoir de la voir étendre le principe
de non-discrimination à d’autres domaines relevant d’autres situations de droit interne.
Devant les hésitations de la CJCE, ne serait-il pas souhaitable que les juges nationaux
s’emploient à puiser dans leurs droits fondamentaux nationaux le complément
nécessaire à la sauvegarde de l’effectivité du droit, indépendamment du lieu de
survenance du litige ?
493
CJCE, 31 mai 2001, aff. jtes C-122/99 P et C-125/99 P, D. et Suède c/ Conseil, non publié au Recueil :
« S’agissant […] de l’atteinte à l’égalité de traitement qui existerait entre les fonctionnaires en raison de
leur orientation sexuelle, il apparaît que ce n’est pas non plus le sexe du partenaire qui constitue la
condition d’octroi de l’allocation de foyer, mais la nature juridique des liens qui l’unissent au
fonctionnaire. » (cons. 47). Mais le choix de se référer dans les statuts à la nature juridique des liens n’estil pas en lui-même discriminatoire, et fondée sur un ensemble de pratiques qui ne le sont pas moins ?
Comme le remarque plus loin la Cour : « la situation qui existe dans les Etats membres de la
Communauté quant à la reconnaissance des partenariats entre personnes de même sexe ou de sexe
différent est marquée […] par une grande hétérogénéité des législations et par une absence générale
d’assimilation entre le mariage, d’une part, et les autres formes d’union légale, d’autre part. » (cons.
50).
494
Ibid., la Cour a considéré que la revendication des bénéfices afférents à l’état civil constituait un
moyen nouveau qui, partant, était irrecevable (cons. 53 à 57).
163
§2) Vers une extraterritorialité des droits fondamentaux
nationaux ?
179 Extra-territorialité des droits de l’Homme. La question de l’application
extra-territoriale du droit national a toujours constitué un nerf sensible pour les autorités
nationales, lesquelles demeurent attachées à ce que les juges européens respectent les
frontières de leurs juridictions respectives. Pourtant, l’application extraterritoriale du
droit appliqué aux droits fondamentaux pose moins de difficulté, en raison d’une part du
principe d’universalité, et de la multiplication, sur la scène européenne, des conventions
portant reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires495, d’autre part. Au niveau
communautaire, la promotion sur le territoire de l’Union de valeurs fondamentales
nationales a subi un contre-coup dans l’arrêt D. et Suède c/ Conseil496, que nous venons
d’évoquer. En effet, la Cour de Justice, arguant de la diversité des situations dans les
différents Etats membres, a refusé de procéder à l’assimilation entre les personnes
enregistrées selon un partenariat légale et les personnes mariées497. Or, une telle position
495
V. par exemple les nombreuses conventions conclues au sein du Conseil de l’Europe
(http://conventions.coe.int/Treaty/FR/CadreListeTraites.htm). Des efforts sont également déployés pour
que, suivant le modèle d’Europol, un corps de juristes européens, Eurojust, soit mis en place, ce qui
devrait faciliter l’harmonisation des procédures et la reconnaissance mutuelle des décisions de justice.
496
CJCE, 31 mai 2001, D. et Suède c/ Conseil, op. cit.
497
Ibid., cons. 36 : « Au-delà de leur grande hétérogénéité, ces régimes d’enregistrement de relations de
couple, qui n’étaient jusque-là pas reconnues par la loi sont, dans les Etats membres concernés, distincts
du mariage. » et 37 : « De telles circonstances ne permettent pas au juge communautaire d’interpréter le
statut de telle sorte que soient assimilées au mariage des situations légales qui en sont distinctes (…) ».
Pourquoi la Cour ressent-elle de tels scrupules, lesquels vident le statut légal de sa substance et de son
intérêt pour les partenaires ayant décidé de vivre au grand jour une union stable, après avoir elle-même
constaté : « (…) une relation stable mais n’ayant d’existence qu’en fait entre partenaires de même sexe –
hypothèse examinée dans l’arrêt Grant, précité – n’est pas nécessairement équivalente à un statut légal
de partenariat enregistré (…) » (cons. 33.) ?
164
contrevient naturellement à la formulation extrêmement vaste de l’article 9 de la
Charte498. Globalement, cette dernière pourrait trouver, dans la jurisprudence des Cours
suprêmes des Etats membres, un écho suffisamment fort pour vaincre les réticences de
la Cour de Luxembourg. Le juge suprême ne devrait-il pas s’inspirer des droits
procéduraux contenus dans la Charte pour reconnaître à toute personne le bénéfice de
celle-ci ?
180 Plan. Les droits de l’Homme étant susceptible de passer outre la
perméabilité des ordres juridiques nationaux, la diffusion européenne des décisions de
justice devrait assurer la promotion de la Charte sur le territoire communautaire.
S’inscrivant parmi les mécanismes d’influence réciproque des juges nationaux, la
Charte des droits fondamentaux de l’Union pourrait bien dynamiser la promotion
internationale des droits fondamentaux nationaux (A). Cette opération étant bijective, il
nous faudra également étudier la manière dont le juge national réceptionne les droits
fondamentaux « importés » d’autres ordres juridiques (B).
A) La promotion des valeurs nationales dans les autres Etats
membres
181
Prohibition de l’extraterritorialité judiciaire. La question de
l’extraterritorialité des droits fondamentaux nationaux est délicate, en ce qu’elle
s’oppose d’une part au principe classique de souveraineté nationale, et d’autre part au
principe de primauté communautaire. Lorsqu’une juridiction choisit une base juridique
de droit interne afin d’appliquer, à un litige né en dehors de son territoire national mais à
l’intérieur du territoire communautaire, une lecture nationale des droits de l’Homme,
elle risque la censure des juridictions de l’Etat du for comme des juridictions
498
Pour mémoire, l’art. 9 dispose : « Le droit de se marier et le droit de fonder une famille sont garantis
selon les lois nationales qui en régissent l’exercice. ». V. Supra.
165
internationales. L’application extraterritoriale du droit national est en principe prohibée.
Certes, des tempéraments existent, par exemple la clause d’attribution de compétence
juridictionnelle de droit international privé. Toutefois nous n’aborderons pas de tels
contentieux.
182 Assouplissement de l’interdiction. Cependant, l’adoption de la Charte peut
également permettre aux droits fondamentaux nationaux de rayonner en dehors de la
sphère des situations purement internes. Les situations économiques et sociales des
justiciables dépassent les frontières théoriques. Dans certaines situations, le juge aura à
appliquer ses droits fondamentaux à une situation comportant des éléments d’extranéité,
afin de garantir une protection supérieure des personnes, parce que le droit
communautaire comme le droit étranger seront alors considérés comme impuissants à
assurer le degré voulu d’effectivité des droits de l’Homme.
183 Déviance des droits fondamentaux. La promotion des valeurs nationales a
ceci de dangereux qu’elle peut suivre des objectifs beaucoup moins altruistes que la
volonté de garantir un « nivellement par le haut » des droits de la personne. Lorsque les
droits fondamentaux de deux personnes entrent mutuellement en conflit, le juge national
peut rendre un arrêt tout à fait légal sur le plan des principes, et manifestement contraire
à l’essence même des droits fondamentaux. L’hypothèse que nous envisageons ici est
celle des enlèvements d’enfant, situations aussi délicates que médiatisées. En cette
hypothèse, deux personnes titulaires chacune de la nationalité d’un Etat membre, ont
ensemble un enfant. Suite à leur séparation, légale ou de fait, l’un des parents emmène
l’enfant dans son Etat d’origine, dans la plus parfaite violation des droits de l’autre
parent. Ce dernier demandera à la justice de l’Etat sur lequel son ex-conjoint s’est enfui,
de garantir l’effectivité de son droit de visite ou de son droit de garde. Cependant, les
procédures, en s’éternisant, pérennisent la violation première du droit, (l’enlèvement de
l’enfant) en situation de droit : le juge national, au nom de son interprétation de l’intérêt
166
supérieur de l’enfant, qui consistera toujours à vivre dans un foyer stable499, opposera
des refus de plus en plus nombreux à ce que la personne requérante voit son enfant.
Autrement dit, le juge national peut, en appliquant une lecture des droits fondamentaux
favorable à son compatriote, anéantir le droit à une vie familiale d’un autre ressortissant
communautaire. Et si pareille violation judiciaire des droits fondamentaux
communautaires ouvre à la victime un recours en responsabilité contre l’Etat de
résidence de son enfant, les chances d’aboutir sont infimes, et les dommages et intérêts
obtenus seront insuffisants à compenser l’intégralité du préjudice... En matière
d’arbitrage entre droits fondamentaux de la vie privée, la Charte demeure
malheureusement muette.
B) La réception des droits fondamentaux reconnus par les
autres Etats membres
184 Charte et réception des droits fondamentaux. La nature même de
l’exercice de codification à droit constant présume de l’applicabilité de la Charte par le
juge national. Toutefois, la question de l’autorité morale et juridique des droits
fondamentaux étrangers peut être résolue. Au niveau national, le juge devra, pour
appliquer la Charte, puiser à son tour, dans le fonds normatif commun500, une lecture
communautaire des droits fondamentaux, y compris si ces droits sont garantis par sa
constitution nationale. Ce devoir tient à l’exigence de coopération loyale501, qui
s’impose à toutes les instances nationales, notamment le juge502. Un indice de cette
obligation se retrouve également dans le choix rédactionnel de la Convention, qui se
499
V. par exemple les arrêts C. Cass. 1re civ., 15 juin 1995, Mme Rendou c/ M. Rendou et C. Cass. 1re
civ., 12 juillet 1995, M. Chamée c/ Mme Chamée, RCDI priv. N°84(1), janvier-mars 1995, note H. MuirWatt, p. 137 et s.
500
V. supra titre I, chapitre I, section II.
501
Art. 10 CE
167
réfère, même dans les clauses de renvoi à la loi, « aux législations et aux pratiques
nationales ». Le choix d’un pluriel suppose que doivent être prises en considération
toutes les dispositions pertinentes des normes nationales. Quant aux modalités de la
réception, elles dépendant du choix initial de l’Etat d’organiser son ordre juridique de
manière moniste ou dualiste.
185 La réception des droits fondamentaux dans un Etat moniste – l’exemple
de la France. Le Préambule de la Constitution de 1946, l’article 55, et surtout les
articles 88-1 à 88-4 de la Constitution du 4 octobre 1958503, établissent en France un
régime moniste avec primauté du droit international et du droit communautaire. De la
clause de réciprocité de l’article 55, le Conseil Constitutionnel va déduire son
incompétence pour contrôler la conformité d’une loi à un traité, renvoyant aux juges
ordinaires504. L’article 54 quant à lui est inopérant : il n’offre au juge constitutionnel la
possibilité d’un contrôle de constitutionnalité que de manière préventive505. Quant aux
articles 88-1 à 88-4, ils comportent des dispositions suffisamment précises pour que
l’application immédiate du droit communautaire originaire s’impose. Comme la Charte
n’est pas encore intégrée dans les traités, bien qu’elle soit rédigée pour pouvoir l’être,
elle ne peut bénéficier de la certitude propre à l’applicabilité immédiate du droit issu des
traités. Certaines jurisprudences des juridictions suprêmes devront être adaptées pour
502
CJCE, 9 mars 1978, aff. 106/77, Simmenthal, Rec. p. 629.
503
Les articles 88-1 à 88-4 ont été modifiés par une loi constitutionnelle du 8 janvier 1999, afin d’affirmer
une fois pour toutes la primauté du droit communautaire.
504
V. C. Cons, 15 janvier 1975, 74-54 DC, Interruption volontaire de grossesse, , in FAVOREU (I.) et
PHILIP (L.), Les grandes décisions du Conseil Constitutionnel, Paris, 9e éd. Dalloz, 1997, pp. 305-329.
505
L’art. 54 organise un contrôle de constitutionnalité pour tout « engagement international », expression
qui ne se résume pas aux traités…
168
assurer la pleine réceptivité des droits fondamentaux reconnus dans les instruments
internationaux en vigueur dans les autres Etats membres506.
186 La réception des droits fondamentaux dans un Etat dualiste – l’exemple
du Royaume-Uni. A l’inverse des Etats qui, tels la France, reconnaissent le principe de
primauté des engagements internationaux sur la législation nationale, les Etats dualistes
conditionnent l’introduction des engagements internationaux dans leur ordre juridique,
par le double jeu de la réception et de la transposition. L’ensemble du droit
communautaire originaire et dérivé fut introduit dans l’ordre juridique britannique par le
European Communities Act, de 1972, et il fallut attendre le mois de novembre 1998
pour qu’il en soit de même avec la CEDH, grâce au Human Rights Act507. Mutatis
mutandis, un tel acte de réception sera-t-il nécessaire pour incorporer la Charte ? Pour
sécurisant qu’il soit, cet acte ne semble pas nécessaire. En effet, les droits fondamentaux
consignés dans la Charte constituent des droits déjà en vigueur dans l’Union, et la
plupart ont le même sens et/ou la même portée que les droits correspondants dans la
CEDH. Partant, les deux Acts de 1972 et de 1998 semblent suffisants à permettre
l’applicabilité des droits garantis dans la Charte. Or, de tels droits faisant amplement
références aux législations et pratiques nationales, ainsi qu’aux « instruments
internationaux auxquels les Etats ont coopéré ou adhéré »508, le juge britannique sera
certainement amené à prendre en considération les droits fondamentaux tels que garantis
dans les autres Etats membres.
506
Par exemple en matière d’applicabilité de la Convention internationale sur les droits de l’enfant, qui
peut inspirer la lecture des articles 24 et 32 de la Charte, v. Cons. Etat, 29 juillet 1994, Préfet de SeineMaritime, RGDIP, 1995, pp. 502 et s., et quelques mois plus tard Cons. Etat, 22 septembre 1997,
Demoiselle Ginar, AJDA, 1997, p. 815.
507
Notons qu’aucune disposition de la CEDH n’oblige une Haute Partie contractante à en assurer
l’application immédiate dans leur ordre juridique interne, ni n’oblige les juges à s’y référer directement.
508
Art. 53 de la Charte.
169
CONCLUSION
170
187.
Charte et codification. Au terme de cette étude, la Charte des Droits
fondamentaux, riche de ses promesses, lourde de ses lacunes, apparaît plus comme un
processus que comme un accomplissement. Les éloges et les critiques que chacun peut
lui faire révèlent sa grande plasticité, tout en stigmatisant son criant défaut de sécurité
juridique. Son absence de force contraignante formelle se heurte avec sa valeur juridique
intrinsèque. En somme elle emprunte au « Grand Œuvre » une part de son occultisme :
comme alchimie à droit constant, la Charte des droits fondamentaux extirpe les droits
fondamentaux du « hyle »509, formé par la pluralité des instruments internationaux de
protection, et contribue à accroître leur visibilité et leur applicabilité… sans parvenir
finalement à les découpler de leur origine ni à en assurer une totale unité d’application.
De ce point de vue, la Charte est encore à la recherche de sa propre perfectibilité. La
Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne n’est pas cette Pierre
philosophale qui fera l’unanimité des cultures juridiques européennes autour des droits
fondamentaux.
188.
Comme codification à droit constant, la Charte intrigue. La disparité de
ses formulations, dans les processus de garanties comme dans les restrictions aux droits,
principes et libertés, ne nous permet pas de conclure à la positivité d’ensemble de la
Charte. Il appartiendra au juge, et, aussi curieux que cela puisse paraître, au juge
national surtout, de donner à la Charte toute sa dimension contraignante. Or, s’il nous
semble prématuré d’affirmer le caractère contraignant de l’ensemble de la Charte, il est
par contre certain que la Charte des Droits fondamentaux ne constitue pas de la soft-law.
Comme Charte de droits essentiels, fondamentaux par nature, elle contient des
dispositions beaucoup trop impératives pour être reléguées à un rang infra-normatif. Qui
plus est, ces dispositions sont garanties par un système juridictionnel – certes imparfait –
mais tendant vers une efficience toujours plus grande. En somme, la Charte est déjà
509
Le chaos alchimique, duquel tout procède, qui pré-existe à la matière et constitue, symboliquement,
l’origine matricielle de notre monde.
171
partiellement applicable, et acquérra par la pratique les parcelles de positivité qui lui
manque.
189.
Charte et constitution européenne. Cependant, il nous semble non
seulement prématuré, mais surtout inadéquat, de considérer la Charte comme préambule
d’une Constitution européenne en formation. Considérer la Charte sous cet angle, c’est
appliquer à l’Union, une organisation internationale, des modèles de raisonnement
étatiques. Le « statomorphisme » n’est-il pas une analogie hasardeuse, à l’heure où les
Chefs d’Etat et de Gouvernement peinent à s’accorder sur la future forme de l’Union ?
Annoncée comme préambule d’une Constitution de l’Union510, voire comme
« catalogue de droits fondamentaux susceptible de préfigurer la déclaration des droits
qui pourrait être insérée dans la future constitution européenne »511, la Charte emprunte
au débat sur la nature future de l’Union sans se l’approprier. La question
constitutionnelle n’était pas du ressort de la Convention ; elle ne sera pas non plus à
l’ordre du jour des prochaines réalisations.
510
A. Gruber, La Charte des Droits fondamentaux et l’Union européenne : un message clair hautement
symbolique, Petites Affiches n°15, 22 janvier 2001, p. 5 : « […] elle s’inscrit déjà dans une perspective
d’avenir de l’Union comme le premier élément fondamental d’une constitution européenne qui pourrait
être à terme une constitution de type fédéral. »
511
J.-F. Flauss, Les Droits de l’homme dans l’Union européenne : chronique d’actualité 1999-2000 (1re
partie), op. cit., p.4. Le double emploi du conditionnel révèle toute la circonspection nécessaire à l’abord
de ce thème.
172
BIBLIOGRAPHIE
~
Sommaire
I. OUVRAGES ET MANUELS (par ordre alphabétique) ……………………………175
1.1. OUVRAGES GENERAUX ............…….………………………………………175
1.2. OUVRAGES SPECIALISES……………………………………………………176
II. THÈSES ET MÉMOIRES (par ordre alphabétique)……………………………….177
III. ARTICLES (par ordre alphabétique) ……………………………………………..178
3.1. ARTICLES GÉNÉRAUX ……………………………………………………..178
3.2. ARTICLES SPÉCIALISES …………………………………………….………185
IV. TEXTES DE BASE (par ordre alphabétique) …………………………………….187
V. DROIT DERIVE ET COMPLEMENTAIRE ……………………………………..189
5.1. RÈGLEMENTS ……………………………………………………………...189
5.2. DIRECTIVES………………………………………………………………..190
5.3. CONVENTIONS …………………………………………………………….191
VI. CONTRIBUTIONS INSTITUTIONNELLES (par ordre chronologique) ………..192
VII. CONTRIBUTIONS DES INSTANCES CONSULTEES (par ordre chronologique)
………………………………………………………………………………………..195
7.1. CONSEIL DE L’EUROPE …………………………………………………….195
7.2. SOCIÉTÉ CIVILE ……………………………………………………………195
173
VIII. COLLOQUES (par ordre chronologique) ………………………………………196
IX. JURISPRUDENCE (par ordre chronologique) …………………………………...197
9.1. COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME …………………………..197
9.2. COMMISSION EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME ……………………199
9.3. COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES ……………………199
9.4. TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE…………..……………………………203
9.5. CONCLUSIONS DES AVOCATS GÉNÉRAUX………………………………….204
9.6. JURIDICTIONS SUPRÊMES NATIONALES …………………………………….205
9.6.1. TRIBUNAL CONSTITUTIONNEL DE KARLSRUHE …………………..205
9.6.2. CONSEIL CONSTITUTIONNEL FRANÇAIS ………………………….206
9.6.3. COUR DE CASSATION FRANÇAISE ……………………………….206
9.6.4. CONSEIL D’ÉTAT FRANÇAIS …………………………………….206
X. ARTICLES DE PRESSE (par ordre chronologique)………………………………207
XI. SITES INTERNET (par ordre alphabétique) ……………..………………………208
~
174
I. OUVRAGES (par ordre alphabétique)
1.1. OUVRAGES GÉNÉRAUX
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RENUCCI (J.-F.), Droit européen des Droits de l’Homme, 2e éd. LGDJ, 1999, 688 p.,
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176
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II. THÈSES ET MÉMOIRES (par ordre alphabétique)
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177
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III. ARTICLES (par ordre alphabétique)
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BONNECHÈRE (M.), Quelle garantie des droits sociaux fondamentaux en droit
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BRIBOSIA (E.) et WAYAMBERGH (A.), La consolidation de l’Etat de droit
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178
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hommage à Louis-Edmond Pettiti, éd. Bruylant, Bruxelles, 1998, pp. 737-750.
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développement, démocratie, éd. Bruylant, Bruxelles, 1998, vol. II pp. 1417-1430.
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et de l’Union européenne, n°445, février 2001, pp. 81-84.
184
3.2. ARTICLES SPÉCIALISÉS
BENOÎT-ROHMER (F.), La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne,
Dalloz n°19, 10 mai 2001, pp. 1483-1492.
BERROD (F.) et PIÉTRI (M.), Nice ou la victoire des Etats membres, Rev. Europe,
n°1, janvier 2001, pp. 3-6.
BRAIBANT (G.), La Charte des droits fondamentaux, Droit social n°1, janvier 2001,
pp.69-75.
BURGUBURU (J.-M.), L’Europe, la Charte des Droits fondamentaux et les avocats –
Charte des droits, Gaz. Pal. n°315, 10 novembre 2000, pp. 50-51.
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juin 2000, p. 4.
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réformer l’UE ?, Rev. Marché Commun et de l’Union européenne, n°448, mai 2001, pp.
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présentation générale, enjeux et perspectives, Petites Affiches n°248, 13 décembre
2000, pp. 5-15.
DUTHEIL de la ROCHÈRE (J.), L’Europe a-t-elle besoin d’une Charte des Droits
fondamentaux ?, Gaz. Pal. nos 159 et 160, 7 juin 2000, pp. 5-9.
185
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européenne : quelle valeur ajoutée, quel avenir ?, Rev. Marché Commun et de l’Union
européenne, n°443, décembre 2000, pp. 674-680.
DUTHEIL de la ROCHÈRE (J.), La Charte des droits fondamentaux de l’Union
européenne, Regards sur l’Actualité, janvier 2001, pp. 3-11.
FERAL (P.-A.), Un pas supplémentaire vers la reconnaissance et la protection d’un
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Marché Commun et de l’Union européenne, n° 450, juillet-août 2001, pp. 475-485.
FERNÁNDEZ SOLA (N.), A quelle nécessité juridique correspond la négociation
d’une Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ?, Rev. Marché Commun
et de l’Union européenne, n°442, octobre-novembre 2000, pp. 595-600.
FONTAINE (N.), La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, un
nouveau pas vers la reconnaissance et la défense des droits des citoyens de l’Union
européenne, Droit et patrimoine, n°92, pp. 28-32.
GRUBER (A.), La Charte des Droits fondamentaux et l’Union européenne : un
message clair hautement symbolique, Petites Affiches n°15, 22 janvier 2001, pp. 4-17.
HAENEL (H.), L’élaboration d’une Charte des droits fondamentaux, Les Rapports du
Sénat, Rapport n°395, juin 2000, 121 p.
KOUKOULIS-SPILIOTOPOULOUS (S.), De Biarritz à Nice : le projet de Charte
des Droits fondamentaux est-il bien articulé avec le droit de l’Union ?, Gaz. Pal. n°303,
29 octobre 2000, pp. 18-23.
186
LONCLE (F.), Vers une Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, Les
Documents d’information de l’Assemblée Nationale, Rapport n°2275, mars 2000, 54 p.
LONCLE (F.), La Charte des Droits fondamentaux de l’Union européenne, Les
Documents d’information de l’Assemblée Nationale, Rapport n°2616, 2000, 96 p.
VITORINO (A.), La Charte des Droits fondamentaux de l’Union européenne, RDUE
n°3/2000, pp. 499-508.
WATHELET (M.), La charte des droits fondamentaux : un bon pas dans une course
qui reste longue, Cah. Dr. eur., n°5-6, 2000, pp. 585-594.
Peu de soutien pour le projet de charte des droits fondamentaux, Liaisons sociales
Europe n°15, 13 septembre 2000, p. 1.
IV. TEXTES DE BASE (par ordre chronologique)
Assemblée générale des Nations-Unies, Déclaration universelle des Droits de l’Homme
(1948), in Recueil d’instruments internationaux, éd. United Nations Publications, vol. I
(1re partie) Instruments universels, Genève, 1994, pp. 1-7.
Convention européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés
fondamentales (4 novembre 1950), in Recueil de textes, Editions du Conseil de
l’Europe, 2e éd. septembre-2000, 406 p.
Convention
de
Genève
sur
la
protection
des
réfugiés
(28
juillet
1951),
www.unhchr.ch/french/html/menu3/b/o
187
Charte sociale européenne (adoptée à Turin, le 18 octobre 1961, révisée en 1996), in
Recueil de textes, Editions du Conseil de l’Europe, 2e éd. septembre-2000, 406 p.
Assemblée Générale des Nations-Unies, Pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels (16 décembre 1966, entré en vigueur le 3 janvier
1976), éd. United Nations Publications, vol. I (1re partie) Instruments universels,
Genève, 1994, pp. 20-40.
Assemblée Générale des Nations-Unies, Pacte international relatif aux droits civiques et
politiques (16 décembre 1966, en vigueur le 23 mars 1976), éd. United Nations
Publications, vol. I (1re partie) Instruments universels, Genève, 1994, pp. 8-19.
Convention du Conseil de l'Europe, du 28 janvier 1981, pour la protection des
personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel, STE
180, éd. du Conseil de l’Europe, 8 p.
Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs (1989), in L.
Dubouis et C. Gueydan, Grands textes de droit communautaire et de l’Union
européenne, 4e éd. Dalloz, n° N2, pp. 816-823.
Convention du 26 juillet 1995, établie sur la base de l'article K.3 du traité sur l'Union
européenne, relative à la protection des intérêts financiers des Communautés
européennes, JOCE n° C 316 du 27 novembre 1995.
Convention du 26 mai 1997, établie sur la base de l'article K.3 paragraphe 2, point c), du
traité sur l'Union européenne relative à la lutte contre la corruption impliquant des
fonctionnaires des Communautés européennes ou des fonctionnaires des Etats membres
de l'Union européenne, JOCE n° C 195 du 25 juin 1997.
188
Statut de la Cour pénale internationale (Rome, 17 juillet 1998), in P.-M. Dupuy, Grands
textes de Droit international public, 2e éd. Dalloz 2000, n°18, pp. 180-199.
Convention du Conseil de l'Europe, conclue à Oviedo le 19 novembre 1996, sur les
Droits de l'Homme et la Biomédecine, telle que modifiée par son protocole additionnel
du 12 janvier 1998, STE 164, éd. Du Conseil de l’Europe, 20 p.
Convention conclue le 26 juillet 1995 sur la base de l'article K.3 du traité sur l'Union
européenne portant création d'un Office européen de police (convention Europol), JOCE
n° C 316 du 27 novembre 1995.
Projet de Charte des Droits fondamentaux, version du 31 juillet 2000, commentée article
par article par le Présidium, Charte 4423/00, Convent 46 du 31 juillet 2000, 37 p.
Déclaration conjointe du Parlement européen, du Conseil et de la Commission,
proclamant la Charte des Droits fondamentaux de l’Union européenne, Faite à Nice, 7
décembre 2000, (JOCE n°C 364, 31 décembre 2000, pp. 1-22).
V. DROIT DÉRIVÉ
chronologique)
ET
COMPLÉMENTAIRE
(par
ordre
5.1. RÈGLEMENTS
Règlement (CEE) n°1612/68 du Conseil relatif à la libre circulation des personnes à
l’intérieur de la Communauté, JOCE n° L 257, du 19 octobre 1968, p. 2.
Règlement (CEE) n°1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des
régimes de sécurité sociale aux travailleurs et à leurs familles qui se déplacent à
l’intérieur de la Communauté, JOCE n° L 149, du 5 juillet 1971, p. 2.
189
Règlement de procédure de la Cour de Justice des Communautés européennes, du 19
février 1991, JOCE n° C 34 du 1er février 2001, modifié par JOCE n°L 119, du 27 avril
2001.
Règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la
compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et
commerciale JOCE n° L 12 du 16 janvier 2001 pp.1 – 23.
5.2. DIRECTIVES
Directive 77/187/CEE du Conseil, concernant le rapprochement des législations des
Etats membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transferts
d’entreprises, d’établissements ou de parties d’établissements, JOCE n°L 61, du 5 mars
1977, p. 26.
Directive 80/987/CEE du Conseil, du 20 octobre 1980, sur la protection des travailleurs
en cas d'insolvabilité de l’employeur JOCE n° L 283 du 20 octobre 1980.
Directive 89/391/CEE du Conseil, du 12 juin 1989, concernant la mise en œuvre de
mesures visant à promouvoir l’amélioration de la santé et de la sécurité au travail, JOCE
n° L 183 du 29 juin 1989, p. 1.
Directive 89/552/CEE du Conseil, du 3 octobre 1989, visant à la coordination de
certaines dispositions législatives, réglementaires, et administratives des Etats membres
relatives à l’exercice d’activité de radiodiffusion télévisuelle, JOCE L 298 du 17
octobre 1989. Modifiée en dernier lieu par la directive 97/36 du 30 juin 1997, JOCE, n°
L 202, du 30 juillet 1997.
190
Directive 92/85/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, concernant la mise en œuvre de
mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses
enceintes, accouchées ou allaitantes au travail, JOCE n° L 348 du 28 novembre 1992, p.
1.
Directive 93/104/CE du Conseil, du 23 novembre 1993, concernant certains aspects de
l’aménagement du temps de travail, JOCE n° L 307, du 13 décembre 1993, p. 18.
Directive 94/33/CE du Conseil, du 22 juin 1994, relative à la protection des jeunes au
travail, JOCE n° L 216 du 20 août 1994, p. 12.
Directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à
la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère
personnel et à la libre circulation des données, JOCE n° L 281 du 23 novembre 1995, p.
31.
Directive 96/34/CE du Conseil du 3 juin 1996 concernant l’accord-cadre sur le congé
parental conclu par l’UNICE, le CEEP et la CES, JOCE n° L 145 du 19 juin 1996, p. 4.
5.3. CONVENTIONS
Convention de Bruxelles, du 27 septembre 1968, concernant la compétence judiciaire et
l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, JOCE n° C 27 du 26 janvier
1998, p. 1 (version consolidée).
191
Convention de Lugano, du 16 septembre 1988, concernant la compétence judiciaire et
l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, JOCE n° L 319 du 25
novembre 1988, pp. 9 – 33.
VI.
CONTRIBUTIONS
chronologique)
INSTITUTIONNELLES
(par
ordre
Déclaration commune du Parlement européen, du Conseil et de la Commission, du 5
avril 1977, sur les droits fondamentaux, JOCE C n°103, 27 avril 1977).
Mémorandum de la Commission, du 4 avril 1979, sur l’adhésion des Communautés à la
Convention européenne des droits de l’homme (Bull. CE, supplément 2/79)
Déclaration commune du Parlement européen, du Conseil et des représentants des Etats
membres, réunis au sein du Conseil et de la Commission, contre le racisme et la
xénophobie, du 11 juin 1986, JOCE n° C 158 du 25 juin 1986, pp. 1 – 3.
Déclaration du Parlement européen, du 12 avril 1989, sur les droits et libertés
fondamentaux (JOCE C n°120, 16 mai 1989, p.52)
Déclaration du Conseil, du 29 mai 1990, relative à la lutte contre le racisme et la
xénophobie, Bull. CE 5-1990, point 1.2.247, pp. 68-69.
Résolution du Parlement européen sur les Conférences intergouvernementales dans le
cadre de la stratégie du Parlement européen dans l’Union européenne (JOCE C n°324,
24 décembre 1990, p. 219).
192
Communication de la Commission et du Conseil, du 6 décembre 1993, portant code de
conduite concernant l’accès du public aux documents (JOCE n° L 340, p. 41).
Décision n°93/731/CE du Conseil, du 20 décembre 1993, relative à l’accès du public
aux documents du Conseil (JOCE n° L 340, p. 43).
Résolution du Parlement européen, du 18 janvier 1994, sur l’adhésion de l’Union
européenne à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des
libertés fondamentales (JOCE n° C 44, du 14 février 1994).
Décision n°94/90/CECA, CE et Euratom de la Commission, du 8 février 1994, relative à
l’accès au public des documents de la Commission (JOCE n° L 46, p. 58).
Résolution du Parlement européen du 10 février 1994, sur la Constitution de l’Union
européenne (JOCE n° C 61, du 28 février 1994, p.155 ou n° C 44, du 14 février 1994)
Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen, COM (1995),
« L’Union européenne et les aspects extérieurs de la politique des droits de l’homme :
de Rome à Maastricht et au-delà. », Bull. UE, suppl. 3/95, p. 28.
Communication de la Commission, COM(1996) 443, « Sur les services d'intérêt général
en Europe », JOCE n° C 281 du 26 septembre 1996, et Bull. UE 9-1996, point 1.3.4.
Résolution du Parlement européen du 28 avril 1997 (JOCE n° C 132 du 28 avril 1997).
Conclusions de la Présidence du Conseil européen de Cologne, des 3 et 4 juin 1999,
Bull. UE n° 6-1999, points I.1 – I.65.
193
Conclusions de la Présidence du Conseil européen de Tampere, des 15 et 16 octobre
1999, Bull. UE n° 10-1999, points I.1 – I.16.
Commission, note de secrétariat : la Charte des Droits fondamentaux, aspects
horizontaux (12 janvier 2000), version ronéotypée.
Résolution A5-0064/2000 du Parlement européen du 16 mars 2000 sur l’élaboration
d’une Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, publiée sous le procès
verbal de la session plénière du 16 mars 2000.
Communication de la Commission, du 13 septembre 2000, « Sur la Charte des droits
fondamentaux de l’Union européenne », COM(2000) 559 final, 11 p.
Communication de la Commission du 20 septembre 2000, COM(2000) 580, sur « Sur
les services d'intérêt général en Europe », Bull. UE n°9/2000, point 1.3.19.
Résolution 1005/2000 du Comité économique et social, du 20 septembre 2000, Vers une
Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, Bull. UE n°9/2000, point
1.2.3., p. 9.
Résolution 140/2000 du Comité des Régions, du 20 septembre 2000, sur la Charte des
droits fondamentaux de l’Union européenne, Bull. UE n°9/2000, point 1.2.4., p. 9.
Résolution B5-767/2000 du Parlement européen sur la Charte des droits fondamentaux
de l’Union européenne, du 2 octobre 2000, publiée sous le procès-verbal de la session
plénière du 3 octobre 2000.
Communication de la Commission, du 11 octobre 2000, COM(2000) 644 final « Sur la
nature de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne », enregistré par la
Convention comme Charte 4956/00, Contrib. 355, 8 p.
194
Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil, du 23 mai
2001, COM(2001) 278 final, « Mise à jour du tableau de bord pour l’examen des
progrès réalisés en vue de la création d’un « espace de liberté, de sécurité et de justice »
dans l’Union européenne », 44 p.
VII. CONTRIBUTIONS DES INSTANCES CONSULTEES (par ordre
chronologique)
7.1. CONSEIL DE L’EUROPE (documents ronéotypés)
Contribution du Conseil de l’Europe à la Charte de l’Union européenne sur les Droits
fondamentaux, Fischbach et Kruger, ronéotypé.
Commission des Questions sociales, de la santé et de la famille, Assemblée
parlementaire, doc. 8627 du 24 janvier 2000.
Commission des questions politiques, Assemblée parlementaire, doc. 8615, 17 janvier
2000
Commission des questions juridiques et des Droits de l’homme, Assemblée
parlementaire, doc. 8611 du 14 janvier 2000.
7.2. SOCIETE CIVILE
FIDH, Une Charte des Droits fondamentaux pour l’Union européenne : un réel
progrès ?, Rapport n°287, novembre 1999, 23 p.
195
VIII. COLLOQUES (par ordre chronologique)
MEYER-BISCH (P., éd.), Le noyau intangible des droits de l’homme, éd.
Universitaires de Fribourg (Suisse), 1991, 272 p., spéc. pp. 19-29.
S.F.D.I., Colloque de Strasbourg, La protection des droits de l’homme et l’évolution du
droit international, Pédone, 1998, 344 p.
S.F.D.I., Colloque de Bordeaux, Droit international et Droit communautaire.
Perspectives actuelles, Pédone, 1999, 448 p.
SUDRE (F.) et LABAYLE (H., dir.), Réalité et perspectives du droit communautaire
des droits fondamentaux, Journée Nationale d’Etude de la Commission pour l’Etude des
Communautés européennes, Faculté de Droit de Montpellier, 4 et 5 novembre 1999, éd.
Bruylant, Bruxelles, coll. Droit et Justice, 2000, 531 p.
Délégation de l’Assemblée nationale pour l’Union européenne (BARRAU, dir.), La
Charte des Droits fondamentaux de l’Union européenne, 26 avril 2000, Paris, DIAN,
11e législature, n°37/2000, 94 p.
C.E.I.E., La Charte des Droits fondamentaux de l’Union européenne, 16 et 17 juin
2000, Institut de Droit international comparé, in numéro spécial de la RUDH, 15
septembre 2000.
196
IX. JURISPRUDENCE (par ordre chronologique)
9.1. COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME
CourEDH, 21 février 1975, Golder, Rec. série A vol. 18, 124 p.
CourEDH, 8 juin 1976, Engel e.a. c/ Pays-Bas, Rec. série A vol. 22, 142 p.
CourEDH, 6 septembre 1978, Klass, Rec. série A vol. 28, 72 p.
CourEDH, 9 octobre 1979, Airey, Rec. série A vol. 32, 60 p.
CourEDH, 24 octobre 1979, Winterwerp, Rec. série A vol. 33, 60 p.
CourEDH, 27 février 1980, Deweer c/ Belgique, Rec. série A vol. 35, 68 p.
CourEDH, 25 mars 1983, Silver, Rec. série A vol. 61, 87 p.
CourEDH, 2 août 1984, Malone, Rec. série A vol. 82, 127 p.
CourEDH, 28 mai 1985, Ashingdane, Rec. série A vol. 93, 89 p.
CourEDH, 29 mai 1986, Feldbrugge, Rec. série A vol. 99, 96 p.
CourEDH, 27 avril 1988, Boyle et Rice c/ Royaume-Uni, Rec. série A vol. 131.
CourEDH, 23 novembre 1988, Brogan, Rec. série A vol. 145-B, 135 p.
CourEDH, 7 juillet 1989, Soering c/ Royaume-Uni, Rec. série A vol. 161, 83 p.
CourEDH, 24 avril 1990, Kruslin et Huvig, Rec. série A vol. 176-A et série A vol. 176B, 151 p.
CourEDH, 30 octobre 1991, Borgers c/ Belgique, Rec. série A vol. 214-B, 197 p.
CourEDH, 26 mars 1992, Editions Périscope c/ France, Rec. série A vol. 234-B, 20 p.
CourEDH, 24 septembre 1992, Herczegfalvy, Rec. série A vol. 244, 167 p.
197
CourEDH, 16 décembre 1992, Niemietz c/ Allemagne, Rec. série A vol. 251-B, 87 p.
CourEDH, 26 octobre 1993, Darnell, Rec. série A vol. 272, 29 p.
CourEDH 23 novembre 1993, Poitrimol c/ France, Rec. série A vol. 277-A, 123 p.
CourEDH, 21 septembre 1994, Fayed c/ Royaume-Uni, Rec. série A vol. 294 B,141 p.
CourEDH, 24 novembre 1994, Kemmache c/ France, Rec. série A vol. 296-C, 193 p.
CourEDH, 9 février 1995, Vereiniging Weekblad Bluf !, Rec. série A vol. 306-A, Rec.
1995, 129 p.
CourEDH, 20 février 1996, Lobo Machado c/ Portugal, Rec. 1996-I, p. 195.
CourEDH, 20 février 1996, Vermeulen c/ Belgique, Rec. 1996-I, p. 224.
CourEDH, 7 août 1996, Chorfi c/ Belgique, Rec. 1996-III, p. 916.
CourEDH, 16 septembre 1996, Gaygusuz c/ Autriche, A n°14, Rec. 1996-IV, p. 1129.
CourEDH, 15 novembre 1996, Cantoni c/ France, Rec. 1996-V, p. 1614.
CourEDH, 15 novembre 1996, Chahal c/ Royaume-Uni, Rec. 1996-V, p. 1831.
CourEDH, 17 décembre 1996, Ahmed c/ Autriche, Rec. 1996-VI, p. 2206.
CourEDH, 18 décembre 1996, Valsamis c/ Grêce, Rec. 1996CourEDH, 17 mars 1997, Neigel c/ France, A n°32, Rec. 1997-II, p. 399.
CourEDH, 31 mars 1998, Reinhardt et Slimane Kaïd c/ France, Rec. 1998-II, 640 p.
CourEDH, 30 juillet 1998, Sheffield et Horsham c/ Royaume-Uni, Rec. 1998-V.
CourEDH, 18 février 1999, Matthews c/ Royaume-Uni, Rec. 1999-I.
CourEDH, 7 juin 2001, Kress c/ France, req. N°39594/98, non-publié au Recueil, note
F. Sudre, JCP éd. G., n°31-35, 1er août 2001, II, 10578.
198
9.2. COMMISSION EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME
Comm. EDH, 11 janvier 1961, Autriche c/ Italie, D 788/60, Rec. Déc., vol I (aucune
numérotation de page).
Comm. EDH, 10 juillet 1978, CFDT c/ Communautés européennes, D. et R. n°13, p.
231.
Comm. EDH, 9 décembre 1987, Tête, D. et R. n°54, p. 52.
Comm. EDH, 19 janvier 1989, Dufay c/ Communautés, req. 13 539/88, non-publié au
Recueil.
Comm. EDH, 9 février 1990, M & Co c/ République Fédérale d’Allemagne, req.
13258/87, D. et R. n° 64, p. 138.
Comm. EDH, 1er juillet 1993, Procola c/ Luxembourg, req. 14 570/89, D. et R. n° 75, p.
5.
Comm. EDH, 10 janvier 1994, Heinz c/ Etats contractants également parties à la
Convention sur le brevet européen, req. 21 090/92, D. et R. n° 76 B, p. 125.
9.3. COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
CJCE, 4 février 1959, aff. 1/58, Stork c/ Haute Autorité de la CECA, Rec. 1959, p.43.
CJCE, 22 mars 1961, aff. 42 et 49/59, SNUPAT, Rec. 1961, p. 156.
CJCE, 5 février 1963, aff. 26/62, Van Gend & Loos, Rec. 1963, p. 1.
CJCE, 30 juin 1966, aff. 61/65, Dame veuve Vaassen-Göbbels, Rec. 1966, p. 377.
CJCE, 4 avril 1968, aff. 34/67, Lück, Rec. 1968, p. 294.
199
CJCE, 11 juillet 1968, aff. 35/67, Van Eich, Rec. 1968, p. 481.
CJCE, 12 novembre 1969, aff. 22/69, Stauder, Rec. 1969, p. 419.
CJCE, 17 décembre 1970, aff. 11/70, Internationale Handelsgesellschaft, Rec. 1970, p.
1125, concl. Dutheillet de Lamothe.
CJCE, 15 décembre 1971, aff. jtes 51 à 54/72, International Fruit Company, Rec. 1971,
p. 1107.
CJCE, 14 mai 1974, aff. 4/73, Nold, Rec. 1974, p. 491.
CJCE, 18 février 1975, aff. 66/74, Farrauto, Rec. 1975, p. 157.
CJCE, 28 octobre 1975, aff. 36/75, Rutili c/ Min de l’Intérieur, Rec. 1975, p. 1219.
CJCE, 9 mars 1978, aff. 106/77, Simmenthal, Rec. 1978, p. 629.
CJCE, 16 janvier 1979, aff. 151/78, Sukkerfabriken Nykoebing, Rec. 1979, p. 1.
CJCE, 7 février 1979, aff. 115/78, Knoors, Rec. 1979, p. 399.
CJCE, 7 février 1979, aff. 136/78, Auer, Rec. 1979, p. 437
CJCE, 13 février 1979, aff. 85/76, Hoffmann-Laroche, Rec. 1979, p. 508.
CJCE, 27 septembre 1979, aff. 230/78, SPA Eridania e.a., Rec. 1979, p. 2749.
CJCE, 25 octobre 1979, aff. 159/78, Commission c/ Italie, Rec. 1979, p. 3747.
CJCE, 13 décembre 1979; aff. 44/79, Hauer, Rec. 1979, p. 3727.
CJCE, 9 juillet 1981, aff. 169/80, Société Gondrand, Rec. 1981, p. 1931.
CJCE, 22 septembre 1983, aff. 271/82, Auer II, Rec. 1983, p. 2727, note Bazex, RTD
eur. 1984, p. 511.
CJCE, 10 juillet 1984, aff. 63/83, Kent Kirk, Rec. 1984, p. 2689.
CJCE, 13 novembre 1984, aff. 283/83, Racke, Rec. 1984, p. 3791.
200
CJCE, 11 juillet 1985, aff. jtes 60/84 et 61/84, Soc. Cinéthèque e.a. c/ Fédération
nationale des cinémas français, Rec. 1985, p. 2605.
CJCE, 23 avril 1986, aff. 294/83, Parti écologiste « Les Verts », Rec. 1986, p. 1339.
CJCE, 15 mai 1986, aff. 222/84, Johnston c/ Chief Constable of the RUC, Rec. 1986, p.
1651, concl. M. Darmon.
CJCE, 30 sept. 1987, aff. 12/86, Demirel c/ Ville de Schwabisch Gemund, Rec. 1987, p.
3719.
CJCE, 8 octobre 1986, aff. 234/85, Keller, Rec. 1986, p. 2897.
CJCE, 15 octobre 1987, aff. 222/86, Heylens, Rec. 1987, p. 4097.
CJCE, 23 mai 1989, aff. 374/87, Orkem, Rec. 1989, p. 3283.
CJCE, 13 juillet 1989, aff. 5/88, Wachauf, Rec. 1989, p. 2609.
CJCE, 21 septembre 1989, aff. 46/87, Hoechst c/ Commission, Rec. 1989, p. 2859.
CJCE, 27 mars 1990, aff. C-10/88, Italie c/ Commission, Rec. 1990, p. I 1229.
CJCE, 19 juin 1990, aff. C-213/89, Factortame, Rec. 1990, p. I-2433.
CJCE, 25 juillet 1991, aff. C-288/89, Collectieve Antennevoorziening Gouda e.a., Rec.
1991, p. I-4007.
CJCE, 21 novembre 1991, aff. C-269/90, TU München, Rec. 1991, p. I-5469.
CJCE, avis 1/91, 14 décembre 1991, Espace Economique Européen, Rec. 1991, p. I6079.
CJCE, 31 mars 1992, aff. C-255/90, Burban, Rec. 1992, p. I-2253.
CJCE, 3 décembre 1992, aff. C-97/91, Oleificio Borelli, Rec. 1992, p. I-6313.
CJCE, 5 octobre 1994, C-404/92 P, X c/ Commission, Rec. 1994, p. I-4737.
201
CJCE, 17 octobre 1995, aff. C-450/93, Kalanke, Rec. 1995, p. I-3051.
CJCE, avis 2/94 du 28 mars 1996, Adhésion de la Communauté à la Convention de
sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, Rec. 1996, p. I-1759,
comm. D. Simon, Rev. Europe, mai 1996, chron. n° 6.
CJCE, 17 avril 1997, aff. C-15/95, EARL, Rec. 1997, p. I-1961.
CJCE, 29 mai 1997, aff. C-299/97, Kremzow, Rec. 1997, p. I-2629.
CJCE, 25 juin 1997, aff. C-131/97, Romero, Rec. 1997, p. I-3659.
CJCE, 10 juillet 1997, aff. C-261/95, Palmisani, Rec. 1997, p. I-4025.
CJCE, 2 octobre 1997, aff. C-122/96, Austin, Rec. 1997, p. I-5325.
CJCE, 12 mai 1998, aff. C-85/96, Martìnez Sala, Rec. 1998, p. I-2691.
CJCE, 16 juin 1998, aff. C-162/96, Racke, Rec. 1998, p. I-3655.
CJCE, 17 déc. 1998, aff. C-185/95, Baustahlgewebe GmbH c/ Commission, Rec. 1998,
p. I-8417.
CJCE, 19 janvier 1999, aff. C-348/96, Procédure pénale c/ Donatella Calfa, Rec. 1999,
p. I-11.
CJCE, 8 juillet 1999, aff. C 235/92 P, Montecatini SpA, Rec. 1999, p. I-4539.
CJCE, 5 octobre 1999, aff. C-240/97, Espagne c/ Commission, Rec. 1999, p. I-6571.
CJCE, 23 novembre 1999, aff.C-149/96, Portugal c/ Conseil, Rec. 1999, p. I-8395.
CJCE, Ord. 4 février 2000, aff. C-17/98, Emesa Sugar c/ Aruba, Rec. 2000, p. I-665.
CJCE, 13 avril 2000, aff. C-292/97, Karlsson, Rec. 2000, p. I-2760.
CJCE, 31 mai 2001, aff. jtes C-122/99 P et C-125/99 P, D. et Suède c/ Conseil, non
publié au Recueil.
202
9.4. TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
TPI, 26 septembre 1990, aff. T-48/89, Beltrante e.a. c/ Conseil, Rec. 1990, p. II-493.
TPI, 26 septembre 1990, aff. T-52/89, Piemonte c/ Conseil, Rec. 1990, p. II-513.
TPI, 18 septembre 1992, aff. T-121/89, X c/ Commission, Rec. 1992, p. II-2195.
TPI, 6 décembre 1994, aff. T-450/93, Lisretal, Rec. 1994, p. II-1177.
TPI, 23 février 1995, aff. T-535/93, F. c/ Conseil, RecFP 1995, p. II-163.
TPI, 18 septembre 1995, aff. T-167/94, Nölle, Rec. 1995, p. II-2589.
TPI, 22 octobre 1997, aff. jtes T-213/95 et T-18/96, SCK et FNK c/ Commission, Rec.
1997, p. II-1739.
TPI, 19 mars 1998, aff. T-83/96, Van der Wal c/ Commission, Rec. 1998, p. II-545.
TPI, 17 juillet 1998, aff. T-111/96, Promédia, Rec. 1998, p. II-2937.
TPI, 30 septembre 1998, aff. T-154/96, Chvatal e.a. c/ Cour de justice, RecFP 1998, p.
II-1579.
TPI, 30 septembre 1998, aff. T-13/97, Losch c/ Cour de justice, RecFP 1998, p. II-1633.
TPI, 30 septembre 1998, aff. T-164/97, Busacca e.a. c/ Cour des comptes, RecFP 1998,
p. II-1699.
TPI, 19 mai 1999, aff. T-34/96 et T-163/96, Connolly c/ Commission, RecFP 1999, p.
II-463.
TPI, 9 juillet 1999, aff. T-231/97, Nex Europe Consulting, Rec. 1999, p. II-2403.
TPI, 6 avril 2000, aff. T-188/98, Aldo Kuijer c/ Conseil, Rec. 2000, p. II-1959.
TPI, 27 juin 2000, aff. T-172/98, T-175/98 à T-177/98, Salamander e.a. Rec. 2000, p.
II-2487.
203
TPI, 20 février 2001, aff. T-112/98, Mannesmannrörhen-Werke c/ Commission, Rec.
2001, p. II-729.
9.5. CONCLUSIONS DES AVOCATS GÉNÉRAUX
Conclusions de M. TESAURO sous CJCE, 30 avril 1996, aff. C-58/94, Pays-Bas c/
Conseil, Rec. 1996, p. I-2169.
Conclusions de M. Siegbert ALBER sous aff. C-340/99, TNT Traco, rendues le 1er
février 2001, Non publiées au Recueil, point 94.
Conclusions de M. Antonio TIZZANO sous aff. C-173/99, BECTU, rendues le 8 février
2001, Non publiées au Recueil, points 26 et s.
Conclusions de M. Jean MISCHO sous aff. jtes C-125/99 P et C-122/99 P, D. c/
Conseil, rendues le 22 février 2001, Non publiées au Recueil, point 97.
Conclusions de M. F. G. JACOBS, sous aff. C-270/99 P, Z. c/ Parlement européen,
rendues le 22 mars 2001, Non publiées au Recueil, point 40.
Conclusions de Mme Christine STIX-HACKL, sous aff. C-49/00, Commission c/ Italie,
rendues le 31 mai 2001, Non publiées au Recueil.
Conclusions de M. F. G. JACOBS, sous aff. C-377/98, Pays-Bas c/ Parlement européen
et Conseil, présentées le 14 juin 2001, Non publiées au Recueil.
Conclusions de M. L. A. GEELHOED, sous aff. C-413/99, Baumbast et R. c/ Secretary
for the Home Department, présentées le 5 juillet 2001, Non publiées au Recueil.
Conclusions de M. PHILIPPE LEGER, sous aff. C-353/99 P, Hautala, présentées le 10
juillet 2001, Non publiées au Recueil.
204
Conclusions de M. PHILIPPE LEGER, sous aff. C-309/99, Wouters, présentées le 10
juillet 2001, Non publiées au Recueil.
Conclusions de M. L. A. GEELHOED, sous aff. C-313/99, Mulligan e.a., présentées le
12 juillet 2001, Non publiées au Recueil.
Conclusions de Mme STICX-HACKL, sous aff. C-131/00, Ingemar Nilsson, présentées
le 12 juillet 2001, Non publiées au Recueil.
9.6. JURIDICTIONS SUPRÊMES NATIONALES
9.6.1 Tribunal Constitutionnel de Karlsruhe
Bundesverfassungsgericht (BverfGE), 29 mai 1974, « Solange I », Rec. Des décisions
du Bundesverfassungsgericht – 27, p. 271, note M. Fromont, Rev. Trim. Dr. eur. 1975,
p. 316.
BverfGE, 22 octobre 1986, « Solange II », EuGRZ, 1987, p. 10.
BverfGE, 12 octobre 1993, « Ratification du traité de Maastricht », EuGRZ, 1994, p.13.
BverfGE, 7 juin 2000, « Solange III », chron. W. Zimmer, De nouvelles bases pour la
coopération entre la Cour constitutionnelle fédérale et la Cour de Luxembourg ?,
Europe n°3, mars 2001, pp. 3-6 ; note C. Grewe, Le « traité de paix » avec la Cour de
Luxembourg : l’arrêt de la Cour constitutionnelle allemande du 7 juin 2000 relatif au
règlement du marché de la banane, Rev. Trim. Dr. eur., n°1-2001, janvier-mars 2001,
pp. 1-17.
205
9.6.2. Conseil constitutionnel français
C. Cons, 15 janvier 1975, 74-54 DC, Interruption volontaire de grossesse, in
FAVOREU (I.) et PHILIP (L.), Les grandes décisions du Conseil Constitutionnel, Paris,
9e éd. Dalloz, 1997, pp. 305-329.
9.6.3. Cour de Cassation française
C. Cass. 1re civ., 15 juin 1995, Mme Rendou c/ M. Rendou et C. Cass. 1re civ., 12 juillet
1995, M. Chamée c/ Mme Chamée, RCDI priv. N°84(1), janvier-mars 1995, note H.
Muir-Watt, p. 137 et s.
C. Cass., 2 juin 2000, Fraisse, comm. A. Rigaux et D. Simon, Rev. Europe, aoûtseptembre 2000, p. 3.
9.6.4. Conseil d’État français
Cons. Etat, 29 juillet 1994, Préfet de Seine-Maritime, RGDIP, 1995, pp. 502 et s.
Cons. Etat, Sect., 23 avril 1997, GISTI, RFDA n°5, mai 1997, p.596.
Cons. Etat, 22 septembre 1997, Demoiselle Ginar, AJDA, 1997, p. 815.
Cons. Etat, 29 juillet 1998, Esclatine, AJDA 1999, p. 69, obs. F. Rolin.
Cons. Etat, Ass., 30 octobre 1998, Sarran et Levacher, RFDA, novembre-décembre
1998, p. 1091, note D. Alland.
206
X. ARTICLES DE PRESSE (par ordre alphabétique)
ADLER (A.), Ces nouveaux chantiers de l’Europe, Le Monde, 28 décembre 2000.
AGENCE EUROPE, le Parlement a approuvé la Charte qui doit être proclamée à
Nice - M. Vitorino insiste pour une référence à l'article 6 du traité, Strasbourg, 14
novembre 2000.
BIANCO (J.-L.), L’Europe sera laïque ou ne sera pas, Libération, 6 octobre 2000,
p.10.
BLOME (N.), Die EU-Charta „wird die Rechtsprechung prägen“, Die Welt, 4 octobre
2000, p.8.
BREHON (N.), Les conséquences du Traité de Nice, Le Monde, 6 février 2001.
BOCEV (P.), Consensus sur une charte des droits fondamentaux, Le Figaro, 28
septembre 2000.
CARÉ (J.-F.), PRANCHÈRE (P.), LÉVY (P.) et SARRE (G.), Non à la Charte
européenne, Le Monde, 8 octobre 2000, p.19.
COHEN-TANUGI (L.), Un succès pour l’Europe, Le Monde, 8 octobre 2000, p.19.
De BRESSON (H.) et VERNET (D.), Français et Allemands poursuivent le débat sur
un projet de Constitution européenne, Le Monde, 3 avril 2001, p.3.
GEORIS (V.), A bout portant – Jean-Marie Dehousse, Le Soir, 27 septembre 2000,
p.2.
GUEZ (O.), Les droits des Européens mis en Charte, Libération, 27 septembre 2000,
p.13.
GIBB (F.), Rights damages « higher than at Strasbourg », The Times, 3 octobre 2000
207
KRIMM (R.), La Charte fondamentale européenne enfin achevée, Le Temps, 3 octobre
2000
LESEGRETAIN (C.), Les évêques européens critiquent le projet de charte des Quinze,
La Croix, 24 octobre 2000, p.16.
ROUQUETTE (C.), La percée du téléphone portable et d’Internet, Insee Première, n°
700, février 2000, 4 p.
VERNET (D.), La fin du jardin à la française, Le Monde, 15 décembre 2000.
VERHEST (S.), Bien, mais aurait pu mieux faire, La Libre Belgique, 27 septembre
2000, p.8.
WERNICKE (C.), Charta mit Lücken, Die Zeit, 28 septembre 2000, p.9.
Die Macht bändigen, Der Spiegel, 19 juin 2000, pp. 42-44.
Kuchen vom ehrlichen Makler, Sueddeutsche Zeitung, 12 octobre 2000, p. 12.
The EU’s charter, The Daily Telegraph, 4 octobre 2000, p.3.
XI. SITES INTERNET (par ordre alphabétique)
http://conventions.coe.int/Treaty/FR/CadreListeTraites.htm
Listes des conventions, protocoles et accords conclus dans le cadre du Conseil de
l’Europe. Les textes sont disponibles au format .HTML ou .DOC (Word®) .
http://ue.eu.int/presid/conclusions.htm
Portail d’accès aux Conclusions des Présidences des Conseils européens (depuis 1994).
http://europa.eu.int
208
Portail d’accès aux sites de l’Union européenne, notamment des Institutions.
http://europa.eu.int/comm/justice_home/unit/charte/index_fr.html
Site de la Commission, division Justice et Affaires intérieures, consacré à l’élaboration
de la Charte ainsi qu’à son explication.
http://www.europarl.eu.int/charter/default_fr.htm
Site du Parlement européen consacré à la Charte des droits fondamentaux. Il recense les
contributions de la Société civile et leurs consacre de pleines pages. La Charte y est
disponible dans les onze langues officielles.
http://www.consilium.eu.int/df/default.asp?lang=fr
Site du Conseil de l’Union européenne, consacré à la protection des droits
fondamentaux dans l’Union, et contenant plus de 220 documents propres à l’Enceinte, à
la Convention ainsi qu’aux principaux contributeurs.
http://www.curia.eu.int/
Site de la Cour de Justice des Communautés européennes et du Tribunal de première
instance.
209
ANNEXES
(la numérotation renvoie aux pages)
~
Sommaire
ANNEXES …………………………………………………..………………………. 211
1. CHARTE DES DROITS FONDAMENTAUX DE L’UNION EUROPEENNE …………..212
2. CALENDRIER
DE L’
« ESPACE
DE LIBERTE, SECURITE ET JUSTICE »,
in
COM (2001) 278 final, Mise à jour du tableau de bord pour l’examen des
progrès réalisés en vue de la création d’un espace de liberté, de sécurité et de
justice dans l’Union européenne ……………………………………..……………….228
210
INDEX
(La numérotation renvoie aux paragraphes)
Accès aux documents : 26, 55, 56, 59,
Applicabilité immédiate : 113, 135, 148,
65, 101, 103, 110
161
Abstention constructive : 142
Asile
:
V.
Visas,
asile,
immigration
Abus de droit : 134, 158
Assemblée parlementaire : v. Parlement
Accords internationaux : 28, 118, 143
européen
Acquis communautaire : 73, 74, 103,
Autonomie : 18, 53, 113, 140, 174
149
- ~ institutionnelle et procédurale : 44,
Adhésion : 3, 5, 22, 23, 35, 79, 89, 95,
114
Amnisty International : 64
126, 134, 161à 163, 167
Autorités : 158
- ~ communautaires : 12, 101, 128
- ~ nationales : 12, 56, 93, 101, 126, 135,
Amsterdam : v. Traité d'Amsterdam
149, 166, 177
- ~ morale : 31, 86, 90
Applicabilité directe : v. Justiciabilité
233
Banalisation : 111
CJCE : v. Cour de Justice des
Communautés européennes
Biomédecine : v. Convention d'Oviedo
Clause d'articulation : v. Normes
Bonne administration (exigence de ~) :
d'articulation
11, 56, 103, 108, 144
Clause de la nation la plus favorisée :
"Convention" : 6, 7, 13, 16, 17, 31, 63 à
107
66, 80, 86, 103, 128, 184
Cliquet (effet de ~ ) : 23, 75, 149
CCDSF : v. Charte communautaire des
droits sociaux fondamentaux
Clonage : 163
CEDH : v. Convention européenne des
Codification : 5, 6, 10, 13, 30, 52, 63, 64,
droits de l'homme
83, 103, 110
Charte communautaire des droits sociaux
Cohérence : 26, 63, 81, 110, 162
fondamentaux : 6
Cologne (Conseil européen de ~ ) : 6, 72,
Charte sociale européenne : 6, 31, 35,
147, 165
115, 163
Comité des Représentants permanents
Citoyen(ne) : v. Citoyenneté
(COREPER) : 56
Citoyenneté : 9, 14, 16, 26, 33, 65, 66,
Commission : 103
69, 73, 80, 81, 89, 100, 103, 106, 177
Communautarisation : 69, 116, 129, 176
234
Compétence(s) : 37, 41, 43, 76, 100, 105,
Constitution : v. Droit constitutionnel
107, 146, 148, 162
Contexte : 58, 64, 68, 94, 98, 119
Compilation : v. Codification
Contrôle : 55
Complémentarité : 121
- ~ de légalité : 43, 57, 90
Conclusions :
- ~ démocratique : 65
- ~ de la Présidence : 6
- ~ juridictionnel : 35, 72, 93, 94, 114
- ~ des avocats généraux : 86
« Convention » : 6, 7, 8, 10, 12, 16, 17,
Conflits horizontaux : 28, 46, 53
31, 45, 56, 61 et s., 81 et s., 103, 110,
113, 127, 131, 139, 164, 189
Conformité : 95, 150
Convention de Bruxelles : 129 et 130
Conseil : 65, 103, 129, 173
Convention de Lugano : 129 et 130
Conseil de l'Europe : 24, 31, 38, 104,
163 à 165, 173
Convention d'Oviedo : 9, 31, 163
Conseil européen (généralités) : 6, 8, 12,
Convention européenne des droits de
154
l'homme (CEDH) : 3, 6, 11, 28, 31 à 34,
41, 43, 46, 51, 71, 79, 83, 94, 95, 114 et
Consommateur : 26
115, 119, 123, 138, 143, 171, 174
Coopération intergouvernementale : 69,
235
149
Délai raisonnable : 139
Coopération loyale : v. Loyauté
communautaire
COREPER : v. Comité des
Démocratie : 4, 22, 88, 123
Différenciation : v. Discrimination
Représentants permanents
Dignité : 9, 33, 80, 124
Corpus : v. Codification
Discrétionnaire : 57, 76, 124, 152
Cour de Justice des Communautés
européennes (CJCE) : 2, 25, 27, 41à 47,
51, 73, 86, 94, 116, 120, 135, 161 et 162,
179
Discrimination : 98, 106, 124, 142, 152,
154 et 155, 178
- ~ à rebours : 170, 171, 176
Cour européenne des Droits de l'Homme
- ~ positive : 71, 98, 110, 111, 175 et
(CourEDH) : 23, 37, 41, 44, 46, 79, 83,
176
94, 108, 119 et 120, 123, 138, 140
Domicile : v. Vie privée
CourEDH : v. Cour européenne des
Droits de l'Homme
Données personnelles (protection des ~ )
: 79, 108, 150
Coutume : 18
CSE : v. Charte sociale européenne
Déclaration : 8, 13
236
Droit :
Droits
- ~ communautaire général : 2, 3, 41, 43,
- ~ civils et politiques : 20, 26, 33, 66,
51, 71, 113, 119, 134, 143, 166, 170
79, 80, 97, 108, 138
- ~ constant : 14, 64, 73, 80
- ~ collectifs : 20,
- ~ constitutionnel : 2, 28, 43, 47, 51, 53,
- ~ de la défense : 29, 55, 108, 140
87, 88, 113, 115, 143, 167
- ~ dérivé : 2, 4, 29, 30, 38
- ~ de l'enfant : 11, 100, 175, 183
- ~ de l'homme : occurrences trop
- ~ des gens : v. jus cogens
nombreuses (non répertorié)
- ~ international : 28, 75, 105, 112, 115,
- ~ des citoyens : v. Citoyenneté
117, 121, 126, 143
- ~ national : 38, 87, 112, 178 et 179
- ~ originaire : 23, 26 à 28, 30, 38, 71,
103, 104, 113, 135
- ~ positif : 12 à 14, 27, 45, 58, 72, 86,
103, 110
- ~ économiques, sociaux et culturels :
20, 35, 36, 64, 66, 71, 79, 80, 97, 115,
178
- ~ fondamentaux : occurrences trop
nombreuses (non répertorié)
- ~ intangibles : 34, 117
- Communauté de ~ : 22
- Etat de ~ : 88
Dumping : 38
- Prééminence du ~ : 4, 22 et s.
Dynamique : 13, 17, 27, 32, 38, 45, 48,
58, 64, 83, 97, 112, 114, 116
Dualisme : 187
237
Education : 108
Elections : 79, 89, 150
Effectivité : v. Efficacité
Eligibilité : v. Elections
Effet direct : 35, 170
Eloignement, expulsion, extradition :
108
Effet utile : 76, 101, 119, 162, 168
Emploi : 71
Efficacité : 30, 38, 45, 72, 88, 93, 98,
124, 129, 131, 134, 140, 144, 146, 157,
« Enceinte » : v. « Convention »
166, 178
Enfants : v. Droits de l'enfant
- ~ des procédures décisionnelles : v.
Bonne administration
Environnement : 26
- ~ des contrôles juridictionnels : v.
Justiciabilité
Esclavage : 108
Espace de liberté, sécurité, justice : v.
Egalité : 9, 80
- ~ de rémunération : 26
Liberté, sécurité, justice
Etat civil : 130, 178
- ~ de traitement : v. Non-discrimination
Exécution normative : 44, 144, 149, 157
Exécution juridictionnelle : 166
Elargissement : 82
Exception nationale : 142, 154 à 156
238
Extraterritorialité : 179 à 183
Humain : 93
Famille (droit de la ~ ) : v. Vie privée
Immigration : v. Visas, asile et
immigration
Fédération internationale des ligues des
droits de l’homme (FIDH) : 64
Impartialité : 108, 123, 128, 131, 134 et
135
Fonction structurante : 143
Imperium : v. Souveraineté
Force contraignante : 8, 31, 72, 74, 86
Incantatoire : v. Programmatoire
Garantie : 24, 94
Indivisibilité (principe d' ~ ): 14, 20, 36,
Handicapés (protection des ~ ) : 26
78 à 80
Harmonisation : 38, 66, 90, 128, 163
Injonction : 57
Haut-Commissariat des Nations-Unies
Instances : 19, 134
(UNHCR) : 64
Instrument(s) : 1, 12, 17, 27, 35, 72, 74,
Hiérarchie
75, 86, 143 et 144, 158, 163 à 165, 186
- ~ des normes : 28, 48, 51, 72, 74, 95
Intangibilité : v. droits intangibles
- ~ des juridictions : 41, 94, 95
Horizontalité : v. Conflits horizontaux
239
Intégration : 2, 3, 22, 29, 51, 69, 71, 78,
Juge (droit au ~ ) : 122, 129
112, 123, 131, 142, 154, 162
Jus cogens : 117
Intégrité : 108
Justice : 9, 80, 141
Internationalisation : 71
Justiciabilité : 13, 30, 48, 72, 80, 82 et
Internet : 19, 65,
83, 90, 101, 110, 118 et 120, 124, 142,
148, 161, 164
Interprétation : 9, 20, 25, 28, 41, 86, 112,
116, 118, 120, 128, 143, 168
- ~ authentique : 147
Lacune(s) : 36, 130, 141, 143, 165
Léger (Avocat général) : 86
- ~ dynamique : 27, 45, 94, 119
- ~ évolutive : 36, 45, 119
- ~ extensice : 135
Législateur : 25, 43, 56, 76, 89, 144, 162
Légitimité : 7, 17, 63
- ~ littérale : 36,
Liberté, sécurité et justice : 38, 69, 71,
- ~ restrictive : 28
74, 84
- ~ sytématique : 45, 120
- ~ téléologique : 45, 120
- ~ uniforme : 53; 139
Liberté(s) : 9, 33, 44, 79, 80, 108, 158
- ~ d'association : 79, 87, 103
- ~ de circulation et de séjour : 26, 73,
79, 101, 103, 106, 150
Invocabilité : v. Justiciabilité
240
- ~ de la presse et des médias : 87, 108,
124
Minorités (protection des ~ ) : 26, 97,
98, 152, 165
- ~ de la recherche et des arts : 11, 124
- ~ d'enseignement : 124, 150
- ~ d'entreprise : 11,
Monisme : 186
Nature juridique : 39, 52
- ~ d'expression : 26, 29, 43, 79, 108
Nécessité : 153
Lisibilité : v. Visibilité
Nice (Conseil européen de ~ ) : v. Traité
de Nice
Logement (droit au ~ ) : 165
Non-discrimination : 26, 34, 36, 69, 71,
107, 124, 150, 152, 161, 163, 170 et
Loyauté communautaire : 75, 144, 162
Maastricht : v. Traité de Maastricht
Manquement (recours en ~ ) : 90, 162
171, 173 et 174, 177
Non-régressivité : 76
Non-rétroactivité : v. Principes généraux
du droit
Marge d'appréciation : 57, 130, 142,
144, 152
Maternité : 100, 108, 163
Normes
- ~ d'articulation : 1, 13, 14, 46, 48, 51,
81, 129, 164, 174
Médiateur : 26, 81, 101, 103, 110
- ~ procédurales : v. Procédure
Mesure indistinctement applicable : 170
241
ONG : v. Organisation non-
Organisation non-gouvernementale
gouvernementale
(ONG) : 64
Opérabilité : v. Efficacité
Pactes des Nations-Unies :
Opportunité (contrôle d' ~ ) : 44, 119,
152
- ~ droits civils et politiques (PIDCP) :
20, 93
- ~ droits économiques, sociaux et
Opposabilité : 84, 89, 90, 100, 107, 142
culturels (PIDESC) : 20,
Ordre juridique : 28, 66, 112, 118, 131,
140, 168
- ~ communautaire : 13, 16, 17, 26, 31,
Parlement européen : 1, 7, 26, 89, 101,
103, 110, 150
48, 51, 53, 64, 72, 73, 87, 88, 103, 113
et 114, 126
- ~ européen : 34, 112, 113
- ~ international : 3, 104, 117
Parti politique européen : 103, 124
Pensée, conscience et religion (Liberté
de ~) : 26, 43, 79, 87, 100, 111, 124,
149, 165
- ~ national : 23, 53, 87, 114, 126, 149
- ~ conventionnel : 23, 53, 72, 114, 116,
124
- ~ transnational : 143
Ordre public : 44
242
Personne(s) : 93, 97, 100, 103
Pratiques :
- ~ âgées : 100
- ~ institutionnelles : 43
- ~ handicapées : 100
- ~ nationales : v. Renvoi à la loi
- ~ morales : 100, 108
- ~ physiques : 108
Présidium : 7, 9, 11, 19, 46, 64, 83, 110,
141, 173
Pétition (droit de ~ ) : 81, 101, 103, 110
PIDCP : v. Pactes des Nations-Unies
Présomption d'innocence : 108, 140
Prévisibilité : v. Principes généraux du
droit - Sécurité juridique
PIDESC : v. Pactes des Nations-Unies
Primauté : 126
Piliers intergouvernementaux : 69
Principes constitutionnels communs : 87
Placement (service de ~ ) : 108
Politique communautaire : 71, 79, 82,
154
Positivité : v. Valeur juridique
243
Principes généraux du droit : 2, 17, 30,
Protection sociale : v. Sécurité sociale
39, 43, 47, 48, 51, 52, 55, 84
Publicité : 57, 128
- ~ administratif : 55
- ~ confiance légitime : 55
Relations internationales : 1
- ~ coopération loyale : v. Loyauté
communautaire
Religion (liberté de ~ ) : v. Pensée,
conscience et religion (liberté de ~ )
- ~ international : 50
- ~ non-rétroactivité : 43, 55, 79, 140
Renvoi à la loi : 53, 68, 73, 144, 148 et
149, 162, 166
- ~ sécurité juridique : 57, 140
Renvoi aux pratiques nationales : v.
Renvoi à la loi
Procédure : 14, 88, 114, 126 à 130, 140,
179
Réseau judiciaire européen : 129
Procès équitable : 34, 36, 43
Réserve(s) : 115, 116
Programmatoire : 26, 83
Ressortissant(s) :
Proportionnalité : 44, 57, 108, 124, 140,
153, 159
- ~ communautaire(s) : 105, 177
- ~ d'Etats tiers : 105
Propriété (droit de ~ ) : 43, 79, 87, 108,
110, 150
Restrictions : 158, 159, 167
244
Révision : 3, 29
Santé (droit à la ~ ) : 108, 150
Sources : 13, 14, 18, 81
- ~ de légalité : 16, 74, 86
- ~ d'inspiration : 74, 83
Secrétariat général du Conseil : 56
Sécurité juridique : v. Principes génraux
du Droit
Sécurité sociale : 11, 26, 35, 101, 124,
Souveraineté : 37, 76, 146, 157, 176 et
177, 181
Spécification (processus de ~ ) : 97, 98
150
Stabilisation : 61
Services d'intérêt économique général
(SIEG) : 11, 68, 124, 150
Standard européen : 104, 112, 117, 142
et 143, 164
« Simitis » (Commission ~ ) : 79, 80
Statut juridique : v. Valeur juridique
Situation purement interne 170, 176,
178, 182
Société civile : 63
Solidarité(s) : 9, 38, 80
Subsidiarité (principe de ~ ) : 146
Subsidiarité juridictionnelle : 147
Sûreté : 87, 108, 158
Système juridique : 3, 30, 53, 66, 119,
121, 123, 126 et 127, 135, 141, 164
245
Titulaires : 16, 93, 98, 100, 108, 110
Travailleurs (droit des ~ ) : 100, 106
Torture et peines inhumaines : 108
Tribunal de Première Instance (TPI) :
57, 59, 73
TPI : v. Tribunal de Première Instance
"Troisième pilier" : v. Piliers
Traditions constitutionelles communes :
intergouvernementaux
2, 30, 39, 47, 48, 50, 53, 84
Unanimité : 84, 86, 89, 149, 164
Traité(s) : 71, 76, 138, 173, 177
Uniformité : 53, 147, 156, 171
- ~ d'Amsterdam : 4, 5, 69, 71, 84
- ~ de Maastricht : 26, 47, 84, 116
- ~ d'application : 93, 94
- ~ de Nice :1, 8, 71, 72, 128, 149
Union : occurrences trop nombreuses
(non-répertorié)
Traité CE : v. Droit originaire
Universalité : 76, 93, 97, 100, 103 à 105
Traité UE : v. Droit originaire, Traité de
107, 112, 150, 175
Maastricht
Valeur juridique : 12, 30, 73, 89, 175
Transparence : 55 à 59, 63 à 65
Vide juridique : 5
Transversal : 17, 75, 128
Visibilité : 10, 16, 50, 55, 67, 69, 71, 72,
Travail (droit du ~ ) : 11, 43, 79, 106,
82, 139 et 140
108, 150
246
Victime : 30
Voie d'action : 166
Vie privée et familiale : 43, 79, 87, 108,
Voie d'exception : 166
124, 130, 150, 152, 179, 183
"Visas, asile et immigration" : 69, 106,
124
Vote : v. Elections
247
TABLE DES MATIÈRES
~
Sommaire ………………………………………………………………………………..1
Table des abréviations ……………………………………………………………….…2
Introduction …………………………………………………………………………….6
TITRE PREMIER : UNE CODIFICATION DU DROIT POSITIF …..…………….17
Premier chapitre : La diversité des sources de légalité ……………………..19
Section I : Prééminence des sources conventionnelles ………………………………24
§1) Les normes communautaires de protection des droits fondamentaux ………26
A) Le droit originaire de l’Union ………………………………………….27
B) Le droit dérivé de l’Union
……………………………………………31
§2) Le droit conventionnel des Droits de l’Homme : la CEDH …………….….33
248
A) L’affirmation des droits civils et politiques …………………………….34
B) La discrétion des droits économiques et sociaux……………………….36
Section II : Fluidité du « fonds normatif commun » …………………………………40
§1) La consécration de la jurisprudence européenne comme source de droit …...41
A) La jurisprudence de la CJCE …………………………………….…….43
B) La jurisprudence des organes de Strasbourg …………………………..46
§2) Les principes généraux du droit communautaire et les traditions
constitutionnelles communes aux Etats membres ..……………………………..50
A) Deux normes dynamiques pour les droits fondamentaux
communautaires …………………………………………………………..52
B) La réorganisation des normes de droit…………………………………54
Second chapitre : La lisibilité des droits consolidés ………………………….57
Section I : La Charte, outil de stabilisation …………………………………………..63
§1) Le souci de cohérence ……………………………………………………….64
249
A) La participation civile aux débats ……………………………………..65
B) La stratification des niveaux de lecture ………………………………..68
§2) L’insertion de la Charte dans « un espace de liberté, de sécurité et de
justice » ………………………………………………………………………….70
A) Une simple formalisation des droits existants ? ………………………73
B) La Charte comme norme unique de référence ? ………………………..76
Section II : La Charte, outil au service de l’intégration ……………………………..79
§1) L’enrichissement des droits existants ………………………………………..81
A) Une remise en cause des divisions académiques ……………………….81
B) Entre « principes » et « objectifs », le ferment de l’avenir ?…………...85
§2) Un socle commun ? ………………………………………………………….88
A) Des valeurs partagées par les Quinze ………………………………...89
B) L’impact de la Charte sur les rapports inter-institutionnels …………...93
250
TITRE SECOND : L’HARMONISATION DES MECANISMES DE GARANTIE
ET D’EFFECTIVITE
………………………………………………………………96
Premier chapitre : Le principe d’application uniforme en matière de
droits des personnes ………………………………………………………………..97
Section I : L’universalité des droits ………………………………………………….100
§1) Les différentes catégories de bénéficiaires …………………………………103
A) Ressortissants communautaires et ressortissants des Etats tiers ……..105
B) Une Charte portant protection des “personnes” ……………………109
§2) La consécration d’un standard minimum…………………………………...112
A) L’insertion de la Charte dans l’ordre juridique européen ……………113
B) La Charte : un creuset pour le droit international classique …………115
Section II : L’effectivité de la protection des bénéficiaires …………………………117
§1) Une diffraction des mécanismes de garantie ……………………………….121
A) L’hétérogénéité des procédures nationales …………………………..123
B) La reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires ………………..125
251
§2) L’accès à un tribunal ………………………………………………………127
A) Le droit à un recours juridictionnel effectif ……………..……………129
B) Entre ombre et lumière : les droits de la défense …………………….132
Second chapitre : Des droits fondamentaux… à géométrie variable ? …...136
Section I : L’aménagement des droits et les conditions d’expression de la
souveraineté nationale………………………………………………………………..139
§1) Les clauses spéciales de renvoi à la loi …………………………………….141
A) La discrétion des Etats membres ……………………………….…….142
B) Une garantie de la diversité culturelle ………………………………..144
§2) Les restrictions subsistantes ………………………………………………..147
A) Un principe d’autonomie procédurale… encadré. ……………………148
B) Les lacunes de la Charte………………………………………………150
Section II : L’essor des droits fondamentaux nationaux …………………………...153
§1) Le glas des discriminations à rebours ………………………………………156
252
A) Une impulsion pour le principe de non-discrimination ……………….158
B) L’opposabilité des situations purement internes au contentieux des
droits de l’homme…………………………………………………………161
§2) Vers une extra-territorialité des droits fondamentaux nationaux ?………....164
A) La promotion des valeurs nationales dans les autres Etats
membres ………………………………………………………………….165
B) La réception des droits fondamentaux reconnus par les autres Etats
membres……………………………………………………………..……167
Conclusion ……………………………………………………………………………170
Bibliographie …………………………………………………………………………173
Annexes ………………………………………………………………………………210
Index ………………………………………………………………………………….233
Table des matières ……………………………………………………………………248
253