"Le Combat des femmes du Congo-Brazzaville"* de Ghislaine Nelly
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"Le Combat des femmes du Congo-Brazzaville"* de Ghislaine Nelly
"Le Combat des femmes du Congo-Brazzaville"* de Ghislaine Nelly Huguette Sathoud Seule la lutte libère Fervente militante pour les droits humains en général et des droits de la femme en particulier, Ghislaine Nelly Huguette Sathoud ne cesse de lutter, depuis son adolescence, contre la suprématie de l’homme vis-à-vis de la femme dans la société contemporaine où ce dernier a de la peine à se faire violence pour accepter la femme comme une "égalité" dans l’évolution de la société. Après "Les Femmes d’Afrique centrale au Québec" (1) qui met en exergue les difficultés des immigrantes dans leur pays d’adoption, le Canada, l’auteure revient, une année après, sur la condition des femmes dans le monde en la percevant aussi sous le prisme de son pays d’origine, le Congo-Brazzaville. Des "Femmes d’Afrique centrale au Québec" au "Combat des femmes du Congo-Brazzaville", une seule préoccupation pour l’auteure : montrer et dénoncer les affres que subit la femme africaine en général et la Congolaise en particulier dans cette société des hommes où le masochisme semble se révéler dans la plupart des nations, surtout dans les pays du Sud. "Le Combat des femmes du Congo-Brazzaville", une réflexion qui peut se lire sur fond d’autobiographie et d’expériences sociales personnelles. "Le Combat des femmes au Congo-Brazzaville" : chronique d’une révolte sur fond d’autobiographie ? La lutte pour l’émancipation de la femme se dessine déjà chez Ghislaine Sathoud au sein de sa famille quand elle encore enfant et quand les parents donnent une autre dimension à la fille par rapport à la conception générale qui privilégie la venue du garçon. Aussi dans sa famille, la soumission et l’infériorité de l’enfant-fille vis-à-vis de l’enfant-garçon comme le révèle la coutume africaine est battue en brèche. Son père que l’intellectualisme conduit à la politique de son pays, s’oppose déjà à certaines coutumes rétrogrades qui freinent l’émancipation de la femme, en particulier dans le mariage. Et Sathoud de se positionner dans le temps : "Je me souviens de la position de [papa] sur la dot. Il disait toujours qu’il ne voulait pas demander une somme importante pour que même après sa mort, sa fille puisse rembourser la dot si elle se faisait maltraiter par son mari" (p.20). Aussi dégage-t-elle à travers l’image paternelle l’importance de l’école pour l’indépendance de la fille dans la société. Et ce sont les études qui vont l’emmener vers les "pays des Blancs" où elle va se confronter à d’autres réalités en ce qui concerne le combat de la femme au niveau universel. Le combat des femmes à l’extérieur et à l’intérieur du continent Déjà dans "Les Femmes d’Afrique centrale au Québec", l’auteure dresse un tableau sombre de la vie des immigrantes au Canada prises entre les difficultés de s’intégrer dans la nouvelle société et les violences morales et physiques de l’homme. Ici, elle essaie de mettre en relief "La Charte mondiale des femmes pour l’humanité" comme une bouée de sauvetage au secours de la femme africaine qui se voit martyrisée par la gent masculine. Elle révèle que "la Charte dénonce (…) le capitalisme sauvage avec sa cohorte de conséquences : le racisme, le sexisme, la misogynie, la xénophobie, l’homophobie, le colonialisme, l’impérialisme, l’esclavagisme. La Charte prône l’égalité de liberté, la solidarité, la justice" (p.37). Mais cette Charte paraît chimérique quand les réalités sociales s’avèrent pénibles à vivre. Femmes et guerres dans la réflexion de Ghislaine Sathoud Les guerres étant des périodes de "dérèglement" mental pour les hommes, il n’est pas étonnant qu’ils manifestent une violence cynique sur les femmes et les filles qui sont des "grandes victimes des guerres qui ont besoin d’une assistance pour sortir du traumatisme de la guerre" (p.40). Aussi assiste-t-on à des viols "organisés". Et c’est avec énergie que Sathoud condamne ce non-respect de l’homme envers la femme. Elle rappelle que le viol a été un malaise international en rappelant les guerres de la Bosnie, du Kosovo, de la Colombie, du Timor, de la Tchétchénie, du Daguestan, du Rwanda, de l’Ouganda, du Mozambique où les femmes ont subi des viols considérables, viols qui rappellent à l’auteure d’autres violences, à l’instar de la violence conjugale. Violence conjugale : un complexe de l’homme à condamner Cette violence conjugale occupe une place considérable dans "Les Femmes d’Afrique centrale au Québec" où l’auteure condamne le comportement "bestial" de l’homme africain à l’étranger où il reste encore accroché aux coutumes négatives de son pays d’origine. Et le réveil de la femme entre en collusion avec la situation du mariage coutumier qui est un élément très important dans la vie d’un couple. Aussi l’Africain à l’étranger subit la loi d’une vie pénible à deux car, comme le constate Marie-France Horigoyen, "la plupart du temps, la violence physique n’intervient que si la femme résiste à la violence psychologique" (2). Et c’est dans cette résistance psychologique de la femme que la majorité des immigrantes trouvent refuge avant que leurs hommes "pètent les plombs". Et cette violence au niveau du couple ajoutée à l’expérience de l’auteur dans l’exercice de ses fonctions à l’Alliance des Communautés culturelles pour l’Egalité dans la santé et les Services sociaux (ACCESSS) de Montréal sera à l’origine d’une pièce de théâtre didactique intitulée "Ici, ce n’est pas pareil chérie !" pour dénoncer cette violence masculine. Et les Congolaises dans leur combat pour l’émancipation féminine ? Dans le combat que mènent les femmes pour leur émancipation, Sathoud n’oublie pas ses compatriotes dont la devise est "Seule la lutte libère". Et de nous rappeler que la Congolaise qui a commencé à lutter depuis l’indépendance, n’a cessé jusqu’aujourd’hui de faire comprendre à l’homme que les "temps ont changé". Et de préciser que "le combat des femmes congolaises pour leur émancipation ne date pas d’hier. Depuis toujours, elles se battent bec et ongles pour améliorer leur condition". Elle rappelle quelques points positifs dégagés par le Code de la famille congolaise en ce qui concerne l’abolition de quelques éléments socioculturels qui gardaient encore la femme dans l’esclavagisme coutumier. Et la meilleure démonstration de cet esclavagisme coutumier est marquée par les conditions on ne peut plus insupportables du veuvage quand l’auteure rapporte par exemple le tragique subi par une journaliste congolaise "sauvagement assassinée en [2002] par un neveu de son mari. (…) [Celle-ci] selon lui, serait responsable de la maladie qui a coûté la vie à son oncle" (p.74). Triste réalité de certaines croyances rétrogrades. Aujourd’hui on remarque dans la société congolaise de grandes victoires à mettre au compte des femmes quand on se réfère au respect explicite de leurs droits dans "la réalisation des activités relatives à la promotion de l’égalité entre les sexes et la démarginalisation des femmes [qui] sont entre autres l’Association des Femmes Juristes du Congo (AFJC, l’Association des Femmes Notaires du Congo, le club Réalités et Perspectives, le Comité national des Droits de la Femme CONADEF, l’Association Congolaise pour le Bien être Familial ACBEF, le Réseau National des Femmes Ministres et Parlementaires, l’Association Congo Assistance, le centre National des femmes en politique, le Centre d’Appui au Développement de la Fille-mère, les professionnelles de l’Education, le mouvement des mères pour le Développement" (p.64). "Le Combat des femmes au Congo-Brazzaville", une réflexion qui avance souvent par des interrogations que se fait de temps en temps l’auteure sur la condition sociale des Congolaises marquée par l’égoïsme, la méchanceté, ainsi que la malhonnêteté de l’homme et des beaux-parents dans la vie des couples : "Que reproche-t-on à ces femmes, si ce n’est le fait de fonder une famille avec un homme ?" (p.74). "Veut-on priver les Congolaises du droit légitime, inaliénable et sacré de faire des choix ?" (p.75). "Qui sera la prochaine veuve à subir des violences de la part de sa belle-faille ?" (p.76). Une succession d’interrogations pour toucher sûrement le mental des Congolais. Afin que ces derniers puissent changer dans le bon sens. Pour conclure "Le Combat des femmes au Congo-Brazzaville", un livre qui montre à suffisance que Ghislaine Sathoud est engagée depuis plusieurs années dans la lutte pour la "libération" de la femme du sociétal masculin africain qui essaie de faire perdurer le négationnisme des coutumes africaines. Aussi, tout pourrait se résumer dans une phrase de la quatrième de couverture quand l’éditeur révèle que "les femmes continuent vaillamment et efficacement de mener une lutte acharnée contre les injustices afin d’obtenir d’autres gains. (…) Elles luttent contre des coutumes draconiennes et encouragent vivement l’émancipation des femmes". On peut affirmer sans ambages que le livre de Sathoud apparaît comme une arme pour cette lutte féminine. Un livre qu’il faut absolument lire pour comprendre le chemin parcouru par l’ "Afrique-femme" qui se réveille. Noël KODIA * «Le Combat des femmes au Congo-Brazzaville", l’Harmattan, Paris, décembre 2007, 90p. 11 euros. Notes (1) Ghislaine N.H. Sathoud, "Les Femmes d’Afrique centrale", Paris, l’Harmattan, 2006, présenté dans "Afrique Education" n° 212 du 16 au 30 septembre 2006. (2) Marie France Hirigoyen, "Femmes sous emprise : les ressorts de la violence dans le couple", Oh ! Editions, 2005. L’auteure Née au Congo-Brazzaville, Ghislaine Nelly Huguette Sathoud est plus connue comme poétesse, nouvelliste et romancier. Fervente militante pour les droits humains, elle lutte pour l’émancipation de la femme. Et c’est un sujet qui occupe presque toutes ses œuvres littéraires ainsi que ses essais. Elle vit actuellement au Canada. (publié sur www.afrology.com et Afrique éducation du 246)