Handicap mental et troubles du comportement

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Handicap mental et troubles du comportement
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D E S PA P I L L O N S B L A N C S D E L’E S S O N N E
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N UMÉRO
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Handicap mental et troubles du comportement
Comment le handicap mental peut être facteur de difficultés d’intégration à son milieu social ?
Tributaire de la construction de la personnalité mais aussi de l’environnement, le comportement humain est
une donnée observable par autrui. Le
relevé précis des signes qui composent différents types de comportement
permet de reconnaître les tableaux cliniques des maladies et notamment
celui du handicap mental.
Altérant plus ou moins profondément
l’organisation de la personnalité, le
handicap mental opère généralement
dans le domaine du comportement des
perturbations manifestes. Ainsi, dès la
présentation de la personne handicapée, on peut observer des signes caractéristiques de malformations dans sa
morphologie, d’altération dans sa
mimique, pauvreté ou outrance
mimique voire expressions mimiques
paradoxales, expressions émotionnelles excessives ou inadaptées, etc.
La tenue, pour autant qu’elle exprime
l’adaptation du comportement aux
règles de convenances sociales, peut
être modifiée dans le sens du désordre, de l’excentricité ou à l’inverse dans
celui du raffinement maniéré.
Mais c’est surtout au niveau du langage
qu’on peut retrouver des signes caractéristiques dans la façon de parler, de
converser allant de l’appauvrissement
aux impulsions verbales, l’excitation
(cris, vociférations, etc.) ou à son
contraire : inhibition, mutisme, voire
des bizarreries comme le soliloque, la
mussitation ou le dialogue hallucinatoire.
Expression de l’âme et du jugement, le
langage peut être perturbé sur différents niveaux : articulation, débit, pauvreté orale, retard, non développement,
au niveau de l’écriture, inaptitude,
impossibilité d’apprentissage, absence,
etc.
Inscrite dans une situation de rencontre entre deux sujets, l’observation ne
doit pas se borner à la simple description des symptômes mais tenter de
cerner aussi le vécu de la personne
handicapée et noter les perturbations
du contact avec autrui, confiance,
coopération, docilité, attachement ou
dans le sens inverse, opposition, hostilité et voire quand la personne handicapée ne saisit pas le sens de la
rencontre, indifférence, insouciance
béate ou passivité machinale.
C’est avec la famille ou l’entourage
qu’on retrouvera les troubles d’adaptation dans la vie quotidienne de la
personne handicapée en ce qui concerne les soins corporels, le coucher, les
conduites sexuelles, les conduites alimentaires, la vie familiale, l’activité
professionnelle laborieuse et parfois
d’éventuelles réactions antisociales,
fugues, suicide, délinquance etc. liées
souvent à l’humeur changeante et
explosive.
Il faut savoir enfin que les troubles du
comportement créent non seulement
des difficultés à la personne handicapée mais aussi à autrui. Les réactions
du milieu où vit la personne handicapée déterminent en grande partie les
troubles de son adaptation.
qui savent qu’en dehors du recours à
d’éventuelles médications chimiques,
les relations affectives qui les unissent à la personne handicapée sont en
dernier ressort les leviers du travail
psychopédagogique toujours nécessaire pour réduire les troubles du comportement.
Pr Henri-Nhi Barte
Professeur des Universités.
Docteur en Psychologie.
Médecin des Hôpitaux
Psychiatriques.
Liées à la culture d’une époque et aux
représentations subjectives de chacun
sur le handicap, les réactions du milieu
vont généralement dans le sens soit de
la tolérance, de la mise sous tutelle, soit
du rejet manifeste (brimades, moqueries) ou indirect. A cette intolérance ou
incompréhension du milieu, la personne handicapée peut répondre par des
caprices, des explosions, la bouderie
ou, au contraire le repliement, l’insouciance ou la passivité morbide. C’est en
ce sens qu’il faut prendre en considération les échanges affectifs constitutifs de la rencontre interhumaine
pour donner un sens global de l’existence à soi et à l’autre. Ceci ne saurait
étonner la famille ou le professionnel
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Handicap mental et maladie mentale
Le handicap est un désavantage résultant d'une déficience ou d'une incapacité qui gène ou limite le sujet dans
l'accomplissement de son rôle social.
La classification internationale du handicap établie par l'OMS (Organisation
Mondiale de la Santé) définit la déficience comme "toute perte de substance ou altération d'une structure
ou fonction psychologique, physiologique ou anatomique".
La déficience correspond à l'aspect
lésionnel du handicap. Elle peut être un
état temporaire ou permanent. Elle
n'implique pas forcément que l'individu soit considéré comme malade.
Ainsi, la définition du handicap mental correspond à un handicap créé par
un déficit mental, c'est-à-dire que la
déficience intellectuelle, qui est une
capacité limitée et permanente des
facultés intellectuelles, peut se traduire par une incapacité d'apprendre et
entraîner des difficultés à faire face
au quotidien.
La capacité correspond à l'aspect fonctionnel du handicap. Enfin, le désavantage correspond à l'aspect
situationnel du handicap. Il résulte
d'un déficience ou d'une incapacité
qui limite ou rend impossible l'accomplissement d'un rôle normal (en rapport
avec l'age, le sexe, les facteurs sociaux
et culturels).
La maladie mentale est une altération
de l'état de santé relative au psychisme (handicap psychique) et aux fonc-
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tions intellectuelles. C'est une perturbation qui affecte la pensée, les sentiments ou le comportement d'une
personne à un point tel que sa conduite devient incompréhensible et inacceptable pour son entourage. L'individu
est affecté autant dans son équilibre
personnel que dans ses relations avec
autrui.
Parmi les déficiences intellectuelles,
on distingue :
• Les arriérations mentales où le déficit intellectuel est au premier plan
avec une origine organique (neurobiologique) reconnue ou supposée
dans la plupart des cas.
• Plusieurs modes d'expression psychopathologiques qui comportent ou
peuvent comporter un déficit intellectuel : détériorations secondaires,
carences affectives, certains états
psychotiques…
Les causes de la déficience sont parfois évidentes mais le plus souvent le problème est complexe.
L'enquête est conduite en
fonction des données de
l'anamnèse (histoire de la
personne handicapée et
de la famille) et de l'examen clinique qui permettent d'évoquer une
origine anténatale, prénatale, postnatale ou
indéterminée.
Les causes sont nombreuses :
• Trisomie, souffrance néonatale sévère.
• Maladie et syndromes rares identifiés.
• Détériorations secondaires à des maladies ou accidents connus : maladies
dégénératives du système nerveux
central, maladies métaboliques, encéphalites, encéphalopathies progressives, méningites compliquées,
traumatismes crâniens, etc.
• 30 à 50 % des cas ont une cause
indéterminée.
La structure psychologique
du déficient intellectuel
On peut observer un retard de langage, de la propreté, de la marche, ou un
retard global. Les troubles associés sont
fréquents. Ce sont des troubles neurologiques et sensoriels (infirmité motri-
ce, épilepsie, déficits sensoriels) et des
troubles caractériels et affectifs (passivité ou excitation, symptomatologie
de type "psychotique ou névrotique"…).
Ainsi les troubles du comportement
sont des troubles observables directement dans les conduites et donc dans
la relation personne / entourage.
Ces troubles peuvent être réactionnels
(face au handicap), en rapport avec
les évènements extérieurs (changements qui peuvent sembler plus ou
moins importants).
L'atteinte intellectuelle favorise aussi
le développement de symptômes dits
"psychotiques" ou "autistiques" sous
forme de traits de comportement identiques à des personnes psychotiques ou
autistes (bizarrerie du comportement,
stéréotypies, etc.).
Ce n'est que lorsqu'ils perdurent sous
la même forme qu'ils peuvent prendre une signification pathologique. Les
comportements qui doivent alerter le
médecin sont, entre autre :
• Des conduites d'opposition
active (colère) ou passive
(apathie, instabilité).
• Des conduites "agressives" (comportements de
destruction, crises clastiques, etc.).
• Des conduites d'automutilation.
Conséquences pratiques
Au-delà du clivage entre la maladie et
le handicap mental, il est essentiel de
considérer la personne dans sa globalité. Ainsi, quel que soit le diagnostic
médical retenu, il est important d'évaluer :
• Où en est la personne par rapport aux
grandes fonctions (évaluer ses déficiences),
• Le langage, la logique, la psychomotricité,
• Ce qu'il en est de ses capacités dans
les actes élémentaires de la vie quotidienne,
• L'habillage, la toilette, l'hygiène,
• L'autonomie à l'extérieur,
• Les conséquences sur le cadre de vie
(vie sociale en groupe ou en famille),
• Les possibilités d'apprentissage et
d'évolution.
La qualité de vie doit être prise en
compte dans les mesures thérapeutiques proposées, à savoir des mesures
sociales d'accompagnement afin de
compenser le désavantage et d'éviter
l'exclusion.
Nicole Foucaud,
psychiatre à la MAS «L’Orée du Bois»
Alexandra Beucler,
psychologue à la MAS
« L’Orée du Bois »
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La question des troubles du comportement est à l’origine du projet du Foyer de Jour
La question des troubles du comportement dans le champ médico-social
accueillant des adultes est à l’origine
du projet du Foyer de Jour
Ce projet avait été mis à l’épreuve pendant plusieurs années à la S.A.S.
(Section d’Adaptation Spécialisée), service expérimental du C.A.T. de CorbeilEssonnes, alors situé dans le quartier
ouvrier de la Papeterie. Il répondait
aux besoins d’une partie de la population du C.A.T., admise à l’époque dans
cet établissement par défaut d’autres
structures pour adultes. La notion de
travail restait inaccessible aux candidats de la S.A.S., et, parfois une décompensation brutale venait interrompre un
travail peu productif, mais signe important pour les familles d’une normalisation reconnue socialement. La réalité
observée était moins gratifiante, et la
souffrance psychique des personnes
handicapées s’exprimait de façon
bruyante, parfois violente, angoissée et
angoissante. Les comportements aberrants mettaient en échec la pédagogie
éducative mise en œuvre pour des travailleurs handicapés, et, de plus rendait
difficile le travail des autres.
C’est donc en mars 1982, que La Petite
Maison, en contrebas du C.A.T. ouvrit
ses portes à treize personnes des ateliers présentant des troubles importants du comportement. Notre objectif
premier fut d’accueillir ce groupe hétérogène dans un lieu agréable et sécurisant, dégagé de toutes contraintes
de production. Il s’agissait de faire
connaissance, d’être reconnu, et d’établir une relation de confiance avec les
personnes handicapées,
mais aussi avec leur famille
par le biais d’entretiens
réguliers. L’amélioration des
conditions d’accueil a rapidement contribué à un
mieux être général. Nous
avons ensuite, et parallèlement, favorisé leur épanouissement, et évité les
régressions par le biais
d’activités variées prenant
en compte la dimension
psychique, les possibilités
physiques… A chaque fois
que cela nous semblait
souhaitable et possible
nous avons fait le nécessaire auprès des secteurs
de santé mentale pour des
suivis thérapeutiques menés souvent
sur plusieurs années. L’accès à la parole était alors nécessaire, ce qui ne correspondait qu’à une partie des
personnes accueillies… Sans entrer
dans les détails, cette période dite
expérimentale a porté ses fruits, pour
chacun d’entre eux, et pour d’autres
également qui ont pu dès 1989 être
admis au Foyer de Jour dont la capacité a alors été portée à 20 places.
Le Foyer de Jour, suite logique de « La
Petite Maison » poursuit maintenant le
travail commencé il y a 23 ans par un
groupe de professionnels engagés. De
ou internat occupationnel semblent peu
adaptées au moment de l’admission.
Notre expérience met en évidence
quelques paramètres à prendre en
compte pour mener à bien un travail
de qualité en direction des personnes
reçues et de leur famille.
• L’établissement doit être « à taille
humaine », l’architecture et la capacité d’accueil déterminent en grande partie son projet et le type de
prise en charge.
fait, ce travail se définit comme une
prolongation des prises en charge des
structures médico-sociales pour adolescents, ou des services sanitaires
infanto-juvéniles, même si nous sommes amenés quelquefois à recevoir
dans le cadre de stage d’évaluation
des personnes des secteurs adultes
souvent pris en charge depuis l’enfance dans le sanitaire. Nous accueillons
toujours une population formée en
majorité de personnes handicapées
mentales présentant des troubles en
général anciens de nature déficitaire
et/ou psychotique pour laquelle des
formules d’accueil de type C.A.T., M.A.S.
• Qualifications professionnelles et
ratio : le nombre suffisant de personnel qualifié au regard du nombre de personnes accueillies est un
élément majeur pour mener à bien ce
type de prise en charge. Actuellement,
pour 20 places autorisées, l’équipe
«éducative» est formée de 7 professionnels (= 6 équivalents temps plein),
dont les formations, et l’expérience
sont complémentaires. Les postes budgétaires sont des postes d’éducateurs
spécialisés. Cependant un psychomotricien à mi-temps, et une musicothérapeute interviennent de façon très
intéressante, que les prises en charge
soient réalisées en groupe ou en individuel.
• La présence d’un médecin psychiatre
nous est indispensable. Pour parler
simplement, son rôle et ses interventions sont nécessaires au reste de l’équipe afin de mieux comprendre ce qui
se passe, son soutien est très important. Il participe en donnant les bases
de compréhension nécessaires à l’élaboration du projet de travail. Pour ce
qui concerne la prise de médicament
dans l’établissement, son contrôle est
très important. L’analyse clinique et
celle des pratiques se font en réunion
chaque semaine, avec le médecin. Sa
présence lors des entretiens avec les
familles, tout comme celle de la direction et de l’éducateur référent, fait
partie de notre façon de travailler.
Cette étroite collaboration des éducateurs, voire de l’ensemble du personnel avec le psychiatre répond de
notre point de vue de la manière la plus
adéquate aux difficultés de la population accueillie.
• Favoriser et utiliser les échanges de
points de vue avec les autres intervenants professionnels, en s’efforçant
de travailler les aspects familiaux à
chaque fois que cela semble possible,
est souhaitable.
• Le recrutement des professionnels
doit veiller à maintenir une mixité
équilibrée en terme d’âge et de présence masculine et féminine.
L’expérience professionnelle est répartie entre les salariés, jeunes et « vieux
routiers ». Les formations sont encouragées.
• L’engagement et l’investissement
authentique des salariés envers cette population sont très importants
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La question des troubles du comportement… suite
pour un travail dans la durée.
• La bonne connaissance, dans le
respect du secret professionnel, des
personnes handicapées, de leur histoire, du contexte du moment, de
leur comportement habituel, des éléments ou interactions susceptibles de
déclencher un état de crise ou un
passage à l’acte… Toutes ces choses
qui se font sans bruit, et, que ces
personnes singulières nous enseignent, contribuent à une meilleure
perception de leurs possibles et de
leurs limites. Cette trame de travail,
l’attention, l’écoute, en bref, un certain savoir faire, participent à la
construction d’un cadre de traitement qui doit rester adapté à chaque
cas individuel.
• La dimension de la médiation communautaire et sociale est un axe de
travail important, ancrée dans une
réalité partagée. Il ne s’agit pas d’évoquer une insertion sociale utopique, mais bien de tenter, y compris
par ce biais, de rendre moins rigide
l’organisation psychique du sujet.
• Introduire la notion de souplesse
dans le fonctionnement de l’établissement, savoir déroger en expliquant.
La fermeté ne doit pas être synonyme de rigidité.
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Ces quelques lignes ne prétendent pas
répondre de façon exhaustive à la difficulté d’accompagner les personnes
souffrant de troubles importants du
comportement. Il est question pour
nous de répondre avec d’autres intervenants, de façon la plus adaptée possible à ceux et celles dont l’expression
de leur différence, de leur mal être, a
le plus souvent été synonyme de mise
à l’écart depuis l’enfance. Ces troubles
du comportement malmènent et mettent en échec les certitudes éducatives,
pédagogiques, avant-gardistes ou pas,
et depuis l’enfance. Les normes de
conduites socialement admises sont
perturbées, dérangées, par cette expression singulière de l’individu, cette
expression souvent angoissante et inaccessible, il faut bien le dire à l’entendement de chacun. La recherche du
sens est indispensable, mais celui-ci
se dérobe souvent.
Les familles ont vécu, et parfois vivent
encore cette situation douloureuse
comme culpabilisante. Pourtant, ce
sont elles qui assument encore trop
souvent cet enfant adulte qui reste une
énigme…
Martine Gomez
Directrice du foyer de jour
« Les Bordes »
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Chercher à comprendre, c’est déjà ne plus subir !
Notre fils porteur d’une trisomie 21 a
maintenant 35 ans. Il a vécu comme
tout le monde des évènements, des
changements qui l’ont plus ou moins
perturbé. Et nous, ses parents, nous
nous demandions si la cause de ces
perturbations était le handicap mental ou une maladie mentale.
Des exemples :
• Son stage d’essai au foyer de vie de
Draveil (il avait 20 ans) l’avait troublé dans son comportement. Un
temps de retour en famille a remis les
choses en place.
• Le deuil de parents de ses copains a
provoqué durant quelques temps des
réveils et pleurs la nuit.
• Le nouvel environnement du foyer
de Saint-Pierre-du-Perray (40 résidents) est différent de celui de Draveil
(15 résidents). A cet effet de nombre,
s’ajoute, sans doute, que les résidents fragiles sur le plan mental sont
plus nombreux (parlé fort, attitudes,
etc…), ce qu’il supporte mal.
Nous, parents, savons bien que chacun
de nous est plus ou moins sensible
aux évènements, capable de les dominer, les relativiser et donc ne pas en être
perturbé.
Le handicap mental ne serait-il pas
une fragilité dans ce domaine, qui peut
aller, provisoirement, jusqu’au trouble
mental ?
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N UMÉRO
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Trouver la clé !
Ma fille est trisomique. Elle a été un
bébé, puis une petite fille souriante,
agréable et heureuse de vivre, jusqu’à
ce qu’elle prenne conscience de sa différence… dans le regard de l’autre.
Que faire quand ça arrive ? Qui peut
aider ? Est-ce que ça va durer ?
Faut-il filtrer la vie et ses évènements
pour ne pas risquer de troubler notre
enfant ?
- Si oui, voir les conséquences,
- Si non, comment faire ?
Ces questions, tous les parents se les
posent.
N’est-il pas opportun de provoquer une
réunion de parents et personnel éducatif (éducateurs, AMP, psychologues)
pour clarifier ces questions ?
Jo Djivelekian
Administrateur
Mon enfant est souvent pour moi
une énigme. Avec les années, je m’aperçois que je ne dois jamais prendre son comportement au premier
degré. En effet, chaque fois que sa
façon de se conduire est décalée, difficile, voire violente, envers elle ou les
autres, je suis en présence de la
conséquence de ce qu’elle vient de
vivre. La déception, la frustration, la
peine, en sont la cause.
Une personne porteuse d’un handicap
mental est une personne à part entière et je considère ma fille comme
une adulte.
Pourtant, comment peut-elle comprendre les limites qui lui sont imposées et pourquoi, autour d’elle, ne lui
reconnaît-on pas le droit au respect
de la personne ?
Doit-on se sentir obligatoirement
coupable d’être handicapé mental ?
Nous sommes parfois toutes deux
désemparées : comment trouver la clé
pour se faire comprendre lorsqu’on est
différent ?
Jacqueline Herbin
Bénévole
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Pour des Maisons de Solenn adaptées
En tant que mère, depuis l'annonce du
handicap sur la table de travail jusqu'à
l'âge des 18 ans de mon fils, je croyais
être "tranquille" d'esprit, ayant accepté
intellectuellement l'erreur chromosomique à la conception, et compassionnellement dépassé le regard des
autres dans la vie quotidienne.
J'avais même accepté que parmi les différents trisomiques, certains pouvaient
faire "polytechnique" (par exemple écrire des poèmes, travailler en milieu ordinaire etc…) et d'autres non, dont mon fils.
Mais ce que je n'avais pas prévu, ce sont
les crises de l'adolescence.
Ne pouvant verbaliser ses peurs, ses
angoisses, ses peines, ses désirs, et avec
de surcroît un caractère hypersensible,
cela s'est manifesté par des crises d'op-
position, d'angoisse et de violentes colères. Malheureusement quand les crises
se produisent sur la voie publique, ce sont
les urgences psychiatriques.
Là, la blessure est encore trop à vif pour
en parler.
Je me suis consolée en voyant les problèmes d'autres parents confrontés aux
crises de leurs adolescents (fugues, drogues, alcool, échec scolaire, accident de
mobylette, anorexie, boulimie, comportements boarder-line, etc…).
J'ai découvert les associations de parents
et amis de malades mentaux. Leur souffrance n'est pas la même que la nôtre,
familles de personnes handicapées mentales, mais leur combat fait ressortir des
points identiques, comme le manque de
structures appropriées (F.AM. (*)), le
manque de personnel qualifié, le manque
de médecins psychiatres, etc…
Bref, d'une part, il faudrait trouver des
établissements adaptés aux urgences
pour soulager les parents (ou aussi quand
leur décès pourrait déstabiliser la personne handicapée mentale), ne pas
mélanger les personnes handicapées et
les malades mentaux et aider le personnel qui n'est pas forcément qualifié
pour faire face à des pathologies mentales différentes. D'autre part, dans les
établissements d'accueil (internat, externat, foyers) le personnel médico-pédagogique devrait être soulagé et étayé par
un personnel supplémentaire psychiatrique qualifié et adapté.
En effet, les CMPP** sont submergés, on
y manque de psy qui doivent faire la
navette entre l'hôpital, les urgences et
les consultations externes.
A l'image de notre société qui devient de
plus en plus violente, et pas seulement
en banlieue, où de plus en plus d'adultes sont consommateurs de médicaments psychotropes, où de plus en plus
de jeunes sont mal dans leur tête, il faudrait multiplier les "Maisons de Solenn"***
et créer des Maisons de Solenn spéciales pour handicapés mentaux ayant des
troubles du comportement.
Une maman
* F.AM. : Foyer d’Accueil Médicalisé (ces structures
commencent à se mettre en place ; une seule existe
en Essonne).
** CMPP = Centre Médico-Psycho-Pédagogique
*** Maison de Solenn créée en 2004 et inaugurée par
Mme Bernadette Chirac à Paris avec Patrick Poivre
d'Arvor en mémoire de sa fille Solenn.
Les troubles du comportement : je peux vous en parler !
Pour moi, les personnes handicapées
mentales avec des troubles du comportement ont leur place dans notre
société, malgré leur instabilité, leur
incohérence vis-à-vis des autres.
Elles sont parfois rejetées là où on ne
l’aurait pas pensé. Certains établissements leur sont fermés malgré leur
capacité à évoluer. Pourquoi toujours
penser qu’elles vont semer la zizanie,
alors qu’elles sont capables de s’insérer ? Pourquoi cette étiquette « AVEC
TROUBLES DU COMPORTEMENT » doitelle les faire partir perdantes d’office ?
Je trouve cela lamentable, car elles ont
aussi besoin du contact avec les autres
personnes, de lier amitié et de vivre comme tous les autres êtres.
Je suis maman monoparentale d’un adulte avec ces difficultés et je croise autour
de moi des regards indifférents. Alors, je
vous crie ma souffrance. Pourquoi ces
personnes sont-elles ainsi rejetées ?
Dans l’Essonne, il y a si peu d’établissements pour les accueillir. Il est urgent,
puisque les structures en place leur
ferment leurs portes, que l’on pense un
peu à ces personnes souffrant de troubles du comportement.
Voila le combat de titan auquel je suis
confrontée. Du courage, j’en ai, mais il
m’arrive parfois de baisser les bras face
à l’incompréhension que je rencontre.
J’ai assumé au détriment de ma vie
familiale.
Lorsque mon fils était petit, exclu des
crèches et des écoles maternelles, un
médecin m’a dit : « Ne vous inquiétez
pas, ce ne sera pas le fou du village ».
Comment on arrive à se
débrouiller dans la vie
Quand les parents ont des enfants
handicapés, soit ils le savent à la
naissance ou bien quand ils ont
des difficultés à l’école pour savoir
écrire et lire couramment. Ils sont
suivis par des psychologues ou bien
des orthophonistes pour parler
moins fort et aussi parler plus couramment.
Comment les personnes handicapées font-elles pour faire les courses en grande surface ? Soit elles
sont accompagnées par des moniteurs ou par une personne de la
famille.
Comme nous sommes des personnes
handicapées, nous avons beaucoup
de problèmes à cause du regard des
autres.
Je remercie beaucoup ma collègue
Sabine pour sa patience pour cet
article.
Sabine D. et Michael S.
Travailleurs au CAT de Draveil
Avec les années, je m’aperçois que peu
de choses ont changé. Maman assume,
oui mais, continuer encore et encore,
oui mais, jusqu’où ? Là est la question.
Une maman
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