Maman a un problème - Eki-Lib
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Sélection Le mensuel le plus lu au Québec Reader’s Digest Août 2005 Maman a un Problème! Cataloguée comme une maladie d’ados, l’anorexie commence à faire des ravages parmi les 40-50 ans, en particulier chez les femmes. L’ANECDOTE est rapportée par une psychiatre. Angoissée, déprimée, une de ses patientes âgées de 18 ans était obsédée par son image corporelle et la quantité de nourriture qu’elle absorbait… sans toutefois présenter de réel trouble alimentaire. Puis, lors d’une rencontre, elle a laissé éclater sa colère contre sa mère : « Sa silhouette, c’est tout ce qui compte pour elle ! Elle est toujours au régime. Depuis la semaine dernière, elle porte mes robes taille 3 du secondaire. Imaginez ! Maintenant, je fais du 6… A votre avis, elle a un problème ? » Au début, sa mère faisait de l’exercice trois fois par semaine, sur l’avis de son médecin. Puis le nombre des séances et leur intensité ont pris des proportions inquiétantes. Très vite, elle s’est mise à faire du sport au moins deux heures par jour, souvent quatre. Elle prenait des purgatifs deux fois par semaine et avalait des pilules amaigrissantes pour « gérer » son poids. « Oui, cette mère avait un sérieux problème », conclut la psychiatre Kathryn Zerbe dans une récente recherche sur les troubles du comportement alimentaire à l’âge adulte. Le milieu médical connaît bien les troubles de l’alimentation et de l’image corporelle chez les adolescentes et les jeunes adultes. Mais il constate maintenant une incidence grandissante de l’anorexie mentale et de la boulimie dans d’autres segments de la population, par exemple chez les athlètes et les homosexuels. C’est toutefois chez les femmes de 30 à 60 ans que ces phénomènes progressent le plus rapidement. La Par Nora Underwood Sélection Reader’s Digest Août 2005 alimentaire se sont multipliés chez plupart des patientes sont les adolescentes et les jeunes d’anciennes anorexiques et boulimiques qui renouent avec leurs adultes à la fin des années 1960 et au début des années 1970, en vieux démons, le cycle infernal de partie à cause d’un revirement dans l’hyperphagie (surconsommation l’idéal de beauté féminine : alimentaire) alternant avec les vomissements provoqués, le sport à brusquement, les stars du cinéma aux rondeurs voluptueuses outrance et le jeûne incontrôlé. cédaient la place aux mannequins brindilles. Aujourd’hui, les Les professionnels de la santé anorexiques de cette époque traitent aussi des femmes adultes atteignent l’âge mûr—mais leurs qui développent des troubles troubles alimentaires ne sont pas alimentaires et se lancent soudain derrière elles pour autant. dans une activité physique forcenée pour la première fois de « Beaucoup de femmes refusent leur vie. Souvent, elles réagissent de vieillir, souligne Ellen Haimoff. ainsi aux crises de la trentaine ou À 30, 40 ou 50 ans, elles craignent de la quarantaine. Ellen Haimoff, de passer à l’étape suivante. » psychologue clinicienne à Leur comportement alimentaire est Manhattan, cite le cas d’une souvent perturbé à la suite d’un patiente qui a cessé de s’alimenter stress majeur : leurs enfants quand elle a découvert que l’homme quittent la maison ; leurs parents auquel elle était mariée depuis 20 tombent malades ; elles craignent ans l’avait trompée tout ce tempsque leur mari ne les quitte pour une là. Une autre est devenue jeunesse. Sans compter que la anorexique après que ses quatre enfants eurent quitté la maison. ménopause a des conséquences physiologiques et Son mari, un pédiatre obnubilé par son travail, psychologiques souvent n’a pas remarqué qu’elle difficiles à gérer. était passée de 63 kg à 27kg en six mois. Le mensuel le plus lu au Québec LES TROUBLES comportement du Par Nora Underwood Sélection Le mensuel le plus lu au Québec Reader’s Digest Août 2005 Les signes à surveiller ELLE CHIPOTE. Votre compagne est obsédée par son alimentation ? Elle élimine des groupes alimentaires entiers, par exemple les glucides ou les protéines. Elle compte la moindre des calories qu’elle consomme. Redoublez de vigilance si elle se met à manger seule, à l’abri des regards. S’HABILLER : UN CALVAIRE. A la moindre sortie, il lui faut plus d’une heure pour choisir ses vêtements. Elle essaie d’enfiler des robes trop justes pour elle, puis elle éclate en sanglots en s’apercevant qu’elle n’y arrive pas. BOURREAU DE TRAVAIL. Même si elle réussit bien dans sa carrière, elle veut toujours faire mieux. Elle travaille pendant ses congés et se dit trop fatiguée pour faire l’amour. ACCRO AU SPORT. Elle va au gymnase tous les jours, mais ses performances ne trouvent jamais grâce à ses yeux. L’exercice figure peu à peu en tête de ses priorités. Il empiète sur son travail, sa vie familiale et ses autres activités. DÉPRIME. Elle est léthargique et ne prend aucun plaisir aux activités qu’elle aimait jusque-là. Elle restreint sa vie sociale et ne fait pas d’exercice ou très peu. MÉCONNAIS-SABLE. Elle ne s’intéresse plus qu’à elle-même. Son estime de soi s’est détériorée. L’excès est la régie : elle surveille trop son alimentation, fait trop de sport, s’inquiète trop de sa silhouette. TOUJOURS MOINS. Elle a perdu les trois kilos qui lui pesaient aux hanches, mais cela ne lui suffit plus. Elle veut en perdre trois autres, puis encore trois. Chaque fois qu’elle atteint son but, au lieu de s’en réjouir, elle trouve que ce n’est pas assez. SUR LA DÉFENSIVE. Quand vous voulez lui parler des changements que vous constatez chez elle, elle se fâche ou justifie son comportement par des raisons qui semblent plausibles. Par Nora Underwood Sélection Reader’s Digest Août 2005 acheterdes quantités parents—mais quii industrielles de prend soin d’elles ? diurétiques et de En fait, il leur est laxatifs, boire des très facile de dizaines d’espressos dissimuler leurs sans sucre par jour troubles alimentaires et consommer des à leur entourage. drogues et des Contrairement aux médicaments… adolescentes, elles Personne n’a l’œil sur n’ont de comptes à elles. rendre à personne. Elles peuvent aller au centre sportif aussi souvent qu’elles le veulent Le mensuel le plus lu au Québec A tout cela s’ajoutent des critères de beauté de plus en plus draconiens. « Les femmes de 40 ou 50 ans cherchent à ressembler à celles qui en ont 20 ou 30, résume Ellen Haimoff. Elles veulent rester dans la course et se scrutent dans le miroir sans répit. Si seulement j’étais plus mince, se disentelles, j’aurais l’air Au plus jeune ! » début, elles se fixent un objectif raisonnable : perdre trois kilos ; faire du sport. Puis elles sont aspirées dans un cycle infernal. La plupart des quadragénaires s’occupent de leurs enfants ou de leurs Le point de vue des experts Le risque de troubles alimentaires dépend en grande partie du regard que nous posons sur notre corps. Dans une étude de Lindsay McLaren, une chercheuse de l’université de Calgary, près de 80% des femmes de 54 ans interrogées se disaient insatisfaites de leur corps. Ce mécontentement n’épargne pas les femmes d’un poids normal : plus de la moitié d’entre elles n’aiment pas leur silhouette. Lindsay Mc Laren précise que les taquineries sur le tour de taille ou le poids, même les plus inoffensives en apparence, peuvent porter un dur coup à l’opinion qu’une femme a d’ellemême. Plus riches et plus instruites, les femmes des classes sociales supérieures sont encore plus critiques vis-à-vis de leur apparence. Le Dr Diane Mickley, de l’Association américaine de la lutte contre les troubles alimentaires, constate que les femmes qui souffrent de perturbations de l’alimentation sont généralement des perfectionnistes soucieuses d’exceller dans toutes leurs entreprises. Par Nora Underwood Sélection Reader’s Digest Août 2005 constituent pas un phénomène L’obsession de l’exercice physique nouveau en soi, mais l’époque peut y constitue souvent un être plus ou moins propice. Les bon indicateur des générations précédentes ont vécu problèmes d’image deux guerres mondiales ainsi qu’une corporelle. Les sportives terrible récession économique, compulsives s’inquiétant note Kathryn Zerbe. Survivre à beaucoup de leur allure et ces calamités et nourrir sa famille sont généralement décemment constituaient alors un perfectionnistes, explique r véritable tour de force. Quand la le D Alayne Yates, paix et la prospérité sont professeure de revenues, les parents n’ont voulu psychiatrie à l’université priver leurs enfants de rien. « Les d’Hawaii à Honolulu et baby-boomers ont grandi dans un spécialiste des troubles univers oÙ tout leur était offert alimentaires et sportifs. Les sur un plateau d’argent », ajoute la « boulimiques du sport » sont spécialiste. tellement obsédées par l’exercice Les adultes sont plus que tout le reste passe au second nombrilistes qu’autrefois, conclutrang. « Leur vie tourne tout elle. Et ils sont aussi plus attachés entière autour de l’athlétisme, au paraître. « Nous accordons une explique le r importance démesurée aux signes D Yates. Elles ne vont plus aux fêtes parce qu’elles doivent se extérieurs de réussite : le lever tôt pour aller courir. Elles nombre de prix que nous deviennent moins sociables, gagnons, le nombre de s’isolent et peuvent sombrer dans compliments qu’on nous fait. Ce qui devrait la dépression. » Plus alarmant encore, cet compter le plus à nos yeux, ce sont les gens que nous entraînement excessif peut aimons, que nous aidons, engloutir plus de 3500 calories par semaine, sans contre-partie que nous appuyons dans leur différence, par exemple nos nutritionnelle. La santé physique en souffre considérablement : enfants. Nous devrions nous problèmes cardiaques,accroissemet réjouir de leurs succès au lieu de du risque d’ostéoporose, leur faire concurrence. » En plus affaiblissement du système d’être narcissique, la génération immunitaire… Les troubles de actuelle des quadragénaires et l’alimentation chez l’adulte ne quinquagénaires n’a pas le cœur à Le mensuel le plus lu au Québec Par Nora Underwood Sélection Reader’s Digest Août 2005 rire. « Plutôt que de tout prendre un bon groupe de soutien ou une au tragique, il faut apprendre à psychothérapie individuelle, on sourire des tracas de l’âge… obtient souvent d’excellents Évidemment, ce n’est pas toujours résultats. » facile. » LES CONSÉQUENCES des Un point encourageant : quand troubles alimentaires sur la santé les femmes adultes décident de des adultes sont encore mal consulter un médecin pour leurs connues. Toutefois, les problèmes troubles alimentaires, les de santé qui frappent actuellement traitements fonctionnent souvent les anciennes adolescentes très bien. Les anciennes anorexiques n’incitent pas à anorexiques doivent réapprendre l’optimisme. les saines réactions acquises à Et les personnes d’âge mûr qui l’adolescence pour vaincre leurs deviennent anorexiques doivent comportements destructeurs. savoir qu’elles ne mettent pas Celles qui vivent ce problème pour seulement en danger la première fois adopteront une leur santé physique et mentale, stratégie un peu différente. mais aussi leur couple et leurs « Elles doivent définir ce qui les relations, en plus d’exercer une intéresse vraiment influence dévastatrice sur les dans la vie, explique jeunes qui les entourent. Ellen Haimoff. En fait, « Les mères qui s’inquiètent trop le remède consiste en de leur poids accroissent le risque grande partie à se de troubles alimentaires chez leurs découvrir soi-même. » enfants, résume Ellen Haimoff. Kathryn Zerbe aime Cessez d’enchaîner régime sur travailler avec les régime, de surveiller votre tour de « quadras » et les taille à la loupe ou de négliger « quinquas » : « Les votre famille pour aller au jeunes adultes, il faut gymnase… Vos préados vous les pousser pour qu’ils observent et se disent : Si ma changent. Les personnes d’âge mère hait son corps à ce point, elle mûr, nous devons plutôt les ralentir doit trouver le mien encore plus et les aider à faire face aux laid.» problèmes existentiels tels que le deuil et autres coups du sort. Avec Le mensuel le plus lu au Québec Par Nora Underwood