ouge comme le feu, le sang, l`enfer mais aussi l`amour, la fécondité

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ouge comme le feu, le sang, l`enfer mais aussi l`amour, la fécondité
R
ouge comme le feu, le sang, l’enfer mais aussi l’amour, la fécondité. Cette couleur,
sans nuance, pétrie d’ambitions et assoiffée de pouvoir est décidée à en imposer à
toutes les autres. Elle a été qualifiée d’insolente, de fascinante, de puissante et n’a
pas toujours été glorieuse. Elle se voit rapidement chargée de deux significations distinctes.
Le rouge est présent depuis les origines. Les peintures pariétales de la
Préhistoire en témoignent. L’art paléolithique utilise des pigments
rouges, issus notamment de terres ocres-rouge. Au Néolithique, le
pigment rouge est d’origine végétale, la garance, puis très vite, à base
de métaux, l’oxyde de fer et le sulfure de mercure.
Peinture rupestre de la grotte Chauvet
(Pont-d’Arc, France)
La garance
Le murex comme on se l’imaginait à la fin du
Moyen Age
Dans l’Antiquité, le rouge fait partie de la triade chromatique ; avec le
noir et le blanc. Il représente la couleur de la lumière. « Bien qu’elle
soit une couleur sombre, elle participe en quelques sortes à l’éclat du
soleil et semble refléter tout l’éclat chatoyant de l’arc-en-ciel », note
Philostrate (sophiste romain de langue grecque du III e siècle), dans ses
Images (I, 28).
D’après Démocrite (philosophe grec du IV e siècle acn), en mélangeant
le noir, le blanc et le rouge, on obtient le porphurios (pourpre), bien
connue pour être la couleur représentative des hautes charges de
l’Etat grec et romain. D’après des auteurs contemporains, cette
couleur s’obtient grâce à une substance de base particulière, le murex
(petit coquillage rare de la Méditerranée). Le pourpre, proche du
rouge foncé, est réservé aux sénateurs, aux magistrats et, dès le IV e
siècle, il est exclusivement réservé à l’Empereur, sous peine de
lourdes amendes ! La tenue des centurions romains, du dieu Mars
fait, de toute évidence, référence au rouge sang et au feu de la
guerre. Dans le vêtement, cette couleur marque bien souvent des
zones d’ouverture particulièrement vulnérable : emmanchures et
encolures. Elle sera utilisée jusqu’au XX e siècle.
Au Moyen Age, la recette du pourpre à base de murex s’étant perdue
et l’ingrédient étant rare, le rouge est obtenu grâce aux œufs de
cochenilles, parasites du chêne. Cet insecte -le kermès- est propre des
régions méditerranéennes et du Proche-Orient. La femelle s’attache
aux feuilles de l’arbre et y pond ses œufs. Il faut détacher la femelle avant la ponte, la sécher et la broyer
pour en extraire le colorant. Il faut donc une grande quantité de femelles pour obtenir un peu de matière
colorante, d’où le prix exorbitant de ces tissus. Ce sera pourtant la seule qui permettra de teindre les tissus en
un rouge dense et brillant.
Sur la mosaïque byzantine de San Vitale (Ravenne), l’Empereur Justinien
est vêtu d’un manteau pourpre. Les hauts fonctionnaires de l’Eglise sont
encore vêtus de blanc (VIe siècle).
En Orient, les teinturiers utilisent les fleurs du carthame pour les riches
étoffes. Une autre technique, fréquemment utilisée par les Inuits, pour
obtenir une teinture rouge est de mélanger des peaux d’animaux bouillies
avec de l’écorce d’aulne.
A la fin de l’Antiquité, l’Eglise chrétienne va s’approprier cette couleur. Le
rouge symbolisant le sang du Christ. A partir du XIII e siècle, le pape et les
cardinaux porte une toge rouge, remplaçant la toge blanche. La Vierge
Marie se verra vêtue de rouge. Symbole d’amour et de fécondité, prête à
verser son sang pour son fils, elle échangera plusieurs foi s, au fils des
époques, sa robe bleue contre une rouge.
Le carthame
Dans la Vierge au chancelier Rolin, J.
VAN EYCK a représenté
minutieusement tous les détails, toutes
les matières. Sous le flamboyant
manteau de la Vierge, on y retrouve les
significations d’une vierge d’amour qui
verserait son sang pour le Christ.
Paradoxalement, cette couleur est aussi associée au pêché de la chair
souillée. La pomme d’Eve est rouge. Et puis, dans le récit de l’Apocalypse
de Saint-Jean, la grande prostituée de Babylone chevauche une énorme
bête à sept têtes, toutes deux de couleurs. D’ailleurs, la tradition se charge
de poursuivre dans ce sens et, au XIX e siècle, on raconte que toutes les
prostituées ont l’obligation de porter un tissu rouge pour être
reconnues dans la rue. A la porte des maisons closes, une lanterne rouge y
est pendue…
Le lien entre la Vierge, la femme et l’Eve du pêché originel est
inéluctable ! Elle est l’emblème de la féminité, de fécondité et de l’amour
et du mariage.
A l’heure actuelle, cette couleur continue à déborder de paradoxes
symboliques…
La Vénus – déesse de l’amour et de la beauté - peinte par VELASQUEZ est accompagnée
d’un petit ange (Cupidon ?) et mise en scène par un grand drap rouge, autant d’éléments
en lien avec l’amour… mais aussi le pêché charnel.
Enluminure de l’Apocalypse de Beatus
de LIEBANA (moine du VIIIe siècle)