Handicap mental et troubles du comportement
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Handicap mental et troubles du comportement
A T I R E - D ’A I L E - JOURNAL D E S PA P I L L O N S B L A N C S D E L’E S S O N N E - N UMÉRO Dossier 15 Handicap mental et troubles du comportement Comment le handicap mental peut être facteur de difficultés d’intégration à son milieu social ? Tributaire de la construction de la personnalité mais aussi de l’environnement, le comportement humain est une donnée observable par autrui. Le relevé précis des signes qui composent différents types de comportement permet de reconnaître les tableaux cliniques des maladies et notamment celui du handicap mental. Altérant plus ou moins profondément l’organisation de la personnalité, le handicap mental opère généralement dans le domaine du comportement des perturbations manifestes. Ainsi, dès la présentation de la personne handicapée, on peut observer des signes caractéristiques de malformations dans sa morphologie, d’altération dans sa mimique, pauvreté ou outrance mimique voire expressions mimiques paradoxales, expressions émotionnelles excessives ou inadaptées, etc. La tenue, pour autant qu’elle exprime l’adaptation du comportement aux règles de convenances sociales, peut être modifiée dans le sens du désordre, de l’excentricité ou à l’inverse dans celui du raffinement maniéré. Mais c’est surtout au niveau du langage qu’on peut retrouver des signes caractéristiques dans la façon de parler, de converser allant de l’appauvrissement aux impulsions verbales, l’excitation (cris, vociférations, etc.) ou à son contraire : inhibition, mutisme, voire des bizarreries comme le soliloque, la mussitation ou le dialogue hallucinatoire. Expression de l’âme et du jugement, le langage peut être perturbé sur différents niveaux : articulation, débit, pauvreté orale, retard, non développement, au niveau de l’écriture, inaptitude, impossibilité d’apprentissage, absence, etc. Inscrite dans une situation de rencontre entre deux sujets, l’observation ne doit pas se borner à la simple description des symptômes mais tenter de cerner aussi le vécu de la personne handicapée et noter les perturbations du contact avec autrui, confiance, coopération, docilité, attachement ou dans le sens inverse, opposition, hostilité et voire quand la personne handicapée ne saisit pas le sens de la rencontre, indifférence, insouciance béate ou passivité machinale. C’est avec la famille ou l’entourage qu’on retrouvera les troubles d’adaptation dans la vie quotidienne de la personne handicapée en ce qui concerne les soins corporels, le coucher, les conduites sexuelles, les conduites alimentaires, la vie familiale, l’activité professionnelle laborieuse et parfois d’éventuelles réactions antisociales, fugues, suicide, délinquance etc. liées souvent à l’humeur changeante et explosive. Il faut savoir enfin que les troubles du comportement créent non seulement des difficultés à la personne handicapée mais aussi à autrui. Les réactions du milieu où vit la personne handicapée déterminent en grande partie les troubles de son adaptation. qui savent qu’en dehors du recours à d’éventuelles médications chimiques, les relations affectives qui les unissent à la personne handicapée sont en dernier ressort les leviers du travail psychopédagogique toujours nécessaire pour réduire les troubles du comportement. Pr Henri-Nhi Barte Professeur des Universités. Docteur en Psychologie. Médecin des Hôpitaux Psychiatriques. Liées à la culture d’une époque et aux représentations subjectives de chacun sur le handicap, les réactions du milieu vont généralement dans le sens soit de la tolérance, de la mise sous tutelle, soit du rejet manifeste (brimades, moqueries) ou indirect. A cette intolérance ou incompréhension du milieu, la personne handicapée peut répondre par des caprices, des explosions, la bouderie ou, au contraire le repliement, l’insouciance ou la passivité morbide. C’est en ce sens qu’il faut prendre en considération les échanges affectifs constitutifs de la rencontre interhumaine pour donner un sens global de l’existence à soi et à l’autre. Ceci ne saurait étonner la famille ou le professionnel 7 Dossier A T I R E - D ’A I L E - JOURNAL D E S PA P I L L O N S B L A N C S D E L’E S S O N N E - N UMÉRO 15 Handicap mental et maladie mentale Le handicap est un désavantage résultant d'une déficience ou d'une incapacité qui gène ou limite le sujet dans l'accomplissement de son rôle social. La classification internationale du handicap établie par l'OMS (Organisation Mondiale de la Santé) définit la déficience comme "toute perte de substance ou altération d'une structure ou fonction psychologique, physiologique ou anatomique". La déficience correspond à l'aspect lésionnel du handicap. Elle peut être un état temporaire ou permanent. Elle n'implique pas forcément que l'individu soit considéré comme malade. Ainsi, la définition du handicap mental correspond à un handicap créé par un déficit mental, c'est-à-dire que la déficience intellectuelle, qui est une capacité limitée et permanente des facultés intellectuelles, peut se traduire par une incapacité d'apprendre et entraîner des difficultés à faire face au quotidien. La capacité correspond à l'aspect fonctionnel du handicap. Enfin, le désavantage correspond à l'aspect situationnel du handicap. Il résulte d'un déficience ou d'une incapacité qui limite ou rend impossible l'accomplissement d'un rôle normal (en rapport avec l'age, le sexe, les facteurs sociaux et culturels). La maladie mentale est une altération de l'état de santé relative au psychisme (handicap psychique) et aux fonc- 8 tions intellectuelles. C'est une perturbation qui affecte la pensée, les sentiments ou le comportement d'une personne à un point tel que sa conduite devient incompréhensible et inacceptable pour son entourage. L'individu est affecté autant dans son équilibre personnel que dans ses relations avec autrui. Parmi les déficiences intellectuelles, on distingue : • Les arriérations mentales où le déficit intellectuel est au premier plan avec une origine organique (neurobiologique) reconnue ou supposée dans la plupart des cas. • Plusieurs modes d'expression psychopathologiques qui comportent ou peuvent comporter un déficit intellectuel : détériorations secondaires, carences affectives, certains états psychotiques… Les causes de la déficience sont parfois évidentes mais le plus souvent le problème est complexe. L'enquête est conduite en fonction des données de l'anamnèse (histoire de la personne handicapée et de la famille) et de l'examen clinique qui permettent d'évoquer une origine anténatale, prénatale, postnatale ou indéterminée. Les causes sont nombreuses : • Trisomie, souffrance néonatale sévère. • Maladie et syndromes rares identifiés. • Détériorations secondaires à des maladies ou accidents connus : maladies dégénératives du système nerveux central, maladies métaboliques, encéphalites, encéphalopathies progressives, méningites compliquées, traumatismes crâniens, etc. • 30 à 50 % des cas ont une cause indéterminée. La structure psychologique du déficient intellectuel On peut observer un retard de langage, de la propreté, de la marche, ou un retard global. Les troubles associés sont fréquents. Ce sont des troubles neurologiques et sensoriels (infirmité motri- ce, épilepsie, déficits sensoriels) et des troubles caractériels et affectifs (passivité ou excitation, symptomatologie de type "psychotique ou névrotique"…). Ainsi les troubles du comportement sont des troubles observables directement dans les conduites et donc dans la relation personne / entourage. Ces troubles peuvent être réactionnels (face au handicap), en rapport avec les évènements extérieurs (changements qui peuvent sembler plus ou moins importants). L'atteinte intellectuelle favorise aussi le développement de symptômes dits "psychotiques" ou "autistiques" sous forme de traits de comportement identiques à des personnes psychotiques ou autistes (bizarrerie du comportement, stéréotypies, etc.). Ce n'est que lorsqu'ils perdurent sous la même forme qu'ils peuvent prendre une signification pathologique. Les comportements qui doivent alerter le médecin sont, entre autre : • Des conduites d'opposition active (colère) ou passive (apathie, instabilité). • Des conduites "agressives" (comportements de destruction, crises clastiques, etc.). • Des conduites d'automutilation. Conséquences pratiques Au-delà du clivage entre la maladie et le handicap mental, il est essentiel de considérer la personne dans sa globalité. Ainsi, quel que soit le diagnostic médical retenu, il est important d'évaluer : • Où en est la personne par rapport aux grandes fonctions (évaluer ses déficiences), • Le langage, la logique, la psychomotricité, • Ce qu'il en est de ses capacités dans les actes élémentaires de la vie quotidienne, • L'habillage, la toilette, l'hygiène, • L'autonomie à l'extérieur, • Les conséquences sur le cadre de vie (vie sociale en groupe ou en famille), • Les possibilités d'apprentissage et d'évolution. La qualité de vie doit être prise en compte dans les mesures thérapeutiques proposées, à savoir des mesures sociales d'accompagnement afin de compenser le désavantage et d'éviter l'exclusion. Nicole Foucaud, psychiatre à la MAS «L’Orée du Bois» Alexandra Beucler, psychologue à la MAS « L’Orée du Bois » A T I R E - D ’A I L E - JOURNAL D E S PA P I L L O N S B L A N C S D E L’E S S O N N E - N UMÉRO Dossier 15 La question des troubles du comportement est à l’origine du projet du Foyer de Jour La question des troubles du comportement dans le champ médico-social accueillant des adultes est à l’origine du projet du Foyer de Jour Ce projet avait été mis à l’épreuve pendant plusieurs années à la S.A.S. (Section d’Adaptation Spécialisée), service expérimental du C.A.T. de CorbeilEssonnes, alors situé dans le quartier ouvrier de la Papeterie. Il répondait aux besoins d’une partie de la population du C.A.T., admise à l’époque dans cet établissement par défaut d’autres structures pour adultes. La notion de travail restait inaccessible aux candidats de la S.A.S., et, parfois une décompensation brutale venait interrompre un travail peu productif, mais signe important pour les familles d’une normalisation reconnue socialement. La réalité observée était moins gratifiante, et la souffrance psychique des personnes handicapées s’exprimait de façon bruyante, parfois violente, angoissée et angoissante. Les comportements aberrants mettaient en échec la pédagogie éducative mise en œuvre pour des travailleurs handicapés, et, de plus rendait difficile le travail des autres. C’est donc en mars 1982, que La Petite Maison, en contrebas du C.A.T. ouvrit ses portes à treize personnes des ateliers présentant des troubles importants du comportement. Notre objectif premier fut d’accueillir ce groupe hétérogène dans un lieu agréable et sécurisant, dégagé de toutes contraintes de production. Il s’agissait de faire connaissance, d’être reconnu, et d’établir une relation de confiance avec les personnes handicapées, mais aussi avec leur famille par le biais d’entretiens réguliers. L’amélioration des conditions d’accueil a rapidement contribué à un mieux être général. Nous avons ensuite, et parallèlement, favorisé leur épanouissement, et évité les régressions par le biais d’activités variées prenant en compte la dimension psychique, les possibilités physiques… A chaque fois que cela nous semblait souhaitable et possible nous avons fait le nécessaire auprès des secteurs de santé mentale pour des suivis thérapeutiques menés souvent sur plusieurs années. L’accès à la parole était alors nécessaire, ce qui ne correspondait qu’à une partie des personnes accueillies… Sans entrer dans les détails, cette période dite expérimentale a porté ses fruits, pour chacun d’entre eux, et pour d’autres également qui ont pu dès 1989 être admis au Foyer de Jour dont la capacité a alors été portée à 20 places. Le Foyer de Jour, suite logique de « La Petite Maison » poursuit maintenant le travail commencé il y a 23 ans par un groupe de professionnels engagés. De ou internat occupationnel semblent peu adaptées au moment de l’admission. Notre expérience met en évidence quelques paramètres à prendre en compte pour mener à bien un travail de qualité en direction des personnes reçues et de leur famille. • L’établissement doit être « à taille humaine », l’architecture et la capacité d’accueil déterminent en grande partie son projet et le type de prise en charge. fait, ce travail se définit comme une prolongation des prises en charge des structures médico-sociales pour adolescents, ou des services sanitaires infanto-juvéniles, même si nous sommes amenés quelquefois à recevoir dans le cadre de stage d’évaluation des personnes des secteurs adultes souvent pris en charge depuis l’enfance dans le sanitaire. Nous accueillons toujours une population formée en majorité de personnes handicapées mentales présentant des troubles en général anciens de nature déficitaire et/ou psychotique pour laquelle des formules d’accueil de type C.A.T., M.A.S. • Qualifications professionnelles et ratio : le nombre suffisant de personnel qualifié au regard du nombre de personnes accueillies est un élément majeur pour mener à bien ce type de prise en charge. Actuellement, pour 20 places autorisées, l’équipe «éducative» est formée de 7 professionnels (= 6 équivalents temps plein), dont les formations, et l’expérience sont complémentaires. Les postes budgétaires sont des postes d’éducateurs spécialisés. Cependant un psychomotricien à mi-temps, et une musicothérapeute interviennent de façon très intéressante, que les prises en charge soient réalisées en groupe ou en individuel. • La présence d’un médecin psychiatre nous est indispensable. Pour parler simplement, son rôle et ses interventions sont nécessaires au reste de l’équipe afin de mieux comprendre ce qui se passe, son soutien est très important. Il participe en donnant les bases de compréhension nécessaires à l’élaboration du projet de travail. Pour ce qui concerne la prise de médicament dans l’établissement, son contrôle est très important. L’analyse clinique et celle des pratiques se font en réunion chaque semaine, avec le médecin. Sa présence lors des entretiens avec les familles, tout comme celle de la direction et de l’éducateur référent, fait partie de notre façon de travailler. Cette étroite collaboration des éducateurs, voire de l’ensemble du personnel avec le psychiatre répond de notre point de vue de la manière la plus adéquate aux difficultés de la population accueillie. • Favoriser et utiliser les échanges de points de vue avec les autres intervenants professionnels, en s’efforçant de travailler les aspects familiaux à chaque fois que cela semble possible, est souhaitable. • Le recrutement des professionnels doit veiller à maintenir une mixité équilibrée en terme d’âge et de présence masculine et féminine. L’expérience professionnelle est répartie entre les salariés, jeunes et « vieux routiers ». Les formations sont encouragées. • L’engagement et l’investissement authentique des salariés envers cette population sont très importants 9 Dossier A T I R E - D ’A I L E La question des troubles du comportement… suite pour un travail dans la durée. • La bonne connaissance, dans le respect du secret professionnel, des personnes handicapées, de leur histoire, du contexte du moment, de leur comportement habituel, des éléments ou interactions susceptibles de déclencher un état de crise ou un passage à l’acte… Toutes ces choses qui se font sans bruit, et, que ces personnes singulières nous enseignent, contribuent à une meilleure perception de leurs possibles et de leurs limites. Cette trame de travail, l’attention, l’écoute, en bref, un certain savoir faire, participent à la construction d’un cadre de traitement qui doit rester adapté à chaque cas individuel. • La dimension de la médiation communautaire et sociale est un axe de travail important, ancrée dans une réalité partagée. Il ne s’agit pas d’évoquer une insertion sociale utopique, mais bien de tenter, y compris par ce biais, de rendre moins rigide l’organisation psychique du sujet. • Introduire la notion de souplesse dans le fonctionnement de l’établissement, savoir déroger en expliquant. La fermeté ne doit pas être synonyme de rigidité. 10 Ces quelques lignes ne prétendent pas répondre de façon exhaustive à la difficulté d’accompagner les personnes souffrant de troubles importants du comportement. Il est question pour nous de répondre avec d’autres intervenants, de façon la plus adaptée possible à ceux et celles dont l’expression de leur différence, de leur mal être, a le plus souvent été synonyme de mise à l’écart depuis l’enfance. Ces troubles du comportement malmènent et mettent en échec les certitudes éducatives, pédagogiques, avant-gardistes ou pas, et depuis l’enfance. Les normes de conduites socialement admises sont perturbées, dérangées, par cette expression singulière de l’individu, cette expression souvent angoissante et inaccessible, il faut bien le dire à l’entendement de chacun. La recherche du sens est indispensable, mais celui-ci se dérobe souvent. Les familles ont vécu, et parfois vivent encore cette situation douloureuse comme culpabilisante. Pourtant, ce sont elles qui assument encore trop souvent cet enfant adulte qui reste une énigme… Martine Gomez Directrice du foyer de jour « Les Bordes » - JOURNAL D E S PA P I L L O N S B L A N C S D E L’E S S O N N E Chercher à comprendre, c’est déjà ne plus subir ! Notre fils porteur d’une trisomie 21 a maintenant 35 ans. Il a vécu comme tout le monde des évènements, des changements qui l’ont plus ou moins perturbé. Et nous, ses parents, nous nous demandions si la cause de ces perturbations était le handicap mental ou une maladie mentale. Des exemples : • Son stage d’essai au foyer de vie de Draveil (il avait 20 ans) l’avait troublé dans son comportement. Un temps de retour en famille a remis les choses en place. • Le deuil de parents de ses copains a provoqué durant quelques temps des réveils et pleurs la nuit. • Le nouvel environnement du foyer de Saint-Pierre-du-Perray (40 résidents) est différent de celui de Draveil (15 résidents). A cet effet de nombre, s’ajoute, sans doute, que les résidents fragiles sur le plan mental sont plus nombreux (parlé fort, attitudes, etc…), ce qu’il supporte mal. Nous, parents, savons bien que chacun de nous est plus ou moins sensible aux évènements, capable de les dominer, les relativiser et donc ne pas en être perturbé. Le handicap mental ne serait-il pas une fragilité dans ce domaine, qui peut aller, provisoirement, jusqu’au trouble mental ? - N UMÉRO 15 Trouver la clé ! Ma fille est trisomique. Elle a été un bébé, puis une petite fille souriante, agréable et heureuse de vivre, jusqu’à ce qu’elle prenne conscience de sa différence… dans le regard de l’autre. Que faire quand ça arrive ? Qui peut aider ? Est-ce que ça va durer ? Faut-il filtrer la vie et ses évènements pour ne pas risquer de troubler notre enfant ? - Si oui, voir les conséquences, - Si non, comment faire ? Ces questions, tous les parents se les posent. N’est-il pas opportun de provoquer une réunion de parents et personnel éducatif (éducateurs, AMP, psychologues) pour clarifier ces questions ? Jo Djivelekian Administrateur Mon enfant est souvent pour moi une énigme. Avec les années, je m’aperçois que je ne dois jamais prendre son comportement au premier degré. En effet, chaque fois que sa façon de se conduire est décalée, difficile, voire violente, envers elle ou les autres, je suis en présence de la conséquence de ce qu’elle vient de vivre. La déception, la frustration, la peine, en sont la cause. Une personne porteuse d’un handicap mental est une personne à part entière et je considère ma fille comme une adulte. Pourtant, comment peut-elle comprendre les limites qui lui sont imposées et pourquoi, autour d’elle, ne lui reconnaît-on pas le droit au respect de la personne ? Doit-on se sentir obligatoirement coupable d’être handicapé mental ? Nous sommes parfois toutes deux désemparées : comment trouver la clé pour se faire comprendre lorsqu’on est différent ? Jacqueline Herbin Bénévole A T I R E - D ’A I L E - JOURNAL D E S PA P I L L O N S B L A N C S D E L’E S S O N N E - N UMÉRO Dossier 15 Pour des Maisons de Solenn adaptées En tant que mère, depuis l'annonce du handicap sur la table de travail jusqu'à l'âge des 18 ans de mon fils, je croyais être "tranquille" d'esprit, ayant accepté intellectuellement l'erreur chromosomique à la conception, et compassionnellement dépassé le regard des autres dans la vie quotidienne. J'avais même accepté que parmi les différents trisomiques, certains pouvaient faire "polytechnique" (par exemple écrire des poèmes, travailler en milieu ordinaire etc…) et d'autres non, dont mon fils. Mais ce que je n'avais pas prévu, ce sont les crises de l'adolescence. Ne pouvant verbaliser ses peurs, ses angoisses, ses peines, ses désirs, et avec de surcroît un caractère hypersensible, cela s'est manifesté par des crises d'op- position, d'angoisse et de violentes colères. Malheureusement quand les crises se produisent sur la voie publique, ce sont les urgences psychiatriques. Là, la blessure est encore trop à vif pour en parler. Je me suis consolée en voyant les problèmes d'autres parents confrontés aux crises de leurs adolescents (fugues, drogues, alcool, échec scolaire, accident de mobylette, anorexie, boulimie, comportements boarder-line, etc…). J'ai découvert les associations de parents et amis de malades mentaux. Leur souffrance n'est pas la même que la nôtre, familles de personnes handicapées mentales, mais leur combat fait ressortir des points identiques, comme le manque de structures appropriées (F.AM. (*)), le manque de personnel qualifié, le manque de médecins psychiatres, etc… Bref, d'une part, il faudrait trouver des établissements adaptés aux urgences pour soulager les parents (ou aussi quand leur décès pourrait déstabiliser la personne handicapée mentale), ne pas mélanger les personnes handicapées et les malades mentaux et aider le personnel qui n'est pas forcément qualifié pour faire face à des pathologies mentales différentes. D'autre part, dans les établissements d'accueil (internat, externat, foyers) le personnel médico-pédagogique devrait être soulagé et étayé par un personnel supplémentaire psychiatrique qualifié et adapté. En effet, les CMPP** sont submergés, on y manque de psy qui doivent faire la navette entre l'hôpital, les urgences et les consultations externes. A l'image de notre société qui devient de plus en plus violente, et pas seulement en banlieue, où de plus en plus d'adultes sont consommateurs de médicaments psychotropes, où de plus en plus de jeunes sont mal dans leur tête, il faudrait multiplier les "Maisons de Solenn"*** et créer des Maisons de Solenn spéciales pour handicapés mentaux ayant des troubles du comportement. Une maman * F.AM. : Foyer d’Accueil Médicalisé (ces structures commencent à se mettre en place ; une seule existe en Essonne). ** CMPP = Centre Médico-Psycho-Pédagogique *** Maison de Solenn créée en 2004 et inaugurée par Mme Bernadette Chirac à Paris avec Patrick Poivre d'Arvor en mémoire de sa fille Solenn. Les troubles du comportement : je peux vous en parler ! Pour moi, les personnes handicapées mentales avec des troubles du comportement ont leur place dans notre société, malgré leur instabilité, leur incohérence vis-à-vis des autres. Elles sont parfois rejetées là où on ne l’aurait pas pensé. Certains établissements leur sont fermés malgré leur capacité à évoluer. Pourquoi toujours penser qu’elles vont semer la zizanie, alors qu’elles sont capables de s’insérer ? Pourquoi cette étiquette « AVEC TROUBLES DU COMPORTEMENT » doitelle les faire partir perdantes d’office ? Je trouve cela lamentable, car elles ont aussi besoin du contact avec les autres personnes, de lier amitié et de vivre comme tous les autres êtres. Je suis maman monoparentale d’un adulte avec ces difficultés et je croise autour de moi des regards indifférents. Alors, je vous crie ma souffrance. Pourquoi ces personnes sont-elles ainsi rejetées ? Dans l’Essonne, il y a si peu d’établissements pour les accueillir. Il est urgent, puisque les structures en place leur ferment leurs portes, que l’on pense un peu à ces personnes souffrant de troubles du comportement. Voila le combat de titan auquel je suis confrontée. Du courage, j’en ai, mais il m’arrive parfois de baisser les bras face à l’incompréhension que je rencontre. J’ai assumé au détriment de ma vie familiale. Lorsque mon fils était petit, exclu des crèches et des écoles maternelles, un médecin m’a dit : « Ne vous inquiétez pas, ce ne sera pas le fou du village ». Comment on arrive à se débrouiller dans la vie Quand les parents ont des enfants handicapés, soit ils le savent à la naissance ou bien quand ils ont des difficultés à l’école pour savoir écrire et lire couramment. Ils sont suivis par des psychologues ou bien des orthophonistes pour parler moins fort et aussi parler plus couramment. Comment les personnes handicapées font-elles pour faire les courses en grande surface ? Soit elles sont accompagnées par des moniteurs ou par une personne de la famille. Comme nous sommes des personnes handicapées, nous avons beaucoup de problèmes à cause du regard des autres. Je remercie beaucoup ma collègue Sabine pour sa patience pour cet article. Sabine D. et Michael S. Travailleurs au CAT de Draveil Avec les années, je m’aperçois que peu de choses ont changé. Maman assume, oui mais, continuer encore et encore, oui mais, jusqu’où ? Là est la question. Une maman 11