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Ambassade de France au Royaume-Uni
Service Science et Technologie
Royaume
oyaume--Uni
Science & Technologie au
Juillet-Août 2010
Nanotechnologies
et
alimentation
Sommaire
2
Dossier
4
Nanotechnologies et alimentation
Politique scientifique et technique
20 Sciences de l’ingénieur
30
Mise en œuvre du plan « Sciences du
vivant 2010 »
Bloodhound SSC : susciter des vocations avec
20 un projet technologique emblématique
30
Restructuration de l’organisation des
organismes de réglementation
Le moteur à explosion n’a pas dit son
22 dernier mot
31
Dialogue sur la biologie synthétique
23 Environnement
33
MRC-Technology collabore avec l’industrie et
le secteur à but non lucratif
La stratégie du nouveau gouvernement
25 en matière d’énergie
33
Les autorités locales britanniques
encouragées à produire de l’électricité verte
36
Géo-ingénierie : un cadre réglementaire
s’avère indispensable
37
Espace
Conclusions d’une troisième enquête
28 indépendante sur l’affaire du « Climategate »
38
L’approche du gouvernement de coalition
dans le secteur de l’espace
Des institutions britanniques informent les
28 négociateurs sur le changement climatique
40
Comment conjuguer restrictions budgétaires
et lutte contre le changement climatique ?
42
Accords de coopération scientifique et
technologique entre l’Inde et le
Royaume-Uni
26
Le destin des centres de nanotechnologie
britanniques et autres mesures budgétaires
27
Science et Technologie au Royaume-Uni  Juillet-Août 2010
www.ambascience.co.uk
Science & Technologie au Royaume-Uni
Juillet-Août 2010
ISSN 2042-7719
Directeur de la publication
et rédacteur en chef
Serge Plattard
Responsable de la publication
Joël Constant
Équipe rédactionnelle
Dossier du mois
Maggy Heintz
Politique scientifique et technique
Claire Mouchot
Maggy Heintz
Espace
Maggy Heintz
Sciences de l’ingénieur
Joël Constant
Environnement
Joël Constant
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Éditorial
par Serge Plattard, Conseiller pour la science et la technologie
Des biologistes de nouveau à la manœuvre
Alors que rien de ferme sur les prochaines orientations budgétaires ne sera connu
d’ici le 20 octobre, il convient de relever, en revanche, que des changements significatifs ont été décidés cet été à la tête de la Royal Society et du Medical Research Council
(MRC) ainsi que la nomination du directeur du futur UK Centre for Medical Research
and Innovation (UKCMRI).
Paul Nurse, âgé de 61 ans, Prix Nobel de physiologie et de médecine 2001, élu par
ses pairs en juillet, deviendra le nouveau président de la Royal Society à partir du
1er décembre 2010, succédant à l’astronome royal Lord Rees qui termine son mandat
quinquennal alors que cette institution célèbre son 350 e anniversaire cette année.
Après 25 ans cette présidence revient à nouveau à un biologiste. Cette académie retrouve également une certaine tradition puisque depuis l’existence du Prix Nobel, les
2/3 de ses présidents en étaient lauréats, dont la moitié en physiologie et médecine.
Titulaire d’un doctorat de l’université d’East Anglia, ce généticien et biochimiste cellulaire a dirigé en 1996 l’Imperial Research Cancer Fund, future composante de Cancer
Research UK, qu’il quittera en 2003 pour prendre la présidence de l’université Rockefeller à Manhattan jusqu’à aujourd’hui.
Parallèlement à cette charge à la Royal Society, considérée comme un mi-temps,
Paul Nurse a accepté en juillet de devenir, à partir du 1 er janvier 2011, le directeur fondateur et le directeur exécutif de l’UKCMRI qui devrait compter 1 500 personnes en
2015 et dont il préside le comité scientifique préparatoire depuis deux ans. Financé à
hauteur de 600 M£, pour plus de la moitié par le MRC, avec des apports de Cancer
Research UK, du Wellcome Trust et de University College London, cet impressionnant
centre de recherches interdisciplinaires, qui se focalisera sur la biomédecine, et situé
au cœur de Londres dans le voisinage immédiat de St Pancras, sera le plus significatif
du genre en Europe. « Peut-être le poste scientifique le plus important en Europe »,
selon Sir Leszek Borysiewicz, directeur exécutif partant du MRC, lui-même appelé à
devenir vice-chancelier de l’université de Cambridge le 1 er novembre, le premier biologiste à occuper ce poste depuis 25 ans.
Inspiré par son expérience new-yorkaise et par les pratiques du Howard Hughes
Medical Institute, Sir Paul évitera de formaliser la gestion de ce centre via des directions et des départements. Ce seront les groupes de recherche, un peu plus d’une centaine, qui seront les moteurs de la créativité et de l’innovation, chaque individu pouvant changer de groupe ou appartenir à plusieurs d’entre eux selon ses centres d’intérêt. Les 2/3 de ces groupes seront constitués de jeunes chercheurs. Une fois devenus
plus expérimentés, la politique du centre consistera à les faire essaimer à l’extérieur
pour faire venir de nouveaux jeunes scientifiques. Pour les 100 ou 150 meilleurs d’entre eux, le futur directeur estime qu’une solution évitant les arcanes bureaucratiques
habituels devra être trouvée afin de leur laisser un maximum de temps pour leur recherche. Enfin, la cohabitation de chercheurs en biologie fondamentale, de cliniciens
et de pharmaciens sera l’occasion de donner une impulsion nouvelle à la recherche
médicale translationnelle.
Relevons également que fin juillet, John Savill a été retenu pour devenir le nouveau directeur exécutif du MRC à compter du 1er octobre après avoir dirigé le collège
de médecine et de médecine vétérinaire de l’université d’Edimbourg. Salué pour sa
grande connaissance de l’interface recherche fondamentale/recherche clinique, il aura
la lourde tâche de défendre le budget de ce conseil dans un contexte de décrue budgétaire sensible pour pratiquement tous les départements ministériels.
Science et Technologie au Royaume-Uni Juillet-Août 2010
3
Dossier
Nanotechnologies et alimentation
Depuis l’invention de la cuisine il y a 300 000 ans, l’homme a utilisé diverses
technologies pour modifier sa nourriture. Le développement de l’agriculture, il y
a environ 10 000 ans, a entraîné la mise au point de toutes sortes de nouvelles
technologies, des plus basiques concernant les méthodes de préservation des
aliments (salaison, séchage, fumage) aux plus élaborées permettant d’améliorer
les rendements des récoltes. L’industrialisation de la production alimentaire, au
19ème siècle, a permis le développement de technologies innovantes dans les
domaines du traitement et de la conservation des aliments. Si certaines ont
parfois été acceptées avec réticence (par exemple, la pasteurisation du lait),
d’autres, comme le pré-emballage de plats surgelés « prêts à manger », ont été
acceptées sans sourciller par le consommateur. De nos jours, bien que
l’introduction des nanotechnologies dans la chaîne alimentaire n’en soit encore
qu’à ses balbutiements comparativement aux secteurs de l’électronique, de la
chimie ou de l’industrie pharmaceutique, l’envergure du débat actuel autour des
nanotechnologies a incité les Lords composant le Science and Technology Committee
à examiner les relations entre nanotechnologies et alimentation. Leurs
conclusions sont exposées dans un rapport publié en janvier 2010 et présenté ciaprès.
Introduction
L’enquête des Lords ne s’est pas limitée à l’étude
des nanomatériaux utilisés en tant qu’ingrédients dans
les aliments. Elle a été étendue afin de traiter de l’utilisation des nanotechnologies au sein de la chaîne alimentaire dans son intégralité : pesticides et engrais,
procédés de production des aliments et emballages au
contact de ceux-ci. Compte-tenu de l’importance de
l’étude, il a été décidé d’exclure de celle-ci l’impact sur
l’environnement des nanotechnologies utilisées dans
l’industrie alimentaire, ou leur utilisation dans des
produits dérivés qui, bien que n’étant pas des aliments, pourraient conduire à l’ingestion de nanomatériaux et nanoparticules (par exemple, pâte dentifrice
ou produits cosmétiques). Avant de s’intéresser aux
résultats de cette enquête, nous allons dans un premier
temps nous interroger sur la signification des nanosciences et le secteur de recherche associé, aborder le
concept de « l’économie des nanotechnologies », puis
4
Science et Technologie au Royaume-Uni  Juillet-Août 2010
brièvement explorer l’engouement actuel, au Royaume-Uni et en France, concernant le développement et
la réglementation des nanotechnologies.
1. Généralités
1.1 Nanosciences, nanotechnologies et nanomatériaux
1.1.1 Historique
Richard Feynman, prix Nobel américain de physique en 1965, fut le premier scientifique à avancer l’idée
qu’il serait bientôt possible pour l’homme de transformer la matière à l’échelle atomique. Dans un discours
visionnaire intitulé « There’s plenty of room at the bottom » prononcé en 1959 devant l’American Physical Society, il envisageait de réorganiser la matière atome par
atome et de faire tenir tout le contenu de l’encyclopédie Britannica sur la tête d’une épingle. Il établit au
cours de cette conférence les bases de ce qui allait de-
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Atomes de xénon déposés par un microscope à effet tunnel
sur du nickel par des chercheurs d'IBM.
Crédit : Donald Eigler (IBM)
Creative Commons 2.5
1.1.2 Définitions
« Nano » est le préfixe du système international
d'unités qui représente 10-9, soit un milliardième de
l'unité de base. Pour donner une idée de l’ordre de
grandeur, une feuille de papier a une épaisseur de
100 000 nm, un globule rouge un diamètre de
7 000 nm, et un atome d’or un diamètre d’environ
1/3 nm. 300 000 000 nanoparticules, chacune d’un diamètre de 100 nm, pourraient être disposées sur la tête
d’une épingle. Par analogie, les nanosciences pourraient donc être définies comme les sciences de l’infiniment petit.
S’agissant d’un champ scientifique en émergence, il
n’y a cependant pas, à l’heure actuelle, de consensus
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scientifique sur ces définitions. Selon le rapport
« Nanoscience and nanotechnologies : opportunities and
uncertainties »1 conjointement publié par la Royal Society et la Royal Academy of Engineering en 2004, les nanosciences sont l’étude des phénomènes et de la manipulation de la matière aux échelles atomique, moléculaire
et macromoléculaire, où les propriétés diffèrent sensiblement de celles qui prévalent à une plus grande
échelle. Les nanotechnologies, quant à elles, concernent la conception, la caractérisation, la production et
l’application de structures, dispositifs et systèmes par
le contrôle de la forme et de la taille à une échelle nanométrique. Les nanomatériaux, enfin, sont des matériaux dont la structure interne ou externe est de dimension nanométrique dans au moins une des trois
dimensions. On distingue trois types de nanomatériaux :
les nanofilms, ou couches minces, dont une seule des
trois dimensions est de l’ordre du nanomètre ;
les nanotubes, dont deux des trois dimensions sont
de l’ordre du nanomètre. Il s’agit de structures cristallines particulières, de forme tubulaire, creuse et
close, composées d'atomes disposés régulièrement
en pentagones, hexagones et/ou heptagones, et obtenues à partir de certains matériaux, en particulier le
carbone et le nitrure de bore ;
les nanoparticules, dont les trois dimensions sont de
l’ordre du nanomètre. On distingue les nanoparticules d’origine naturelle (poussières volcaniques, par
exemple), les nanoparticules d’origine humaine non
intentionnelle (particules émises lors de combustion,
par exemple) et les nanoparticules manufacturées.
Il convient de noter que la particularité qui fait
qu’un matériau peut être considéré comme « nano »
n’est pas à proprement parler purement quantitative –
un matériau est considéré comme nano à partir du
moment où il démontre une nouvelle fonctionnalité
résultant de sa petite taille.
Les matériaux à l’échelle nanométrique présentent
des propriétés différentes de ceux à plus grande échelle car :
les nanomatériaux ont une surface beaucoup plus
grande et par conséquent peuvent être chimiquement plus réactifs (voir tableau 1) ;
les matériaux à l’échelle nanométrique peuvent commencer à présenter des effets quantiques dans lesquels les comportements électronique, magnétique et
optique peuvent changer.
La grande diversité des nanomatériaux rend leur
réglementation et l’analyse des risques liés à leur utilisation particulièrement difficile.
Dossier
venir 20 ans plus tard la nanotechnologie moléculaire.
Le terme « nanotechnologie » fut utilisé pour la première fois en 1974 par le professeur Norio Tanigushi
de l’Université des sciences de Tokyo, et défini comme
« le procédé de séparation, de consolidation et de déformation des matériaux par un atome ou une molécule ». Il fut définitivement popularisé par Dr Kim Eric
Dexler dans les années 80.
La manipulation de la matière à l’échelle atomique
a été rendue possible grâce à la mise au point en 1982
du microscope à effet tunnel (STM, Scanning Tunneling
Microscope) par Gerd Binnig et Heinrich Rohrer, du
laboratoire IBM de Zurich. Cette invention a valu à ses
inventeurs le prix Nobel de physique en 1986 et fut à
l’origine d’une nouvelle idée qui consiste à imaginer
qu’en plus de l’observation, les scientifiques vont être
capables d’assembler la matière atome par atome, selon la logique « bottom up ». Non seulement le STM
permet de distinguer chaque atome à la surface d’un
objet, mais il permet dans certaines conditions d’arracher un atome à un endroit et de le déposer ailleurs.
L’équipe d’IBM ainsi écrit les lettres IBM en déposant
un à un 35 atomes de xenon sur une surface de nickel.
Gerd Binnig a ensuite développé, en 1986, le microscope à force atomique (AFM, Atomic Force Microscopy),
exploitant les énergies superficielles pour les représenter et les manipuler à l'échelle atomique, selon un autre
concept essentiel de la nanotechnologie.
1.2 Un secteur stratégique de la recherche
Les nanosciences et nanotechnologies représentent
un secteur stratégique de la recherche, très compétitif,
en croissance rapide, avec un potentiel économique
considérable dans de nombreux domaines : informatique et télécommunications, médecine et biologie, matériaux et chimie, énergie et environnement.
Science et Technologie au Royaume-Uni  Juillet-Août 2010
5
Dossier
Diamètre de la particule
(nm)
Nombre de particules
par gramme
Superficie totale en
cm2 par gramme
1 000
100
10
1.9 x 1012
1.9 x 1015
1.9 x 1018
60 000
600 000
6 000 000
Tableau 1 : Nanomatériaux : nombre de particules et superficie par unités de masse et de volume,
en fonction du diamètre de la particule
Source : Food Safety Authority of Ireland, The relevance of Food Safety of Applications of
Nanotechnology in the Food and Feed Industries2, 2008, p.41
1.2.1 L’économie des nanotechnologies
Les nanomatériaux et les nanotechnologies peuvent
être utilisés pour adresser un grand nombre de problèmes sociétaux, et les opportunités d’application sont
par conséquent très importantes. Ceci entraîne un marché global phénoménal et une véritable « économie des
nanotechnologies ». Lux Research3, une compagnie indépendante de recherche apportant des conseils stratégiques et des renseignements continus sur les technologies émergentes, estimait, en 2007, que le marché des
produits manufacturés intégrant des nanotechnologies
avait une valeur de 147 Md$. Les estimations futures
du marché des nanotechnologies prévoient 1 600 Md$
d’ici 2013 et 3 100 Md$ d’ici 2015. Ces chiffres doivent
cependant être considérés avec précaution, la valeur
estimée du marché dépendant de la source des données. Ainsi, Wintergreen Research4, cabinet-conseil en
évaluation stratégique de marché dans le domaine des
télécommunications, des services de santé et des technologies informatiques, estime le marché à 750 Md$ en
2015, contre 1 500 Md$ selon Cientifica5, cabinet de
consultants à l’origine du rapport « Half Way to the Trillion Dollar Market ? »6. Tous prédisent cependant une
croissance sans équivoque à partir de 2010, et il est de
plus estimé qu’à l’horizon 2015, environ deux millions
de personnes seront employées dans l’industrie des
nanotechnologies.
1.2.2 Investissements financiers aux États-Unis et
en Europe (exemple de la France)
Lux Research a publié en 2006 un rapport intitulé
« The Nanotech Report 4th Edition »7 dans lequel il est fait
état des dépenses gouvernementales en Amérique du
Nord, en Asie et en Europe pour la R&D en nanotechnologies en 2005 : les montants variaient de 1,1 Md$ à
1,7 Md$, respectivement. Les États-Unis sont actuellement leader en matière d’investissement dans le domaine des nanosciences et nanotechnologies, ainsi
qu’en termes de publications scientifiques et de valorisation de la recherche. L’effort financier de la France
dans le domaine des nanotechnologies place le pays au
2ème rang européen derrière l’Allemagne. Entre 2001 et
2005, plus de 1 Md€ de fonds publics ont été investis
en France. Dans les pays leaders dans le domaine, l’in-
6
Science et Technologie au Royaume-Uni  Juillet-Août 2010
vestissement public se double d’un soutien privé très
important. À titre d’exemple, en 2004, la part de l’investissement privé s’élevait à 1,7 Md€ aux États-Unis
(pour 1,2 Md€ de fonds publics), contre 580 M€ en Europe (pour 1,4 Md€ de fonds publics). La France et
l’Europe apparaissent globalement bien placées dans
le domaine de la production scientifique sur le thème
des nanotechnologies mais rencontrent des difficultés
dans la capacité à convertir leurs travaux en produits
et en valeur (dépôts de brevets et création d’entreprises innovantes).
1.2.3 Investissements financiers au Royaume-Uni
Les dépenses du gouvernement britannique sont
considérées dans le contexte mondial. Le tableau 2 indique les financements publics pour la R&D en nanotechnologies dans différents pays. Les données sont
obtenues à partir de sites gouvernementaux et documents propres à chaque pays. Les dépenses en dollars
américains sont représentées en termes de financement
absolu et relatif, par habitant. Il ressort de ce comparatif que le financement public au Royaume-Uni est à la
traîne, en termes absolus et relatifs.
L’investissement privé dans le secteur est représenté dans le tableau 3. Le secteur privé au Royaume-Uni,
en France et à Taïwan investit à niveau équivalent
dans la R&D en nanotechnologies, ce qui est très faible
comparativement au Japon et surtout aux États-Unis.
Il est difficile de définir de façon précise les dépenses gouvernementales au Royaume-Uni en termes de
R&D dans le domaine des nanotechnologies, principalement par manque de distinction entre le secteur des
micro- et des nanotechnologies (MNT). Ceci dit, les
dépenses publiques pour les nanotechnologies au
cours des 12 dernières années peuvent être estimées à
plus de 640 M£. Les futures priorités de financement
sont du ressort du comité stratégique pour la technologie (TSB, Technology Strategy Board), des conseils pour
la recherche et des agences et départements gouvernementaux appropriés.
Au cours des cinq dernières années, le gouvernement a investi de façon significative dans la communauté MNT, dont par exemple 90 M£ destinées à déve-
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Niveau de financement par
habitant ($ américains)
1.96
Etats-Unis
1.554
5.06
Allemagne
0.5
6.07
Japon
0.38
2.99
France
Taiwan
0.21
0.12
3.28
5.22
Dossier
Royaume-Uni
Niveau de financement réel
(Md$ américains)
0.12
Pays
Tableau 2 : Estimation du financement public pour la R&D en nanotechnologies en 2008
Royaume-Uni
Niveau de financement réel
(Md$ américains)
0.09
Niveau de financement par
habitant ($ américains)
1.47
Etats-Unis
1.8
5.86
Allemagne
0.3
3.64
Japon
1.1
8.66
France
Taiwan
0.1
0.11
1.56
4.79
Pays
Tableau 3 : Estimation du financement privé pour la R&D en nanotechnologies en 2008
lopper un nouveau réseau d’équipements et de services. Le conseil pour la recherche en sciences de l’ingénieur et sciences physiques (EPSRC, Engineering and
Physical Sciences Research Council) a investi 253 M£ depuis 2003, distribuées sur un porte-feuille de plus de
400 projets, les plus importants d’entre eux étant le
Grand Challenge for Healthcare (le grand défi pour les
services de santé, 19 projets totalisant 16,6 M£) et le
Grand Challenge for Energy (le grand challenge pour
l’énergie, 2 projets totalisant 6,78 M£).
Le ministère de la défense, l’EPSCR, le conseil pour
la recherche en biotechnologies et sciences biologiques
(BBSRC, Biotechnology and Biological Sciences Research
Council) et le conseil pour la recherche médicale (MRC,
Medical Research Council) ont contribué à hauteur de
19,4 M£ (3,4 M£, 10 M£, 3 M£ et 3 M£, respectivement)
pour la mise en œuvre de centres de recherche pluridisciplinaire (IRC, Interdisciplinary Research Centres) en
nanotechnologies.
Devant l’ampleur du développement récent des
nanotechnologies, que ce soit en termes d’avancées
scientifiques, d’impact sociétal, d’économie de marché,
d’emplois ou d’éthique, il n’est pas étonnant que l’opinion publique se mobilise et cherche à connaître les
tenants et les aboutissants de ces nouvelles technologies.
1.3 Nanotechnologies et prise de conscience en
France et au Royaume-Uni
Si les nanotechnologies avaient déjà fait l’objet de
différents forums, tables rondes ou discussions publi-
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ques en France, force est de constater, probablement en
raison d’une insuffisante médiatisation, que le public
dans son ensemble ignore ces technologies, leurs applications et les questions qu’elles soulèvent. Un débat
public sur des questions de développement et de réglementation des nanotechnologies, afin de dégager les
pistes appropriées à un développement responsable et
sécurisé des nanotechnologies et à répondre aux interrogations des diverses parties prenantes, opérateurs et
citoyens, sur leurs usages et conséquences, a donc eu
lieu du 15 octobre 2009 au 24 février 2010 en France.
Confronté à la montée en puissance de perturbations
bruyantes, le débat n’a cependant pas eu le succès escompté, probablement à cause de (i) l’amplitude du
sujet, (ii) la question de l’opportunité : à quoi servent
les nanotechnologies ? en avons-nous besoin ?, (iii)
l’aspect hautement scientifique des thèmes abordés,
(iv) la date et le moment du débat, concomitant des
débats sur l’identité nationale et (v) l’opposition au
débat.
Les initiatives britanniques, pour répondre aux problèmes et questionnements liés aux nanotechnologies,
consistent en l’élaboration de stratégies et de rapports
du gouvernement et/ou de sociétés savantes. Au cours
des 10 dernières années se sont ainsi succédés une pléthore de rapports, parmi lesquels :
« Nanoscience and nanotechnologies : opportunities and
uncertainties », rapport publié conjointement en juillet 2004 par la Royal Society et la Royal Academy of Engineering ;
la réponse du gouvernement au rapport précédent,
publié en février 2005 ;
Science et Technologie au Royaume-Uni  Juillet-Août 2010
7
Dossier
Voluntary Reporting Scheme8, un dispositif destiné à
contribuer, de façon volontaire, à l’évaluation des risques potentiels des nanotechnologies, initié par le Ministère de l’environnement, de l’alimentation et des
affaires rurales (Defra, Department for Environment, Food
and Rural Affairs) en septembre 2006 ;
« Nanoscience and Nanotechnologies: A Review of Government's Progress on its Policy Commitments »9, rapport du
conseil pour la science et la technologie (CST, Council for
Science and Technology), publié en mars 2007 ;
« Novel Materials in the Environment: The Case of Nanotechnology »10, 27ème rapport de la commission royale sur
la pollution environnementale (RCEP, Royal Commission
on Environmental Pollution), publié en novembre 2008 ;
« Nanoscale Technology Strategy 2009-12 »11, rapport du
comité stratégique pour la technologie (TSB), publié en
octobre 2009 ;
« Nanotechnologies and Food »12, rapport de la Chambre
des Lords, publié en janvier 2010 et objet du présent
dossier ;
« Nanotechnology : a UK Industry View »13, rapport de la
Mini Innovation & Growth Team, publié en janvier
2010 ;
« UK Government Nanotechnology Strategy »14, la stratégie
britannique sur les nanotechnologies, publiée en mars
2010, après consultation avec un panel d’experts du
monde académique, de l’industrie et d’organisations
non gouvernementales.
Nous allons maintenant étudier en détails le rapport
de la Chambre des Lords concernant l’utilisation des nanotechnologies dans l’industrie alimentaire.
2. Le rapport du Select Committee de la
Chambre des Lords – Nanotechnologies et alimentation
Il convient de noter que tout au long de ce rapport, le
terme « nanomatériau » fait référence à des substances de
taille nanométrique qui ne sont pas présentes à l’état naturel dans les produits alimentaires ou les matériaux alimentaires naturels qui ont été délibérément conçus à l’échelle nanométrique.
2.1 Les nanotechnologies dans l’industrie alimentaire
2.1.1 Utilisations actuelles et potentielles
Selon l’agence britannique des standards alimentaires
(FSA, Food Standards Agency), il n’est pas possible de fournir une liste définitive des nanoaliments et nanomatériaux au contact des aliments sur le marché européen,
notamment à cause de l’absence d’un inventaire. Il y a
cependant certaines preuves, bien que purement indicatives, de la présence des nanotechnologies dans le secteur
alimentaire.
La FSA, ainsi que la fédération britannique de l’alimentation et de la boisson (FDF, Food and Drink Federation), s’accordent pour dire qu’il y a très peu de produits
alimentaires au Royaume-Uni qui contiennent des nano-
8
Science et Technologie au Royaume-Uni  Juillet-Août 2010
matériaux ou qui ont été élaborés ou conditionnés en
ayant eu recours à des nanotechnologies. Le bureau américain de l’alimentation et des médicaments (FDA, Food
and Drug Administration) confirme que la situation est
similaire aux États-Unis et qu’il y a seulement quelques
produits alimentaires disponibles sur le marché, principalement des suppléments diététiques, ayant impliqué des
nanotechnologies. Celles-ci offrent la possibilité de créer
des aliments avec de nouvelles saveurs et textures, mais
également des produits plus sains, contenant moins de
sel, graisse ou sucre, ou plus de vitamines et nutriments.
Si l’utilisation des nanotechnologies permet d’aborder des
problèmes sociétaux majeurs tels l’obésité, l’inconvénient
est que leur utilisation pourrait amener à une consommation excessive de produits alimentaires hautement transformés. Quelques nanomatériaux ont été utilisés depuis
plusieurs années sous la forme d’additifs, c’est-à-dire des
substances qui ont peu ou pas de valeur nutritionnelle
mais qui participent au traitement alimentaire (par exemple la silice est utilisée comme un agent permettant aux
poudres de ne pas former de grumeaux).
La FSA affirme que la plupart des matériaux de
contact dont la mise au point a fait appel à des nanotechnologies, ne sont présents que sur les marchés américain
et asiatique. De tels matériaux ont par exemple été élaborés pour leur conférer de meilleures propriétés de barrière
(par exemple, une bouteille de bière en plastique utilisant
des nanoparticules d’argile agissant comme barrière aux
gaz, permet d’accroître la durée de conservation de cette
bière – ce produit est actuellement sur le marché européen). Des preuves ont également été reçues quant à la
possibilité d’utiliser les nanotechnologies dans le domaine de l’emballage alimentaire. La Royal Society of Chemistry suggère, par exemple, qu’il pourrait être envisageable
d’utiliser de nouveaux matériaux, plus fins et plus légers,
obtenus grâce à des nanotechnologies, et présentant la
possibilité de réduire les déchets liés aux emballages excessifs. Les opposants à ce concept voient dans ces nouvelles technologies une augmentation de la complexité
des matériaux d’emballage qui pourraient être potentiellement plus difficiles à recycler. Enfin, les nanotechnologies peuvent également être impliquées dans les procédés
de production alimentaire, des nanomatériaux pouvant
être inclus dans des agents anti-microbiens ou sur une
surface anti-adhésive.
Les nanotechnologies ne sont pour l’instant pas utilisées dans le secteur de l’agriculture, mais un nombre
d’applications potentielles ont été identifiées dans un rapport du projet européen ObservatoryNANO15, publié en
2009. Par exemple, des systèmes plus efficaces d’utilisation de pesticides ou d’engrais dans l’environnement
(utilisation moins fréquente et en plus faibles quantités),
libérant leurs composés chimiques plus lentement, pourraient être envisagés.
2.1.2 Croissance projetée des nanotechnologies dans le
secteur alimentaire
Les applications potentielles des nanotechnologies
dans le secteur alimentaire sont très importantes, mais il
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2.1.3 État de l’industrie
La plupart des investissements britanniques relatifs
à l’application des nanotechnologies dans le secteur
alimentaire proviennent de l’industrie. La recherche
opérée par l’industrie alimentaire, en termes d’utilisation et d’application des nanotechnologies, a débuté au
Royaume-Uni il y a une dizaine d’années, mais il s’avère que l’industrie alimentaire n’est pas disposée à fournir des informations sur ses activités dans ce secteur.
S’il n’est par conséquent pas aisé d’établir les progrès
effectués, ni les niveaux d’investissements engagés,
l’impression est tout de même que la recherche britannique, en termes d’application des nanotechnologies dans
le secteur alimentaire, a été relativement lente par rapport à d’autres secteurs industriels.
2.1.4 Encourager la commercialisation des nanotechnologies dans le secteur alimentaire
Soutien gouvernemental
Bien que le gouvernement ne finance pas directement le développement des applications des nanotechnologies dans le secteur alimentaire, celui-ci peut soutenir de plusieurs manières le processus de transforma-
www.ambascience.co.uk
tion des résultats scientifiques en produits commerciaux :
développer la recherche fondamentale ;
encourager le transfert de connaissances et la translation de la recherche fondamentale vers la recherche
appliquée et les applications commerciales ;
fournir un marché pour la recherche innovante.
Dossier
est à l’heure actuelle difficile de définir leur vitesse de
développement ainsi que leur chronologie d’apparition
sur le marché. Un certain nombre de témoins ont rapporté qu’au Royaume-Uni, ces développements n’en
sont encore qu’au stade précoce et de plus amples recherches sont nécessaires pour comprendre la structure
des aliments à l’échelle nanométrique et la façon appropriée de les manipuler.
Il est envisagé que dans les cinq prochaines années,
les emballages alimentaires comportant des nanomatériaux vont se développer considérablement et vont
constituer le principal domaine d’application des nanotechnologies dans le secteur alimentaire. Les nanotechnologies vont également être utilisées dans le domaine
du revêtement des surfaces de préparation des aliments. D’ici cinq à dix ans, des aliments bénéfiques
pour la santé, que ce soit par le biais d’une altération de
la texture, ou d’une modification du taux de sel ou de
graisses, pourraient être mis sur le marché. En amont de
la chaîne alimentaire, l’utilisation des nanomatériaux
dans les pesticides est actuellement considérée pour
autorisation par l’agence américaine de protection de
l’environnement (EPA, Environment Protection Agency),
et si celle-ci est accordée, leur utilisation au RoyaumeUni pourrait rapidement suivre.
Si l’évolution de l’utilisation des nanotechnologies
dans le secteur alimentaire au Royaume-Uni est difficilement prévisible, notamment à cause de l’incertitude
quant à la réaction des consommateurs, le rapport de
Cientifica de 2007 stipule que les produits contenant des
nanotechnologies, dans le secteur alimentaire, ont
contribué à hauteur de 410 M$ à l’économie mondiale
en 2006 et ce chiffre s’élèvera à 5,8 Md$ en 2012, soit une
croissance de 1 400 % en 6 ans.
Recherche fondamentale
Les différents conseils pour la recherche financent
un large porte-feuille de projets de recherche en nanotechnologie avec une grande variété d’applications potentielles dans des domaines tels la nanotoxicologie, la
nanométrologie< L’EPSRC a investi 220 M£ sur les
cinq dernières années pour la recherche en nanotechnologies et le BBSRC a investi 4,5 M£ en 2007-08.
Soutien au transfert de connaissances
Le TSB est responsable de la promotion, du soutien
et de l’investissement dans les recherches technologiques, le développement et la commercialisation, et fournit un mécanisme de translation de la recherche fondamentale vers de nouveaux produits et services. Un des
moyens pour le TSB de promouvoir l’innovation dans
ce domaine est le réseau de transfert de connaissances
en nanotechnologie (nanoKTN, Nanotechnology Knowledge Transfer Network), entre l’industrie et le monde universitaire. En collaboration avec Leatherhead Food International (LFI), le nanoKTN a élaboré un groupe dont
l’attention est focalisée sur l’alimentation (Food Focus
Group), et dont l’objectif est de « promouvoir la prise de
conscience du potentiel de ces technologies émergentes
et de ces nouveaux matériaux dans l’industrie alimentaire, et d’encourager l’industrie à faire entendre ses
prises de position. »
La stratégie gouvernementale sur les nanotechnologies est déterminée par le groupe ministériel sur les nanotechnologies (Ministerial Group on Nanotechnologies),
établi en 2007 et incluant des représentants du Defra,
des ministères de la santé (DH, Department for Health), et
de l’emploi et des retraites (DWP, Department for Work
and Pensions). Une étude menée par ce groupe a mis en
évidence le manque d’efficacité du nanoKTN sur les
questions de transfert de connaissances entre les secteurs industriels et entre l’industrie et le monde académique, dans le secteur de l’alimentation, et a incité le
gouvernement à développer une stratégie sur les nanotechnologies qui pose à la fois les problématiques de
l’exploitation des technologies et de la gestion des risques potentiels associés. Cette stratégie a été publiée le
18 mars 2010 (voir encart).
Les Lords recommandent que (i) le gouvernement
prenne particulièrement en compte les besoins de l’industrie alimentaire et fasse en sorte de les satisfaire
dans la stratégie gouvernementale de 2010, (ii) le gouvernement prenne position dans l’établissement de
collaborations entre l’industrie, le monde académique
et les autres acteurs concernés, afin de promouvoir la
translation de la recherche vers des applications com-
Science et Technologie au Royaume-Uni  Juillet-Août 2010
9
Dossier
mercialement viables des nanotechnologies dans le
secteur alimentaire, et (iii) que le TSB effectue un
compte-rendu de l’état de commercialisation des nanotechnologies dans le secteur alimentaire et suggère
des moyens d’améliorer les systèmes actuels de
transfert de connaissances.
Aide aux petites et moyennes entreprises
La plupart des entreprises travaillant dans le secteur alimentaire au Royaume-Uni sont des petites et
moyennes entreprises (PME). Elles contribuent à l’innovation dans le domaine des nanotechnologies, mais
les petites entreprises ont beaucoup de difficulté à atti-
rer les capitaux-risqueurs, et donc à financer leurs projets de recherche. Il devient nécessaire que le gouvernement fasse en sorte que les PME bénéficient d’un
financement afin de promouvoir l’innovation dans ce
domaine.
Bénéfices sociaux
Tel qu’exposé précédemment, l’utilisation des nanotechnologies dans le secteur alimentaire a le potentiel de résoudre des problèmes sociétaux majeurs
(obésité, pollution<). Cependant, si on ne dispose pas
d’un système efficace de translation de la recherche
vers des applications industrielles grâce à des trans-
Annoncée en 2009 en réponse au rapport de la Royal Commission on Environmental Pollution, la stratégie britannique sur les nanotechnologies a été publiée le 18 mars 2010, après consultation avec un panel d’experts
du monde académique, de l’industrie et d’organisations non gouvernementales. Il est nécessaire que le gouvernement reconnaisse et traite des implications que peuvent avoir les nanotechnologies sur la santé, la sécurité
et l’environnement. Cette stratégie s’articule autour de quatre thématiques pour lesquelles plus de 40 actions
destinées à développer, règlementer et promouvoir l’utilisation en toute sécurité des nanotechnologies ont été
exposées. Nous retiendrons :
1. Entreprises, innovation et industrie

unification de l’industrie ;

investissement continu du TSB dans la R&D, aides régionales, et renforcement des transferts de
connaissances entre fournisseurs et consommateurs, entreprises et universités ;

développement des nanotechnologies permettant de répondre à des problèmes de société ;

développement des compétences nécessaires à l’appréciation des risques liés à l’utilisation des nanotechnologies.
2. Environnement, santé et sécurité

étude de l’impact sur la santé des nanomatériaux absorbés par inhalation et du comportement dans le
système digestif de nanoparticules présentes dans la nourriture ;

développement de méthodes de détection des nanoparticules manufacturées dans les aliments ;

mise en place d’un programme d’étude des risques liés à l’exposition aux nanomatériaux sur les lieux de
travail et révision de la réglementation existante ;

mise en place d’un programme de formation de toxicologues.
3. Réglementation

implication de l’agence des normes alimentaires (FSA, Food Standard Agency) dans l’amendement de la
règlementation de 1997 sur les aliments nouveaux et surveillance de la réglementation sur les additifs et
nanomatériaux en contact avec les aliments ;

participation du Royaume-Uni à la modification de la législation européenne REACH (voir paragraphe
2.3.5) de façon à y intégrer les nanomatériaux ;

mise en place d’un plan de recensement d’informations sur les nanomatériaux et les produits utilisant les
nanomatériaux disponibles au Royaume-Uni.
4. Interaction du gouvernement avec les consommateurs, les chercheurs et les industriels
10

mise en place d’un groupe de collaboration sur les nanotechnologies facilitant la communication entre le
gouvernement, les mondes académique et industriel (prévue pour septembre 2010) ;

mise en place par l’équipe Science et Société du BIS d’un portail internet de diffusion d’informations sur
les nanotechnologies et leur gouvernance.
Science et Technologie au Royaume-Uni  Juillet-Août 2010
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2.2 Santé et sécurité
2.2.1 Facteurs de risques connus
Si l’application des nanotechnologies dans le secteur alimentaire offre des bénéfices, des inquiétudes
ont été exprimées concernant leurs risques potentiels
en matière de santé et de sécurité pour les consommateurs. Dans certains cas, rares, des conséquences sur la
santé ont été rapportées (une similitude entre les effets
des nanotubes de carbone à parois multiples et de l’amiante a été observée sur des rongeurs, par exemple).
L’effet de l’ingestion de nanomatériaux sur la santé
humaine n’a cependant aucunement été démontré.
De manière générale, les nanomatériaux offrent un
vaste éventail de propriétés, et les risques potentiels
qu’ils présentent varient en conséquence. Si certains
types de nanomatériaux présentent de faibles risques
pour la santé humaine, certains pourraient s’avérer
plus dangereux. L’impact sur la santé humaine est
analysé en fonction de six caractéristiques détaillées cidessous.
Taille
La petite taille des nanomatériaux peut leur permettre d’outrepasser certaines barrières physiologiques, indépendamment des nouvelles propriétés qui
leurs sont conférées. Si les nanomatériaux parviennent
à traverser l’épithélium, par exemple, (ensemble de
cellules (tissu) recouvrant la surface externe et les organes internes de l'organisme) ils peuvent pénétrer
dans la paroi intestinale, les vaisseaux lymphatiques
ou directement dans le sang. Il est ainsi envisageable
que l’exceptionnelle mobilité des nanomatériaux leur
permette d’atteindre toutes les parties du corps, jusqu’au cerveau et au noyau des cellules.
Solubilité et rémanence
Un autre risque posé par les nanomatériaux est leur
potentielle accumulation dans certains organes, et
leurs effets à moyen et long terme. La question est
donc de savoir si un nanomatériau entrant dans le
corps humain est décomposé en ses composants élémentaires, sa toxicité étant alors relative à sa composition chimique plutôt qu’à sa taille. La principale préoccupation concerne les nanoparticules insolubles, indi-
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gestes et non-dégradables, qui peuvent persister dans
les intestins et mener à une toxicité chronique.
Réactivité chimique et catalytique
Le rapport entre la grande superficie et la masse
des nanomatériaux signifie que ceux-ci peuvent être
très réactifs et nocifs. De plus, à cause de leur réactivité, les nanomatériaux peuvent se lier à d’autres substances, fournissant ainsi un véhicule à la distribution
de ces matériaux au travers de barrières cellulaires
qu’ils ne pourraient normalement pas traverser.
Dossier
ferts de connaissances, et si les petites entreprises n’ont
pas la capacité financière pour développer des produits innovants, ces applications risquent de ne pas
émerger.
Les Lords recommandent que (i) le TSB prenne en
considération, dans sa stratégie de promotion des
technologies et des sciences biologiques à l’échelle
nanométrique, le rôle que les nanotechnologies peuvent jouer pour aider l’industrie alimentaire à répondre aux défis sociétaux, tels que l’obésité et la pollution, et (ii) le TSB propose des moyens pour aider le
développement et la commercialisation de ces technologies.
Forme
La forme d’une particule pourrait également avoir
un impact sur la possible nocivité des nanomatériaux
(les particules à fort rapport superficie/masse peuvent
être assimilées à l’amiante).
Effets anti-microbiens
Les nanomatériaux utilisés pour leurs propriétés
anti-microbiennes (par exemple, les particules de nano-argent) pourraient être ingérés via les emballages et
suppléments alimentaires et avoir un effet nocif sur la
flore intestinale naturelle.
Agrégation et agglomération
La grande superficie, la réactivité et la charge électrique des nanomatériaux créent des conditions favorables à « l’agrégation » (forces physiques) ou à
« l’agglomération » (forces chimiques) de particules . Si
la taille des particules peut augmenter de façon drastique grâce à ces processus, sous différentes conditions,
ces assemblages peuvent se désagréger et ainsi altérer
leurs propriétés physico-chimiques et leur réactivité.
De tels phénomènes réversibles ajoutent à la difficulté
de compréhension du comportement et de la toxicologie des nanomatériaux.
2.2.2 Facteurs de risques supplémentaires
Certains types de pathologies (maladie inflammatoire chronique de l’intestin ou diarrhée chronique)
rendent les personnes qui en sont atteintes plus sensibles aux risques potentiels posés par l’ingestion des
nanomatériaux car ils permettent à ceux-ci de pénétrer
la paroi intestinale plus facilement.
2.2.3 Fossés de connaissances
Il y a beaucoup de lacunes dans notre compréhension du comportement des nanomatériaux et de leur
incidence sur la biologie des organismes vivants et
particulièrement sur la santé humaine. L’attention des
Lords a été attirée sur plusieurs domaines dans lesquels
davantage de recherches seront nécessaires afin d’évaluer de façon efficace les risques liés à l’utilisation des
nanotechnologies dans le secteur alimentaire :
caractérisation et détection des nanomatériaux ;
comportement des nanomatériaux dans les intestins ;
effets sur le fœtus humain ;
recherche spécifique aux aliments ;
Science et Technologie au Royaume-Uni  Juillet-Août 2010
11
Dossier
mouvements subséquents des nanomatériaux dans
le corps (toxicocinétique) ;
effets chroniques (toxicodynamique) ;
développement de tests toxicologiques validés.
Caractérisation, détection et mesures
Avant de comprendre le comportement des nanomatériaux, il faut pouvoir les détecter, les mesurer, les
caractériser, et avant tout, il est nécessaire de pouvoir
faire la distinction entre nanomatériaux manufacturés
et ceux présents naturellement dans les aliments.
Comportement des nanomatériaux dans les intestins
L’ingestion des nanomatériaux n’est pas un phénomène nouveau. L’homme a de tout temps été exposé à
des nanomatériaux naturels (par exemple les particules provenant d’éruption volcanique) et l’exposition
aux nanomatériaux artificiels (par exemple ceux provenant de la combustion de fuel fossile) a pris place il y a
plusieurs décennies. Une grande proportion des nanoparticules inhalées sont transportées dans les intestins.
Le système digestif est bien adapté pour faciliter l’absorption de certains nanomatériaux. Ceux qui se décomposent en leurs composants chimiques de base lors
de l’ingestion ou qui ne sont pas affectés par leur passage dans le système digestif, ont tendance à poser
moins de risques pour la santé humaine que les nanoparticules qui ne se décomposent pas et qui peuvent
être absorbées en différents endroits du système digestif. À l’heure actuelle, peu de recherches ont été
conduites concernant l’impact, le comportement et
l’interaction des nanomatériaux dans le système digestif ou leurs effets sur la flore intestinale naturelle. En
revanche, beaucoup de recherches ont été conduites au
sujet de l’effet des nanomatériaux sur les poumons.
Effet sur le fœtus humain
Bien que très peu de données soient disponibles, les
conseils pour la recherche déclarent qu’il semble très
peu probable que les nanoparticules puissent pénétrer
dans le fœtus humain par simple diffusion, à moins
qu’elles ne soient très petites et de structure simple. Si
toutefois les nanoparticules entrent en contact avec le
fœtus, leur concentration serait substantiellement
moins élevée que chez la mère. Le rapport SCENIHR
de l’Union Européenne a cependant noté que la distribution de nanoparticules vers le fœtus in utero a été
observée. L’EFSA a également fait remarquer que certaines informations démontrent que des nanomatériaux manufacturés peuvent passer au travers du placenta.
Recherche spécifique aux aliments
Davantage de travail est nécessaire pour comprendre comment l’incorporation des nanoparticules dans
les produits alimentaires peut affecter leur comportement à la fois dans le tube digestif et, une fois absorbés, dans le corps humain.
12
Science et Technologie au Royaume-Uni  Juillet-Août 2010
Toxicocinétique
Les nanomatériaux sont transportés dans diverses
parties du corps par un mécanisme qui débute par leur
ingestion par les globules blancs. Ces cellules sont
équipées d’enzymes qui ont la capacité de dégrader les
protéines et les hydrates de carbone complexes. Si un
nanomatériau est non-dégradable, ces cellules vont le
transporter vers la rate, le foie et la moelle osseuse. Les
nanoparticules vont alors soit rester dans ces organes,
soit être transportées vers le cerveau ou les reins. La
compréhension des facteurs qui déterminent le schéma
d’accumulation et de distribution des nanoparticules
dans le corps est à l’heure actuelle rudimentaire.
Effets chroniques des nanomatériaux
Les effets chroniques des nanomatériaux sur le
corps humain peuvent prendre des années à se manifester et de plus amples recherches sont nécessaires
dans ce domaine.
Tests toxicologiques validés
Le développement de nouveaux tests toxicologiques est également nécessaire. L’institut britannique
des normes (BSI, British Standards Institute) a mis l’accent sur le besoin de développer des méthodes normalisées de mesures et de tests, appropriées et validées.
Notons également que le Royaume-Uni prend part à
un programme de l’organisation pour la coopération et
le développement économique (OCDE) destiné à développer des tests de toxicité pour 14 nanomatériaux.
2.2.4 Combler le fossé de connaissances
Un récent rapport, EMERGNANO16, concernant les
progrès effectués par rapport aux 19 objectifs de recherche du gouvernement (groupés en cinq grandes
thématiques que sont (i) métrologie, caractérisation et
normalisation, (ii) sort et comportement dans l’environnement, (iii) toxicologie humaine, (iv) exposition,
sources et cheminement, et (v) engagement social),
publié par l’Institute of Occupational Medicine (IoM) et
sponsorisé par le Defra, a montré que bien que des
progrès aient été effectués, d’importants fossés de
connaissances persistent.
Coordination de la recherche au Royaume-Uni
La recherche publique sur les nanotechnologies est
coordonnée par le NRCG (Nanotechnology Research
Coordination Group), présidé par le Defra, et incluant
des ministères et agences gouvernementales, les
conseils pour la recherche et les administrations dévoluées. Au sein des conseils pour la recherche, le RCUK
Nanotechnology Group (Research Councils UK, conseils
de recherche du Royaume-Uni), sous la direction de
l’EPSRC, coordonne un programme entre tous les
conseils pour la recherche. De plus, plusieurs conseils
pour la recherche ont leurs propres programmes en
nanotechnologies (« Nanoscience through engineering to
application » de l’EPSRC, ou « Environmental Nanoscience Initiative » impliquant le conseil pour la recherche
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Mécanismes de financement du conseil pour la recherche
C’est la responsabilité de chaque conseil pour la
recherche de faire en sorte que la recherche, identifiée
par le NRCG, soit financée de façon adéquate. Les
Lords notent cependant que le MRC n’a pas progressé,
au terme de quatre années, sur la thématique de l’ingestion comme voie d’exposition aux nanoparticules.
Ce constat est pour le moins inquiétant.
Le rapport de 2007 du CST a conclu que la principale raison de la lenteur des progrès gouvernementaux
sur la problématique de la santé et de la sécurité tenait
à la sur-dépendance du gouvernement au financement
de programmes blancs, plutôt que sur des appels à
projets thématiques. Depuis mars 2007, les conseils
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pour la recherche ont ainsi activement encouragé les
projets de recherche dans les domaines de la nanotoxicologie et de la sécurité. Le MRC a alloué 3 M£ à six
projets en nanotoxicologie, aucun n’étant cependant en
relation avec l’alimentation.
Au vu de ces résultats, les Lords recommandent
que (i) les conseils pour la recherche établissent des
formes de financement plus pro-actives pour encourager la soumission de projets permettant de combler
le fossé de connaissances, et (ii) le gouvernement fasse en sorte que des recherches spécifiques soient focalisées sur les intestins et autres thématiques identifiées ci-dessus.
Dossier
sur l’environnement naturel (NERC, Natural Environment Research Council), Defra et l’agence pour l’environnement (EA, Environment Agency)). Au sein de cette
structure, la responsabilité de la recherche fondamentale est impartie aux conseils pour la recherche.
Le rapport de 2004 de la Royal Society et de la Royal
Academy of Engineering recommandait aux conseils
pour la recherche d’établir un centre multidisciplinaire pour entreprendre des recherches en toxicité, épidémiologie, persistance et bioaccumulation des
nanoparticules manufacturées et des nanotubes, afin
de travailler sur les voies d’exposition et de développer des méthodes de mesures. Le gouvernement n’a
cependant pas adopté cette recommandation et a continué à financer de la recherche en nanotechnologies via
les réseaux établis de financement en mode réponse
par les conseils pour la recherche et les départements
gouvernementaux, coordonnant ses efforts par le biais
du NRCG.
Le rapport de 2007 du CST recommandait la mise
en place d’un organisme gouvernemental ayant la responsabilité et l’autorité d’allouer les financements et
d’engager des actions. Le rapport de 2008 du RCEP
concluait qu’il y avait un besoin urgent de normaliser
et de coordonner l’effort de recherche, et de se focaliser
sur le domaine de la nanotoxicologie. Si le gouvernement est resté confiant quant au rôle du NRCG, les
Lords remettent en question son efficacité. De plus,
EMERGNANO a rapporté le manque d’études systématiques sur la probabilité de différentes nanoparticules de se propager dans le sang, la lymphe ou les poumons. Cette conclusion est pour le moins inquiétante.
Si le NRCG a initialement bien su identifier les domaines de recherche dans lesquels plus de travail était
requis, il n’a pas réussi à sécuriser les financements
appropriés, et ceci pour plusieurs raisons :
l’inefficacité des mécanismes actuels employés par
les conseils pour la recherche pour promouvoir la
recherche dans ces domaines ;
le financement relativement limité alloué pour la
recherche en santé et sécurité ;
la capacité limitée de la communauté de recherche en
toxicologie à concevoir et entreprendre les études
nécessaires pour combler ce fossé de connaissances.
Financement pour la recherche dans les domaines de l’environnement, de la santé et de la sécurité
Le montant du financement du gouvernement britannique pour la recherche concernant les nanotechnologies et leurs effets sur l’environnement, la santé humaine et la sécurité (EHS, Environment, Health and Security) varie en fonction de différents rapports. Ainsi,
un rapport du NRCG publié en 200717 stipule que les
ministères et agences gouvernementales ont investi
10 M£ entre 2005 et 2008 pour la recherche en EHS, en
plus des financements des conseils pour la recherche,
tandis que d’après le rapport EMERGNANO, 3,3 M£
aurait été investies entre 2004 et 2008 (ce chiffre n’inclut pas le financement du MRC, qui a contribué à
hauteur de 3,8 M£ en 2007-08). Bien que les chiffres
varient, il reste cependant évident que les dépenses
pour la recherche en EHS ne représentent qu’une très
faible proportion des dépenses totales dans le domaine
des nanotechnologies.
Les Lords recommandent que le gouvernement
s’assure que le décompte des dépenses publiques
concernant les investissements pour la recherche en
rapport avec les nanotechnologies et leurs impacts
sur l’environnement, la santé et la sécurité, soit à
jour.
La communauté de recherche en toxicologie
De nombreux témoins ont exprimé leur inquiétude
quant au faible nombre de toxicologues qualifiés exerçant au Royaume-Uni. Le rapport de 2008 de la RCEP
concluait déjà dans ce sens, et par conséquent, les Lords
appuient la décision de la RCEP de porter plus d’attention à la formation des toxicologues et approuvent
l’engagement du gouvernement à répondre à la pénurie de personnel qualifié et à évaluer les compétences
des toxicologues et écotoxicologues britanniques.
Coordination internationale
L’impact des nanotechnologies sur l’environnement, la santé et la sécurité est une problématique globale, nécessitant une coordination internationale de
l’effort de recherche, pour non seulement partager les
informations, mais également éviter la duplication des
efforts. La coordination internationale prend place au
sein de l’OCDE, notamment en ce qui concerne l’ac-
Science et Technologie au Royaume-Uni  Juillet-Août 2010
13
Dossier
cord international sur les procédures d’estimation des
risques. Il apparaît cependant pour de nombreux témoins que l’OCDE soit particulièrement caractérisée
par un manque de transparence, l’adhésion restreinte
et l’implication limitée des parties prenantes. L’organisation internationale pour la normalisation (IOS,
International Organisation for Standardisation) joue également un rôle important dans les développements
nationaux et internationaux des réglementations, et
une initiative commune entre NERC, Defra et l’agence pour l’environnement a été mise en place. La communauté européenne de son côté finance également
la recherche dans le domaine des nanomatériaux et
de la sécurité, et bien que le Royaume-Uni soit représenté au sein de la commission, les auteurs du rapport ne sont pas convaincus que les conseils pour la
recherche fassent les efforts nécessaires pour coordonner leurs recherches avec celles des autres États
membres de l’Union.
Par conséquent, les Lords recommandent que le
gouvernement travaille en collaboration avec les
États membres de l’Union sur la thématique des nanomatériaux et de leur impact sur la santé et la sécurité, afin de rapidement combler le fossé de connaissances et d’éviter la duplication des efforts, tout en
continuant à soutenir la coordination de la recherche à l’échelle internationale, notamment via l’IOS
et l’OCDE.
Le rôle de l’industrie
À l’heure actuelle, ce sont les industries chimiques
et pharmaceutiques, plutôt que l’industrie alimentaire, qui financent la recherche sur la toxicologie des
nanomatériaux. Une coopération existe entre l’industrie alimentaire, le milieu universitaire et l’Union Européenne au niveau de la recherche « précompétitive », c’est-à-dire concernant la nature des
nanomatériaux plutôt que leurs applications potentielles dans des aliments, ce que les entreprises considéreraient comme de la recherche commerciale. Le
TSB est en train d’établir un consortium industriel
destiné notamment à traiter les problèmes toxicologiques et éco-toxicologiques. L’instrument principal du
TSB est SAFENANO18, un site Internet entretenu par
l’IoM et financé par le TSB, dont le but est de fournir
aux parties prenantes des informations impartiales et
indépendantes sur les risques potentiels pour la santé
et la sécurité découlant de l’utilisation des nanomatériaux. Il n’existe cependant pas, au Royaume-Uni, de
base de données centrale regroupant l’ensemble des
données collectées par le monde universitaire, l’industrie et le gouvernement. Le Defra a mis au point
depuis septembre 2006 un système de listage de nanomatériaux utilisés par l’industrie, sur la base d’une
participation volontaire. Ce genre de système s’est
cependant souvent avéré inefficace.
Les Lords recommandent le développement, par
l’agence des normes alimentaires (FSA), en collaboration avec l’industrie alimentaire, d’une base de
14
Science et Technologie au Royaume-Uni  Juillet-Août 2010
données confidentielle concernant les nanomatériaux faisant l’objet de recherches dans le secteur
alimentaire, afin d’informer sur le développement
de procédures appropriées d’évaluation des risques
et pour aider à définir les priorités de recherche. La
participation de l’industrie dans l’élaboration de
cette base de données devrait être obligatoire.
2.3 Réglementation
À l’heure actuelle, les efforts de réglementation
consistent à appliquer au domaine des nanotechnologies les réglementations existantes, et à les modifier
afin d’adresser la question des risques potentiellement associés aux nanotechnologies.
2.3.1 Réglementation actuelle
L’industrie alimentaire britannique est réglementée par toute une série de lois dont le but est d’assurer
que les risques pour la santé humaine des produits
alimentaires mis sur le marché ont été évalués. Cette
réglementation est principalement décidée à l’échelle
européenne. Tous les produits alimentaires doivent
répondre aux conditions générales de sécurité selon
les principes généraux de la loi sur l’alimentation
(EC/178/2002). Des lois plus spécifiques couvrent l’utilisation des nouveaux aliments, des additifs alimentaires et des matériaux au contact des aliments. Les
nanomatériaux utilisés dans l’industrie alimentaire
peuvent également être inclus dans REACH, la réglementation de la communauté européenne relative aux
composés chimiques et à leur utilisation sans danger
(Registration, Evaluation, Autorisation and restriction of
CHemical substances).
2.3.2 Adéquation de la législation existante
Selon un rapport de la FSA publié en août 2008 19, il
ne semblerait pas qu’il y ait de manquement majeur
dans les réglementations existantes et leur application
aux nanotechnologies, mais certaines zones d’incertitudes ont été relevées concernant :
les définitions des nanotechnologies et nanomatériaux ;
les variations de la taille des particules des matériaux à l’échelle nanométrique ;
la nouvelle génération de nanotechnologies et nanomatériaux ;
le rôle de REACH.
Si la législation sur les nouveaux aliments (NFR,
Novel Foods Reglementation) représente un « filet de
protection » pour les consommateurs, les incertitudes
scientifiques quant aux effets potentiels sur la santé
des nanomatériaux empêchent l’industrie de dire
avec certitude quels sont les nanomatériaux sains ou
non. Tandis que la législation générale empêche les
entreprises de placer sur le marché des produits alimentaires dangereux, elle n’offre aucune protection
dans des situations où les entreprises ne sont ellesmêmes pas conscientes de la dangerosité de leurs produits.
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La législation doit-elle définir les nanotechnologies et les
nanomatériaux ?
S’il existe des lois couvrant en principe l’utilisation
des nanotechnologies et des nanomatériaux, aucune
législation, au Royaume-Uni ou au sein de l’Union
Européenne, ne définit ou réglemente spécifiquement
l’utilisation des nanotechnologies dans tous les secteurs. Certains témoins craignent que l’absence d’une
définition des nanomatériaux conduise à des situations où les nanomatériaux ne seraient pas reconnus
en tant que tels. Une telle définition doit-elle être incluse dans les réglementations ?
La FDA pense que les connaissances scientifiques
actuelles ne sont pas suffisamment complètes pour
apporter une définition des nanotechnologies adaptée
aux besoins de la réglementation. L’absence d’une
définition légale a des impacts non seulement sur l’industrie, mais également sur les consommateurs. L’EPA a par exemple autorisé par inadvertance l’utilisation d’un pesticide, sans savoir que celui-ci comportait des nanomatériaux.
Compte-tenu de l’incertitude relative aux risques
potentiels posés par les nanomatériaux, il est essentiel
que tout nanomatériau utilisé dans un produit alimentaire soit sujet à une évaluation formelle des risques via la European Food Safety Authority.
Les Lords recommandent que le gouvernement
britannique travaille avec l’Union Européenne afin
de promouvoir l’amendement de la législation existante visant à assurer que tous les nanomatériaux
utilisés dans les produits, additifs ou suppléments
alimentaires, soient adaptés à la législation actuelle.
De plus, cette législation doit inclure des définitions de travail des nanomatériaux et différents
concepts associés.
Définition des nanomatériaux à des fins réglementaires
La définition des nanomatériaux proposée dans le
cadre de la réglementation sur les aliments nouveaux
ne se concentre que sur des matériaux ayant une taille
inférieure à 100 nm. Or ce n’est pas simplement une
mesure quantitative qui permet de définir un nanomatériau, mais plutôt le moment à partir duquel le
matériau démontre de nouvelles propriétés résultant
de sa petite taille. Si ces nouvelles propriétés émergent à des tailles supérieures à 100 nm, « 100 nm » en
tant que tel n’a aucune valeur toxicologique.
Les Lords recommandent donc que le gouvernement fasse en sorte que toute définition des nanomatériaux proposée au niveau européen, en particulier dans la réglementation sur les aliments nouveaux, n’inclut pas de taille limite à 100 nm mais
réfère plutôt à une échelle nanométrique, de façon à
ce que tout matériau de taille inférieure à 1 000 nm
soit considéré. Un changement de fonctionnalité
devrait être le facteur permettant de distinguer un
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nanomatériau de sa forme plus large. De plus, le
gouvernement devrait travailler en adéquation avec
l’Union Européenne afin de clarifier la mention de
« propriétés caractéristiques à l’échelle nanométrique » et d’inclure dans la réglementation une liste
plus détaillée de ce que ces propriétés englobent.
Cette liste devrait de plus être revue régulièrement
en fonction des avancées scientifiques en termes de
compréhension des nanomatériaux.
Dossier
2.3.3 Définition des nanotechnologies et nanomatériaux
Nanomatériaux « naturels »
L’institut pour la science alimentaire et la technologie (IFST, Institute of Food Science and Technology) a
identifié trois types de nanomatériaux présents dans
les aliments : les substances naturellement présentes
(protéines, graisses<), une proportion de matériaux
dérivés des techniques de traitement conventionnelles et, enfin, des substances manufacturées dans le
but de leur conférer des propriétés particulières. Les
Lords, au gré de leur enquête, ont identifié un quatrième type de nanomatériaux présents dans les aliments : ceux formés à partir d’aliments existants et en
utilisant des techniques de traitement conventionnelles. Certains témoins suggèrent que ceux-ci, étant
créés à partir de substances alimentaires existantes,
devraient être considérés différemment. Les conseils
pour la recherche et le PEN (Project on Emerging Nanotechnologies, initié aux États-Unis par le Woodrow Wilson International Centre for Scholars) pensent cependant
que quel que soit le type de nanomatériau, des mesures appropriées d’évaluation des risques doivent être
mises en place à partir du moment où les nouvelles
propriétés conférées à ces matériaux du fait de leur
très petite taille peuvent avoir des incidences sur la
santé humaine et la sécurité.
Devant cette divergence d’opinions, les Lords
recommandent qu’à des fins réglementaires, toute
définition des « nanomatériaux » devrait exclure
ceux créés à partir de substances alimentaires naturelles, sauf ceux qui ont été délibérément sélectionnés ou manufacturés afin d’exploiter les propriétés
propres à leur petite taille. Le fait que ces matériaux
aient été choisis en vertu de leurs nouvelles propriétés indique qu’ils pourraient potentiellement présenter des risques nouveaux.
Distribution de la taille des particules
Un autre problème concernant la conformité de la
réglementation existante est la variation de la taille
des particules au sein d’un matériau, sachant que les
nanoparticules ne peuvent pas, à l’heure actuelle, être
manufacturées de façon homogène et qu’il y aura une
distribution de tailles autour d’une taille moyenne
souhaitée.
Les Lords suggèrent que le gouvernement s’assure que les directives pour la législation fassent clairement état de la proportion d’un matériau à l’échelle nanométrique qui doit être présente pour que la
surveillance soit déclenchée.
Science et Technologie au Royaume-Uni  Juillet-Août 2010
15
Dossier
Nouvelle génération de nanomatériaux
Les réglementations actuelles sont à même de couvrir
les utilisations et applications des nanotechnologies et
des nanomatériaux dans le secteur alimentaire. La question est de savoir si cela va continuer à être le cas en fonction de l’évolution des connaissances scientifiques dans
le domaine.
Compte-tenu de la vitesse à laquelle se développent
ces nouvelles technologies, les Lords recommandent
que la FSA revoie de façon formelle la pertinence de la
législation tous les trois ans.
2.3.4 REACH
REACH est la réglementation de la communauté européenne relative aux composés chimiques et à leur utilisation sans danger (Registration, Evaluation, Authorisation
and restriction of CHemical substances). REACH joue un
rôle, limité, dans la réglementation des nanomatériaux.
Bien que les matériaux utilisés uniquement dans la production alimentaire soient exclus de cette réglementation,
les nanomatériaux utilisés en tant que produits chimiques dans d’autres domaines, ainsi que les substances
utilisées dans l’emballage alimentaire, sont réglementés
par REACH.
Les Lords approuvent la décision gouvernementale,
en réponse au rapport de la RCEP, de reconnaître que la
fonctionnalité, au même titre que la taille, doivent être
les objectifs des révisions requises pour REACH. Ils
approuvent également l’engagement du gouvernement
à poser le problème de la limite de « une tonne » actuellement appliquée avant de considérer les effets potentiellement toxiques d’une substance (les substances chimiques produites en quantité inférieure à une tonne ne
sont en effet pas couvertes par la réglementation
REACH. Or, compte-tenu du nombre très important de
particules qui peuvent être présentes dans de très petites
quantités de nanomatériaux, une tonne est une limite
beaucoup trop élevée).
2.3.5 Auto-réglementation
Un certain nombre de programmes volontaires d’auto-réglementation concernant les nanotechnologies existent : une initiative interne de BASF, un code de conduite
pour la recherche en nanosciences et nanotechnologies
de la Commission Européenne, et le Responsible Nano
Code britannique, conjointement initié par la Royal Society, Insight Investment et Nanotechnology Industries Association. Bien que très louables, ces initiatives ne peuvent
cependant pas remplacer une législation adaptée.
Les Lords recommandent que le gouvernement, en
collaboration avec les parties prenantes appropriées,
soutienne le développement de ces codes de conduite
volontaires, s’assure qu’ils soient de haute qualité, efficacement surveillés et transparents.
2.4 Mise en application de la réglementation
La réglementation actuelle a une portée suffisamment
vaste pour couvrir l’utilisation des nanotechnologies
dans le secteur alimentaire. Cependant, afin de pouvoir
16
Science et Technologie au Royaume-Uni  Juillet-Août 2010
la mettre en application, il y a deux aspects qu’il convient
d’analyser en détail : l’évaluation des risques ainsi que
les importations et la vente de produits sur Internet.
2.4.1 Évaluation du risque
Pour que la réglementation soit applicable, il faut que
tout nanomatériau soit soumis à une évaluation des risques par l’EFSA avant d’être approuvé pour la consommation humaine.
La procédure d’évaluation du risque
La procédure d’évaluation du risque comprend les
quatre éléments suivants : (i) identification du danger, (ii)
caractérisation du danger, (iii) évaluation de la consommation, et (iv) caractérisation du risque.
Application de la structure d’évaluation des risques
Une procédure d’évaluation des risques est-elle applicable dans un domaine où demeurent de grandes incertitudes scientifiques ? Il est, à l’heure actuelle, difficile de
caractériser, de détecter et de mesurer les nanomatériaux
manufacturés présents dans les aliments, et il y a très peu
de données sur l’exposition orale et la toxicité. Au vu de
ces incertitudes, certaines associations (Friends of the Earth
Australia, Soil Association) ont décrété un moratoire sur
l’utilisation des nanotechnologies et nanomatériaux dans
les aliments. Cependant, en l’absence d’une définition
bien établie, la portée d’un tel moratoire n’est pas significative.
L’EFSA évalue les produits au cas par cas. S’il existe
un manque d’information relatif au risque potentiel posé
par un produit sur la santé humaine, ce produit ne sera
pas approuvé.
Les Lords approuvent cette façon de procéder de
l’EFSA, qui permet le développement responsable de
produits à faible risque et représente, en fait, un moratoire sélectif sur les produits pour lesquels nous ne disposons pas de données relatives à leur impact sur la
santé. Cela permet également de rassurer le consommateur, dans la mesure où un produit qui n’a pas été déclaré sans risque ne sera pas autorisé sur le marché.
2.4.2 Importations
Bien que seuls les produits répondant aux normes de
sécurité de l’Union Européenne puissent être mis en circulation dans les États membres, deux problèmes persistent :
l’Internet. D’après la FSA, les produits alimentaires
commandés par Internet en provenance de pays noneuropéens, en petites quantités et pour usage personnel, pourraient ne pas être soumis à la réglementation
britannique ;
les compétences des autorités sanitaires qui ne sont pas
en mesure, à l’heure actuelle, de détecter la présence de
nanomatériaux dans les produits alimentaires importés.
Les Lords recommandent au gouvernement (i) de
veiller à ce que les activités de recherche visant à mesurer la présence de nanomatériaux dans les produits ali-
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liée à un manque d’information, et les Lords discutent
dans ce chapitre de l’attitude du public par rapport à
l’introduction de nanotechnologies dans l’industrie alimentaire et les activités d’information et d’engagement
du public mises en oeuvre.
2.4.3 Conseil pour les entreprises
Les Lords recommandent au gouvernement de travailler en adéquation avec l’EFSA sur le développement de conseils relatifs à la mise en pratique de la réglementation sur les aliments nouveaux et autres législations associées. Les Lords exhortent également le
gouvernement à spécifier quelles seront les étapes mises en place pour faire en sorte que l’industrie et les
universitaires soient impliqués dans le développement
de ces conseils.
2.5.1 Contexte
Le rapport de 2004 de la Royal Society et de la Royal
Academy of Engineering recommandait (i) aux conseils
pour la recherche de financer un programme de recherche étudiant la relation du public aux nanotechnologies,
et (ii) au gouvernement de mettre en place un dialogue
public centré sur le développement des nanotechnologies
et financé adéquatement. Le gouvernement établit en
2005 le Nanotechnology Engagement Group (NEG), dont le
rapport final, publié en 2007, identifiait six projets d’engagement au Royaume-Uni et incluait un certain nombre
de conclusions et de recommandations pour développer
les activités futures du gouvernement dans ce domaine.
Si la situation semble ne pas avoir beaucoup évolué depuis la publication de ce rapport, en 2008 cependant, le
gouvernement a lancé l’initiative Science and Society20 afin
d’améliorer l’interaction entre le public et la communauté scientifique.
2.4.4 Harmonisation internationale
L’industrie de l’alimentation représente un marché
global, et par conséquent, tout système de réglementation concernant l’utilisation des nanotechnologies dans le
secteur alimentaire aura des répercutions sur le marché
alimentaire global. Deux approches sont envisagées :
mettre en place une réglementation internationale,
sous la tutelle de Codex Alimentarius, une agence intergouvernementale créée par l’organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO, Food and Agriculture
Organisation) et l’organisation mondiale de la santé
(WHO, World Health Organisation) ;
favoriser l’échange de connaissances et de discussions
informées entre nations.
Les Lords reconnaissent qu’il est trop tôt pour envisager l’harmonisation des réglementations sur la scène
internationale et recommandent au gouvernement de
continuer à favoriser le dialogue et les échanges d’informations entre nations et de s’assurer que les organisations internationales sont informées des implications
émergeant du développement des nanotechnologies.
2.4.5 Base de données des nanomatériaux présents
dans l’industrie alimentaire
La FSA considère plusieurs options concernant l’élaboration d’un registre ou d’une base de données de produits alimentaires contenant des nanomatériaux. La
Commission Européenne avait annoncé un début de recensement des nanomatériaux en 2009, mais aucune action de la sorte n’aurait pour l’instant été prise.
Les Lords recommandent que la FSA crée et maintienne une liste de données publiquement accessibles
concernant la présence de nanomatériaux dans les produits alimentaires ou produits d’emballage alimentaire
approuvés par l’EFSA.
2.5 Communication
Obtenir la confiance du consommateur est vital pour
le succès de toute nouvelle technologie, notamment dans
le secteur de l’industrie alimentaire, comme l’a prouvé
récemment la polémique sur les organismes génétiquement modifiés. La peur du consommateur est souvent
www.ambascience.co.uk
Dossier
mentaires conduisent au développement de tests permettant aux autorités sanitaires de détecter leur présence dans les produits importés, et (ii) de développer une
méthode pour informer et éduquer les autorités sanitaires de façon adéquate.
2.5.2 Attitude du public par rapport à l’utilisation des
nanotechnologies
L’attitude du public par rapport à l’utilisation des
nanotechnologies dans l’industrie alimentaire sera un
des facteurs déterminant pour l’avenir des nanomatériaux dans ce secteur.
Le niveau public de connaissance et de compréhension des nanotechnologies apparaît relativement faible.
Une étude menée par Which?, association de protection
des consommateurs britanniques, en 2008, a révélé que
seulement 45 % de la population au Royaume-Uni avait
entendu le terme de « nanotechnologie », contre 49 % aux
États-Unis (résultat d’une enquête menée par une association similaire). Paradoxalement cependant, les
consommateurs semblent penser que les bénéfices apportés par les nanotechnologies seraient plus importants
que les risques potentiellement associés, mis à part le
secteur de l’industrie alimentaire. Une étude conduite
par PEN en 2007 a ainsi révélé que seuls 7 % d’américains achèteraient des « nano » produits alimentaires et
62 % nécessiteraient de plus amples informations concernant les potentiels risques associés à l’utilisation de ces
produits avant de les acheter.
Compte-tenu du rôle crucial joué par l’opinion publique, les Lords recommandent au gouvernement de
commissionner une enquête sur l’attitude du public
par rapport à l’utilisation des nanotechnologies dans
l’industrie alimentaire. Cette étude devra être reconduite régulièrement afin d’évoluer en adéquation avec l’opinion publique.
Une communication publique efficace et une stratégie
d’engagement du public devraient :
fournir aux consommateurs l’information dont ils ont
besoin, que ce soit par le biais du gouvernement, de
Science et Technologie au Royaume-Uni  Juillet-Août 2010
17
Dossier
l’industrie ou de tout autre partie prenante, pour
leur permettre de prendre des décisions informées
par rapport à l’utilisation des nanotechnologies dans
le secteur alimentaire ;
faire en sorte qu’il y ait un mécanisme en place permettant le dialogue entre le public et les principales
parties prenantes.
2.5.3 Stratégie de communication gouvernementale
Le gouvernement a un rôle clé à jouer dans les problèmes de communication relatifs à l’introduction des
nanotechnologies dans le secteur de l’industrie alimentaire. Aussi, les Lords approuvent la décision du gouvernement de réaliser un site Internet destiné à fournir
au public des sources d’informations objectives sur les
nanotechnologies, et ils applaudissent particulièrement la décision d’y inclure une section couvrant spécifiquement l’utilisation des nanotechnologies dans
l’industrie alimentaire.
2.5.4 Transparence dans l’industrie
La transparence est l’élément le plus important
pour s’octroyer la confiance du public. Il est par conséquent regrettable de constater que l’industrie alimentaire n’est pas transparente sur ses activités relatives à
l’utilisation des nanotechnologies. Si l’attitude des industriels est principalement due à la crainte de recevoir une réaction négative du public, leur comportement et leur manque de transparence risquent au
contraire de déclencher cette réaction négative.
Les Lords recommandent au gouvernement de
travailler en adéquation avec l’industrie alimentaire
afin de la rendre plus transparente sur ses activités
de recherche, de développement et d’applications des
nanotechnologies dans les produits alimentaires.
2.5.5 Étiquetage
Si la transparence est importante, elle n’est pas
pour autant gage d’une communication efficace. Il ne
suffit pas que l’information soit disponible, elle doit
également être accessible et pertinente.
Les Lords considèrent que la première étape d’information des consommateurs n’est pas l’étiquetage
mais la réalisation d’une base de données de produits alimentaires contenant des nanomatériaux, et
ils exhortent le gouvernement, ainsi que les groupes
de consommateurs, à considérer d’autres moyens permettant de rendre ces informations disponibles et
accessibles aux consommateurs.
2.5.6 Engagement du public
Des leçons tirées du passé ont permis de se rendre
compte qu’il est essentiel d’engager le public dès l’introduction d’une nouvelle technologie et de s’assurer
qu’il y aura un dialogue à double sens. S’il est important de donner à chaque individu la possibilité de s’exprimer, il est reconnu que des groupes représentatifs
(groupes de consommateurs ou organisations non
18
Science et Technologie au Royaume-Uni  Juillet-Août 2010
gouvernementales) auront plus d’impact que des individus isolés.
Les Lords recommandent au gouvernement d’établir un groupe de discussion ouvert, sur le modèle du
forum maintenu et financé par le Defra
(Nanotechnologies Stakeholder Forum), permettant d’aborder la problématique de l’utilisation des nanotechnologies dans l’industrie alimentaire. L’industrie alimentaire, le gouvernement, la communauté universitaire et les groupes de consommateurs devraient tous
jouer un rôle à part entière dans le débat public. Les
réunions devraient prendre place à intervalle régulier,
en fonction du développement des diverses applications des nanotechnologies et de leur entrée sur le marché alimentaire britannique. De surcroît, les inquiétudes et les suggestions devraient être prises en compte
lors des processus de prise de décision gouvernementaux.■
Dossier rédigé par Dr Maggy Heintz
Sources :
- Le Cedef, Centre de documentation Economie-Finances, Ministère de l’Economie, de l’Industrie et de l’Emploi, http://
www.budget.gouv.fr/directions_services/cedef/synthese/
nanotechnologies/synthese.htm#3
- Nanotechnology : a UK Industry View, Mini Innovation &
Growth Team, Nanotechnology, http://www.matuk.co.uk/docs/
Nano_report.pdf*
- Nanotechnologies and Food, House of Lords, Science and Technology Committee, January 2010, http://
www.publications.parliament.uk/pa/ld200910/ldselect/
ldsctech/22/22i.pdf
- Bilan du débat public sur le développement et la réglementation
des nanotechnologies, 9 avril 2010, Commission nationale du débat
public
1. http://www.nanotec.org.uk/finalReport.htm
2. http://www.nanowerk.com/nanotechnology/reports/
reportpdf/report119.pdf
3. http://www.luxresearchinc.com/
4. http://wintergreenresearch.com/index.htm
5. http://cientifica.eu/blog/
6. http://cientifica.eu/attachments/054_A%20Reassessment%
20of%20the%20Trillion%20WP.pdf
7. http://www.luxresearchinc.com/pdf/TNR4_TOC.pdf
8. http://www.defra.gov.uk/environment/quality/nanotech/
documents/vrs-nanoscale.pdf
9. http://www.cst.gov.uk/business/files/nano_review.pdf
10. http://www.rcep.org.uk/reports/27-novel%20materials/27novelmaterials.htm
11. http://www.innovateuk.org/_assets/pdf/CorporatePublications/NanoscaleTechnologiesStrategy.pdf
12. http://www.publications.parliament.uk/pa/ld200910/ldselect/
ldsctech/22/22i.pdf
www.ambascience.co.uk
www.ambascience.co.uk
17. Characterising the potential risks posed by engineered nanoparticles : a second UK government research report
18. http://www.safenano.org/
19. A review of potential implications of nanotechnologies for reglementations and risk assessment in relation to food
20..http://www.bis.gov.uk/policies/science/science-and-society
Science et Technologie au Royaume-Uni  Juillet-Août 2010
Dossier
13. http://www.matuk.co.uk/docs/Nano_report.pdf
14. http://bis.gov.uk/assets/biscore/corporate/docs/n/10-825nanotechnologies-strategy
15. http://www.observatory-nano.eu/project/
16. http://www.safenano.org/Uploads/
EMERGNANO_CB0409_Full.pdf
19
Politique scientifique et technique
20
Mise en œuvre du plan « Sciences du vivant 2010 »
Bien que datant de janvier
2010, la publication par l’Office for
Life Sciences (OLS, Bureau pour les
sciences du vivant) de la mise en
œuvre du plan pour les sciences
du vivant nous a semblé importante pour être rapportée dans ses
grandes lignes. À noter que les
engagements annoncés ne s’appliquent pas automatiquement à
l’ensemble des quatre régions dévoluées du Royaume-Uni, et
qu’elles s’appliquent parfois uniquement à l’Angleterre.
Cette publication vient souligner les progrès qui ont été faits
depuis la création de l’OLS en janvier 2009 (voir encadré) pour assurer que le Royaume-Uni maintienne son statut dans le groupe
nombreuses réformes auquel le
pays fait face dans les années à
venir. Toutes les mesures présentées ci-dessus ne seront en revanche pas forcément maintenues.
1. Le UK Life Sciences Super
Cluster
Cette pépinière vise à relancer
la collaboration et le leadership
dans le secteur de la recherche
translationnelle, en impliquant
l’industrie, le NHS et le secteur
universitaire. Une étude pilote,
démarrée début 2010 et financée à
hauteur de 1 M£ ciblera ainsi la
recherche dans les domaines de
l’immunologie et de l’inflammation, en se focalisant en particulier
sur les pathologies telles que l’asthme et l’arthrite
rhumatoïde. L’iOffice for Life Sciences
dentification des
Créé en janvier 2009 par le premier ministre,
premiers particil’OLS illustre l’importance que le gouvernement
pants universitaibritannique donne aux sciences du vivant au
res, industriels et
Royaume-Uni et rend compte de la nécessité, sedu NHS arrive à
lon le gouvernement, de faire davantage pour souson terme et le
pilote devrait détenir ce secteur d’excellence.
marrer
rapideLe bureau pour les sciences du vivant a pour rôle
ment.
de mettre en œuvre des actions visant à améliorer
la collaboration entre l’industrie et le secteur uni2. La Patent Box
versitaire, renforcer les partenariats entre l’indusPour répondre à
trie et le NHS, bénéficier aux patients, et favoriser
une compétition
un environnement florissant pour les biotechnolointernationale toujours plus difficile
gies médicales, l’industrie pharmaceutique, les
eu égard aux régitechnologies médicales et les entreprises de diames de taxation
gnostic au Royaume-Uni.
favorables sur les
revenus dérivant
de la propriété
de tête de l’industrie à l’échelle intellectuelle et des brevets, la taxe
internationale. En collaboration corporative sera réduite à 10 % à
avec l’industrie, le secteur de l’en- partir d’avril 2013. Cette réduction
seignement supérieur, le National est une mesure d’incitation à l’inHealth Service (NHS, service natio- vestissement par les entreprises
nal pour la santé) et le gouverne- innovantes, visant ainsi à attirer
ment au sens large, l’OLS avait davantage d’entreprises sur le terpublié en juillet 2009 une liste de ritoire britannique.
points importants à développer.
3. Le RegenMed Programme
Le présent rapport reprend ces
points, indiquant les progrès efGéré par le Technology Strategy
fectués au cours de l’année. À no- Board (TSB, conseil pour la stratéter que le nouveau gouvernement gie technologique) et fort d’un
de coalition à donné le feu vert à investissement de 21,5 M£, ce prol’OLS, qui sera donc épargné des gramme viendra soutenir une in-
Science et Technologie au Royaume-Uni  Juillet-Août 2010
dustrie britannique de la médecine régénérative en plein essor grâce à un comité de conseil d’experts
venant de l’industrie et du monde
universitaire. L’objectif est de
trouver la meilleure manière d’accélérer la recherche translationnelle et les succès commerciaux, tout
en s’assurant la participation de
tous les acteurs du domaine. Les
appels à proposition sont spécifiquement destinés à des projets
menés par le secteur industriel, et
non universitaire.
4. L’innovation Pass
Après évaluation par le NICE
(National Institute for Health and
Clinical Excellence, Institut national
pour la santé et l'excellence clinique)1, la majorité des nouveaux
produits thérapeutiques sont acceptés et intégrés dans le NHS.
Cependant, pour certaines nouvelles thérapies ayant le potentiel
d’améliorer la qualité de vie de
petits groupes de patients, les
données d’efficacité sont trop limitées, en partie en raison du petit
nombre de patients touchés. Cette
initiative vise donc à permettre un
accès accéléré à des nouvelles thérapies ayant déjà obtenu une licence d’exploitation, mais non
encore évaluées par le NICE. Il
s’agit d’un programme sur trois
ans, qui s’appliquera à certains
médicaments spécifiques, et financés à hauteur de 25 M£ pour l’année 2010-2011.
5. Le NHS Life Sciences Innovation Delivery Board
Cette commission a été mise en
place pour, d’une part, renforcer
les relations entre l’industrie et le
NHS, et, d’autre part, accélérer
l’intégration de technologies médicales et produits thérapeutiques
innovants au sein du NHS, et
ayant été évalués et recommandés
par le NICE comme présentant un
bon rendement coût/efficacité.
Financé par le ministère de la santé britannique dans sa première
année, son financement devra être
revu pour les années suivantes.
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7. L’Accreditation model for
undergraduate biological sciences
degrees
Le gouvernement britannique a
commissionné la Society of Biology
(Société de Biologie) de mettre en
œuvre un modèle d’accréditation
de licences en sciences biologiques. Cette initiative a pour objectif d’assurer que les étudiants sortant de licence aient les compétences et connaissances en mathématiques et biologie nécessaires pour
démarrer une carrière en sciences
biologiques. À plus long terme,
cela devrait également relancer la
population des actifs scientifiques
qualifiés et ainsi redonner un
avantage compétitif au RoyaumeUni par rapport aux autres na-
tions. Une étude pilote démarrera
à l’année scolaire 2010-11.
8. Le Life Sciences Business
and Leadership Programme
Ce programme vise à aider les
dirigeants d’entreprises à développer leurs compétences d’entreprenariat. En réponse à un financement public de ce programme,
le gouvernement, a demandé que
l’industrie propose un modèle de
sponsoring. Le programme pilote
ciblera initialement les compagnies de biotechnologies médicales, avant d’être étendu aux compagnies médicales de technologies
et de biotechnologies industrielles.
9. Le UK Innovation Investment Fund
Les sociétés innovantes et de
hautes technologies ont des difficultés croissantes à sécuriser des
fonds de capital risque, menaçant
une atrophie sur le moyen ou long
terme de la R&D fortement innovante. Pour ces raisons, le gouvernement a créé le UK Innovation
Investment Fund destiné spécifiquement aux petites (et croissantes) entreprises, incluant les startup et les spin-out. Les managers
de ce fonds de fonds sont en poste
et ont déjà levé 175 M£, venant
s’ajouter aux 150 M£ apportés par
le gouvernement britannique :
l’objectif initial a été largement
dépassé.
10. Le Marketing Programme
Ce programme national a pour
objectif de promouvoir les sciences du vivant au Royaume-Uni,
attirer des investissements étrangers et redorer le blason du
Royaume-Uni à l’étranger. Pour
cela, le UKTI (United Kingdom Trade and Investment, équivalent d’Invest in France et Ubifrance réunis)
a accru ses activités de marketing
au cours de cette dernière année
pour redorer la réputation du
Royaume-Uni et construire une
marque « UK Lifes sciences » à l’étranger. Parmi les activités entreprises, notons par exemple un
programme de visites ministérielles coordonné à l’étranger et une
augmentation de la présence du
Royaume-Uni dans les événements internationaux d’envergure.■
Claire Mouchot
Source : Office for Life Sciences, janvier
2010, http://www.bis.gov.uk/assets/biscore/
corporate/docs/l/10-542-life-sciences-2010delivering-the-blueprint.pdf
1. NICE : voir « Actualités scientifiques
au Royaume-Uni » d’avril 2008, p. 12
Les sciences du vivant au Royaume-Uni en quelques chiffres
Politique scientifique et technique
6. L’Industry and Higher Education Forum
Le forum permettra aux personnalités des mondes industriel,
universitaire et du secteur public
qui le composent de se mettre
d’accord sur le curriculum des
cours que devront suivre les étudiants en licence. Il aura pour rôle
de s’assurer que les étudiants
ayant obtenu une licence possèdent les compétences et les
connaissances nécessaires au démarrage d’une carrière en sciences
du vivant.
Ce secteur emploie environ 120 000 personnes et atteint 4,6 M£ d’investissements en R&D.
Le secteur pharmaceutique
Secteur de prédilection du Royaume-Uni, il compte 600 entreprises pour un total de ventes de près de 16 Md£,
ce qui représente environ 4 % de toutes les ventes internationales, et 14 % des ventes européennes. Le secteur emploie 67 000 personnes et a investi 4,3 Md£ sur le territoire (chiffres 2008), ce qui correspond à un quart
de l’ensemble des dépenses privées de R&D, tous domaines confondus.
Le secteur des biotechnologies médicales
780 entreprises présentent un chiffre d’affaires global de 4,2 Md£, soit 9 % du chiffre d’affaire mondial ou 30 %
du chiffres d’affaire européen. Le secteur emploie 24 000 personnes, ce qui correspond à un quart du total européen.
Le secteur des technologies médicales
Fort d’environ 28 000 entreprises, la majorité étant des PME, le secteur emploie 52 000 personnes et génère
près de 11 Md£ de chiffre d’affaires. De plus, près de 25 % de l’ensemble des entreprises de technologies médicales européennes sont basées au Royaume-Uni.
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Science et Technologie au Royaume-Uni  Juillet-Août 2010
21
Politique scientifique et technique
22
Restructuration de l’organisation des organismes de réglementation
Le Department of Health (DH,
ministère de la santé) a publié fin
juillet 2010 sa stratégie d’avenir eu
égard aux organismes nongouvernementaux quasiautonomes mettant en application
la politique gouvernementale
(« arm’s length body ») en matière de
santé publique. Une fois la restructuration terminée, la moitié de ces
organismes auront disparu, leur
nombre passant de 18 à huit ou dix
d’ici 2013. L’objectif du gouvernement de coalition est de réduire la
bureaucratie, le déficit, en faisant
économiser plus de 180 M£ d’ici
2014-2015, et les duplications.
Cette révision, qui fait suite au
Livre blanc du DH « Equity and
Excellence: Liberating the
NHS » (« Actifs et excellence : décharger le service de santé public »), visait à évaluer si le travail
effectué par l’ensemble de ces 18
organisations était d’une utilité
essentielle au plan national, ou s’il
pouvait être effectué par un autre
organisme déjà en place. Après
approbation par le Parlement, les
huit à dix organisations jugées non
nécessaires seront donc supprimées, et leur activités essentielles
transférées vers celles restantes.
Parmi elles, la Human Fertilisation and Embryology Authority,
(HFEA, haute autorité britannique
en charge de l’aide à la procréation
assistée et de la recherche en embryologie) serait ainsi supprimée,
et ses activités transférées :
la réglementation des traitements
de fertilité au sein de l’organisme
chargé de la réglementation de la
santé et de l’approvisionnement
des soins de santé pour adultes,
la Care Quality Commission (CQC,
commission relative à la qualité
des soins de santé) ;
les autorisations de projets de
recherche vers un nouveau super
-organisme réglementaire qui
intégrera également les missions
de la HTA (Human Tissue Authority, en charge du contrôle des
dons d’organes et de l’utilisation
des tissus humains dans les acti-
La Human Fertilisation and
Embryology Authority
Créée en 1991 à la suite de la
loi HFE Act votée en 1990, la
HFEA est en charge de la réglementation des traitements de
fertilité et de la recherche impliquant des embryons humains.
Le travail de la HFEA consiste à
inspecter et attribuer les autorisations cliniques aux centres de
fertilité agréés, et à donner des
conseils éthiques et légaux aux
scientifiques et au public.
Depuis sa création, les scientifiques ont pour la grande majorité applaudi le travail sérieux
de la HFEA, appréciant le cadre
réglementaire clair et précis de
ce qui est autorisé ou non.
L’annonce du gouvernement de
coalition de la supprimer a donc
soulevé un large mécontentement dans les sphères à la fois
scientifique et politique, les acteurs impliqués dans ce domaine connaissant la valeur de
la HFEA et son rayonnement
international. En effet, au sein
de cette discipline récente qu’est
la recherche sur l’embryon humain (incluant les cellules
souches embryonnaires), la
HFEA est toujours considérée
comme le leader mondial en
termes de réglementation et de
recommandations auprès des
scientifiques, et de nombreux
pays se sont largement inspirés
de cet organisme pour la création de leurs propres agences.
vités de recherche et d’enseignement).
En 2004, le gouvernement travailliste avait étudié, sans poursuivre davantage, la possibilité d’une
telle fusion entre la HFEA et la
HTA. En effet, suite à une large
Science et Technologie au Royaume-Uni  Juillet-Août 2010
consultation auprès de l’ensemble
des acteurs impliqués, le gouvernement avait jugé que la séparation
des activités de recherche et de clinique en embryologie risquait de
faire perdre l’expertise et les
connaissances existantes. La proposition avait été définitivement enterrée après qu’une enquête parlementaire multipartite en 2007
conclut que la fusion n’était pas
une bonne idée et ne fasse des recommandations s’y opposant. Au
cours de cette enquête, les députés
avaient notamment entendu que
l’expertise et le travail de la HFEA
étaient très différents et plus complexes en termes d’éthique que
ceux de la HTA. Les aspects les
plus convaincants, toutefois,
avaient été : (1) le risque encouru
que la disparition de la HFEA ne
vienne réduire la confiance du
grand public sur ces sujets controversés ; (2) le fait que pour rester
efficace, les ressources humaines de
la HFEA devraient être maintenues
à la suite d’une fusion avec la HTA,
limitant ainsi les réductions de
coûts.
Ruth Deech, membre de la
Chambre des Lords et ex-présidente
de la HFEA, souligne aujourd’hui
que les raisons pour lesquelles la
proposition faite par le précédent
gouvernement avait été abandonnée sont tout aussi valides aujourd’hui qu’elles ne l’étaient en 2007.■
C.M.
Sources :
- Human Fertilisation and Embryology
Authority, News, 26/07/10,
www.hfea.gov.uk
- Nature, 10/08/10, News,
www.nature.com
- Department of Health, News, 26/07/10,
http://nds.coi.gov.uk/content/detail.aspx?
NewsAreaId=2&ReleaseID=414647&Subje
ctId=15&DepartmentMode=true
www.ambascience.co.uk
Les résultats d’une large enquête sur l’opinion du grand public
concernant la biologie synthétique
ont été publiés dans le courant de
l’été 2010 par les conseils de recherche Biotechnology and Biological
Sciences Research Council (BBSRC,
conseil pour la recherche en biotechnologie et sciences biologiques)
et Engineering and Physical Sciences
Research Council (EPSRC, conseil
pour la recherche en sciences de
l'ingénieur et sciences physiques),
en collaboration avec l’agence
ScienceWise. L’objectif global de
cette enquête était d’entendre les
résidents venant d’horizons différents lors d’ateliers publics spécialisés afin que les politiques d’avenir
en matière de biologie synthétique
reflètent davantage ces opinions,
inquiétudes et aspirations.
Si la biologie synthétique offre
de grandes possibilités de progrès
dans beaucoup de domaines, elle
s’accompagne d’inquiétudes, allant
de la biosécurité à la justice sociale,
La biologie synthétique
en passant par des questions éthiques profondes. La réglementation
efficace de cette discipline risque
d’être particulièrement délicate et
complexe étant donné les larges
inquiétudes du grand public eu
égard au génie génétique mené au
Royaume-Uni. Pour ces raisons,
l’enquête cherchait également à (i)
faciliter la discussion entre individus de milieux différents, (ii) permettre aux différents acteurs du
secteur d’être présents à ces ateliers
afin d’en assurer l’impartialité et
d’en mesurer l’impact, et (iii) soulever les points importants et sensibiliser les acteurs publics du domaine. L’enquête représente une manière différente de penser à la gouvernance de la biologie synthétique. Elle a permis de créer un espace au sein duquel les citoyens (160
personnes), les scientifiques et l’ensemble des acteurs impliqués (40
personnes) ont pu échanger et débattre de manière informée à la fois
sur les valeurs du public mais aussi
sur les questions éthiques et les
applications potentielles de la biologie synthétique. Le rapport indique 12 points, ci-après, soulevés
par les participants au cours de ces
ateliers.
La biologie synthétique est une discipline scientifique encore émergente,
qui s’appuie sur les développements
des sciences de l’ingénieur et les
biosciences pour créer de nouvelles
structures biologiques (les « blocks »)
ou pour modifier celles déjà existantes
afin de leur donner la capacité d’effectuer une tâche différente. La biologie
synthétique avance à grands pas, grâce notamment aux progrès importants
faits dans le domaine de l’informatique ayant permis le séquençage et la
synthèse d’ADN. En particulier, la biologie synthétique fait entrevoir la possibilité de créer de nouveaux matériels biologiques présentant des fonctions et finalités différentes, par exemple dans les secteurs alimentaires ou
des agro-carburants, en passant par
le médical, le diagnostic, la bioremédiation ou encore les biosenseurs.
www.ambascience.co.uk
1. Réactions initiales des participants
La biologie synthétique présente à la fois des potentiels prometteurs et inquiétants et est
entourée d’une aura d’incertitude sur ce que le domaine
peut apporter et la direction
qu’il va prendre. Par ailleurs,
une question importante a été
longuement débattue : qui
pousse les développements de
la biologie synthétique ? Cinq
autres questions, destinées
plus particulièrement aux chercheurs, s’articulaient ainsi :
quelles sont les intentions de
votre recherche ?
pourquoi menez-vous cette
recherche ?
qu’en attendez-vous ?
quelles autres applications
peut-elle avoir ?
comment savez-vous que
vous avez raison ?
2. Espoirs apportés par la biologie synthétique
La science peut répondre aux
grandes questions auxquelles l’humanité fait face telles que le changement climatique, les maladies
graves, les problèmes d’énergie ou
de sécurité alimentaire. Le fait que
la biologie synthétique puisse potentiellement répondre à ces grands
défis est un facteur significatif d’acceptation de ce domaine.
3. Inquiétudes des participants
Elles incluent la rapidité de développement de la science en général et dans ce domaine en particulier. Ceci est d’autant plus inquiétant lorsque les impacts à long terme restent inconnus, notamment
en termes de direction de la recherche à l’avenir et de libération d’organismes synthétiques dans l’environnement.
4. Rôle des scientifiques
L’une des grandes questions est
de connaître la motivation des
scientifiques menant ce type de
recherche. En effet, leur curiosité,
couplée à la pression imposée pour
publier, pourrait pousser les scientifiques à ne se focaliser que sur les
aspects positifs potentiels de leur
recherche, sans prendre le temps
de réfléchir aux risques potentiels.
Les participants souhaitent que les
scientifiques prennent davantage
de temps pour considérer les implications plus larges du travail qu’ils
accomplissent et mettent en relation la routine quotidienne du laboratoire et le domaine dans son ensemble.
Politique scientifique et technique
Dialogue sur la biologie
synthétique
5. Cadres réglementaires
Il existe un besoin de mettre en
place, au plan international, une
réglementation et un contrôle efficaces, et de voir une capacité accrue des instances réglementaires à
anticiper les développements scientifiques. En effet, puisque chaque
organisme synthétique créé est par
définition nouveau, le sentiment
général est le scepticisme quant au
bien fondé de la réglementation
actuelle. Les observations suivantes ont été faites lors d’une ré-
Science et Technologie au Royaume-Uni  Juillet-Août 2010
23
Politique scientifique et technique
flexion plus générale sur la réglementation :
les erreurs sont inévitables ;
il est impossible de contrôler
tous les risques ;
il existe des risques inconnus à
cette étape précoce du développement ;
la libération dans l’environnement est une vraie question ;
poursuivre avec prudence.
6. Interventionnisme dans le
monde biologique naturel
Ce type de recherche, qui vient
interagir avec et/ou sur le monde
biologique naturel, devrait être
mené avec dignité, responsabilité,
humilité et respect. Pour la majorité, l’idée de créer la vie par des
techniques de biologie synthétique
est acceptable si les développements apportent les bénéfices promis.
7. Application des sciences de
l’ingénieur aux systèmes biologiques
L’idée de morceler les entités
naturelles en parties indépendantes pouvant être assemblées pour
former un organisme viable ayant
les caractéristiques choisies est vue
comme problématique ; les raisons
évoquées sont principalement que
la nature est trop complexe et trop
dynamique pour pouvoir être encapsulée et prédite de manière précise. Par ailleurs, les sciences de
l’ingénieur sont perçues comme
étant capables de spécifier, répliquer et développer à une échelle
industrielle les produits développés. Or, l’implication des sciences
de l’ingénieur dans la biologie synthétique soulève encore davantage
d’inquiétudes, car elles sont perçues comme permettant de produire à grande échelle des organismes
dont on ne connaît pas les impacts
à long terme.
8. Rôle des conseils pour la
recherche
Ils sont vus comme ayant un
rôle majeur dans la gouvernance
de la biologie synthétique. Cependant, une question-clé concerne la
critériologie utilisée pour classifier
le « financement de l’excellence de
24
la science ». Ceci n’est perçu comme ne prenant en compte que l’excellence technique, excluant la dimension normative et sociale.
9. Applications dans le secteur
de la santé
Les réactions initiales aux développements médicaux étaient positives. Il existe cependant un sentiment de préférence à ce que les
produits issus de la biologie synthétique soient utilisés dans les
processus de production médicale
plutôt que directement in vivo. En
particulier, certaines craintes
concernent la potentielle de mauvaise utilisation des développements, ainsi que l’impossibilité de
prédire les impacts sur le long terme des produits issus de la biologie synthétique (santé, environnement, etc.).
10. Applications dans le secteur de l’énergie
Les discussions se sont centrées
sur le développement des agrocarburants, notamment le potentiel
des micro-organismes synthétiques
d’être utilisés pour la digestion de
la cellulose des plantes. Le sentiment est que l’utilisation de la biologie synthétique dans ce domaine
est considérée comme l’une des
approches possibles pour le développement des carburants du futur. Cette approche ne devrait par
ailleurs être développée davantage
que si elle se focalise sur la valorisation des produits agricoles rejetés, et non sur l’augmentation de la
compétition des cultures sur les
terres arables (utilisées pour l’alimentation humaine et animale) et
nécessitant beaucoup de ressources
en eau. En raison d’une utilisation
essentiellement au sein de procédés industriels confinés pour le
développement d’agro-carburants,
les impacts potentiels négatifs sur
la santé ou l’environnement sont
perçus comme étant relativement
faibles.
11. Applications dans le secteur de l’environnement
Les discussions se sont focalisées sur la bioremédiation et le potentiel pour les micro-organismes
Science et Technologie au Royaume-Uni  Juillet-Août 2010
synthétiques d’agir comme dépolluants. Bien que l’espoir de créer
des organismes synthétiques capables de corriger les dommages déjà
infligés à l’environnement soit réel,
les craintes proviennent du fait que
ces nouveaux organismes, dont on
ne sait déterminer les impacts potentiels à long terme, pourraient
eux-mêmes créer un type de pollution différent. Il existe un besoin de
mettre en œuvre des standards
internationaux et de créer des
agences réglementaires ayant la
possibilité de contrôler les progrès
dans chaque pays.
12. Applications dans le secteur agricole et alimentaire
Les participants étaient initialement encouragés par le potentiel
de la biologie synthétique à pouvoir répondre à des questions telles que la pénurie alimentaire. Les
inquiétudes soulevées concernaient la question de savoir qui
allait bénéficier et à qui appartiendrait cette technologie – en raison
de la capacité des grandes firmes à
breveter les développements et à
créer des monopoles, maintenant
ainsi la dépendance des pays en
développement envers les pays du
Nord. Une autre inquiétude
concernait également les risques de
contamination croisée entre un
organisme artificiellement créé et
des plantes alentour. Enfin, la
transparence quant à l’étiquetage
des produits alimentaires reste une
question cruciale, afin que les
consommateurs puissent choisir en
connaissance de cause.
En conclusion, les participants à
cette enquête souhaitent :
une communauté de scientifiques assumant ses responsabilités et considérant les aspects plus
larges de leur recherche ;
que les inquiétudes et les espoirs
du grand public puissent être
entendus dès les premières étapes du financement, et que celuici inclut des valeurs sociales ;
une gouvernance plus adaptée,
ainsi qu’une coordination internationale de la réglementation
qui accepte d’être ouverte à la
critique.
www.ambascience.co.uk
pants quand cela sera approprié
afin de les tenir informé de la manière avec laquelle ils ont pris en
compte l’ensemble des questions
soulevées.■
C.M.
Source : Synthetic Biology Dialogue, Rapport par le BBSRC, l'EPSRC et ScienceWise, 2010, http://www.bbsrc.ac.uk/web/
FILES/Reviews/1006-synthetic-biologydialogue.pdf
MRC-Technology collabore avec l’industrie et le secteur à but non lucratif
Les agences de valorisation de
la recherche du Medical Research
Council (MRC, conseil pour la recherche médicale), MRCTechnology, et de l’association caritative Cancer Research UK (CRUK),
Cancer Research Technology (CRT)
ont signé des accords d’échanges
des découvertes scientifiques effectuées au sein de l’une ou l’autre
institution de recherche. À terme,
l’objectif de cet accord est donc
d’utiliser au mieux l’expertise de
chaque organisation afin d’accélérer le nombre de brevets et d’accélérer leur valorisation en thérapies
nouvelles, pour le bénéfice des
patients.
Selon cet accord, le MRCTechnology et le CRT pourront chacun gérer, développer et breveter
les découvertes émanant de leur
institution ou de l’institution partenaire : une découverte brevetée
en oncologie, menée par des scientifiques du MRC, pourra être offerte par le MRC-Technology au CRT
ayant une plus grande expertise
dans ce domaine ; à l’inverse, le
CRT pourra offrir une découverte
brevetée pour laquelle l’expertise
du MRC-Technology serait plus
appropriée. Les dividendes seront
partagés entre les deux partenaires
au cas par cas.
Selon les directeurs des deux
sociétés de transfert de technologies, il s’agit d’une situation optimale qui bénéficiera à la fois aux
deux organisations ayant des spécialités complémentaires et aux
patients grâce à une augmentation
du nombre de thérapies efficaces
sur le marché. Par ailleurs, ces accords permettent à chacune de ne
pas dupliquer les efforts, de réduire leurs dépenses et d’économiser
le temps-homme nécessaire pour
www.ambascience.co.uk
atteindre des objectifs communs
de valorisation de cibles thérapeutiques en opportunités commerciales.
Par ailleurs, le MRC-Technology
vient de signer des accords exclusifs avec la société de biotechnologie Genentech appartenant au groupe pharmaceutique Roche. Cet
accord donne l’exclusivité à Genentech pour l’utilisation et le développement d’une série de petites
molécules brevetées candidates
pour le traitement potentiel de
maladies neurologiques.
Selon les termes de cet accord,
MRC-Technology recevra des paie-
ments en plusieurs temps : le premier à la remise des molécules elles-mêmes, puis au fur et à mesure
des étapes importantes de leur
développement clinique, et enfin
un pourcentage sur les ventes
éventuelles.
Cette série de petites molécules
est issue du premier programme
récemment initié par le MRCTechnology à travers le Centre for
Therapeutic Discovery (CTD), créé
pour accroître la capacité du MRCTechnology à renforcer les ressources britanniques en termes de découvertes de nouvelles molécules
et anticorps pouvant potentiellement devenir produits thérapeuti-
MRC-Technology
Compagnie ayant le statut d’association caritative affiliée au MRC. Son
rôle est de développer, commercialiser et valoriser les découvertes
scientifiques de pointe en produits thérapeutiques. MRC-Techology possède l’expertise de valorisation de découvertes à travers un ensemble de
disciplines et thématiques scientifiques, émanant de la recherche financée par le MRC.
Politique scientifique et technique
Cette enquête, qui a permis
d’articuler un certain nombre de
questions importantes concernant
le développement de ce domaine
de la recherche scientifique, doit
pousser les conseils de recherche à
reprendre contact avec les partici-
Cancer Research Technology
Société spécialiste de commercialisation et de développement, dont l’objectif est de favoriser le développement de nouvelles découvertes en oncologie pour le bénéfice des patients. En travaillant en collaboration
étroite avec les spécialistes internationaux de la recherche en oncologie,
le CRT offre à ceux-ci et à leurs institutions la protection de leur propriété
intellectuelle émanant de leur recherche et d’établir des liens étroits avec
des partenaires commerciaux. CRT est la propriété entière de CRUK.
Centre for Therapeutics Discovery
Le CTD collabore avec les scientifiques universitaires pour faciliter et
accélérer les découvertes de nouveaux médicaments ciblant des maladies sans thérapies existantes. Des méthodes de chimie médicinale et
d’informatique sont utilisées pour développer de nouveaux produits spécifiques présentant une fonction thérapeutique potentielle. Les scientifiques collaborant avec le CTD ont ainsi accès à des outils et des réactifs
tels que les anticorps monoclonaux dans le but de valider et de caractériser les études préliminaires.
Science et Technologie au Royaume-Uni  Juillet-Août 2010
25
Politique scientifique et technique
26
ques. La propriété intellectuelle du
MRC-Technology provient non seulement du MRC mais également
d’institutions universitaires réparties dans le monde entier. Il s’agit
d’un premier accord avec un partenaire industriel.■
C.M.
Sources :
- Research Fortnight, 14/07/2010,
www.researchresearch.com
- MRC-Technology, 12/07/10 & 26/07/10,
News, www.mrctechnology.org
Accords de coopération
scientifique et
technologique entre
l’Inde et le
Royaume-Uni
Le premier ministre britannique
David Cameron a effectué, du 27
au 29 juillet 2010, une visite en Inde
très médiatisée, accompagné d'une
délégation de ministres et hommes
d'affaires, dont Dr Vince Cable,
ministre des entreprises, de l'innovation et des compétences (BIS,
Business, Innovation and Skills), et
Mr David Willetts, secrétaire d'État
pour la science et les universités.
Le Royaume-Uni et l’Inde projettent la signature d’accords à grande échelle dans les domaines de la
science et de la technologie, afin de
sceller une forte coopération bilatérale à bénéfices réciproques en médecine, technologies de l’information et de la communication, recherche et développement, énergie
et éducation. Le voyage a débuté à
Bangalore, vitrine de l'industrie
high-tech indienne, classée quatrième plus grand centre technologique au monde par les Nations
Unies. David Cameron y a visité le
siège d'Infosys, le plus grand groupe informatique indien et y a
adressé son discours d’ouverture,
au cours duquel il a affirmé que :
les investisseurs britanniques et britanniques en quête de coopéraindiens se sont engagés à financer
conjointement, à hauteur de 60
M£, des projets de recherche dans
les domaines du changement climatique, de l’eau et de la sécurité
alimentaire, et de la prévention
des maladies ;
les scientifiques britanniques et
indiens vont collaborer sur des
projets de recherche financés à
hauteur de 2,4 M£ visant à assurer
la sûreté et l’efficacité accrues des
centrales nucléaires ;
le Wellcome Trust a annoncé un
financement de 45 M£ pour effectuer des recherches avec le ministère indien des biotechnologies
quant à l’élaboration d’un système
de soins de santé abordables.
Le premier ministre britannique
a également mentionné les sujets
qu’il comptait discuter avec son homologue Indien, Manmohan Singh,
à savoir :
é l a r g i r l ’ i n i t i a t i v e i n d o britannique, couronnée de succès,
de coopération dans les domaines
de l’éducation et de la recherche
(UKIERI, UK-India Education and
Research Initiative) ;
encourager le jumelage des meilleures universités britanniques
avec les 14 nouvelles universités
pour l’innovation (Innovation universities) que l’Inde a l’intention de
créer ;
mettre en place une prestigieuse
bourse d’études Chevening RollsRoyce pour la science et l’innovation.
Dr Cable a visité Narayana Health
City, l’une des plus grandes infrastructures médicales au monde. Il y a
annoncé un programme d’activités,
sur une durée de trois ans, conçu
pour permettre une augmentation
du commerce et des investissements
bilatéraux entre les industries de
technologies d’information et de
communication britanniques et indiennes.
David Willetts s’est pour sa part
rendu à l’institut indien de technologies de Madras (IIT Madras), à
Chennai. Il y a annoncé un nouveau
« one stop shop » (guichet unique)
destiné à améliorer la coordination
et la facilité d’accès aux services
pour les commerces et institutions
Science et Technologie au Royaume-Uni  Juillet-Août 2010
tions internationales dans les secteurs de l’éducation et des compétences. L’Inde y sera une nation
prioritaire, s’appuyant sur l’expertise britannique du UK Trade and
Investment et du British Council, en
partenariat avec le ministère des
entreprises, de l’innovation et des
compétences . David Willetts a rappelé que le Royaume-Uni et l’Inde
sont des partenaires réciproques de
choix en termes de collaboration
dans les domaines de la science et
de l’éducation, car il y a d’immenses opportunités pour les deux
pays. L’Inde est actuellement à la
veille d’une révolution de son système éducatif, et le Royaume-Uni
est son partenaire privilégié, ayant
d’ores et déjà mis en place plus de
80 collaborations.■
Maggy Heintz
Source : Communiqué de presse, UK Trade
& Investment, 28 juillet 2010
www.ambascience.co.uk
Lors du discours du trône du
25 mai 2010, marquant le début de
la nouvelle législature et détaillant
le programme du nouveau gouvernement de coalition entre conservateurs et libéraux démocrates, la
Reine a rappelé que la priorité du
gouvernement britannique était de
réduire la dette publique et de restaurer la croissance économique du
pays. Des chiffres publiés par l’office national des statistiques (ONS,
Office for National Statistics) le 20
juillet 2010, montrent que la dette
nette du secteur public, exprimée
en pourcentages du PIB, était de
63,9 % à la fin juin 2010, contre
57,3 % à la fin juin 2009, ce qui correspond à 926,9 Md£ en juin 2010
contre 797,5 Md£ un an plus tôt.
Dans ce climat d’austérité, il est
pressenti que la plupart des budgets ministériels vont être réduits
de 25 à 40 %, et le budget pour la
science ne fera pas exception à la
règle.
Lors de ses précédentes interventions depuis sa nomination en
tant que ministre pour la science et
les universités, David Willets n’a
fait aucune déclaration tangible. Il
semblerait toutefois qu’après
consultation avec les sociétés savantes britanniques, et notamment
avec la Royal Society, celui-ci ait
enfin i ndi qué au Treasury
(ministère de l’économie et des finances) les domaines de recherche
dans lesquels pourraient s’effectuer
des coupes budgétaires. C’est au
cours du premier débat public, depuis les élections de mai, du Science
and Technology Committee de la
Chambre des Communes, que David Willets a annoncé une série de
mesures qu’il entend mettre en œuvre afin de contribuer à la réduction de la dette publique britannique.
1. Les centres de nanotechnologie
Lorsque les cinq derniers centres de nanotechnologie ont ouvert
leurs portes en 2006, le ministre
www.ambascience.co.uk
britannique pour la science de l’époque, Lord Sainsbury, affirmait
que le Royaume-Uni venait de se
doter d’un réseau d’infrastructures
de pointe qui allait permettre à l’industrie de considérablement exploiter les nanotechnologies et toutes leurs applications économiques
potentielles. Quatre ans plus tard
cepdendant, le 23 juillet 2010, David Willets a annoncé qu’il était
très peu probable que les 24 centres
de nanotechnologie répartis dans
tout le pays soient encore opérationnels dans les 18 prochains
mois. Il est dorénavant du ressort
du Technology Strategy Board (TSB,
conseil pour la stratégie technologique)
de considérer les centres au cas par
cas, à l’échelle régionale.
goureuse des secteurs de la recherche scientifique qu’il convient de
préserver au maximum, sans se
contenter de dresser une liste de
sujets dits « à la mode », tels les
biotechnologies ou l’espace. Le ministre a également insisté sur la
nécessité de renforcer les liens entre la communauté universitaire et
l’industrie, suggérant que les centres allemands de technologie et
d’innovation, les centres Fraunhofer, servent de modèle à des centres
similaires qu’il conviendrait de développer au Royaume-Uni. Ceci
rejoint l’étude menée par Hermann
Hauser et présentée dans le numéro de Mai-Juin 2010 de « Science et
Technologie au Royaume-Uni »,
p30.
2. Les agences de développement régionales
David Willetts a de plus exprimé son inquiétude concernant le
fractionnement des ressources par
région, inquiétude qui s’inscrit
dans la volonté du gouvernement
de coalition de supprimer les agences de développement régionales
(RDA, Regional Development Agencies). Les RDA ont été établies par
les travaillistes, directement après
leur arrivée au gouvernement, et
les conservateurs ainsi que les libéraux démocrates affirment qu’elles
coûtent trop cher à l’État et que
leur travail est souvent redondant.
Ils suggèrent de les remplacer par
de nouveaux partenariats locaux
d’entreprises (LEP, Local Enterprise
Partnerships), qui permettraient de
rapprocher les gouvernements locaux et les entreprises.
4. Investissement privé dans la
R&D
Enfin, dans ce premier discours
à la Chambre des Communes au
cours duquel le ministre a finalement donné quelques lignes
conductrices concernant les mesures budgétaires envisagées pour la
recherche scientifique, celui-ci a
également plaidé en faveur d’un
accroissement de l’investissement
privé dans le secteur de la recherche et du développement, et il a
indiqué que le ministère allait explorer la possibilité de mettre en
place des avantages fiscaux.■
M. H.
Politique scientifique et technique
Le destin des centres de nanotechnologie britanniques et autres mesures
budgétaires
Source : BBC News, 23/07/2010, http://
www.bbc.co.uk/news/uk-politics-10728357
3. Recherche fondamentale et
centres d’innovation
Si des coupes budgétaires sont
inévitables, David Willetts a cependant exprimé sa détermination à
protéger la recherche dite « blue
skies » (recherche extrêmement fondamentale pour laquelle aucune
application n’est envisagée), et il
prévoit d’effectuer une analyse ri-
Science et Technologie au Royaume-Uni  Juillet-Août 2010
27
Espace
28
L’approche du gouvernement de coalition dans le secteur de l’espace
L’agence spatiale britannique
(UK Space Agency) était présente
aux côtés de l’agence spatiale européenne (ESA, European Space Agency), de l’agence spatiale italienne
(ASI, Agenzia Spaziale Italiana) et de
l’industrie, dans une zone réservée
à l’espace au salon aéronautique
international qui s’est tenu à Farnborough du 19 au 25 juillet 2010.
L’objectif de cette « zone espace » était de constituer une vitrine
permettant de montrer en quoi les
systèmes spatiaux et leurs applications peuvent jouer un rôle important face aux grands problèmes
mondiaux, offrant aux décideurs
des outils pour relever des défis
majeurs tels que le changement
climatique et la sécurité à l’échelle
planétaire. Dans notre monde en
rapide évolution, les avancées technologiques dans le secteur de l’espace ont de nombreuses retombées,
d’un point de vue scientifique, permettant d’acquérir une meilleure
connaissance de la Terre et de l’Univers, mais également d’un point
de vue économique, favorisant la
croissance et l’emploi en Europe.
L’espace se positionne de plus en
tant que vecteur de nouvelles technologies et d’innovations, et comme moteur de l’aventure humaine
dans les prochaines décennies.
David Willetts, secrétaire d’État
britannique pour la science et les
universités, a rejoint le salon au
cours de la journée consacrée à l’espace. Il a en premier lieu tenu à
exprimer son admiration pour les
magnifiques images obtenues par
le téléscope européen Planck, dévoilées par l’ESA au début du mois
de juillet 2010. Placé en orbite à
quelques 1,5 millions de kilomètres
de la Terre depuis juillet 2009, le
téléscope a pour mission d’observer en continu la voûte céleste et de
cartographier l'ensemble du ciel. Le
satellite Planck vient de terminer
son premier tour de ciel et a obtenu
la première image à très haute résolution : des détails insoupçonnés
sur l'émission de gaz et de poussières dans notre galaxie y sont révé-
lés, et les plus anciennes sources
lumineuses du cosmos, datant d’il
y a environ 13,7 milliards d’années,
peuvent y être identifiées. David
Willetts s’est inspiré de cet exemple
pour rappeler l’attrait qu’exerce
l’espace sur la naissance de carrières scientifiques, 27 % d’ingénieurs
déclarant avoir été influencés dans
leurs choix de carrière par les avancées scientifiques dans le secteur
spatial.
Après avoir rappelé le positionnement enviable du Royaume-Uni
dans le secteur de l’espace, un écosystème sain et une bureaucratie
limitée, permettant aux industriels
et aux universitaires d’interagir de
façon permanente sur des projets
théoriques ou dans des entreprises
commerciales, David Willetts a annoncé que les recommandations
énoncées dans la stratégie spatiale
publiée par le gouvernement en
février 2010 ne pourront pas toutes
être abordées dans le climat économique actuel (voir numéro de Mars
-Avril 2010 de « Science et Technologie au Royaume-Uni »). Le ministre a cependant exprimé la vision
du nouveau gouvernement de coalition, apportant, selon lui, « quatre
bonnes nouvelles » :
des bourses de recherche, totalisant 38 M£, ont été octroyées par
le conseil pour la recherche en
sciences de l’ingénieur et sciences
physiques (EPSRC, Engineering
and Physical Sciences Research
Council) à 46 jeunes chercheurs,
dans des disciplines allant de l’étude de la mécanique quantique à
la navigation robotisée ;
l’agence spatiale britannique a
annoncé un programme pilote
d’un an, destiné à concevoir et
lancer un CubeSat, ou satellite
cubique miniature, de la taille
d’une boîte à chaussures, qui permettra au Royaume-Uni de tester
de nouvelles technologies spatiales, rapidement et à peu de frais.
UKube1, ainsi baptisé, sera construit par la firme écossaise Clyde
Space Ltd. Sa conception fait à
l’heure actuelle l’objet d’une compétition ouverte entre industriels
et universitaires, dont le but est
d’identifier les idées les plus créatives et innovantes. Le lancement
de UKube1 est prévu pour mi
2011 ;
le gouvernement a signé un
contrat de 5 M£ avec Astrium
afin d’établir un centre d’observation terrestre au sein de l’Inter-
Le ciel vu par Planck (The microwave sky as seen by Planck)
Crédits: ESA/ LFI & HFI Consortia, ID number: SEMWN4PZVAG
Science et Technologie au Royaume-Uni  Juillet-Août 2010
www.ambascience.co.uk
www.ambascience.co.uk
enfin, dans l’espoir de redémarrer les relations avec la NASA,
David Willetts a signé un accord
avec Charles Bolden, administrateur actuel de la NASA, afin
d’examiner les collaborations
potentielles entre les deux pays
dans les domaines scientifiques,
d’exploration, et d’observation.
Un accord similaire a également
été signé entre le Royaume-Uni et
la Russie, ouvrant la voie à des
collaborations scientifiques et
commerciales dans le domaine de
l’espace entre les deux nations.
David Willetts a laissé entendre
que des négociations similaires
seront entreprises au cours de
l’année 2010 avec, entre autres, la
Chine, le Kazakhstan, le Pérou, la
Jordanie et Bahreïn. Lors de son
déplacement en Inde fin juillet
2010, le secrétaire d'État a abordé
avec le ministre indien pour la
science, Prithviraj Chavan, les
possibilités de coopération dans
les domaines de l’espace et de la
recherche nucléaire. David Willetts a notamment fait remarquer
que l’Inde a développé une grande expertise dans le lancement de
petits satellites et que le Royaume-Uni est actuellement en train
de développer des satellites.
Enfin, David Willets a conclu
son allocution en révélant les chiffres du rapport biannuel de l’UK
Space Agency, suggérant que la
croissance économique de l’industrie spatiale britannique pour l’année 2010 était de l’ordre de 8 à
9 %.■
M.H.
Espace
national Science and Innovation
Centre (ISIC) de Harwell, dans
l’Oxfordshire. Ce contrat s’inscrit
dans le cadre d’un investissement
public global de 12 M£. Cette décision intervient alors que les avis
sont partagés au sein du gouvernement quant à la nécessité de se
doter d’un système propre de
satellites d’observation terrestre.
L’objectif du centre est d’acquérir
des données environnementales,
telles des informations sur la déforestation et son impact sur le
changement climatique. À cet
effet, l’UK Agency sera en pourparlers avec son homologue indonésien. D’autres domaines
d’intérêt incluent la surveillance
de l’évolution des calottes glaciaires et l’impact de la fonte des glaces sur la circulation océanique,
l’augmentation du niveau de la
mer et le changement climatique
global. L’ouverture du centre
d’observation, qui permettra de
favoriser les échanges entre industriels et universitaires, est
prévue pour avril 2011 ;
Sources :
- ESA, http://www.esa.int/esaCP/
SEMW5RZOFBG_Luxembourg_2.html
- BIS, http://www.bis.gov.uk/news/
speeches
- BBC News, 21/07/2010, http://
www.bbc.co.uk/news/scienceenvironment-10705614
- ESA Images, http://www.esa.int/esammg/mmg.pl?type=I
Science et Technologie au Royaume-Uni  Juillet-Août 2010
29
Sciences de l’ingénieur
30
Bloodhound SSC : susciter des vocations avec un projet technique
emblématique
Une maquette grandeur nature de la future voiture supersonique Bloodhound SSC a été
dévoilée dans les allées du salon aéronautique de Farnborough qui s’est tenu du 19 au 25
juillet 2010. C’est l’occasion de
faire le point sur ce projet qui
ne vise pas seulement à atteindre les 1 000 miles par heure
(plus de 1 600 km/h) sur terre,
mais aussi à susciter des vocations scientifiques chez les écoliers et étudiants du RoyaumeUni.
La conception et la construction
d’une voiture supersonique destinée à battre le record de vitesse sur
terre, au cours d’une tentative prévue en 2012, ne paraissent pas vraiment dans l’air du temps. Et pour
cause : loin d’être des modèles en
termes d’économie d’énergie, les
véhicules s’attaquant à ce record
sont si éloignés techniquement de
ceux de tous les jours que tout
transfert d’innovation vers le marché automobile semble lointain.
Qu’est-ce qui a donc pu pousser
Richard Noble et son équipe à se
lancer dans l’aventure Bloodhound
SSC (Super Sonic Car) avec le soutien de l’Engineering and Physical
Sciences Research Council (EPSRC,
conseil de recherche pour les sciences de l’ingénieur et les sciences
physiques) ?
Il y a bien sûr le record en luimême et le seuil symbolique des
1 000 mph qui est plus élevé que
l’actuel record de vitesse en vol à
basse altitude ! Atteindre cette vitesse aux commandes de la voiture
supersonique permettrait de poursuivre la fructueuse moisson par le
Royaume-Uni de records de vitesse
sur terre (l’actuel record s’élève à
763 mph et est détenu par Thrust
SSC dont certains membres sont
présents dans l’équipe Bloodhound
SSC). Ce type de défi est incontestablement une vitrine exceptionnelle pour l’excellence britannique sur
des sujets relevant de la science, de
aérodynamique : comment
The 1 000 mph BLOODHOUND SSC
Image courtesy of Nick Haselwood
http://www.bloodhoundssc.com
la technologie, des sciences de l’ingénieur et des mathématiques.
Cependant, la principale raison
d’être de ce projet ambitieux est bel
et bien d’attirer les étudiants et les
scolaires vers des carrières scientifiques. Le Royaume-Uni doit en effet
faire face à un cruel manque d’ingénieurs et de scientifiques et le
projet Bloodhound SSC se veut être
un symbole destiné à éveiller l’intérêt des jeunes pour la science et la
technologie. Pour cela, l’équipe de
Richard Noble travaille en partenariat avec des universités et des écoles : les étudiants ont ainsi accès à
des études de cas réels à la pointe
de la technologie concernant Bloodhound SSC, et les écoliers de tous
niveaux voient leurs cours scientifiques appliqués aux phénomènes
mis en jeu par la conception et le
fonctionnement d’un véhicule terrestre supersonique. De plus, l’ensemble des données et des études
relatives au véhicule est public et
libre d’accès afin d’alimenter ces
programmes éducatifs.
Au vu de la multiplicité et de la
diversité des défis techniques à
relever pour concevoir, fabriquer et
faire fonctionner une voiture supersonique, il est clair que ce projet
peut légitimement s’ériger en démonstrateur de l’excellence britannique. Voici un bref aperçu des
sujets scientifiques et technologiques mis en jeu :
Science et Technologie au Royaume-Uni  Juillet-Août 2010
faire pour que la voiture génère
le moins de traînée possible
tout en restant clouée au sol et
en étant contrôlable par le pilote ? Ce problème est d’autant
plus complexe à appréhender
que la voiture doit fonctionner
et répondre à ces exigences sur
une large plage de vitesses correspondant à des écoulements
d’air subsoniques puis supersoniques autour du fuselage. Par
ailleurs, le travail sur l’aérodynamique fait largement appel
aux mathématiques et à l’informatique puisque le profil de
Bloodhound SSC a été conçu en
s’appuyant sur des méthodes
CFD (Computational Fluid Dynamics, dynamique des fluides assistée par ordinateur).
science des matériaux : comment
faire pour construire une structure assez légère et résistante aux
contraintes d’accélération lors
d’une tentative de record ? Comment construire des roues capables de supporter un choc avec
une pierre à très haute vitesse ou
bien l’accélération radiale de
50 000 G due à la vitesse de rotation de plus de 10 000 tours par
minute lorsque la voiture se déplace à 1 000 mph ?
propulsion : comment implanter
suffisamment de puissance propulsive sur le véhicule dans des
conditions satisfaisantes d’encombrement, de poids et de sécurité pour le pilote ?
dynamique du véhicule : comment assurer la suspension de
l’ensemble et permettre au pilote
de contrôler le véhicule à tout
moment ?
systèmes de contrôle : comment
assurer la gestion du fonctionnement des moteurs ?
Le cahier des charges du projet
et une grande quantité de travail
ont donné naissance sur le papier à
un objet roulant non identifié aux
caractéristiques exceptionnelles. Il
mesure 13,4 m de long et pèse plus
www.ambascience.co.uk
Jusqu’au salon aéronautique de
Farnborough, Bloodhound SSC était
encore à un stade virtuel. Une première étape a été franchie avec la
présentation d’une maquette grandeur nature de l’engin au public du
salon. Mais quel est l’avancement
exact du projet à cette date ?
La phase de conception est déjà
bien avancée, comme en témoignent la maquette et l’ensemble des
données publiées sur le site Internet du projet. Le réacteur d’avion
est déjà entre les mains de l’équipe
et a été récemment testé. La moitié
de la construction du fuselage est
déjà assurée grâce au soutien des
sponsors.
En ce qui concerne les objectifs
relatifs à l’éducation, le projet a
pour partenaires l’University of
West England de Bristol, l’Université de Swansea et l’Université de
Southampton. Plus d’1,5 million
d’écoliers issus de 3 500 écoles profitent du volet éducatif du programme Bloodhound SSC. Ce dernier a d’ailleurs fait l’objet d’un
rapport positif de la NFER
(National Foundation for Educational
Research, fondation nationale pour
la recherche en éducation)
Le projet a enregistré l’arrivée
de nouveaux sponsors, institutionnels comme The Institution of Mechanical Engineers ou privés.
fiques. Cependant, vu le nombre
d’écoliers et d’institutions que le
projet a réussi à toucher, il y a fort à
parier que l’impact soit finalement
positif. La présence sur un stand
du salon de Farnborough prouve
en tout cas que l’exposition médiatique du projet est bien réelle. Enfin, si le record de 1 000 mph venait
à être atteint en 2012, l’excellence
de la recherche et de l’industrie
britanniques dans les domaines
automobile et aéronautique et leur
capacité à innover seraient encore
une fois démontrées.■
Joël Constant
Sources :
- Bloodhound SSC, http://
www.bloodhoundssc.com/
- The Telegraph, 16/07/2010, http://
www.telegraph.co.uk/finance/
newsbysector/transport/farnboroughairshow/7893521/FarnboroughInternational-Airshow-showcasingaerospace-talent.html
Sciences de l’ingénieur
de six tonnes. La puissance propulsive est fournie par deux moteurs (ce qui permet de contrôler
avec plus de précision que si la voiture était propulsée par un unique
moteur-fusée). Un réacteur issu du
programme Eurofighter Typhoon est
utilisé pour amener la voiture jusqu’à 300 mph. Pour atteindre les
vitesses supérieures, ce réacteur
assistera un moteur-fusée de type
hybride, c’est-à-dire dans lequel la
chambre de combustion contient
un carburant solide et un comburant liquide stocké dans un réservoir annexe. Cette architecture est
le résultat d’un compromis entre la
complexité (moindre que celle d’un
moteur-fusée à carburant et comburant liquides) et la sécurité et le
contrôle (par rapport à un moteurfusée à carburant et comburant solides). Pour terminer, un troisième
moteur conventionnel sera embarqué sur Bloodhound SSC, fournissant la puissance auxiliaire nécessaire pour démarrer le réacteur et
amener le comburant dans la
chambre de combustion du moteur
-fusée. Quant au système de freinage, il est lui aussi inspiré de l’aéronautique avec, comme sur un avion
de chasse, la conjugaison d’aérofreins, d’un parachute et de freins
au niveau des roues.
À ce stade, il est difficile d’évaluer les retombées de Bloodhound
SSC en termes de vocations scienti-
Le moteur à explosion n’a pas dit son dernier mot
Basée à Dundee en Écosse, une
petite entreprise appelée Oxy-Gen
Combustion s’est donné pour mission de rendre possible un futur
plus écologique dans le domaine
des transports. Pour cela, elle adopte une approche intéressante qui
contraste avec les « révolutions »
techniques des véhicules hybrides
et électriques : améliorer le moteur
à combustion interne plutôt que le
remplacer.
Entraîné par la demande de
marchés émergents tels que le Brésil, la Russie, l’Inde et surtout la
Chine, le parc automobile mondial
pourrait passer d’environ 800 mil-
www.ambascience.co.uk
lions d’unités aujourd’hui à 3 milliards à l’horizon 2050. Il est peu
probable que ces nouveaux automobilistes s’équiperont de coûteux
modèles hybrides ou électriques.
Dès lors, comment faire en sorte
que la lutte contre le changement
climatique ne soit pas totalement
ignorée alors que des véhicules
toujours plus nombreux envahissent les routes de la planète ?
Pour David Tonery, diplômé de
l’Université de Dundee et fondateur d’Oxy-Gen Combustion, la solution réside dans un moteur à combustion interne, fonctionnant avec
des carburants fossiles ou des biocarburants, capable de réduire si-
gnificativement les émissions par
rapport à aux moteurs utilisés actuellement. Un tel produit pourrait
être développé relativement rapidement et mis sur le marché dans
la foulée à moindre coût. C’est dans
cet esprit que la petite entreprise
écossaise travaille sur les moteurs
HCCI (Homogeneous Charge Combustion Ignition) qu’elle considère
comme une étape intermédiaire
avant l’adoption à grande échelle
de solutions plus radicales telles
que les piles à combustible.
Le principe de base du moteur
HCCI n’est pas nouveau. Il repose
sur la compression du mélange aircarburant contenu dans le cylindre
Science et Technologie au Royaume-Uni  Juillet-Août 2010
31
Sciences de l’ingénieur
jusqu’à son auto-allumage en plusieurs points simultanément. Ainsi,
comme dans un moteur diesel, il
n’y a pas besoin d’étincelle pour
initier la combustion du mélange ;
mais, comme dans un moteur à
essence, il s’agit d’un phénomène
de combustion homogène qui n’est
pas initié par l’injection du carburant dans le cylindre. En théorie, la
mise en œuvre de ce mode de combustion particulier présente l’avantage de réduire les émissions de
dioxyde de carbone et la consommation de carburant (entre 15 et
30 %), mais aussi de rendre négligeables les émissions de NOx et de
particules polluantes, et ceci sans
remettre en cause fondamentalement l’architecture du véhicule ou
celle du moteur. Cependant, il est
bien plus difficile de maîtriser la
combustion dans le cas des moteurs HCCI (où il faut contrôler la
pression, la température et la composition du mélange) que dans les
moteurs à essence ou diesel. De
plus, la plage d’utilisation des moteurs HCCI est limitée : une faible
vitesse occasionnera des problèmes
d’allumage tandis qu’une vitesse
trop importante entraînera une forte pression dans le cylindre susceptible d’endommager le moteur. Les
progrès des systèmes de contrôle
permettent de contourner la première difficulté, mais la seconde
explique pourquoi de tels moteurs
n’ont pas été utilisés à grande
échelle jusqu’à présent.
La réponse d’Oxy-Gen Combustion à ces inconvénients est simple,
sinon à concevoir, au moins à formuler. Il suffit de jouer sur la quantité d’oxygène absorbée par le moteur, ce qui va changer la composition du mélange à brûler et donc
les conditions de sa combustion
tout en rendant celle-ci plus facile à
contrôler. Selon David Tonery, la
technologie développée par OxyGen Combustion permet déjà de faire face aux sollicitations du moteur
90 % du temps, et l’objectif est d’être capable d’utiliser ce mode de
combustion en permanence.
Preuve que le projet de l’entreprise de Dundee pourrait bien un
jour arriver sur les routes, celle-ci a
32
déjà été lauréate de plusieurs prix
attribués notamment par Scottish
Enterprise, The Royal Society of Edinburgh ou par des entreprises comme Shell à travers le Shell Springboard Award. Elle bénéficie par ailleurs du soutien de Michelin qui
possède une usine à Dundee et qui
a permis à Oxy-Gen Combustion de
profiter de l’exposition médiatique
du Challenge Bibendum organisé à
Rio en 2010. La petite structure
cherche maintenant à conclure des
partenariats industriels afin de
poursuivre sa croissance et de
continuer le développement de son
bloc propulseur innovant.
D’après David Tonery, un moteur prototype prêt à être mis en
production pourrait être disponible
d’ici deux ans. Différentes applications seraient alors graduellement
mises sur le marché : utilisation en
tant que générateurs, en moteurs
marins puis à terme sur les automobiles. Si le temps nécessaire à la
diffusion de cette technologie et les
bénéfices exacts qu’elle apporterait
sont encore assez flous, le dirigeant
d’Oxy-Gen Combustion se montre
confiant quant à la place de choix
réservée aux moteurs HCCI développés par son entreprise dans le
parc automobile à moyen terme.
Cette technologie profiterait bien
sûr de sa compatibilité avec l’utilisation de biocarburants. Il est vrai
que certaines études de marché
confortent la vision du chef d’entreprise et prévoient que 40 % des
poids lourds seront équipés de moteurs HCCI en 2020, entraînant une
réduction significative des émissions de gaz à effet de serre du
Royaume-Uni.
interne pour diminuer d’ores et
déjà les émissions de gaz à effet de
serre en attendant l’avènement de
nouvelles technologies de rupture.■
J.C.
Sources :
- Science Scotland, Summer 2010, issue 9,
On the road to success
- Wikipedia, http://en.wikipedia.org/wiki/
Homogeneous_charge_compression_ignition
- « A Study of n-Heptane/Ethanol HCCI
Combustion Characteristics by Experiment
and Detailed Chemical Kinetics Simulation », http://www.combustion.org.uk/
ECM_2009/P810343.pdf
- Conclusions de la table ronde sur les moteurs à combustion interne avancés, challenge Bibendum 2010, http://
www.challengebibendum.com/fr/content/
download/3740/31979/version/2/file/
RT1_Findings.pdf
En tous les cas, le travail d’OxyGen Combustion montre bien que le
Royaume-Uni a encore une position de leader dans le domaine de
l’innovation automobile même si
cette industrie y connaît une perte
de vitesse en volume. Elle pourrait
bien profiter de la lutte contre le
changement climatique pour se
renouveler et prospérer à nouveau.
Ce projet montre également qu’il
faut continuer de travailler sur la
conception et la façon dont sont
utilisés les moteurs à combustion
Science et Technologie au Royaume-Uni  Juillet-Août 2010
www.ambascience.co.uk
Le ministre Chris Huhne (libéral
-démocrate), à la tête du Department of Energy and Climate Change
(DECC, ministère de l’énergie et du
changement climatique), a présenté
au Parlement la première déclaration annuelle de la nouvelle législature sur la politique énergétique du
Royaume-Uni (Annual Energy Statement). Il satisfait ainsi à l’engagement pris dans le programme de la
coalition et montre, après seulement trois mois en poste, l’importance qu’accorde le gouvernement
à la définition d’une stratégie claire
visant à assurer une production
d’énergie suffisante, peu chère et
faiblement émettrice de carbone.
Faisant le constat que le temps est à
l’économie, Chris Huhne souligne
que le rôle de l’État britannique est
de mettre en place des conditions
favorables pour que les investissements privés affluent dans le domaine de l’énergie. L’objet de cette
déclaration au Parlement est donc
de décliner, à travers des actions et
des préoccupations concrètes, la
stratégie politique envisagée par le
gouvernement sur les prochaines
années pour se mettre en position
d’atteindre, à terme, les objectifs
fixés par le Climate Change Act.
Le document publié par le
DECC commence par décliner la
stratégie gouvernementale en matière d’économies d’énergie. Il s’agit en effet du levier le plus évident
(et le moins cher) pour mener à
bien la réduction des émissions de
gaz à effet de serre (GES). Les actions annoncées dans ce domaine
concernent à la fois les particuliers
et les entreprises mais aussi le gouvernement lui-même qui se doit de
montrer la voie. Pour encourager
les particuliers dans leur démarche
d’économie d’énergie, le gouvernement met l’accent sur les aides à
l’installation d’une isolation performante des habitations et sur le déploiement des compteurs intelligents (smart meters). Il est également question de dispositions spéciales à destination des consommateurs les plus fragiles financière-
www.ambascience.co.uk
ment qui n’auraient, par exemple,
pas les moyens d’engager les frais
nécessaires à des travaux d’isolation pour leur logement et ne pourraient donc pas profiter de factures
réduites. En ce qui concerne les
entreprises et le secteur public,
l’objectif affiché est l’amélioration
de l’efficacité énergétique. Le gouvernement central souhaitant avoir
un comportement exemplaire en la
matière, ses 17 ministères se sont
déjà engagés à réduire de 10 %
leurs dépenses énergétiques.
Le deuxième thème abordé
dans cet Annual Energy Statement
est la réponse au problème de la
fiabilité et de la disponibilité de
l’énergie issue de technologies faiblement émettrices de carbone. Au
niveau international tout d’abord,
le gouvernement britannique se
propose d’intervenir auprès de
Bruxelles pour que soit définie une
stratégie énergétique claire pour
l’Union Européenne jusqu’en 2020.
Par ailleurs, le Royaume-Uni souhaite jouer un rôle moteur sur la
scène européenne en proposant de
durcir encore les réductions d’émissions prévues à cet horizon. Au
niveau national, la déclaration au
Parlement comprend une définition des grandes lignes d’une stratégie visant à mettre en place un
mix énergétique bas carbone diversifié garantissant une énergie disponible, abordable et peu polluante. Les technologies soutenues par
le gouvernement dans cette optique sont en particulier la production d’énergie issue de déchets et
de l’énergie marine. De plus, des
mesures affectant le réseau seront
prises pour assurer la mise en service de ces nouveaux modes de
production ainsi que celle des unités de micro-génération. Enfin, le
gouvernement, n’ayant pas l’intention de subventionner la production nucléaire, souhaite faciliter les
investissements privés dans ce domaine et s’assurer que les opérateurs chargés d’exploiter les centrales prévoient l’allocation de fonds
suffisants au traitement des déchets
radioactifs.
Le DECC s’intéresse ensuite à la
gestion du patrimoine énergétique
existant. Sur ce point, aucune action concrète n’est pour le moment
envisagée mais la question de la
gestion du parc nucléaire existant
est soulevée, les enjeux étant le traitement à long terme des déchets
radioactifs et la recherche d’une
alternative à leur simple stockage.
Le gouvernement doit également
composer avec des engagements
contractés auprès des travailleurs
de l’ancienne industrie minière
d’État.
Pour terminer, la déclaration
formulée par le nouveau gouvernement évoque le pilotage des actions
menées pour lutter contre le changement climatique aussi bien au
niveau national qu’international.
Sur ce dossier, le Royaume-Uni,
conscient que ce problème ne se
règlera pas de manière isolée, entend montrer par ses succès nationaux qu’il est possible de faire la
transition vers une économie verte
avec succès. Sur un plan global, les
priorités fixées par le DECC sont de
préserver la place prépondérante
de l’Europe dans les technologies
vertes et surtout de préparer de
manière efficace un accord mondial
ambitieux en termes de réduction
des émissions de gaz à effet de serre. Pour cela, le ministre propose
d’agir en amont des négociations
qui auront lieu entre le
29
novembre
et
le
10 décembre 2010 lors du sommet
sur le climat à Cancun. Sachant que
la conclusion d’un accord contraignant ambitieux lors de ce sommet
paraît peu probable, le gouvernement britannique pense néanmoins
qu’il est possible de se rapprocher
d’un tel accord en insistant sur cinq
points clés :
il faut faire en sorte que les pays
qui se sont engagés à réduire
leurs émissions de gaz à effet de
serre lors du sommet de Copenhague en 2009 et qui ont, depuis,
défini des objectifs quantitatifs les
respectent ;
la communauté internationale
doit débloquer suffisamment de
Science et Technologie au Royaume-Uni  Juillet-Août 2010
Environnement
La stratégie du nouveau gouvernement en matière d’énergie
33
Environnement
fonds pour aider les pays en développement à traiter les problèmes liés au changement climatique. Le Royaume-Uni maintient
son engagement à verser 1,5 Md£
d’ici 2012 dans ce but et souhaite
que des avancées concrètes soient
faites à la suite des promesses des
pays développés de verser
30 Md$ sur la même période ;
des progrès doivent être faits sur
la définition d’un cadre régissant
la collaboration entre pays sur les
technologies bas carbone ;
il faut s’attacher à établir les bases des mécanismes internationaux destinés à soutenir les actions globales à mettre en place ;
des actions concrètes doivent être
lancées sur des sujets ayant un
poids important dans les émissions des GES : à titre d’exemple,
le gouvernement britannique débloque 300 M£ pour traiter le problème de la déforestation.
Cette première déclaration sur
la politique énergétique est donc,
en plus d’une feuille de route stratégique pour le DECC et le gouvernement britannique, la preuve que
la coalition menée par le premier
ministre David Cameron considère
le changement climatique comme
l’un des principaux défis internationaux auxquels elle doit faire face. Cependant, si des actions précises sont listées dans cette déclaration, il y manque encore la plupart
des détails chiffrés pour se rendre
compte de l’engagement réel du
gouvernement. Ceux-ci seront dévoilés à l’automne, à l’issue de la
revue des dépenses (Spending Review) dont le but est de diminuer le
déficit public britannique.■
J.C.
Sources :
- DECC, « 2050 Pathways Analysis »,
http://www.decc.gov.uk/assets/decc/
What%20we%20do/A%20low%
20carbon%20UK/2050/216-2050pathways-analysis-report.pdf
- DECC, « Annual Energy Statement,
DECC Departmental Memorandum »,
http://www.decc.gov.uk/assets/decc/
What%20we%20do/UK%20energy%
20supply/237-annual-energy-statement2010.pdf
34
En parallèle à la déclaration annuelle sur la politique énergétique du gouvernement, un document de travail intitulé 2050 Pathways Analysis
(Analyse des chemins vers 2050) s’intéressant au futur énergétique du
Royaume-Uni a été publié. Il présente notamment six voies possibles qui
permettraient au pays d’atteindre ses objectifs de réduction d’émission
de GES en 2050.
Ces différents chemins sont issus d’un modèle de prévision fondé sur
une décomposition en secteurs impliqués dans la production d’énergie
(bioénergie, nucléaire, éolien, …), la consommation d’énergie (éclairage
et appareils ménagers, transports, industrie, chauffage et climatisation)
ainsi qu’en secteurs dits « non-énergétiques » qui, s’ils ne participent pas
à augmenter la demande énergétique, ont un rôle à jouer dans le bilan
d’émissions des GES du pays (utilisation des terres, gestion des forêts,
des déchets, …). Pour chacun de ces secteurs, quatre trajectoires ont été
définies qui reflètent des niveaux différents d’implication dans la transition vers une économie verte. Des discussions entre experts venant
d’ONG, d’universités, et d’entreprises ont permis de quantifier ces trajectoires.
Une fois que l’on dispose de quatre trajectoires pour chacun des secteurs identifiés, il suffit de les combiner (une trajectoire sélectionnée par
secteur) pour construire un chemin énergétique vers 2050 et savoir si la
demande en énergie est satisfaite. Le modèle permet également d’obtenir une estimation des résultats en termes d’émissions de gaz à effet de
serre par rapport au degré d’effort consenti.
La relative simplicité de cet outil a permis au DECC, outre d’en extraire
six possibilités analysées dans le document publié, de mettre à disposition du grand public un outil informatique de simulation. Il permet à chacun de jouer sur les efforts consentis dans chaque secteur et d’en voir
les conséquences sur l’évolution des émissions de gaz à effet de serre
du Royaume-Uni jusqu’en 2050. Pour le DECC, il s’agit d’un moyen de
communication efficace à destination des citoyens britanniques. Pour
d’autres pays, cet outil est un modèle qu’il semble intéressant de suivre
pour informer le grand public sur les stratégies politiques en matière d’énergie.
Ce modèle, tout attrayant et exhaustif qu’il soit, présente cependant plusieurs limites dues à sa simplicité. La principale est qu’il n’est pas capable de modéliser les coûts inhérents à tel ou tel futur énergétique. Par
ailleurs, il n’est pas capable de prendre en compte toutes les interactions
existant entre les différents secteurs. Enfin, toujours dans le but de rester
simple, il repose sur des hypothèses de croissances économique et démographique fixes qui ne permettent pas de modéliser ces paramètres.
Le schéma ci-contre résume le processus sous-jacent à la construction
des voies futures possibles.
Modes de production d’énergie
Secteurs consommateurs d’énergie
Secteurs influençant les émissions
1
Science et Technologie au Royaume-Uni  Juillet-Août 2010
Niveau d’effort consenti, de 1 à 4
Exemple de chemin
www.ambascience.co.uk
BIOMASSE
1
2
3
4
NUCLÉAIRE
1
2
3
4
CARBURANTS FOSSILES + CSC1
1
2
3
4
ÉOLIEN ONSHORE
1
2
3
4
ÉOLIEN OFFSHORE
1
2
3
4
MARÉE
1
2
3
4
VAGUES ET COURANTS
1
2
3
4
MICRO-GÉNÉRATION
1
2
3
4
GÉOTHERMIQUE
1
2
3
4
HYDRAULIQUE
1
2
3
4
ÉCLAIRAGE ET APPAREILS
ÉLECTRIQUES
1
2
3
4
TRANSPORTS
1
2
3
4
INDUSTRIE
1
2
3
4
CHAUFFAGE ET CLIMATISATION
1
2
3
4
GESTION DES DÉCHETS
1
2
3
4
AGRICULTURE
1
2
3
4
GESTION DES TERRES ET DES
FORÊTS
1
2
3
4
PROCESS INDUSTRIELS
1
2
3
4
ÉMISSIONS NÉGATIVES2
1
2
3
4
1—Captage et Stockage du Carbone
2—Retirer du dioxyde de carbone de l’atmosphère
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Environnement
HYPOTHÈSES
- Croissance économique fixe
- Croissance démographique fixe
- Prix du carburant fossile sur 2010-2050
- Prix du kW par technologie sur 2010-2050
UN CHEMIN POSSIBLE :
PRÉVISION DES ÉMISSIONS DE GAZ À EFFET
DE SERRE JUSQU’EN 2050
Science et Technologie au Royaume-Uni  Juillet-Août 2010
35
Environnement
Les autorités locales britanniques encouragées à
produire de l’électricité verte
Depuis le 18 août 2010, les municipalités et autorités locales du
Royaume-Uni sont autorisées à
vendre l’électricité excédentaire
qu’elles produisent à partir de
sources renouvelables. En raison de
mesures prises à l’époque de la privatisation du marché de l’électricité
au Royaume-Uni, il était jusqu’à
présent interdit aux autorités locales de vendre l’électricité qu’elles
produisaient en excès de la
consommation locale. Revenant sur
ces dispositions qu’il jugeait
« ridicules », le ministre du Department of Energy and Climate Change
(DECC, ministère de l’énergie et du
changement climatique), Chris
Huhne, a fait en sorte de mettre
rapidement fin à cette interdiction.
Ainsi, depuis le 18 août 2010, les
municipalités britanniques
(councils) peuvent revendre le surplus d’électricité généré par leurs
installations à condition que l’énergie provienne de sources renouvelables (solaire, éolien, biomasse,
etc<).
Cette nouvelle réglementation
vise à accentuer le rôle des autorités locales dans la transition vers la
production d’énergie verte et la
réduction des émissions de gaz à
effet de serre engagées par le
Royaume-Uni. Le DECC estime
qu’à l’échelle de l’Angleterre et du
Pays de Galles, ce sont 100 M£ qui
pourraient s’ajouter aux revenus
des municipalités grâce à cette nouvelle disposition législative conjuguée aux dispositifs de rachat de
l’électricité dirigée vers le réseau
(Feed-in-Tariffs). Cette manne financière pourrait permettre d’amélio-
36
rer les services locaux ou de baisser
les taxes (ce dont on attend un impact positif quant aux réticences
que peuvent parfois rencontrer les
projets de production d’énergie bas
carbone parmi les populations locales). Par ailleurs, le but affiché est
d’augmenter la part de production
d’électricité verte assurée par les
autorités locales en rendant l’utilisation d’énergies renouvelables commercialement viable. À l’heure actuelle, 0,01 % de la production d’électricité du pays est assurée par les
municipalités via des sources renouvelables (en 2008-2009, elles ont
produit 600 000 kWh à partir de
ressources solaires et éoliennes),
alors que ce chiffre s’élève à 1 % en
Allemagne !
L’association des gouvernements locaux (Local Government Association) a salué cette initiative, y
voyant un moyen de révolutionner
la façon dont l’énergie est fournie à
la population ainsi qu’une aide
pour traverser des temps difficiles
financièrement. Certains councils
ont déjà des projets en cours qui
vont profiter de ces nouvelles incitations et comptent sur ce nouveau
règlement pour en développer d’autres : la municipalité de Bristol va
ainsi implanter des éoliennes dans
l’estuaire de la Severn et Derby va
lancer la construction de sa première centrale hydro-électrique à Longbridge.
nement a conscience du rôle des
municipalités dans la stratégie énergétique du pays. En effet, les objectifs en termes de réduction des
émissions de gaz à effet de serre ne
pourront être atteints que grâce à la
complémentarité entre des projets
locaux de taille réduite et des
grands projets industriels.■
J.C.
Sources :
- DECC, 09/08/2010, Huhne ends Local
Authority power struggle, http://
www.decc.gov.uk/en/content/cms/news/
pn10_89/pn10_89.aspx
- DECC, 09/08/2010, Derby is front runner
to cash in on new Government rules allowing councils to sell electricity, http://
www.decc.gov.uk/en/content/cms/
news/10_91/10_91.aspx
- DECC, 09/08/2010, Bristol is front runner to cash in on new Government rules
allowing councils to sell electricity, http://
www.decc.gov.uk/en/content/cms/news/
pn10_93/pn10_93.aspx
- The Independent, 06/08/2010, http://
www.independent.co.uk/environment/green
-living/councils-to-sell-electricity-to-thenational-grid-in-green-initiative2044814.html
- DECC, CO2 emissions from local authorities, http://www.decc.gov.uk/Media/
viewfile.ashx?FilePath=Statistics/
nationalindicators/41-CO2-NOX-PM10emissions-LA-operations-Department of
Energy and Climate Change, CO2 emissions from local authorities, http://
www.decc.gov.uk/Media/viewfile.ashx?
FilePath=Statistics/nationalindicators/41CO2-NOX-PM10-emissions-LAoperations200809.xls&filetype=4&minwidth=true
La rapidité avec laquelle Mr
Huhne a rendu cette proposition
(formulée au début du mois de juillet) légalement applicable montre
en tout cas que le nouveau gouver-
Science et Technologie au Royaume-Uni  Juillet-Août 2010
www.ambascience.co.uk
L e t er m e g éo - i ng é ni e ri e
(geoengineering) désigne l’ensemble
des techniques spécifiquement
conçues pour modifier le climat à
une échelle globale dans le but de
contrer le changement climatique
résultant des activités humaines. Le
Royaume-Uni, qui s’est engagé à
réduire drastiquement ses émissions de gaz à effet de serre d’ici à
2050 pour tenter d’enrayer le réchauffement climatique, considère
la géo-ingénierie comme un « Plan
B » destiné à suppléer les programmes en cours (développement de
l’énergie éolienne, réseaux de distribution d’énergie intelligents, <)
dans le cas où la diminution des
émissions de gaz à effet de serre ne
suffise pas à enrayer la hausse des
températures. C’est pourquoi le
Science and Techology Select Committee (Comité Parlementaire sur la
Science et la Technologie) composé
de membres de la Chambre des
Communes a publié en mars dernier un rapport issu de travaux
conjoints avec son homologue américain, le US House of Representatives
Science and Technology Committee
(Comité sur la Science et la Technologie de la Chambre des Représentants des États-Unis), sur la question de la réglementation et du
contrôle de la géo-ingénierie.
Les techniques de manipulation
du climat sont nombreuses et variées (voir dans Science & Technologie au Royaume-Uni de novembre-décembre 2009, p18). Celles-ci
sont communément rassemblées en
deux grandes catégories selon
qu’elles visent à retirer le dioxyde
de carbone de l’air pour atténuer
l’effet de serre (CDR, Carbon Dioxide Removal) ou qu’elles manipulent
les radiations lumineuses issues du
Soleil pour augmenter la quantité
d’énergie réfléchie par la Terre et
son atmosphère et donc abaisser la
température (SRM, Solar Radiation
Management). En préambule à son
étude, le comité n’a pas jugé inutile
de s’attarder sur la définition exacte qu’il convenait de donner au
terme géo-ingénierie et sur le péri-
www.ambascience.co.uk
mètre qu’il recouvre. Par exemple,
en insistant sur la dimension globale des modifications du climat induite par les techniques de géoingénierie, les députés en excluent
l’insémination des nuages (déjà
utilisée dans un grand nombre de
pays, et notamment massivement
en Chine). En effet, elle ne donne
lieu à des modifications de climat
que sur un espace et une période
limités.
L’essentiel du travail des comités parlementaires britannique et
américain a consisté en une réflexion sur la réglementation par
laquelle il faudra encadrer la géoingénierie à partir du stade de la
recherche jusqu’à un éventuel déploiement. Les députés fondent la
nécessité d’établir sans tarder une
telle réglementation sur trois principales raisons :
les techniques de géo-ingénierie
donnent potentiellement à un
pays la capacité de modifier de
manière unilatérale le climat ;
des tests sont d’ores et déjà en
cours sur certaines techniques de
géo-ingénierie ;
investir dans la recherche dès
maintenant, et ce dans un cadre
réglementaire bien défini, est indispensable pour faire de la géoingénierie une alternative crédible si le besoin s’en faisait sentir.
Une fois posée la nécessité d’une régulation, les membres du comité ont cherché à déterminer des
critères sur lesquels elle pourrait
s’appuyer. En effet, de par la diversité des techniques faisant partie de
la géo-ingénierie (mais surtout la
diversité de leurs conséquences), il
n’apparaît ni approprié ni possible
de formuler une réglementation
unique qui s’appliquerait à toutes.
En conséquence, le comité propose
de les classer selon différents facteurs listés ci-dessous afin d’évaluer la nature des contrôles appropriés à chacune :
les effets que les différentes techniques peuvent avoir au-delà des
frontières du pays qui les met en
œuvre ;
la dispersion d’éléments potentiellement dangereux dans l’environnement ;
les conséquences directes sur les
écosystèmes.
Ainsi, les députés de la Chambre des Communes affirment qu’une réglementation et un contrôle
gradués sur les recherches et le développement en matière de géoingénierie s’avèrent indispensables.
À partir de là, il reste à poser le
problème du cadre qui serait le
mieux adapté pour mettre en place
et faire respecter ces règlements, et
celui des principes de base qu’ils
serviront à garantir. Étant donné le
caractère transnational des éventuels effets négatifs de la géoingénierie que des textes réglementaires chercheraient à bannir, il est
clair que ceux-ci ont vocation à être
définis à un niveau international. Si
les députés évoquent l’Organisation des Nations-Unies comme responsable, à terme, de ce contrôle,
ils soulignent également l’importance du rôle que les gouvernements nationaux, et celui du
Royaume-Uni en particulier, ont à
jouer pour amener la question de la
géo-ingénierie à l’ordre du jour des
discussions internationales et lancer le processus de réglementation.
Quant aux principes de base des
futurs textes internationaux, le comité les exprime en cinq points :
la géo-ingénierie et les recherches
et le développement associés doivent être encadrés dans l’intérêt
du public (sans toutefois bannir
les investissements privés, bien
au contraire) ;
la participation des instances publiques, qu’elles soient nationales
ou internationales, dans les prises
de décision relatives à la géoingénierie, est nécessaire ;
la recherche dans ce domaine et
ses résultats doivent être entièrement rendus publics pour faciliter la compréhension des risques
inhérents à la géo-ingénierie et
être en mesure de rassurer les
populations ;
l’impact potentiel des projets de
géo-ingénierie doit être évalué
Science et Technologie au Royaume-Uni  Juillet-Août 2010
Environnement
Géo-ingénierie : un cadre réglementaire s’avère indispensable
37
Environnement
par des groupes de travail indépendants de ceux qui produisent
la recherche et qui s’organisent
au niveau approprié (régional,
national ou international) selon
l’étendue des risques engendrés ;
le déploiement de dispositifs faisant appel à des techniques de
géo-ingénierie ne doit pas se faire
avant la mise en place d’une gouvernance robuste sur le sujet et la
définition de règles contraignantes.
Le rapport du Science and Technology Select Committee plante le
décor dans lequel doit s’inscrire le
travail de régulation à effectuer au
niveau du gouvernement du
Royaume-Uni puis à l’échelle internationale pour prévenir un développement incontrôlé et dangereux
de la géo-ingénierie. Mais il témoigne aussi d’une innovation sur le
plan diplomatique : le travail en
commun avec un comité du même
type aux États-Unis. Cette coopération s’est faite en dehors de proto-
Une commission d’enquête
mandatée par l’Université d’East
Anglia a publié le 7 juillet 2010 son
rapport final sur le « Climategate ».
Comme les précédentes, elle ne met
pas en cause l’honnêteté et la rigueur des scientifiques concernés
mais les accuse d’un manque d’ouverture dans la diffusion d’informations. Le rapport pointe également la responsabilité de l’université et de ses dirigeants et présente
des recommandations pour éviter,
à l’avenir, de mettre en péril la crédibilité de l’université et celle de
l’ensemble de la climatologie britannique.
L’affaire remonte à novembre
2009 lorsque, trois semaines avant
l’ouverture de la conférence de Copenhague sur le changement climatique, un grand nombre de courriels et d’autres documents issus du
piratage du réseau informatique du
Climatic Research Unit (CRU, unité
de recherche climatique) de l’Université d’East Anglia (UEA) furent
rendus publics. Ces échanges entre
des scientifiques du monde entier
38
coles prédéfinis (qui n’existent à
l’heure actuelle que pour des travaux communs entre des députés
de la House of Commons, Chambre
des Communes, et d’autres de la
National Assembly for Wales, Assemblée Nationale du Pays de Galles),
et sans que les deux comités parlementaires ne siègent ensemble. Elle
s’est fondée sur le partage d’informations au cours de fréquents
contacts entre les élus des deux
côtés de l’Atlantique. À l’issue de
cette expérience, le Comité sur la
Science et la Technologie conclut
que la nature globale des défis liés
à la science et la technologie appelle à renouveler des collaborations
de ce type avec d’autres gouvernements. Il suggère même que, le cas
échéant, un membre du comité partenaire assiste en qualité d’observateur aux sessions du Select Committee par l’intermédiaire d’une liaison
vidéo par exemple.
britannique, s’il suit les recommandations du rapport du Science and
Technology Select Committee de la
législature précédente, devrait se
pencher dans un futur proche. Il
semble pertinent que ce groupe de
députés encourage son gouvernement à agir dès maintenant, avant
d’avoir à faire face à des évolutions
irréversibles du climat.■
J.C.
Sources :
- House of Commons, Science and Technology Select Committee, 5ème rapport de la
session parlementaire 2009-2010,
18/03/2010, http://
www.publications.parliament.uk/pa/
cm200910/cmselect/cmsctech/221/221.pdf
- Bulletins Électroniques, 21/01/2010, Géoingénierie : science, gouvernance et incertitude, http://
www.bulletinselectroniques.com/
actualites/61972.htm
La géo-ingénierie est donc un
sujet sur lequel le gouvernement
Conclusions d’une troisième enquête
indépendante sur l’affaire du « Climategate »
et leurs collègues du CRU ont ouvert la voie à des critiques, certains
y voyant des preuves que des données avaient été manipulées, voire
supprimées, pour appuyer la thèse
du réchauffement climatique d’origine anthropique. De plus, on suspectait les chercheurs de s’efforcer
d’empêcher l’accès à certaines informations et d’entraver la parution de
publications affichant un point de
vue différent du leur sur le changement climatique. La date à laquelle
ont été dévoilés ces courriels et documents et l’interprétation qui en
était faite visaient à perturber le
processus de négociation en instillant le doute sur la thèse du réchauffement climatique causé par
les activités humaines.
Au Royaume-Uni, plusieurs enquêtes ont été lancées dans le but de
vérifier la pertinence de ces accusations, et une enquête de police sur
le piratage de ces courriels est tou-
Science et Technologie au Royaume-Uni  Juillet-Août 2010
jours en cours. Ainsi, un rapport du
comité scientifique et technologique
de la Chambre des Communes
concluait en mars dernier que si la
réputation scientifique des membres du CRU n’était pas en cause,
l’accès que les chercheurs du groupe avaient laissé aux données utilisées dans leurs travaux posait néanmoins problème. En avril 2010, une
seconde commission d’enquête dirigée par Lord Oxburgh – exprésident du comité scientifique et
technologique de la Chambre des
Lords – était chargée d’examiner les
publications scientifiques du CRU.
Elle n’allait y déceler aucune preuve de manipulation délibérée.
Enfin, le rapport d’une commission d’enquête indépendante mise
en place par l’UEA a été publié le 7
juillet 2010. Sous la direction de Sir
Muir Russell, ancien Vice Chancelier de l’Université de Glasgow, le groupe de travail s’est atta-
www.ambascience.co.uk
Les membres de la commission
sont arrivés aux conclusions suivantes :
la rigueur et l’intégrité des scientifiques du CRU ne sont pas en
doute et sont compatibles avec la
conduite des recherches dans le
domaine sensible de la climatologie ;
de plus, les informations fournies
aux décideurs politiques n’ont
pas été faussées par le comportement des membres du CRU. Les
conclusions de l’IPCC
(Intergovernmental Panel On Climate Change, connu en France
sous le nom de GIEC pour groupe d’experts inergouvernemental
sur l’évolution du climat) sur le
changement climatique ne doivent donc pas être remises en
cause ;
cependant, l’UEA et les scientifiques du CRU ont, de manière
récurrente, fait preuve d’un manque d’ouverture préjudiciable à la
crédibilité de l’université et à celle de toute la climatologie britannique. En particulier, l’esprit du
Freedom of Information Act et les
règles concernant les informations relatives à l’environnement
(Environmental Information Regulations, 2004) n’auraient pas été respectés lors des réponses aux demandes qui leur étaient adressées. De son côté, l’UEA est critiquée pour sa mise en œuvre des
procédures nécessaires pour assurer la conformité vis-à-vis de
ces deux règlements.
En s’appuyant sur ces conclusions, la commission a formulé plusieurs recommandations à l’adresse
de l’UEA. En premier lieu, l’implication de ses dirigeants dans les
domaines mettant en jeu sa crédibilité doit pouvoir être assurée de
www.ambascience.co.uk
manière plus satisfaisante. Par ailleurs, l’université et son ViceChancelier sont les garants de la
conformité avec le Freedom of Information Act et les Environmental Information Regulations. Ils doivent
donc avoir la main sur les systèmes
de demandes d’informations. Enfin, les membres du CRU devraient, en parallèle de leurs publications, diffuser des données suffisantes pour permettre à d’autres de
reproduire leurs travaux.
La réaction de l’UEA a été d’accepter les conclusions du rapport et
d’annoncer, par la voix de son Vice-Chancelier Edward Acton, des
efforts en vue de développer une
culture d’ouverture et de transparence au sein du CRU ainsi qu’une
meilleure intégration du groupe de
recherche dans la faculté de sciences environnementales de l’UEA.
En outre, le professeur Phil Jones,
qui dirigeait le CRU avant le
« Climategate », sera rétabli dans ses
fonctions (il avait démissionné en
décembre 2009) après qu’il ait été
disculpé de tout comportement
répréhensible par cette dernière
enquête.
point, de nouvelles informations
diffusées par le Met Office et allant
dans le sens d’un indéniable réchauffement climatique devraient
aider à convaincre un peu plus le
grand public. D’autre part, l’enquête de police menée par la police du
Norfolk afin de découvrir comment
et par qui les documents informatiques ont pu être piratés devrait
permettre d’en savoir plus sur le ou
les commanditaire(s) et les buts
réels poursuivis.■
J.C.
Sources :
- The Guardian, 01/08/2010, http://
www.guardian.co.uk/commentisfree/2010/
aug/01/climate-change-robin-mckie
- The Guardian, 08/07/2010, http://
www.guardian.co.uk/environment/2010/
jul/08/muir-russell-climategate-climatescience
- Met Office, 28/07/2010, http://
www.metoffice.gov.uk/corporate/
pressoffice/2010/pr20100728.html
- The Independent Climate Change Email
Review, http://www.ccereview.org/pdf/
FINAL%20REPORT.pdf
Environnement
ché à étudier les pratiques au sein
du CRU, notamment vis-à-vis des
règlements de l’UEA et de la loi
britannique sur la liberté d’information (Freedom of Information Act,
2000), ainsi que les échanges de
courriels et de documents rendus
publics. En revanche, les résultats
scientifiques du CRU, ou de la climatologie elle-même, ne faisaient
pas l’objet de l’enquête.
La publication du rapport de la
commission dirigée par Sir Muir
Russell clôt la série d’enquêtes indépendantes visant à éclairer l’affaire qui a pris le nom de
« Climategate ». Les résultats de chacune sont finalement assez cohérents, soulignant des problèmes de
communication et de transmission
d’informations tout en niant la manipulation de données et l’invalidité des résultats des travaux du
CRU. L’affaire n’est toutefois pas
encore classée. D’une part, il faut
désormais s’attacher à mesurer
l’impact qu’elle a pu avoir sur les
négociations de Copenhague et
celui qu’elle aura sur l’opinion publique britannique par rapport à la
climatologie et à la thèse du réchauffement climatique. Il n’est pas
facile de discerner le rôle de l’hiver
excessivement froid au RoyaumeUni de celui du « Climategate » dans
l’augmentation récente du nombre
de sceptiques par rapport au réchauffement climatique. Sur ce
Science et Technologie au Royaume-Uni  Juillet-Août 2010
39
Environnement
Des institutions britanniques informent les négociateurs sur le
changement climatique
Dans le but d’alimenter et d’éclairer les discussions des NationsUnies ayant lieu à Bonn au début
du mois d’août, plusieurs institutions britanniques ont publié
conjointement un rapport qui s’interroge sur la possibilité de limiter
la hausse des températures à la surface de la Terre à 1,5 °C par rapport
à leur niveau pré-industriel.
Les pays membres de l’UNFCCC (United Nations Framework
Convention on Climate Change,
convention cadre sur les changements climatiques des NationsUnies), se sont réunis du 2 au
6 août 2010 à Bonn. L’objectif de
cette réunion, la troisième du genre
depuis le sommet de Copenhague
l’an passé, était de continuer la préparation de la Conférence des Nations-Unies sur le Changement Climatique qui se tiendra à la fin de
cette année à Cancun. Au cours de
leurs travaux, les négociateurs ve-
search Institute on Climate Change
and the Environment (Institut de Recherche sur le Changement Climatique et l’Environnement), le
CCCEP (Centre for Climate Change
Economics and Policy, centre pour
l’économie et la politique du changement climatique) et le Met Office
Hadley Centre.
Ces trois institutions ont cherché à dégager des voies possibles,
en termes de réduction des émissions globales de gaz à effet de serre, présentant des chances raisonnables de limiter la hausse des températures à 1,5 °C par rapport à ce
qu’elles étaient avant la révolution
industrielle. Ainsi qu’évoqué plus
haut, cette étude a pu permettre
aux représentants des différents
pays de l’UNFCCC d’évaluer les
mesures à prendre et les objectifs
chiffrés que devrait fixer un éventuel accord mondial si une telle
limitation de la hausse des températures devait être mise en avant.
probabilités associées aux valeurs
de l’augmentation des températures moyennes à la surface du globe.
Le premier constat que dresse cette
étude est des plus pessimistes
quant à l’objectif d’une hausse
contenue à 1,5 °C : en effet, si les
émissions annuelles globales de
gaz à effet de serre passaient de
47 milliards de tonnes en 2010 à 40
en 2020 (valeur en dessous de laquelle des réductions jugées trop
importantes devraient être atteintes
dans la prochaine décennie), puis
tombaient à zéro après cette date, il
y aurait moins d’une chance sur
deux d’éviter une hausse de plus
d’1,5 °C !
Ce scénario, clairement irréaliste, est en fait utilisé pour tester la
validité théorique d’un tel objectif.
Les chances de le réaliser à partir
de scénarios d’évolution des émissions réalisables étant très faibles,
le rapport s’intéresse par la suite à
des scénarios d’entrée amenant, à
Grantham Research Institute on Climate Change and the Environment
Créé en 2008 par la London School of Economics and Political Science (LSE), il rassemblant des compétences
en économie, finance, géographie, environnement et développement international, elle aborde le problème du
changement climatique à travers différents prismes. Il est financé par la Grantham Foundation for the Protection of the Environment (fondation pour la protection de l’environnement) qui soutient également un centre de
recherche sur le changement climatique à l’Imperial College London.
Centre for Climate Change Economics and Policy
Inauguré en 2009 par le célèbre économiste Lord Stern de Brentford, le CCCEP est un organisme de recherche
interdisciplinaire dépendant à la fois de la LSE et de l’Université de Leeds. Financé en partie par l’ESRC
(Economic and Social Resarch Council , conseil pour la recherche économique et sociale), il répond à deux
principaux objectifs : promouvoir un nouvel accord mondial sur le changement climatique et améliorer la capacité des décideurs, privés comme publics, à y faire face.
Met Office Hadley
Le Met Office est une agence publique qui se trouve sous la tutelle du Ministry of Defence (ministère de la défense). Au sein du Met Office, le Hadley Centre est, depuis sa création en 1990, le centre de recherche officiel
du Royaume-Uni pour les sujets traitant du climat. Sa mission est de fournir les bases scientifiques sur lesquelles vont s’appuyer le gouvernement britannique (mais aussi les parties prenantes du monde entier) pour prendre leurs décisions relatives au changement climatique.
nus de 175 pays ont pu s’appuyer
sur un rapport examinant les possibilités de limiter l’ampleur du réchauffement climatique publié
conjointement par le Grantham Re-
40
Le travail des rédacteurs du
rapport exploite un modèle capable
de fournir, à partir d’un scénario
donné d’évolution des émissions
globales de gaz à effet de serre, les
Science et Technologie au Royaume-Uni  Juillet-Août 2010
plus de 50 % de probabilité, des
températures dépassant la limite
fixée mais qui baissent par la suite
à très long terme, jusqu’à atteindre
la valeur souhaitée.
www.ambascience.co.uk
www.ambascience.co.uk
bone retenu dans les sols gelés est
relâché dans l’atmosphère, par
exemple). Enfin, l’écosystème
pourrait être perturbé de manière
irréversible (extinction d’espèces,
territoires inondés, etc<).
Ainsi, le rapport n’écarte pas de
manière définitive la possibilité
d’éviter une hausse des températures de plus d’1,5 °C par rapport au
niveau pré-industriel mais se montre très prudent quant à la possibilité d’une hausse si faible, et la réserve de toute façon à un horizon
temporel lointain. Il propose donc
aux décideurs politiques de se mettre d’accord sur des mesures qui
viseraient à limiter l’augmentation
des températures à 2 °C tout en
laissant ouverte la possibilité de
prendre des mesures plus contraignantes par la suite. En revanche,
le niveau des émissions globales de
gaz à effet de serre ne devrait en
aucun cas excéder 48 milliards de
tonnes d’équivalent CO2 en 2020
(soit un niveau équivalent aux
47 milliards de tonnes de 2010)
sous peine de voir les températures
à la surface du globe augmenter
bien au-delà de ces 2 °C.
Les résultats des discussions de
Bonn, malgré ce rapport incitant à
mettre en place rapidement des
actions concrètes pour lutter contre
le changement climatique, ont été
jugés mitigés. Quelques progrès
ont été enregistrés concernant la
forme que devrait revêtir le résultat
de la conférence de Cancun à la fin
de l’année, mais certains négociateurs, venant de pays riches ou
pauvres, n’hésitent pas à exprimer
leur impression de recul des négociations sur le changement climatique par rapport à l’année dernière.
Il est vrai que les textes objets des
discussions se sont vus ajouter de
nouvelles propositions ou d’anciennes qui avaient été préalablement écartées, ce qui rendra plus
difficile la tâche des décideurs politiques amenés à prendre les décisions finales. En revanche, 107 pays
ont exprimé leur souhait de limiter
la hausse des températures à 1,5 °C
en lieu et place des 2 °C souhaités
par l’Union Européenne, les ÉtatsUnis et les autres pays riches. Peut-
on y voir l’influence de l’étude britannique analysée dans cet article ?
En attendant la conférence des
Nations-Unies à Cancun, une autre
réunion préparatoire aura lieu à
Tianjin en Chine, du 4 au 9 octobre
2010. Elle sera la dernière occasion
de préparer la voie à la mise en
place de mesures concrètes de lutte
contre le changement climatique. Si
elle semble écarter la possibilité
d’un accord mondial légalement
contraignant dès la fin de cette année, Christiana Figueres – secrétaire générale de l’UNFCCC—estime
que les pays membres pourraient
se mettre d’accord sur des mesures
concernant entre autres les transferts de technologie et les conditions financières nécessaires pour
diminuer les émissions de gaz à
effet de serre.
En ce qui concerne le gouvernement du Royaume-Uni, celui-ci
affirme, à travers un communiqué
du Department of Energy and Climate
Change (DECC, ministère de l’énergie et du changement climatique) à
l’issue de la rencontre de Bonn,
continuer à chercher à établir un
accord global contraignant. Il renouvelle également son engagement d’être le gouvernement le
plus tourné vers l’écologie que le
pays n’ait jamais eu.■
J.C.
Environnement
D’après les rédacteurs, tous les
scénarios d’entrée « concluants »
rassemblent quatre caractéristiques :
des émissions annuelles globales
qui, inversant la tendance actuelle, commencent à baisser avant
2015, et ne dépassent pas les
48 milliards de tonnes d’équivalent CO2 rejetées dans l’atmosphère en 2020. D’après des recherches menées auparavant, ceci
est possible et économiquement
viable si des mesures appropriées
sont mises en place dès à présent ;
une baisse régulière d’au moins
3 % par an de ces émissions à
partir de 2020. Une telle valeur
semble techniquement possible,
mais la question du coût global
d’une telle baisse pose question
(notamment par rapport à des
scénarios qui seraient compatibles avec une limitation de la
hausse des températures à 2 °C) ;
des émissions annuelles globales
qui tendent vers zéro d’ici à 2100,
très largement en dessous de
5 milliards de tonnes d’équivalent CO2 par an. Pour cela, des
technologies à « émissions négatives » (le captage et le stockage de
CO2 par exemple) devraient être
mises en place à très grande
échelle. Mais à l’heure actuelle, il
est difficile d’évaluer la faisabilité
d’un tel développement de ces
techniques qui pourraient poser
des problèmes (sécurité ou efficacité à long terme) si elles étaient
massivement utilisées ;
un dépassement, sur quelques
décennies, de la hausse prescrite
de 1,5 °C avant de revenir dans
les limites fixées. La période sur
laquelle se ferait un tel dépassement (voire même la possibilité
d’une baisse des températures)
fait largement débat dans la communauté scientifique car de nombreuses incertitudes planent sur
la vitesse des variations de la
concentration des gaz à effet de
serre dans l’atmosphère après
une éventuelle réduction des
émissions dues à l’activité humaine. En outre, les risques de voir le
réchauffement climatique s’emballer ne sont pas nuls (si le car-
Sources :
- CCCEP, 02/08/2010, « Mitigating Climate Change through reductions in greenhouse gas emissions : is it possible to limit
global warming to no more than 1,5 °C ? »,
http://www.cccep.ac.uk/Publications/
Policy/Policy-docs/PB_mitigating-climatechange.pdf
- DECC, 06/08/2010, http://
www.decc.gov.uk/en/content/cms/
what_we_do/change_energy/
tackling_clima/int_climate/climate_news/
bonn_aug_talks/bonn_aug_talks.aspx
- BBC News, 07/08/2010, http://
www.bbc.co.uk/news/science-environment10900798
- The Guardian, 06/08/2010, http://
www.guardian.co.uk/world/2010/aug/06/
climate-talks-us-china-clash
Science et Technologie au Royaume-Uni  Juillet-Août 2010
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Environnement
Comment conjuguer restrictions budgétaires et lutte contre le
changement climatique?
Alors que le Department of Energy and Climate Change (DECC, Ministère de l’Énergie et du Changement Climatique) vient de publier
les restrictions budgétaires affectant le financement des technologies faiblement émettrices de carbone (voir encadré), un rapport
publié par le Committee on Climate
Change (CCC, Comité sur le Changement Climatique) met en garde
contre une baisse des financements
publics susceptible de mettre en
péril la transition vers une économie verte au Royaume-Uni.
Le Royaume-Uni s’est engagé
légalement, à travers le Climate
Change Act de 2008, à réduire ses
émissions de gaz à effet de serre de
80 % par rapport au niveau de l’année 1990 d’ici à 2050. En plus de
fixer ces objectifs chiffrés, cette loi a
entraîné la création d’une commission indépendante intitulée Committee on Climate Change dont la
vocation est, d’une part, d’apporter
ses conseils au gouvernement dans
la démarche de réduction des émissions de gaz à effet de serre du
pays, et, d’autre part, de mener des
études pour évaluer l’avancement
des différents programmes technologiques concernés par cet engagement.
À la demande du gouvernement, le CCC a étudié la pertinence
des mesures prises par le Royaume-Uni dans les domaines de la
recherche et de l’innovation pour
atteindre les objectifs fixés par le
Climate Change Act. La conclusion
du CCC, rendue dans un rapport
publié le 19 juillet 2010, est sans
appel : toute réduction du soutien
financier du gouvernement envers
les technologies faiblement émettrices de carbone est susceptible de
fragiliser la position du RoyaumeUni dans ce domaine, mais aussi de
ralentir la transition vers une économie verte et d’empêcher le respect des résultats imposés par le
Climate Change Act. Dans le cas de
certains programmes, le comité
plaide même pour une augmentation des budgets afin de pouvoir
atteindre les objectifs fixés en 2050.
Le rapport commence par présenter les grandes étapes d’une
feuille de route vers 2050. La première étape est de rendre la production d’énergie elle-même moins
émettrice de gaz à effet de serre. À
partir de là, l’utilisation massive de
l’électricité dans des domaines tels
que les transports ou le chauffage
permettra de faire baisser significativement les émissions du pays.
D’une manière générale, l’efficacité
énergétique doit être le but poursuivi une fois que la production
d’énergie ne nécessite plus d’émettre de grandes quantités de gaz à
effet de serre.
Dans son rapport, le CCC identifie six secteurs essentiels pour
lesquels le soutien du gouvernement doit être sans faille. Il s’agit
en fait des domaines où le CCC
juge que le Royaume-Uni est le
mieux placé en termes d’installations dédiées à la recherche et à la
production, ce qui permettrait au
pays de consolider ou de conquérir
une place de leader dans le monde
et donc d’accélérer le cycle de développement des technologies. Les
six secteurs désignés par le CCC
sont les suivants :
la production d’énergie éolienne
en offshore : les atouts du Royaume-Uni sont ses ressources naturelles et sa recherche en pointe
dans ce domaine. Cela en fait le
pays le mieux placé pour assurer
le déploiement relativement rapide de ce type de fermes éoliennes ;
la production d’énergie marémotrice et houlomotrice : les ressources naturelles potentielles du
Royaume-Uni et l’expertise dans
le domaine des technologies marines que possèdent les entrepri-
En mai 2010, peu après la formation du nouveau gouvernement de coalition entre les conservateurs et les libéraux-démocrates, un plan d’économies immédiates de 6,2 Md£ répartis sur l’ensemble des ministères destiné à
endiguer le déficit public (11 % du Produit Intérieur Brut en 2009) était annoncé. Relativement épargné par rapport aux autres ministères, le DECC était toutefois chargé de réduire ses dépenses de 85 M£.
Les coupes prévues sur les dépenses de fonctionnement au sein du ministère ont été très rapidement rendues
publiques le 16 juillet ; elles représentent la majorité des efforts demandés au DECC avec 50 M£. Restaient
35 M£ à retirer des budgets destinés à accompagner la transition vers une économie reposant sur des technologies faiblement émettrices de carbone. Les subventions accordées à la production d’énergie issue de la biomasse, de la géothermie ou du vent sont en baisse alors que le fonds destiné à aider la construction de bâtiments moins consommateurs en énergie est purement et simplement supprimé. Pour finir, le budget consacré
à équiper le gouvernement et à en faire un exemple dans l’utilisation des technologies bas carbone est lui aussi
réduit, ainsi que la subvention du DECC au Carbon Trust, organisation dont le but est d’accélérer et de faciliter
l’émergence d’une économie verte au Royaume-Uni.
Malgré ces restrictions budgétaires, les dépenses du DECC destinées aux technologies permettant de diminuer
substantiellement les émissions de gaz à effet de serre s’élèveront pour l’année 2010 à 150 M£.
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Science et Technologie au Royaume-Uni  Juillet-Août 2010
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production d’énergie par fission
nucléaire, les pompes à chaleur et
l’isolation des bâtiments ainsi que
les technologies de captage et de
stockage du dioxyde de carbone
pour l’industrie (à distinguer de
celles associées aux centrales thermiques de production d’électricité).
Enfin, le CCC évoque les technologies qui sont à un stade moins
avancé mais qui sont susceptibles
de participer à l’effort de réduction
des émissions d’ici à 2050. Elles
doivent bénéficier du soutien de
fonds publics pour la Recherche et
le Développement avant une implication plus grande éventuelle selon
les premiers résultats obtenus. Le
comité recommande donc de soutenir, entre autres, les programmes
de recherche visant à améliorer
l’efficacité des panneaux solaires, à
développer de nouveaux moyens
de stockage de l’énergie, et ceux
qui sont consacrés aux piles à combustible.
Le rapport s’intéresse ensuite de
manière plus quantitative aux niveaux de financement public des
différentes technologies et conclut
qu’ils sont actuellement au niveau
minimum pour atteindre les objectifs légaux. Tout en soulignant que
la raison d’être de ces financements
est de permettre aux nouvelles
technologies d’attirer des investissements privés, le CCC préconise
une augmentation des financements publics dans la plupart des
technologies clés identifiées plus
haut.
La dernière section du rapport
est consacrée au cadre institutionnel du soutien public aux technologies vertes. Dans ce volet de son
étude, le CCC met le doigt sur l’absence de stratégie à très long terme
(jusqu’à 2050) de la part du gouvernement qui se contente d’un plan à
l’horizon 2020. Par ailleurs, le rapport souligne le décalage entre les
financements publics dépendant
pour la plupart de cycles budgétaires de trois ans incompatibles avec
les cycles de développement de la
plupart des technologies et il plaide
donc pour une plus grande continuité dans les financements et les
stratégies adoptés par les gouvernements successifs.
Il est intéressant de mettre en
parallèle les conclusions du rapport
du CCC avec les réductions budgétaires annoncées par le DECC (voir
encadré) rendues publiques à quelques jours d’intervalle. L’avenir
nous dira si la promesse faite par le
Premier Ministre Cameron en mai
de faire de son gouvernement le
plus « vert » qu’il y ait jamais eu a
été effectivement tenue : était-il
possible de faire plus « vert » que
ces coupes modérées dans un
contexte de restrictions budgétaires
drastiques ?■
J.C.
Environnement
ses britanniques font du pays un
futur leader ;
le captage et le stockage du
dioxyde de carbone au niveau
des centrales de production d’énergie : les forces du RoyaumeUni dans ce domaine sont la présence de sites de stockage potentiels et l’expertise en matière d’études des sols issues de l’exploitation gazière de la mer du
Nord ;
les réseaux de distribution d’électricité dits intelligents (smart
grids) : le Royaume-Uni peut
s’appuyer dans ce domaine sur
les capacités de recherche de ses
universités et sur l’industrie des
machines électriques et de l’électronique de puissance ;
les véhicules électriques : la position du pays en termes de Recherche & Développement et
d’innovation sur les moteurs
électriques et l’électronique de
puissance est solide. De plus, les
récents investissements de constructeurs étrangers dans la production de batteries et de véhicules électriques sur le sol britannique permettent au pays d’espérer
prendre une place importante
dans le secteur, même si les
grands centres de décisions de
l’industrie automobile ne sont
plus au Royaume-Uni ;
l’aéronautique : la position du
Royaume-Uni est très forte dans
ce secteur notamment sur les voilures, les moteurs et la recherche
sur de nouveaux matériaux pour
le transport aérien. Ainsi, le pays
peut briguer une place de leader
dans le développement de technologies visant à inscrire ce secteur dans la nouvelle économie
verte.
Le rapport du CCC identifie
également des technologies essentielles dans la perspective de remplir les objectifs fixés par le Climate
Change Act, mais pour lesquelles la
position actuelle du Royaume-Uni
ne devrait pas lui permettre de
jouer un rôle moteur au niveau
mondial. Pour celles-ci, le soutien
public devrait aller dans le sens du
déploiement et de l’adaptation au
marché britannique. Le CCC inclut
notamment dans cette catégorie la
Sources :
- Committee on Climate Change,
19/07/2010, « Building a low-carbon economy – the UK’s innovation challenge »,
http://downloads.theccc.org.uk.s3. amazonaws.com/Low%20carbon%20Innovation/
CCC_Low-Carbon_WEB.pdf
- DECC, 16/07/2010, Savings by DECC on
Low Carbon Technology Programmes,
http://www.decc.gov.uk/en/content/cms/
news/pn10_84/pn10_84.aspx
Science et Technologie au Royaume-Uni  Juillet-Août 2010
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