T100-1-2902-2p - Société de Pathologie Exotique

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T100-1-2902-2p - Société de Pathologie Exotique
CLINIQUE
La tuberculose génitale chez la femme : à propos
de 11 cas suivis à Antananarivo, Madagascar.
E. Ravelosoa (1), F. Randrianantoanina (1), D. Rakotosalama (1), R. Andrianampanalinarivo (1),
C. Rakotomalala (1), A. Rasolofondraibe (2), Y. Breda (2) & P. Rakotobe (2)
(1) Centre de gynécologie obstétrique de Befelatanana, CHU Antananarivo, Madagascar.
(2) Faculté de médecine d’Antananarivo, Madagascar. E-mail : [email protected]
Courte note n° 2902. “Clinique”. Reçue le 11 janvier 2006. Acceptée le 12 juillet 2006.
Summary: Female genital tuberculosis: about 11 cases treated in Antananarivo (Madagascar).
A 5 year prospective study on genital tuberculosis, a rather uncommon localization, has been undertaken in 11 women treated at the DAT-HIS of Antananarivo, Madagascar.
Clinical diagnosis is problematic, if not unfeasible, due to the polymorphism of genital tuberculosis
in women. Only histological and bacteriological examinations are, so far, confirmatory. In the future,
recourse to polymerase chain reaction will facilitate diagnosis and will allow a more accurate assessment of the incidence of this aspect of tuberculosis infection.
Genital tuberculosis compromises women’s fertility. Even though the tuberculosis is cured, none of
the 11 women of our research had carried their pregnancy to delivery, because artificial fertilization
is not feasible here in Madagascar.
Screening of woman genital tuberculosis should be mandatory as regards gynaecological problems
such as menstrual cycle disorders, sterility, abdominal pain, cyst of ovary, ectopic pregnancy, spontaneous miscarriage in paraclinical investigations, especially in developing countries.
Introduction
F
orme rare et peu connue de la tuberculose extra-pulmonaire, la tuberculose génitale, pathologie de femmes issues
le plus souvent de milieux défavorisés, atteint aussi bien les
femmes jeunes que les femmes ménopausées (1, 4, 8, 10, 11,
12).
De découverte fortuite, sa gravité est liée à ses conséquences
génitales à type d’infertilité, voire de stérilité (2).
L’étude de dossiers de patientes reçues au dispensaire antituberculeux de Tananarive nous permet d’en souligner les
particularités liées au contexte.
Matériels et méthodes
U
ne étude prospective sur tous les tuberculeux traités
au dispensaire anti-tuberculeux de l’Institut d’hygiène
social d’Antananarivo (DAT-IHS), pendant une période
de 5 ans (1996 à 2000), nous a permis de recenser 11 cas de
tuberculose génitale (soit 0,2 %) sur les 5 417 tuberculeux
diagnostiqués.
Résultats
L
’âge de nos patientes varie de 22 à 44 ans, avec un maximum de fréquence entre 30 et 40 ans. La majorité d’entre
Clinique
genital tuberculosis
sterility
menstrual cycle disorder
screening
welfare centre
Antananarivo
Madagascar
Indian ocean
tuberculose génitale
stérilité
troubles du cycle
dépistage
dispensaire
Antananarivo
Madagascar
ocean Indien
elles (8 patientes) sont d’une classe sociale moyenne, 4 patientes étant nullipares et 6 nulligestes.
Dans les antécédents, nous avons relevé une notion de toux
chronique chez 2 patientes et une notion de contage tuberculeux dans 4 cas, alors que 8 patientes avaient bénéficié d’une
couverture vaccinale. De plus, 5 patientes présentaient une
imprégnation tabagique et une, un alcoolisme sévère.
Sur le plan clinique, 8 patientes présentaient des symptômes
pulmonaires évocateurs, 3 étaient asymptomatiques sur ce
plan. Les circonstances de découverte ont été :
– un syndrome douloureux pelvien (5 cas) de caractère et
d’intensité variable ;
– un bilan d’infertilité (3 cas), la tuberculose génitale parfaitement asymptomatique étant alors affirmée par les examens
complémentaires ;
– des formes macro lésionnelles (3 cas) à type d’ulcération
chronique du col utérin ou de tuméfaction annexielle.
Cliniquement, les symptômes gynécologiques étaient polymorphes : leucorrhées souvent abondantes, troubles des règles
à type de métrorragies ou d’aménorrhées, signes physiques de
salpingite (sensibilité des culs de sac vaginaux).
Les examens para cliniques ont souvent permis d’orienter le
diagnostic :
– l’hémogramme avec, dans tous les cas, une inversion de la
formule leucocytaire et une accélération de la VS ;
– une IDR (intradermo-réaction) positive chez une patiente
non vaccinée par le BCG ;
30
La tuberculose génitale chez la femme à Antananarivo, Madagascar.
– une coelioscopie qui a visualisé une importante pelvipéritonite plastique ;
– une hystérosalpingographie qui a permis de visualiser chez
3 patientes une obturation tubaire uni ou bilatérale.
La confirmation diagnostique a été apportée à 8 reprises par
un examen anatomopathologique révélant la présence de granulomes tuberculoïdes :
– biopsie de l’endomètre (5 cas) ;
– biopsie du col (2 cas) ;
– pièce opératoire (ovaire, 1 cas) ;
et, à trois reprises, par un examen bactériologique, effectué
sur des cultures de menstrues (2 cas) ou un produit de curetage (1 cas).
Sur le plan thérapeutique, ces patientes ont bénéficié d’un
traitement antituberculeux complété à deux reprises par des
instillations utéro-tubaires de corticoïdes associés à des antibiotiques.
Il y a eu un décès chez une patiente « indisciplinée » présentant un stade avancé de tuberculose cervicale avec altération
majeure de l’état général. Dans tous les autres cas, la guérison
a été obtenue en 6 à 9 mois, les troubles menstruels disparaissant rapidement. Par contre, les séquelles à type d’infertilité
et/ou de stérilité sont la règle.
En effet, 10 patientes ont présenté une stérilité secondaire et
une seule femme a pu mettre en route une grossesse intrautérine qui n’a pu malheureusement être menée à terme.
Discussion
A
lors que la tuberculose pulmonaire, forme la plus fréquente d’atteinte bacillaire, représente un souci permanent de santé publique, la forme génitale de cette affection
demeure sous-estimée et peu citée, cette situation expliquant
le caractère généralement tardif du diagnostic (3).
L’âge moyen cité dans la littérature est proche de notre série,
avec un maximum de fréquence entre 30 et 40 ans.
Cette affection touche classiquement les femmes de faible
niveau économique, alors que la majorité de nos patientes
sont de niveau économique moyen.
Cette différence est probablement liée au fait qu’à Madagascar
la faible médicalisation ne permet pas un dépistage efficace
dans les milieux défavorisés.
Comme dans les principales publications, 50 % des diagnostics
sont établis à l’occasion de bilans de stérilité. Il est de ce fait
probable qu’une recherche systématique chez ces patientes en
cours de bilan de stérilité permettrait d’obtenir une fréquence
plus objective de l’atteinte tuberculeuse génitale. Le recours à
la réaction en chaîne de la polymérase (PCR) (2), permettrait
une mesure plus pertinente de la prévalence de l’infection.
Sur le plan de la localisation, il est généralement admis que
la première atteinte est tubaire et que la diffusion s’effectue
ensuite vers le reste de l’appareil génital (6, 9, 13, 14, 15).
La fréquence relativement élevée de la localisation cervicale
dans notre série est probablement liée au fait que toutes nos
patientes n’ont pas pu bénéficier de bilans coelioscopiques
ou chirurgicaux et que certaines atteintes ont été de ce fait
méconnues ou sous-estimées (7).
Le traitement anti-tuberculeux est efficace, guérissant l’affection. Par contre, les séquelles gynécologiques sont graves,
altérant le plus souvent le potentiel de fertilité des patientes (2, 5). En effet, la survenue d’une grossesse intra-utérine
spontanée est exceptionnelle dans la littérature et le risque de
grossesse extra-utérine important.
La PMA (procréation médicalement assistée) demeure alors le
seul moyen d’obtenir une grossesse (7), solution inaccessible
dans les pays en voie de développement.
Bull Soc Pathol Exot, 2007, 100, 1, 30-31
Face à une telle gravité des séquelles gynécologiques, souvent
majorées dans nos pays où nous observons des retards au
diagnostic et une sous-évaluation des lésions, il nous paraît
essentiel de renforcer la prévention par la vaccination systématique et de rechercher systématiquement une localisation
génitale en cas de tuberculose pulmonaire dépistée ou lors
d’investigations pour stérilité (16).
Conclusion
L
a tuberculose génitale est une forme rare et peu citée de
la tuberculose extra-pulmonaire.
C’est une pathologie grave touchant classiquement les femmes
de faible niveau économique, sa gravité étant liée aux séquelles
gynécologiques à type d’infertilité, voire de stérilité, qu’elle
entraîne.
L’importance d’un dépistage précoce et systématique chez les
femmes présentant des troubles du cycle menstruel ou une
stérilité doit être soulignée, tout particulièrement dans les
pays en voie de développement comme Madagascar.
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