Le Paris des Maisons Hantées - Infos

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Le Paris des Maisons Hantées - Infos
Le Paris des Maisons Hantées
L'interminable soupir de la servante du n° 1 de l'avenue Frochot, dans le 9ème arrondissement...
Cette bâtisse porte la poisse. L'une des habitantes y fut assassinée et hante depuis les lieux, deux
autres y sont morts de maladie. Sylvie Vartan, elle, a préféré la revendre.
"Monsieur, j'ai entendu des pas. Étiez-vous là tout à l'heure?"
C'est un ouvrier qui parle. Arrivé le jour même de Dordogne, en 1986, avec deux compagnons pour
retaper la nouvelle maison de Patrick de L, au 1 avenue Frochot. Un hôtel particulier de la première
moitié du XIXème siècle, à la solennité lugubre de cathédrale. Verticalité des ornements de façade,
vitraux au rez-de-chaussée, sombre salon décoré de boiseries, croisées d'ogives au plafond. Du pur
style néo-gothique. La grande mode dans les années 1830. Un cadre idéal pour les grandes frayeurs.
Et du sur-mesure pour Patrick.
Quand ce grand et maigre dandy de 60 ans bien tassés, fils du fondateur du Lido et grand amateur
d'opéra, fasciné par "le bizarre, l'abandonné, l'univers de Huysmans" a acheté cette maison, une
voisine l'a prévenu: elle est "habitée". Il se trouve que lui, les fantômes, il connaît: "A Tanger déjà il
y en avait un dans ma maison. Il venait s'asseoir la nuit dans la chambre d'ami. Je n'en parlais
jamais mais au petit-déjeuner, ça ne manquait pas. Mes invités me racontaient systématiquement la
même histoire: la porte qui s'ouvre, une présence sur le lit..." Avenue Frochot, le fantôme serait une
ancienne servante.
Première période.
Pierre-Alexis Ponson du Terrail, inventeur du héros Rocambole dans les années 1860, habite la
demeure. Elle est ensuite rachetée par le compositeur d'opérettes Victor Massé qui l'occupe jusqu'à
sa mort en 1884. Avant d'être revendue au directeur des Folies Bergères au début du XXème siècle.
Deuxième période.
Soixante dix ans ont passé. La femme de chambre du dernier propriétaire, héritière de sa fortune, est
assassinée dans l'escalier. Sauvagement, à coups de tisonnier. La bâtisse est mise sous scellés, le
meurtrier ne sera jamais retrouvé.
Dernière période.
A la fin des années 1970, Sylvie Vartan achète l'hôtel particulier. Elle n'y habitera jamais. "Cette
maison l'inquiétait", disent les uns. "C'est le cadeau de rupture de Johnny, elle ne s'y sentait pas
bien", relativisent les autres. La chanteuse la revend à Matthieu Galey, journaliste-chroniqueur du
théâtre parisien qui, le 10 mars 1978, écrit dans son journal: "Acheté la maison Frochot. Un peu
l'impression de m'endetter pour acheter mon tombeau gothique" (Matthieu Galey, Journal 19741986, chez Grasset).
Prémonitoire: il y meurt huit ans plus tard. De la même pathologie que celle qui a terrassé Victor
Massé un siècle plus tôt: la maladie de Charcot. Curieux hasard.
De ces histoires, les ouvriers de Patrick de L ont-ils entendu parler. Le nouveau propriétaire, lui,
n'en a soufflé mot. Mais dans le quartier, les rumeurs vont bon train. Et ces "gars solides, les pieds
sur terre" se posent des questions. L'un assure avoir entendu marcher au premier étage, inoccupé.
L'autre a senti un souffle sur sa nuque en descendant l'escalier. Le fantôme de la femme de
chambre? Une certitude: ils refusent de passer la nuit sur place.
Pour Patrick en revanche, c'est une aubaine: "Je n'ai pas peur des fantômes. Il s'agit peut-être d'une
âme en peine qui demande de l'aide. J'ai fait appel à un ami prêtre pour s'en occuper". Un poil
exorciste, l'abbé passe à l'action: "Il a revêtu une chasuble noire brodée d'argent, il sait que j'adore le
spectacle. Puis il a fait des prières pour cette femme et béni les lieux". Le fantôme de la femme de
chambre aurait depuis cessé de se manifester.
Mais la maison reste inoccupée.
Patrick n'envisage pas d'y vivre, il veut simplement "y donner des concerts et des réceptions". Du
coup, il en rajoute. Il évoque volontiers les traces laissées par le cercueil de Matthieu Galey sur le
mur de la cage d'escalier et décore son salon de grands chandeliers et d'un tapis néo-gothique. Il
rappelle aussi l'intérêt que Jack Nicholson portait à la maison de l'avenue Frochot. "Il a failli
l'acheter à ma place. Vous imaginez Shining ici?".
Histoire extraite de "Paris Obs-Nouvel Observateur" n° 2088 de Novembre 2004
Source : Dandelililion