La femme qui vend des étoffes venues de contrées lointaines

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La femme qui vend des étoffes venues de contrées lointaines
PROJECTEURS
elle l’a fait
par Sou’al Hemma
La femme qui vend des étoffes venues
de contrées lointaines
Inge Sjollema, 58 ans, spécialiste du tissu
Réapprendre et avancer
Chômage, nouvelle formation, coaching, travail alimentaire. Une reconversion se fait rarement en un jour.
Mais Inge est motivée et prête à
réaliser ce rêve trop longtemps mis
de côté. «J’ai dû apprendre à faire
un business plan, à tenir une comptabilité. Cela n’a pas été évident,
toire.» Laine, coton, soie, lin ou
encore plastique recyclé, toutes les
matières sont bienvenues. Seules
conditions sine qua non pour prétendre à une place au 32, avenue de
Châtelaine, à Genève: provenir du
commerce équitable et découler d’un
savoir-faire traditionnel. Des qualités que détiennent notamment les
sacs en maïs japonais, kanthas
indiens et couvre-lits bangladais. Les
prix? De 15 francs pour le mètre de
tissu à 300 francs pour les étoles les
plus chères, en passant par 25 francs
pour les foutas (linges de Tunisie).
Partager et voyager
Si elle a eu des doutes, Inge est
aujourd’hui convaincue de la formule
«boutique à la maison». Les ventes,
organisées sur rendez-vous, se
déroulent ainsi dans sa lumineuse
véranda ou dans son magnifique
jardin. Sa dernière découverte?
Une coopérative installée dans
le nord du Bangladesh, qui travaille sur l’indigo, le cultive
puis l’allie au coton afin de créer
du tissu khadi, cette étoffe filée
et tissée à la main qui est également un symbole de révolution, de liberté et de tradition
indienne.
Inge aime le contact. Et
s’allie régulièrement avec
d’autres. Derniers en date, la
pâtisserie à la japonaise Aux
Mille Pins et l’irrésistible collection de bijoux en or, argent
et pierres semi-précieuses de
la bijouterie Grains de Riz. Et
Inge ne s’arrête pas là. «En juillet, j’entreprends mon premier
voyage aux Etats-Unis pour
visiter le Folk Art Market de
Santa Fe.» Cent cinquante artisans, venus de 60 pays, réunis
au même endroit. Un rêve pour
celle qui espère un jour ne vivre que
de son amour pour l’art des contrées
lointaines. Pour l’heure, Inge jongle
entre ses étoffes, un 20% d’administration dans un centre de méditation
ainsi que des cours de couture donnés bénévolement à des femmes
migrantes. ■
PIERRE VOGEL
Ce matin, le ciel est gris. Qu’im- mais j’ai organisé ma première vente
porte. Le chai fume sur la table basse quatre mois après avoir quitté mon
et les poufs invitent à la détente. poste.» LabelEtoffes était né. Un
Mobilier exotique, plafond haut et petit paradis pour quiconque aime
véranda lumineuse, le décor est coloré les étoffes et accessoires textiles.
et chaleureux. Collier kantha (formé Venues de Tunisie, du Bangladesh
de petites billes de tissu assemblées) ou d’ailleurs, les pièces sont sélecautour du cou et élégant châle sur tionnées pour leur qualité et leur
les épaules, Inge Sjollema s’installe. originalité. «L’idée est d’avoir une
diversité de provenances. Je parcours
Et raconte.
«J’ai toujours collectionné les tis- les pays, me rends dans les salons
sus et me confectionne régulièrement spécialisés et active mes réseaux. Au
des vêtements. Mais c’est resté un final, chaque tissu a sa propre hisrêve que j’ai longtemps déserté.»
D’abord attachée de presse pour
l’Association pour l’encouragement de la musique improvisée
(AMR), Inge a ensuite officié
pendant vingt-cinq ans au sein
des Ateliers d’ethno-musicologie de Genève, une association
culturelle dédiée aux musiques
et danses du monde. Là, elle a
touché à tout, de la production
à la programmation, en passant
par l’administration. Ce qu’elle
a préféré? Le contact avec un
nombre incroyable de cultures
différentes et, surtout, les costumes. Ces bouts de tissu si
importants sur la scène comme
profil
dans la vie quotidienne. C’est
Inge Sjollema est née près d’Utrecht.
Cette Suisso-Hollandaise baigne dans l’art
ainsi qu’un jour, à l’orée de l’auet la musique depuis ses premiers jours.
tomne 2010, Inge s’est lancée.
Elle est titulaire d’une licence en langues arabe
«A 54 ans, c’était plus que le
et espagnole.
moment d’y aller. J’ai annoncé
mon départ puis suivi des cours
sur la création d’entreprise.»
[email protected]
3 juillet 2014 l’hebdo 17