Surun I. (dir.), Blais H., Caru V. et alii, Les sociétés coloniales à l`âge
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Surun I. (dir.), Blais H., Caru V. et alii, Les sociétés coloniales à l`âge
Surun I. (dir.), Blais H., Caru V. et alii, Les sociétés coloniales à l'âge des empires 1850-1960, Paris, 2012 Introduction Présentation du sujet Afrique, Asie, Antilles : des itinéraires coloniaux différents Dans les Antilles importance d'évènement de décision de fin de la traite esclavagiste, notamment par France en 1848. Désormais anciens esclaves sont citoyens français. De même à la fin du XIXème siècle passage de Cuba de l'empire espagnol à l'empire états-uniens. En Afrique et en Asie importance de « conception libérale » de l'empire colonial durant première moitié du XIXème siècle. De fait idée uniquement d'une présence localisée à but commercial sans volonté d'acquisition de nouveaux territoires. Toutefois, du fait de ces traités de commerce « inégaux » puissances impériales rognent la souveraineté des chefs d'Etat asiatiques et africains ce qui provoque des conflits de souveraineté et qui déclenche les conquêtes proprement dites. Néanmoins, coexistence de cette politique avec acquisition territoriales en bonne et due forme. Exemples des provinces indiennes dès le milieu du XVIIIème siècle (Bengale, Bihar et Orissa) ainsi que Java dans première moitié du XIXème siècle. En Afrique existence de territoires acquis par les puissances européennes avant 1850, notamment France avec Algérie à partir de 1830, Angleterre avec Le Cap en 1820 et Natal en 1840 et colons boers avec fondation de l'Etat du Transvaal en 1837. Originalité de ses territoires réside dans fait que mise en place d'une colonisation de peuplement, notamment avec envoi de 4.000 colons au Cap dès 1820 et immigration européenne en Algérie à partir de 1840. Seconde moitié du XIXème siècle est temps des conquêtes systématiques, à partir de 1850/60 en Asie et 1880 en Afrique, mais pas de mouvement massif de peuplement comme en Algérie ou Afrique du Sud hormis dans poches aux conditions climatiques favorables aux cultures d'exportations. Cette « seconde colonisation » est caractérisée par croyance forte du colonisateur en sa « mission civilisatrice ». Ce projet colonial infléchit relation coloniale puisque désormais cette dernière est vecteur de transmission de valeurs « civilisées » (raison technicienne, conceptions du travail et de la famille, religion etc...). En Afrique et en Asie cette politique s'applique sur indigènes, mais dans les Antilles populations visées par cela sont les esclaves affranchis. Idée que ces derniers sont des populations à éduquer. Quels empires ? Programme concerne bien sûr empires coloniaux européens (britannique, français, hollandais, , belge, portugais, espagnol et italien), mais aussi empires japonais et états-unien. Toutefois, problème de l'inclusion d'empire ottoman dans sujet. Certes appétit des autres puissances impériales, notamment par biais de traités garantissant protection des ressortissants européens dans territoire ottoman et ajout de nombreuses populations non européennes dans ce groupe ainsi qu'offensive missionnaire auprès des populations chrétiennes d'empire ottoman, est intéressant, mais il ne s'agit que d'un impérialisme informel qui n'autorise pas à parler de « sociétés coloniales ». Aperçu chronologique Années 1850 sont une décennie charnière entre « anciens » et « nouveaux » empires. Durant années 1900 achèvement des conquêtes des dernières colonies et arrivée d'administrateurs civils à la place des militaires, colonies conquises précocement arrivent à fin de cycle de mise en place des sociétés coloniales, caractérisé par installation de 1 groupes intermédiaires. De fait durant années 1900 durcissement des clivages et des catégories du fait de mesures visant à compliquer la possibilité d'interactions entre colonisateurs et colonisés. Première Guerre mondiale est tournant puisque conscription et recrutement important de main d'oeuvre coloniale permettent à domination impériale de s'enraciner dans les sociétés coloniales, mais cela provoque également de nouvelles résistances et de nouvelles attentes. Entre deuxguerres est période de réformes, mais qui sont limitées jusque dans les années 1940. Suite à Deuxième Guerre mondiale pression des mouvements nationalistes radicalise les revendications ce qui fait que réformes plus importantes de la part des empires, mais trop tardives. 2 Historiographies et débats De l'histoire de la colonisation à l'histoire coloniale Histoire de la colonisation est d'abord rédigée par administrateurs et hommes politiques associés à entreprise coloniale, mais aussi par universitaires qui écrivent histoire apologétique dans un premier temps puis plus critique. Premiers travaux : Travaux français publiés entre années 1960 et 1980 relèvent de trois approches différentes : 1/ Modes d'administration, législation définissant statut des sujets coloniaux, participation d'auxiliaires indigènes à administration et idéologie d'entreprise coloniale. 2/ Débat autour de facteurs économiques dans décision de colonisation et questionnement sur rentabilité des investissements réalisés dans le secteur colonial. Economistes dénoncent pillage des ressources dans les colonies et certains historiens, dont Coquery-Vidrovitch, étudient économie coloniale. D'autres historiens, dont Brunschwig, souligne rôle de facteurs politiques dans émergence d'impérialisme européen. Pour la France étude quantitative du commerce et des investissements faits dans colonies a permis de mettre en lumière caractère décevant d'intérêt économique de l'empire colonial français (Marseille). 3/ Histoire sociale des populations colonisées, notamment rurales, et ouverture sur nouvelles catégories sociales telles que les ouvriers. Deux premières approches étudient essentiellement point de vue et actes des colonisateurs depuis leur point de vue ce qui traduit donc histoire de colonisation. De l'autre côté troisième approche permet rupture avec objet des deux premières approches. Dès lors on peut parler d'histoire coloniale, proche des Colonial Studies anglo-saxonnes. Histoire coloniale et « aires culturelles » : Mise en place d'une articulation entre histoire coloniale et ancrage dans aires culturelles à travers des problématiques d'histoire sociale, économique et politique. Histoire des savoirs a permis, notamment autour de question d'historicisation de concepts tels qu'ethnie, de faire jonction entre histoire coloniale des historiens et anthropologues des aires culturelles. Histoire impériale versus histoire coloniale La « nouvelle histoire impériale » : Nouvelle histoire impériale a permis, du fait de jonction avec thématique développées par courant des Postcolonial Studies, de mettre en lumière phénomène de co-construction des empires et des nations à travers thème de définition des catégories de la citoyenneté. Plus Etat métropolitain européen qui crée empire par conquête et domination, mais empire qui forge la nation. Une histoire de l'administration coloniale : Débat sur modes d'administration directe ou indirecte constitue grand classique, mais intérêt car aborde des questions qui étaient toujours à l'esprit des administrateurs. Toutefois, ce doit être uniquement une introduction à histoire des pratiques de terrain où les catégories sont beaucoup plus fluctuantes. Nécessité d'étude d'articulation entre discours et pratiques, comme cela a été fait pour Lyautey. Empires hétérogènes : Importance du renouvellement de l'histoire impériale par travaux de Burbank et Cooper. Idée d'existence d'une « politique de la différence » par maintien de distinctions entre centre et périphéries, entre peuples incorporés différemment administrés et dans chaque territoire entre les diverses catégories de sujets. Travail avec les intermédiaires et politique de la différence sont ressorts des dominations impériales en préservant loyauté des sujets tout en maintenant assujettissement. Empires sont des formations politiques en constante tension et qui administrent territoires grâce à « bricolage » administratif avec failles, discontinuités et contradictions. L'Etat colonial en question : Etat colonial fait débat. Certains, tels Le Cour Grandmaison, insistent sur dimension coercitive et violence alors que d'autres, comme Bertrand, mettent en avant dimension idéologique qui sert de légitimation (« mission civilisatrice » ou « politique éthique »). De fait coexistence entre coercition et tentatives de réformes sociales pendant toute la période des empires coloniaux. Cette idée est ramassée dans notion « d'hégémonie » de Gramsci. Pour philosophe italien domination n'est pas que coercition, mais aussi « direction culturelle et idéologique ». Par conséquent rapport au pouvoir implique une forme d'acceptation de domination et donc importance de négociation. J.F. Bayart 3 appelle cela les « transactions hégémoniques impériales ». Grâce à cela colonisés peuvent faire entendre leur voix, mettre en oeuvre stratégies d'évitement, mais aussi se faire vecteurs de « reproduction du legs impérial » à l'instar des élites « évoluées ». Toutefois, ces transactions demeurent dans le cadre de rapports dissymétrique dans contexte de domination, mais domination n'est pas que violence, mais aussi interactions, accommodements et appropriations ce qui repose sur solidarité entre élites coloniales et autochtones. Emergence des Colonial Studies : Colonial Studies s'inscrivent délibérément dans territoires coloniaux pour étudier relations sociales et culturelles. Par conséquent, travaux sont souvent thématiques à l'échelle d'une colonie, région, ville ou village. Volonté de montrer comment se déploient relations colonisateur/colonisé localement et comment celles-ci se déclinent d'un contexte à l'autre. Existence de trois grandes orientations dans Colonial Studies depuis années 1980 et 1990. 1/ Histoire sociale, dans lignée des Subaltern Studies, avec point de vue des acteurs modestes des sociétés coloniales. Idée de mettre en évidence limites de domination qu'ils subissent et montrant capacité à agir de façon autonome (l'agency). 2/ Histoire culturelle, grâce à apports critiques des Postocolonial Studies, avec idée d'analyse et de « déconstruction » des discours coloniaux. 3/ Histoire sociale et culturelle avec réactivation de notion de « situation coloniale » (Balandier) avec interrogation sur nature des sociétés coloniales, entre dualisme/pluralisme et hétérogénéité/hybridité. Les Subaltern Studies Objectifs : Projet naît à fin des années 1970 avec historien Ranajit Guha dans courant de « l'histoire par le bas. Objectif initial est de critiquer visions élitistes d'historiographie puisque pour elle résistances populaires et participations paysannes et ouvrières aux mouvements de libération sont conséquences d'un processus venu par le haut sous l'impulsion des élites coloniales. Par ailleurs idée d'existence d'un domaine autonome de la politique du peuple distinct de celui de l'élite, lequel est enraciné dans expérience du travail et d'exploitation sociale. Toutefois, problème de caractère politique de pensée de Guha (idée de mobilisation d'idée d'agency dans luttes sociales contemporaines), mais aussi d'édification du concept de l'agency et des subalternes comme système. Critiques de la part des historiens marxistes par caractère anhistorique de pensée de Guha puisqu'elle peut amener à négliger analyse du contexte particulier de domination. Par ailleurs, établissement en système de défiance des subalternes vis-à-vis des dominants ne permet pas de comprendre la présence de non-subalternes dans cas de nombreuses révoltes populaires. Le tournant postcolonial des subalternistes : A fin des années 1980 subalternistes commencent à se concentrés sur déconstruction du discours des élites. De fait déplacement d'analyse depuis l'économie et le social vers le culturel. Subalternistes passent d'étude des rapports élites/subalternes à rapports entre modernité occidentale et culturel autochtone. Toutefois, critiques au sein même du mouvement puisque, selon Sumit Sakar, problème du « déclin des subalternes au sein des Subaltern Studies ». De même selon Sakar intérêt uniquement pour le langage fait que subalternistes auraient renoncé à analyse de réalité des formes de domination produites par colonialisme. Apports et limites des Postcolonial Studies Courant naît dans universités nord-américaines par dérivation des thématiques des Cultural Studies vers des corpus de textes non-littéraires. Importance de L'Orientalisme d'Edward Said en 1978. Principes et fondements des Postcolonial Studies : Affirmation d'une absence d'autonomie des productions culturelles par rapport aux sociétés qui les produisent. Par conséquent primauté du champ culturel dans ordre des déterminations historiques. De plus importance de centralité de « l'empire » dans productions culturelles des sociétés métropolitaines. Enfin, productions culturelles des sociétés impérialistes sont parties prenantes du processus de domination coloniale. Toutefois, problème qu'auteurs se réclamant des Postcolonial Studies se sentent obligés de prendre position de critique militante contre impérialisme occidental. Surtout quand cette dernière s'élargit pour devenir une 4 critique plus large de « l'Europe » et tous ses attributs autoproclamés (raison, Lumières etc...) dont impérialisme serait un élément constitutif. Néanmoins, travaux récents ont fait émerger concepts d'hybridation et de mimétisme qui ont permis de rendre compte de phénomène de « rencontre coloniale ». De fait idée que par imitation colonisés inquiètent les colonisateurs puisqu'ils rendent poreuses les frontières de l'identité culturelle que colonisateur a mis en place pour justifier le maintien de sa domination. Ce que les historiens reprochent aux Postcolonial Studies : Principale critique a été l'affranchissement de toute contextualisation ce qui rendait possible la mise en équivalence des éléments de plusieurs sans considérer leur fossé chronologique ni les conditions de leur production. Par ailleurs problème qu'étude est uniquement centrée sur textes et qu'ils ne permettent pas de rendre compte des pratiques. Enfin, les Postcolonial Studies affirment qu'Etat colonial se définit par rationalité d'administration, or, A. Stoler a démontré que chaîne de transmission d'information, sur laquelle repose information de l'administration, est pleine d'incohérences et de discontinuités. Toutefois, problématiques des Postcolonial Studies sont intéressantes pour l'historien grâce à contextualisation. Race, racisme et colonisation : Dénonciation par les Postcolonial Studies de continuités et héritage du racisme colonial dans pratiques discriminatoires contemporaines. Toutefois, critique des historiens puisque démonstration que critère de race n'est pas le seul critère de partage entre les groupes à intérieur des sociétés coloniales puisqu'importance des critères socio-économiques et culturels. Importance d'existence des métis. Genres : Question du genre est levier intéressant pour comprendre sociétés coloniales, mais si et seulement croisement constant avec autres lignes de clivage qui traversent sociétés. La parole des dominés : Problèmes méthodologiques et épistémologiques que pose place des marginaux puisqu'on accède à eux que par le prisme de l'acte officiel (police, justice etc...). Dans cadre colonial difficulté liée à domination sociale et politique s'ajoutent à clivage culturel et racial. De la « situation coloniale » aux sociétés coloniales « Relation coloniale », « situation coloniale » : une approche systémique des sociétés coloniales : Pour A. Memmi « relation coloniale » est résultat de « situation coloniale » qui fabrique des colonisateurs comme elle des colonisés. Pour J. Furnivall, ancien administrateur devenu historien, importance du concept de « société plurale » dans contexte colonial puisque souvent ce sont des sociétés où cohabitent des groupes sociaux définis par des fonctions économiques différentes et qui ne communiquent pas entre elles en dehors du marché. Concept des sociétés plurales permet également de mettre en évidence le paradoxe des sociétés coloniales, entre séparation et intégration. Importance de Georges Balandier et de son article « La situation coloniale, approche théorique » en 1951. Dans celui-ci il explique comment colonisation distingue et hiérarchise les groupes selon des critères culturels et raciaux. Par ailleurs importance d'hétérogénéité à l'intérieur puisque « société colonisée » est subdivisée en groupes ethniques, religieux, sociaux, générationnels. De même « société coloniale » connaît des tensions entre administrateurs, militaires, missionnaires et privés. Pour Balandier la situation coloniale impose aux colonisateurs de se tenir éloignés des colonisés. Au-delà du dualisme : l'entre-deux, le contact et ses limites : Importance du métissage permet de nuancer idée de Furnivall sur une absence de contacts. Par ailleurs désormais le rôle des intermédiaires et des élites locales cooptées est non plus étudié du point de vue du colonisateur, mais à partir de leur propres stratégies sociales qui révèlent formes, motifs et limites d'adhésion aux normes d'appareil colonial. Utilisation du concept « d'accommodement » de Philippe Burrin en contexte colonial permet de mettre en évidence autonomie des acteurs dans définition de leurs stratégies pour ménager intérêts et identité tout en adoptant conduites compatibles avec exigences de situation coloniale. Désormais conception des sociétés coloniales qui fait place à relation entre individus/groupes et au contact interculturel. Pour certains auteurs on peut parler d'un « middle ground ». De fait idée d'une réciprocité dans la dissymétrie. 5 D'un monde colonial à l'autre Les sociétés coloniales vers 1850 : nouvelles logiques ? Un tournant libéral ? : Démantèlement du « vieux système colonial » est très progressif, mais subit une accélération avec abolition de traite négrière et intense campagne contre au niveau international à partir de 1815. Toutefois, continuation de traite clandestine. En 1833 Parlement britannique vote Acte d'émancipation qui fait qu'esclaves deviennent des « apprentis » et doivent entre 4 et 6 ans à leurs anciens maîtres. Toutefois, nombreux abus durant « apprentissage » et suppression en 1838 donc libération définitive des esclaves. Pour colonies françaises abolition décidée par Schoelcher en 1848. Dans cas anglais et français indemnisation des propriétaires. Suppression du commerce exclusif des colonies avec métropole en France en 1861 et à Porto Rico en 1815. Par ailleurs produits des colonies bénéficient de protection importante contre concurrence étrangère sur marchés métropolitains. Abandon des actes de navigation en 1846 par Angleterre. De fait en milieu colonial abandon du mercantilisme est tardif et partiel. La géopolitique coloniale vers 1850 : En 1850 carte des possessions coloniales dépend des logiques propres des puissances coloniales. Centre colonial des Pays-Bas et de l'Angleterre se décale peu à peu vers Asie. Importance de l'Inde pour l'Angleterre avec promesse de profits commerciaux importants, mais aussi de gains territoriaux conséquents. Du côté hollandais mise en place du « système des cultures » à Java. De fait imposition d'un régime de cultures forcées, pour le paiement d'une taxe en argent, pour tous les villages au profit du gouvernement. Dans les faits une partie des est réservée à cultures d'exportations (café, sucre, indigo) achetées par gouvernement hollandais à ses prix. Début de libéralisation à partir de 1870, mais maintien des cultures très rentables jusqu'en 1878 pour sucre et 1919 pour café. Du côté portugais idée que comblement de perte des comptoirs indiens par modernisation des possessions africaines (Angola et Mozambique). Volonté d'abolition de l'esclavage, développement des plantations et consolidation de présence portugaise. Toutefois, problème de faiblesse des moyens engagés, vigueur des résistances locales et fait qu'Afrique est lieu de relégation pour les migrants portugais. Néanmoins, il demeure qu'Afrique est lieu privilégié d'expansion portugaise à partir des années 1850. En 1815 uniquement miettes de vieil empire colonial français. Prise d'Alger en 1830 et conquête totale en 1840 ont des buts politiques au départ. A la même époque implantation de comptoirs ou de stations dans océan Indien (NossiBé en 1839, Mayotte en 1841), sur façade atlantique d'Afrique (Gabon 1842) et dans Pacifique (protectorat sur Tahiti en 1842). Importance de rupture du système des esclaves fait qu'importante restructuration des trafics dans le secteur. Abandon de certains forts et comptoirs coloniaux qui servaient dans traite négrière. Exemple de Gorée qui décline à cette période. Néanmoins, relance par reconversion dans trafics licites (or, ivoire, gomme arabique, oléagineux etc...). De même Etats africains du golfe de Guinée, du delta du Niger ou sultanat de Zanzibar se reconvertissent dans trafics d'huile de palme ou culture des noix de coco. Sortir de l'esclavage La persistance de la traité négrière et de l'esclavage : Malgré fort déclin de demande d'esclaves après arrêt d'importation d'esclaves par Brésil en 1850 et lutte contre traite par Angleterre depuis 1807, trafic d'esclave continue, notamment vers Cuba jusqu'en 1867. Possessions africaines du Portugal sont actives dans ce secteur. Par exemple export de 5.000 esclaves/an depuis Luanda (Angola) vers Cuba, mais aussi Sao Tome et Principe du fait de développement de culture du cacao et du café à partir de 1853. Esclavage persiste également dans plusieurs colonies, notamment hollandaises jusqu'en 1863, portugaises jusqu'en 1878 et espagnoles en 1873 à Porto Rico et 1886 à Cuba. Par exemple à Cuba en 1862 les esclaves représentent 30% de population. Fin de la traite en 1867 entraîne déclin d'esclavage. Par ailleurs en 1868 début de « guerre de dix ans », première grande insurrection cubaine contre domination espagnole. Tournure de guerre amène gouvernement espagnole à démanteler progressivement l'esclavage. En 1870 loi Moret libère 6 esclaves nés après adoption de la loi, ceux de plus de 60 ans et esclaves combattant du côté espagnol. Même loi institue également le « patronat » où enfants d'esclaves ont statut d'affranchi, mais doivent rester au service du maître jusqu'à âge de 22 ans. En 1880 esclaves deviennent des libertos et doivent « apprendre la liberté » en restant quelques années au service de leur « patron ». Toutefois, continuation de fuite des esclaves des plantations. A partir de 1884 gouvernement oblige les patrons à libérer à émanciper ¼ de leurs patrocinados chaque année. En octobre 1886 décret royal abolit patronage et libère les derniers esclaves. Dans colonies portugaises esclavage est supprimé en 1854, mais affranchis sont maintenus dans servitude. Loi de 1875 abolit la « condition servile » et nouveaux libres sont sous protection publique, mais les contraint à s'engager pour 2 ans auprès de patron. Dispositions contraignantes accompagnent émancipation des esclaves et cherchent à contrôler une population jugée dangereuse. Après l'esclavage : les sociétés coloniales après l'abolition : Fin de condition servile aboutit à nombreux déplacements de populations affranchies vers les villes. Certains affranchis demeurent dans les plantations et deviennent métayers salariés de leurs anciens maîtres. Remplacement d'ancienne main d'oeuvre peu productive par populations sous contrats, souvent des Indiens. Toutefois, idée pour puissance coloniale de maintenir niveau de production des plantations donc, par exemple, à la Réunion affranchis doivent justifier d'un engagement auprès d'un patron et ce dernier a doit à 10h30 de travail/jour ouvrable de l'engagé en échange de logement, ration alimentaire et salaire. A noter qu'engagé doit subvenir à son habillement et payer un impôt personnel. A partir de 1852 mesures incitatives pour travail. Obligation pour personnes en état de travailler de présenter livret avec embauches successives. Si non démonstration individu est convaincu de vagabondage et reçoit une amende. En 1855 en Martinique arrêté Gueydon instaure un passeport pour tout Martiniquais de plus de 16 ans sinon paiement d'un impôt. Elargissement de ce système à la Guadeloupe en 1857 par l'arrêté Husson. Fin de ces dispositions en 1875. A cette époque scolarisation est volontairement très faible (14% des garçons et 8% des filles en 1870). Scolarisation passe autorisation du maire moyennant une « rétribution scolaire » de plus en plus élevée avec l'âge de l'enfant. Citoyenneté en situation coloniale : Dans colonies peu d'évolutions des institutions politiques et toujours caractéristiques autoritaires. Aucune existence de séparation des pouvoirs. Modes de représentations sont limité et profitent, en général, à élite des planteurs blancs. En Angleterre très vite selon métropole échec d'émancipation et idée qu'infériorité des Noirs et qu'ils sont incapables de travailler sans contrainte. Durant années 1850 réduction de participation politique des Noirs par réformes institutionnelles en 1854 notamment par augmentation du cens nécessaire pour capacité électorale à partir de 1859. Suite à émeute fortement réprimée de Morant Bay en 1865 Jamaïque perd ses franchises historiques et son assemblée en 1866 et devient colonie de la couronne. Restitution partielle d'assemblée en 1885. Dans colonies françaises Seconde République accorde égalité civique à masse des habitants des « vieilles colonies ». Sont électeurs les hommes de plus de 21 ans, natifs des établissements français de l'Inde,des comptoirs du Sénégal (Gorée et Saint-Louis), esclaves libérés en 1848. Tous reçoivent même droit de vote qu'homologues métropolitains. Néanmoins, musulmans conservent leur « statut personnel » et relève du droit civil coutumier et du droit civil français. Enfin, élection de députés à l'Assemblée Nationale au suffrage universel masculin. Tout cela est supprimé par Second Empire en 1852. 7 Conquêtes, appropriations et résistances Une chronologie complexe et problématique Passage d'ancien à nouveau monde colonial n'a pas lieu partout au même moment. Anciennes colonies établies sous égide de compagnies de commerce (Compagnie des Indes occidentales, West India Company et Compagnie des Indes orientales néerlandaises) demeurent, mais subissent d'importantes transformations. En Inde expansion territoriale continue rend difficile distinction ancien/nouveau monde colonial. En Afrique subsaharienne présence coloniale européenne se résume uniquement à quelques comptoirs commerciaux et quelques enclaves côtières (Saint-Louis du Sénégal, Luanda, Benguela, mais aussi Freetown et Sierra Leone 1808, Liberia 1822, Libreville et Gabon 1849 etc...). Début d'expansion territoriale au Sénégal durant gouvernorat de Faidherbe en 1855. En Chine développement du système d'appropriation des concessions étrangères à partir de 1842. Dans Empire ottoman grande autonomie des provinces arabes et dans ports de Méditerranée orientale protection consulaire permet à nombreuses personnes d'échapper à juridiction ottomane. L'héritage des conquêtes antérieures : Inde, Java, Afrique du Sud, Algérie : En Inde East India Company s'appuie sur trois présidences : Calcutta (Bengale), Madras (côte sud-est) et Bombay (côte sud-ouest). Territoire essentiellement côtier, mais extension avec annexion du Mysore et attaque contre Confédération marathe qui regroupe princes hindous du nord. Après fin des guerres napoléoniennes reprise d'expansion territoriale et contrôle total d'ensemble du sous-continent indien par le biais d'annexions pures et simples ou de protectorats après victoire sur Confédération marathe. Suite à cela attaque d'Etats périphériques en expansion : Birmanie (1824-26), Sind (1843) et Penjab (1846-1849). Toutefois, échec d'une campagne en Afghanistan. Par ailleurs politique d'acquisition de territoires le long de route maritime vers l'Inde, notamment Aden annexée en 1839. Après guerres napoléoniennes consolidation de domination néerlandaise sous l'égide de l'Etat, depuis disparition de Compagnie en 1799, suite à guerre de Java (1825-1830). Toutefois, échec dans tentatives d'expansion sur îles voisines de Sumatra (guerres Padri entre 1821 et 1837) et Bali (1846, 1848 puis 1849). Britanniques achètent colonie néerlandaise du Cap. Dès lors anglicisation forcenée de l'administration et mise en oeuvre d'abolition de l'esclavage. Cela provoque départ de colons hollandais, les Boers, qui fondent républiques indépendantes de Natal, mais rattrapage par Anglais en 1844, puis Etat libre d'Orange et Transvaal, reconnus respectivement en 1854 et 1852. Grand Trek boer a engendré des occupations foncières au dépens des peuples Tswana et Sotho et violentes confrontations avec Zoulous. Dans le cas d'Afrique du Sud expansion territoriale est due à dynamique de « frontière » et à rivalité anglo-boer. Après prise d'Alger en 1830 doctrine d'occupation restreinte jusqu'en 1839 avec présence française à Oran, Mostaganem, Bougie et Bône et Constantine. Mise en place d'une guerre à outrance par Bugeaud en 1841 suite à attaque d'Alger par armée d'Abd-el-Kader en 1839. Conquête finale d'ensemble de l'Algérie en 1847. Une lente reprise de l'expansion à partir des années 1850 : Afrique occidentale devient enjeu de rivalité franco-britannique avec formes d'expansion du formel à l'informel. Dans Golfe de Guinée annexion de Lagos par Britanniques en 1861 et Français mettent en place protectorat sur royaume de Porto Novo, tributaire du Dahomey, en 1863. Sur côtes de Guinée et au Sierra Leone maisons de commerce françaises et britanniques se disputent exportation de production arachidière. Au Sénégal début de conquête territoriale par Faidherbe dès 1855 avec fondation de Dakar en 1857, annexion du pays ouolof (1858) puis du Cayor (1863). Expansion en direction du fleuve Niger, mais forte résistance d'empire toucouleur de El Hadj Omar. Expansion au Sénégal pour promotion de culture arachidière. Suite à deuxième guerre anglo-birmane de 1852 annexion de Birmanie. En Indonésie années 1846 à 1862 voient série de traités pour acquisition des Moluques, Célèbes et Bornéo par Néerlandais, mais pas d'occupation effective des territoires. Dans ensemble des territoires annexions sont suivies de formations de mouvements de résistance qui durent jusqu'à fin du siècle. Opérations néerlandaises ont pour but de contrer expansionnisme de James Brooke, aventurier anglais reconnu par Angleterre, depuis le Sarawak. 8 L'accélération des années 1880 et 1890 ou la course aux colonies. Le partages de l'Afrique : Expansion française au Sénégal et vers golfe de Guinée provoquent inquiétudes anglaises. Au Congo volonté de Léopold II de se tailler une possession personnelle sous couvert d'association internationale et donc voit de mauvais oeil signature de traité entre français Pierre de Brazza et roi des Batékés en 1882. En Afrique du Nord occupation de Tunisie par France en 1881 et Egypte par Angleterre en 1882. Pour cette dernière volonté de sécuriser accès au canal de Suez et donc à l'Inde. A la même époque, en 1884, acquisition par l'Allemagne de quelques possessions coloniales en Afrique (Togo, Cameroun, Sud-Ouest Africain). Conférence de Berlin de 1885 met en place cadre de futures acquisitions territoriales : obligations pour Européens de dire aux autres signature d'un traité avec Etat africain et obligation d'occuper effectivement le territoire revendiqué. A partir de 1889 volonté d'occupation de toute vallée du Nil par Angleterre et donc expansion en Ouganda. De fait établissement d'un protectorat en Ouganda en 1894 et au Kenya en 1895. Réunion de ces territoires dans le British East Africa Protectorate. Reprise d'offensive britannique au Soudan en 1896 suite à révolte du Mahdi, un chef religieux. En 1890 échanges de territoires entre Angleterre et Allemagne avec gain anglais de sultanat du Wituland, de territoires en Afrique de l'Est et d'une prééminence sur Zanzibar (protectorat anglais à partir de 1896). Allemagne gagne, en Afrique, bande de Caprivi en Namibie et possibilité allemande de prendre contrôle de Dar es Salam. Importance de crise de Fachoda pour contrôle du haut Nil en 1898. Règlement de la crise diplomatiquement par accord franco-britannique de 1899 qui délimite possessions sur Nil et affluents du lac Tchad. Néanmoins, France trouve des compensations dans conquêtes de Madagascar (1894-96), jonction possessions d'Afrique équatoriale, occidentale et du Maghreb suite à marche au Tchad (1899-1900) puis achèvement avec conquête du Maroc entre 1908 et 1912. Dans le même temps Portugal est grand perdant car impossibilité pour lui de faire jonction entre ses colonies d'Angola et du Mozambique. Entrée tardive d'Italie dans course aux colonies et échec cinglant en Ethiopie en 1896, mas retrouve un peu de fierté après victoire contre Ottomans en Cyrénaïque et Tripolitaine (1911-1912). Les conquêtes néerlandaises (les « îles extérieures ») : Existence de conventions anglo-néerlandaises en 1824 et 1871 qui règlent définition des zones d'influence autour du détroit de Malacca entre Indonésie néerlandaise et Singapour anglaise. Possessions néerlandaises sont, à part points d'appui à Sumatra, Bornéo, dans les Célèbes et les Moluques, héritières des possessions de l'ancienne Compagnie. En 1871 traité de La Haye (ou de Sumatra) reconnaît souveraineté néerlandaise sur ensemble d'île de Sumatra, dont sultanat d'Aceh exclu en 1824. Par la suite guerres d'Aceh entre 1873 et 1903 pour prise de possession effective du sultanat par Néerlandais, mais c'est seulement à partir de 1894 que des moyens importants sont mis en oeuvre pour conquête suite à résistances du sultanat, des ulémas et de population. Suite à conquête finale d'Aceh, extension territoriale néerlandaise sur reste d'île de Sumatra, sud-est de Bornéo, sud des Célèbres et Bali en 1908. Le Grand Jeu : consolider les frontières de l'Inde : Achèvement de conquête territoriale et prise en main de colonie par couronne britannique en 1858 implique volonté de contrôle des territoires du nord. Toutefois, rivalité avec Russie. Les rivalités fr anco-britanniques en Asie du Sud-Est : Expansion britannique en Asie du Sud-Est a pour but de protéger frontières de l'Inde d'expansion birmane donc deuxième guerre anglo-birmane en 1852 et annexion de Basse Birmanie. De même importance de détroit de Malacca suite à ouverture du canal de Suez donc nécessité de protection. Pour cela installation imposée de résidents britanniques à cours des Etats malais (Pérak et Selangor en 1874 et autres sultanats durant 1880's, tous réunis dans Fédération de Malaisie en 1891). Enfin, méfiance sur expansion française fait que troisième guerre anglo-birmane donc annexion de Haute-Birmanie, cette dernière devenant province des Indes en 1886. De même prise de contrôle de Fédération de Malaisie et établissement de relations privilégiées avec Siam. Dans le même temps France s'est engagé dans acquisitions territoriales : Cochinchine (1862-67), Cambodge (1863) durant Second Empire, Annam et Tonkin au dépens de Chine (traité de Hué en 1883 puis traités de Tien Tsin en 1884 et 1885), Laos (1886-1895) durant Troisième République. Par la suite Siam doit abandonner suzeraineté sur Cambodge et Laos, transformés en protectorats, puis céder provinces limitrophes du Tonkin en 1888 et rive gauche du Haut-Mékong en 1893. Intégration de province chinoise de Kwang Tchéou e 1898. Ensemble de ces territoires forment l'Indochine. En 1887 ensemble des possessions françaises sont regroupées sous le terme d' « Union Indochinoise ». De l'autre côté cession de provinces malaises aux Britanniques. Traité anglo-français de 1896 consacre possessions des deux 9 puissances dans la région et établi la persistance du Siam comme Etat tampon entre eux. Néanmoins, experts britanniques sont présent à cour de Bangkok. Cette région présente nombreux administration directe et indirecte : Etat malais, Cambodge, Annam sont sous protectorat alors que Birmanie, Tonkin et Cochinchine sont sous administration directe. Les dernières acquisitions : Conquêtes tardives en Afrique ne sont pas achevées avant Première Guerre mondiale mais durant les années 1920, notamment au Maroc après guerre du Rif entre 1925 et 1926 et différentes campagnes dans l'Atlas. De même fin de la conquête italienne de la Lybie, commencée avec établissement de Régence de Tripoli en 1911, par Mussolini dans les années 1920. Importance de lutte d'influence entre Japon et Chine pour possession de Corée puis guerre entre 1894 et 1895. Victoire japonaise et traité de Shimonoseki qui contraint Chine à céder Taïwan, îles Pescadores et reconnaissance d'indépendance coréenne par Chine. Nécessité de combat contre population locale, érigée en république indépendante, pour prise de possession japonaise de Taïwan. Mise sous protectorat de Corée en 1905 puis annexion en 1910. A la même époque Etats-Unis s'établissent comme puissance coloniale avec prise de possession des capacités impériales d'Espagne à Cuba et Porto Rico en 1898. Enfin, suite à Première Guerre mondiale transferts de souveraineté des colonies allemandes vers France, Angleterre et Belgique. De même provinces arabes ottomanes sont mises sous mandat français et anglais. Dernières acquisitions ont lieu durant entre deux-guerres avec expansion coloniale italienne en Ethiopie et japonaise en Mongolie et Mandchourie dans les années 1930. Les trois voies de l'expansion coloniale Les guerres de conquête coloniale, des guerres spécifiques ? : Confrontation d'armées européennes à pratiques de tactiques de harcèlement par armées des populations locales. Adaptation des armées européennes avec abandon des grandes colonnes peu mobiles. De même prise de grandes villes fortifiées suite à des sièges ne met pas fin à guerre puisque continuation de guérilla par souverains locaux. Par conséquent nécessité de capacités politiques pour le militaire. Théorisation de doctrine de « pacification » par Gallieni. « Pacification » consiste à établir progression lente par mise en place de réseau de postes pour maintien de l'ordre local, appui sur autorités locales pour négociation du ralliement des chefs locaux. Conquête effective après soumission des dirigeants. Pour Gallieni nécessité que conquête s'accompagne tout de suite de mission civilisatrice, notamment par construction d'écoles et de marchés. « Pacification » n'est pas nécessairement pacifique et action d'Angoulvant en Côte d'Ivoire montre que possibilité de grande brutalité. Idée de civilisation de supériorité morale de conquérant fait que non respect des lois de la guerre et donc application d'une violence importante. De même caractère non conventionnelle des guerres permet non différenciation entre combattants et non combattants. De fait prise d'otages femmes et enfants, utilisation de technique de terre brûlée. Toutefois, utilisation de violence n'implique pas nécessairement de volonté d'extermination. Polémique historiographique sur caractère possiblement génocidaire d'action de Von Trotha dans Sud-Ouest africain allemand, mais Wofle a démontrer qu'il s'agit d'une « logique d'élimination » spécifique aux colonies de peuplement, le Sud-Ouest africain allemand étant un projet de colonie de peuplement. Enfin, existence de violences matérielles et symboliques, notamment sac du palais d'été des empereurs de Chine en 1860 ou déplacement dans musée des restes funéraires de monarchie merina à Madagascar en 1897-98. Guerres coloniales sont caractérisées par petit nombre de soldats métropolitains du fait de refus d'opinion publique. Soldats sont souvent recrutés parmi populations locales, notamment tirailleurs sénégalais créés par Faidherbe en 1857, et officiers et sous-officiers sont des volontaires Européens. Création également de corps de tirailleurs annamites en 1879 et tonkinois en 1884. De même en Inde avec intégration de Bengalis, Sikhs, Gurkhas ou Marathes dans armée coloniale britannique. Utilisation de ces troupes dans propres colonies, mais également dans théâtres d'opérations extérieurs. Idée que vie des Européens est plus précieuse que celle des autochtones. Une dialectique de la négociation et de la guerre : Déclenchement des guerres coloniales ont souvent pour prétexte le manquement à un traité antérieur (traité d'Uccialli entre Italie et Ménélik d'Ethiopie) ou menace que les populations locales font peser sur Européens établis dans la région (exactions contre missionnaires français en Cochinchine). Souvent ruptures des traités sont du fait des Européens, mais cela ne veut pas dire que chefs locaux ne 10 comprenaient pas les traités. Exemple de princes d'Inde du Nord qui se mettent sous protection britannique grâce à une alliance pour lutter contre un autre ennemi. Le grignotage foncier : Troisième voie d'expansion a pour but la possession des et non la souveraineté. C'est souvent l'affaire d'acteurs privés, notamment les anciennes Compagnies. C'est le cas plus particulièrement dans fronts pionniers des colonies de peuplement en formation puisque nombreuses familles européennes en quête de ou aventuriers attirés par richesses minières. Exemples d'Afrique du Sud au temps du Grand Trek ou de favorisation d'installation de colons européens au Kenya par gouverneurs britanniques grâce à spoliations des des Kikuyu. Face à la conquête La conquête était-elle inéluctable ? : Selon Headrick importance de découvertes d'usage médical de quinine, de canonnière et de révolution technologique pour expliquer l'avancée des conquêtes coloniales. Certes importance de la cannonière, mais elle pose des problèmes en Afrique du fait d'importance des chutes d'eau et des cataractes ce qui oblige à les démontées. De même pas nécessairement assurance de victoire puisque parfois capture de la canonnière, notamment à Bornéo en 1859. Par ailleurs important perfectionnement des fusils et apparition de la mitrailleuse sont des avantages technologiques importants, mais pas synonymes de victoire. Exemple de résistance des Chinois de Bornéo grâce à bons fusils achetés à Singapour, mais aussi problème du mauvais maniement des armes par populations locales d'Insulinde. De même en Afrique renouvellement important des arsenaux européens permet à souverains locaux de disposer de matériel récent sur le marché. Par exemple durant les années 1880 Ménélik possède 14.000 fusils et quelques mitrailleuses et artilleries de campagne. Toutefois, décision d'embargo européen sur vente d'armes en Afrique par convention de Bruxelles en 1890 creuse progressivement le fossé technologique entre Africains et Européens. Quand la conquête s'achève-t-elle ? : Même si conquête militaire et « pacification », subsistance de poches de territoires échappant à emprise coloniale. De même existence de soulèvements remet en cause capacité d'autorité coloniale à se maintenir. Exemple de difficultés françaises à établir pouvoir sur ensemble du Maroc, notamment sud où besoin de 25 ans de conquête pour incorporation dans protectorat français. 11 L'argumentaire colonial et impérial (XIXe-XXe siècle) Au cours du XIXème siècle construction de dualité entre monde sauvage et monde civilisé. Renforcement de cette vision durant seconde moitié du XIXème siècle par avance technologique de l'Occident et la conscience de cette dernière. De cela dérive idée de mission civilisatrice s'appuyant sur religion et darwinisme social, mais aussi d'une responsabilité vis-à-vis des peuples indigènes. L'économie au coeur de la colonisation ? Colonies, néomercantilisme et impérialisme : Dans cas britannique importance de rentabilité des entreprises coloniales donc à la base plutôt pour un « impérialisme bon marché du libre-échange ». L'annexion formelle n'est que la dernière solution des décideurs politiques. Dénonciation par les libéraux du coût de l'empire et appel à développement d'un réseau de points commerciaux. Idée qu'il n'est pas nécessaire de conquérir territoire pour se tailler un marché. Toutefois, durant dernier tiers du XIXème siècle avantages économiques des colonies sont de plus en plus soulignés. De fait retour d'un certain mercantilisme du fait d'idée, en Europe et au Japon, que colonies peuvent être des réponses aux besoins du système industriel. De même crainte des crises de surproduction donc nécessité de trouver de nouveaux marchés. Commerce international est multiplié par 10 entre 1850 et 1910 et croissance du commerce est supérieure à croissance de production. Idée qu'« exportation est facteur essentiel de la prospérité publique ». De fait crise de surproduction des années 1880 et développement d'un certain protectionnisme en Europe rend pressante nécessité de découverte de nouveaux marchés. Dès début XXème siècle, idée selon laquelle aggravation de lutte pour partage du monde s'expliquerait par passage capitalisme au stade du capitalisme financier. Selon Lénine impérialisme est capitalisme courant vers sa perte. De même idée que politiciens sont manipulés par les financiers et que ce sont eux qui sont à l'origine d'expansion coloniale. Toutefois, cette thèse reste controversée. De plus exemples du Japon, du Portugal et de l'Italie ne sont pas compatibles avec explication économique puisque souvent manque de capitaux à investir. La colonisation profite-t-elle aux métropoles ? : Même si Marseille a insisté sur coûts de colonisation pour France, il demeure qu'empire est malgré tout champ privilégié du commerce extérieur français. De fait entre 1880 et 1958 exportations vers l'empire croissent régulièrement. Empire est même débouché décisif pour certaines branches d'industrie et réservoir essentiel de matières premières agricoles ainsi que zone de placement privilégiée. Intérêt économique de l'empire, n'est pas un mythe mais une réalité. De même importance de marché indonésien pour industrie et capitaux néerlandais. En revanche très faible rôle des colonies africaines pour l'Allemagne. En règle générale empires jouent souvent rôle d'amortisseurs économiques pour les métropoles à partir de fin du XIXème siècle. Exemple d'investissements britanniques dans dominions (Afrique du Sud, Raj britannique etc...) du fait d'incapacité de débouchés pour capitaux en Europe et Etats-Unis. Toutefois, décolonisations n'ont eu que peu d'impacts sur économies des puissances coloniales. Néanmoins, pour cas français Marseille explique que cela nuit à compétitivité puisque cela fait survivre des secteurs en déclin. Les raisons politiques de la colonisation Les arguments classiques de la démographie et de la sécurité : Colonies sont traditionnellement vues comme exutoires de populations métropolitaines pauvres grâce à déportation ou transportation des prisonniers. Emigration vers colonies permet également, dans cas britannique, de répondre aux besoins de main d'oeuvre d'Afrique du Sud. De même idée de l'importance d'émigration comme remède au trop plein de population métropolitaine dans cas de colonisation italienne. Même cas au Japon avec toutefois adjonction d'idée qu'importance numérique des émigrants permet de mieux « japoniser » les nouvelles colonies. Dans cas du Japon importance également du critère sécuritaire puisque colonisation est vue comme moyen de se protéger des ambitions européennes grâce à formation de glacis périphérique. Même argument sécuritaire pour empire britannique puisque selon J. Darwin importance des points d'appui, d'escales et de 12 comptoirs dans le monde (Singapour, Aden, Hong Kong etc...) puis colonies africaines à partir de 1870 permettent de contribuer à sécurisation de la route de l'Inde. Idée de colonies peuvent être des bases logistiques pour assurer la puissance maritime est caractéristique de colonisation américaine, notamment aux Philippines et dans Caraïbes durant fin XIXème/début XXème siècle. Les « habits neufs » de l'argumentaire colonial : la puissance politique des métropoles : Importance des thématiques de puissance et de sa conservation dans politique coloniale française autour des années 1870 ainsi qu'espagnole et portugaise au tournant du XXème siècle. Selon Brunschwig théorisation économique servirait essentiellement à légitimer des desseins nationalistes. Toutefois, économie et puissance sont indissociables puisque compétition commerciale remplace peu à peu affrontements militaires et que richesse est le nouveau prestige. Pour pays émergents comme Allemagne, Italie, Japon ou Belgique possession de colonies permet de se faire reconnaître internationalement comme une grande puissance. Importance d'histoire dans argumentaire colonial italien du fait de souhait de restauration d'une Pax romana. Enfin, entreprises coloniales peuvent également servir à cimenter l'unité nationale ou comme élément de construction de la nation. C'est le cas pour Belgique, Japon, Italie et Allemagne. La « mission civilisatrice » comme élément structurant de l'argumentaire colonial Une « mission civilisatrice » aux fondements religieux et laïcs : Importance pour puissances européennes d'exporter grands principes politiques et religieux, mais aussi de transformer vie matérielle et morale des sujets coloniaux. Fondement d'idée de mission civilisatrice dans renouveau du mouvement missionnaire et dans pensée utilitariste en Angleterre à partir de seconde moitié du XVIIIème siècle. Idée qu'expansion britannique permet de libérer les peuples du despotisme oriental, mais que les peuples indigènes sont incapables de se gouverner eux-mêmes. De même en France colonisation est présentée comme émancipation et continuation de Révolution. De manière générale idée que colonisation est vue comme une oeuvre de civilisation. Certes peu de vérification de cette pensée dans pratique coloniale, mais importance dans pensée coloniale en général. Importance de caractère religieux avec, par exemple, introduction de politique éthique par Néerlandais dans leurs colonies en 1901 sur base chrétienne ou importance de prosélytisme religieux dans « destinée manifeste » des Etats-Unis. Dans l'ensemble toutes les puissances coloniales, depuis Portugal jusqu'au Japon, se donnent pour mission de civiliser les peuples indigènes de leurs colonies. Cette envie prend un caractère particulier avec le Japon puisqu'également mission de régénérer l'Asie afin de lutter contre l'Occident. Par ailleurs idée que Japon doit mener front panasianiste anti-occidental. Progrès moraux et progrès matériels : Pour nombreux empires coloniaux occidentaux importance de christianisation, grâce à des sociétés missionnaires catholiques ou protestantes, est un prérequis à la civilisation puisque signifie abandon des « pratiques barbares ». Néanmoins, nécessaire association de christianisme et de commerce, ce dernier détruisant isolement des sociétés indigènes. « 3C » : Civilisation grâce à Christianisation et Commerce légitime. Présence missionnaire engendre volonté de réforme des moeurs donc lutte contre polygamie, habillement à l'occidentale et conduire « correcte ». De même importance du travail au profit du colonisateur, travail forcé étant parfois vu comme apprentissage de la « civilisation ». Toutefois, en terre d'islam et en Inde discours missionnaire a beaucoup plus de mal à prendre. Outre cela puissances coloniales désignent nécessité d'éduquer scolairement les indigènes et de pourvoir à un meilleur encadrement médical. Par ailleurs mission civilisatrice passe par mise en valeur du territoire avec idée que science occidentale peut faire fructifier la nature. De plus ce développement des coloniales se ferait au bénéfice de tous. Importation du modèle occidental de développement avec valorisation intense de nature et nécessité de sédentarisation. De fait forêts sont perçues comme obstacle de soumission de l'environnement. Par exemple en Inde tendance à la déforestation suite à arrivée des plantations de café, mais très vite mise en place de mesures pour préservation de forêts. Par ailleurs résistances des sociétés dont mode de vie dépend fortement du milieu naturel et qui pratique les transhumances. Pour lutter contre cela dépossession des communautés rurales indiennes et africaines de leur droits fonciers et implications de ces populations dans système du travail salarié, celui-ci engendrant une obligatoire sédentarisation. Ce mouvement va avec promotion d'éthique du travail salarié, de propriété privée et de la résidence stable. Idée de « mission civilisatrice » répond à impératif de justification de conquête coloniale en termes moraux et 13 économiques. Néanmoins, transformations des colonies ainsi que tensions entre puissances impériales entre 1900 et 1914 amènent les puissances coloniales à modifier leur discours de légitimation. Accentuation du phénomène après Première Guerre mondiale. Peu à peu discours sur la mission civilisatrice laissent place à idée d'un gouvernement exercé pour le bien-être des colonisés et plus respectueux des cultures locales. De plus pour Albert Sarraut respect des traditions est étape vers progrès de la civilisation et colonisation est également « créatrice de droit ». Pour Delavignette importance de rechercher réel compromis entre culture locale et apports européens. De fait bien-être des populations (qui passe par coopération, association, volonté de protection des populations locales contre abus des pouvoirs locaux et des compagnies) est une fin en soi et non plus un moyen d'arriver à d'autres fins. Extension d'idéologie du développement, notamment par Angleterre à Singapour, du fait crainte de défaite durant Deuxième Guerre mondiale. Le but est d'obtenir aide des populations locales. 14 L'encadrement administratif des colonies Administrations coloniales sont des structures complexes puisque construites autour des agents et objectifs de métropole, mais avec de nombreux relais locaux. Implique bouleversement de quotidien des populations colonisées puisqu'administration coloniale réclame impôts, réquisitionne travailleurs et soldats, édicte et fait appliquer les règlements, intervient dans certaines activités économiques et place justice au mieux sous surveillance au pire dans sa sphères d'attributions. Toutefois, malgré nombreuses compétences les administrations coloniales ont rarement les moyens de contrôler tous les espaces et tous les groupes sociaux à l'intérieur de société. Questions de conditions d'administration des colonies sont anciennes puisque débat depuis 1850. Premier débat porte sur assimilation des colonies à métropole avec même institutions entre métropole et colonie ou association en conservant les différences de chacune ? Cette dernière possibilité implique réflexion sur modalités d'encadrement : administration directe grâce à structures et personnels importés de métropole ou gestion indirecte avec conservation, autant que possible, des structures et agents locaux placés sous surveillance d'un résident envoyé par métropole. Début des débats à partir du milieu du XIXème siècle, rebondissent à partir de 1900. Après 1914 opposition entre des « modèles » français et anglais, le premier étant assimilationniste et pratiquerait l'administration directe alors que le second est fondé sur association et administration indirecte. Existence de trois moments successifs qui ont lieu dans chaque colonie, mais avec des chronologies différentes suivant les contextes. 1ère étape : longue phase de formation qui s'achève entre 1900 et début des années 1920 dans la plupart des cas. Choix de type d'administration sont essentiellement dictés par situations locales, mais qui mêlent logiques d'alliances, symbolisées par nombreux traités de protectorat, et usage de la force. Deuxième phase voit l'organisation et l'affirmation des administrations coloniales, ces dernières prenant leurs traits définitifs entre années 1890 et 1920. De fait tendance nette à autocratie et à bureaucratie, présentée comme symbole de modernité. Entre années 1930 et 1945 administrations coloniales entrent dans dernières phase avec mise en place d'ambitieuses politiques de développement économique et social. De même idée de repenser relations avec administrés, ces derniers possédant désormais des droits politiques. Le patchwork des débuts Nouvelles alternatives : Algérie est proclamée partie intégrante du territoire français et dans territoires civils, les espaces peuplés de colons reçoivent organisation semblable à celle de métropole. En Inde à partir de 1857 Angleterre s'engage à respecter autonomie et organisation interne des Etats princiers, ces derniers faisant allégeance à gouverneur général anglais, le vice-roi des Indes. De fait en théorie idée d'un clivage entre France assimilationniste et Angleterre associationniste. Mais réalité beaucoup plus complexe. Pour France dès 1854 senatus-consulte de 1854 met en place mesure dérogatoire appliquée en Algérie depuis 1834. Il prévoit que toutes les colonies sont gérées par décrets du pouvoir exécutif donc gestion hypercentralisée et dans les mains d'un fonctionnaire, gouverneur de la colonie. De même perte de représentation élue des colonies dans métropole, mais existence de conseils généraux où toutes décisions sont soumises à approbation du gouverneur. Durant années 1870 remise en place progressive de représentation élue des colonies par IIIème République, mais ne change pas mode de gestion des « vieilles colonies » donc revendication assimilationniste, mais peu satisfaite par loi de départementalisation de 1946. En Inde en théorie présence en haut d'India Office et du secrétaire d'Etat et en dessous d'ensemble d'administration pour assurer présence britannique dans Etats princiers. De fait développement de l'Indian Civil Service avec branche, l'Indian Political Service, qui a pour mission de conseiller et surveiller les princes. Par conséquent assimilation et association sont des orientations générales, mais s'accommodent d'aménagements opportunistes. Dans colonies de peuplement et enclaves évolution vers autonomie ou volonté assimilationniste conduisent à subordination d'administration à pouvoir politique local ou métropolitain. Par exemple entre 1881 et 1896 politique des rattachements en Algérie avec expérimentation d'hypercentralisation avec nombreux services directement reliés à ministère métropolitain. Toutefois, caractère impraticable donc abandon et déconcentration des services administratifs et placement sous tutelle du gouverneur général, hormis pour éducation et justice. Dans les 15 colonies d'exploitation encadrement administratif est expression même de tutelle coloniale sur les populations. Dans ce cas la présence de colons est souvent vue comme une gêne par administration. Toutefois, métropoles n'ont que peu d'administrateurs à envoyer dans nouvelles possessions. De fait implantations des administrations coloniales souvent précédées par délégation missions administratives aux anciennes structures locales ou à intermédiaires européens. Dominer sans administrer : Pour métropoles nécessité de faire des alliances avec acteurs préétablis (traités avec des chefs et formes du protectorat ou grâce à des sociétés concessionnaires) pour pouvoir s'installer dans la durée. Protectorat est notion de droit international qui dit qu'Etat puissant prend en charge protection d'un autre Etat mis en dépendance financière (Tunisie) ou militaire (Maroc). De fait souverain, institutions, personnel sont maintenus, mais sous surveillance et relations internationales ainsi qu'armée sont confisquées. Protectorats sont donc gérés comme des Etats dépendants par ministères des Affaires Etrangères qui envoient représentants sur place. Colonisateurs ont donc rôle de conseillers et experts techniques et peuvent développer nouvelles institutions au gré de leurs intérêt. Toutefois, nécessité de s'appuyer sur autorité de pouvoir local. Par exemple en Tunisie à partir de 1881 problème du trop grand nombre de fonctionnaires français (3.800 vs 3.100 tunisiens) donc autorité des bey tunisiens apparaît trop sous tutelle française. A partir d'environ 1900 disparition de nombreux protectorats du fait de conquête militaire (Madagascar 1895) ou par décision administrative (Corée 1910). De plus en plus logique impériale l'emporte sur engagements avec les souverains locaux. Certains protectorats étaient gérés par des compagnies concessionnaires, mais souvent disparaissent assez rapidement puisqu'elles ont rempli leur rôle (Royal Niger Company entre 1886 et 1900), qu'elles ne sont pas rentables (East Africa Company ou la Deutsche Ostafrikanische Gesellchaft entre 1885 et 1891). Anciennes sociétés concessionnaires laissent sur place leur personnel. Les limites de la « pacification » : Parfois métropoles profitent du fait qu'ancienne présence militaire dans colonies pour faire de ces officiers certains cadres de l'administration. Parfois entame d'une carrière administrative par militaires après leur engagement. Par exemple en Algérie dès 1830 officiers parlant arabe ou kabyle sont affectés à corps spécial des Bureaux arabes. Ces derniers sont au départ organe de gestion indirecte, mais passent peu à peu vers formes directes et autoritaires d'administration avec défense des populations locales contre revendications des colons. Développement des Bureaux arabes au Sénégal puis en AOF. Dans ce territoire ils servent de relais vers encadrement pérenne du fait de conquête rapide. Toutefois, vive contestation en Algérie et en 1867 disparition des territoires sous administration civil et remplacement par un administrateur-maire. Dans Sud de l'Algérie maintien des Bureaux arabes jusqu'en 1914. Existence de juxtaposition de territoires civils et militaires dans de nombreuses colonies, mais indique limites de « pacification » et de transition entre administration militaire et civile. Dans certains cas passage d'une administration civile à administration militaire comme dans cas de colonies japonaises de Taïwan et de Corée, respectivement à partir de 1895 et 1910, où armées et milices japonaises locales mettent en place maintien de l'ordre, surveillance des populations indigènes et cadastre. De fait développement numérique important des forces armées japonaises en Corée : 18.000 en 1919, 22.000 en 1931 et 60.000 en 1941. A une moindre échelle garde-armé incarne présence coloniale au quotidien. Administration devient civile, mais ne désarme pas face aux administrés. Des administrations toutes-puissantes ? Dans ensemble des puissances européennes mise en place de ministères dédiés aux colonies durant les années 1890/1900. En France secrétariat d'Etat aux Colonies devient ministère en 1894. Création de ministères en Allemagne (1907), Belgique (1909) et Portugal (1911). Angleterre précède tout le monde puisque création du Colonial Office dès 1854. Echelle fédérale et soubassement indigène : A partir de début du XXème siècle mise en place de fédérations ou de colonies de grandes tailles afin de faire économies de fonctionnement. Par exemple en 1891 création de Fédération de Malaisie par Angleterre avec réunion des sultanats malais et de colonies de Malacca, Penang et Singapour. Du côté français c'est l'Union Indochinoise en 1887, l'Afrique Occidentale Française en 1895 et l'Afrique Equatoriale Française en 1910. Grande colonie du Nigéria est créée par fusion des protectorats du Nord et du Sud en 1914. Volonté d'harmoniser 16 les statuts avec reprise éventuelle des droits accordés auparavant. Par ailleurs à partir des années 1900 émergence de l'idée que les colonies ne doivent rien coûter aux métropoles donc importance de collecte de l'impôt pour les colonies puisque doit assurer budget et possibles investissements. Souvent emploi de recrues locales puisque n'ont pas droit à salaire important des Européens. De même agents colonisés subalternes reçoivent bas salaires. Proconsuls, « rois de la brousse » et Indirect rule : Au niveau local conservation des structures locales (chefs, notables) et des villages, souvent base de perception fiscale. Néanmoins, tiraillement du colonisateur entre aménagement des structures locales pour son profit et ménagement des structures locales puisque sont indispensables pour faire rentrer les impôts. A tout les échelons les fonctionnaires métropolitains possèdent tous l'intégralité du pouvoir exécutif ainsi que des éléments du pouvoir législatif. De fait fonctionnaires sont mis en position de commander leurs territoires et ont peu de comptes à rendre. Dans colonies françaises gouverneur peut promulguer, possède un droit réglementaire, doit surveiller les magistrats, peut juger certains appels, contrôle forces armées de la fédération et peuvent faire preuve d'initiative dans le domaine diplomatique. Mise en place d'un recrutement par concours pour fonctionnaires d'Indian Civil Service dès 1853 puis formation à Oxford et Cambridge. En France mise en place d'une Ecole Coloniale dès 1889, mais ce n'est qu'en 1912 qu'elle s'impose comme passage obligatoire pour formation des fonctionnaires coloniaux. Au cours de carrière importance de rotation des administrateurs coloniaux français (2 à 3 ans) pour éviter corruption et affaiblissement de leur autorité coloniale. Néanmoins, peu de contrôle sur leur action. En règle générale administrateurs coloniaux sont peu nombreux : 1. 250 fonctionnaires pour plus de 300 millions d'habitants en Inde. Exception notable de colonie japonaise de Corée (52. 000 Japonais pour 22 millions de Coréens). Par conséquent, dans colonies occidentales importance des relais indigènes. Collaborateurs, employés et auxiliaires : Importance de constante redéfinition des chefferies sur des critères de « race » ou d'ethnie. Exemple du Congo belge où diminution du nombre de chefferies entre 1917 et 1938 (de 6.000 à 1.200). Existence de ralliement d'aristocraties traditionnelles au pouvoir colonial afin de consolider leur propre pouvoir, notamment les Priyayi de Java dès 1830, et existence de formation pour les fils de chefs par l''intermédiaire d'écoles spécialisées. Néanmoins, souvent colonisateur cherche à former des élites alternatives à partir d'exclus des anciennes sociétés précoloniales. Ces personnages sont les « évolués ». Moderniser sans réformer Des services techniques au développement : A partir des années 1940 (Colonial Development and Welfare Act en 1940 et création du Fonds d'investissements pour le développement économique et social en 1946) métropoles rompent avec principe d'encadrement à moindres frais et lancent de grandes politiques de développement économique et social dans les colonies. Cela passe par recrutement massif de personnel et remise en cause d'omnipotence de pouvoir des administrateurs. Auparavant services techniques, comme par exemple le télégraphe, étaient uniquement mis en place pour besoins du colonisateur. De même existence d'une ségrégation dans la formation puisque, par exemple, médecins auxiliaires africains en AOF en 1938 n'ont pas le titre de docteur en médecine et relèvent d'un corps différent. Néanmoins, grande variation dans ségrégation en fonction de service considéré. Du fait de ces ségrégations problème du retard cumulé lors de réforme des services techniques après 1945. Certes en AOF la scolarisation passe de 3% à 8% entre 1938 et 1951, mais c'est trop peu pour satisfaire les populations. A noter que grâce aux services techniques présence administrative arrive jusque dans les villages, mais elle s'accompagne de surveillance policière accrue du fait des risques des mouvements sociaux. 17 Face à la domination coloniale : révoltes, accommodements , résistances Insurrections des colonisés ont mis en place climat d'opposition permanent et la paix ne fut jamais réellement réalisé par colonisateur. Importance numérique des révoltes en Afrique depuis milieu du XIXème siècle jusque dans les années 1920. Exemples : soulèvement des Temnes et des Mendes au Sierra Leone en 1898, des Manjas en OubangiCharie entre 1902 et 1904, des Zoulous au Natal entre 1906 et 1908 ou encore des Maji-Maji entre 1905 et 1907. Par ailleurs insoumission de vallée du Zambèze au Mozambique jusqu'en 1917. De même en Guinée jusqu'en 1920. Même si plus rares existence de révoltes durant entre deux-guerres, notamment au Burundi en 1934 et en Angola en 1941. Après 1945 reprise des soulèvements avec contexte nouveau de décolonisation. Ensemble des soulèvements et répressions qui en découlent permettent formation d'un récit nationaliste d'opposition à la colonisation. Toutefois, soulèvements armés ne sont pas les seuls formes de résistances mises en place par les populations colonisées. Des révoltes au nationalisme ? Les insurrections : Insurrections se déclenchent souvent soudainement du fait de renforcement de violence de colonisation (pression fiscale comme les Temne et Mendes en 1898 ; décision de justice comme en Guadeloupe après acquittement de deux « mulâtres » après meurtre d'un Noir en 1893 etc...) ou du fait d'atteintes à pratiques socioculturelles (révolte des Cipayes en Inde en 1857). Socialement insurrections sont ancrées dans campagnes ou, comme en Inde ou Indochine, dans villes très liées au milieu rural. Cela explique importance des croyances et organisations religieuses dans déclenchement et propagation des soulèvements. Par exemple durant révolte Maji-Maji encouragement à révolte par membres du culte de l'esprit Kolelo. De même en Indochine certaines révoltes étaient entretenues par ministres du culte bouddhique. Une histoire de la conscience nationale ? : Le plus souvent soulèvements sont fondés sur millénarisme paysan dénué de projet politique, mais espoir de vie nouvelle. Exemple de la révolte des Maji-Maji. Réutilisations des soulèvements par les nationalistes pour attester que colonisés n'ont jamais accepté domination coloniale. Par biais des rébellions de l'idée d'une conservation de leur « identité » et de leur « culture » propre par les colonisés, qu'elle soit précoloniale ou forgée dans l'opposition avec la colonisation, donc organisations à vocations culturelles sont souvent les prémices des mouvements nationalistes. Néanmoins, opposition n'est pas que dans rejet pur du colonisateur, mais sert également à envisager « réforme » ou « renaissance » de la culture indigène. Exemples de l'Indian National Congress,créé en 1885, ou du Budi Utomo en Indonésie, créé en 1908. De fait dans historiographie nationaliste et anticolonialiste glorification des soulèvements et de leurs leaders. Par exemple révolte des Cipayes devient un soulèvement « protonational ». Selon Ranger existence d'un mouvement en trois temps : soulèvements archaïques, affirmations identitaires par défense de pratiques socioculturelles et mouvements nationalistes. Toutefois, problème de vision téléologique conduisant inévitablement vers les indépendances. De même coexistence des mouvements culturels avec les mouvements nationalistes. Résister, collaborer, une distinction trop tranchée : Existence de cas où les résistants sont au départ des collaborateurs avec des autorités coloniales. Exemple de Samory en Afrique de l'Ouest où s'arme contre possibilité de guerre avec Français grâce à appui des Britanniques du Sierra Leone, mais signent différents traités avec Français entre 1886 et 1889. Parfois coexistence de collaboration et résistance à un pouvoir colonial. Exemple de Ma Zanshan où au Mandchoukouo en 1931 il résiste à avancée japonaise tout en opérant tractations avec Japonais. Dans de nombreux élites traditionnelles des colonies cherchent à préserver leur position au sein des sociétés colonisées, même si parfois confrontations pour pouvoir et aléas des nominations par le colonisateur entraînent émergence de nouvelles familles. Forte persistance des élites traditionnelles par exemple au Burkina Faso (Haute-Volta durant époque coloniale) où à époque d'indépendance importance politique d'ancienne dynastie des Mossis. Au coeur des sociétés rurales 18 L' « histoire par le bas » : une approche féconde : Par importance pour populations colonisées, et notamment les populations rurales, les Subaltern Studies ont permis de faire émerger l'existence de résistances quotidiennes moins visibles que soulèvements. Ces résistances sont souvent complètement déconnectées de revendications politiques. Peuvent être individuelles ou collectives. Exemples de communautés villageoises qui fuient prélèvement des impôts ou recrutement militaires ou paysan qui s'obstine à faire paître son bétail sur une terre qui ne lui appartient plus. Ces dernières témoignent de mépris d'autorité coloniale qui est durement réprimé (par jours de prison ou amendes dans empire français). Importance de relative indifférence pour ces phénomènes dans historiographie, notamment nationaliste, puisque pas tellement de visée clairement anticoloniale dans ces actions. Les mobilisations de masse L'Inde : un cas emblématique : Dès 1893 Gandhi défend ouvriers indiens en Afrique du Sud contre obligation d'enregistrement. Revient en Inde en 1915 et début d'actions de non-violence et manifestations de masse. Après massacre d'Amritsar en avril 1919, l'INC décide d'élargir sa base de recrutement avec mouvement de non-coopération au pouvoir colonial en 1921. Se matérialise par boycott des titres britanniques, fonctions officielles, justice coloniale, écoles ainsi que promotion du khadi etc... A partir de 1929 l'INC se déclare pour indépendance. En 1930 lancement du mouvement de désobéissance civile puis du »Quit India » en 1942. Durant entre deux-guerres mobilisations de masse font se rejoindre monde rural et villes. De même importance de faiblesse du Parti Communiste Indien et syndicats du fait de faiblesse numérique de classe ouvrière indienne. En Afrique subsaharienne : un rôle tardif : Existence de mouvements de boycott en Afrique surtout après crise de 1929. Par exemple en 1938 Farmers' Association de John Ayew appelle au refus de vente du cacao aux firmes en situations de monopole. Même si existence de grèves à partir de 1896 et de syndicats dès 1909, mouvements ouvriers africains ont beaucoup de peine à se développer. C'est seulement après Deuxième Guerre mondiale que mouvement ouvrier a son importance puisque de nombreux cadres nationalistes sont formés à action politique par intermédiaire des syndicats. Au Maghreb et en Afrique du Sud : le poids de la population blanche : Dans territoires à population européenne importante elle constitue mouvement ouvrier à son profit. Par exemple en Afrique du Sud syndicalisme est d'abord fait par ouvriers blancs dès 1911 avec rejet d'intégration des Noirs à leurs luttes et revendications. Défense des droits des Noirs par l'African National Congress à partir de 1912 et peu à peu importance forte du Parti Communiste d'Afrique du Sud dans la vie de l'ANC. Au Maghreb, à l'instar d'Afrique du Sud, importance numérique de population blanche empêcha intégration de mouvement ouvrier des populations indigènes à lutte anticolonialiste. Toutefois, différentes approches suivant les pays. Au Maroc importance de programme de réformes de Jean Longuet en 1934 avec espoir de libération à la clé. En Algérie importance du Parti Communiste Algérien avec motion de Sidi-Bel-Abbès en 1921 où subordination de libération des Algériens à existence de la révolution. En Tunisie récupération de la CGT Tunisienne par nationalistes du Néo-Destour après grandes grèves de 1936. Continuation d'agitation nationaliste jusqu'en 1938. De manière générale problème du lien entre mouvement ouvrier et lutte anticoloniale. La force du communisme en Asie : Importance du communisme en Asie du fait d'influence de Chine et envois de communistes au Vietnam français et en Malaisie britannique. A Canton formation du Than Nien par le futur Hô Chi Minh avec ambition de formation des militants marxistes. Ces derniers sont par la suite envoyés dans plantations pour mobilisation des paysans. En 1930 organisation de mutinerie de Yen Bay par Parti national du Vietnam. Durant répression, début d'insurrection des campagnes avec formations de soviets ruraux. Dans le même temps création du Parti Communiste Indochinois par Hô Chi Minh en 1931. 19 Les sociétés coloniales pendant les deux guerres mondiales Modification profonde des sociétés coloniales par les « guerres globales » de 1914-1918 et 1937-1945 du fait de mobilisation importante des combattants, travailleurs et des ressources naturelles des colonies. Ces périodes ont favorisées intégration impériale dans les domaines économiques et culturels, mais aussi développement des mouvements de contestation. Théâtres d'opérations coloniaux et reconfigurations des empires La chute des empires allemand et ottoman (1914-1918) : Durant Première Guerre mondiale invasion des territoires coloniaux allemands, notamment Togo, Cameroun et Nouvelle Guinée (Kaiser-Wilhems-Land). En 1919 Togo et Cameroun sont séparés en deux parties, une française (Togo oriental et Cameroun français) et une britannique (Togo occidental et Cameroun britannique), avec mandats de la SDN. En 1914 Egypte devient protectorat anglais. Afrique du Sud conquiert Sud-Ouest africain allemand en 1915 et se voit confier son mandat par SDN en 1920. En 1918 découpage d'Afrique orientale allemande avec Rwanda-Urundi pour Belgique, Tanganyka (actuelle Tanzanie) pour Angleterre et Kionga pour Portugal. Dès novembre 1914 capture de concession allemande en Chine de Tsingtao par troupes anglojaponaises. A la même époque Japonais capturent îles de Micronésie allemande et en reçoit le mandat en 1920. Au Proche-Orient accords Sykes-Picot font que séparation du Moyen-Orient en deux zones, l'une française (Liban, Syrie du Nord et Cilicie) et l'une anglaise (Koweït, Mésopotamie [Irak], Syrie du Sud et Palestine). Jérusalem est laissée zone d'administration internationale. En 1920 SDN affirme les mandats de France et Angleterre sur ces territoires. Italie obtient le Jubaland, sud Somalie. L'expansion impériale japonaise pendant la Seconde Guerre mondiale (1937-1945) : En 1931 conquête de Mandchourie par Japon après « l'incident de Mukden ». L'année suivante fondation du Mandchoukouo avec nomination d'ancien empereur de Chine, Puyi. En 1937 invasion du nord de la Chine par armées japonaises et occupation de Pékin, Nankin et Tientsin. Impopularité des Japonais au sein de population chinoise. En septembre 1940 invasion japonaise d'Indochine française puis fin 1941 invasions de Malaisie, Hong Kong, Philippines et Thaïlande. En 1942 attaque japonaise sur possessions hollandaises en Indonésie et sur possessions britanniques en Birmanie. Utilisation brutale de la force dans nord de la Chine contre populations locales. Néanmoins, progressivement pertes des territoires conquis par Japonais entre 1944 et 1945. L'Afrique et le Moyen-Orient au coeur des enjeux stratégiques : Conquête d'Ethiopie par Italie suite à seconde guerre italo-éthiopienne de 1935-36. Entre fin 1940 et 1941 nombreux combats entre Italiens et Anglais, armée anglaise étant composée de nombreuses recrues d'Inde, Afrique du Sud, Nigeria et Ghana. Fin 1940 conquête de Libreville (Gabon) par FFI contre troupes fidèles au régime de Vichy. Dans le même temps attaques anglaises contre possessions italiennes en Ethiopie, menaçant le canal de Suez, à partir des Somalies, du Kenya et du Soudan. De même attaque italienne contre Egypte depuis la Libye. Confrontation germano-italienne contre FFI à Bir Hakeim en 1941 puis victoire anglaise à El-Alamein, fin octobre/début novembre 1942. Fin 1942 débarquement anglo-américain en Algérie et au Maroc. Reconquête de Tunisie entre fin 1942 et 1943. Invasion britannique, ou franco-britannique, d'Irak, de Syrie, d'Iran en 1941 et de Madagascar en 1942. La contribution des sociétés coloniales à l'effort de guerre La contribution des sociétés coloniales à l'effort de guerre : Large majorité des troupes coloniales sont constituées de soldats autochtones. Par exemple durant Premeière Guerre mondiale France à mobiliser environ 580.000 soldats africains et asiatiques dont 430.000 sont venus combattre en Europe. Britanniques recourent à environ 1.4 million d'Indiens dont 800.000 combattants sur les divers fronts. Réticence des Allemands à utilisation de soldats Noirs, mais usage de porteurs Noirs. De même en France et Belgique. Recrutement provoquent des révoltes, notamment dans le Haut- 20 Sénégal et au Niger fin 1915/début 1916. De même attaques d'Européens ainsi que sabotage et rébellion dans le Constantinois, en Algérie, lors de levée en avance de classe 1917. A partir de fin 1916 révolte s'étend et proclamation de République algérienne. Répression sanglante en 1917. Au cours de Seconde Guerre mondiale recrutement par Angleterre d'environ 2.5 millions d'Indiens. De même en juin 1940 en France présence de 100.000 sujets français des colonies. En 1945 présence de 200.000 combattants coréens en 1945 et 150.000 non-combattants auprès des soldats japonais. Existence également de ralliement de quelques colonisés aux forces de l'Axe dans but d'oeuvrer à fin de tutelle coloniale. Exemple de Subhash Chandra Bose au départ avec les Allemands puis avec les Japonais. De même création de Légion nord-africaine par nationaliste algérien Mohamed El Maadi et Gestapo parisienne avec enrôlement de Maghrébins pour lutte contre résistance intérieure en France. La contribution des colonies à l'économie de guerre : Remplacement des ouvriers et paysans mobilisés par travailleurs coloniaux vivant dans camps surveillés à proximité des villes industrielles ou des champs. Par exemple pour France cela représente environ 16% des ouvriers dans industrie armement. Limitation des contacts avec population française par recours à encadrement policier. Dans la même veine Japon fait venir environ 670.000 Coréens en métropole entre 1939 et 1945. De même organisation d'un travail forcé avec recrutement de Chinois et d'Indonésiens pour utilisation dans mines et industries du Mandchoukouo. Outre travailleurs existence de bordels militaires japonais dans tous pays conquis. De fait nombreuses réquisitions de main d'oeuvre et de soldats entraîne parfois pénuries de main d'oeuvre dans les colonies et recours au travail forcé, notamment dans empire français durant Première Guerre mondiale. Durant les deux conflits mondiaux métropoles demandent à colonies une augmentation de production spécialisés (riz, caoutchouc, charbon, ricin etc...) ce qui entraîne des monocultures et des déséquilibres dans les économies coloniales. De plus parfois existence de pénuries du fait de fortes ponctions de l'effort de guerre donc augmentations des prix donc mécontentements dans les colonies françaises et britanniques, ces mouvements pouvant parfois prendre des accents anticolonialistes. De même tendance à l'augmentation de fiscalité de la part des métropoles. Des sociétés affamées et meurtries par la Seconde Guerre mondiale : Immense famine dans Bengale en 1943 (environ 3 millions de morts) du fait de conquête japonaise de Birmanie en 1942 et décision de priorité du ravitaillement pour soldats. Pénurie induit hausse des prix et difficultés de plus en plus grande d'approvisionnement pour pêcheurs, paysans sans , ouvriers, artisans etc... Situations similaires en Algérie avec disettes successives à partir de 1942 et au Rwanda-Urundi entre 1942 et 1944. De même au Tonkin entre fin 1944 et début 1945. Pour cette dernière important impact de monocultures du coton et du jute sur capacités d'approvisionnement locales ainsi que bombardements américains et épidémie de typhus. Outre les crises frumentaires importance de durcissement des politiques de répression. Par exemple à partir de 1942 application de la « politique des Trois Tout » (tue tout, brûle tout, pille tout) par Japon en Chine ainsi qu'utilisation d'armes chimiques dans certaines régions. De même accroissement de répression judiciaire en Algérie avec mise en place d'un tribunal militaire permanent par gouvernement de Vichy ainsi que dénaturalisation de certains opposants politiques tel Jules Ranaivo. Enfin, révocation de nombreux maires noirs en Guadeloupe. Toutefois, Seconde Guerre mondiale et nombreuses défaites des colonisateurs a mis en avant leurs faiblesses et écorné leur autorité sur les puissances autochtones. De ce fait et par l'importance des sacrifices des colonies pour effort de guerre de métropole, tendance à l'exacerbation des revendications nationales dans les colonies. 21 Emergence des nationalismes et premières indépendances Dans les différents espaces étudiés les nationalismes sont nés à des époques différentes, le sentiment national étant plus précoce en Asie qu'en Afrique. Il demeure que période d'entre-deux guerres voit l'émergence ou l'expression de revendications nationales en Asie, au Moyen-Orient, en Afrique du Nord et dans l'espace caraïbe. De fait mouvements nationalistes ne demandent plus une place dans espace politique coloniale, mais une réelle émancipation de tutelle coloniale. Le plus les revendications nationalistes sont portées par des élites, mais peuvent également l'être directement sociétés colonisées. Par ailleurs les acteurs de remise de question d'ordre colonial sont variés et ne possèdent pas mêmes objectifs : retour vers le passé ou révolution ? Une grande variété d'acteurs et de revendications Le rôle des élites, instruction et politisation : Frustration importante des élites du fait de l'absence ou du caractère limité de leurs droits politiques et donc jouent rôle majeur dans formulation des revendications nationalistes et anticoloniales. Par exemple de nombreux dirigeants des partis nationalistes en Indochine sont issus du mandarinat et de noblesse d'Etat. Dans les colonies françaises d'Afrique importance des élites du Dahomey et des quatre communes du Sénégal danq émergence des revendications nationalistes du fait de leur meilleure scolarisation. Importance d'éducation de haut niveau parmi les élites nationalistes, mais celle-ci n'est pas nécessairement une éducation coloniale. Exemple d'association des oulémas d'Algérie. Revendications des élites éduquées tendent à s'organiser au sein de partis ou de ligues. Parfois soutien de ces partis par des partis métropolitains, notamment le PCF, mais plus souvent l'implantation communiste dans les colonies est relativement faible. Emergences de leaders nationalistes, par exemple Gandhi, permettent de mettre en place une articulation entre élites et peuple. Mobilisations populaires et syndicales : Problème que les élites sont souvent coupées du peuple qu'elles prétendent défendre. Néanmoins, ceci est un peu moins vrai avec les partis communistes en Asie ou du Parti du peuple algérien ou du Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques, également en Algérie. En Afrique importance du mécontentement politique du fait de dégradation des conditions de vie et de travail durant l'entre deux-guerres, mais populations s'engagent plus dans luttes syndicales que politiques. Outre défense de revendications corporatistes, les syndicats permettent de contester la domination coloniale. Dès 1930 autorisation des syndicats dans les colonies britanniques et 1937 dans colonies françaises, mais uniquement pour les titulaires du certificat d'études. Dans le cas français le syndicalisme demeure une forme d'élitisme. Aspirations nationales des couches basses des sociétés coloniales peuvent s'exprimer à travers des mouvements religieux tel que celui de Simon Kimbangu au Congo belge au cours de l'année 1921. En Asie existence de sectes populaires politico-religieuses telles que les caodaïstes en Cochinchine à partir de 1921. La Seconde Guerre mondiale et la maturation rapide des revendications nationales Des signes d'émancipation antérieurs à la Seconde Guerre mondiale : Egypte obtient indépendance formelle suite à fin du protectorat en 1922 et au traité de 1936 qui met fin aux capitulations. Néanmoins, Angleterre contrôle toujours domaines clés comme défense, sécurité des voies de communication, protection des minorités et intérêts étrangers. En Syrie échec du projet de grand royaume arabe. En 1936 Front Populaire français signe une promesse d'indépendance d'ici à trois ans avec Bloc national syrien, mais jamais appliqué et nationalistes sont arrêtés. De même au Liban. En Palestine montée des tensions entre Arabes et juifs du fait de forte immigration juive suite à déclaration Balfour de 1917 et achat de des Arabes. Contre projet d'Etat juif Arabes réclament Palestine indépendante. A partir de 1935 montée en puissance du terrorisme entre Arabes et juifs. La Birmanie dispose d'un parlement élu et d'une autonomie interne. En Inde les campagnes de désobéissance civiles conduisent à promulgation du Government of India Act en 1935 qui fait passer corps 22 électoral de 7 à 35 millions de votants. Les ébranlements de la Seconde Guerre mondiale : Tchad et AEF prennent parti de De Gaulle et dans territoires fidèles à Vichy autorités coloniales allient autoritarisme et séduction à l'égard des colonisés. Charte de l'Atlantique et déclarations de Roosevelt fragilisent image des métropoles. Au Nigeria le travail forcé dans les mines et le passage de recrues encouragent développement des revendications nationalistes ou panafricaines. En 1944 création du National Council of Nigeria and Cameroons. En Tunisie bey s'appuie sur Bourguiba pour unité nationale puis unité nationale contre tutelle française autour de Moncef Bey après arrestation de Bourguiba. Au Maroc création de l'Istiqlal, parti de l'indépendance, en janvier 1944. En Algérie en 1943 rédaction d'un Manifeste du peuple algérien par oulémas, communistes et nationalistes du PPA, mais sans effet. Au Moyen-Orient renforcement d'opposition des nationalistes en Irak après répression du bref coup d'Etat en 1941. De même en Egypte après coup de force des Britanniques qui imposent Premier ministre qui leur est favorable en 1942. En Palestine juifs s'appuient sur Etats-Unis pour mise en place d'Etat juif. En Syrie et Liban élections de 1943 portent au pouvoir les nationalistes qui demandent fin du protectorat. A partir de 1944 début de transferts de compétences et décolonisation effective à partir de 1945. En Asie occupation d'Indochine par Japonais attise ressentiment anti-français et revendications des nationalistes, que ce soit élites bourgeoises, mouvements politico-religieux (caodaïstes) et communistes. En Birmanie Japonais se présentent comme libérateurs et indépendance proclamée dès 1943. Toutefois, mouvements socialistes, communistes et nationalistes se forment contre Japonais. Nationaliste Aung San met en place force armée, l'Antifascist People's Freedom League. En Malaisie nationalistes sont écrasés par Japonais et communistes revendique indépendance à partir de 1943. Dans Indes néerlandaises en nationalistes sont favorisés par Japonais puisqu'en 1943 ils encouragent formation du Putera, mouvement national fondé par Soekarno. Toutefois, dissolution en décembre 1943 du fait de menace militaire de Peta, branche armée du Putera. A partir de là Japonais s'appuient sur noblesse javanaise et notables musulmans et à partir de septembre 1944 évoquent indépendance de l'Indonésie, mais simple promesse. Soekarno proclame indépendance de l'Indonésie en août 1945. En Inde à partir de 1942 durcissement des revendications nationalistes puisque Congrès demande une Inde unitaire et Ligue musulmane exige reconnaissance d'un Pakistan musulman. Lancement du mouvement Quit India par Gandhi, mais répression importante et arrestations des nationalistes. Circulations et rôle des institutions internationales : De manière générale Britanniques préfèrent doctrine du « gradualisme » avec évolution des colonies vers des gouvernements autonomes, mais cela reste assez flou. A partir de la fin de la guerre ONU devient tribune pour les mouvements nationalistes anticoloniaux. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, quels processus d'émancipation ? Il serait faux de penser que décolonisation britannique serait anticipée et pacifique alors que décolonisation française serait globalement plus violente. De même décolonisation dans régions subsahariennes n'est pas plus pacifique qu'en Asie ou Afrique du Nord. Paisibles réformes ou insurrections en Afique ? : En Afrique française conférence de Brazzaville n'envisage pas émancipation, indépendance ou autonomie des colonies, mais ouvre espoir pour rénovation politique (égalité civique, abolition de l'indigénat, reconnaissance du droit de vote), économique et sociale de colonisation. De fait création d'Union française ouvre voie vers plus grande assimilation. Toutefois, manifestations et revendications nationalistes ne cessent pas puisque dès 8 mai 1945 manifestation à Sétif en Algérie. Répressions et blocages de voie légale encouragent à la violence. Début de guerre d'indépendance en Algérie en 1954 à l'initiative du FLN. FLN, issu du PPA, gagne rapidement en audience malgré fondation du MNA de Messali Hadj. Guerre atteint paroxysme entre 1957 et 1959. A Alger démantèlement du FLN par général Massu et maquis sont pratiquement éradiqués par plan Challe en 1959. Néanmoins, en 1959 général De Gaulle annonce autodétermination et ouverture de négociations avec gouvernement provisoire de République algérienne. Celles-ci conduisent aux accords d'Evian le 18 mars 1962. Après cessez-le-feu référendum d'autodétermination est organisé en juillet 1962. A Madagascar répression d'une révolte anticoloniale en 1947. Essor du nationalisme du fait de défaite française. 23 Institutions de l'Union française donnent aux colonies des assemblées provinciales et des représentants à l'Assemblée ce qui devient nouvel espace des élites. Création en 1946 du Mouvement démocratique pour la rénovation malgache (MDRM), organisation de masse avec branche armée. Administration soutient Parti des déshérités de Madagascar. Révolte anticoloniale est déclenchée en 1947 et s'étend à toute l'île et se poursuit jusqu'en 1948. Enfin, progressivement écrasée militairement jusqu'en 1950. Importance de situation insurrectionnelle dans large partie du Cameroun. En Gold Coast autorités coloniales envisagent passage à un gouvernement local avec importance des conseils régionaux et des élites instruites, l'autonomie étant objectif lointain. Toutefois, vague de grèves chez mineurs et cheminots ainsi que boycott urbain des produits européens. Manifestations sont réprimées dans le sang en 1948 United Gold Coast Convention pose question d'autonomie, mais dirigeants sont arrêtés. En 1949 nouvelle vague de grèves à dimension anticoloniale. Dans le même temps création du Convention People's Party, qui gagne élections de 1951. Au Kenya en 1950 révolte des Mau-Mau rassemble Kikuyu, Meru, Kamba et Embu du fait d'accaparement des meilleures par Européens, refus d'augmentation des de réserves alors que croissance démographique des populations indigènes ainsi qu'impasse politique, le gouvernement ne concédant que deux délégués africains au Conseil législatif de colonie du Kenya. Par ailleurs révolte n'a pas de projet politique et relève plutôt d'une révolte populaire, rurale ainsi qu'urbaine, anticoloniale et messianique. Expulsion des Européens, reprise des et destruction des églises. Outre Européens, révolte vise également Africains « collaborateurs ». Mise en place d'état d'urgence par colonisateur et écrasement de rébellion en 1956 même si guérilla jusqu'en 1960. A partir de cette époque Colonial Office britannique envisage des réformes. Indépendance tardive en 1963. De la guerre mondiale aux conflits d'indépendance en Asie : Etats-Unis octroient indépendance aux Philippines en juillet 1946. Néanmoins, continuation de domination économique de l'archipel ce qui instaure situation de néocolonisme. En Malaisie grande diversité des forces nationalistes puisque princes malais, communistes et parti nationaliste l' United Malays National Organisation à partir de 1946. Proclamation de nouvelle Constitution de Fédération de Malaisie en février 1948, mais divisions sont multiples et importance numérique des communautés chinoises et indiennes. En Inde 1945 marque radicalisation des oppositions entre hindous et musulmans. Début de négociations sous égide de l'Angleterre. Britanniques envisagent indépendance de l'Inde, mais échecs. Elections de décembre 1945 marquent partage des provinces entre Congrès et Ligue musulmane ce qui ouvre possibilité de constitution de deux nations séparées. Rupture entre Congrès et Ligue est marquée par heurts sanglants à partir de 1946. Indépendance de l'Inde à partir du 15 août 1947. Importance de violence dans Indes néerlandaises et Indochine du fait de refus des métropoles d'envisager indépendance de ces colonies. Après proclamation d'indépendance d'Indonésie en août 1945, réinstallation des Néerlandais au cours d'année 1946. Signature d'accord de Linggajati en novembre 1946. Celui-ci prévoit Union hollandoindonésienne et Néerlandais reconnaissent république indonésienne à Java et Sumatra. Toutefois, à partir d'août 1947 Hollandais investisent villes de Java et Sumatra. Importance de réprobation internationale et accord de paix est signé en mai 1949 avec transfert de souveraineté aux Etats-Unis d'Indonésie à partir de décembre 1949. A partir d'août 1950 création de République d'Indonésie. En Indochine empereur Bao Dai proclame indépendance du Vietnam le 11 mars 1945 et est suivi le 12 mars par Norodom Sihanoux, roi du Cambodge, et le 8 avril par roi du Laos, Sisavang Vong. Toutefois, discrédit de Bao Dai auprès de population du fait de relations avec Japonais durant la guerre. Le 25 août 1945 abdication de Bao Dai et 2 septembre proclamation de Réplubique démocratique du Vietnam par Ho Chi Minh. France ne reconnaît pas principe d'unité des trois provinces vietnamiennes ni indépendance donc en septembre reprise de contrôle de Saigon et Cochinchine jusqu'en janvier 1946. Peu après établissement d'un Conseil consultatif de Cochinchine ce qui est rétablissement de structure administrative. Dans le même temps application de politique plus libérale au Laos et Cambodge avec signatures d'accords d'associations. En mars 1946 France reconnaît Etat libre du Vietnam d'Ho Chi Minh avec gouvernement et parlement, mais faisant partie de Fédération indochinoise et d'Union française. En décembre 1946 exactions vietnamiennes contre Européens à Hanoï et déclenchement de guerre d'Indochine. France refuse de traiter avec Ho Chi Minh et signe accord avec Bao Dai en juin 1948. Accord stipule que Vietnam uni sous autorité d'empereur est Etat associé de l'Union française. Signature de conventions similaires avec Laos et Cambodge entre juillet et novembre 1949. Néanmoins, métropole 24 conserve pouvoir importants dans domaine international, militaire, économique et judiciaire. Accords de Genève de juillet 1954 mettent fin à guerre d'Indochine et consacre indépendance du Vietnam. Dans certaines colonies peu de modifications des pratiques coloniales. Par exemple dans colonies portugaises peu de remise en question du pouvoir colonial donc assimilation de quelques milliers de civilizados est horizon indépassable. De même en Belgique avec accord de « mérite civique » à quelques centaines d'indigènes à partir de 1948. Cas des Antilles françaises est particulier puisque n'optent pas pour émancipation, mais pour assimilation par processus de départementalisation. Néanmoins, revendications des mouvements nationalistes ne disparaissent et sont portées par des intellectuels tels que Césaire ou Fannon. 25 Justice et statut des personnes En situation ni droit ni justice ne sont constructions cohérentes, guidées par principes prédéterminés. Textes juridiques ont pu s'ajouter à dispositions locales antérieures à colonisation et parfois droit métropolitain s'applique en partie. Institutions judiciaires sont résultat d'empilement de tribunaux importés par colonisateur pour reproduire système judiciaire métropolitain, mais avec adaptation, et de formes de justice précoloniale, avec possibilité de réformes. Processus de combinaison entre importations coloniales et pérennisation de système local vaut pour ensemble d'Etat colonial. De plus ajout de situation inhérente à tous les empires : obligation de conjugaison entre intégration et différenciation vis-à-vis des populations colonisées. Par ailleurs dans complexité de législation du fait de condition de son élaboration. Dans empire français responsabilité d'établissement des lois incombait au pouvoir exécutif, décrets provenant de Paris ou arrêtés des gouverneurs généraux sont majorité d'arsenal législatif des colonies. Dans empire britannique inflation des textes est due à reconnaissance de pouvoirs législatifs aux autorités locales. Problème de la diversité des situations juridiques au sein de chaque coloniale, mais aussi d'utilisation des textes législatifs comme sources historiques puisque souvent ils sont assez loin des situations réelles. Le statut des sujets coloniaux : un droit de la différenciation En matière civile et en matière pénale : En droit civil, droit concernant famille (mariage, divorce, filiation, héritage etc...) est conservé puisque autorités coloniales considéraient toute réforme comme risquée. Modifications ont été apportées sur aspects jugés les plus choquants (pratique du sati [crémation des femmes en même temps que maris sur bûcher mortuaire]) tout en conservant idée de ne pas en mettre en péril domination coloniale. Par exemple en Algérie non interdiction de polygamie, mais travail de codification du droit musulman qui aboutit au code Morand en 1916. Même principe de codification des droits coutumiers dans territoires de l'AOF à partir de fin XIXème siècle avec synthèse en 1939. De même au Laos et Vietnam avec retravail du code local de 1812. Aux Indes néerlandaises indigènes conservaient statut personnel et dépendaient des juridictions coutumières. A contrario de droit civil importance de remaniement du droit pénal avec définition de nouvelles infractions et de nouvelles formes de châtiments puisque jugé moins risqué que modification du statut personnel. De fait peine d'enfermement eut tendance à se généralisée dans sociétés qui ne les connaissaient pas. De plus présentation d'enfermement comme évolution vers civilisation contre pratiques des châtiments corporels. Néanmoins, parfois droit pénal local continue de s'appliquer. Exemple de pérennité du Code pénal local en Annam jusqu'en 1913. En matière de nationalité et de citoyenneté : Dans empire français différences suivant dates de colonisation. En 1848 abolition d'esclavage fait que tous les habitants sont soumis au Code civil et qu'ils étaient français jouissant d'une pleine citoyenneté. La même années naturalisation des natifs des trois communes du Sénégal (Saint-Louis, Rufisque et Gorée puis un peu plus tard Dakar) et des établissements français en Inde. A partir de 1865 définition des indigènes colonisés comme des « sujets français » c'est-à-dire qu'il est français sans jouir de citoyenneté française donc privation plus ou moins grande de droit de vote et impossibilité d'accès à certains emplois publics. Existence d'une procédure de naturalisation, mais nécessite d'abandonner son statut personnel. Importance de concept de race pour conception de l'indigène. Par exemple « race française » inclut connaissance de langue française, maîtrise des codes sociaux, passage par institution scolaire du colonisateur etc... Création d'Union française après Deuxième Guerre mondiale érige tous les habitants de l'empire français en citoyens dans respect du statut personnel. Dans empire britannique aucune distinction entre des citoyens et des indigènes puisque tous étaient sujets de la couronne. De plus distinction binaire anglaise (sujet/étranger) différente de distinction ternaire française (citoyen/indigène/étranger). Toutefois, problème d'acquisition de nationalité britannique. Dans de nombreuses colonies, notamment Natal, réserve de processus aux seuls Européens. De même existence de discrimination raciale comme réserve aux Européens pour postes d'officiers dans armée des Indes. Le pluralisme d'une justice partiellement dépossédée 26 Le pluralisme juridique : Pluralisme juridique désigne coexistence de plusieurs ordres juridictionnels au sein de même société. En matière civil pluralisme du fait de maintien de statut personnel avec application de droit spécifique par juridictions autochtones ou par magistrats coloniaux spécialement formés. En matière pénal pluralisme du fait de pérennisation de dispositions et cours autochtones, plus ou moins réformées. Cela participe à érection de barrières entre populations des sociétés puisque soumises à des droits différents devant cours différentes. Par conséquent choix du droit applicable dépendait du cas, mais aussi des personnes impliquées. Par exemple Code civil ne s'applique dans sa totalité qu'aux Européens et encadre tous les contrats entre Européens et sujets coloniaux. Importance d'idée que compétence des juridictions ne devait pas mettre en péril la hiérarchie de situation coloniale avec prééminence à minorité européenne. Exemple de controverse sur jugement des Européens dans Inde britannique. De fait en 1872 décision qu'Européens peuvent être jugés devant cours locales, mais uniquement par des magistrats britanniques. Dans toutes les colonies séparation des individus en deux groupes (Européens et non-Européens) problème d'existence d'inclassables tels que les métis, convertis ou des couples formés par deux personnes de statuts différents. De même avec citoyens des quatre communes du Sénégal puisque citoyens français, mais de statut personnel musulman. Plusieurs tentatives de réformes entre 1857 et 1912 puis décision qu'originaires des quatre communes sont soumis aux juridictions françaises et que cellesci doivent trancher affaires relevant de statut personnel. Toutefois, en dehors de communes d'origines et des principales villes d'AOF imposition à justice indigène du fait d'absence de juridiction française en milieu rural. Enfin, coexistence de juridictions coloniales et autochtones impliquaient nécessité de définition des compétences respectives. Par exemple au Rwanda-Urundi après intégration au Congo belge existence de trois niveaux de juridiction : tribunaux de simple police (jugement des Africains pour délits mineurs), tribunaux de district (jugements d'Africains pour toutes infractions et Européens pour affaire de moyenne gravité) et tribunaux supérieurs (jugements des affaires graves impliquant Européens et appel des affaires impliquant Africains). Par ailleurs droit coutumier peut être appliqué s'il n'est pas jugé choquant. Par exemple en AOF « la justice indigène appliquera en toute matière les coutumes locales en tout ce qu'elles n'ont pas de contraire aux principes de la civilisation française ». Le régime pénal de l'indigénat ou les limites de la judiciarisation : Malgré juridictions judiciaires dans de nombreux cas les affaires impliquant uniquement des Africains étaient d'abord jugées dans communautés villageoises avant d'être possiblement renvoyées vers justice coutumière ou coloniale. Toutefois, importance de répression administrative avec parfois simple remontrance du contrevenant, mais aussi possibilité d'amende transactionnelle au montant négocié. Administrateurs pouvaient également se voir infligés des peines d'amende ou de prison avec possibilité de mise au travail et châtiments corporels (coups de fouets, enchaînement, entraves etc...). Le plus souvent application des peines sont dues à résistance à implantation de nouvelles cultures imposées par autorités coloniales dans but économique, non-respect des contrats de travail dans plantations, manquements aux contraintes de résidences ou manquement aux obligations sanitaires. Existence de ce système au Rwanda-Urundi dans le Congo belge, mais surtout dans empire français avec importance du régime pénal de l'indigénat. Mise en place du régime de l'indigénat à partir de 1881 en Algérie de façon provisoire puis de façon permanente à partir de 1888. Dans reste d'empire application progressive. De fait à partir de 1887 au Sénégal et en Indochine, en 1899 à Madagascar, en AOF en 1904 et en AEF en 1910. Celui-ci comporte quatre mesures : séquestre des biens (parfois de façon collective, mais continuation de jouissance des si ne sont pas bonnes pour colonisation avec en contrepartie paiement d'une compensation en argent pour rachat du séquestre), amendes collectives et internement administratif (assignation à résidence ou détention dans dépôts spécialisés ou dans lieux de détention ordinaires, notamment île de Poulo Condore au Vietnam). Régime pénal de l'indigénat permet également pratique de pouvoirs disciplinaires par fonctionnaires d'Etat colonial avec amendes ou jours de prison à des sujets coloniaux sur la base d'une liste d'infractions spéciales. Cela ne peut pas être réellement un « Code » puisque ne sont pas des mesures répressives créées par droit, mais encadrées par celui-ci à posteriori. A partir de 1897 en Algérie possibilité de conversion des amendes et des jours de prison en jours de travail. Suppression de régime de l'indigénat dans colonies françaises entre 1944 et 1946 selon colonies. Toutefois, il était tombé en désuétude en Algérie à partir de 1927 du fait d'existence d'exemptions, mais aussi réforme de fiscalité et mutation d'opposition à colonisation.. En effet, loi de 1919 exemptait 400.000 Algériens de plupart des mesures de l'indigénat pour loyalisme et participation à effort de guerre. Par ailleurs en 1919 suppression des « impôts arabes » or majorité des infractions relevant de régime de l'indigénat sanctionnaient des infractions fiscales. Enfin, durant entre-deux-guerres mutation d'opposition à domination coloniale puisque ne vient plus 27 des milieux ruraux, principale cible de régime de l'indigénat, mais de partis politiques qui tendent à se structurés. Dans les autres colonies françaises importance de répression fiscale et donc application dépendait de conditions économiques. Par exemple dans les années 1930 en AOF explosion de recours au régime de l'indigénat du fait de difficultés pour les agriculteurs de payer leurs impôts. A l'instar de l'Algérie multiplication des exemptions par récompenses vis-à-vis des sacrifices durant Première Guerre mondiale ainsi que soustraction de catégories de personnes considérées comme « évoluées » échappant à répression de l'indigénat du fait de leur proximité avec les critères culturels et sociaux propres à la « race française ». Par conséquent, seuls les inférieurs étaient soumis à régime de l'indigénat ; diplômés, titulaires de certaines médailles, anciens combattants, certains commerçants et propriétaires terriens pouvant être dispensés de régime de l'indigénat. En 1929 idée d'exemption des femmes en AOF, mais nécessité d'un texte dans chaque territoire donc grande variation des situations. Enfin, empire britannique a connu des formes de répressions administratives individuelles ou collectives. Par exemple le Criminal Tribes Act de 1871 tend à sanctionner les populations nomades ou semi-nomades avec contrainte à sédentarisation, assignation à résidence, enregistrement et surveillance ainsi que pointage des hommes chaque semaine auprès des autorités. Parfois soumission des tribus au travail. Dispositif perdure jusqu'en 1924. 28 Police et maintien de l'ordre Ordre et désordre en situation coloniale Un usage supérieur de la force : Absence de consentement de la part des populations colonisées pour autorités coloniales font que domination coloniale repose sur coercition et non sur hégémonie, hégémonie étant comprise, suite à Gramsci, comme « construction négociée d'un consensus idéologique et politique qui associe groupe dominants et dominés ». Toutefois, existence de cas de processus d'hégémonie, notamment en Afrique avec anciens soldats africains d'armée française qui se sont reconvertis comme gardes-cercles pour Etat colonial. Importance de d'usage de la violence du fait manque de légitimité des autorités coloniales. Qu'est-ce que contrevenir à l'ordre en situation coloniale ? : Contraventions à ordre social excèdent largement crimes et délits punis par loi puisque les autorités coloniales ont inclus des actes qu'elles percevaient comme s'opposant à colonisation ou la mettant en danger. Par ailleurs criminalisèrent des pratiques sociales en instituant réglementations concernant par exemple usage des forêts ou vie religieuse. Toutefois, sujets coloniaux ne sont pas les seuls visés par contravention à ordre colonial. En effet, surveillance des migrants européens puisque possibilité qu'il s'agisse d'aventuriers ou des travailleurs qui pourraient finir vagabonds. En Inde afflux des migrants s'accompagna d'augmentation des infractions à la loi (abus dans conclusion de contrats avec Indiens ou violences physiques sur Indiens). Contraventions à ordre colonial par dérogation à hiérarchie coloniale les plaçant en position dominante puisque cela met en péril la frontière séparant populations européennes et indigènes. Importance du maintien de la hiérarchie. Faire la police en situation de sous-administration Un maintien de l'ordre partiellement étatisé : A l'instar du reste d'administration coloniale trop faible effectif des forces de police par rapport à territoire à couvrir. Par conséquent importance des « îlots de domination » du fait de postes devant assurer localement rayonnement de l'autorité coloniale. Exemple en 1865 à Java où tutelle hollandaise se signale par postes administratifs et forteresses militaires. Constat vaut très bien pour colonies avec faible présence européenne, mais aussi dans colonies de peuplement du fait de forte concentration des Européens dans espaces urbains. De fait souseffectif implique que maintien de l'ordre n'est que partiellement étatisé et que les colons sont parties prenantes dans les milieux ruraux. Importance des milices de colons lors des révoltes, mais aussi au quotidien dans les plantations avec mise en place d'un système disciplinaire propre au propriétaire. Exemples de l'Inde ou de Java avec dans ce dernier exemples de constitutions de milices privées avec recrutements de Javanais. L'articulation avec des structures locales : Outre rôle des colons maintien de l'ordre était également assumé par réinvestissement des structures et pratiques locales antérieures à colonisation, notamment les milices de villages. Celles-ci demeurent les forces principales du maintien de l'ordre. Importance de pérennisation des anciens systèmes locaux à Java, Madagascar, mais aussi Taïwan. Dans ce dernier cas Japonais ont conservé chefs de pao, communauté locale de base, avec pour mission d'assurer maintien de l'ordre. Par ailleurs intégration des milices à police d'Etat qui a pour particularité dans colonies japonaises de former armature de l'Etat colonial. Un recrutement local dominant : Importance numérique des représentants de l'autorité coloniale issus des colonisés fait que maintien de l'ordre en situation coloniale relevait également de « transactions collusives » entre populations locales et représentants de l'autorité coloniale. De fait l'ordre serait tenu par sorte de négociation implicite entre ceux qui étaient investis des fonctions de maintien de l'ordre sur le terrain et les administrés. Importance du recrutement local du fait de faiblesse numérique du milieu européen. Par exemple en 1905 à Madagascar 76% des postes subalternes sont occupés par des Malgaches alors qu'encadrement était nécessairement européen. Importance du recrutement européen pour polices urbaines puisque contacts et fonction d'autorité vis-à-vis d'Européens. Parfois recrutement de policiers indigènes au sein des esclaves. Exemple à la fin du XIXème siècle avec alimentation de police britannique de Gold Coast et allemande du Togo par marché aux esclaves de Salaga. 29 La fiscalité coloniale De manière générale fiscalité est manifestation régalienne de l'Etat et son moyen de financement. Celui-ci passe par : fiscalité indirecte (douanes), fiscalité directe (impôt foncier, capitation) en nature ou en monnaie et monopoles sur sel, opium etc... Dans contexte colonial impôts sont également considérés comme levier de transformation sociale et modernisation économique ainsi que définition du statut des personnes, sujets coloniaux étant astreints à impôts spécifiques. Néanmoins, fisc permet également de mesurer faiblesse de présence coloniale puisque souvent mal renseigné sur contribuables et dépend étroitement de relais colonisés pour collecte des impôts. L'impôt, une question éminemment politique Un acte de souveraineté : Avec conquête autorités coloniales mettent à leur profit les systèmes fiscaux préexistants . Par exemple en Inde East India Company intègre structures fiscales d'Empire moghol, notamment taxations sur revenus de l'agriculture. Renégociations périodiques du montant du selon les régions, hormis pour Bengale où fixation définitive de l'assiette dès XVIIIème siècle. De même conservation des monopoles sur opium et sel. Progression de recouvrement des impôts permet de mettre en évidence degré de soumission au nouvel ordre politique. Dans toutes les colonies collecte des impôts passe par indigènes et notables locaux. Les douanes, un problème impérial : Fiscalité est domaine partagé de pouvoir métropolitain et de gouvernements des colonies. Parfois intérêts des métropoles et des colonies se contredisent. Par exemple en Inde jusqu'en 1919 frais d'importations bas pour textiles du Lancashire, mais à partir de 1923 adoption de tarifs douaniers élevés pour protéger industrie indienne de concurrence. Dans ensemble des colonies britanniques douanes sont principales sources de revenus, jusqu'à 45% dans les années 1930. Durant Second Empire colonies françaises reçoivent droit de fixer elles-mêmes les droits de douane puis IIIème République aligne les tarifs coloniaux sur les tarifs métropolitains à partir de 1892. Importance de baisse des recettes douanières lors des années 1930 ce qui accentue poids de fiscalité sur les populations indigènes. Condition indigène et assujettissement fiscal : Fiscalité reflète mosaïque statutaire des indigènes ainsi qu'inégalité des statuts. En Algérie administration coloniale soumet indigènes aux « impôts arabes » alors qu'Européens sont exemptés. Celui-ci disparaît avec instauration d'impôt foncier, pour Européens dès 1918 et Arabes en 1919. De même dans colonie portugaise du Mozambique règlements sur travail et impôts dans années 1890 distinguent indigènes/non indigènes. Dans colonies importance d'impôt personnel (capitation) avec obligation de versement en argent. A Madagascar dès 1896 imposition de taxe personnelle sur hommes de plus de 16 ans. En 1901 augmentation de capitation et dès lors c'est moitié des recettes du gouvernement général. De même en AEF et AOF représente entre ¼ et 1/3 des budgets des colonies jusqu'aux années 1950. Au fur et à mesure de consolidation de la domination, assimilation fiscale des colonies sur modèle métropolitain. Par exemple mise en place d'impôt sur le revenu dans années 1860 en Inde, depuis 1842 en Angleterre, mais ne touche que minorité d'Indiens, environ 360.000 contribuables sur environ 400 millions d'habitants. En AOF généralisation d'impôt sur le revenu en 1956. Néanmoins, impôt personnel continue de représenter part importante des recettes même s'il est vu par populations comme une des marques de domination coloniale. Financer l'Etat colonial : « faire de l'impôt » Un principe, des réalités : l'autonomie financière des colonies : Importance du principe que budget des colonies doit être autosuffisant et que cela ne doit rien coûter à métropole. Par conséquent importance de poids sur populations colonisées et donc impôts, monopoles, taxes foncières et produits issus de travail des populations colonisées. Cas particulier du Congo belge puisque situé en zone de libre échange et ne peut donc pas bénéficier des revenus des douanes. De même au Mozambique importance des revenus tirés de commerce des travailleurs mozambicains pour mines du Transvaal, environ 17% des recettes en 1930. Augmentation de pression fiscale sur les populations colonisées. 30 Néanmoins, dans de nombreux territoires autonomie financière reste théorique et subventions métropolitaines comblent trous. Par exemple AEF reçoit financement jusque dans les années 1950. Par ailleurs dans le cas de fédérations problème de financement du budget fédéral. Solution la plus courante est qu'il soit alimenté par budgets locaux. Les dépenses : Avant Première Guerre mondiale budgets coloniaux sont essentiellement tournés vers financement d'administration et de défense. Dépenses « civilisatrices » sont faibles, mais augmentent durant entre-deux-guerres et après 1945. Dans ensemble des colonies françaises salaires des fonctionnaires coloniaux, métropolitains détachés dans les colonies etc... sont à la charge des colonies. A partir de 1947 une partie des dépenses des Territoires d'outre-mer sont prises en charge par métropole. Par exemple dans protectorat français du Cambodge 50% du budget passe dans administration générale, 11% dans travaux publics, 4% chacun dans santé et instruction. De même en Inde administration représente 25% du budget, armée également. Pour financement des infrastructures pas assez des budgets coloniaux et fédéraux donc nécessité de recours à l'emprunt ou d'aide de métropole. Avant années 1920 importance des investissements privés pour financement de développement économique colonial. A partir de 1929 volonté de développement des colonies par Angleterre pour lutter contre chômage métropolitaine et relance de ses industries. Adoption du Colonial Development Act pour alimentation de Fonds de développement coloniale pour subventions de projets. Toutefois, maigre bilan. Dans empire français loi de 1931 facilite recours à emprunt. Endettement des colonies pour investissements dans infrastructures routières ou portuaires. Dans ces années là dans colonies britanniques et françaises prise d'importance de remboursement dans budget colonial, 40% en Algérie, 80% en AOF, 42% au Nyassaland. L'impact de la fiscalité sur la société indigène L'impôt, pourvoyeur de la main d'oeuvre : Autorités coloniales insistent sur « vertus éducatives » de fiscalité puisque diffuserait goût du travail. En réalité fiscalité sert surtout à alimentation du budget et à mobilisation de main d'oeuvre pour entreprises. En effet, nécessité de travail pour pouvoir payer les impôts grâce à perception d'un salaire ou vente de produits. Par ailleurs impôts vise à accélérer monétarisation des économies faiblement monétarisées, notamment en Afrique subsaharienne. Néanmoins, faiblesse du numéraire en circulation oblige autorités coloniales à accepter paiements en nature ou en monnaie locale. Exemple du Dahomey où acceptation des cauris (coquillages) comme monnaie pour paiement d'impôt jusqu'en 1907. Le fardeau fiscal : Poids de l'impôt dépend des conjonctures et des régions. Par ailleurs importance de niveau des prix agricoles pour possibilité de paiement de capitation par les contribuables indigènes. De fait augmentation forte du nombre d'emprisonnement pour non-paiement de l'impôt durant les années 1930 dans colonie française de Guinée. Importance de fuite des contribuables mauvais payeurs. Néanmoins, grande indulgence de la part d'administration du fait de caractère possiblement explosif des questions fiscales. Le symbole de l'oppression fiscale : En Inde mouvement de désobéissance civile de Gandhi a pour but dénonciation d'oppression coloniale et choix de sel (monopole d'Etat) comme symbole. De même importance de lutte antifiscale par femmes dans pays yoruba au Nigeria dans années 1930-1940. Par exemple manifestations de l' Abeokuta Women's Union devant maison de chef des Egba, chargé de perception d'impôt pour les Britanniques, entre fin 1947 et début 1948. 31 L'armée dans les sociétés coloniales Importance de recrutement de populations non européennes dans Etat colonial et notamment dans l'armée du fait de supposée meilleure acclimatation et de coût moindre. Importance des recrutements locaux sont dans des proportions variables, pas plus de 50% dans les armées coloniales hollandaises et anglaises par exemple. Hormis dans colonies espagnoles et japonaises recrutement des soldats indigènes est la règle. Néanmoins, question d'impact de l'inclusion d'indigènes dans les armées coloniales sur les sociétés coloniales. Qui sont les « gardiens de l'empire » ? Recruter : volontariat et conscription : En règle générale importance du volontariat avec signature d'un contrat d'engagement, mais peut aussi être associé à d'autres formes d'enrôlement. Exemple de force publique d'Etat libre du Congo où recrutement se fait par volontariat, mais aussi par levées annuelles à partir de 1891. De même pour tirailleurs tonkinois à partir de création en 1886 où recrutement par engagements volontaires et systèmes de recrutement au niveau des villages. Imposition de conscription aux sujets coloniaux par France à des dates différentes selon colonies (Algérie 1912, Afrique et Madagascar 1919 et Indochine 1923). France est seule puissance coloniale à imposer cela. Troupes coloniales sont dès lors formées d'engagés volontaires et conscrits tirés au sort pour une durée de 3 ans. Jusqu'en 1946 volontaires ne peuvent plus de 25% du contingent. Proportions des troupes indigènes est variable selon colonies et plus la colonie est importante pour le colonisateur moins la proportion est élevée. Par exemple en 1914 proportion de soldats indigènes dans armées coloniales est de 66% en Algérie, 86% en AOF et 90% en AEF. En Inde baisse de proportion des indigènes après révolte des Cipayes en 1857, de 88% on passe à 65%. Choisir : l'importance des « races martiales » : Majorité des recrues des armées coloniales appartiennent à des ethnies considérées par Européens comme des « races martiales ». Par exemple en Inde recrutement au sein des Sihks ou des Rajputs. De plus peu de recrutements dans peuples ayant opposés forte résistance à conquête du fait de crainte de déloyauté, tels populations d'Aceh par Hollandais ou Ashanti par Britanniques. Volonté de groupe ethnique de servir dans armée coloniale dépend essentiellement de son degré d'intégration dans économie locale. De fait dans King African Rifles les « races martiales » proviennent des régions pauvres. Mutineries et insoumissions : Mutineries ont souvent pour déclencheurs la paie ou les mauvaises conditions de service, notamment révolte des Batetela au Congo belge en 1897-98 ou celle des Indiens à Singapour en 1915. Faiblesse de paie entraîne de nombreuses désertions. Par exemple en 1898 1/6 des effectifs d'un régiment annamite a déserté du de mauvaise solde. Par ailleurs en Afrique française résistance aux premières campagnes de recrutement intensif se font par des automutilations ou la fuite vers les colonies portugaises et anglaises ainsi que par révoltes de grande ampleur, notamment en Haute-Volta (Burkina Faso). De fait insoumis (refus d'engagement ou déserteurs) représentent 20% des appelés entre 1923 et 1946. Le fonctionnement des armées coloniales Le difficile avancement des colonisés : Immense majorité des officiers des armées coloniales sont Blancs. Par exemple au début du XXème siècle absence d'officiers indigènes chez les tirailleurs tonkinois. A contrario règlements italiens permettent nomination d'officiers indigènes, mais pas au dessus du grade de lieutenant. Indigénisation du commandement est différent selon colonies. Ouverture d'une académie militaire en Inde à Derha Dun en 1932 et nombreux Indiens sont admis à Sandhurst à partir de 1918. De fait sous-officiers peuvent être à la fois Européens et autochtones, mais nombreuses différences même à grade égal. Exemple des sous-officiers annamites qui ne peuvent pas commander à des soldats européens, sous-officiers voyagent en deuxième classe alors qu'eux en troisième et lenteur de l'avancement. Que ce soit dans armées coloniales françaises, anglaises ou italiennes possibilité de logement du soldat avec sa 32 famille. Néanmoins, il demeure que service militaire est un temps d'acculturation où modifications importantes de modes de vie des familles de militaires. Par exemple en Inde maisons des ex-soldats sont construites en dur avec une organisation intérieure différente de l'organisation traditionnelle, changements des façons de se vêtir, soumission aux règles d'hygiène occidentales. Dans empire français importance des troupes coloniales dans « action civilisatrice » puisque nécessité que le soldat parle français. L'armée, un acteur économique de poids dans les sociétés coloniales Les retombées économiques de l'engagement pour une société : l'exemple du Penjab : Présence de l'armée peut modifier les hiérarchies urbaines et les circuits économiques. Exemple du Penjab où implantation de structure militaire (routes, chemins de fer, télégraphes, cantonnements etc...) fait que vers 1921 plus de la moitié de la population urbaine de la région est établie dans 7 villes de cantonnements. Equipements militaires permettent également essor et commercialisation de production agricole. Une source de revenus non négligeable : Importance de service militaire comme un des rares emplois disponibles en AOF durant crise des années 1930. Par ailleurs gain de popularité après 1945 grâce à augmentation des soldes. Enfin, soldes aux anciens combattants sont un des rares revenus stables, même si importance des inégalités entre anciens combattants français et indigènes. Par ailleurs après la Première Guerre mondiale créations de comités d'assistance en Indochine avec prime de démobilisation ainsi qu'attributions de lopins de rizières ainsi que facilités pour l'établissement. Grades mandarinaux sont même octroyés aux plus méritants ce qui leur assure un prestige auprès de leurs compatriotes. Enfin, autorités coloniales peuvent également encourager les entreprises privées à embaucher d'anciens soldats, mais aussi réservés des emplois publics à ces derniers. Par exemple en Afrique française 10% des anciens combattants ont accès à un emploi réservé. Existence de ce système en Inde. Les militaires dans les colonies, un groupe social particulier ? Un moyen d'ascension sociale ? : Importance pour administration coloniale d'accorder faveurs à soldats et anciens soldats afin d'entretien d'idée que groupe distinct ainsi que garantie de loyauté. Par ailleurs même postes subalternes dans administration coloniale française font qu'anciens soldats deviennent des intermédiaires incontournables dans sociétés locales. De même importante convoitise d'accès à chefferie en Afrique de l'Ouest par soldats en exercice ou vétérans. De plus Etat colonial donne accès préférentiel à école pour les fils de vétérans. De même existence de facilités d'accès à citoyenneté pour les vétérans. Les formes de l'engagement politique : Durant Première Guerre mondiale fraternisation entre soldats des colonies britanniques et soldats de la métropole pose le problème de la barrière raciale. De même contact direct avec le reste du monde amène à une réflexion de plus en plus politique et une sensibilité plus grande aux discriminations. Néanmoins, ceux-ci ne soutiennent pas nécessairement les mouvements nationalistes naissants. Exemple des soldats penjabies du fait de leur recrutement avant tout rural alors que l'essor du nationalisme est plutôt urbain. 33 Violences coloniales Des violences extrêmes Des violences sidérantes : Violences coloniales sont sidérants par formes : exécutions sommaires, massacres de populations civiles (femmes, enfants etc...), destructions de villages, brûlées, pillages, rafles. Importance de recours aux armes à feu et idée de certains Européens dans les colonies qu'ils ont droit de vie et de mort sur administrés. Exemple du procès du capitaine Doineau en 1857. Par ailleurs violences coloniales se caractérisent par dérogation aux normes juridiques en vigueur. Exemple d'utilisation de gaz moutarde par Italiens en 1935-1936 alors qu'interdit sur le plan international depuis 1925. De plus violences coloniales sont violences de masse, mais problème de quantification assurée des nombres de morts. Camps de concentration, génocide : le moment 1900 : Fin XIXème/début XXème siècle colonies virent avènement de nouvelles formes de violences. En 1898 à Cuba utilisation par Espagnols de camps de concentration. De même par les Anglais contre les Boers entre 1899 et 1902. Idée de couper les combattants du soutien des populations rurales en vidant les campagnes. Utilisation par les Allemands durant répression de révolte des Hereros en 1904-1905. Une historiographie riche en débats Massacres coloniaux et génocide : Importance de débat autour de qualification de certains massacres coloniaux comme des génocides. Définition du génocide est mise en place par Lemkin après Deuxième Guerre mondiale. Existence de deux critères : intentionnalité et ampleur du massacre. Débat autour de nécessité d'explicitation d'intentionnalité pour qualification de génocide. De même problème de définition d'ampleur du massacre dans définition du génocide. Historiographiquement, notamment Hannah Arendt, importance de lien entre génocide des juifs et massacres coloniaux, ces derniers étant précurseurs. Toutefois, problème d'insertion des violences coloniales dans continuité puisque nie les spécificités des violences coloniales. Importance de violence coloniale puisque domination coloniale a besoin de coercition pour se maintenir, sa légitimité étant faible. Spécificité des violences coloniales tient au fait que violence continue à s'exercer en dehors des périodes de conquêtes ou de répressions de soulèvements. « La » violence coloniale Droit et violences : Selon Merle idée que régime de l'indigénat substituerait des violences légales et contrôlées aux pratiques répressives illégales (châtiments corporels etc...). Toutefois, malgré cela nombreux exemples de continuation des violences illégales, notamment en AOF. De même dans empire britannique avec coexistence d'application de mesures légales et de pratiques interdites. Existence de châtiments corporels légaux dans Congo belge. Une violence inscrite dans les rapports sociaux : Outre violence physique existence d'une violence sociale. Racisme, infériorisation en sont des exemples. Expression de violence coloniale est essentiellement du fait de l'Etat, mais exemple du fouet dans les fermes du Transvaal sud-africain démontre que ensemble des Européens exercent cette violence. Exacerbation de ce phénomène dans moments de crise et dans colonies de peuplement. Présence des colons lors des grandes répressions coloniales. Dans de nombreux cas uniquement guides, mais existence de véritables milices, comme en Algérie en 1945. De la violence dans les deux camps ? : Justification de violence coloniale par existence d'une violence chez les colonisés. Par ailleurs utilisation de violence des colonisés comme discours de justification et de minimisation des violences coloniales. 34 Institutions représentatives Logiques coloniales de représentations L'assimilation et ses verrous : Périodes assimilationnistes en France, après 1848, et au Portugal, durant années 1820, permettent une légère représentations des colonies, uniquement certaines puis toutes après 1945 pour le cas de la France, dans les institutions métropolitaines. Relatif étiolement des représentations au Portugal puis disparition complète à partir de 1926. Dans cas de France embellie de représentation coloniale durant années 1870-1880 après suppression durant Second Empire. Restauration de postes de députés pour Algérie, Guadeloupe, Guyane, Martinique, quatre communes du Sénégal et pour comptoirs français d'Inde ainsi que création de poste pour Cochinchine en 1881. De même création de postes supplémentaires de députés et de sénateurs pour territoires avec nombreux électeurs coloniaux. Toutefois, rapidement contestation de politique de représentation coloniale par tenants de politique d'association. Dans le même temps diffusion de conceptions racistes et opposition croissante entre « civilisés » et « indigènes ». Qui a droit au self-government ? : Dans empire britannique importance du self-government avec existence d'une assemblée locale et de gouvernement responsable devant l'assemblée. Néanmoins, au moment de création d'Union sudafricaine en 1910 exclusion des électeurs noirs, hormis au Cap. Lors d'intégration des femmes blanches au vote exclusion totale des Noirs. Importance d'autonomie financière pour Colonial Office et cas de la Jamaïque, dont le Conseil législatif fut profondément réformé après Morant Bay en 1865, montre que liaison étroite entre autonomie financière et autonomie politique. Lors de subvention d'Angleterre à Jamaïque en 1899 mise en place des 10 fonctionnaires nommés par administration et donc majorité de l'administration coloniale sur personnes élues. Par la suite réforme pour donner majorité aux élus. En Inde après 1919 remplacement des conseils législatifs dans chaque province et à l'échelle de la colonie entière, qui accueillaient déjà des membres élus depuis 1909, par système bicamérale avec majoritairement des membres élus. Mise en place d'un conseil impérial (145 membres dont 104 élus) et d'un conseil d'Etat (60 membres dont 34 élus). En 1916 création par les Hollandais d'une Volksraad avec association de membres élus et nommés avec d'abord parité puis majorité d'élus dès 1927. Mise en place d'une collège censitaire de 200.000 électeurs. La même années USA remplace première assemblée philippine, datant de 1907, par système bicaméral avec Chambre des représentants et Sénat élus par suffrage direct et censitaire. Expériences et crispations Laboratoires municipaux : Mise en place des assemblées législatives en Inde et Indes néerlandaises suite à des expériences dans plus grandes villes avec instauration de conseils municipaux en partie élus à partir de 1905 pour les Indes néerlandaises et à partir de 1842 dans certaines villes d'Inde puis de manière plus générale dès 1882. En Inde idée de soulager le budget colonial en déléguant certains services publics ainsi que la charge de la perception des impôts aux villes et aux notables locaux. Néanmoins, corps électoral très restreint, difficultés dans le respect des résultats électoraux par administration et notables locaux ainsi que présence de membres de droit. Malgré tout au début des années 1920 environ 1 conseil sur 2 était élu. Enfin, municipalités deviennent bases de système complexe d'élection indirecte pour partie des membres des conseils législatifs provinciaux suite à réforme Morley-Minto. Dans système français distinction entre commune mixte, sous tutelle administrative, et commune de plein exercice, élisant conseils municipaux avec double mode de suffrage (universel masculin pour colons et censitaire pour les Algériens). Peuplement européen très faible dans communes mixtes et direction de la commune par un administrateur-maire et ses adjoints-indigènes nommés. Salariat de ces derniers à partir de 1919. De fait en Algérie monopole des colons sur représentation locale. A partir de 1947 association des Algériens de façon plus large aux municipalités urbaines, mais pratique toujours inégalitaire. Façades représentatives et illusion dyarchique : Hors des villes très grandes difficultés pour faire vivre représentation locale du fait de détournement ou d'ignorance des prescriptions administratives. A tel point qu'en Annam 35 l'administration désigne et rémunère les chefs de villages à partir de 1905. De même échec de restauration des assemblées villageoises algériennes en 1919. Multiplication des assemblées et conseils par le colonisateur. Malgré faible poids politique, faible caractère représentatif (exemple de conseil législatif du Gold Coast en 1925 qui incluait 6 membres désignés par les chefs coutumiers et seulement 3 élus) et fonction essentiellement consultative ont malgré tout été des espaces de discussion et de protestation qui ont pu parfois peser sur évolutions politiques. Exemple du conseil général du Sénégal qui à partir de 1920 est composé de 20 chefs de cantons nommés et de 20 élus puis suite aux protestations est réformé en 1930 avec majorité pour les membres élus. De plus outre chefs coutumiers volonté de cooptation des représentants des intérêts économiques (chambres de commerce d'agriculture etc...) dans les conseils et les assemblées. Exemple du conseil colonial de Cochinchine qui incluse 4 représentants de chambre de commerce et chambre d'agriculture de Saigon dès 1880. Existence d'une illusion d'un partage dyarchique du pouvoir qui pourrait associer tutelle coloniale et représentation. Exemple de l'Inde où à partir de 1919 assemblées provinciales, élues au suffrage censitaire direct, peuvent nommer certains des ministres de l'intérieur des gouvernements de province, mais ministères les plus importants (Ordre public et Impôts fonciers notamment) demeurent dans les mains d'administration. De fait seule une partie des ministres étaient responsables devant assemblée, les autres l'étant devant le gouverneur. Cas de Ceylan (conseil d'Etat de 61 membres dont 50 élus au suffrage universel, nomination de 7 ministres par conseil) permet de nuancer, mais demeure exceptionnel. En Inde résistance de Parti du Congrès et boycott des assemblées donc mise en place d'un parlementarisme au sein des provinces à partir de 1935. Des démocratisations truquées ? Du fait de faiblesses des formules dyarchiques autorités coloniales cherchent à fragmenter les corps électoraux pour affaiblir élus. Utilisation du suffrage indirect, mais élargissement successif des corps électoraux tend à estomper cela. Exemple de l'Inde où 3% des Indiens sont électeurs jusqu'en 1919 puis 14% en 1919 et 50% à partir de 1937. Dans empire français utilisation du double collège électoral, mais fausse parité. De fait en 1919 certes 421.000 Algériens élisent 1.500 conseillers, mais ceux-ci ne représentent que moins de 40% des conseils. Par ailleurs même si abolition du suffrage censitaire en Algérie en 1944 pérennisation du double collège. De même droit de vote des Algériens est refusé jusqu'en 1958 alors que Françaises d'Algérie peuvent voter à partir de 1944. Enfin, créations de collèges séparés entre citoyens français et citoyens de l'Union française, les premiers étant au suffrage universel alors que les seconds est restreint par différents critères (scolaire, sociaux, censitaire), mais tend à s'élargir très rapidement. 36 Abolition de l'esclavage, travail forcé, salariat Abolition d'esclavage ne suffit pas pour disparition de travail contraint. Réglementations sur travail dans colonies tendent à s'inscrire dans cadre d'exception vis-à-vis de cadres ayant cours dans métropole. Travail salarié permet de faire entrer sociétés colonisées dans modernité, dans sens des autorités coloniales, mais aussi les faire entrées dans statut universel ouvrant à exigence de certains droits. Colonisés s'en empare pour sortir de condition de travailleurs coloniaux. Les abolitions de l'esclavage, « engagisme » et coolie trade Des abolitions tout au long du siècle : Abolition de traite par Angleterre en 1807 puis par toutes les puissances du traité de Vienne en 1815, avec néanmoins autorisation pour Portugal à sud d'Equateur. Abolitions d'esclavage dans colonies tout au long du XIXème siècle : 1833 pour l'Angleterre, 1847 pour Suède, 1848 pour France et Danemark, entre 1854 et 1859 aux Indes néerlandaises, à partir de 1855 aux Indes britanniques et en 1863 dans colonies américaines des Pays-Bas. Mouvements contre esclavage ne commencent dans empires espagnol et portugais que du fait de financement des quakers britanniques. A noter que certains Etats n'interdisent pas esclavage, mais seulement commerce des esclaves. Abolition de traite par Portugal en 1836, mais poursuite de manière illégale sur côtes Angola, Mozambique, Afrique centrale vers Cuba, océan Indien et Sao Tomé. Proclamation d'émancipation par Portugal en 1875, mais en aucun cela supprime esclavage et flux de travailleurs forcés vers îles portugaises atlantiques. Dans empire espagnol mise en place d'une loi d'émancipation graduelle accordant liberté aux enfants de femmes esclaves en 1870. Abolition d'esclavage à Porto Rico en 1873 puis émancipation générale en 1880. Existence d'une période de transition jusqu'en 1886 durant laquelle affranchis décident s'ils continuent à travailler pour leur ancien maître. Lors de départ d'affranchi indemnisation des propriétaires terriens ou période « d'apprentissage » durant laquelle affranchi reste attaché à maître et touche un salaire inférieur à celui d'un travailleur libre. Existence de ce système dans empires espagnol, britannique, hollandais et portugais. Par exemple dans Caraïbes britanniques période d'apprentissage est fixée à six ans pour esclaves agricoles et quatre pour esclaves domestiques. Dans empire ottoman mise en place d'édits contre traite des Blancs en 1854 et des Noirs en 1857. En 1880 signature de convention anglo-turque contre traite prive de débouchés trafic d'esclaves d'Afrique orientale. Dans île de Zanzibar ou au Dahomey importance des esclaves pour développement d'économie de plantation notamment en ce qui concerne les oléagineux. Justification d'expansion coloniale par lutte contre esclavage. Toutefois, après conquête autorités coloniales ne remettent pas en question esclavage puisqu'est fondement d'économie de plantation locales qui assurent revenus aux colonisateurs par exportation. Création, par exemple, de « villages de liberté » dans colonies françaises d'Afrique de l'Ouest pour rassembler esclaves libérés, mais utilisation de cette main d'oeuvre par administration coloniale. Suppression des villages en AOF en 1905, en même temps qu'abolition d'esclavage. En 1903 libération des esclaves nés après 1890 dans Somalie italienne. De même abolition d'esclavage par Portugal et interdiction Congo belge en 1910. Dans colonies britanniques interdiction d'esclavage à Zanzibar en 1897, en 1900 en Ouganda, en 1907 au Kenya et en 1922 au Tanganyka. Abolition d'esclavage pose question de remplacement de main d'oeuvre. Des dispositifs de substitution : « engagisme » et coolie trade : Dans Caraïbes planteurs font appel à main d'oeuvre européenne (Irlandais, Ecossais, Allemands, Portugais de Madère) avec contrat pour durée de 3 à 5 ans, mais ne parviennent pas à rendement des esclaves. Par ailleurs ils sont mal considérés par société blanche coloniale puisque remettent en cause hiérarchie sociale fondée sur distinctions des couleurs. Remplacement par engagements d'Africains, mais esclaves libérés sont obligés de devenir des « engagés ». Par exemple 35. 000 Africains sont employés dans colonies britanniques entre 1841 et 1867. De même 50. 000 Africains sont introduits dans Antilles françaises entre 1848 et 1859. Interdiction de pratique car trop proche d'esclavage. Signature de traité de libre-échange franco-anglais de 1860 permet engagement de main d'oeuvre indienne par France. Le coolie trade sont migrations réglementées de travailleurs coloniaux salariés, souvent Indiens ou Chinois. Existence de ce phénomène dès début XIXème siècle jusqu'à fin Première Guerre mondiale pour les Indiens et veille Seconde Guerre mondiale pour les Chinois. Contrats types de sont 5 ans. Importance de cette pratique puisque plus 2.3 millions d'engagés indiens à Ceylan entre 1843 et 1924 et 1.75 million en Malaisie entre 1844 et 1910. Hormis dans sultanats malais, les communautés de coolies forment des minorités avec forte identité 37 culturelle. Idéal n'est ni de se fonder sur critères de société blanche ni de « créoliser » leur culture. Relative hostilité des anciens esclaves vis-à-vis des coolies puisque ces derniers acceptent salaires très bas. Enfants de coolies cherchent à quitter mines grâce à éducation pour devenir cadres subalternes d'administration coloniales ou dans entreprises privées. Le travail forcé, exploitation de la main d'oeuvre et « civilisation » Une main d'oeuvre contrainte : Utilisation également de contrainte pour obtention de main d'oeuvre nécessaire à projets de développement d'infrastructures ou pour exploitation des territoires conquis. Mise en place de justifications pour légitimer pratique. Compagnies concessionnaires et SMOTIG : Travail forcé permet à colonisateur d'utiliser main d'oeuvre par réquisition et sans contrat pour réalisation de tâches pénibles (routes, chemins de fer, travail mines, plantations etc...). Existence également de corvées pour administration, plus ou moins substitut à impôt. Se distingue d'esclavage par fait que ce n'est pas transmis par hérédité et que réquisition s'effectue sur durée limitée. Importance de mortalité et relatif mépris du colonisateur pour vie des colonisés, ces derniers pouvant être remplacés par nouvelles réquisition. Travail pénible, mauvaises conditions d'hygiène et nourriture carencée. Relais des réquisitions par chefs locaux. Existence d'un travail forcé également urbain, souvent main d'oeuvre pénale, administrative, prestataire (assujetties aux corvées) ou temporaire. Outre l'administration coloniale réquisitions de main d'oeuvre peuvent également se faire pour grandes compagnies concessionnaires. Ces dernières possédaient monopoles commerciaux ainsi que droits régaliens (police, impôt etc...) sur des territoires concédés par Etat métropolitain. Imposition de grandes quantités de travail à faire avec forte coercition (coupures des mains, pillage et brûlage des villages au Congo belge en 1895) si objectifs non atteints. A partir de 1926 à Madagascar et en AOF utilisation de partie non mobilisée du contingent comme main d'oeuvre dans cadre du Service de la main d'oeuvre des travaux d'intérêt général (SMOTIG) avec construction de routes ou de voies ferrées. Oeuvre « civilisatrice » et condamnation internationale : Justification idéologique de travail forcé par jugement de paresse porté sur Africains. Idée que travail permettrait de mieux moraliser et de civiliser qu'école, celle-ci étant réservée à minorité. De même incapacité des sociétés colonisées de mettre en valeur leurs donc en le faisant sous férule coloniale elles oeuvrent à leur propre bénéfice. A partir de 1930 Bureau international du travail appelle à fin du travail forcé sous toutes formes, mais mise en place de dérogation pour travaux à fins publiques. Ratification de convention du BIT par France, Angleterre et Pays-Bas en 1937, Belgique en 1944 et Portugal en 1956. Dans cas de France abolition de travail forcé n'a lieu qu'en 1946. Existence de travail contraint dans nombreux empires même pas de caractère systématique comme dans colonies françaises, belges et portugaises. Par exemple depuis 1872 existence dans Indes néerlandaises de peine de 10 à 12 de travaux forcés en cas de non-exécution de travail ordonné. Le travail libre salarié. Entre « modernité » coloniale et subversion Diversité du salariat : Faiblesse numérique du salariat (8,60% de population active en AOF en 1951). Dans la plupart des colonies les Européens occupent les places d'encadrement, mais existence d'un prolétariat blanc en Afrique du Sud donc favorisation de mise en place de l'apartheid pour maintenir distinction entre Blancs et Noirs d'une même classe ouvrière. Salariat ouvrier est très faible dans colonies du fait de faiblesse d'industrialisation des colonies. Malgré tout exceptions d'Inde avec industrie textile, d'Afrique australe avec secteur minier et de Corée durant entre-deux-guerres. Cheminots constituent une certaine « aristocratie ouvrière » du fait de leur qualification. Colonisés éduqués deviennent des « intermédiaires de colonisation », mais sont minoritaires. Dans certains cas (cheminots ou ouvriers citadins) salariat peut traduire ascension sociale et donc certaine émancipation sociale et financière du fait de qualifications, mais le plus souvent salariat recouvre des situations de précarité (ouvriers agricoles en Algérie) ou importante gamme d'emplois sans qualifications. Par ailleurs passage au salariat fait souvent de petits artisans comme en Inde après introduction des textiles britanniques. Cas particulier de la Corée puisqu'industrialisation et développement de petit tissu d'industries légères, souvent possédées par des Coréens, durant les années 1920 et dans le même temps ouverture de politique coloniale 38 japonaise vers influences et initiatives locales. De fait grandes entreprises sont japonaises, mais capitalisme est coréojaponais. De plus quelques familles coréennes sont capables d'effectuer des investissements. Elites coréennes sont de fait tiraillées entre sensibilité nationale et intérêts de classe. A partir de 1937 mise en place d'un monde ouvrier puisqu'ouvriers passent de 400.000 en 1933 à 1.5 million en 1943. Toutefois, conditions de travail difficiles, salaire bas et discriminations en fonction d'origine, Japonais gagnant 2 fois plus qu'un colonisé (Coréen ou Chinois). Des réglementations spécifiques pour le salariat en situation coloniale : Cadre réglementaire du travail en situation coloniale correspond à situations dans législation du travail en métropole. Par exemple Code du travail français se met en place aux colonies uniquement en 1952. Dans empire britannique existence de la législation Master and Servant dans protectorat Est africain à partir de 1906. Stipule qu'en cas de rupture de contrat maître est suivi au civil alors que travailleur au pénal. Disparition de cette disposition dans métropole et empire à partir de 1875, remplacement par Employer's and Workmen Act, ce qui implique existence d'un traitement différencié des travailleurs africains par rapport aux Asiatiques puisqu'idée qu'Africains opposent forte résistance au travail. De plus nécessité pour les grands propriétaires de disposer d'une main d'oeuvre nombreuse et bon marché. A partir de 1919 responsabilité des chefs locaux pour recrutement de main d'oeuvre contre rémunération. Utilisation de main d'oeuvre pour travaux publics péniles avec limitation de durée à 60 jours/an. Reconnaissance du travailleur salarié et syndicalisation : Organisation collective des salariés est rendue difficile par faiblesse numérique et cadre juridique colonial qui interdit pendant longtemps les créations de syndicats. Autorisations uniquement pour des associations telles que des amicales, sociétés culturelles ou avec vocation d'entraide, les autres activités étant sévèrement réprimées. Dans empire français interdiction des syndicats du fait d'idée qu'indigènes ne sont pas assez développés, économiquement et intellectuellement, et que meneurs peuvent les manipulés. Possibilité de création d'associations professionnelles autochtones à partir de 1937 dans colonies françaises d'Afrique, mais avec obligation que membres maîtrisent le français. Développement important des syndicats en Afrique française et en Indochine. Autorisation des syndicats dans empire britannique en Inde en 1918 et en Afrique à partir des années 1930. Toutefois, dans empire français mis à part les deux centrales des cheminots, syndicalisme demeure émietté. Importance des liens entre centrales syndicales coloniales et métropolitaines. Protestations contre mauvaises conditions de travail peuvent prendre forme de pétitions jusqu'à assassinat de cadres européens, comme en Indochine. Demeure qu'importance des grèves même si celles-ci sont souvent violemment réprimées. Première grande grève a lieu en 1897 à Lagos. Multiplication des grèves après Première Guerre mondiale puis généralisation dans territoires coloniaux durant années 1930. Volonté des travailleurs coloniaux de se faire reconnaître les mêmes droits que les travailleurs métropolitains. Devant grèves de plus en plus importantes et incapacité des Français et Britanniques à trouver conflits sociaux, import de cadre réglementaire métropolitain sur le travail. A partir de 1946 envoi d'inspecteurs généraux du travail à Dakar ou Brazzaville. Néanmoins, application du Code de travail métropolitain dans colonies à partir de décembre 1952. Dans de nombreux cas syndicalisme est le seul moyen d'expression politique pour populations coloniales. 39 Migrations et diasporas de travail Abolition progressive de traite esclaves africains entre 1807 et 1870 conduit puissances coloniales a recruter nouvelle main d'oeuvre dans Antilles, Afrique et Asie. De fait pendant un siècle 50 millions de Chinois et 30 millions d'Indiens émigrent outre mer. Migrations de travail reconfigurent démographie de nombreuses colonies et à l'origine de nouvelles sociétés. Nécessité de développement nouveau système de communication et transport intercontinental. Mise en place durant deuxième tiers du XIXème siècle. « Révolution des transports » entraîne baisse des coûts de transport et raccourcissement durée du trajet. Augmentation de taux de retour a tendance à renforcer liens entre zones d'émigration et régions d'accueil. Les facteurs économique de l'essor des migrations Dès milieu années 1830 Britanniques doivent suppléer à manque de main d'oeuvre dans plantations du fait d'abolition d'esclavage. Font appel à travailleurs libres africains et européens pour remplacer esclaves dans Caraïbes. Echecs donc appel à travailleurs chinois et Indiens. Dans certaines régions esclavage remplacé par forme de travail contraint, l'engagisme. Existence phénomènes d'engagisme dans régions où esclavage perdure encore. Exemple de Cuba où coolies chinois coexistent dans mêmes plantations avec esclaves africains. De même existence d'engagisme dans colonies où esclavage n'existait pas, Natal ou Malaisie par exemple. Nouveaux flux de main d'oeuvre répondent à développement d'industrie sucrière aux Caraïbes, Mascareignes (Maurice, Réunion), Afrique (Natal et Mozambique) et Asie (Inde, Malaisie). Aux Philippines et Java recrutement de main d'oeuvre à place des esclaves dans plantations. Recrutement massif de travailleurs indiens dans plantations d'hévéa en Malaisie, cacao à Trinidad ou café et thé à Ceylan. Dans certaines îles des Antilles, Porto Rico ou Barbade, coexistence de travailleurs blancs et d'anciens esclaves. Développement des flux migratoires s'expliquent aussi par conditions socio-économiques de régions de départ. En Inde famines, surpopulation rurale, manque de travail, pression foncière et fiscale... Existence de deux grands types de travailleurs émigrés : coolies engagés et travailleurs libres. Le développement de l'engagisme dans les empires coloniaux Engagisme permet à puissances coloniales de recruter travailleurs libres et sous contrat à bon marché. Travailleurs chinois sont recrutés à Cuba, Antilles françaises et néerlandaises et Réunion. Travailleurs africains sont engagés au Sierra Leone pour travailler aux Antilles durant milieu XIXème siècle. Travailleurs sont recrutés dans certaines villes (Calcutta, Madras, Hong Kong etc...) soit directement par administration coloniale soit par agents des propriétaires de plantation. Signature d'un contrat avec obligation de rester sur plantation pendant nombre donné d'années avant de rentrer chez eux. Durant années 1840 coolie indien peut être recruté pour un an. En 1849 durée minimum d'engagement passe à trois ans puis à cinq ans dans colonies britanniques en 1862. Pendant durée de contrat besoins élémentaires (nourriture, logement) sont financés par propriétaire de plantation ainsi que versement d'un petit salaire. Liberté de mouvement des coolies est très limitée et surveillée. Contraventions aux règles sont sévèrement punies par peines d'emprisonnement ou lourdes amendes. Migrations des coolies s'arrêtent durant Première Guerre mondiale avec suppression du système de l'indenture. Néanmoins, si derniers coolies indiens ont rejoint Antilles britanniques en 1916, derniers retours de coolies ont lieu en 1954. Credit-ticket, kangani et migrations libres A partir deuxième moitié du XIXème siècle majorité des migrants chinois utilisent système des credit-ticket. Système fonctionne grâce à intermédiaires basés en Chine ou dans région d'accueil qui avancent argent pour transport et frais d'installation. Par la suite travailleur ou employeur doit rembourser dette et intérêts. Système repose sur contrôle de 40 communauté chinoise outre-mer, ces dernières exerçant forme de contrainte et parfois violence à encontre de travailleurs dont situation semble malgré tout plus proche des travailleurs libres que des coolies. Reprise du système des credit-ticket par administration britannique en Malaisie à partir des années 1880. Dans monde indien existence du système du kangani. Idée que travailleurs indiens considérés comme influents recrutement travailleurs au sein de réseau familial ou de village d'origine. Travailleurs libres ne sont pas liés par contrat ou engagement, mais sont redevables de recruteur. Importance de contrôle informel, familial et communautaire du travailleur. Toutefois, existence d'abus et de corruption dans système du kangani. Malgré tout travailleurs indiens exercent métiers plus variés que dans cadre de l' indenture puisque ce dernier recrute surtout paysans. Travailleurs indiens s'engagent pour courtes périodes et font souvent allers-retours entre Inde et colonies. Système du kangani jusque fin des années 1930 avec interdiction de migration indienne du fait de dépression économique. Fin du XIXème siècle augmentation d'émigration de commerçants et artisans accompagnés de familles hors système de credit-ticket ou de kangani. Travailleurs financent eux-mêmes voyages. Exemple nombreux commerçants indiens qui s'installent dans colonies britanniques. Les diasporas de travail dans les sociétés coloniales Part importante des migrants ne reviennent pas dans pays d'origine puisque souvent constituent pécule et achètent lopin de terre ou petit commerce. Environ 6 millions d'Indiens se sont installés dans autres colonies britanniques. De même 7, 5 millions de Chinois ne sont pas rentrés en Chine. Migrants constituent importantes minorités dans certaines sociétés coloniales. Exemple du Natal où Indiens sont plus nombreux qu'Européens début XXème siècle, environ 100.000 soit 10% de population. A Trinidad ils sont assez nombreux pour s'organiser politiquement et économiquement. Néanmoins, existence de cas où migrants sont peu nombreux. Exemples de Jamaïque ou Grenades ou Indiens sont très minoritaires et rejetés en bas d'échelle sociale. Importance des commerçants indiens dans Afrique orientale malgré faiblesse numérique. A île Maurice Indiens constituent 72% de population en 1910. Une minorité des migrants chinois ou indiens constitue également groupe d'intermédiaires privilégiés entre colonisateurs et populations autochtones. Utilisation des Sikhs en tant que force de police dans empire britannique. En Birmanie et Malaisie prêteurs chettiars financent paysans pour développement de rizicuture et d'hévéaculture durant première moitié du XXème siècle. Pour Metcalf le dynamisme économique et culturel des communautés indiennes dans colonies britanniques permet d'avancer hypothèse d'existence d'un « sous-impérialisme » indien au sein d'Empire britannique. De fait Indiens pas seulement des agents passifs de colonisation européenne, mais ont aussi possédé propre stratégie et pouvoir d'influence. Néanmoins, minorités indiennes et chinoises sont souvent en butte à hostilité des populations autochtones et de colonisateurs européens et jusqu'à subir des discriminations. Enfin, alors que migrants Chinois et Indiens en Asie du Sud-Est conservent des liens étroits avec pays d'origine, Indiens des Antilles tendent à perdre contact avec Inde et culture commence à se créoliser avec estompage des distinctions de classes et adoption de langue et habits des colonisateurs. Les migrations intracontinentales en Afrique En Afrique migrations intracontinentales transcendent frontières impériales et se développent dès fin du XIXème siècle. Migrations importantes de travailleurs libres du Sierra Leone, Dahomey, Liberia et d'Angola du fait de développement important de Sao Tome et Principe. De même importance de migration de 50.000 travailleurs du Mozambique pour Union sud-africaine et Rhodésie durant les années 1920-30. Importantes migrations de travail depuis Rwanda vers Ouganda, Tanganyka et vers mines du Congo belge. Mobilités ne sont pas toujours organisées par colonisateurs donc peuvent participer de stratégies d'accommodement ou de résistance. Exemple de certains travailleurs autochtones qui quittent colonie pour rejoindre empire moins oppressif à leurs yeux, notamment les Mossi qui fuient Haute-Volta française vers Gold Coast britannique. De même idée que mobilités peuvent permettre d'éviter contact avec colonisateurs, comme les paysans qui se réfugient dans forêts d'Afrique centrale. Migrations de travail jouent rôle important dans développement des sociétés coloniales, celles-ci étant par principe composées des plusieurs populations. Souvent populations allochtones sont des « indigènes » provenant d'autres territoires coloniaux. Migrants, notamment 41 chinois, indiens et syro-libanais, ont joué rôle très important dans développement socio-économique des « sociétés plurales » des colonies des Antilles, d'Afrique et d'Asie. Peu à peu migrants deviennent des intermédiaires entre colonisateurs et populations autochtones. 42 Les paysans Paysans constituent part la plus nombreuse des populations colonisées, industrie étant peu développée et secteur tertiaire aux mains de petite élite. Paysans regroupe catégories très diverses, du paysan sans terre et forcé de vendre sa force de travail au propriétaire cossu qui parvient à se constituer un capital foncier et rejoindre groupe des notabilités en passant par petit paysan propriétaire. De même possibilité de ranger les cultivateurs qui travaillent souvent qui appartient à une communauté souvent villageoise. Populations paysannes ne laissent pas beaucoup de témoignages puisque peu de témoignages directs (sauf enquêtes orales) et souvent vision par prisme du colonisateur (archive de justice etc...). De même colonisateur s'intéresse à populations paysannes de manière indistincte, les voyant comme source d'impôts et vivier de recrutement et réquisitions. Par ailleurs paysans semblent incarner coeur d'identité africaine. Difficulté d'avoir informations sur situation des paysans en contexte colonial et capacité d'intégration des paysans à modernité coloniale agricole privilégiant cultures spéculatives. Il demeure que globalement signes donnent à penser que détérioration de condition de vie de nombreux paysans. Le poids du nombre Proportions variables d'une colonie à l'autre, mais paysans constituent immense majorité de sociétés coloniales. De plus importance de forte croissance économique. Réponse à croissance démographique a été accroissement des surfaces cultivées plutôt qu'augmentation des rendements. En Inde croissance du rendement à l'acre (0, 405ha) est quasiment nul entre 1891 et 1947 et même diminution de 0,18%/an pour cultures alimentaires (céréales et légumineuses). Dans colonies en règle générale faibles rendements des : en 1931 Indochine 12 quintaux/ha, Siam 18 quintaux, Java 15 quintaux/ha alors qu'à même époque Japon atteint 34 quintaux/ha. Faibles rendements sont signes de stagnation des techniques agricoles et d'utilisation de force de travail sans mécanisation. Néanmoins, toutes les colonies ne sont pas comme cela puisqu'à Taïwan extension des à céréales de 76% entre 1900 et 1940 et dans le même temps augmentation de production de 337%. Importance des crises alimentaires et des famines en Inde au XIXème siècle. Famines en 1860-61, 1866-67, 1876-78, 1896-97 (celle-ci touchant toute la péninsule indienne et fait 5 millions de morts) et 1899-1900. Par ailleurs en Inde production agricole par habitant a diminué de 0,72%/an entre 1920 et 1947. De même en 1928 en Indochine idée que fleuve Rouge ne peut nourrir plus de 5 millions d'habitants alors que déjà peuplé de 7 millions d'habitants. Des profils paysans contrastés Des formes de modernisation coloniale : Intense développement des cultures commerciales dans cadre d'économie de plantation avec intégration des paysans à des degrés divers dans économies commerciales et spéculatives. Fort bouleversement des habitudes agraires par monétarisation de sociétés. Changement de situation des paysans également du fait d'encouragement par autorités coloniales des relations contractuelles dans des sociétés habituées aux relations sociales fondées sur obligations réciproques, liens de dépendance ou de patronage. Enfin, fixation de propriété par cadre juridique se fait par relations contractuelles sans que contrat ne garantisse les tenanciers d'arbitraire du propriétaire. Néanmoins, parfois minorité non négligeable de paysans des sociétés colonisées ont su s'adapter à contexte colonial et participer à économie agricole commerciale. Par exemple à partir de seconde moitié du XIXème siècle au Surinam constitution d'une communauté de petits propriétaires autochtones cultivant le cacao. De plus ceux-ci résident dans les colonies et réinvestissent leurs gains dans la colonie. En Inde petite partie des propriétaires parviennent à s'intégrer à marché de commerce national et international des produits agricoles puisque production de surplus, sont suffisamment riches pour stocker en attendant montée des prix, emploi de main d'oeuvre et prêt d'argent ou de grains à paysans en difficulté. Cette communauté de propriétaires gagne également prestige et autorité dans village. Période 18601900 est âge d'or de ce système. Pour grande majorité des paysans modernité coloniale a été signe de dégradation de 43 situation. En effet vente de production par paysans se fait souvent par intermédiaires, marchands-prêteurs, et dans urgence de payer dettes envers marchands-prêteurs, d'acquitter impôts ou de se nourrir. De plus en plus communautés agricoles rurales deviennent un « prolétariat agricole » au profit des élites locales. Exemple d'aristocratie buganda en Inde qui est propriétaire des et intermédiaire entre communautés agricoles rurales et marché. En Inde existence du servage pour dettes et dégradation de conditions des tenanciers du fait de pression sur la terre et accroissement d'offre de bras. Fin XIXème siècle ¾ des paysans indiens sont endettés. Dans de nombreux cas marchands-prêteurs ne cherchent pas à acquérir des débiteurs, mais plutôt en faire des dépendants assujettis à conditions écrasantes et corvéables à merci. En règle générale petits paysans sont très dépendants des fluctuations du marché et des conditions imposées par les commerçants. Très souvent prêt auprès d'usuriers, vente de récoltes à prix très bas et commencement de l'endettement qui peut amener rapidement à misère en cas de mauvaises conditions climatiques. Crise, politiques coloniales et contestations paysannes Un appauvrissement accentué : Crise économique mondiale renforce vulnérabilité de petite paysannerie et augmentation importante d'endettement des agriculteurs durant années 1930. De plus faiblesse des communautés agricoles augmentée par retour de nombreux travailleurs urbains au chomâge. Néanmoins, importance de pauvreté avant même crise des années 1930. Des essais de politiques coloniales : Pour lutter contre pauvreté autorités coloniales tendent à mettre en place des dispositifs. En 1859 au Bengale promulgation de loi de protection des tenanciers (petits paysans), mais peu appliquée. En Inde promotion du crédit coopératif à partir de 1904 et des grands travaux d'irrigation pour chercher à intensifier productions. En Cochinchine tentative de fondations de villages de colonisation sensés attirer populations paysannes des régions densément peuplées que sont Annam et Tonkin, mais échec. De même avec dragage et percement de canaux dans Ouest indochinois, mais attirance des paysans pauvres de Centre et Ouest de Cochinchine et non ceux de Centre et Nord Vietnam. Echec des autorités coloniales s'explique par incapacité à mettre en place des migrations à grande distance de paysans très pauvres, mais par fait que paysans sont attachés à leurs villages. Contestation et politisation paysannes : La contestation paysanne prend formes divers, plus ou moins spontanées, mais tend à se politiser. Souvent mécontentement se marque par comportements de refus (infractions aux règlements communaux évitement des prestations pour administration, fuite devant impôt, agression d'agents ou de notables exerçant rôle économique. En 1875 direction des émeutes de Deccan contre prêteur. Sociétés lignagères, en Afrique orientale et centrale notamment, ont été plus promptes à révolte que sociétés à Etat. Dans de nombreux cas contestation est larvée et peut reprendre à tout instant tant que motifs ne disparaissent pas. En revanche autorités coloniales craignent plus les contestations des élites paysannes car plus organisées. Exemple de révolte contre fisc colonial en Assam en 1893 ou au Penjab en 1907. En Inde actions des élites paysannes se concentrent plutôt sur pétitions, grèves des impôts, taxes ou des loyers fonciers et l'émigration collective. Fin XIXème/début XXème siècle début d'un soutien par une élite nationaliste modérée. Importance de figure de Gandhi car des les années 1920 il fait la liaison entre les mouvements de masse très populaires et les revendications politiques des élites libérales. Dans même temps actions de boycotts et de destructions de débits de boissons ou de pillage de marchés etc... car symboles d'oppression coloniale. Toutefois, même si ce sont les forces numériques majeures d'essor du mouvement nationaliste indien, les plus pauvres ne profiteront pas d'indépendance. De même en Indochine. Appui des élites sur masses paysannes, mais aspirations des paysans ne sont pas nécessairement prises en compte par élites politiques et classes moyennes. 44 Les ouvriers Colonisation repose sur division internationale du travail avec assignation de rôle de production de matières premières (minérales ou agricoles) pour colonies et production de produits manufacturés pour métropoles. Expansion coloniale également justifiée par recherche de débouchés et de marchés protégés pour production nationale. Autorités coloniales cherchent à protéger sociétés « traditionnelles » de transformations jugées comme néfastes (industrialisation, détribalisation, déracinement, politisation etc...). Paradoxe car dans le même temps volonté de diffusion du salariat avec idée que c'est indice de civilisation et que salariés du « secteur moderne » sont meilleurs exemples du transformation opérée par colonisation. Employés des plantations doivent être inclus dans « ouvriers » du fait de fort caractère agroindustriel des plantations et importance du salariat comme critère de distinction. Même si en 1950 sociétés coloniales sont encore fortement rurales, stimulation de formation de prolétariats ouvriers. Apparition bouleverse équilibres sociaux. Ouvriers sont minorité statistique, mais sont parfois nombreux localement et dans tous les cas peuvent jouir d'une forte influence en proportion de leur poids numérique. Le travail ouvrier dans le monde colonial Quelques régions fortement industrialisées : Inde est cas presque unique de pays qui s'est fortement industrialisé durant période coloniale. Néanmoins, secteurs industrialisés sont ceux qui demandent le moins de capitaux et de sophistication technique, notamment textile. En Afrique du sud et au Congo belge exploitation industrielle des mines implique naissance de prolétariat nombreux. En Inde population ouvrière est de 2, 1 millions en 1911 et 4 millions en 1931, soit 10% de population active. Concentration des ouvriers dans quelques centres urbains, Bombay, Calcutta et Ahmedabad, où ils représentent part importante de population de ces villes. A noter qu'à Bombay et Ahmedabad capitaux et patrons sont indiens. Néanmoins, au Bengale industries (mines, usines, plantations) sont essentiellement aux mains des Britanniques. Par ailleurs grandes filatures ne font pas disparaître petits ateliers. Corée est également un des rares pays colonisés avec forte industrialisation, mais à fin de domination japonaise. Jusque durant années 1930 pour Japon Corée et Taïwan sont uniquement fournisseurs de denrées alimentaires pour métropole. Evolution de politique du fait d'orientation progressive d'économie vers économie de guerre. Vers 1930 industriel coréenne est dominée par petits ateliers peu capitalisés avec production de produits de consommation courante. Grande industrie est dominée par Japonais, à quelques exceptions près dont famille Koch'ang Kim. Avec guerre Corée sert de base logistique pour opérations japonaises en Chine. Développement industriel brutal du fait de grand potentiel en production de charbon et hydroélectrique. Nombre d'ouvriers passe de 400.000 en 1933 à 1, 5 million en 1943. Diversification de la production. Des activités industrielles limitées : Secteur agricole est celui où plus grand développement d'activité industrielle dans monde colonial. Importance de fabrication de plus en plus industrielle du sucre. Dans plupart des colonies activités industrielles se limitent à fabrication de produits de consommation courante. Des prolétariats ouvriers La formation du prolétariat : Recrutement des prolétaires chez artisans, souvent ruinés par fait colonial, et surtout chez paysans. Paysans viennent trouver complément de revenus dans emplois saisonniers en ville et fuient, de façon temporaire ou permanente, la misère des campagnes. Entre villes et campagnes mise en place d'un prolétariat flottant qui vient participer aux grands chantiers coloniaux ou dans manufactures textiles puis retourne à activités habituelles. Migration temporaire et main d'oeuvre flottante sont au départ des choix délibérés de patrons et autorités coloniales puisque cela permet de contenir salaires, éviter installation définitive de migrants et faciliter encadrement, soumission et limiter capacité à se coaliser de population migrante. Dans mines du Transvaal compagnie des mines va chercher mineurs dans ensemble d'Afrique australe, notamment Mozambique, puis renvoie les ouvriers une fois le contrat terminé. A partir de 1925 les difficultés récurrentes pour se procurer main d'oeuvre ainsi que pression d'Eglise catholique pour 45 augmentation de natalité dans colonies font que grandes entreprises cherchent à fixer les travailleurs. Pour cela mise en place de contrats de 3 ans, amélioration des salaires et des conditions de vie ainsi que développement des services de santé et de formation professionnelle. Dans cas d'Union Minière du Haut Katanga, règlement intérieur régit vie quotidienne des travailleurs et répression à coups de retenues sur salaire ou de « chicotte ». Bassins de main d'oeuvre varient selon régions. A Bombay et Ahmedabad ouvriers viennent des campagnes environnantes, mais pour recrutement entreprises recourent à particuliers, jobbers ou mukkadams, qui utilisent affinités de castes ou réseaux régionaux pour fournir travailleurs. De même utilisation d'organismes publics ou patronaux. Dans tous les cas importance de mauvaises conditions des travailleurs du fait d'absence quasi totale de logistique. Existence d'améliorations ponctuelles comme extension à Indochine des mesures prises en métropole par Front Populaire en 1397. Les ouvrières : Développement du travail ouvrier féminin, notamment égrainage de coton en Egypte et filatures de Bombay et Calcutta. Existence de quelques lois sociales, notamment Factory Acts de 1881 et 1891 qui limitent emploi des femmes et des enfants. Part des femmes ouvrières passe de 25% à 15% entre 1890 et 1930 à Bombay. Néanmoins, certaines tâches restent leur apanage, notamment cigarettes indiennes. Industries textiles japonaises s'implantent en Corée du fait de non application du droit du travail japonais. De même emploi de paysannes pauvres âgées de 14 à 18 ans représente 80% de personnel. Utilisation de cette pratique par entreprises coréennes. Ouvriers blancs et discrimination raciale : Dans zones coloniales où peuplement européen plus important, concurrence forte entre colonisés et colons pour emplois qualifiés. Dans de nombreux cas colons possèdent postes qualifiés. Exemple des ouvriers étrangers, notamment italiens et grecs, du Caire qui représentent 5,2% des ouvriers en 1937, mais possèdent majorité des postes de contremaîtres etc... Par ailleurs salaire d'un ouvrier européen est 2 fois supérieur à celui d'un indigène. En Afrique du Sud formalisation de la colour bar en 1926 ce qui bouche toute perspective de promotion sociale pour indigènes. En Rhodésie du nord (Zambie actuelle) existence d'une double grille de salaire (Blancs/indigènes) jusqu'en 1969 alors qu'indépendance jusqu'en 1964. Le mouvement social aux colonies Actions ouvrières : le primat de la grève : Dans sociétés coloniales regroupement des travailleurs dans association professionnelles et formation de syndicats sont très encadrées. Libertés syndicales métropolitaines sont rarement étendues aux colonies ou tardivement. De fait Angleterre autorise syndicats en Inde à partir de 1918, au Kenya en 1937 et en Afrique occidentale en 1938. Pour France extension du droit syndical à AOF en 1937, mais pas à Indochine. Conflits sociaux éclatent pour non-respect des contrats, revendications salariales, refus d'allongement de temps de travail. Protestation prend formes variées. En Indochine travailleurs envoient des pétitions à Inspection du Travail, fondée en Cochinchine en 1918 et en 1927 dans toute fédération. Destructions de machines comme dans usines de jute au Bengale au 1895. Recours au sabotage ou parfois aussi violence physique. Grève spontanée ou organisée, autorisée ou réprimée, tend malgré tout à se généraliser. Par exemple en 1919 et 1940 Bombay connaît 8 grèves générales de plus d'un mois. A partir des années 1930 grèves se généralisent dans monde colonial. Associations professionnelles et syndicats : Premières associations professionnelles concernent entraide entre travailleurs et questions religieuses ou culturelles. Par exemple en Inde hindous et musulmans se regroupent par affinités religieuses. Début XXème siècle apparition des associations par branches d'activité. Britanniques redoutent politisation donc mise en place en 1926 de législation qui cantonne associations professionnelles à monde du travail et interdit toute activité politique. Accroissement de surveillance avec montée en puissance de mouvement communiste du fait de son influence dans milieu syndical. A Cuba mise en place de mouvement ouvrier d'envergure nationale à partir des années 1880 et surtout 1890. En 1899 fondation de Liga General de Trabajadores Cubanos. Aux Indes néerlandaises importance de développement syndical et mise en place d'organisation confédérale : Union centrale des syndicats indigènes. En 1919 72.000 membres et en 1931 113.000. Dans empire français reconnaissance des associations professionnelles locales, mais existence de quelques restrictions : membres doivent parler et écrire français et toute grève doit être précédée d'une conciliation. Suppression de critère linguistique dans recrutement uniquement à partir de 1944 dans territoires coloniaux d'Afrique. Taux de travailleurs syndiqués passe de 20% en 1948 à 30% en 1956. Par ailleurs après 1945 débat sur 46 question d'étendre législation sociale, notamment allocations familiales, métropolitaine aux colonies. De même importance de débat autour du code du travail dans colonies, syndicats réclamant alignement du droit du travail sur métropole. Mise en place de grèves pour maintien de pression sur débat parlementaire. Promulgation du code du travail en 1952 avec notion de salarié et définition de travailleur comme un salarié. A partir de 1956 travailleurs africains peuvent bénéficier des allocations familiales. Politisation et nationalisme : Importance de politisation des mouvements sociaux car crainte des autorités coloniales. En Asie influence communiste à partir des années 1927-28 en Inde et durant années 1930 en Indochine. Importance des traminots dans implantation d'Etoile nord-africaine, organisation nationaliste de Messali Hadj fondée en 1937, en Algérie. Adhésion forte des traminots, dockers et ouvriers urbains à CGT. En Tunisie et au Maroc union des syndicats et de cause nationale avec Union Générale Tunisienne du Travail et Union Marocaine du Travail. Malgré faible nombre importance des prolétaires dans remise en cause de domination coloniale. 47 Domestiques Au clivage social maître/esclave s'ajoute clivage racial dans les colonies. Domesticité coloniale est observatoire privilégié de relation colonisateur/colonisé et de ses paradoxes (proximité du fait d'exigence de main d'oeuvre, mais aussi mise à distance). Un modèle colonial de domesticité ? En Inde modèle pris par Britanniques est largement emprunté à règle de vie des élites indiennes. Au milieu XIXème siècle environ 20 domestiques pour famille britannique de classe moyenne en Inde. A fin du siècle nombre baisse fortement du fait d'introduction du confort moderne dans maisons ce qui rend certaines professions (porteurs d'eau etc...) inutiles. Désormais 8 domestiques suffisent largement. Maîtresse de maison dirige toute l'équipe avec parfois adjonction des services d'un serviteur plus expérimenté qui peut gérer maison en cas d'absence et qui peut jouer parfois rôle d'intendant avec accès aux comptes. Familles les plus aisées font venir domestiques, notamment les gouvernantes, depuis Europe. Dans colonies de peuplement marquées par plus grande diversité des statuts sociaux des Européens, existence en bas de l'échelle des « petits Blancs » avec un domestique unique proche du système métropolitain. Chez célibataires concubine autochtone (mousso au Soudan français ou congaï en Indochine) peut jouer rôle de femme de maison. Dans « vieilles colonies » employée domestique peut difficilement se dérober aux demandes sexuelles du maître, héritage de pratiques de l'époque d'esclavage. Dans les années 1950 importance du décalage entre situation dans les colonies et en métropole ou domestique ne vit plus sous même toit que ses maîtres et rétribution de services ponctuels pour aide ménagère. Néanmoins, exemple du Maghreb où développement de ce système métropolitain avec domestique qui travaille tous les jours pour un seul maître, mais a une vie de famille séparée et habite dans un autre quartier. Même si pas de droit au repos hebdomadaire, peu à peu dégagement de relation maître/domestique pour mise en place de relation employé/employeur. Avant cette date nécessité d'interrogation sur capacité des domestiques à entretenir une vie privée. Qui sont les employeurs ? Dans colonies domesticité est beaucoup plus masculine qu'en métropole, notamment en Afrique subsaharienne avec les boys. Féminisation de la domesticité se fait par intermédiaire des nurses, notamment en Inde et Indonésie, même si garçons de famille sont plutôt confiés à des hommes lorsque famille a les moyens. Par ailleurs en Indonésie présence plus importante de femmes dans domaines de cuisine. De fait partage sexué des tâches (femme pour l'intérieur et homme pour l'extérieur) n'est pas opérant dans les colonies. En Inde domestiques sont souvent d'anciens paysans sans venus des zones rurales environnantes. De même en Indonésie. De fait accentuation de phénomène d'exode rural. Problème de lieu de vie des domestiques et des durées de trajet entre maison personnelle et maison du maître, surtout en ville. Par ailleurs, si possibilité de vie de famille n'est pas exclue par les maîtres, elle est soumise à des conditions économiques dans sociétés où pratique de dot du mariage. Une relation spécifique Relation maître/domestique est en général une relation employé/employeur, mais existence d'une tension du fait de paradoxe entre proximité et mise à distance. De fait domestiques sont extrêmement liés aux fonctions corporelles des maîtres (manger, se laver etc...). Par ailleurs importance d'hygiène dans bourgeoisie européenne donc importance d'enseignement des bons gestes aux domestiques par maîtresse de maison. Importance plus grande d'hygiène du fait de crainte des climats tropicaux par Européens, mais aussi représentation racialisée des populations africaines ou asiatiques, la peau noire étant associée à malpropreté. Pour maîtresses de maison européennes idée de participation modeste à mission civilisatrice dans colonies par inculcation d'hygiène. De même peur que nurses africaines allaitant les enfants ne 48 transmettent maladies du fait de leur mauvaise alimentation. Importance pour certaines maîtresses de maison de recherché des serviteurs de confession chrétienne car considérés comme plus aptes à intégrer les normes européennes. Exemple d'emploi des Espagnoles par femmes françaises en Algérie avant exode rural massif d'entre deux guerres. Problème de barrière de la langue entre maître et domestique puisqu'ordres sont donnés dans langue des maîtres. Par ailleurs importance de proximité des domestiques du fait de participation à vie de famille, mais mise à distance avec vie dans logements à arrière de la maison ou dans fond du jardin. Domestiques représentent domination coloniale à échelle personnelle. Une pratique qui traverse la société coloniale Elites autochtones possèdent également domesticité, notamment dans aristocratie ou bourgeoisie indienne. Dans grandes familles indiennes parfois présence de gouvernantes européennes. Dans sociétés africaines l'urbanisation durant période coloniale contribue à diffuser modèle européen de domesticité. A Lagos si familles de colons utilisent majoritairement des domestiques masculins, les familles yoruba recourent à très jeunes filles placées dès âge de 6 ans par parents issus de communautés rurales. En 1940 environ 1/3 de familles yorubas de Lagos emploient un domestique. Familles yorubas nourrissent et logent leurs domestiques, mais ne les rétribuent pas forcément. Dans cas où employeurs sont élites colonisées ou colons relation maître/domestique reste essentiellement paternaliste et les cas de mauvais traitements sont nombreux. 49 Entreprises et entrepreneurs Colonisation redistribue forces économiques et bouleverse sociétés souvent rurales. Economie colonisation largement pilotée depuis métropoles puisqu'elles fixent régime de propriété foncière, finance infrastructures au profit d'économie exportatrice, réquisitionne main d'oeuvre etc... Etat colonial favorise fortement les entreprises, métropolitaines ou expatriées, les compagnies à charte étant accusées d'avoir ruiné économies traditionnelles. Le capitalisme colonial Des entreprises favorisées par les Etats coloniaux : Entreprise métropolitaine dans les colonies travaillent souvent sur des situations de monopole ou quasi-monopole. Importance des investissements d'Etat au Congo belge et Indochine est chasse gardée des investisseurs français. Dans même temps colonies britanniques et néerlandaises sont plus ouvertes aux investisseurs étrangers. Importance des entreprises commerciales, les industries étant surtout tournées vers exportation de matières premières agricoles ou minières. Industries de transformation commencent à se développer durant Deuxième Guerre mondiale, notamment en Afrique, pour pallier manques de métropole, mais le plus souvent sont éphémères. En règle générale production correspond à besoins locaux : petite mécanique, imprimerie, production alimentaire etc... Un tissu entrepreneurial différemment organisé dans chaque colonie : Importance de différence d'organisation du tissu entrepreneurial dans chaque colonie. Par exemple plusieurs types d'entreprises : succursales de maisons mères métropolitaines, entreprise constituées par actionnaires locaux puis reprises par entreprises françaises. Entreprises d'origine locale sont plus nombreuses que succursales et jusque début Deuxième Guerre mondiale elles répondent à des besoins locaux avec des matières premières locales. Le plus souvent ce sont des entreprises familiales, mais avec très faible proportion de propriétaires musulmans. Dans colonies asiatiques Britanniques mettent en place entreprises enregistrées localement mais tenues par des Britanniques ainsi qu'entreprises enregistrées en Angleterre, mais travaillant uniquement à étranger. Exemple des overseasbanks telle HSBC. Pour les banques importance d'internationalisation et étendue géographique des activités bancaires. Concentration des entreprises autour des activités d'extraction. Importance de la concentration surtout durant les années 1930 avec élimination des petites entreprises autochtones voire européennes par le développement des SARL. Phénomène semble être lié à décision des autorités coloniales, mais aussi à problème croissant d'accès au crédit. Le secteur « traditionnel » : déclin, adaptation, persistance La ruine des économies traditionnelles ? : Dans plusieurs zones, notamment Afrique centrale, colonisation se caractérise par déstructuration des sociétés locales et par bouleversement des activités agricoles et artisanales. Néanmoins, pas de destruction d'économie locale partout. Exemple du Vietnam ou forte modification d'économie locale par capitalisme français, mais pas disparition d'économie locale. De même exemple de production cotonnière somalienne qui survit grâce à très faible coût de main d'oeuvre malgré archaïsme technique. L'importance des intermédiaires : Importance des petites entreprises individuelles qui ont rôle d'intermédiaires entre négociants européens et producteurs africains, notamment au Sénégal où ils constituent très vite classe dominante à Saint-Louis. Néanmoins, de plus en plus concurrence des compagnies contre entreprises individuelles dans commerce de détail et des biens de consommation courante du fait de réseaux de comptoirs. Entreprises commerciales créées par des Africains concernent essentiellement deux domaines : commerce de traite et de produits locaux. Entrepreneurs et entreprises locales : le secteur « moderne » 50 Industrialiser les colonies ? : Processus d'industrialisation commence dans grandes villes indiennes dès milieu du XIXème siècle et industrie textile profite d'abondance de main d'oeuvre et de proximité des matières premières. Première usine de jute à Calcutta en 1855. Dès fin XIXème /début XXème siècle importance de développement des investissements dans cadre des multinationales. Exemple de Dunlop qui dès 1880-90 commence à construire des usines outre-mer. Dans cas français parfois réticence des industriels français à investissements industriels dans colonies du fait de peur que porte atteinte à leurs intérêts métropolitains. Néanmoins, exemple d'Ulysse Pila qui délocalise industries lyonnaises non compétitives pour les établir en Indochine dans but de conquête d'espace chinois. Seulement après 1945 Etat français favorise industrialisation des colonies, notamment avec « plan de Constantine » en 1958. Tous domaines sont concernés et cela entraîne constitution d'industries sous-traitantes. Industrialisation des colonies profite de façon aux entrepreneurs métropolitains sauf dans cas d'Inde et de mandat britannique en Palestine. Exemple de Palestine où installation de grandes entreprises (moulins, usine de savon etc...) dans les années 1920 et durant années 1930 ouverture du port d'Haïfa entraîne développement de zone industrielle et Haïfa devient centre d'industrie lourde. L'émergence d'un milieu d'entrepreneur locaux : réussites et concurrences : Même si difficile pour entreprises indigènes d'exister, certaines prospèrent, notamment dans exportation de produits agricoles avec exemple de l'Afrique de l'Ouest. De même hauts salaires des cadres africains des mines d'étain du Nigeria provoquent constitution d'une classe d'entrepreneurs privés. De même dans protectorat britannique d'Ouganda exploitation du coton permet à 2.000 propriétaires africains un début d'accumulation de capital. Néanmoins, entrepreneurs indigènes subissent de plein fouet les crises économiques. Exemple de crise des années 1850 où traitants sénégalais passent au service des négociants, 50% sont à leur compte en 1843 et plus que 25% en 1852. De même en Guadeloupe crise de 1884-1910 entraîne importants rachats des usines sucrières par des intérêts métropolitains. Dans années 1890 planteurs « blancs-créoles » contrôlent 74% de production sucrière et plus que 8% en 1939. Même tendance en Martinique, mais dans moindre mesure. Dans certains cas volonté des entreprises tenues par des colons de régner sans partages sur marché local donc aide de la part des autorités coloniales avec, par exemple, au Dahomey politique fiscale différenciée faite de patentes et de licences. C'est seulement en Inde que milieu entrepreneurial se diversifie avec exploitation de matières premières (thé, coton etc...), mais aussi produits métallurgiques avec la Tata Iron and Steel Company à partir de 1907 ou la chimie avec la Bengal Chemicals Works dès 1892. 51 Populations : Aspects démographiques Augmentation constante de population vivant sous domination formelle. Environ 25 millions en 1760, 204 millions en 1830 et 550M en 1913 avec population mondiale estimée à 1,8 milliards d’habitants. Colonisation est phénomène démographique massif, marqué par contact violent entre populations, par cohabitation de groupes divers et par migrations forcées ou volontaires. Démographie des populations colonisées Le premier impact des colonisations sur les populations locales : migrations forcées et déclin démographique : Avant conquêtes, continent africain marqué par population clairsemée et continent asiatique par forte densité, plus de 400 habitants/km² dans certaines régions de Java. Continents marqués par lente croissance démographique, moins de 0.5%/an, jusqu'à fin du XIXème siècle. Premiers impacts des colonisations sur populations locales sont migrations forcées et déclin démographique. Mobilité des sociétés coloniales provoquée par avancée des fronts de colonisation et arrivée des migrants comme Grand Trek en Afrique du Sud avec dispersion des groupes boers sur zone de plus en plus vaste, ce qui provoque mouvement voire déplacement de peuples africains comme les Ndebele qui franchissent le Limpopo. Diffusion de maladies (maladie du sommeil, syphilis, tuberculose, grippe entre autres) par biais des campagnes militaires ce qui provoque affaiblissement des populations locales soumises à des guerres et des famines. Exemple des Xhosas qui, au terme de huitième guerre cafre contre Britanniques en 1856, décide un « suicide national » pour exaucer une prophétie qui promettait expulsion des Blancs à condition de détruire bétail, ce qui provoque famine tuant plus des 2/3 de la population. Evènement qui permet aux Britanniques d’accélérer mise au pas de la région en organisant une spoliation foncière. De même exemples des Herero et des Nama décimés (à hauteur de 80% de la population) par guerre d’extermination (190405) menée par général allemand Lothar von Trotha dans le Sud-Ouest africain. Conquête d’Algérie au prix de longue guerre contre populations locales. Premières décennies de colonisation marquées par surmortalité causée par guerre, réquisitions de terre et rupture des équilibres économiques. Afrique centrale victime de rupture des équilibres écologiques comme déforestation ou propagation de maladies par biais des moustiques et des mouches. Prolifération d’épidémies facilitée car population affaiblie par portage, travail forcé, sous-alimentation… Mortalité accrue également par migrations de travail qui favorisent alcoolisme, tuberculose et maladies vénériennes. Accentuation de ces problèmes accentués par conditions de travail. Une forte croissance démographique à partir de l'entre-deux-guerres : Mise en place de campagnes de recensement par autorités coloniales pour évaluer populations administrées. Données faussées par inaccessibilité de certains villages, ignorance du public interrogé et par surestimations fournies par chefs en quête de prestige. Difficultés de recensement dues à méfiance des autochtones qui ont compris que procédure servait des objectifs fiscaux et militaires. Croissance démographique de plus en plus forte à partir des années 1920 malgré recensements imparfaits. Existence d’accidents démographiques comme famines indiennes entre 1875 et 1900 (environ 20 à 25millions de morts), famine au Ruanda-Urundi en 1942-44 (1,5 million de morts), famine au Bengale en 1943 (3 millions de morts). Début de transition démographique dans années 1930 malgré taux de mortalité toujours élevé (30% en Afrique). Exemple de l’Inde qui passe de 250 à 450 millions d’habitants entre 1872 et 1950. 1% de croissance annuelle en Asie et en Afrique à partir des années 1920, et jusqu'à 1.4% en Egypte et Indonésie entre 1880 et 1913. Années 1870 marquées par fin des insurrections et baisse de surmortalité en Algérie avec notamment plus d’1% de croissance annuelle pour population « indigène », une très forte fécondité (199‰ contre 84‰ pour les Européens) et nombre moyen d’enfants/femme de 7.3 en 1950. La redistribution démographique : Migrations de travail à plusieurs échelles pour combler besoins en main d’œuvre. Migrations saisonnières de plus en plus longues et touchant de plus en plus de personnes comme les 200.000 individus quittant la savane pour gagner la Gold Coast et le Nigeria dans les années 1920. Croissance rapide des villes accueillant migrants : à Freetown en 1931 44.000 habitants (contre 20.000 en 1880) à Freetown. De même à Ibadan (ouest du Nigeria) avec 400.000 habitants (contre 150.000 en 1880) en 1931. Exode rural amorcé en Algérie pendant entre-deux- 52 guerres, surtout vers grandes villes du Nord avec apparition d’un nouveau phénomène : le bidonville. Démographie indienne régulée par migrations interrurales, depuis régions excédentaires vers zones récemment mises en valeur comme le Penjab ou l’Assam. La faiblesse des populations d’origine métropolitaine dans les colonies Les colonies : des destinations peu prisées de l'émigration européenne : Emigration de 60 millions d’Européens entre 1840 et 1940, mais essentiellement vers « pays neufs » d’Amérique à cause des conditions de vie marquant les autres colonies, notamment le taux de mortalité. Environ 2, 7 millions d’Européens présents vers 1938 dans empires coloniaux, soit 0.4% de la population d’Asie, d’Afrique et des Caraïbes. Par exemple Algérie peuplée de moins d’1 million d’Européens (soit 13% de sa population totale), Inde peuplée de 155.000 Européens (0.04%), Afrique du Sud peuplée de 2 millions d’Européens (21%). Néanmoins, populations européennes pas toutes nationales. Algérie est davantage peuplée d’Italiens, d’Espagnols et de Maltais que de Français. De même Congo belge davantage peuplé de Sud-Africains, de Grecs et de Russes que de Belges. Colonies d'exploitation et colonies de peuplement : Sociétés coloniales d’Asie et d’Afrique caractérisées par faiblesse des populations métropolitaines, à différence des sociétés caribéennes comme Cuba où, en 1870, 800.000 Blancs pour 600.000 personnes « de couleur ». Généralité nuancée par colonies dotées de proportions non négligeables comme l’Algérie qui voit passer sa population européenne de 100.000 en 1850 à 800.000 en 1914 grâce à immigration, mais surtout à accroissement naturel après 1901. Augmentation constance avec 1 million d’Européens à fin des années 1950, mais toujours en minorité par rapport à population « indigène », estimée à 9 millions d’individus. De même 900.000 migrants britanniques vers Afrique du Sud entre 1815 et 1914, soit 4% d’émigration totale britannique. Population blanche estimée à 1 million en 1899 sur population totale de 5 millions d’habitants. Pour cette dernière ratio Noirs/Blancs variable en fonction des régions puisque 3 pour 1 au Cap, 10 pour 1 au Natal. Emigration des Japonais vers colonies de Corée, du Kwantung (Nord-Est de Chine, actuel Guandong) et de Taiwan estimée à environ 1 million en 1935, soit 5% de population totale. Proportions encore plus réduites dans autres empires coloniaux. De fait moins de 25.000 Européens (sur 12 à 14 millions d’habitants) dans empire colonial allemand en 1913, 25.000 Européens (sur 20 millions d’habitants) en Indochine en 1930, 164.000 Britanniques (sur 350 millions d’habitants) en Inde en 1930, 20.000 Espagnols (sur 8 millions d’habitants aux Philippines en 1896 et 165.000 Italiens (sur 12 millions d’habitants) en Afrique orientale italienne en 1938. Implantation différente en fonction de région avec notamment grande variation du rapport « membres à charge/chef de famille » auprès des familles européennes (84% en Inde contre 185% en Indonésie, donc davantage marquée par une émigration familiale pour le second cas) et de la proportion d’Européens nés et résidant sur place (71% en Indonésie contre 60% en Inde). Essor de démographie européenne dans certaines colonies à partir de 1920 comme Européens installés en Angola et Mozambique dont part multipliée par 8 entre 1850 et 1910. De même hausse constante jusqu'aux années 1960 (400.000 Européens en Angola et 200.000 au Mozambique). Disproportion inchangée malgré ces augmentations à cause de l’accroissement naturel des populations locales. Contre-exemple de Palestine où population arabe doublée par accroissement naturel mais où immigration juive décuple au cours du XX ème siècle. De fait 85.000 Juifs (contre 600.000 Arabes) en 1914 puis 555.000 Juifs (contre 1,2 million d’Arabes) en 1945. Des migrations européennes encadrées : Tentatives politiques pour orienter flux migratoires comme le Portugal (avec Sà da Bandeira) vers Afrique dans les années 1830, Espagne vers Philippines entre 1881 et 1898 ou France vers l’Algérie vers 1848. Emigration vers dominions britanniques encouragée par sociétés privées comme South Africa Colonisation Society de Louise Knightley qui aide femmes à émigrer vers l’Afrique du Sud après la guerre des Boers. De même Child Emigration Society de Kingsley Fairbridge qui encourage départ d’enfants vers l’Afrique du Sud. Emigration au sein d’Empire britannique plus encadrée après Première Guerre mondiale avec l’Overseas Settlement Committee (1912) et l’Empire Settlement Act (1922). Peuplement d’Angola selon politiques dictées par gouverneurs José Norton de Matos et Vicente Ferreira. Même phénomène en Libye et Ethiopie où colonisation italienne résulte de politique de Mussolini. Populations métropolitaines surtout concentrées autour des villes mais il existe des cas d’implantations rurales au Maghreb, en Afrique australe et en Afrique orientale. 53 Des sociétés complexes Des minorités non métropolitaines dans les colonies : Existence de groupes non indigènes, ni d’origine métropolitaine comme les diasporas chinoise et indienne qui s’installent dans colonies antillaises, asiatiques et africaines. Indiens présents surtout dans zones d’engagement, notamment île Maurice (où ils sont majoritaires), Natal (dépassant population blanche) ou Trinidad (représentent 1/3 de population totale). Communauté indienne crainte par colons du Kenya en raison de politisation et importance numérique (23.000 Asiatiques pour 9.700 Européens en 1921), ce qui explique les mesures prises pour leur interdire l’acquisition de terres dans les hautes-terres. Minorités ethniques encouragées à se développer par Britanniques en Birmanie, à Ceylan, à Singapour et en Malaisie. Présence de 56.000 Chinois en Cochinchine en 1889, de 250.000 en 1928. 2.2% de population indonésienne n’est d’origine ni indonésienne, ni hollandaise en 1930 (1, 2 million de Chinois, 71.000 Arabes, 45.000 autres Asiatiques). Métissages : Population de colons souvent marquée par déséquilibre entre les sexes. De fait 600 femmes pour 3000 hommes à Léopoldville dans années 1920 ou seulement 20% de femmes dans la population européenne d’Erythrée à la fin des années 1930. Situation différente dans colonies de peuplement comme Algérie où équilibre des sexes dès fin du XIXème siècle. Relations sexuelles entre Européens et femmes « indigènes » et métissage très fréquents, mais phénomène difficile à évaluer en raison de non-prise en compte des métis dans recensements (sauf en Afrique du Sud où « Coloured » constituent une catégorie officielle). Présence de 500 métis en Indochine en 1904 selon Société des métis de l’Indochine, 75% de population européenne des Indes néerlandaises ont des parents de couleurs différentes à fin du XIXème siècle ou présence de 200.000 métis hispano-philippins aux Philippines en 1939. Métis moins nombreux en Afrique : 3.000 en 1935, puis 10.000 en 1956 au Congo belge. Les grands mouvements de population après 1945 : Intensification des mouvements migratoires depuis colonies vers métropoles à partir de 1945. Exemple d'augmentation de travailleurs algériens en France, passant de 100.000 en 1924 à 400.000 en 1962. Même phénomène en Angleterre qui compte 7.000 Indiens en 1932 et 210.000 ressortissants du Commonwealth en 1958 (dont 100.000 Antillais, 55.000 Indiens ou Pakistanais et 25.000 Ouest-africains). Déplacements de populations massifs provoqués par démantèlement des empires coloniaux à commencer par mouvements de population résultant de partition de l’Inde en 1947 au cours desquels 13 à 16 millions d’hindous et de musulmans traversent frontière indo-pakistanaise nouvellement tracée. Même phénomène au moment de partition d’ex-Indochine après les accords de Genève (1954) avec déplacement d’1 million de Vietnamiens ou au moment de guerre d’Algérie (1954-62) avec déplacement de 2,5 millions d’Algériens à l’intérieur de l’Algérie. Enfin, rapatriement des Français et partie des harkis (moins de 50.000) provoqué par les indépendances au Maghreb. 54 Familles Famille et vie domestique : un enjeu majeur de l'encadrement colonial Des modèles en confrontation : Conception européenne de famille transposée dans colonies aux dépens des modèles autochtones jugés archaïques. Questions autour de famille érigées en thèmes politiques. Transformation de cellule familiale africaine, asiatique et antillaise qui demeure espace où se construisent les identités. Famille et vie domestique sont enjeu majeur de l’encadrement colonial. Modèle « bourgeois » de famille nucléaire monogame (activités extérieures dédiées au mari, gestion de la maison confiée à l’épouse) en vigueur dans société européenne du XIXème siècle. Modèle exporté après période de conquête pour remplacer autres modèles familiaux caractérisés par famille élargie, polygamie limitée et poids des ascendants sur choix du conjoint. Non-intervention d’autorité coloniale dans affaires privées érigée en principe, mais principe pas toujours respecté au nom de « modernité ». Des pratiques matrimoniales mises en cause : Encadrement colonial des pratiques familiales expérimenté initialement en Inde britannique avec interdiction promulguée en 1829 par l’East India Company contre pratique du sati (immolation des veuves sur le bucher funéraire des époux), remplacée par autorisation du remariage en 1856. Société indienne bousculée par arrivée des femmes britanniques au cours de première moitié du XIXème siècle avec notamment remise en cause de réclusion des épouses dans le zenana (espace domestique réservé aux femmes). Vifs débats autour d’âge du mariage et surtout autour d’âge légal pour avoir des rapports sexuels. Fixé à 10 ans en 1860, puis à 12 par le Consent Act de 1891 et enfin à 14 ans pour filles et 18 pour garçons grâce au Child Marriage Restraint Act de 1929-30, reprenant prescriptions du Sarda Bill de 1927, rejeté malgré vaste campagne de soutien. Même question autour du consentement matrimonial au Congo belge et en Afrique française. Polygamie et répudiation débattus aux Indes néerlandaises bien que polygamie, autorisée par l’islam, demeure marginale (2-4% des hommes concernés à Java). Divorce largement laissé à l’avantage du mari même s’il existait forme de divorce sur demande de femme en cas de maltraitance ou défaillance du mari. Questions du mariage précoce, de polygamie et de répudiation combattues par autorités coloniales, missionnaires et surtout associations de femmes et groupes nationalistes comme Jong Java ou Sarekat Islam. Intervention directe du gouvernement néerlandais avec augmentation des unions mixtes entre Néerlandaises et musulmans. L'encadrement des fonctions maternelles : Opposition plus ténue en Afrique subsaharienne où autorités coloniales, missionnaires, employeurs paternalistes et parfois épouses de fonctionnaires font promotion du modèle familial défini par monogamie et les bonnes pratiques maternelles. Economie domestique, puériculture, hygiène, couture, cuisine et même décoration d’intérieur enseignées aux jeunes filles élevées par des sœurs. Katanga (Sud du Congo belge), théâtre de mise en place de politique de protection maternelle et infantile qui va jusqu'à mise sous tutelle des mères pour inculcation des bonnes pratiques. Méthode imposée pour faire face à dépopulation du Congo favorisée par allaitement prolongé jusqu'à 3 ans et par polygamie (qui palliait l’abstinence de rigueur pendant période d’allaitement). Mise en place d’une surveillance médicale de petite enfance pour lutter contre mortalité infantile trop élevée. Mise en place en 1925 d’une Œuvre de protection de l’enfance noire (OPEN) par biais de l’Union minière du Haut-Katanga (UMHK) qui veille à bonne croissance des enfants pour fixer une main d’œuvre encouragée à se marier et à se reproduire. Implantation de dispensaires et de maternités dans toute la colonie. Résistance massive des mères malgré l’importance du déploiement. Transformations et résistance de la famille indigène La famille transformée : Sociétés d’Afrique, d’Asie et des Antilles trop différentes pour tirer des traits généraux concernant transformation de leurs structures familiales, mais apparition de quelques tendances. Cellule familiale bouleversée par mobilité choisie ou contrainte (touchant surtout jeunes hommes salariés) qui éloigne depuis cadres familiaux, qui entraine indépendance financière rendant accessoire soutien familial pour constituer dot et qui laisse plus de choix au moment de trouver épouse. Âge moyen du jeune marié musulman algérien plus précoce, passant de 30 ans en 1900 à 26 ans en 1954. Aspirations en termes de vie familiale modifiées par accès à l’emploi dans administrations 55 coloniales. Exemple de classe moyenne bengalie à la fin du XIXème siècle pour qui mariage permet de tisser avant tout liens de couple plutôt que liens de filiation. Emergence de famille nucléaire comme modèle dominant dans sociétés coloniales. Illustration d’une prise de distance à égard des ascendants, d’une perte d’autorité des « anciens ». Phénomène similaire dans sociétés villageoises avec départ – d’abord saisonnier, puis durable – des jeunes vers villes qui, une fois établis, font venir épouse en les soustrayant au carcan familial. La famille déstructurée : Mobilités perçues comme opportunités, mais aussi comme contraintes pesant à la fois sur individus et sur familles. Recrutement de main d’œuvre issue du Mozambique ou de Rhodésie du Sud pour compte des mines d’Afrique du Sud mais avec nombreuses restrictions concernant familles. Migrations de travail vues comme vecteurs de séparation de noyaux familiaux. La famille refuge : Famille considérée comme refuge pour colonisés face aux troubles identitaires et à violence de société coloniale. Solution de repli, mais aussi espace de sociabilité et de solidarité étendu et polymorphe. Exemple d’Amadou Hampâté Bâ qui décrit réseau de relations multiples qu’il a entretenu en tant que commis expéditionnaire d’administration coloniale issu de famille peule réputée, notamment liens familiaux directs, liens de parenté étendue, liens de « parenté à plaisanteries » (entre clans, entre ethnies). Familles européennes aux colonies Si présence de familles européennes dans colonies, alors présence de femmes européennes. Antilles seul espace colonial où familles se sont véritablement implantées. Ailleurs, fonctionnaires et militaires sont venus sans leur famille. Arrivée de femmes dans colonie en fonction d’état sanitaire et confort présent sur place. Notamment question du taux de mortalité des Européens sous les tropiques, véritable obstacle au développement de population de colons. Environ 200 ‰ à Java en 1819, mais plus que 40‰ en 1850. Néanmoins, toujours à plus de 100‰ en Afrique équatoriale à fin du XXème siècle. Donc davantage d’Européennes (Britanniques et Néerlandaises avant tout) en Asie du Sud-Est qu’en Afrique tropicale et équatoriale au cours de la seconde moitié du XIXème siècle. Arrivée d’Européennes en Afrique uniquement pendant entre-deux-guerres, mises à part Afrique du Sud et Algérie, bénéficiant d’un climat méditerranéen. 2 types de familles : famille coloniale qui s’installe dans colonies de peuplement et famille impériale caractérisée par trajectoires de membres entre métropole et colonie. Familles coloniales : Famille coloniale caractérisée par culture de société pionnière en formation. Peuplement du Natal dès 1840 où comportements familiaux ressemblent à ceux observés dans l’Ouest américain notamment acquisition de ferme grâce à capitaux avancés par famille restée en Angleterre, grâce à dot issu de mariage déjà contracté ou grâce à fonds amassés auparavant. Mise en place de cultures pour lancer exploitation. Organisation de mariage malgré difficultés liées à éloignement (donc recours aux mariages arrangés). Remariage rapide en cas de veuvage pour gérer à deux l’exploitation. Naissances parfois nombreuses (jusqu'à 12-14 enfants). Modèle pionnier atténué au cours des années 1880 pour se rapprocher du modèle métropolitain. De fait femme arrête participation à exploitation pour gérer foyer familial ou trouver un emploi salarié ailleurs, à partir. du XXème siècle. Modèle de famille nucléaire pas en vigueur à tous les niveaux, notamment auprès des milieux agricoles où frères occupent des fermes voisines pour s’entraider. Impossible de transposer modèle de l’Old Natal Family à l’Algérie plutôt peuplée par population plus urbaine que rurale. Fécondité tout de même forte en Algérie (comparée à la France métropolitaine) à cause de précocité des mariages (16-17 ans) et à cause de fécondité des femmes d’origine étrangère (3.34 enfants par femme en métropole, 4.4 enfants par Française d’Algérie et 6-7 enfants par Espagnoles, Italiennes ou Maltaises d’Algérie). Pic de 40% de natalité en Algérie entre 1850 et 1870 au moment d’installation coloniale, puis baisse constante jusque dans années 1950 (mais toujours supérieure à la métropole. Familles impériales : Modèle impérial (notamment en Inde) caractérisé par alternance de périodes de résidence entre métropole et colonie. Déplacement de famille en fonction des affectations du père. Enfants nés en Inde, confiés à nourrices jusqu'à 5-6 ans pour garçons et 7-8 ans pour les filles, puis renvoyés en Angleterre auprès de parents ± proches et placés en internat jusqu'à fin d'études (avec des visites de leurs parents en fonction du niveau de la famille). Retour en Inde des enfants une fois diplômés pour trouver emploi et fonder famille. Retour en Angleterre des parents une fois retraités. Cycle familial marqué par longues périodes de séparation et par présence des enfants en Inde au moment où les 56 risques de santé sont les plus grands (taux de mortalité infantile de 148‰ en Inde contre 67‰ en GB dans les années 1860) malgré longs séjours des femmes et enfants dans des stations de colline pour s’épargner les fortes chaleurs (de mars à octobre). Scolarisation en métropole malgré présence d’écoles anglaises en Inde mais qui n’ouvrent pas l’accès à la haute fonction publique. Manière de se distinguer des Anglo-Indiens définitivement installés en Inde et d’éviter aux enfants un contact prolongé avec domesticité indienne (phénomène décrit par Kipling qui voit avec nostalgie l’époque où il a dû quitter l’Inde pour l'Angleterre). Modèle valable pour enfants néerlandais vivant en Indonésie et envoyés aux PaysBas pour leurs études. Séjours des fonctionnaires plus brefs en dehors d’Inde et d’Indonésie. Présence des femmes laissée à libre appréciation du personnel colonial (en fonction des conditions sanitaires de colonie) bien qu’elle soit encouragée par autorités belges qui s’appliquent à améliorer équipements pour les recevoir (baisse de la mortalité infantile entre 1929 et 1946, passant de 178‰ à 28‰). Amélioration des conditions en AOF, mais réseau de dispensaires moins performant. Naissance d’enfant alors utilisé comme excuse pour justifier retour de la femme en métropole. Caractère transgénérationnel de pratique avec néanmoins disparition de ces séparations au sein du couple. Union mixte et famille Le concubinage temporaire : Formation d’unions mixtes expliquée par surmasculinité mais limité à durée de l’affectation. Statut des femmes (mousso au Soudan français, congaï en Indochine, nyai en Indonésie et « ménagère » au Congo) difficile à définir, aux confins de domesticité et de relation vénale. Question du consentement dans relation doublement inégale (colonisateur/colonisée et homme/femme) soulevée par abus rencontrés au moment de conquête (femmes prises en butin) ou pendant administration du territoire (femmes victimes d’abus de pouvoir de la part des autorités coloniales). Relation avec Européens également perçue par certaines femmes comme une stratégie sociale permettant d’éviter statut servile et corvées. Plupart du temps, sous forme d’une mise en ménage, mais également sous forme d’une prostitution à partenaire unique, comme concubinage de baraquement pratiqué par les soldats en poste en Indonésie. Parfois intégré à stratégie d’insertion dans milieu autochtone en adoptant usages en vigueur comme unions avec filles de chefs locaux pour tisser liens avec les élites « indigènes ». Pérennisation d’union avec reconnaissance d’épouse et enfants nés, mais forte tendance à dévalorisation des unions au moment d’arrivée des Européennes. A partir des années 1900, changement d’attitude face à question des unions mixtes dès lors interdites dans colonies allemandes (1905-06) et britanniques (décret Crewe, 1909) ou tombées en désuétude comme au Soudan français où elles sont vécues honteusement, la femme devenant une simple servante. Unions mixtes et familles métisses : une menace pour l'ordre colonial ? : Union mixte officialisée par mariage plus fréquentes en Inde et Indonésie qu’en Afrique. Unions entre hauts fonctionnaires britanniques et femmes des hautes castes indiennes fréquentes dès fin du XVIIIème siècle (présence de 11.000 Eurasiens début du XIXème siècle). Mariage entre chrétiens et non-chrétiens autorisé en 1848 dans Indes néerlandaises, d’où nombreux mariages entre Européens et Javanaises qui donnent naissance à une société créole. A partir des années 1880 en Inde et des années 1900 en Indonésie, apparition de discours réprobateur envers des familles mixtes et métisses, illustration de transgression de barrières sociales et raciale avec stigmatisation des Métisses comme des mères indignes et des jeunes Métis comme des enfants livrés à eux-mêmes. Nouvelle inquiétude avec phénomène des mariages entre Néerlandaises et Javanais en augmentation entre fin du XIXème siècle et années 1930. Adoption d’une loi instituant perte du statut européen pour femmes épousant des Javanais et octroi de ce statut pour femmes épousant des Néerlandais. Remise en cause du dualisme des statuts par question d’union mixte et d’enfant métis. 57 Genre Place importante de question du genre dans discours, représentations et pratiques coloniales. Partage entre sexes (avec clivage colonisateur/colonisé et les critères raciaux) autre facteur majeur d’identification des individus. Nécessaire de la prendre en compte dans la relation coloniale. Les colonies, territoires d’une masculinité triomphante ? Colonisation considérée par historiographie inspirée des Postcolonial Studies comme entreprise intrinsèquement masculine qui exalte conception européenne de masculinité (alors en pleine redéfinition, méprisant les élites lettrées au profit de la valorisation d’un corps sain). Colonisation érigée en symbole de modernité en raison du principe de « mise en valeur » des territoires conquis, comme triomphe de science et technique. Eloge de « civilisation » d’homme blanc qui arrive à subjuguer peuples et à domestiquer nature. Représentation en adéquation avec discours faisant des « Orientaux » des êtres efféminés. Une construction coloniale emblématique, le « Bengali efféminé » : Archétype du « Bengali efféminé. » Entreprise coloniale et expansion d’Europe légitimées par discours basé sur idée de féminisation de l’ « Autre ». Thèse étudiée par Ashis Nandy qui souligne « homologie entre domination sexuelle et domination politique » dans l’Inde britannique. Mais aussi par Mrinalini Sinha qui oppose « Anglais viril » et « Bengali efféminé » (figure qui ne désigne que le groupe des Babous, classe moyenne des commerçants de Calcutta et élites au service de l’administration britannique). Commerçants de Calcutta moins résistants à concurrence que ceux de Bombay, donc rapidement appauvris et déclassés. Elites au service d'Angleterre victimes d’abandon de politique d’anglicisation en 1857, donc ridiculisés comme des hindous dégénérés et comme coloniaux mal anglicisés. De fait stigmatisation de l’hybridité sociale et culturelle. Imaginaire social pleinement exprimé par controverses, comme celle autour du Ilbert Bill (1882-83) qui instaure des juges indiens aptes à instruire affaires mêlant Britanniques dans districts ruraux (mofussils). Loi combattue par Anglo-Indiens qui reprochent leur faiblesse de caractère à ces juges (ne pratiquant pas de sport en plein air, sont incapables de juger les affaires d’accident de chasse, par exemple). Homosexualité et masculinité coloniales : Colonies perçues comme terre d’aubaine pour hommes tentés à titre exceptionnel par aventures homosexuelles. Croyance répandue en Europe de voir homosexualité comme « endémique » dans sociétés extra-européennes, ce qui pousse au départ ceux qui sont poursuivis à cause de leurs orientations sexuelles. Cas d’André Gide qui relate dans Amyntas (1925) ses voyages au Maghreb (entre 1895 et 1905) où est attiré par paysages et hommes. Questions sexuelles également abordées sous masque de science avec conseils en matière d’hygiène sexuelle comme Dr Jacobius X et son Art d’aimer aux colonies (1893). Phénomène (aujourd’hui appelé tourisme sexuel) manifesté par fréquentation de bordels d’hommes (dans villes portuaires comme Tientsin en Chine ou Singapour) ou par rencontres aux confins d’amour vénal et gratuit, du comportement homosexuel occasionnel et confirmé, d’adolescence et d’âge adulte. Question de jeunesse des partenaires à nuancer avec âge de majorité sexuelle en métropole (13 ans en France au début du XXème siècle, 12 ans pour filles en Italie et en Angleterre et inexistant pour les garçons en Angleterre. Hommes blancs et femmes de couleur : Même constat avec relations hétérosexuelles entourées de nombreux stéréotypes comme « Mauresque aux seins nus », la « petite Tonkinoise » ou pratique du harem. Homologie entre domination sexuelle et domination politique également transposée dans ce cadre avec d'intervention d'une forme d’appropriation symbolique, femme devenant objet de butin, comme Archinard qui s’empare d’une des femmes d’Ahmadou à la prise de Nioro pendant conquête du Soudan en 1891. Phénomène courant en temps de guerre, mais réellement amélioré par biais d’instrumentalisation de femmes (notamment chinoises et coréennes, mais aussi philippines et indonésiennes, voire néerlandaises) par police et armée pour en faire des « femmes de réconfort ». Organisation systématique et concertée à partir de campagne de Shanghai de 1932. Perpétuation de pratiques même après conquête par administrateurs qui jouissent d’une quasi-impunité au sein de circonscription. Souvent sous forme d’union temporaire 58 (concubinage), mais également, dans colonies de peuplement, sous forme d’union reconnues (mariage, naissance d’enfants métis). Union mixte désapprouvée à cause de transgression des barrières statutaires et risque de créer des déclassés potentiellement dangereux. Intervention des autorités au tournant des XIXème et XXème siècles pour endiguer phénomène bien que désapprobation sociale à l’arrivée des Européennes soit plus efficace. Apparition de protestations à l’égard de ces pratiques. D’une part milieux féministes rejettent « double standard » des Européens (concubinage avec des « Indigènes » et mariage avec des Européennes) et, d’autre part, milieux colonisés (notamment mouvances nationalistes et musulmanes) condamnent « dépravation » de femme apportée par Européens. Relation hommes blancs/femmes de couleur inscrite plus politiquement dans projet colonial : Gayatri Spivak évoque « hommes blancs sauvant des femmes brunes des hommes bruns ». Condition de femme érigée en question débattue dans confrontation des modèles sociaux, avant tout pour dévaloriser normes sociales défendues par autochtones. Ambivalence des discours chez conservateurs européens qui clament émancipation des femmes dans colonies ou chez administrateurs qui, après avoir prôné affranchissement des femmes, défendent hommes qui perdent contrôle sur leurs épouses. Exemple de Rhodésie du Nord qui interdit aux femmes célibataires de s’installer dans villes minières du Copperbelt, réprime adultère et entrave divorce. D’où tentation de voir alliance entre hommes colonisateurs et colonisés pour nuire à la femme colonisée. « Races martiales » et « péril noir » : une masculinité sous contrôle : Stéréotype des « races martiales » construit en opposition avec le « Bengali efféminé » avec instauration des distinctions entre hommes sur critères ethniques. Opposition en Inde des Sikhs et des Parsis aux Bengalis parce que premiers ont résisté à envahisseur avant de s’allier à lui. De même opposition en Rhodésie du Sud des Ndébélés aux Shonas parce que les premiers ont mené des conquêtes sur les seconds. Appréciations du colonel Mangin à l’égard des peuples d’AOF pour les incorporés dans l’armée coloniale. Peuples d’Afrique de l’Ouest aptes à être engagés car endurants à tâche, peu sensible à douleur (grâce à un système nerveux peu développé), disciplinés et attentifs à hiérarchie, prêt à mourir, attachés à honneur et surtout dévoués au chef. Masculinité des colonisés utilisée à des fins militaires. Mais masculinité redoutée dans société civile, notamment en présence de femmes européennes. Crainte d’agression sexuelle en Inde relayée par rumeurs d'exactions perpétrées pendant révolte des Cipayes en 1857. Mythe du « Péril noir » repris à chaque pic de tension entre Indiens et Britanniques. Population domestique, premier groupe soupçonné à cause de proximité avec famille. Suspectés de se livrer au voyeurisme ou d’attouchement. Accusation de viol souvent crédible, servant parfois à laver honneur de famille quand femme entretient relation avec domestique. Cas de la famille Hume en 1883 qui se solde par condamnation à 8 ans de prison pour serviteur. Reprise de fantasmes dans métropoles au moment de présence de coloniaux comme illustre prescription de Santé militaire en mars 1916 à l’égard des tirailleurs sénégalais hospitalisés dans des hôpitaux ne comprenant que des infirmiers. Une reconfiguration des rôles Mobilités et nouveaux partages des tâches : Redistribution des tâches dans sociétés majoritairement rurales d’Afrique, Asie et Antilles sous l’impulsion de colonisation. Hommes employés à trouver ressources nécessaires au paiement d’impôt (par travail salarié dans grandes villes, mines ou plantations ou par cultures de rapport). Femmes dès lors chargées de l’agriculture de subsistance, en plus des autres charges. Villages laissés aux femmes dans régions où travail salarié recourt à circuits de migration comme Rhodésie du Sud et Zambie (mines du Copperbelt), Mozambique (mines d’Afrique du Sud) ou Guinée (bassin arachidier du Sénégal). Femmes également concernées par migrations de travail. Veuves d’Inde employées dans moulins de jute de Calcutta, mines de charbon du Bihar, plantations de thé d’Assam, mais aussi vers destinations plus lointaines comme îles Fidji. Pratique à rattacher à rupture familiale voire sociale et non pas stratégie de survie comme pour les migrations masculines. Migrations des femmes en Afrique plutôt pour rejoindre mari parti trouver du travail dans villes. Développement de travail féminin autonome à partir des années 1940 grâce à expansion des centres urbains comme à Lagos où femmes Yorubas deviennent blanchisseuses ou coiffeuses ou comme à Abidjan ou Accra où femmes s’investissent dans commerce de plats cuisinés ou de produits d’importation. Phénomène visible chez Amadou Hampâté Bâ qui évoque sa mère qui s’en sort par le commerce de plats, puis par vente de quincaillerie. Accès des femmes au travail salarié dans administration, banque ou l’enseignement plus tardif, seulement 59 à partir des années 1950. Nouveau patriarcat et nouvelle domesticité : Nombreuses études sur transformation de société coloniale du Bengale notamment sur classe moyenne tiraillée entre modernité et tradition sous influence des Britanniques. Mouvement réformiste hindou confronté à partir de seconde moitié du XIXème siècle à question de femme avec échos nombreux dans théâtre, littérature et arts, échos montrant femme bengalie vêtue ou se comportant comme une memsahib. Crainte de « modernité » qui entraîne nouveau partage entre matériel et spirituel, masculin et féminin, intérieur et extérieur. C'est-àdire un « nouveau patriarcat » de Partha Chatterjee selon une idéologie nationaliste. Concessions d’homme (modification des habitudes vestimentaires, des horaires de travail et des codes de comportement) compensées par maintien des valeurs spirituelles par femme qui doit rester discrète, aimante et dévouée. Maitrise de code pas incompatible avec apprentissage de lecture et écriture dans objectif d’obtenir femme idéale de l’homme moderne éduqué. Théorie implique investissement massif d’élite nationaliste pour éviter prise en charge d’éducation des filles par Européens. De fait scolarisation de 80.000 filles dans 2.200 écoles en 1890 (contre 2.500 filles dans 95 écoles en 1863). Question de femme résolue par nationalisme tout en maintenant femme dans giron de l’homme mais en permettant nette évolution du statut de l’épouse. Disqualification des femmes ou crise de la masculinité dans les populations colonisées ? : Mise en mouvement des populations du fait de relâchement des liens entre individus. Situation plus profitable aux hommes qui sont plus libres dans leurs choix, notamment celui de l’épouse. Situation également bénéfique pour femmes notamment en Afrique avec marges de manœuvre laissées aux femmes par adoption des principes matrimoniaux européens. Prise de parti des autorités coloniales souvent au profit des hommes en renforçant ainsi domination patriarcale par codification des coutumes et monopole de justice accordé aux hommes. Pratiques qui abolissent recours à contre-pouvoirs accordés aux femmes dans sociétés précoloniales. Exemple du système politique des Igbos du Nigéria qui confiait aux femmes gestion des litiges judiciaires entre femmes, qui donnait au roi (obi) une reine (omu) dotée de pouvoirs politiques et diplomatiques. Dualisme des pouvoirs aboli par administration britannique qui prive femmes de toute influence, hormis dans sociétés secrètes). Persistance informelle de formes de régulation sociale comme injures proférées contre contrevenants aux règles reconnues, à l’image du charivari à l’égard du roi d’Abeokuta impopulaire après mesures fiscales. Identités masculines mises à mal par colonisation. Exemple des Kikuyus mis en réserves et privés de terres par Britanniques durant années 1880 qui les privent en même temps de statut dominant, à partir de possession foncière, vis-à-vis des femmes. Des possibilités nouvelles pour les femmes Les femmes européennes aux colonies : collaboratrices ou fossoyeuses d'empires ? : Interprétations divergentes face à présence féminine dans colonies puisque soit actrices de « mission civilisatrice », notamment dans domaine d’éducation ou santé, soit partisanes des barrières raciales de peur des indigènes. Memsahib theory basée sur cliché de memsahib imposant en Inde ses codes hérités de la société victorienne. Mais théorie largement exagérée malgré forte mobilisation des femmes pendant mouvement anti-Ilbert Bill, notamment par 2 ans de boycott des manifestations mondaines du vice-roi, pétitions et journaux ainsi que mise en place d’un comité féminin de l’Association pour défense des Européens et Anglo-Indiens. Mouvement à l’origine de discours féministe dont arguments sont repris par les hommes. Néanmoins, expérience coloniale à voir comme ensemble d’opportunités de carrière offert aux femmes dans secteurs de santé et éducation. Exemple des femmes d’administrateurs encouragées à faire bénévolat au profit d’activités caritatives, d'infirmières recrutées par Colonial Nursing Association, des femmes médecins employées au Nigéria à partir de 1925. Néanmoins, distinction sexiste au niveau de affectations puisque femmes médecins plutôt dans protection infantile, sauf en cas de pénurie de personnel comme pendant Deuxième Guerre mondiale où femmes accèdent à postes réservés aux hommes par biais de contrats temporaires. Vie quotidienne de femme aux colonies loin du cliché de la memsahib. Exemple de Karen Blixen, planteuse au Kenya qui rencontre Kikuyus installés sur sa plantation. Adoption de modes vestimentaires (comme le sarong indonésien) ou décoratives par Européennes. Illustration de volonté de réduire distance intrinsèque à colonisation. Mobilisation ouverte de certaines femmes contre appareil colonial comme Margaret Noble, Margaret Cousins ou Annie Besant qui s’engage pour femmes. Colonisées et diplômées : Scolarisation des filles lente et tardive, longtemps suppléée par instruction pratique et 60 domestique prodiguée par écoles de missionnaires. Femmes dès lors envisagées comme vecteurs d’adhésion à de nouvelles valeurs, valeurs qu’elles transmettront à leurs enfants. Par ailleurs nécessité de former des spécialistes comme sages-femmes ou institutrices, d’où création de l’Ecole de médecine de Dakar (1918) ou de l’Ecole normale de jeunes filles de Rufisque (1938) qui accueillent des femmes venues de toute l’AOF (à 37% en provenance du Dahomey). Profession de sage-femme exercée par vocation à différence de celle d’institutrice. Formation longue qui aboutit à métier reconnu et à certaine autonomie financière qui ne remplace pas emprise familiale. Milieu marqué par forte endogamie (80% des sages-femmes épousent des médecins), mais également par une tendance au mariage forcé (27% des cas). Statut social et niveau d’études comparables mais mariage rarement harmonieux aboutissant souvent à un divorce, mari n’étant pas préparé à l’égalité relative. La place des femmes dans les luttes anticoloniales : Participation des femmes aux luttes anticoloniales sous diverses formes : 1/ à la tête de la résistance face à conquête comme Yaa Asantewaa, reine du royaume Ashanti face aux Britanniques en 1900 ou Ranavalona III, reine de Madagascar face aux Français jusqu'en en 1897. 2/ Dans révoltes face à administration coloniale comme Nigérianes qui manifestent contre recensement des femmes et animaux ou femmes de la Aba Women’s War en pays igbo (Nigéria) en 1929. 3/ Dans controverses à propos des questions matrimoniales qui voient le jour avec mouvements nationalistes, notamment en Indonésie en 1937 à propos d’un nouveau régime matrimonial. Education des filles portant ces fruits avec notamment prise de position des élèves de la Bethune School qui, sous l’impulsion de leur professeure Kamili Sen, soutiennent le Ilbert Bill en 1883. Intégration des femmes dans parti du Congrès (fondé en 1885) avec présence à réunion annuelle à Bombay en 1889, participation à mobilisation contre partition du Bengale (1905) ou au mouvement non-violent de Gandhi. Accession aux postes-clés qu’en cas d’emprisonnement des leaders masculins comme C.R. Das remplacé à la tête du parti du Congrès au Bengale par sa femme Basanti Debi. Victimes de répression, arrêtées comme Basanti Debi ou blessées par police comme Hamaprobha Majumbar, fondatrice du Forum des femmes travailleuses (1922). Même phénomène en Malaisie avec Kaum Ibu UMNO (branche féminine de l’United Malays National Organisation) qui tente de maintenir programme d’action en faveur d’éducation des femmes malgré désaccord avec organisation nationaliste pour qui ces questions ne sont pas prioritaires au point d’exclure Khadîdja Sidek en 1956 pour avoir milité en faveur de la parité aux élections de 1955. Formes d’engagement des femmes plus informelles en Afrique comme groupes de danse qui interviennent dans les congrès de la Tanganyika African National Union. 61 Hygiène, santé et médecine Services de santé établis en Asie, Afrique et Antilles pour soigner Européens décimés par maladies locales. Véritable tête de pont de la médecine occidentale. Puis élargissement des mesures sanitaires aux populations colonisées malgré confrontation avec médecines indigènes. Médecine occidentale souvent présentée comme un des principaux bénéfices de colonisation, mais tendance nuancer à partir des années 1970. Colonisation et santé Colonisation et morbidité : Implication des Européens largement soulignée par historiographie dans propagation de maladies inconnues dans les régions colonisées. Colonisation également responsable de nouveaux besoins médicaux à cause des transformations apportées aux écosystèmes, zones humides créées par déforestation et canaux d’irrigation offrent milieu favorable aux moustiques. Exemple de propagation de trypanosomiase (maladie du sommeil) au Congo et Cameroun au moment de reprise de récolte du latex au cours de Deuxième Guerre mondiale. Travail forcé et prolétarisation massive dans mines et plantations, vecteurs de propagation de morbidité auprès de population affaiblie par conditions de vie et de travail. Médecine et contrôle colonial : Médecine occidentale accusée dans années 1980 d’être « outil de l’Empire » cherchant à préserver Européens et servant intérêts militaires, politiques et commerciaux. Mesures de santé publique perçues comme instruments de domination des indigènes même si historiographie insiste plus sur complexité des questions sanitaires nuançant centralité de médecine dans consolidation du pouvoir colonial. Promotion de contrôle social par médecine comme en Europe, mais avec des moyens plus limités. Un regard médical sur le monde colonial Acclimatement et colonisation : Question d’acclimatement posée à cause d’importance des décès par maladies au sein des troupes métropolitaines en Asie et surtout en Afrique occidentale (« tombeau de l’homme blanc »). Opinion différente entre polygénistes (races humaines adaptées à des zones climatiques différentes) et les monogénistes (variations physiques sous influence du climat chez les individus n’ayant qu’une seule origine. Adaptation des Européens aux milieux colonisées à plus long terme en fonction des conditions. Evolution moins optimiste à partir de moitié du XIXème siècle qui aboutit à théorie interdisant toute colonie de peuplement dans pays chauds dès lors réservés à l’exploitation. Race et colonisation : Renforcement d’idée de barrières raciales en associant climats malsains et dégénérescence raciale, théorie qui explique conquête d’Inde par son climat qui aurait affaibli Indiens et la crainte des Britanniques en Inde de « s’indianiser ». Même discours en Afrique et dans les Antilles. Mais changement de vision dans Philippines où environnement tropical est moins craint que population elle-même vue comme menace pour corps blanc, d’où nécessité de l’éduquer. Maladie elle-même envisagée comme conséquence des pratiques indigènes en termes de mœurs. Ségrégation résidentielle et « mission civilisatrice » renforcées par peur de l’infection. Médecine et « mission civilisatrice » : Maladie intégrée à la vision européenne des sociétés indigènes. Santé érigée en question vitale par administrateurs coloniaux, comme Victor G. Heiser aux Philippines pour qui enjeux sanitaires déterminent l’avenir du pays. Maladie alors perçue comme une des raisons du retard d’Asie et d’Afrique et médecine comme marque de fierté raciale. La naissance de la médecine tropicale Le primat de l'hygiène : un empirisme médical relativement efficace : Baisse de 90% du taux de mortalité chez soldats stationnés en Afrique et en Asie entre 1830 et 1914 grâce à quinine et vaccination, mais aussi au cantonnement des troupes sur hautes-terres, à surveillance d’eau et mise en place de mesures d’hygiène à partir des années 1840-60. 62 L'invention de la médecine tropicale : Médecine tropicale (c'est-à-dire médecine occidentale tournée vers les autres mondes) tirée du contexte de colonisation et de microbiologie. Découverte de nombreux agents pathogènes comme vibrion cholérique par Allemand Koch à Calcutta en 1883 ou bacille de peste par Français Yersin à Hong-Kong en 1897. Découverte du processus de transmission de l’hématozoaire de malaria par Laveran en 1880 et de son vecteur, l’anophèle, par Ross en 1897. Ouverture d’écoles de médecine tropicale comme School Tropical Diseases and Medical Parasitology de Liverpool (1898), Escola de Medicina Tropical de Lisbonne (1902) ou Ecole d’application du service de santé des troupes coloniales de Marseille (1905). Mise en place de laboratoires et d’instituts dans colonies d’empire français, tous rattachés à Institut Pasteur où mise au point de vaccination antivariolique et des enquêtes sont menées sur maladies. Vers la densification de l’assistance aux « indigènes » Lutter contre la variole : Populations colonisées longtemps dotées d’équipement sanitaire réduit à cause du retard des autorités coloniales dans diffusion de médecine. Budget sanitaire de l’Est africain pour 1900-01 fixé à 4.700£ (contre 38.000£ pour l’armée). Lutte précoce contre variole. Premières campagnes de vaccination en Algérie dans années 1830 et au Vietnam en 1859. Création d’un service permanent en mobile contre variole au Tonkin (1888) et en AOF (1902) pour endiguer ce frein à l’avenir démographique des colonies. Mesures confrontées à difficultés d’application locales comme conservation à longue durée des vaccins. Nouvelles inquiétudes et extension des soins : Inquiétude des métropoles à propos des rapports qu’elles entretiennent avec foyers d’insalubrité, ce qui amènent interventions dans colonies comme après conférence internationale de Constantinople (1866) sur le choléra. Etablissement de conseils de santé à Bombay et Calcutta pour gérer questions sanitaires dotées de davantage de moyens avec l’Epidemic Diseases Act (1897) consécutif à peste de Bombay en 1896. Services médicaux développés qu’après Première Guerre mondiale en Afrique britannique avec notamment la Health Ordonnance pour le Kenya (1921) et mise en place d’un réseau de dispensaires pour une médecine curative. Mise en place d’une assistance médicale indigène (AMI) dans empire français qu’au début du XXème siècle pour assurer soins médicaux, entretenir personnel hospitalier, vacciner et prévenir épidémies, protéger mères et enfants, … Projet doté de dimension décentralisatrice avec les « tournées de brousse » à partir de 1925. Accent mis sur protection de l’enfance et assistance sociale au Vietnam pour favoriser accouchements en maternité et combattre tuberculose et maladies oculaires. Lutter contre les endémo-épidémies : Mise en place de grands programmes d’éradication des maladies au début du XXème siècle. Santé au service d’économie et de politique coloniale afin de résoudre problème démographique. Maladie du sommeil contrée par transfert de populations pour Britanniques, par thérapeutique appuyée sur chimie pour Allemands, par action sur environnement (débroussaillage…) pour Belges. Campagnes d’éradication entravées par absence de suivi et questions de compatibilité vis-à-vis des modes de vie indigènes. Contraintes, refus et adaptations Une médecine contraignante : Médecine autoritaire envers indigènes avec vaccination obligatoire en Algérie et Indochine bien avant décret de 1902 qui l’impose en métropole. Convocation des populations dans centres urbains, ce qui entraine longs trajets. Mesures de santé prennent plusieurs formes : 1/ Interventions médicales dégradantes (examens intrusifs, désinfections etc...), contrôle des mouvements de populations notamment grands pèlerinages identifiés comme réservoirs de maladies, ce qui crée tensions avec musulmans en route pour La Mecque et avec hindous vers Gange. 3/ Déplacement de populations par persuasion ou coercition. Exemple riverains du lac Tanganyika à cause de maladie du sommeil. 4/ Dénonciation des foyers de propagation des maladies. Exemple d'Egypte où décret de 1912 oblige directeurs d’école à le faire. 5/ Mise en quarantaine, détention, isolement comme pour lépreux en vertu du All-India Lepers Act (1898) qui les parque en Inde ou la Lepers Proclamation (1911) qui les oblige à se dénoncer au Nigéria. Participation des entreprises à campagnes notamment mesure d’encadrement des mères du Katanga (Congo belge) dans le cadre de l’Oeuvre de Protection de l'Enfance Noire créé en 1925 par l’Union minière du Haut-Katanga. 63 Accepter la médecine coloniale : Peu de sources à propos des rapports entre médecin colonial et patient colonisé. Vaccination confrontée à des obstacles comme résistance à colonisation, notamment en Indochine) ou mauvaise compréhension de pratique. Médecine curative préférée à médecine préventive davantage crainte par colonisés. Soins de plus en plus acceptés grâce à publicité plus accessible diffusée dans les langues vernaculaires. La place des médecines traditionnelles : Praticiens locaux souvent mis à contribution par Européens au début du XIXème siècle notamment Vaidays (hindous) ou Hakims (musulmans) en Inde. Intérêt de certains médecins européens pour pratiques locales comme Dr J.P. Fitzgerald qui découvre médecine du Xhosaland (Afrique du Sud). Aucune synthèse médicale en Afrique orientale contrairement à Inde ou Afrique occidentale ou australe. Pluralisme médical de plus en plus rejeté au cours du XIXème siècle à cause de supériorité de médecine occidentale. Evolution au cours des années 1920 où médecines traditionnelles se mêlent à médecine occidentale mais uniquement dans les colonies, la biomédecine devenant complément et non substitut des formes traditionnelles en Afrique et en Asie. 64 La prostitution Considérée en Europe et aux USA comme mal nécessaire qui doit protéger société face à pulsions physiologiques irrépressibles. Vu comme sale et dangereux en raison des maladies qui circulent, syphilis étant fléau majeur. Pour autorités, prostituées véhiculent ces maladies. De ce fait réglementation extrêmement stricte, prostituées étant confinées dans univers quasi carcéraux. Législation est abrogée par Angleterre dans les années 1880 mais perdure dans colonies françaises jusqu’aux indépendances. Surreprésentation de masculinité dans les colonies accentue phénomène de prostitution. Prostitution existait avant arrivée des colons mais leur présence reconfigure formes de prostitution et de nouveaux groupes sociaux apparaissent : marginalisés, opprimés, réprouvés et prostituées. Prostitution agit aussi comme révélateur des tensions et contradictions des sociétés coloniales (ségrégation mais aussi relations sexuelles avec femmes de couleur, etc…). Colonisation et développement de la prostitution La prostitution, soupape des tensions sociales : Sociétés coloniales résultent souvent de conquêtes militaires donc migrations, mobilités et ratio hommes/femmes souvent déséquilibré. Prostitution débarque outre-mer en même temps que soldats. Réglementation vise en premier lieu à protéger soldats de maladies. Création de Lock Hospitals durant années 1800 (filles malades mises en quarantaine). Utilisée en Inde, sur même modèle qu'en Angleterre. Dès août 1830, après prise d’Alger, ville est dotée d’un dispensaire où filles, toutes européennes au début doivent s’inscrire. En Inde, filles recrutées sur place. Autorités coloniales peuvent tolérer aussi concubinage entre ressortissants européens et les femmes colonisées, et parfois l’encouragent. En Inde, on les appelle les boubous ou les bibi, en Afrique subsaharienne ce sont les « ménagères », en Indochine les congaïs. Ces relations sont entre domesticité, courtisanerie et relation amoureuse. Ces unions temporaires concernent aussi les civils. Colonisation est jugée dangereuse, elle est donc affaire d’hommes. Au Congo belge vers 1900, environ 1.000 européens sur place et seulement 82 femmes, surtout religieuses. Dans ce cas « ménagères » apparaissent comme moins mauvaise solution. Prostitution aussi nécessaire pour lutter contre homosexualité qui paraît aussi dangereuse que maladies vénériennes. Lors de conquête du Sind, autorités britanniques effarées de découvrir à Karachi existence de prostitution masculine et de lupanars spécialisés. Recrutement de femmes vu comme remède contre surmasculinité pour colonisateurs et colonisés. Mobilisation de main-d’œuvre nombreuse, appel aux migrants, grands chantiers, etc… sont aussi facteurs de déséquilibre entre les sexes. Singapour attire beaucoup les Chinois, vers 1900 ils sont 2/3 des habitants. Apparition de bordels, approvisionnés en femmes chinoises et japonaises (en 1898, 350 maisons chinoises officielles et privées). Femmes seules sont mal vues. Exemple du Congo belge où autorités veulent endiguer prostitution clandestine avec mise en place de taxe en 1930 sur les « femmes vivant théoriquement seules » pour toutes femmes de plus de 16 ans. Vers 1940, celles-ci représentent 30 % de population de Stanleyville et taxe VTS rapporte à la municipalité 20% de ses recettes. La traite et l'enrôlement des femmes : Prostituées européennes en sous-nombre par rapport aux autochtones. Sont mieux traitées de la part de la police des mœurs et des médecins chargés de les inspecter. En 1872 pour 6871 prostitués en Inde 5804 hindoues, 930 musulmanes, 137 européennes. En 1935 à Alger 106 européennes et 225 indigènes. Européennes sont professionnelles envoyées par proxénète ou venue faire carrière dans l’empire. Pour autochtones, misère est facteur principal de prostitution contrairement au mythe de la sexualité vénale. Beaucoup d’autres y entrent contraintes et forcées par des trafiquants. Prostitution japonaise très forte au début du XXème siècle car pauvreté persistante dans certaines régions rurales. Familles vendent fille aux trafiquants qui acheminent ces prostituées (les Karayuki-San) à Shanghai ou Hong Kong pour les acclimatées. Ensuite transférées à Singapour, Vladivostok, Batavia, Manille, Indochine ou Birmanie. Sur 300.000 émigrés japonais en 1906 on dénombre 22.000 Karayuki-San. Chinois pratiquent aussi même commerce, achetant ou enlevant des enfants. Les mui tsai (« petites sœurs ») sont adoptées puis éduquées pour la prostitution. La plupart des filles, en Afrique du Nord ou en Asie, sont enchaînées aux tenanciers des maisons où elles sont enfermées, par dette jamais soldable. Peu de perspectives pour ces femmes, certaines réussissent à terminer coiffeuse ou mère maquerelle, les autres restent au plus bas de l’échelle. 65 Le réglementarisme aux colonies La prostitution réglementée ou le triomphe des bordels : France passe pour avoir inventé, au tout début du XIXème siècle, le contrôle sanitaire et policier de prostitution. Toute fille publique doit s’inscrire sur registres avec catégories comme « filles soumises » qui vivent et travaillent dans maisons de tolérance (bordel) ainsi que les « isolées », ou « insoumises », qui travaillent en solo. Chaque mois elles payent un médecin et établissement où il travaille, là où les contrôles sanitaires sont effectués. Maisons de tolérance européennes perdent leur monopole dans colonies vers 1900 au profit des établissements indigènes. Mais règlement métropolitain s’applique à tous. Par ailleurs maison doit être close, une seule porte, verres polis, registre des pensionnaires donné régulièrement à la police, contrôle sanitaire, etc… Modèle appliqué en 1853 en Algérie et 1915 pour toute la Cochinchine. Mise en place dans empire britannique des Contagious Diseases Acts entre 1864 et 1868 pour contrôler femmes atteintes de maladie vénérienne. Hong Kong est premier territoire britannique à prendre mesures dès 1857 tant les conditions d’hygiène sont terribles pour les marins souhaitant coucher avec prostituée. De fait beaucoup d’infections dans marine donc mise en place de mesures d’hygiène. Rues et quartiers réservés : le cantonnement de la prostitution : Prostitution tend à se concentrer dans rues et quartiers spécifiques comme les red light districts dans les colonies britanniques. En Afrique du Nord, « rues réservées » avec voie centrale, contrôle policier. Dans empire français enfermement va plus loin puisque création de véritables quartiers fermés par murs, contrôlés par policiers. Prostituées sont assignées à résidences et sortent rarement. Quartiers au départ en ville mais sont rejetés peu à peu vers la périphérie. Au moment de remaniement de Casablanca construction d'un quartier de prostitution, le Bousbir, construit et géré par l’entreprise la Cressonnière. Abrite entre 500 et 1.000 prostituées et reçoit 1.000 à 1.500 clients/jour. Mais dégradation du quartier et d'hygiène donc repoussoir pour clients et prostituées. Exemple similaire à Marrakech. Les bordels militaires : Préoccupation permanente des autorités sur santé des militaires. Réglementation va jusqu’à créer des bordels exclusivement réservés aux militaires. En Inde, cantonnements britanniques disposent de leurs lal bazaar, bordels construits par Angleterre avec présence d’un Lock Hospital. Femmes ne peuvent coucher qu’avec Britanniques. Forte réglementation avec fichage et encadrement des prostituées ce qui forme ainsi une certaine aristocratie de la prostitution. Inversement avec bordels militaires de campagnes d’armée française dans régions qui ne disposent pas d’établissement spécialisé jusqu’aux indépendances. Ces bordels sont confiés à concessionnaires qui recrutent sur contrat des prostituées, quasiment toutes « indigènes ». Dans empire japonais mise en place par armée d'un réseau de bordels militaires, les ianjo ou « maisons de réconfort ». Phénomène connu depuis années 1990 depuis témoignages d'anciennes prostituées, notamment coréennes. Controverse sur nombre global de femmes exploitées et sur spécificité du système japonais par rapport aux autres bordels militaires. De fait différence de nature (réduction à esclavage de la population féminine colonisée ?) ou d'échelle (prostitution massive du fait d'administration efficace) ? Premiers ianjo apparaissent en 1932 en Chine puis systématisation en 1938. Au départ recrutement de Japonaises puis rapidement extension du recrutement. « Maisons de réconfort » installées dans toutes les zones d'occupation japonaise avec nombre d'environ 400 en 1942. Estimation d'entre 90 et 200.000 ianfu, le plus souvent très jeunes filles enrôlées de force. La prostitution comme révélateur L'échec du réglementarisme : Réglementarisme prostitutionnel se heurte à contestations comme en Angleterre ou Josephine Butler met en place Ladies national Association for the Repeal of Contagious Disease Acts. Pour elle, prostituées sont sacrifiées sur autel du vice masculin et humiliation de ces dernières par « viol gynécologique répété » (1883). Pour militantes combat est le même que pour abolition d’esclavage puisque prostitution est forme d'esclavage. Mise en avant d’inefficacité de police des mœurs et problèmes d’hygiène récurrents. Autorité coloniale résiste tant bien que mal à vague abolitionniste. En Inde en 1888, les lal bazaar sont fermés tandis que les Lock Hospitals deviennent des « volontary venereal hospitals ».A Singapour et Hong Kong réglementation peu à peu démantelée au cours de 1890. 66 Campagnes internationales obtiennent quelques résultats contre « tolérance », Japon rapatrie ses Karayuki-San en 1920 (mais beaucoup vont en Chine), bordels ferment dans Fédération des Etats malais en 1931, à Shanghai en 1934. France conserve bordels jusqu’à loi Marthe Richard du 13 avril 1946. Interdiction des bordels en métropole mais pas en Algérie. Emergence de prostitution clandestine. En 1930 autorités du Tonkin estiment que 95 % de cette activité échappe à contrôle. Ségrégation, mélange, fantasmes : sexualité et contradictions coloniales : Prostitution reflète segmentations propres aux sociétés locales, lesquelles tendent à se brouiller progressivement. Prostituées d’Afrique du Nord durant seconde moitié XIXème siècle sont marquées par origine ethnique et sociale avec « négresses » (anciennes esclaves), « kabyles » (les rurales), « mauresques » (urbaines), les juives issues des mellahs. Ségrégation de principe dans maisons de tolérance puisqu'on n’accepte que les Européens, mais coexistence Européens et Arabes dans bordels les moins luxueux. Présence en Inde de prostituées blanches, anglaises, juives d’Europe centrale et orientale, gêne autorités britanniques qui y voient une fâcheuse déchéance de la « race ». En Asie, Britanniques recourent essentiellement aux filles non européennes en s’assurant d’exclusivité de leurs services. Dans les règlements britanniques concernant la prostitution dans les établissements et colonies d’Asie, il est d’usage de hiérarchiser les prostituées entre celles de « première classe » pour Européens et celles de « seconde classe » pour non européen. Prostituées autochtones favorisent les fantasmes et l’orientalisme érotique qui va avec. A Hong Kong comme à Singapour, le gouvernement veille à distinguer soigneusement bordels réservés aux Européens et ceux réservés aux autres. Au contraire, au Vietnam, Européens et Asiatiques, civils et militaires sont clients des mêmes maisons. 67 Les religions entre traditions et inventions Pluralisme religieux ne date pas d’intervention des puissances européennes, mais s’accentue avec colonisation. Entre 1850 et 1950, certaines religions introduites, d’autres réformées ou transformées, mais aussi dynamiques de syncrétismes par contact. Les dilemmes de la conquête Colonisation et prosélytismes : Liens entre domination coloniale et christianisation sont plus incertains après 1850 contrairement à l’époque moderne. Dès 1830, Français s’engagent à respecter coutumes des populations locales en Algérie. Pourtant, engagement partiellement tenu, car entre 1830 et 1862, ¾ des lieux de culte disparaissent faute de fonds pour les entretenir, pouvoir colonial s'étant approprié donations pieuses ou habous servant de financement. Mission évangélisatrice reste quand même présente mais est mise en sourdine. Chrétiens autorisés à évangéliser Inde à partir de 1823, construction de monuments ostentatoires, notamment basilique Notre-Dame d’Afrique à Alger en 1872. Volonté d'éviter troubles religieux liés à volonté évangélisatrice. De fait en Algérie, missions en Kabylie, dans nord du Nigeria création de stations missionnaires interdites dans zones musulmanes. Dans sociétés d'ancienne coexistence religieuse prosélytisme chrétien peut s’avérer contagieux. Exemple de l’Inde. Conversion au christianisme suscite reconversion de certaines associations indiennes comme l’Arya Samaj (« noble société »). Créée en 1875 et active dans nord de l’Inde, elle proclame antériorité et supériorité d’hindouisme sur autres religions. Sikhs font de même en 1873 avec association Singh Sabha. Dans les années 1920, société musulmane de prédication, le Tablighi Jamaat, se lance dans prosélytisme pour réislamiser les musulmans indiens. Missionnaires chrétiens ont peu séduit les Indiens : 0.73 % en 1881 et 2.4 % en 1951. Guerre sainte, millénarisme et prophéties : les armes du refus : S’opposer à croyance des colons c’est d’une certaine manière, s’opposer au système colonial. Djihad lancé en Algérie en 1832 puis en 1871. De même en 1874 aux Indes néerlandaises suite à abolition du sultanat. Entre 1905 et 1910, cheikh Mâ’al-Aynîn conduit Djihad en Mauritanie. Phénomène basé sur principe de révolte, généralement vite écrasé. Dans années 30, nouvelle théorie sur Djihad, comme guerre offensive et non plus défensive, menant à révolution islamique. Idées proposées en Egypte par Hassan al-Banna, fondateur des Frères musulmans. Choc de conquête suscite également millénarismes et prophéties. Premiers annoncent fin des temps et appelant à sacrifices pour obtenir rédemption ou retour à âge d’or. Exemple de l'Afrique du Sud où en 1856, Xhosa sacrifient bétail et délaissent terres dans l’attente des troupes invisibles qui viendraient d’au-delà des mers pour les aider à chasser les Anglais. Cela a pour conséquence famine terrible, 30 000 survivants sur 150 000, passent ensuite au service des colons car sans ressource. De même en Indochine avec poussée de millénarismes populaires (mix messianisme bouddhique et pratiques magiques populaires) entretenues par guérisseurs, devins ou illuminés. Forte poussée après échec de révolte du roi Can Vuong. Les stratégies de retrait : Répression des mouvements favorise stratégie de retrait de la part de certaines communautés ou groupes. Dissimulation de foi, ou taqiyya, est option légitime pour les musulmans lorsque le Djihad est voué à l’échec et à l’émigration, ou hijra, impossible pour des raisons matérielles. Confréries musulmanes ou tariqa offrent en pratique des structures pour organiser ce retrait. Celle de Qadiriyyâ par exemple fondée à Bagdad au XIème siècle. Au XIXème siècle présence dans ensemble du monde musulman notamment avec liens de solidarités, soutien aux activités économiques. Confrèries constituent espaces intellectuels et sociaux. Cheikhs Bay al-Kunti, qui dirige la Qadiriyyâ en AOF, appelle à fuir tout contact avec Français et à rejoindre son école coranique. D’autres confréries choisissent rapprochement avec pouvoir colonial. Exemple de la Tijâniyya en AOF. Cas de confréries catholiques dissidentes comme celle d’Apolinario de la Cruz aux Philippines en 1840. Jugé et décapité. Une autre 30 ans plus tard par un mystique qui affirme que frère d’Apolinario et Vierge lui sont apparus et l’ont chargé de créer une nouvelle Jérusalem délivrée du tribut colonial. 68 Les paradoxes de la tutelle coloniale en matière religieuse Des pratiques sous surveillance : Si sujets coloniaux misent souvent sur religion pour contester colonisation, pouvoirs coloniaux cherchent à en faire outil de contrôle social. Cas très prégnant des Antilles où augmentation du nombre de prêtres après abolition de l’esclavage, pour contenir population émancipée, 44 prêtres en Guadeloupe en 1844 et 85 en 1858. Surveillance exercée par pouvoirs coloniaux sur pratiques religieuses était directe et indirecte. Contrôle des transactions financières ou donations de biens finançant construction et entretien des lieux de culte. De fait dès 1817 à Madras, administration de l’East India Company surveille dons faits aux temples hindous sous prétexte de lutter contre détournements. Tout en surveillant intensivement les marabouts et les écoles coraniques, administration coloniale cultive en AOF le fantasme de contribuer à l’essor d’un « islam noir », en marge de l’islam et acquis à domination française, notamment à travers de certaines figures influentes dont Seydou Nourou Tall, petit-fils d’un grand fondateur de théocraties musulmanes au XIXème siècle. Pèlerinages sont autant que possible contrôlés par police. Mais problème de multitude de lieux, notamment en Inde ou en Algérie (tombeaux des saints). Pèlerinage de la Mecque incite pouvoirs coloniaux à prendre en main transport des pèlerins. Pèlerinage interdit en 1903 et 1904 en Algérie car pèlerins décident de voyager sur bateaux de leur choix. L'impossible séparation des Eglises et des Etats coloniaux : Peu de puissances coloniales ont cherché à imposer religion d’Etat. Japon impose culte shinto de l’empereur dans ses colonies mais après 1935. Loi de 1905 est appliquée dans certaines colonies à partir de 1907. Exemple de Madagascar où gouverneur général en profite pour fermer les écoles protestantes. Séparation mise au service de politique de suspicion et répression du protestantisme, accusé d’être l’antichambre du nationalisme malgache. Missionnaires protestants et catholiques doivent maintenant trouver d’autres domaines d’activité que l’éducation désormais laïque mais réduite à peu de choses faute d’écoles et d’enseignants laïcs. Par conséquent importance d'autonomie forte des missionnaires face au pouvoir colonial dans empire français. Autorités coloniales, malgré loi de 1905 cherche statu quo notamment en Algérie, notamment par fonctionnarisation des ministres de culte musulman, dispositif déclaré d’exception mais prorogé jusqu’en 1947. En conséquence, association des oulémas d’Algérie fondée en 1931 lutte pour obtenir application de la séparation du culte musulman et de l’Etat colonial. Les Eglises dissidentes : Dès 1857 en Afrique du Sud, Eglise réformée hollandaise a introduit des Eglises séparées pour Blancs. Même chose pour Britanniques dans Afrique de l’Ouest dans années 1880. En conséquence, plusieurs Eglises créoles de Freetown quitte en 1885 réseaux missionnaires pour rejoindre l’American Methodist Church, Eglise noire-américaine. Eglises noires sud-africaines font même choix en 1896. Séparation et quête d’autonomie qui se traduit aussi par vague d’ « Ethiopisme », car ces Eglises en rupture se revendiquent du christianisme éthiopien pratiqué depuis IVème siècle. A partir de 1904, Eglises « sionistes » fondées dans l’Union sud-africaine. Créées par prophètes se présentant comme messies et proposant hybridation entre christianisme et pratiques religieuses autochtones. En 1950, ensemble des Eglises indépendantes africaines comptent 2 millions de fidèles, 10 millions pour cathos et 11 millions pour protestants. Des cadres alternatifs ? Les dynamiques syncrétiques : Entre 1913 et 1915, prophète libérien William Wade Harris sillonne littoral de Côte d’Ivoire prêchant abandon de toute forme d’idolâtrie et concorde entre races. Grand retentissement mais expulsé par Français qui l’accusent d’annoncer défaite française. Eglise harriste clandestine fondée en Côte d’Ivoire dans les années 1920 et légalisée après 1945. Eglise kinbanguiste (fondée par Kibangu) compte dizaines de milliers d’adeptes qui sont poursuivis en 1924 (37.000 condamnations). Se développe ensuite dans clandestinité, intègre éléments culturels kongo comme culte des ancêtres et en dépit de répression coloniale, elle accompagne évolutions de société congolaise, servant de support au mouvement associatif indépendantiste dans les années 1950. Syncrétismes apparaissent aussi en Asie notamment en Indochine où religion Cao Dai propose, à partir de 1926, synthèse entre bouddhisme, confucianisme et taoïsme. Réprimé à partir de 1940. 69 Conversion, reconversion : Conversions peuvent être multiples pour une même personne. Comme l’a montré John Peel conversion reposait concrètement sur interaction délicate entre religion d’origine et religion d’arrivée et sur intermédiaires. Ainsi, les babalawo (devins) yoruba, qui sont en train de diffuser le culte d’Ifa parmi populations Yoruba du Sud du Nigeria, jouent rôle clef en dialoguant avec marabouts musulmans, qui pratiquent également divination, mais aussi avec missionnaires. Les réformismes entre usages locaux et cosmopolitismes : Réformismes hindouiste et islamique proposent de transformer la société. Réformisme hindouiste au départ mouvement élitiste redéfinissant hindouisme comme monothéisme en retranchant nombre de pratiques présentées comme idolâtrie et ripostant aux réquisitoires des missionnaires britanniques qui affirment, dans les années 1830, qu’évangélisation est préalable nécessaire à toute réforme de société indienne. Intellectuels réformistes comme Ramohun Roy s’engagent dans réformes de religion. Sont souvent mal vus par majorité des hindouistes dont ils critiquent les pratiques religieuses et sociales. Renouveau de tradition ascétique hindoue avec Ramakrishna (1836-1886). Réformisme se dissémine également avec nombreux mouvements locaux mêlant revendications sociales et religieuses. Ascète Sri Narayana Guru au début du XXème siècle veut favoriser caste des producteurs de vin qui représente 1/5 de la population locale. Souhaite « une caste, une religion et un dieu » pour unité de société indienne. Confrérie musulmane Ahmadiyya (1889) fait choix de prendre appui sur Empire britannique pour diffuser son message. Prône prosélytisme pacifique plutôt que Djihad. Devient réseau d’ampleur mondial au même titre que confrérie Mouride fondée au Sénégal et qui s’appuie sur populations pauvres, paysans producteurs d’arachides. Fondateur, Ahmadou Bamba convertit nombre de paysans wolofs. Déporté à de nombreuses reprises par autorités coloniales. Son lieu de mort en 1927, Touba, devient symbole pour diaspora commerçant sénégalaise de plus en plus forte après Première Guerre mondiale. 70 Ecole, éducation Thème privilégié de propagande impériale, école cristallise multiples contradictions qui affectent sociétés en situation coloniale. Dispositif de contrôle de société dans système hiérarchique de « races » donc volonté de façonner indigènes assez « intelligents » pour devenir auxiliaires de colonisation. Ecole peut avoir aussi portée émancipatrice donc elle est aussi potentiellement subversive. La scolarisation coloniale, entre propagande et réalités Un nombre limité d'écoles et d'écoliers : Photos nombreuses d’administrateurs, enseignants, bonnes sœurs etc... faisant lecture et cours à des élèves. Ceux-ci alimentent propagande car effectifs scolarisés sont très limités. Dans enseignement primaire, primaire supérieur et secondaire public et privé en AOF, on compte en tout 16.300 élèves en 1913 et 62.300 en 1934 pour population de 14.3 millions d'habitants. Les deux seuls lycées d’AOF, Dakar et Saint-Louis, comptent 730 élèves en 1936. Taux de scolarisation en Indochine inférieur à 10 %. Même chiffre pour l’Algérie en 1937. Ambitions coloniales et financement pas à hauteur des attentes de scolarisation. Dans empire britannique, scolarisation très limitée jusqu’à l’entre-deux-guerres. Encore en 1921, en Gold Coast, moins de 4% des jeunes sont scolarisés. Chiffres encore plus faibles dans empire portugais. Au Mozambique, moins d’1%. Effort de scolarisation dans les années 1950. En 1940, un collège technique à Lourenço Marques et 4 autres « écoles des arts et métiers ». Création d'un deuxième lycée en 1954 puis trois autres localités dotées de lycées en 1961. Très peu d’Africains, car payant. Estimation qu’en 1964, 1 Africain sur 12.500 a bénéficié d’éducation secondaire. Des systèmes scolaires souvent déséquilibrés ou incomplets : Filles encore moins concernées par scolarisation que garçons. Début années 1920 en AOF, 2 pour mille en âge d’être scolarisées à être inscrites dans écoles publiques ou privées, ce qui ne signifie pas qu’elles les fréquentent. Taux de 35 pour mille en 1955, 3 fois moins que garçons. Plupart des élèves ne dépassent pas primaire, la suite étant cadre réservé aux élites. Exemple d'Algérie en 1914 où 386 élèves musulmans et seulement 40 bacheliers (fils de caïds ou d’aghas). Situation différente dans empire britannique car politique coloniale s’appuie sur les educated natives. Infrastructures scolaires, souvent laissées aux mains des missionnaires pour niveaux inférieurs, sont plus étoffées et forment réseau plus complet. Elites peuvent poursuivre études secondaires voire supérieures. Exemples du nombre d'écoles secondaires en 1937 en Gold Coast (3), Gambie (4) et Sierra Leone (9). Autres institutions au XXème siècle comme collège Prince-de-Galles à Achimota en 1925. Une partie des étudiants africains anglophones poursuit études dans métropole, cas beaucoup plus rare dans autres empires. En Inde, majeure partie des élites formée dans vingtaine d’universités créées à partir de 1857. Exemple du Bethune College fondée en 1878 à Calcutta pour femmes, avant même que les universités métropolitaines soient ouvertes aux femmes. Aux Indes néerlandaises scolarisation plus massive des populations colonisées et réseau un peu plus équilibré. En 1849 fondations d'écoles élémentaires avec enseignement en hollandais pendant trois ans. A partir de 1864, Etat crée des Europeesche Lagere Scholen (ELS), soit cycle de sept ans, en hollandais. Objectif est qu'élèves puissent poursuivre études secondaires aux Pays-Bas. Ecoles aussi ouvertes aux Indonésiens et aux étrangers. Depuis 1848 existence d'une vingtaine de Regentschapscholen pour les Indonésiens mais réservées aux enfants de Priyayi. En 1907 mise en place d'un programme d’éducation primaire populaire dans cadre de politique éthique grâce aux Volksscholen, qui dispensent un enseignement de trois ans dans les langues locales, avec enseignants autochtones. En 1940, environ 45% des enfants ont reçu éducation de ce type même si niveau de qualification reste bas. Existence de nombreuses autres écoles : écoles pour métis en 1908, MULO (Meer Uitgebreid Lager Onderwijs) en 1914 avec éducation secondaire inférieure qui ouvre portes aux AMS, Algemene Middelbare Scholen créés en 1919 avec niveau secondaire. De même Schakelscholen en 1921 pour rejoindre les MULO. Création de système universitaire en 1900 avec deux écoles pour autochtones : (OSVIA) administration, (STOVIA) médecine. Par ailleurs écoles vétérinaires, instituts de technologie à Bandung en 1920, faculté de lettres à Batavia en 1940 et une agricole à Bogor en 1941. Etablissements supérieurs fermés par Japonais, mais en 1946, création par Néerlandais d’une « université d’urgence » qui fusionne avec anciennes pour former l’Université d’Indonésie. 71 Ecoles coloniales et éducation autochtone : Mode de scolarisation parfois opposé ou entré en concurrence avec modes d’éducation autochtones. Caractère collectif dans enseignement, de manière orale en Afrique par exemple. Système scolaire à contenu religieux ou non. Ecoles de pagode au Cambodge ou médersas en territoire de culture musulmane (pesantren ou madrasah dans les Indes néerlandaises). Nationalisme indonésien réalise importance d’éducation et d’inculcation de valeurs nationales. Création de wilde scholen ou « écoles sauvages » par autochtones. Plus connues sont fondées par membres du Sarekat Islam ou du Taman Siswa. Ecoles dont diplômes ne sont pas reconnus par autorités. En Indochine, cas de figure intéressant. Dans provinces annamites, éducation autochtone fondée sur système de sélection pour entrer dans administration et fonctions mandarinales. Au Cambodge et Laos, éducation surtout religieuse, pas destinée à former classes dirigeantes mais intégrer jeunes dans vie en société en inculquant valeurs religieuses, philosophiques et morales. Gouvernement colonial estime que premier type d’école plus adéquates avec propres objectifs scolaires et les laisse en place jusqu’en 1919. Pour créer élite éduquée unifiée, caractères chinois et sino-vietnamiens remplacés par écriture en caractère latin, le quôc ngu. Par ailleurs, complexification des situations scolaires ou éducatives puisqu'expansion missionnaire chrétienne au XIXème siècle s’est accompagné d’ouverture d’écoles, quelques fois avant conquête coloniale. Ainsi, à partir des années 1820, souverains malgaches ont encouragé présence de missionnaires protestants (Britanniques, d’Europe du Nord) qui ont fondé réseau d’écoles sur lequel colonisateurs français se sont appuyés dès début du XXème siècle, tout en commençant par en chasser ces missionnaires étrangers. Quelle éducation ? Entre assimilation et adaptation La langue d'enseignement : Enseignement dans langue du colonisateur permet apprentissage de langue réputée de « civilisation » mais aussi que des sociétés très diverses possèdent un idiome commun. Enseignement français obligatoire en AEF et AOF en 1922 dès petites classes. Pourtant enseignement en langue vernaculaire dans petites classes au Congo Belge, en Indochine et dans colonies britanniques (obligatoire en 1927). Langue vernaculaire devient un outil pour nationalisme. Au cours des années 1920 étudiants birmans veulent créer système scolaire national en langue birmane. Des contenus adaptés : Mise en place de quelques savoirs et compétences en lecture, écriture et calcul. Enseignement est aussi à caractère pratique, agricole et ménager. Fermes-écoles existent dans colonies portugaises et en AOF à partir des années 1930. Ecoles généralement dépourvues de matériel scolaire si ce n’est la diffusion du petit Lavisse en histoire dans les colonies françaises. Objectif est de former main-d’œuvre peu savante et de subalternes. But est d’inculquer amour de France mais aussi de « petite patrie » qui profite des bienfaits des colons. Mise en place du livre Moussa et Gi-Gla composé sur même modèle que le Tour de la France par deux enfants. Réédité 14 fois entre 1916 et 1954 pour élèves d’AOF. En Indochine, à la faveur de grande réforme lancée par gouverneur Albert Sarraut après Première Guerre mondiale puis loi Marial Merlin en 1924-1925, enseignement unifié et adapté aux cultures locales afin de permettre scolarisation d’effectifs plus importants au niveau primaire. Former des élites ou des « déclassés » ? : Peur pour autochtones qui n'ont pas réussi de place à mesure de qualification. Double effet : souffrir de hiérarchie coloniale sans rapport avec mérites personnels tout en se trouvant aussi décalé par rapport à société d’origine. Georges Hardy, inspecteur puis directeur de l’enseignement en AOF (1912-1919), directeur de l’école coloniale (1926-1933), expose en 1932 comment enseignement ne doit former qu'élites dont autorités ont besoin pour faire fonctionner rouages de colonisation, en dispensant enseignement minimal à la masse. Idéologie de mission civilisatrice trouve là ses contradictions et ses limites. Education plus soutenue dans empire britannique mais toujours distinction entre élites et majorité de population. En 1835, selon Thomas Babington Macaulay, promoteur d’éducation britannique de constituer « une classe d’Indiens par le sang et la couleur, mais d’Anglais par le goût, les opinions, les valeurs et l’intelligence ». Mais faut maintenir une certaine distance entre élites coloniales britanniques et Indiens éduqués. Comité consultatif sur l’Enseignement dans les colonies déclare en 1925 que « l’enseignement doit être adapté à la mentalité et aux traditions des différents peuples, en conservant autant que possible tous les éléments sains dans la mise en place de leur vie sociale ». L'école objet d'investissement multiples 72 Contrainte coloniale ou Aventure ambiguë ? : Ecole imposée par colonisateur souvent perçue comme espace de violence symbolique, contrainte et acculturation. Faible taux de scolarisation en Algérie au début du XXème siècle aussi reflet du boycott des écoles étrangères par populations locales au profit d’écoles locales musulmanes par exemple. Dans Fouta, nord du Sénégal, élèves évolués considérés comme perdus pour société et culture d’origine. Age de recrutement en AOF pour école primaire varie entre 7 et 10 ans dans l’entre-deux-guerres. Mené par directeur d’école, médecin ou membre du personnel médical et le chef de canton, on passe d’un recrutement de masse quasi militaire (1927) à un recrutement par arrivant, avec des places limitées (1955). Des enseignant(e)s et des diplômé(e)s à la conjonction de plusieurs mondes : Enseignement en langue vernaculaire implique de former instituteurs autochtones plutôt que compter sur perso nnels venus de métropole. Investissements notables pour fonder ce genre d’école notamment en Malaisie britannique avec budget est prévu en 1920 pour ouvrir école de formation d’enseignants. Ecoles seront dirigées par diplômés du Sultan Idris Training College for Malay Teachers (1922 à Tanjong Malim). Endroit où prise de conscience et critique de domination coloniale. En Inde, 9 départements d’éducation créés en 1879 mais composés de 95 % d’Européens. En AOF, instituteurs et institutrices sont bons élèves qui ont passé cap du certificat d’études, très difficile. Entrée dans Ecole William-Ponty (à partir de 1903) ou Ecole normale d’institutrices de Rufisque (1938) pour formation. Un des enjeux, autant qu'instruction, est les acculturer tout en leur inculquant normes du « bon goût ». Mais ne peuvent rejoindre catégorie cadres supérieurs européens, encore une fois ressentiment, surtout après Deuxième Guerre mondiale. Education ouvre voies de promotion aux femmes. Exemple de section d’élèves sages-femmes ouverte à l’école de médecine de Dakar en 1919. Etudiantes recrutées par concours et souvent métisses ou issues des élites. De ce fait création de vecteur d’occidentalisation au sein des sociétés africaines. Selon spécialisations, différents devoirs : infirmières pour hygiène ; instituteurs-trices pour savoirs pratiques, comportements occidentaux, former de bonnes ménagères…Instituteurs-trices s’investissent aussi dans syndicalisme d’opposition plus que « participation responsable ». Assument des responsabilités politiques importantes dans contexte des indépendances. Aoua Thiero, après avoir épousé un instituteur, milite au Rassemblement démocratique africain à Bandiagara au Soudan français (futur Mali). Représentante des femmes de Nioro au congrès extraordinaire de USDRA, qui proclame l’indépendance du Mali en 1960. 73 Les pratiques sportives dans les sociétés coloniales A partir du milieu du XIXème siècle sports codifiés ou modernes deviennent une des principales pratiques culturelles qui se développent. Plupart des sports pratiqués adoptés volontairement, rapidement et souvent transformés par populations colonisés pour en devenir élément constitutif de leur identité nationale. L'essor du sport dans les sociétés coloniales Développement du sport résulte d’action de groupes sociaux d’origine européenne implantés plus ou moins durablement dans mondes coloniaux, notamment militaires, enseignants, missionnaires, ingénieurs dans rôle de « sportivisation » (Norbert Elias) des colonies. Mais, ce sont élites locales qui permettent implantation durable de ces sports. Terrains de cricket aménagés dans Antilles en 1833 lorsque Britanniques en place viennent pour protéger intérêts des grands planteurs après abolition d’esclavage. Fonction sociale avec différents corps d’armées qui s’affrontent ainsi que civils britanniques peuvent aussi participer. Sport intrigue et attire populations locales autochtones. Football au fort Canning à Singapour attire de nombreux spectateurs et les initie au sport. Guerre des Boers permet d’accélérer pénétration d’un sport qui va faire la renommée de l’Afrique du Sud : rugby, joué par les prisonniers Boers dans les camps. Outre militaires, enseignants et missionnaires jouent grand rôle. Sport représente pour bourgeoisie coloniale un moyen de pérenniser culture métropolitaine à laquelle ses enfants doivent absolument rester attachés (valeurs morales comme effort, persévérance, loyauté,…). Elites locales peuvent s’initier aux sports dans prestigieuses public schools et universités britanniques, puis dans établissements fondés dans colonies, tel le Harrison College de l’île de Barbade (cricket place de choix). Dimension morale du sport pour missionnaires. Fin du XIXème siècle au Cachemire, Cecil Tyndale-Biscoe place foot au cœur de pédagogie tournée vers « chrétienté musculaire ». Dans l’Empire belge, père Raphaël de la Kéthulle à Kinshasa importe sport parmi populations. Football pendant récréations. De même Frère Macaire au Gabon, avant même construction d’églises demande construction de stade de foot. On voit ici que pratique sportive chez missionnaires est bien au cœur de l’évangélisation. Femmes pas exclues. Exemple d'AOF où femmes autochtones accèdent au sport dans cadre de formation dispensée par l’Ecole normale de jeunes filles de Rufisque dans l’entre-deux-guerres. En 1941 élaboration de charte sportive d’AOF. Texte du directeur du service d’éducation générale et sportive, après avoir visité l’ENJF. A partir de 1945 équipe de baseball féminin est créée à l’ENJF. Normaliennes participent aussi à championnats scolaires d’athlétisme. Sport devient objet de politique paternaliste, qui vise à contrôler travailleurs, notamment dans régions fraîchement industrialisées, dans leur temps de pause. Patronat sépare soigneusement sport des cadres et patrons de ceux des ouvriers pour éviter de tisser trop de liens qui pourraient troubler ordre social. A Bombay dans entre-deuxguerres, les akhada (gymnases), sont étroitement surveillés par police. Ces lieux, en plus d’être un lieu d’activités sportives, est lieu de sociabilisation, de vie politique et syndicale des ouvriers. Sportifs, souvent bons dans maniement des bâtons (lathis) sollicités soit pour mener les grèves à la demande des ouvriers, soit pour les détruire, à la demande du patronat. Pour que sport subsiste dans sociétés coloniales, sports doivent être réappropriés par élites. Cricket avec princes Sikhs Rajendra Singh qui fait même construire un terrain dans son palais. En Indochine française durant les années 1930, Bao-Dai s’exhibe lorsqu’il joue au tennis, de plus il s’habille en blanc dans région confucéenne où cette couleur est relative au deuil, où l’exhibition du « moi » est choquante. Pratiques sportives enthousiasmantes pour élites qui y voient encore un moyen de se distinguer socialement. Stratégies d'appropriation et « indigénisation » des pratiques culturelles européennes Succès durable du sport en situation coloniale s’explique aussi par interaction durable entre propriétés d’un sport et valeurs sociales qui ont pu lui être attribuées localement. Pour élites indiennes, cricket met en avant distinction de classe et évite contacts physiques, pas de dépense physique trop importante, caractéristiques incompatibles avec dignité princière. Arrivée des sports européens en territoire colonial n’a pas induit rupture totale avec activités athlétiques 74 antérieures. Absence de fonds et infrastructures pour certains sports en favorise d’autres comme foot qui nécessite peu de moyen. On voit apparaître une « indigénisation » du sport. Exemple d'Afrique du Sud dans l’entre-deux-guerres où peu d’infrastructures pour population noire en croissance constante qui laisse tomber peu à peu le kick and rush à l’anglaise (passes longues pour l’attaquant, défense, etc…) pour techniques très différentes. En effet, pratique de foot dans rues étroites des townships transforme style de jeu (individualisme, improvisation,…). En Inde on préfère jouer pieds nus pour se distinguer, même si pratique devient pénalisante. Sport devient aussi fondement de nouvelle identité nationale surtout lorsque colonisés battent joueurs de métropole comme en 1911 lorsque le Mohun Bagan remporte l’Indian Football Association Shield contre le régiment britannique de l’East Yorkshire. Construction d’infrastructures sportives devient véritable outil politique pour partis colonisés qui arrivent peu à peu au pouvoir. En 1937, Parti du Congrès au pouvoir à Bombay et fonde des centres de récréation dans quartiers construits par Britanniques pour loger les travailleurs. Sports indiens et britanniques s’y côtoient. Même si règles de pratique ne sont que rarement modifiées, esprit du jeu, technique, sociabilité et environnement culturel dans lequel évoluent les autochtones ont considérablement transformé les sports tels qu’ils étaient pratiqués par les Européens en métropole. Culture de gangs dans clubs de rugby dans colonie du Cap par équipes noires, utilisation de potions et de rituels purificateurs par les populations zouloues (héritage guerrier) etc… Pratique autochtone des sports européens ne signifie que rarement adhésion aveugle aux valeurs qu’ils véhiculent. Acteurs locaux possèdent souvent stratégie sociale autonome. Pratique sportive et ségrégation coloniale Création des associations sportives veut marquer différence entre colons et colonisés. Associations permettent aux colons de se retrouver, de recréer société de métropole. Exemple d'Union artistique sportive et de tir de Conakry en 1905. Associations sportives regroupent notables locaux ce qui permet de préserver homogénéité sociale, sur même modèle que métropole. En Algérie, chaque communauté (arabo-musulmans, juifs arabe, Espagnols, Français) créent propre club et association. Dans les années 1920 au Congo belge, commerçants se regroupent dans Cercle olympique de Léopoldville alors que personnel administratif colonial et médecins rejoignent le Léo football club. Tensions très fortes entre communautés européennes, surtout lors des rencontres. Lorsque Belges et Portugais se rencontrent, souvent traités de « macaques » ou « sales nègres » par spectateurs ce qui fait resurgir racisme métropolitain dans les colonies. Ségrégation sportive aussi entre européens et colonisés. Vétusté des terrains et installations, terrains de cricket des colons sud-africains interdits aux joueurs noirs notamment. Dans les Antilles anglaises fin XIXème siècle rencontre possibles entre équipes noires et blanches mais interdiction pour les noirs d’aller au « club house » après les rencontres. De même en AOF tribunes réservées aux Européens jusque dans l’entre-deux-guerres. Parfois, situation coloniale se renverse lorsqu'Européens adoptent sports locaux comme polo, originaire d’Asie avec diffusion large dans l’Empire britannique. 75 Arts et spectacles aux colonies Depuis fin XVIIIème siècle terme « art » recouvre les « beaux-arts » (peinture, sculpture, arts décoratifs, architecture), mais aussi musique, danse, poésie et littérature. Question à se poser sur les possibles formes d’hybridation et d’appropriations culturelles. Les arts européens dans les colonies Des formes d'art européennes pour un public européen : Théâtre composante essentielle pour les colons. Diffusion avec Britanniques dès milieu du XVIIIème siècle en Inde. Théâtre occidental se diffuse au Vietnam en 1911 avec inauguration du théâtre d’Hanoi qui accueille troupes métropolitaines. Cinéma inauguré dès 1896 en Algérie, Egypte ou Inde mais devient vraiment loisir après 1945. Plupart des films sont importés. Musée des Beaux-Art d’Alger accueille à partir de 1897 une partie de la production de « l’école d’Alger ». Fondation d'une école des beaux-Arts à Hanoi en 1924. Importation et indigénisation des arts européens dans les colonies : Avant conquête, déjà forme d’arts et de performances notamment Tuong au Vietnam, inspiré de l’opéra classique chinois, Koteba au Mali ou Sougounougou en Côte d’Ivoire. Nouvelles formes de théâtres s’installent. Exemples du théâtre missionnaire en Afrique par exemple, notamment Congo belge avec thèmes religieux, joué en Français et parfois en langue vernaculaire comme à Madagascar à partir de 1922. Shakespeare est traduit en plusieurs langues indiennes : adaptation ourdou de Périclès, roi de Tyr appelé Khudada urf Dad-e-Dariya par Murad Barelvi. Nouveau théâtre égyptien est composé de traductions de pièces de Shakespeare, Racine et Corneille. Aux Philippines, théâtre en tagalog (langue locale des Philippines) en partie dérivé du théâtre espagnol. Ecriture de pièces sur sujets philippins commence à partir des années 1860. A partir des années 1930, on joue pièces d’auteurs anglais et on commence à en écrire en anglais, tandis que le vaudeville (bodabil), introduit par les troupes américaines, devient un genre théâtral très populaire. Apparition de production cinématographique. Système de studio cinématographique émerge aux Philippines dans les années 1930 sur modèle hollywoodien. Père du cinéma indien, Dadasaheb Phalke utilise épopées du Ramayana et du Mahabharata comme réservoir d‘histoires. Premier film sonore en 1931, Alam Ara implique naissance de grand production de films (1930-1948 plus de 4000 films). Hybridations Architecture officielle et influences locales : Architecture est une des traces les plus visibles de présence coloniale. Fonction identitaire et performative des édifices. Style de L’East India Company caractérisé par néoclassicisme dominant jusqu’à la révolte de 1857. Néogothique connait ensuite forte expansion. Certains aristocrates indiens souhaitent intégrer à leur bâtisse des éléments architecturaux occidentaux. Affirmation des nationalismes vers 1870 a conséquences sur architecture. De fait autorités britanniques souhaitent asseoir légitimité visible tout en affichant respect pour culture indienne donc promotion d'un syncrétisme architectural qui connaît apogée au tournant du siècle : le style « indosaracénique ». De fait mélange d’architectures indiennes, indo-islamique et néogothiques. Dans Irak d’après 1918, travaux architecturaux par James Wilson sont plus proches d’exaltation d’identité arabe et identité britannique se fait plus discrète. En Indonésie, type de construction hybride javano-hollandais au XIXème siècle. Dans les années 1920, architectes hollandais nés dans archipel (Charles Schoemaker, Henri Maclaine) cherchent à intégrer architecture moderne dans histoire architecturale d’Indonésie. Exemple d'East Indian Technical University de Bandung (1920) d’architecture européenne mais utilise aussi le meru, une forme dérivée des temples bilanais. Contacts des cultures et nouvelles formes artistiques : Nouvelles formes dans le domaine musical. En Egypte, Salama Higazi combine chanson traditionnelle avec techniques d’opéra pour créer style lyrique nouveau. Aux Antilles, influence des esclaves venus d’Afrique dans danses comme la kalenda ou le ladjya. Dans villes d’Afrique du Sud naissance durant les années 1920-1940 du marabi, précurseur d’un jazz sud-africain, dans lieux centraux de culture 76 populaire que sont les tavernes clandestines (shebeens). Arts plastiques connaît aussi des influences. Artistes indiens ajustent leurs styles, techniques et sujets au goût occidental (type appelé company painting). Calcutta voit également émergence d’école populaire d’art, le Kalighat, peinture de couleurs vives sur papier réalisées en partie à la manière traditionnelle, en partie à la manière britannique. Arts plastiques dans les Caraïbes se développent en prenant conscience de créolité, qui se voit comme une synthèse. Speshal Nacakam, pièce indienne, mêle comédie et drame constitue un mélange des scènes parsi, britannique et du théâtre de rue tamil. Les acteurs de l'art dans les sociétés coloniales Pouvoirs : Gouvernements soutiennent artistes à travers ouverture d’écoles et des commandes publiques. Patronage, notamment à Calcutta, tend à être privé et passe d’abord beaucoup par commandes de portraits. Sociétés artistiques sont d’abord européennes puis de plus en plus indianisées. A partir de 1879, expositions de Calcutta et de Bombay sont évènements de premier plan où de nombreux peintres indiens exposent. Calcutta Art Society est fondée en 1889. Gouvernement britannique aide arts en Inde comme en Grande-Bretagne, où le gros des fonds publics pour l’art va aux musées et collections d’arts. En 1947, 174 musées fonctionnent en Inde, dont certains privés. Collections des élites indiennes existent aussi, intérêt accru pour art indien à la fin du XIXème siècle. Certaines de leurs collections intègrent ensuite des musées. Rai Krishna Das fonde en 1930 le premier musée indien des Beaux-Arts, le Bharat Kala Bhawabn. Artistes : East India Company emploie artistes locaux tandis qu'artistes britanniques engagés par cours princières, pour peindre des portraits. Ecoles d’art ouvrent (5 dans notre période) avec élèves qui apprennent style occidental (dessins antiques, nature morte). Pestonji Bomanji est un des premiers portraitistes de Bombay art school tandis qu’Antonio Xavier Trindade, originaire de Goa, est surnommé le Rembrandt de l’Est. Manière de faire du théâtre évolue aussi. Influence européenne portée par les Parsis, communauté très occidentalisée qui forme précocement compagnies théâtrales qui parcourent le sous-continent. Influence occidentale sur théâtre se voit à travers réduction du rôle du narrateur, d’individualisation des personnages, contrairement au théâtre indien. Femmes généralement exclues traditionnellement des arts scéniques, montent sur les planches. Georges Abyad, originaire de Beyrouth forme sa compagnie au Caire en 1910, traduisant mais aussi jouant des pièces originales en arabe. Publics : Théâtres attirent différents publics, pas seulement destinés aux classes moyennes urbaines. Salles de cinéma adaptées pour répondre aux exigences en termes de castes et de sexes. Au Vietnam, cinéma réservé au Français et aux Vietnamiens aisés. En Afrique du Sud, l’Entertainment Act de 1931 interdit les scènes mixtes et organise des catégories de public : Européens, moins de 12 ans, Noirs, Métis… Pour musées britanniques qui ouvrent notamment dans dominions et dans colonies asiatiques, public est essentiellement indien au début, de même pour musée de Kuala Lumpur, public est majoritairement tamoul, malais ou chinois. L'art comme expression des mutations sociales et de la contestation De nouveaux moyens d'expression pour des sociétés qui se transforment : Européens introduisent presse. Dessin humoristique apparaît dans presse vietnamienne durant années 1930 comme dans plusieurs imitations du Punch britannique en Inde dans presse en anglais (Indian Charivari 1873) ou en langue vernaculaire (Harbola Bhand 1874). Roman en prose s’exporte en Inde ou au Vietnam durant années 1920. Nguyen Vong Hoan est lettré qui dénonce misère rurale et poids des traditions. Première pièce sociale, Kulin Kula Sarvasva (1857) par Narayan Tarkaratna traite de polygamie et de rigidité des castes. L'art comme élément du nationalisme culturel : l'exemple indien : Art peut être élément du nationalisme. Exemple de l'Inde. Commence à émerger art lié au mouvement swadeshi, visant à autosuffisance pour atteindre indépendance. Création de la Bengal School of Painting à fin du XIXème siècle aussi appelé Nationalist School. Diffusion du message dans le reste de l’Inde. L'art comme lieu de la contestation de la situation coloniale : Art peut également être lieu de contestation de 77 situation coloniale. Dès années 1870, théâtre bengali met en scène des protestations populaires dans des pièces. Politisation du théâtre contribue à contrôle accru par pouvoir colonial (Dramatic Performances Act, 1876). Théâtre marathi largement lié aux mouvements de réformes sociales et politiques avec forte influence des communistes. En Egypte, après révolte d’Urabi, pièces nationalistes sont jouées et dramas philippins s’en prennent aux nouveaux maîtres américains au début du XXème siècle. Ghandi, qui commence à devenir héros populaire, apparaît dans de nombreux films, interdits par la censure qui à partir de 1918, surveille le cinéma dans les grandes villes. En Egypte, Britanniques imposent loi sur surveillance des films politico-révolutionnaires de 1948. Littérature « négritude » constitue un aspect particulier de littérature anticolonialiste, portée par Guyanais Léon-Gontran Damas, Martiniquais Aimé Césaire. Soutiens importants, notamment Sartre, permet d’amplifier l’écho. D'après Senghor, négritude est « l'ensemble des valeurs culturelles de l'Afrique noire ». 78 Les autorités autochtones A l'instar d'opposition gouvernement direct/indirect rule, pendant longtemps opposition entre situations des élites autochtones entre empires français et portugais d'un côté et britannique de l'autre. Néanmoins, dans le détail vérité est plus complexe et désormais historiographie tend à minimiser les différences. Une grande diversité des situations Les pouvoirs locaux figés en Inde : Après répression de révolte des Cipayes royaumes princiers représentent 40% du territoire de colonie et 20% de population totale. Dès lors mise en place par Britanniques de politique plus conciliante envers Etats princiers avec reconnaissance des successions par adoption en 1860. Plus grand des Etats est Jamnu Cachemire avec plus de 200.000 kms² alors qu'existence d'Etats d'environ 25kms². Etats sont dirigés par descendants de dynasties hindoues anciennes ou par maisons musulmanes plus récentes ou encore par chefs de guerre locaux. Le processus de constitution des Etats en Afrique : Situation n'est pas comparable en Afrique. En effet, à côté de royaumes, de cités-Etats ou de systèmes fondés sur des dynasties, existence d'un processus de mise en place d'Etats jusque dans les années 1880 avec mise en place ou renforcement du bureaucratie ainsi que réorganisation des prélèvements. Empires sont parfois fondés à partir d'extension de royaumes anciens ou suite à mouvement de jihad. Instauration d'une certaine modernité, mais limitée et progressive. Une « modernisation » avancée : Néanmoins, existence de réformes radicales de modernisation dans régence de Tunis, khédivat d'Egypte ou sultanat du Maroc, dans une moindre mesure. Par exemple mise en place par Egypte d'embryon de politique industrielle. Toutefois, pour cela fort endettement et entrée dans sphère d'influence des colonisateurs. La tutelle coloniale Après expansion en Asie et Afrique pouvoirs locaux sont placés sous tutelle coloniale, mais statut vis-à-vis de puissance étrangère a varié dans le temps. Exemple d'Indochine française où d'abord protectorat puis gouvernement direct du fait d'émergence de mouvements de résistance armées. A l'inverse tutelle coloniale à Mysore à partir de 1830 puis rendu à dynastie des Wodeyar en 1881. Le contrôle colonial : Dans tous les cas importance de justification par économies faites par colonisateur. Dans de nombreux cas formalisation de domination coloniale par signatures de traités, notamment entre bey de Tunis et France en 1881. Tutelle coloniale peut prendre différentes formes, du contrôle d'un administrateur colonial à mise en place d'administration parallèle. Des princes et des chefs aux prérogatives limitées : En AOF chef indigène devient uniquement représentant de territoire auprès de colonisateur ainsi que relais des ordres du colonisateur. Perd fonction judiciaire, mais gain d'importantes fonctions administratives, police, financières et sanitaires. De fait doit signaler épidémies, veiller à ordre public, perception d'impôt etc... Pertes de prérogatives également pour princes indiens, notamment diplomatie et guerre. Par ailleurs devaient parfois payer tributs et céder nombreux droits (transit, stationnement de troupes etc...) à colonisateur. En réponse certains souverains locaux se concentrent sur domaines encore à eux. Exemple des sultans malais qui ont charge des affaires religieuses et qui mettent en place administration centralisée des affaires religieuses avec extension de contrôle à vie cultuelle des villages. Les évolutions internes des territoires administrés par les autorités autochtones Un immobilisme favorisé : Critique de système d’indirect rule puisque reproche de s’appuyer sur structures archaïques ne pouvant permettre développement des territoires administrés. Volonté de préserver pouvoirs en place peut 79 mener à immobilisme. De fait missionnaires interdits dans Nord du Nigeria par respect des émirs musulmans de l’ancien Empire de Sokoto. Au Buganda, imposition du protectorat contribue à renforcer pouvoir du roi, le kabaka. En Inde, instauration de la Pax Britannica mène large partie des princes, désormais à l’abri des révoltes, à ne plus veiller au contentement de population donc séjournent loin de leurs capitales, dans grandes villes indiennes, en Europe. Ces Etats sont caractérisés par retard dans développement des travaux publics et de l’instruction, la fréquence des abus sociaux et une pauvreté généralisée. La dénaturation des structures politiques indigènes : Dénaturation des structures politiques indigènes visible en AOF. Avant arrivée des Européens, chefs de canton nommés par souverains parmi notables de certaines familles. Français accentuent autorité des chefs en les nommant parmi familles qui n’auraient pas dues être au pouvoir. Peuvent également nommer des chefs qui ne font même pas partie de la région à diriger. Pendant domination coloniale amorce de processus de fonctionnarisation qui aboutit en 1959 à entrée dans la fonction publique avec rétribution selon importance du territoire. Démocratisation de fonction puisque ne sont plus choisi dans familles prédéfinies, même si, cependant, les familles nobles continuent à être favorisées. Chefferie mal vue par nouvelles élites instruites qui réclament suppression au profit de véritables réformes politiques. Abolition dans certains pays devenus indépendants comme au Congo-Brazzaville ou encore en Guinée. Dans certains territoires comme au Tanganyika où l’administration allemande a détruit les chefferies traditionnelles, Britanniques n’hésitent pas entre 1925 et 1931 à les recréer de toutes pièces. De rares cas de réforme interne : Existence de cas de réforme internes, mais contextes bien particuliers. Royaume Ashanti dans les années 1940 favorisé par épisode d’autoritarisme colonial. De fait en 1900, roi est déporté, culture du cacao fait émerger une bourgeoisie agricole. Roi rappelé en 1935, sait préserver son influence tout en respectant la nouvelle bourgeoisie. 80 Evolués, assimilés : de nouvelles élites coloniales ? Assimilados ou assimilés dans colonies portugaises d’Afrique, educated natives en Afrique de l’Ouest britannique, d’évolués dans colonies françaises et d’ilustrados ou lettrés aux Philippines. Contraste entre les colonies. Si autorités coloniales se targuent de former nouvelles élites, sont également promptes à soupçonner ceux qu’elles ont distingués et à les accuser de bafouer l’ordre colonial et les traditions autochtones. Autorités aveugles aux appropriations et hybridations qui se cristallisent justement autour des groupes intermédiaires qu’elles perçoivent comme des évolués plus ou moins égarés entre deux mondes. Groupes très hétérogènes, qui ne parviennent pas forcément à acquérir moyens financiers, influence et prestige nécessaires pour se qualifier comme nouvelles élites. Mais intermédiaires déterminants dans évolutions des sociétés coloniales. Des catégories ambivalentes De l'assimilation aux « assimilés » : Catégorie des « assimilés » ne se réduit pas aux sujets coloniaux qui ont obtenu privilège rare de citoyenneté. Assimilation définie comme processus global impliquant transformation radicale de toutes les pratiques sociales et culturelles de ceux qui aspirent à citoyenneté. Au Mozambique, statut d’ assimilado se construit progressivement à partir des années 1910 comme moyen terme entre statut d’indigène et de citoyen de plein droit. Alors qu'indigènes sont soumis au travail forcé, assimilados en sont dispensés. Sont sous le coup d’enquête administrative pour voir si vie et mœurs sont en adéquation avec mode de vie européen. Afflux de Portugais pauvres au début du XXème siècle rigidifie rapports raciaux pour des « blancs » qui ne trouvent pas leur place dans société, face à élite noire qui dénonce cette évolution : journaux O Africano de la ville de Lourenço Marques rappelle que « nous sommes tous portugais ». Tout en maintenant fiction d’assimilation des sujets noirs dits « civilisés », formalisation du statut d’assimilado en 1917 impose un humiliant ostracisme. Extension en 1926 de ce statut discriminatoire à l’Angola et à la Guinée portugaise qui consomme la disqualification des élites noires dans toutes ces colonies. Evolués : une logique d'exemption : Définition de statuts pour « évolués » dans colonies françaises et belges obéit à même logique d’exemption et de mise à distance. En AOF, en 1917 chefs sont exemptés des punitions et des prestations liées à indigénat. En 1924, même mesure pour les « évolués » (coloniaux instruits et occupant souvent des fonctions administratives). En 1941, Félix Eboué, gouverneur général d’AEF crée sur même principe un statut de « notables évolués ». : ne s’applique qu’à 200 personnes dont moitié sont des agents de l’administration. Au Congo belge, bimensuel subventionné par administration coloniale, la Voix du Congolais, sous-titré Journal des évolués congolais, réclame dès 1945 un statut pour les « évolués ». En 1947, prêtres, gradés de Force publique (armée), juges indigènes et agents auxiliaires d’administration sont exemptés des flagellations, maintenues jusqu’en 1958 pour reste de population. En 1948, exemptés ont possibilité de demander carte individuelle de mérite civique, puis après 1952 une immatriculation pour épouse et enfants. Même droit qu'Européens avec immatriculation, permet de scolariser ses enfants dans écoles pour Européens. Néanmoins, uniquement 116 familles en 1955 avec immatriculation. Règles et critères de distinction coloniale sont des objets de négociation et d’affrontement. Les critères de la distinction coloniale La langue : Parler langue du pouvoir colonial, condition nécessaire mais non suffisante. Premier élément à acquérir pour entrer dans catégorie intermédiaire. Dès 1835, langue anglaise remplace persan comme langue officielle en Inde. Mais pluralisme linguistique existe encore (presse, théâtre, littérature). Aux Indes néerlandaises situation particulière puisqu'autochtones dans administration doivent connaître néerlandais mais ne peuvent répondre à leurs supérieurs (sous peine de sanction) dans cette langue, qui parlent, selon leur envie, en malais ou néerlandais. Capacité coloniale d’ajustement limitée par conception de langue comme emblème d’identité nationale et impériale. Imposition du Français au Togo en 1922 est vain car peu de structures et élites congolaises préfèrent parler anglais pour s’intégrer dans 81 réseaux économique ouest-africains. Plurilinguisme est plus du côté des catégories intermédiaires que des colonisateurs. Elites en jouent, notamment nationaliste philippin José Rizal écrit un roman en espagnol. Mais aussi maîtrise des langues vernaculaires. De fait dans les années 1920 le quôc ngu devient langue de l’intelligentsia révolutionnaire qu’ils partagent avec les masses illettrées ce qui en fait un vecteur du nationalisme. L'éducation : stratégies coloniales de recrutement des élites : Autorités coloniales privilégient le plus souvent des formations spécifiques, délivrant diplômes qui n’ont pas cours en métropoles, ou qui sont incomplets. De plus écarts de salaires entre corps européens et indigènes dans l’administration. Contrôle d’accès au système scolaire sur modèle métropolitain, réservé dans colonies aux enfants des métropolitains et à quelques élèves indigènes privilégiés, et au système métropolitain, en particulier au niveau universitaire. Politiques de formation des élites sur mesure se heurtent à plusieurs limites. En 1932, section administrative est ouverte à l’Ecole supérieure William-Ponty qui formait depuis 1903 les élites de l’AOF : lorsque premiers étudiants furent diplômés en 1935 cependant, on ne leur offre que des emplois administratifs non qualifiés. Spécificité des filières coloniales sont critiquées par le Nigerian Youth Movement par exemple, fondé en 1934 au moment de la fondation du Yaba Higher College pour que celui-ci ne devienne pas un établissement de second rang. De plus élites sélectionnées ne jouent pas tout le temps rôle d’intermédiaire auquel elles aspiraient. Certaines sont isolées dans écoles de brousse, instituteurs d’AOF font l’expérience du manque de considération du commandant de cercle. Certains suivent alors d’autres voies. Stratégies de scolarisation colonisées : Scolarisation est ressource rare et payante dans plupart des colonies et ne garantissent pas forcément promotion sociale. Leaders réformistes algériens du début des années 1920 sont dernière génération ayant contourné école française tout en étant issus de milieux disposant de capital économique et culturel important. Après 1900, choix de filières scolaires arabophones, sous-financées et muséifiées, devient indice de relégation économique ou sociale ce qui met fin au refus d’école française par colonisés, ce qui a prévalu au XIXème siècle. Au Maroc, Lyautey crée immédiatement parcours scolaire réservé aux enfants des notables et de bourgeoisie urbaine. Néanmoins, uniquement deux collèges ouverts en 1916, Moualy-Idriss à Fès et Moulay-Youssef à Rabat qui n’accueillent que 150 collégiens en 1929 puisque pas accès à diplôme équivalent au baccalauréat. Adhésion des Marocains aux structures scolaires françaises se fait durant années 1930 portée par soutien du sultan et de nouvelle élite nationaliste. Dans de nombreux cas, choix ne se réduit pas à l’alternative formation coloniale vs formation traditionnelle. En Corée, Japonais mènent guerre d’usure contre les collèges universitaires missionnaires sans entamer leur succès auprès des Coréens. Ils créent en 1926 l’Université impériale de Séoul pour éviter apparition d’une université populaire coréenne. En Afrique de l’Ouest britannique, enseignement secondaire pris en charge par réseau créoles saro (abréviation sierraléonais), en particulier au Nigeria. Créent plupart des écoles secondaires du Sud du Nigéria jusqu’au début des années 1930. Formation des educated natives repose donc sur médiation de ces élites créoles. Des élites au conditionnel Des effectifs minuscules : Politiques de rationnement d’éducation pèsent sur taille de ces nouveaux groupes. De fait effectifs minuscules jusqu'à Deuxième Guerre mondiale. En 1945, Ecole William-Ponty a formé 2.080 diplômés depuis 1903. En Indochine, nombre de diplômés du secondaire et du supérieur double entre 1925 et 1935 passant de 5.000 à 10.000. Au Nigeria, educated natives sont 32.000 dont 10.000 à Lagos ce qui représente 0.5 % de la population du Nigéria et 10 % à Lagos. Comme pour la plupart des sociétés coloniales, effectifs augmentent très fortement à partir des années 30. De fait au Nigeria en 1921 50 personnes ont suivi un cursus universitaire et 4.400 en 1951. De même 15 avocats indigènes en 1921 et 150 en 1951. Les educated natives représentent 0,5% de population du Nigeria en 1921 et 6% en 1951. Effectifs des « évolués » difficiles à mesurer au Congo belge et en Algérie. Des assises fragiles : Groupes et individus qui composent se trouvent souvent condamnés au chômage technique. Se voit en Indochine durant 1920 puisque préservation des intérêts français transforme en jeu de dupes la politique de promotion de l’éducation occidentale. De fait alors que juristes sont formés depuis 1926 à l’université d’Hanoi, barreau local ne leur est ouvert qu’en 1938. Egalité des salaires est un leurre. Exemple du concierge corse de l’université de Hanoi mieux payé que professeurs agrégés. A la tête d’écoles, de journaux ou ayant les qualifications requises pour exercer une 82 profession libérale (avocat, médecin), les educated natives de Lagos se distinguent par revenus plus importants que les autres. Elite éduquée de Lagos est petite bourgeoisie qui épuise entièrement ses revenus à envoyer achever leurs études en Angleterre et à animer vie intellectuelle locale pour maintenir ce qui était son capital décisif. Peu de reconnaissance dans administration ainsi qu'inconvénient des mutations fréquentes qui interdisent en pratique la formation de réseaux locaux induisent changement de carrière comme chez les Ijesha, population yoruba du Nigeria, qui quittent administration pour s'établir comme notables locaux dans commerce, notamment du livre dans les années 1930. Néanmoins, réorientation pas souvent aisée et carrière hétérogène. Exemple de Léon M’Ba, fils d’« évolués » au Gabon qui fut commis des douanes, chef de canton, exilé pendant 10 ans, fonctionnaire, entrepreneur politique fang à partir de 1947. Des élites révocables : Nombreuses limites dans interactions en tant qu’intermédiaires, mais aussi en tant qu’élite dans société autochtone. Certaines élites confrontées à répudiations : élites noires anglophones d’Afrique de l’Ouest et Afrique australe « trahies » entre années 1880 et 1920. Raison raciale en Afrique du Sud où les « Black Gentlemen » sont exclus de l’assemblée de l’Union sud-africaine en 1912. En Sierra Leone Samuel Ajayi Crowther (évêque) a dû démissionner en 1890, Blancs ne voulant plus dépendre de Noir. La question de la reproduction : Expression « Black Gentlemen » appartient à encombrant héritage sémantique colonial, lesté de mépris social et raciste. Racisme pour ceux qui essaient de se vêtir à l’anglaise, même cas en Algérie avec railleries des lettrés musulmans envers les Jeunes Algériens, « porteurs de redingote ». Pourtant, élites ne rentrent pas forcément dans le moule du colonisé. Cas d'élite éduquée de Lagos est révélatrice puisque membres sont très attachés à identité britannique mais mariage reste de type indigène yoruba. Type particulier de reproduction social entre identités britanniques et autochtones. Elite éduquée de Lagos sait également s’inventer un nouveau destin face à la ségrégation, notamment par encadrement de mouvement de protestation contre application au Sud de législation foncière (interdiction de toute vente de terres et transferts massifs des terres vers la couronne) mise en place par Lugard au Nord. A cette occasion organisation d'un mouvement avec les élites autochtones et plus occasionnellement la population convoqué par voie de presse pour une manifestation en 1912. Par ailleurs exemple de Macaulay (fondateur du premier parti politique nigérian en 1923), formé à école anglaise, un temps dans administration puis reconversion dans politique et journalisme, démontre que contrairement à ce que pensaient les autorités coloniales, acculturation pas nécessairement synonyme de déracinement. De l'acculturation au nationalisme : « l'aventure ambiguë » Assimilation et patriotisme culturel : Suggérant transfert massif et quasiment à sens unique, notion d’acculturation critiquée de longue date. Historiens préfèrent appropriation ou hybridation. Membres des élites après Deuxième Guerre mondiale ont conscience d’être passeurs entre univers sociaux et symboliques distants, sinon hostiles les uns les autres. Cheikh Hamidou Kane met en scène aliénation d’un jeune aristocrate qui ne peut trouver sa place d’un côté ou d’un autre dans L’aventure ambiguë. Aimé Césaire le rappelle dans Discours sur le colonialisme. Stratégie de disqualification des nouvelles élites noires tendent à définir qu'un noir éduqué n'est plus un noir, mais un blanc. Idée que colons sont ceux les plus capables de comprendre indigènes qu’ils gouvernent. Participation d'anthropologie sociale à récusation des élus colonisés. Elites éduqués ne sont pas désarmées puisque très tôt mise en place d'un patriotisme culturel qui reflète hybridations des trajectoires individuelles. Engagement dans écriture de l'histoire notamment. Exemple de Yoro Dyao, chef de canton, passé par Ecole des otages créée par Faidherbe en 1855, écrit essai d'« histoire des damels (rois) du Cayor » dès 1864. De même défense des élites yorubas par réappropriation de son histoire. Exemple de Samuel Johnson et de son History of the Yorubas en 1921. Des pionniers du nationalisme : Souvent élites éduquées se sont présentées au moment des libérations comme pères des nouvelles nations. Néanmoins, parfois ces élites essayent voies de l'assimilation ou de l'intégration impériale. Exemple d'opposition des Jeunes Algériens à conscription indigène décidée en 1912. Du fait de mise en place des nouveaux lieux de sociabilité, les cercles, élan à presse indigène et tenue du premier meeting politique indigène à Bône en décembre 1909, Jeunes Algériens sont considérés comme interlocuteurs et reçus à Paris en juin 1912 par Président du Conseil. Si défense des Algériens, revendication également d'une assimilation. Ajustements entre réseaux des élites 83 éduquées et cause nationaliste sont rarement simples. Transition de la domination espagnole à la domination américaine est une aubaine pour l’élite philippine. Politique américaine d' « assimilation bienveillante » joue en faveur des élites évoluées Mise en place des élections des conseils municipaux (1899), des gouverneurs de province (1902) puis d'une première assemblée philippine (1907) leur permet d'accéder à des responsabilités politiques nouvelles. Emergence du Partido nacionalista en 1907 avec réappropriation de cause nationaliste, écrasée par armée américaine lors de révolte de 1899-1902, mais représente d'abord expansion d'oligarchie des assimilados en plein essor économique et politique. Au Nigéria nationalisme entraîne renouvellement des générations intellectuelles avec remplacement du Nigerian Democratic Party de Macaulay par le Nigerian Youth Movement en 1933, ce dernier accusant Macaulay de défendre les intérêts des Saro (créoles du Nigéria ayant immigrés dans les années 1830). … et des internationalistes militants : Nigerian Youth Movement dirigé par Nnamdi Azikiwe qui étudie aux USA de 25-35. Connexion dans réseaux internationalistes militants comme panafricanisme ou communisme, caractéristique distinctive des élites éduquées. Surtout circulation étudiante, à plusieurs échelles. D’abord réservée au plus doués, circulation vers métropole s’étoffe à partir des années 1930-1940. Mais décalage persiste entre nombre d’étudiants en métropole et nombre de bourses accordées, 938 étudiants nigérians en Angleterre en 1950 et seulement 137 boursiers en 1949. Mobilités intellectuelles plus explicitement politiques. De fait dès 1905, lettré réformiste Phan Boi Chau s’exile au Japon convaincu que lutte contre le pouvoir colonial doit se nourrir de modèles et de solidarités asiatiques. Stratégie de contournement de métropole et d'inscription dans d'autres réseaux internationaux s'élargit à Chine révolutionnaire puis à Russie soviétique. « Affinités transatlantiques » du panafricanisme offrent alternative au départ plus modérée, mais qui affole autorités coloniales lorsque apparait en 1920 des sections de l’United Negro Improvment Association fondée par Marcus Garvey à Lagos, Calabar et Dakar. 84 Commerçants La domination des maisons de commerce européennes sur le commerce extérieur Implantation des commerçants européens outre-mer précède phase de conquête proprement dite. Dès XVIème siècle comptoirs et compagnies de commerce (Compagnie des Indes Orientales, East India Company) puis mouvement se poursuit après abolition de ces compagnies au XIXème siècle. En Afrique, essor de traite négrière pousse aussi à création de comptoirs, comme Gorée ou Porto-Novo ainsi qu'installation de marchands européens. Commerçants d’esclaves se tournent peu à peu vers le commerce « licite ». A partir de seconde moitié du XIXème siècle, mainmise des commerçants des métropoles sur commerce extérieur se renforce. Cas du commerce du coton indien. Grandes familles autochtones peu à peu supplantées par maisons de commerce européennes. Cas en Inde et en Corée avec mise en place de monnaie japonaise pour mieux contrôler les échanges et pénétrer commerce et industrie. Commerçants européens peuvent aussi s’appuyer sur réseaux d’institutions, notamment chambres de commerce. Recours pour financement équipements dont ils ont besoin pour asseoir domination. Exemple d'Alger en 1897 lorsque Chambre d’Alger, fondée en 1830, contribue à construction du nouveau port et de nombreux entrepôts. Possibilité également d'utiliser des réseaux pour faire pression sur les administrations coloniales. Mainmise sur commerce extérieur s’accompagne, à partir des années 1880 et de façon accentuée avec crise des années 1930, d’un processus de concentration, qui mène à disparition des petites entreprises familiales au profit des grandes sociétés de commerce capitalistes. Durant les années 1930, essentiel du commerce extérieur d’Afrique de l’Ouest entre les mains de 3 compagnies : United Africa Company, Compagnie française de l’Afrique occidentale et Société commerciale de l’Ouest africain. Celles-ci se partagent ¾ des exportations transocéaniques avec ententes pour payer le moins possible les producteurs et paysans, ce qui entraîne nombreuses révoltes. Les accommodements des marchands indigènes Commerce qui précède colonisation mis à mal par présence européenne mais certaines communautés marchandes locales réussissent à conserver emprise sur commerce intérieur et à s’adapter aux nouvelles conditions, voire à développer de nouvelles opportunités. Commerçants indigènes savent aussi bien que leurs homologues européens effectuer la transition vers le commerce « licite ». Exemples page 398. Middlemen jouent rôle important auprès des Européens. Souvent rôle d'intermédiaires comme Chinois installés avant colonisation en Indochine pour commerce du riz. Marchands indigènes jouent parfois rôle d’agents essentiels dans introduction de cultures d’exportation là où coloniaux ont échoué. Nigeria avec commerçants hausa qui persuadent paysans de cultiver arachide. Exemple de Omu Okwei, femme commerçante dans l’huile de palme. Certains commerçants indigènes tentent aussi d’entrer en compétition avec grandes compagnies européennes, en empruntant leur organisation. Fondation des chambres de commerce et des associations, qui visent à tenter de peser sur politique économique des autorités coloniales. Exemples d'Indian Merchants’ Chamber en 1907 puis 1927 avec Indian Chambers of Commerce and Industry. Etablissement implanté en Gold Coast, coopérative agricole avec une agence à New York pour faciliter commerce. Mais limites des indigènes dans système où les Européens détiennent monopole du crédit et moyens modernes de transport et de communications. Guerre des prix entre autochtones et colons. Exemple des marchands marwari en Inde contre marchands écossais (thé, jute) à partir de 1914. Nationalisme se nourrit de ces querelles économiques. Grande majorité des commerçants conserve mode de vie « traditionnel ». En Inde, continuent par exemple à vivre dans les quartiers anciens, mohollas, où se rassemblent les communautés et s’opposent vivement aux tentatives faites par les Britanniques pour remodeler ces zones. Des « sous-impérialismes » ? Le cas des marchands indiens en Birmanie et en Afrique de l'Est 85 Cas des commerçants indiens en Afrique de l’Est et en Birmanie. Communautés indiennes installées sur pourtours d'Océan Indien, et tout particulièrement à Zanzibar, bien avant colonisation. Concurrence accrue des Occidentaux à partir de moitié du XIXème siècle les pousse à pénétrer intérieur des terres et à investir dans zones où Européens ne vont pas. De fait en quelques années ils évincent petits marchands Européens et commerçants africains grâce à réseaux communautaires qui permet arrivée de nouveaux employés indiens. Exemple d'Allidina Visram. Originaire de Gujarat et arrive à Zanzibar en 1877, à 12 ans. Peu après envoyé à Bagamoyo dans firmes tenues par sa communauté sur le continent. En 1890 monte entreprise avec implantation de petites boutiques le long des voies de chemins de fer à travers Ouganda et à Mombasa, départ du train. Fait fortune par nombreux prêts faits aux Européens. Certaines communautés indiennes deviennent agents de développement d'économie de plantation, notamment commerçants chettiars d'Inde du Sud. Entreprises familiales avec recours à salariés pour antennes à l'étranger. Utilisation des temples comme banques. Nombreux prêts aux paysans birmans. Suite à crise des années 1930 paysans birmans ne peuvent plus rembourser dettes donc commerçants chettiars deviennent souvent propriétaires des terres, environ 25% des rizières du delta birman. De ce fait fortes tensions avec populations locales et sont cibles de révolte paysanne de Saya San en 1930. Chassés par Japonais en 1942 et expropriés lors d'indépendance du pays. 86 « Petits Blancs » Equivalent « white poors » en Anglais c'est-à-dire catégorie sociale produite par colonisation. Problème de pauvreté blanche dans les colonies a tel point que cela préoccupe fortement autorités qui cherchent à éviter ou résoudre. A inspiré des écrivains, notamment Marguerite Duras, Un Barrage contre le Pacifique (en Cochinchine). La pauvreté blanche, une incongruité en situation coloniale Blancs, faillis et abaissés, sont facilement qualifiés d’épaves qui n’ont pas leur place dans les colonies. Idée que ce ne sont que les meilleurs blancs qui restent dans colonies ce qui donne vision partielle de société métropolitaine aux colonisés. Exemple d'étonnement d'Amadou Hampâté Ba qui pendant passage en Europe pour Première Guerre mondiale voit « des blancs voleurs, blancs pauvres, et même des blancs mendiants ». Présence de Blancs incapables de « tenir leur rang » échappe parfois à vigilance des autorités. De fait environ 6000 d’entre eux auraient trouvé refuge dans des workhouse en Inde vers 1900. Après crise de 1929, phénomène encore plus visible, 20.000 Blancs sont au chômage aux Indes néerlandaises. Dans certaines colonies phénomène de pauvreté des Blancs beaucoup plus massif. Exemple des colonies des Antilles où sous Restauration présence de Blancs indigents et plus généralement dans ensemble des classes de société. Blancs indigents vivent de rapines notamment dans cirques de Salazie, Cilaos et Mafate. Par ailleurs abolition d'esclavage puis essor du sucre entraîne déclassement de petits propriétaires blancs qui rejoignent population des cirques. Importance pour autorités coloniales de l'encadrement des ces « Petits Blancs ». Pour remédier proposition d'engagement dans l'armée ou émigration vers autre colonie. Barbade connaît même phénomène que Réunion avec « Redlegs » (les « pattes rouges ») ou « pauvres Blancs ». Jouaient rôle de milice dans les plantations; Avec abolition d’esclavage beaucoup sombrent dans pauvreté. En 1851 on estime à 10.000 les white poors sur total de 15 000 Blancs. Critiqués par pouvoir britannique qui voit dégénérescence de la race. White poors, ségrégation raciale et apartheid en Afrique du Sud C'est en Afrique du Sud que pauvreté blanche a plus grande ampleur et plus grandes conséquences sur ensemble de société. Guerre des Boers a de nombreuses conséquences puisque paysans quittent leur terre, mode de vie traditionnel bouleversée, exode important. En 1923, Union sud-africaine compte 160.000 White poors, soit 10 % de population blanche. Dans campagnes, Blancs rechignent à devenir ouvriers agricoles et quand ils le veulent, ils sont évincés par Africains qui assurent depuis toujours ces tâches pour des salaires très bas. En ville, même concurrence, Africains trouvent plus facilement du travail que blancs qui en plus ne maîtrisent souvent pas l’anglais. De fait souvent conditions de vie misérables, comparables à celles des colonisés. Prise de conscience de paupérisation de population afrikaner par classe politique sud-africaines avec peur de menace de l'ordre sociale et politique en brouillant frontières raciales et introduisant forme de promiscuité. Idée que Blancs et Noirs ne peuvent pas se mélanger pour donner naissance à une Union sud-africaine métissée. En 1923, le Groupe Areas Act instaure ségrégation spatiale en milieu urbain et y contrôle surtout installation et circulation des Natives. A partir de 1924, et arrivée au pouvoir du Parti national (James Hertzog), politique cohérente de sauvetage des populations blanches laborieuses ce qui implique ségrégation raciale. De fait en 1926, Mines and Work Amendment Act ou « loi de la colour bar » exclut non-Blancs de nombreux d’emplois qualifiés dans mines, industrie et transport. Parallèlement, il est décidé que Noirs ne doivent en rien se « civiliser » mais être régis par leur droit et institutions coutumières et vivre selon leurs mœurs traditionnelles. En 1936 mise en place de réserves et perte du droit de vote dans les provinces du Cap et du Natal. Pour nationalistes afrikaners, menace principale qui pèse sur ordre social est l’Africain capable de mener une « vie civilisée » c'est-à-dire urbanisé, éduqué, maîtrisant l’anglais. Ségrégation tend à endiguer cela. Croissance industrielle des années 1930-1940, surpeuplement des réserves, pénurie de main-d’œuvre met à mal colour bar. Patronat recrute à nouveau ouvriers noirs, moins payés. Cette inflexion pousse électeurs afrikaners à donner aux 87 élections de 1948 une courte majorité à un Parti national restructuré et devenu bien plus intransigeant sous la férule de Daniel Malan (1874-1959). Ce dernier est premier ministre de 1948 à 1954 et met en place séparation, « apartheid », des communautés, ce qui pousse à bout la logique de la colour bar. 88 Le métis Métis est construction sociale et non produit de la génétique. Dans monde colonial, exogamie favorisée par surmasculinité qui caractérise souvent conquérants et colons, au moins au début du processus. De fait mise en place peu à peu d'un mélange. Place du métis peut poser problème au sein de société. Métis érigé en problème au moment où autorités coloniales se mettent à délimiter condition des « indigènes » et celle des « citoyens ». « Métis » vient brouiller cette ligne, place l’ordre colonial devant ses contradictions et mine ses certitudes. Apparence physique ne correspond pas toujours à l’univers culturel qu’on voudrait associer à celle-ci : traits européens et mode de vie indigène et vice versa. Une population insaisissable L'extrême labilité des catégories socio-raciales : Pour que métissage apparaisse dans recensements, nécessité de classification ethnoraciale, pas toujours le cas. Après 1848 et plus encore après 1870, République française renonce à ce type d’approche même si fonctionnaires continuent à y recourir dans leurs rapports et correspondances. Administration française distingue les « Européens (et assimilés)» des « Indigènes ». Métis ou coloured pas le même selon les colonies. Existe d’autres termes comme « gens de couleur » (Noirs et Mulâtres) alors qu'en Jamaïque coloured s'oppose à Black. En Afrique du Sud coloured est un terme très fort.. En 1950, Population Registration Act, une des lois fondamentales de l’apartheid, assigne à chaque individu un groupe racial. Coloured contient Cape Coloured, Malais, Griqua, Chinois, Indiens, autres Asiatiques et « autres coloured ». Plupart des enfants métis reçoit le type « racial » du parent non européen et ne sont donc même pas classé dans la catégorie coloured donc probables confusions. Importance de métissage dans population du Cap-Vert où pauvreté a freiné installation des Blancs et donc entraîné assimilation progressive des Blancs. De même importance de métissage aux Indes néerlandaises puisqu'estimation qu'environ 75% des « Européens » installés à Java ont un parents non-Blanc. Même si difficultés fortes pour recensement numérique de population métis, importance des métis n'est pas dans leur nombre, mais dans leur rôle. Les stigmates du métis Un hybride : Vocabulaire pour qualifier métis presque toujours péjoratif et emprunte largement au règne animal. « Métis » au XVIème siècle se dit d’un animal « engendré de deux bêtes comme le léopard, d’une lion et d’une panthère ». Mulâtre pour mulet, hybride entre âne et jument. Dans monde de langue portugaise, parfois appelé cabras (chèvres). Avant l’abolition d’esclavage dans îles françaises, « Libres de couleur », dont certains sont fort riches, revendiquent égalité civile et politique avec Blancs. Dans années 1830, « Libres de couleur » possèdent 10.000 esclaves à la Guadeloupe et 11% des terres. En Jamaïque égalité acquise au début des années 1830. En 1878 pour Cuba, en 1885 jardins et lieux publics ne sont plus interdits et en 1887 métis peuvent voyager en première classe. Néanmoins, « préjugé de couleur » subsiste avec force. Préjugé de couleur et antagonismes socioraciaux restent vifs, notamment en Martinique et à la Réunion. Mulâtres, Noirs et Blancs mènent des existences sociales parallèles, fréquentent des lieux distincts et se marient peu entre eux. Un bâtard : Dans péninsule indienne ou Java, couleur de peau n’a pas même signification qu’aux Antilles. Association de couleur de peau non-blanche à une naissance illégitime. Chez les Hollandais du Cap, cette catégorie est appelée Bastaards. Dans sociétés coloniales, naissances hors mariage sont monnaie courante. Par exemple en 1920 moitié des enfants métis des Indes néerlandaises sont nés hors mariage. Ces enfants ont des destins différents selon que géniteurs assurent ou non paternité. Si père assure, enfant est coupé de sa mère « noire » ou « indigène ». Souvent abandonné par père mais parfois aussi par mère donc orphelinat. Outre orphelinat multiplication des associations philanthropiques ou charitables, laïques ou religieuses. Exemple de créations à Saigon en 1894, Tananarive en 1900. Pour plupart des observateurs garçons sont voués à devenir des marginaux et filles à entrer dans la carrière de leurs mères dépravées. Une 89 partie des « métis » de la Jamaïque à l’Indochine peuplent les bas-fonds des sociétés coloniales. Colonisation et métissage La citoyenneté et le faciès : « Question des métis » émerge dans certaines sociétés coloniales, quand s’affirme, aux alentours de 1890, dans métropoles une conception de plus en plus ethnique de nationalité ainsi que renforcement d’idée qu’autorité sur peuples colonisés repose sur supériorité raciale des Européens. Ce tournant fait surgir deux problèmes connexes : celui des pauvres Blancs et celui des métis, qui, à leur manière, « abaissent la race ». En 1899 mise en place à Java d'un statut qui distingue Européens (et assimilés, comme Japonais), étrangers orientaux (Chinois, Arabes) et les inlanders (« indigènes »). Vers 1900, 2/3 des Européens vivent loin des villes, dans plantations, et moitié en concubinage avec une nyai, une « gouvernante indigène » et leurs enfants, nés aux Indes néerlandaises ne sont que 29.5 % à parler et à écrire correctement le néerlandais. En 1905, seuls 12 % des Européens sont nés aux Pays-Bas. Indigénisation d’une partie des « Européens », nombre croissant de femmes classées comme européennes qui épousent des « indigènes » inspire des campagnes teintées de puritanisme contre concubinage et marquent durcissement d’accès au statut européen. Mais peu efficace puisqu'en 1925, 27,5 % des Européens continuent à épouser des métisses ou inlanders. Encore 20 % en 1942. En novembre 1928, en Indochine nationalité donnée aux enfants nés d’un couple dont un des parents est légalement inconnu et si l'enfant est présumé de « race française ». Enfants abandonnés, dont visage laisse présumer qu’ils ont du « sang français » accèdent à citoyenneté. Orphelinats s’attachent à leur donner une éducation en accord avec leur phénotype. Mère peut confier son enfant métis à ce genre d’établissement sans perdre contact avec lui ou parfois, enfant confisqué à la mère. Certains enfants accèdent à citoyenneté grâce à reconnaissance frauduleuse de paternité effectuée par nouveau compagnon de la mère ou n’importe quel Européen en échange d’une rétribution. La promotion des métis : Au début de colonisation, partie non négligeable des promoteurs d’entreprise coloniale, comme les saint-simoniens, rêvait du mélange des races et considèrent enfants métis nés des amours de l’Orient et de l’Occident comme les fondations d’une nouvelle société. Néanmoins, métis doivent surtout être vus comme les intermédiaires entre deux mondes. Du fait de politique volontariste de scolarisation, surreprésentation des métis parmi les « éduqués » et les « évolués ». Métis vu tantôt comme un intermédiaire, tantôt comme un facteur de désordre, un déclassé revendicatif, un insatisfait aux multiples rancœurs. 90 Les missionnaires Missionnaires sont des acteurs importants dans la plupart des sociétés coloniales. Ils ont une position de médiation entre colonisateurs et colonisés et entrent dans des échanges complexes pour tenter de convertir les colonisés. La ruée missionnaire ? Réveils religieux et nouvelles congrégations : A partir des années 1970, des congrégations nouvelles sont créées par les Eglises protestantes, puis au sein de l’Eglise catholique, pour développer l’action missionnaire: diffusion pacifique et organisée du christianisme en direction des populations pratiquant une autre religion. Modèle reposant sur des regroupements locaux de croyants, progressivement organisés en circuits, puis en églises. Exemple de London Missionary Society (LMS, 1795), Société des missions évangéliques de Paris (SMEP, 1822). Congrégations catholiques les plus influentes se constituent dans seconde moitié du XIXe siècle : Ex: Congrégation des pères du Saint-Esprit (pères spiritains) refondée en 1848. En 1900, la France fournit les 2/3 des missionnaires catholiques. Missionnaires convaincus de la capacité civilisatrice de l’Eglise catholique. 1930's, 60.000 missionnaires présents dans les colonies, catholiques et protestants à part égale. Logique missionnaire et logique coloniale : Les missionnaires ont souvent précédé la colonisation. Ex: Indochine, les missionnaires catholiques sont présents dès le XVIIe siècle. Justification de la conquête de 1858 par les persécutions des chrétiens entre 1848 et 1851. Cependant, une partie des missionnaires n’étaient pas de la même nationalité/religion que l'administration. Les ajustements entre logiques missionnaires et logiques coloniales n’étaient donc pas automatiques. Exemple à Madagascar où présence de missionnaires protestants dès 1820. Volonté de rallier les protestants malgaches par l'envoi de missionnaires catholiques après la signature d'un traité de protectorat en 1885. Cependant refus de la SMEP: ne souhaite pas soutenir les activité militaires françaises. Rôle essentiel des missionnaires dans l’acculturation impériale des opinions publiques métropolitaines. Régulièrement renvoyés en métropole pour faire des tournées de conférence (pour récolter des fonds). Leur correspondance était aussi publiée dans des revues de propagande chrétienne. On parle de Gesta Dei per Francos (mission divine des Français). Certaines métropoles ont du mal à former des missionnaires. Ex: le Portugal, dans les années 1880, a appelé des missionnaires spiritains français et des jésuites pour opposer des catholiques aux missionnaires protestants anglais, suisses ou américains. Certaines missions étaient directement rattachées au Saint-Siège. Gestion directe des missions. La part des femmes : Différence significative entre logiques missionnaires et logiques coloniales puisque présence de femmes relativement nombreuses. Exemple avec la CMS qui employait 566 hommes et 824 femmes (386 épouses de missionnaires et 438 célibataires) en 1909. Mariage était condition préalable pour missionnaires masculins, mais à partir des années 1880, la CMS employa des femmes célibataires. Missions spécifiques pour les femmes. Exemple de la Church of England Zenana Mission Society (1880) qui agissait auprès des femmes indiennes dans l’espace domestique (zenana) interdit aux hommes. Forte présence féminine traduit une volonté de pénétrer au cœur des populations qu’on voulait convertir, en nouant des contacts et des échanges avec les femmes et les enfants. « Paradoxe du missionnaire »: les hommes conservateurs et souvent misogynes devenaient aux colonies des apôtres de la libération de la femme indigène. L’entreprise missionnaire Engager la conversation : Indispensable d’apprendre la ou les langues vernaculaires pour commencer le travail d’évangélisation. Volonté de traduire la Bible. Dès 1820 en Inde: traductions des Evangiles en sanskrit, hindi, … Vers 1900, Bible traduite dans 520 langues dont beaucoup de langues des sociétés colonisées. Sert de support aux mouvements messianiques noirs dès la fin du XIXe siècle en Afrique australe. Enseignement des langues du pouvoir colonial aux élites dites évoluées. Au Congo belge, les missionnaires ont collecté les vocabulaires et composé les premières 91 grammaires et cartes linguistiques, travail rémunéré par le gouvernement colonial. Importance de la lecture directe de la Bible pour les protestants. L’évangélisation s’accompagne donc d’un travail d’alphabétisation minimale. Soigner les corps et les âmes : Au milieu du XIXème siècle missionnaires protestants encouragés à suivre double formation : théologie et médecine (figure du médecin-missionnaire). L’action médicale constituait souvent un front pionnier. Former de nouvelles chrétientés ? : Conversion au christianisme constituait souvent rupture culturelle importante (façon de se vêtir ou de rythmer temps, quotidien et annuel, autour des célébrations religieuses). Mission et église devenaient centre de vie collective des convertis. Recherche autonomie économique, stations missionnaires ressemblaient à des entreprises. Défenseurs de l’enseignement professionnel, missionnaires promeuvent métiers nouveaux, cultures, techniques et machines nouvelles, pour assurer prospérité des fidèles. Exemple du Congo belge après 1906 où octroi de terre par gouvernement colonial (100 ha) aux missions qui ouvraient école et mettaient habitants à disposition du gouvernement comme main-d’œuvre. Projets de constitution ou reconstitution de chrétientés idéales. Des missions aux Eglises indigènes La part de l'auto-évangélisation : Ampleurs et rythmes d’évangélisation inégales selon sociétés coloniales. Progressions les plus spectaculaires enregistrées en Afrique subsaharienne où nombre global de chrétiens doubla de 1900 (9 millions) à 1951 (23 millions). Catéchistes et convertis servaient de relais dans villages éloignés des stations missionnaires. Faible nombre de missionnaires présents dans sociétés coloniales imposait recours à des relais locaux. Missions protestantes s’inscrivaient dans même logique. Exemple d'Etat de Travancore (Sud de l’Inde) en 1900 où 50 missionnaires britanniques pour 882 agent indigènes. Des clergés aux Eglises autochtones : Défiance et minoration opposées au clergé indigène de façon explicite entre années 1880 et fin de Première Guerre mondiale tenait à raisons raciales déguisées en arguments théologiques. Idée qu'Africains étaient incapables de recevoir christianisme, devaient longuement être préparé particulièrement pour être membre du clergé. Longtemps relégation des colonisés à fonction d'auxiliaire. Par conséquent, développement tardif des Eglises autonomes. Nécessité d'encadrement européen. Organisation des Eglises à partir du début du XXème siècle. Exemples des Eglises protestantes en Inde du Sud en 1908, au Kenya et à Madagascar en 1913. Séminaires catholiques créés après 1919, pour former prêtres indigènes. Mais résultats assez minces, délais parfois très longs. Exemple en Afrique, délais longs ont contribué au succès des Eglises indépendantes qui se détachaient des structures missionnaires. Cependant, certains missionnaires ont été désignés par populations comme représentant. Exemple du père Francis Aupiais élu député du Dahomey en 1945. Si formation des Eglises chrétiennes fut tardive, s’engagèrent dès années 1940 dans lutte pour indépendance. 92 Les médecins Avant tout officiers de santé militaire dont rôle s'étend ensuite aux populations civiles. Insuffisance numérique des médecins. Qui sont les médecins opérant dans colonies et quelle place tiennent les indigènes au sein d'un monde médical caractérisé par cohabitation de plusieurs médecines, occidentale et traditionnelles ? Les Médecins venus de métropole Des médecins militaires et civils métropolitains pour les colonies : « Libres de couleurs » sont enregistrés comme chirurgiens ou sage-femme au côté des européens dès XIXème siècle dans colonies espagnoles et française des Antilles. Majorité de médecins d'armée dont rôle est de protéger soldats, fonctionnaires et colons contre insalubrité des lieux. Dispensent parfois des soins aux indigènes. A partir de 1853 médecins de colonisation en Algérie s'occupent des civils. En 1903 création du service de santé des troupes coloniales. L'importance des médecins missionnaires : Volonté de soigner corps et âmes. De même volonté d'attirer "indigènes" dans christianisme. Concurrence aux médecines traditionnelles sur leur terrain (lien entre soin du corps et religion). Pour les protestants mise en place de la Medical Missionary Society en Chine en 1838 par américains. Retard de l'Eglise anglicane. Initiative au Cachemire avec du personnel non qualifié. En 1878 création de Medical Missionary Association à Londres pour répondre à demande de personnel qualifié. Croissance rapide puisqu'en1858 7 médecins, en 1916 1.052 médecins et 537 infirmières. Du côté des catholiques dès XIXème siècle missionnaires sont acteurs importants du monde médical colonial. En 1922 approbation du travail médical à but missionnaire par Pie XI. Des médecins en nombre insuffisant : Nécessité de polyvalence dans les pratiques (chirurgie, campagnes de prospections..). Grande part du travail s'effectue en brousse. Faible salaire et dures conditions de vie pour les médecins. Les débuts de l'Assistance Médicale Indigène marqués par manque de personnel. Exemple de l'Indochine en 1905 où 1 médecin pour 160 000 patients. Création en 1902 du West African medical Staff pour pallier au manque de médecins. En 1924 Nigeria dispose d'une dotation théorique d'1 médecin pour 200 000 personnes, mais seulement ¼ était occupés. Former des soignants indigènes Former des médecins à l'occidentale dans les colonies : Indigénisation de la profession. Cas particulier de La Havane où grand nombre de médecins sont formés à l'université. Cette ville comporte le plus grand nombre de médecin par habitant qu'aucune autre ville au monde. En Afrique de l'Ouest, médecins sont souvent fils d'esclaves libérés par la Church Missionary Society pour évangéliser peuples au Sierra Leone. En 1835 création du Medical College de Calcutta, reconnu par l'université de Londres. Ses médecins travaillent tant en Inde que dans d'autres colonies, notamment en Afrique. En Algérie École de médecine d'Alger accorde des facilités aux musulmans se destinant à la médecine. Demeure que subordination caractérise position des médecins indigènes. Par exemple en Égypte chaque capitale régionale est censée avoir son médecin chef européen dont dépendent médecins égyptiens dans les districts. Existence d'une école de médecine au Caire dès 1827 puis enseignement de professeurs britanniques à partir de 1887. Malgré cela volonté de ne pas former trop de médecins ce qui favorise arrivée de médecins étrangers travaillant dans le privé. Former des auxiliaires : Auxiliaires participent à extension de santé publique et c'est avant tout des indigènes que les pouvoirs coloniaux veulent former. En Inde la Medical evangelists forment auxiliaires, assistants des médecins missionnaires occidentaux. En Indochine en 1902 création d'École de médecine d'Hanoï, sur modèle britannique, avec formation d'auxiliaires. D'autres écoles de ce type ouvrent dans empire français notamment à Pondichéry en 1863, Tananarive en 1895 et Dakar en 1918. En Afrique anglaise jusque dans années 1920 formation des travailleurs médicaux dans mains des missionnaires, notamment dans école de Mengo (Ouganda). Institutionnalisation d'éducation médicale avec le Makerere College en 1924. La même année création d'une école à Khartoum puis l'Ecole médicale de Kaba au Nigéria en 1935. Dans chaque colonie section d'infirmiers coloniaux souvent pour hôpitaux coloniaux. Exemple d'école 93 d'infirmiers d'Ayos au Cameroun, qui ouvre en 1922, qui forme 400 auxiliaires en 3 ans. Une formation limitée : En Algérie dès années 1860 volonté de créer corps d'infirmiers coloniaux, mais plusieurs échecs. Uniquement à partir de 1904, gouverneur général Jonnart crée cadre de médecins auxiliaires indigènes, n'agissant que sous surveillance d'un docteur. 2 ans de formation exclusivement pratique. En Afrique Equatoriale britannique réseau médical réseau constitué de médecins européens (24 en Ouganda en 1912) secondé par des indiens (17). Pendant la Première Guerre mondiale East African Native Medical Corps forme des travailleurs médicaux. Volonté progressive de remplacer les Indian Sub-assistant Surgeons difficiles à recruter en Afrique, à partir des années 1920. De fait à partir de 1925 début de formation systématique des auxiliaires en Ouganda. Formation de 3 ans. Ils sont 247 en 1929. Des soins pour les femmes par les femmes Des femmes médecins pour les colonies : Négligées par les gouverneurs, ciblés par les missionnaires pour lutter contre paganisme. Présence accrue de femmes dans le mouvement missionnaire dès les années 1860. En 1869 création du Woman's Foreign Missionary Society pour Inde, Chine & Corée. En 1910 constitution de missions catholique en Afrique qui forment au brevet d'infirmière. Augmentation du nombre de médecins femmes due au refus des femmes dans certaines colonies de consulter un médecin masculin. Cependant emplois occupés inégaux à compétence égale par rapport aux hommes donc vision de missionariat comme possibilité d'ouverture professionnelle. En 1910 missions protestantes emploient 341 femmes médecins dans toutes les colonies, moitié en Inde et tiers en Chine. Du côté français à partir de 1902 organisation dans certaines villes d'Algérie de consultation gratuite par des doctoresses du fait de refus des femmes d'être auscultées par des médecins hommes. Former des femmes médecins indigènes : Volonté de former des femmes médecins en Inde pour pénétrer les zenana (quartiers réservé aux femmes). En 1894 North India Scholl of Medecine for Christian Women ouvre à Ludhiana avec objectif de former les femmes indiennes, au départ uniquement chrétiennes puis ensemble des Indiennes par la suite. Après 4 ans d'études obtention d'un diplôme d'université de Lahore. Financement par fonds levés par autorités britanniques princières. Féminisation médicale est plus tardive dans les autres colonies britanniques. Au Caire, formation des sages-femmes est suffisante qualitativement dès 1832, mais premières femmes inscrites en étude de médecine seulement à partir en 1929. Former des sages-femmes et des infirmières indigènes : En Inde à partir de 1885 National Association for suppliant Female Medical Aid to the Woman of India qui finance hôpitaux qui emploient des Lady Doctors (femmes docteurs des universités britanniques) et des praticiennes médicales, souvent indiennes, qui ont reçu formation médicale et des auxiliaires féminines, essentiellement indiennes. En 1903 création d'école médicale d'Antanarivo avec formation des sage-femmes. A la sortie possibilité d'exercice dans maternités, postes médicaux, postes d'accouchement de brousse. Ouverture de section de sages-femmes à Hanoi en 1904 permet formation auxiliaires, cursus de deux ans, pour lutte contre mortalité infantile. A École de Dakar, fondée en 1918, ajout de formation des sages femmes de l'A.O.F en 1920. La même année ouverture de formation pour infirmières-visiteuses et une maternité. Sages-femmes d'AOF sont agentes de médicalisation qui passe par évolution rapide des pratiques notamment apprentissage aux autres femmes colonisées à accoucher à l'européenne, de manière horizontale. En Algérie mise en place des infimières-visiteuses coloniales indigènes en 1934 avec fonction d'aide aux médecins. Les soignants indigènes dans les sociétés coloniales Persistance et adaptation des praticiens traditionnels : Au début XIXème siècle recherche par Européens de praticiens traditionnels avec idée qu'ils seraient plus à même de lutter contre maladies locales. Pluralisme rejeté rapidement et affirmation de la supériorité de la médecine occidentale. Malgré tout autorités coloniales doivent composer avec médecins traditionnels. En 1892 en Algérie, tolérance pour médecine traditionnelle malgré mise en place de loi sur application de médecine. De même dans autres colonies. Parfois pratique médico-religieuse comme dans les Antilles 94 (Vaudou, Obeah). Importance de faible coût de médecine traditionnelle pour persistance. De plus en plus critique de concurrence des « empiriques » en Algérie ou des « matrones wolof » en AOF par médecins français. Dans ensemble des colonies importance de manque de personnel formé à l'européenne. Ces derniers se voulant souvent champion de modernité donc concurrence entre médecines traditionnelle et occidentale. Existence de projets d'adaptation parfois impulsés par autorités coloniales. Exemple d'Algérie où existence de projets voulant donner notions d'obstétrique aux matrones indigènes. De même en Indochine dans les années 1920 formation des matrones rurales par infirmières indigènes diplômées. Par la suite matrones rurales sont habilités à effectuer accouchements à domicile. Face au progrès de médecine occidentale, volontés de modernisation des médecines traditionnelles, notamment en Inde. Exemple d'Inde où médecins ayurvédiques se regroupent en associations comme l'Ayurved Sammelan pour résister à marginalisation par pouvoir colonial. Des élites sociales ? : Médecine apparaît comme voie d'ascension sociale et élément de distinction. Au XIXème siècle, criollos de Cuba (Cubains nés de parents européens) usent du langage médical pour se distinguer des indigènes et des élites européennes. Au cours des années 1870 premiers assistants de médecins d'Afrique de l'Est sont souvent des esclaves libérés. En Egypte britannisation des écoles de médecine, au cours des années 1880, s'accompagne de frais de scolarité. Médecins, longtemps issus de milieux modestes, désormais recrutés dans les élites. Processus accentué par nécessité de maîtrise de langue anglaise. Par conséquent, médecin est de plus en plus considéré comme marqueur d'une appartenance à l'élite. En Indochine formation d'une petite élite médicale indigène. Par ailleurs à partir de 1924 microcosme fermé des médecins occidentaux s'ouvre au médecins indochinois. Sages femmes de l'A.O.F, incarnent quant à elles une petite élite scolaire, économique et politique. Egalement modèle d'une « nouvelle » femme africaine, mais toujours sous domination coloniale et masculine. Ils font part d'une nouvelle élite de la société coloniale. Des soignants fers de lance de la réforme politique ? : Elites médicales souvent représentés en politique. Opposition des médecins à Cuba à loi coloniale. De même à Porto-Rico médecins forment l'opposition libérale. Après Première Guerre mondiale milieu médical égyptien tend à vouloir s'émanciper. En 1920 Association médicale égyptienne se rallie à politique d'indépendance du Wafd. Dans le même temps médecins égyptiens apportent leur soutien au mouvement national, garantie de leur promotion sociale. Dans pays du Proche-Orient sous mandat implication des médecins en politique est très visible. Durant les années 1950, bataille des médecins africains pour consultation privée va de pair avec monté du nationalisme. Cependant, militantisme inégal selon les zones. Exemple du Kenya où scène politique médicale dominée par des non-médicaux alors qu'en Ouganda ce sont les médecins, notamment Majugo. Personnel médical de plus en plus nombreux intervient dans les colonies, mais avec fortes disparités régionales et nombre insuffisant. Espaces d'opportunités pour certains segments de profession médicale, voie d'ascension pour les élites nouvelles des mondes colonisés. 95 Des actrices de la réforme sociale : les femmes médecins en Inde britannique Inde est avec Chine un des haut lieux de la médecine missionnaire. Nécessité de formation rapide de femmes médecins, les femmes indiennes restant recluses dans les zenana. Campagne visant à supprimer les coutumes "archaïques" et réforme générale. Les première femmes médecins anglo-saxonnes en Inde Clara Swain, américaine, est première missionnaire femme en Inde en 1869. Au départ formation de quelques orphelines comme assistantes puis ouvre des structures médicales et forme des indiennes. A partir de 1880 formation de sages-femmes par Miss Hewlett à la Amritsar Dhais' School. Ida Scudder née en Inde, étudie aux États-Unis et retourne en Inde ouvrir des structure médicales. Ouvrir l'enseignement de la médecine aux femmes britanniques et indiennes Au cours des années 1870, demande en femme médecin augmente en Inde, mais formation médicale des femmes n'est pas autorisée. Importance de Mary Bird-Scharlieb puisqu'elle arrive à être intégrer au Madras Medical College en 1875 où elle suit des études de médecine. En 1882 elle obtient charge d'hôpital pour femmes Queen Victoria. C'est uniquement à partir des années 1880 que femmes indiennes commencent à étudier la médecine. Exemple de Anandibai Joshi qui étudie la médecine aux Etats-Unis entre 1883 et 1886, tout en demeurant de confession hindoue. Par la suite plusieurs femmes d'Inde et de Ceylan étudient sur place ou à l'étranger au début du XXème siècle. Femmes médecin et réforme sociale Édith Pechey (1845-1908) se bat pour accéder aux études médicales et pour réforme sociale en Inde. Soutient Rukhmabai liée à un grand scandale en Inde. Après mort de son premier mari la mère de Rukhmabai se remarie, chose tabou. Celui-ci marie Rukhmabai la marie à 11 ans, mais à l'âge de 17 ans elle refuse d'aller vivre avec lui. Procès et victoire de Rukhmabai, mais défaite en appel. Par la suite Pechey lui recommande d'étudier en Angleterre. Ce qu'elle fait, puis retourne en Inde exercer la médecine et promouvoir la réforme sociale. A Ceylan Mary Irwin, médecin missionnaire, anime plusieurs groupes d'émancipations féminine. 96 Acteurs et témoins Historiographie nationaliste dominante au lendemain de décolonisation. Place importante accordée aux grands hommes au détriments du peuple. Angle d'attaque remis en cause par Subaltern studies (Guha, 1988) qui met en avant action des classes populaire débordant limites de la mobilisation fixée par les élites. Gandhi, Jinnah, Nehru, Ambedkar Trajectoires sociales Font tous partie de minorité indienne éduquée à l'anglaise et ayant étudiés dans pays occidentaux. Tous avocats, profession la plus élevée socialement avec les médecins et qui garantit une certaine autonomie vis-à-vis du pouvoir colonial. Nehru (1889-1964) : famille de Brahmanes du Cachemire, père avocat ; Jinnah (1875-1948): famille marchande chiite ; Gandhi (1869-1948) : famille marchande hindou, fonctions administratives dans des petits états princiers et Amdelkbar (1891-1956) : intouchable, accès à l'éducation grâce à son père militaire, étude à l'étranger grâce à une bourse accordée par deux maharajas. Chronologie commune Gandhi & Jinnah débutent à l'Indian National Congress fondé en 1885. Jinnah rejoint tardivement ligue musulmane en 1913. Gandhi participe au congrès de fondation du Natal 1894 en Afrique du Sud, là il développe ses célèbres méthodes de lutte (pacifique). En 1914 ils encouragent participation d'Inde à l'effort de guerre britannique. Rapprochement du Congrès et de la Ligue sous la présidence de Jinnah en 1916. Grandes mobilisations au lendemain de la guerre, notamment campagnes de non-coopération et mouvement du Califat en 1921-22. Mode de lutte non-violent convient aux marchands et paysans avec mise à profit d'expérience acquise en Afrique du Sud. Mouvement s'appuie également sur mécontentement musulman lié à effondrement du Califat de Turquie. Retrait de vie politique de Gandhi face à mouvements qu'il ne contrôle plus. Phase de déclin du Congrès. Apparition d'une nouvelle génération de militants. Nehru visite l'URSS. Développement de tensions sociales et religieuses : extrémisme hindoue, volonté d'autonomie accrue pour provinces à majorité musulmanes, revendication d'Ambedkar pour les depressed classes. En 1927 commission Simon, uniquement composée de Britanniques, chargée de réformer relance agitation et pousse les 4 leaders à s'entendre. Absence d'accord avec Britanniques. En 1930, Jinnah & Ambedkar partent à Londres négocier alors que Gandhi et Nehru lancent mouvement de "désobéissance civile". En 1932 nouvel échec des négociations. Gandhi "jeûne à mort" en prison pour s'opposer au Communal Award (électorat séparé aux intouchables). Alliance avec Ambedkar. Agitation populaire renaît durant années 1930. Opposition Gandhi-Nehru, ce dernier cherche à transformer Congrès avec dominance des ouvriers et paysans. En 1937 élections provinciales dans cadre des réformes britanniques. Congrès remporte largement, marginalisation de Ligue, échec du nouveau partie d'Ambedkar (Independant labour party). Victoire renforce ceux qui sont favorable à une transition politique négociée avec les Britanniques. Guerre brise consensus. En 1942 lancement du mouvement Quit india par le Ccongrès soutenu par Gandhi. Alors que Jinnah & Ambedkar supportent effort de guerre. Volonté d'indépendance séparée des musulmans de Jinnah. Situation explosive au lendemain de Deuxième Guerre mondiale avec notamment grèves à Calcutta etc... Mountbatten cherche à accélérer retrait et 15 aout 1947 création de l'Inde et du Pakistan. Jinnah dirige Pakistan. Gandhi jeûne pour apaiser tensions et meurt assassiné. En 1948 Ambedkar lutte au sein d'assemblé pour les intouchables et obtient suppression de ce statut. Nehru dirige l'Inde. Débats 97 Gandhi, Jinnah & Nehru s'opposent sur la vision de l'Inde. Gandhi voit comme ennemi société industrielle et non les Britanniques et très critique sur système parlementaire britannique. Gandhi est conservateur, s'oppose à lutte des classes, recherche unité du peuple indien. Vision positive du système des castes donc opposition à Ambedkar. De son côté Nehru recherche justice sociale et vision communiste. Messali Hadj, Ferhat Abbas et Ahmed Tawfiq Al-Madani Période coloniale marquée par différents courants, qui s'effacent lors de lutte d'indépendance pour former le FLN. Des trajectoires algériennes Trois parcours familiaux pour une même génération : Messali Hadj naît en1898, suit l'école française; travaille dès 9 ans, vient en France lors de la Première Guerre mondiale. Ferhat Abbas naît en 1899, famille plus riche, autodidacte, bachaga pour la France. Études de pharmacien. Ahmed Tawfiq Al-Madani naît en 1899, proches des oulémas, milieu bourgeois, impliqué dans le mouvement revendicatif tunisien, expulsé en 1925. Les chemins de la revendication : Messali Hadj entre en politique en métropole, premier leader de l'Etoile Nord Algérienne, première organisation indépendantiste, liée au PCF. Abbas, activité journalistique, met l'accent sur l'égalité des droits. Leader de la fédérations des élus. Pour accéder à citoyenneté française il fallait se soumettre au code civil et non plus à la loi islamique: acte d'apostasie. Ce qu'il n'accepte pas. Ahmed Tawfiq al Madani écrit Livre de l'Algérie en 1932 avec histoire de l'Algérie qui présente les résistances à l'envahisseur à travers les âges (Jugurtha...). "L'islam est notre religion, l'Algérie notre patrie et l'Arabe notre langue". Entre divergence et points de contacts La "personnalité algérienne" : Tous défendent l'idée d'une "personnalité algérienne". Pour Hadj importance de dimension arabo-musulmane. "Crise berbère" au sein du Parti du Peuple Algérien après Deuxième Guerre mondiale où débat sur reconnaissance de culture et langue berbère. Purge du parti avec éviction des opposants de Messali Hadj. Ferhat Abbas, figure d'élite francophone algérienne. Conteste l'idée d'Algérie comme nation souveraine. Considéré par quelques uns comme traître.Avec Al-Madani forme de réinvestissement du statut personnel colonial pour former "notre personnalité islamique". Les projets politiques : Messali : indépendantiste, populiste s'intéresse aux pauvres, rejette avec mépris réformes françaises. Abbas : républicain, modéré et situation qui rejoint celle des oulémas. 1936: Congrès musulman (sorte de front populaire), rassemble les communistes musulmans, élus et oulémas. A pour but d'augmenter droits des algériens. Échec dû aux Français d'Algérie. Par conséquent, position d'Abbas et des oulémas se radicalise puisque désormais volonté d'un "État Algérien avec une constitution propre". Messali Hadj est emprisonné. Situation se dégrade en 1945. Tous les courants se rejoignent au sein des « Amis de la liberté » fondé par Abbas. Réclament formation d'"une République autonome fédérée à une République française rénovée, anticolonialiste et anti-impérialiste". Front ne dure pas. Face au FLN La lutte pour l'indépendance ou la marginalisation de Messali Hadj : Fondation du FLN en 1954 par des anciens du PPA de Messali Hadj. Sigle apparaît pour la première fois après un attentat. Messali Hadj expulsé d'Algérie en France, fonde une organisation concurrente, le Mouvement National Algérien. Lutte sanglante entre les deux organisations. Ralliement d'Abbas et Al-Madani au FLN. Ils rejoignent ses dirigeant en exil au Caire en 1956. Après l'indépendance : Messali est condamné par le FLN, au pouvoir, à rester en exil en France ou il mourut en 98 1974. Al-Madani participe au gouvernement en tant que ministre des Affaires religieuses. Son œuvre d'historien fonde le récit national. Abbas devient président de l'Assemblée nationale et opposant au pouvoir. Ho Chi Minh Leader, négociateur, chef d'Etat. Nationaliste et communiste son rayonnement s'étend aux autres pays en décolonisation. Un intellectuel annamite anticolonialiste Famille paysanne d'Annam (Nord-Vietnam) dont père à accédé au mandarinat par concours, né en 1890. Étudie à l'école des fils de mandarins mais n'a pas d'avenir à la révocation du protectorat en 1911. Voyage en Europe et vit de petits boulots. Voyage en Europe, notamment France et Angleterre entre 1911 et 1919. Présente un mémoire sur La revendication du peuple annamite lors de Conférence de la paix en 1919, mais peu d'audience. A même époque commence à écrire des articles anticolonialistes sous pseudonyme Nguyen Ai Quoc. Fondateur du parti communiste et du Vietminh Rejoint la SFIO, puis le PCF. 1923, il se rend à Moscou, puis part comme agent du Kommintern pour la Chine. En 1930 il fonde le parti communiste indochinois à Hong-Kong. En 1931 il tente d'organiser l'Annam en soviet par soulèvement paysan. Echec et se réfugie en URSS, condamné à mort en France. Ses lieutenants élargissent le réseau pendant moment de détente du Front populaire. Combinaison d'organisation légale et constitution de cellules ouvrières clandestines en prévision de révolution. En 1941 retourne en Indochine et fonde le Vietminh (contraction signifiant « Alliance pour l'indépendance du Vietnam »). Large front rassemblant les patriotes de toute origine sociale. Importance d'indépendance et de liberté collective, condition d'égalité. Publications dans le journal « Le Vietnam Indépendant ». Positions anticolonialistes et contre occupation japonaise font qu'appui du Guomindang chinois et des services secrets américains. En 1942 il prend le nom de Hô chi Minh (Hô à la volonté éclairée), puis est emprisonné en Chine, il revient en 1944. Première zone libéré de l'autorité coloniale et de l'expansion chinoise est au Tonkin. Fondateur de la République démocratique du Vietnam Ho Chi Minh s'affirme comme chef de parti à la tête d'un Etat libre. 9 mars 1945 Japonais prennent pouvoir en Indochine en expulsant pouvoir français. Soutien des services secrets américains pour noyautage d'associations ou d'organisations. Après reddition japonaise, Hô Chi Minh et le major Patti rédigent la déclaration d'indépendance du Vietnam le 2 Septembre 1945 à Hanoi. Occupe le pays et organise un gouvernement provisoire. Réponse française dès septembre 1945. Hô Chi Minh forcé à négociation sous pression internationale et lenteur du retrait des forces chinoises au Tonkin. 6 mars 1946 accord entre Hô Chi Minh et Jean Saintemy où France reconnaît Vietnam comme "État Libre" membre de Fédération indochinoise et de l'Union française, en contre-partie la France installe ses troupes au Nord du 16ème parallèle. Situation se tend, Hô Chi Minh n'assiste pas à conférence de Fontainebleau pour clarifier relations entre République de Cochinchine, Vietnam et Fédération indochinoise. Pour éviter rupture signature le 14 septembre 1946 un modus vivendi. Il se fait pourtant déborder par son aile gauche, incarné notamment par général Giap. Haiphong est bombardée par Français, les milices du général Giap massacrent population à Hanoi malgré appel à négociations d'Hô Chi Minh. Armée française prend le contrôle de Hanoi. De la guerre d'Indochine à la guerre du Vietnam 99 En 1949 aide officielle de la Chine. A partir de 1950 Etats-Unis soutiennent France. Entre 1953 et 1956 révolution agraire sous l'impulsion de Staline. Communisation à la chinoise du Vietminh. Après défaite française de Dien Bien Phû accords de Genève le 21 juillet 1954. Hô Chi Minh à la tête de République du Vietnam au Nord du 17ème parallèle. Lutte contre Vietnam du Sud de Ngo Dinh Diem pour réunifier le pays. En 1960 création du Front national pour libération du Sud, appelé Vietcong par Etats-Unis Vietnamiens du Sud. José Marti (1853-1895) et les guerres d'indépendances cubaines Une formation politique précoce au temps de la guerre des dix ans(1868-1878) Né à La Havane, d'une famille en provenance d'Espagne péninsulaire"(environ 8% de population de Cuba). Intégré par professeur dans milieu intellectuel critique vis-à-vis de la domination coloniale. En 1868 coup d'Etat où reine Isabelle II est chassée du trône. Espagne connaît la guerre civile. Manuel de Cespedes pousse « cri de Yara », déclaration d'indépendance. Planteurs blanc et créoles s'engage dans guerre d'indépendance ou "guerre de dix ans". Mouvement rallié par esclaves et libres de couleurs. Gouvernement libéral, relayé à la Havane, accorde des libertés inédites (presse, réunions...). Apparition de journaux, José Marti débute comme journaliste. A la Havane, opposition du parti réactionnaire et pro-espagnol. Coup d'Etat le 1er juin 1869 et "patriotes" sont réprimés. Marti est enfermé puis exilé en Espagne, il y dénonce les conditions de détentions à Cuba, notamment dans Le bagne politique à Cuba. Dans le même temps il fait des études et s'exile au Mexique. A Cuba opposition entre parti pro-espagnol et le parti indépendantiste majoritairement métis. Expérience républicaine à Cuba (1873-1874). Insurgés déposent les armes en échange d'une amnistie en 1878. La guerra chiquita (la "petite guerre) éclate en 1879 et se solde par défaite des insurgés. Insurgés ont souffert de leur division sur questions d'esclavage et d'avenir de l'île. José Marti, propagandiste de l'indépendance et de la révolution Travail comme journaliste à New York, puis comme consul du Paraguay, Argentine et Venezuela. Marti réfléchit à avenir de Cuba avec recherche d'une justice sociale, principale différence avec Cespedes. Pour Marti Cuba ne doit pas devenir dictature, mais pays de liberté, démocratie, sans discrimination raciale. De même très critique vis-à-vis du sort des Noirs et des immigrants asiatiques aux Etats-Unis. Enjeux sont de surmonter divisions du mouvement anticolonialiste, unifier les différents milieux sociaux, collecter des fonds et attirer sympathie des autres gouvernements, notamment par des voyages à l'étranger à partir de 1890. En 1892 Marti se fait accepter comme leader des indépendantistes et fonde Parti Révolutionnaire Cubain à New York. Le 24 février 1895 éclatement d'une révolte. La mort de Marti l'indépendance volée 19 mai 1895 Marti est tué, révolte est privée de son chef. Insurgés sont d'abord victorieux puis l'Espagne envoi des renforts et situation se renverse. Grande répression organisée par général Weyler, 20% de la population meurt, et installation des « camps de concentration ». Victoire militaire, mais échec diplomatique international puisque cela encourage impérialistes américains à vouloir inclure Caraïbes dans orbite des Etats-Unis. En 1897 Weyler rappelé et autonomie accordée à la Havanne. Cependant, explosion du cuirassé états-unien Maine dans port de La Havane en février 1898. Etats-Unis croient pas à accident et déclare la guerre en avril 1898. Espagnols se rendent en Juillet. Cuba occupé par Américains entre 1898 et 1902 puis satellisation de l'île. Acquisition à perpétuité de Guantanamo. Cubain forcés d'inclure dans leur constitution l'amendement "Platt" qui oblige Cuba à demander autorisation des Américains pour établir des alliances, et Etats-Unis peuvent intervenir militairement à Cuba à loisir. Projet d'indépendance et de démocratie politique, raciale et sociale est morte avec Marti. Son œuvre est une inspiration, notamment pour Castro. 100 Rudyard Kipling (1865-1936) La matrice anglo-indienne Une éducation anglo-indienne : Naissance à Bombay, où père, sculpteur, enseignait à la School of Art and Industry. Eduqué de 6 à 11 ans en Angleterre, ne fait pas d'études par manque d'argent et devient assistant-éditeur de la Civil and Military Gazette de Lahore. Puis il retourne en Europe en 1888. Peindre la société anglo-indienne : Fréquente principaux lieux de sociabilité européenne (Penjab Club) et accompagne famille pendant leur migration annuelle vers station d'altitude (Simla). Ne fréquente pas haute société coloniale. Description de société anglo-indienne est critiquée de son vivant. Société qui encadre jeunes filles venant de métropole afin qu'elle ne soit pas séduite par indigènes et ne remette en cause société coloniale. Le "prophète de l'impérialisme britannique" (G. Orwell) La carrière littéraire : A Londres se préoccupe de sa carrière littéraire. En 1892 épouse fille d'un éditeur américain. Livre de la jungle en 1894, contribue à nourrir l'imaginaire britannique de l'Inde. Dans cadre de crise de Guyane britannique, retour en Angleterre en 1896 pour ne plus revenir en Inde. En 1902 publication de Kim, qui traite à nouveau de l'empire des Indes. Apogée de sa carrière. Prix nobel de littérature en 1907. Écrit encore après la Première Guerre mondiale mais moins. Meurt en 1936. Défendre l'empire : Défense d'empire britannique. Poèmes "Recessional" en 1897 à l'occasion du jubilé de diamant de Victoria. "Le fardeau de l'homme blanc" en 1899, conseil aux Etats-Unis après prise des Philippines. Kipling, chantre d'impérialisme triomphant et du nationalisme. Idée d"Années ingrates" où s'attend pas à reconnaissance des colonisés et à bienveillance des autres nations. S'inquiète d'avenir d'empire. Voyage en Afrique du Sud pour soutenir intellectuels et soldats britanniques lors guerre des Boers. Souhaite instauration service militaire et augmentation d'immigration vers colonies. Radical sur question irlandaise en 1912. Rabindranath Tagore (1861-1941) En 1913 premier non-européen à recevoir prix Nobel de littérature. Renouveau en Europe pour culture indienne. Expérimente des nouveaux modèles éducatifs. S'oppose aux nationalistes. Un représentant de l'intelligentsia bengalie Un milieu aisé acquis au Brahmo Samaj (milieu réformiste hindoue) : Né à Calcutta, dans famille de Brahmanes. Grand père est un zamindar, grand propriétaire terrien, très loyal à la couronne, reçu à la cour fin des années 1840. Fonde revue littéraire pour développement des œuvres littéraires en bengalie. Étudie en Angleterre à 17 ans et administre domaines familiaux à partir de 1890. L'œuvre littéraire et picturale : Premiers poèmes publiés dans revue de ses frères à 16 ans. Recueil Gitanjali est très renommé. Publié en Angleterre par Yeats et Gide en France. Reçoit prix Nobel en 1893 et est fait chevalier par George V en 1915. Doctor honoris causa de l'université de Calcutta. Dessine, peint, compose des chants, écrit sur la vie quotidienne des paysans, chose inédite en Inde. Le réformateur des langues vernaculaires L'expérimentation éducative : Dénonce système éducatif colonial élitiste et trop livresque, promeut éducation en 101 langue vernaculaire. Fonde école en 1901 et université Visva-Bharati en 1921. Volonté d'enseigner sciences et techniques ainsi qu'anglais, héritages de domination européenne. Des relations conflictuelles avec le mouvement nationaliste : En 1905 prend publiquement position contre politique britannique, ses chants deviennent des symboles d'indépendance. Renonce à titre de chevalier après massacres à Amritsar en 1919. S'oppose à Gandhi à propos de non-coopération et retour au tissage traditionnel, qu'il juge rétrograde. Soucieux de préserver apports de domination coloniale. Juge notion de nationalisme dangereuse, lui préférant un universalisme humaniste. Positions ont du succès en Europe mais sont attaquée en Inde. Thami Al-Glaoui, Pacha de Marrakech (1878-1956) L'ascension des Glaoua Une famille de Caïds berbères du haut Atlas : Famille de hauts fonctionnaires (caïds) depuis années 1850. Caïds sont fonctionnaires investit par décret du sultan avec compétences militaires, administratives et juridiques. En 1870 construction par père de Thami d'une casbah à Telouet, symbole du clan. Madani frère ainé règne jusqu'en 1918, où Thami prends le relai. Le choix de la protection française : Troubles et dissidences liés aux interventions françaises au Maroc. Disgrâce de Thami par sultan en 1911. Choisit parti de France lors signature du traité de Fès qui institue protectorat en 1912. Récompensés par Français. Thami récupère pachalifat de Marrakech et caïds glaoua obtiennent légion d'honneur puis médaille militaire. Pour Lyautey ce sont exemples même des "grands chefs indigènes". Possibilité pour caïds glaoui de recruter 10.000 cavaliers et faire coup de feu contre régions insoumises. De même aide des Glaoua avec concours à pénétration française et pacification du Sud même si efficacité contestée. Après Première Guerre mondiale déclin fonctions militaires au profit fonctions administratives. Le "vice-roi du Sud" La politique des grands caïds : Pour imaginaire français caïds du Maroc sont seigneurs féodaux du Moyen Age. Interprétation de l'indirect rule, français s'appuient sur eux. Grâce au soutien colonial, leur pouvoir est de plus en plus autocratique et efface les institutions traditionnelles, notamment les assemblées, ja'mâa, qui le contrebalançaient. En 1918 Thami récupère territoire de son frère défunt, Madani, et règne sur 1/10 de population du protectorat et se considère comme un vice-roi du Sud marocain à l'abri des tracasseries d'administration française et des remontrances du Makhzen. La fortune du Glaoui : Thami Al-Glaoui devient premier propriétaire foncier du protectorat, devant sultan, en faisant mains basse sur terres, droits d'usage et mines de ses administrés. Richesse également minière, commerciale et industrielle. Rentabilise fonctions de pacha en faisant rentrer taxes et redevances, obligation des justiciables de verser commissions pour « service rendu ». Transformation de système coutumier de la touiza, entraide entre paysans, en corvée. Obligation pour commerçants de lui porter des marchandises tous les jours et touche part (5 à 10.000 francs/mois) sur le travail des prostituées de Marrakech. Cependant, train de vie dispendieux, ruine lors de la crise de 1929. Quai d'Orsay lui concède un prêt qu'il ne rembourse pas (50 millions de francs). Néanmoins, importance de réseau de relations à Paris. L'intouchable pacha : Montée d'oppositions à "politique des grands caïds". France craint que leurs exactions ne soient mises sur le compte du protectorat. Steeg(1925-29), deuxième résident général, écarte un caïd (un opposant du Glaoui) puis s'intéresse à Thami. Ce dernier fait appel à ses relations parisiennes pour se protéger. Grand mondain, il voyages en Europe, et fréquente Lyautey. L'adversaire des nationalistes marocains Les caïds et la résistance contre le sultan ben Youssef : Volonté du Sultan d'émanciper le Maroc. Ce dernier ne désavoue pas Manifeste de l'Istiqlal (indépendance) de 1944 et prononce discours considéré offensant à Tanger en 1947. 102 Prend ses distance avec Thami, symbole de toutes les compromissions avec les Français. Rupture en 1950, Thami: "tu n'es pas le sultan du Maroc, tu es le sultan de l'Istiqlal". 1953, pétition lancée par Glaoui pour l'abdication du Sultan, qui est finalement déposé. La chute de la maison glaoui : En 1955 lors du deuxième anniversaire d'expulsion du sultan, forte révolte. Sultan rappelé d'exil, négociation d'indépendance en octobre-novembre à Paris. Soumission de Glaoui, mort en 1956 avant l'indépendance sans être inquiété. Cependant, après celle-ci ses fils sont arrêtés et les propriétés sont confisquées. Amadou Hampâté Bâ (1900-1991) L'enfant peul à l'école des Blancs : Originaire du Mali, dont père adoptif tombe en disgrâce auprès du Roi. Apprentissage coranique, puis "réquisitionné d'office" par chef de quartier à l'âge de 12 ans pour remplir quota imposé pour fréquenter "l'école des blancs" (réputée pour plonger les jeunes musulmans dans le péché). Malgré tout idée d'apprentissage dans langue du colonisateur séduit Amadou. A 13 ans intégration d'école régionale de Djenné pour préparer certificat d'études indigènes qu'il obtient à 15 ans. Interruption pendant quelques années d'études, intégration d'école professionnelle de Bamako puis réussit concours d'entré à l'Ecole normale William-Ponty, école de formation auxiliaires d'administration indigènes. Après, à 22 ans, nomination à poste subalterne dans colonie du Haute-Volta, nouvellement créée. L'intermédiaire colonial : Nommé "écrivain expéditionnaire" avec diverses tâches de secrétariat et comptabilité à Ouagadougou puis dans d'autres régions de colonie entre 1922 et 1932. Statut d'intermédiaire, position ambiguë, apparaissant comme "Blanc-noir", jouissant de privilèges, notamment mise à disposition de porteurs réquisitionnés au titre du travail forcé lors de déménagements d'un poste à l'autre. Représentant d'administration française, doit ménager cette dernière alors que chefs locaux l'humilient. Cependant comme auxiliaire indigène, peut améliorer situation de population. Ses supérieurs reconnaissent son habileté. En 1933 il devient secrétaire de mairie à Bamako et en 1942 il affecté à l'Institut d'Afrique noire, à Bamako, Conakry et enfin Dakar. Un itinéraire islamique et oecuménique : A partir de 1937 tracassé par administration pour ses affiliations religieuses. Suit son maître marabout, Tierno Bokar, qui embrasse hamallisme (branche de la confrérie Tijâniyya jugée séditieuse, car sans barrière sociale dans son recrutement). Evite cependant arrestation. Retournement de situation en 1951 où il est chargé par Français de diffuser enseignement de son maître pour lutter contre l'enseignement de l'Islam en langue arabe. Intéresse par la convergence de certaines religions, développe un véritable œcuménisme depuis relation avec protestant Théodore Monod à l'IFAN. Obtient une audience avec le pape, est invité pour prière œcuménique par Israël et lien avec les francs-maçons. Le passeur des traditions : Intérêt pour les traditions orales. En 1958 fonde institution des Sciences Humaines à Bamako. Envoyé du Mali à l'UNESCO à l'indépendance. Défense des traditions orales notamment par appel à l'UNESCO : « En Afrique, un vieillard qui meurt, c'est une bibliothèque inexplorée qui brûle ». Aoua Keita (1912-1979) Sage-femme, militante d'Union soudanaise du rassemblement démocratique africain dès fondation en 1946 puis député du Soudan puis du Mali entre 1958 et 1968. « Africaine et diplômée » : Père est ancien combattant devenu membre d'administration française, naissance dans concession d'une vingtaine de cases pour chacune des épouses à Bamako. Scolarisation d'Aoua en 1923 pour la pousser vers profession salariée accessible aux femmes et diplôme en 1931. Résistance de mère à scolarisation du fait des traditions. Ne rejette pas traditions africaines, mais aussi modernité puisque choisit elle-même son mari, le médecin citoyen de Gorée français Daouda Diawara. Devient citoyenne par ce mariage et vote en 1946. Divorce en 1949. Renonce ostensiblement à sa citoyenneté française en 1950. 103 Les réseaux d'une sage-femme soudanaise : Statut d'"évoluée", fonctionnaire et qualifiée ce qui lui permet de fréquenter les milieux blancs. Voyage fluvial le long du Niger pour rejoindre premier poste de sage-femme en 1932 la marque. De fait qualification lui permet de voyager en première classe, mais ostracisme de la part des femmes blanches pour qu'elle soit servie en dernière. Dans le même temps coupée des femmes soudanaises. En 1950 envoyée à Gao puis Casamance en 1951 comme punitions de ses convictions politiques. Se sert de sa profession pour diffuser ses idées. Grand soutient du RDA, Rassemblement Démocratique Africain. De même importance des relations et liens des « évolués » au sein des sociétés coloniales. Femmes et politiques en AOF après la Seconde Guerre mondiale : Prise de conscience politique en 1936 grâce à son mari. Adhésion à l'USRDA (Union soudanaise-Rassemblement démocratique africain) dès 1946, mais absence de sanction car nationalité française. S'engage dans rudes batailles électorales parfois contre administration pour mise en place de droits politiques. En 195 victoire électorale à Gao, mais victoire à contre-courant de reflux général de l'USRDA. Par la suite mutée au Sénégal. Retour au Soudan en 1953 puis à Bamako en 1956 et entrée comité central d'USRDA. En 1958 elle devient une des premières femme élues du Soudan. Sœur Marie-André du Sacré-Coeur ( 1899-1988) Juriste, infirmière, religieuse : Faculté catholique à Lille dans le Nord, infirmière, puis sœur à Alger. A partir de 1932 étudie la condition féminine en AOF à la demande de ses supérieurs. Enquête durant 4 ans en Haute-Volta (actuel Burkina-Faso) entre 1932 et 1936. Dénoncer la condition féminine en AOF: promouvoir la famille chrétienne : Résultat d'enquête publiée en 1939 dans La Femme noire en A.O.F.. Idée que christianisme exerce un effet positif sur évolution des femmes contrairement à islam. Pour elle communautés chrétiennes sont "îlots de civilisation en Afrique où s'apprend respect d'épouse, mère et fille. Travaux critiqués par certaines religieuses (pas assez longtemps, généralisation...). Défendre la cause de la "femme noire" devant le parlement : En 1936 retour en France, conférence et publication dans des revues. Volonté de convaincre autorités d'intervenir juridiquement pour libérer femme africaine. Souhaite interdire les conventions matrimoniales concernant les pré-pubères. Se rapproche des milieux parlementaires et juridiques notamment Louis Marin. Défense de cause de « femme noire » devant députés. Louis Marin utilise ses arguments pour proposition de loi qui aboutit à décret Mandel de juin 1939 sur la « réglementation des mariages entre indigènes en AOF et AEF ». Texte se heurte à certains administrateurs coloniaux au nom du respect des coutumes. Décret ne fait pas disparaître les coutumes, mais protège jeunes filles refusant mariage arrangé. L'observatrice des sociétés africaines en mutation après 1945 : Chargée par l'Office de la recherche scientifique et technique de l'Outre-mer d'étudier les transformations sociales dans les sociétés en mutation. Intervention dans débat sur droit de vote des femmes au Kenya. Sillonne l'Afrique. La trajectoire impériale d'un administrateur japonais: Goto Shimpei (1857-1929) Le médecin et l'hygiéniste : Famille noble, études de médecine à Sugakawa, cours à l'école des études occidentales de Fukushima. Directeur de l'école de médecine de Nagoya 1881. Séjour en Allemagne (1890-1892). Hygiéniste reconnu et prend part à création de nouveau réseau d'égouts et d'adduction d'eau de Tokyo et organise quarantaine lors de guerre contre Chine en 1895. L'administrateur civil de Taïwan : En 1898 il est choisi par gouverneur militaire de Taïwan, Kodama Gentaro, pour diriger le Minseibu, bureau d'administration civile à Taïwan. S'appuie sur les éléments de société traditionnelle pour renforcer les éléments modernes. Volonté de renforcer la domination japonaise. Adaptation d'ancien système qui rend responsable chef de famille ou chef de district de toute faille dans application de loi japonaise. Mise en place de police (environ 55.000 hommes en 1903) chargée de collecter impôt, renforcement de santé publique. Création d'un Corps de la jeunesse que chaque homme est tenu de rejoindre à 16 ans. Dans celui-ci fort endoctrinement de jeunesse taïwanaise et 104 important vivier d'informateurs de police. Réformer l'économie et la société taïwanaise : Inspiré par Darwin et Spencer. Volonté de réorganisation de société taïwanaise selon conception de « progrès » reposant sur « politique biologique », idée de promouvoir science et développer agriculture, industrie, éducation, santé, communications et police avec objectif que transformation d'environnement physique favorise le progrès global. Administrateur doué avec volonté de mieux comprendre la société insulaire (coutumes, culture et économie) pour mieux la soumettre et faire des habitants des loyaux sujets japonais. Mise en place d'importantes réformes, notamment fiscales, ainsi que redistribution et réaménagement des terres pour production de canne à sucre. A partir de 1905, Taïwan génère des profits. Extension des investissements dans infrastructures, santé publique etc... Volonté d'éduquer les sujets coloniaux avec développement d'enseignement primaire. Néanmoins, dans le même temps volonté de « japoniser » Taïwan avec destruction de temples tao, interdiction des journaux en chinois et promotion de culture japonaise. Accroître la présence japonaise dans l'empire informel : A partir de 1906 nomination en tant que président de Compagnie des chemins de fer de Mandchourie du Sud. Volonté de développer chemin de fer pour encourager les colons japonais à s'établir dans zone et renforcer ainsi les intérêts du pays. Pour Shimpei chemin de fer est élément d'expansion « d'empire informel » donc développement d'activités culturelles par compagnie. Défendre l'empire en métropole : Ascension sociale puisqu'intégration de chambre des pairs en 1903 et est nommé comte, haku, en 1928. A partir de 1910 il est vice-président de Bureau d'exploitation des colonies ainsi que recteur de l'université coloniale privée. Postes de ministre successifs : communication (1908), intérieur (1916-1918 puis 19231924) et Affaires étrangères (1918). Gilbert Tran Chanh Chieu (1867-1919) Gilbert Chieu est membre d'administration coloniale. Naturalisé en 1898. Au départ instituteur dans delta du Mekong, mais petit à petit développement d'un militantisme économique. Propriétaire de rizières (1377 ha) qu'il hypothèque pour emprunter de l'argent et fonder des hôtels et industries. S'attaque à domination économique des Chinois et Chettiars en exhortant compatriotes à faire des affaires plutôt que de rentrer dans l'administration coloniale. Volonté de commercialiser productions locales sans passer par Chinois et grâce aux profits générés envoyer des étudiants en France. Activité passe par mouvement Minh Tan qui s'inspire d'exemple japonais, de réformisme chinois ainsi que de formes européennes de développement. Soutient également envoi d'étudiants vietnamiens au Japon. Chieu collabore à trois périodiques, dont Causeries sur le commerce et l'agriculture, dont il est rédacteur en chef en 1906-1907. Appel à indépendance du pays selon exemple japonais (s'unir, réformer, être solidaire). Entreprises économiques présentées comme le fondement matériel et condition indispensable d'émancipation nationale. Chieu fréquente milieux nationalistes suite rencontre de lettré nationaliste Phan Boi Chau à Hong Kong en 1908. Arrêté pour menées anti-françaises lors de relai de propagande nationaliste de Phan Boi Chau. Soupçons qu'hôtels seraient lieux de réunion et recevrait des fonds des Japonais. Acquittement en 1909 après accords financiers et diplomatique France/Japon en 1907. Gilberto Freyre (1900-1987) Importance de Freyre dans sociétés coloniales du XXème siècle puisque penseur de celles-ci. Importance d'écriture de Maître et esclaves. La formation de la société brésilienne en 1933 sur sa société coloniale, le Brésil. Idée que colonisation portugaise comme matrice de société brésilienne qui débouche sur des formes sociales inédites. Importance notamment de vie quotidienne, sexualité, métissage biologique, intimité dans les sociétés coloniales. Réhabilitation d'importance des populations noires dans naissance de société brésilienne, alors qu'à son époque elles sont vues comme frein au progrès. Réhabilitation également des Portugais pour résistance à climat tropical ainsi qu'aux Indiens pour métissage avec les Africains. Propos mals reçus durant années 1930-1940 par Salazar et son Estuado Novo, attaché au mythe d'empire catholique et blanc. Réhabilitation après Deuxième Guerre mondiale notamment avec Acte colonial révisé 105 en 1951 qui annonce évolution vers l'assimilation des « indigènes ». On puise dans œuvre de Freyre, un colonialisme différent des autres et aveugle au racisme. Voyage dans différentes colonies (Macao, Timor, Guinée, Cap-Vert, Goa, SaoTomé, Angola et Mozambique) à demande du ministre de l'outre-mer portugais. Invention du néologisme de « lusotropicalisme ». Appropriation de ce terme par l'Estado Novo pour but propagandiste. Franz Fanon (1925-1961) Grandir dans une vieille colonie Un rejeton de la classe moyenne martiniquaise : Arrière-arrière grand-père esclave venu d'Afrique, mais mère métisse dont ancêtres viennent de Strasbourg (d'où le prénom Frantz), appartient à classe moyenne martiniquaise, constituée de descendants de libres de couleur. Père travaille aux douanes de Fort-de-France alors que mère tient quincaillerie, secteur fortement féminisé. Franz parle créole, mais reçoit éducation française. An Tan Robè (au temps de Robert) : Frantz s'identifie à culture française. Quitte illégalement Martinique vichyste pour France libre. Y revient quand elle est passe à la Résistance en 1943 pour s'engager dans le 5ème bataillon de marche des Antilles. L'expérience métropolitaine La désillusion du combattant : Croix de guerre, mais désillusion face aux idéaux affichés de la France, confronté au racisme quotidien. 1945: "je me suis trompé! Rien ici ne justifie cette subite décision de me faire le défenseur des intérêts du fermier quand lui même s'en fout". Retourne en Martinique pour terminer baccalauréat et reçoit bourse pour études de dentistes en métropole. Les études de psychiatrie : Finalement se tourne vers médecine et psychiatrie. Importance de lecture de Sartre, Merleau-Ponty et Lacan. En 1951 mémoire de médecine sur la causalité des maladies mentales. Publication en 1952 de Peau noire, masques blancs où démontre nécessité d'affirmation d'une authenticité noire dans monde blanc. Dénonce cependant les recours identitaires. Saint-Alban et la psychiatrie institutionnelle : Interne à hôpital psychiatrique de Saint-Alban auprès de François Tosquelles. Médecin anti-franquiste qui pratique psychiatrie institutionnelle et occupationelle fondée sur l'organisation collective et participation des patients à des tâches collectives. L'expérience algérienne La lutte contre l'école psychiatrique d'Alger : En 1953 nomination comme médecin à Blida en Algérie. Aucun connaissance préalable de situation complexe algérienne. Tente d'appliquer méthodes apprises à Saint-Alban et s'oppose à psychiatrie véhiculant des clichés colonialistes contre populations algériennes (vie passive, crédulité etc...). Les premiers contacts avec le FLN : En 1955 premiers contacts avec le FLN. Soigne les blessés et approvisionne FLN en médicaments par biais de son poste à Blida. Suite à des menaces de mort, il démissionne par une lettre très critique et se fait expulser d'Algérie. Au service de la cause algérienne L'exil à Tunis : 1957: arrive à Tunis, capitale du FLN en exil. Crée première clinique psychiatrique de jour d'Afrique à l'hôpital Charles-Nicolle, notamment pour soigner les victimes des tortures françaises. Tient une tribune dans El Moudjahid du FLN, y dénonce régulièrement les manquements de la gauche française à l'égard de l'indépendance. 106 L'ambassadeur du gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) : En 1958 il est nommé représentant du GPRA en Afrique. Publie L'an V de la révolution algérienne, étude des conséquences de la révolution sur les Algériens. Livre trouve rapidement public dans les mouvement « tiers-mondistes ». Envoyé à Accra par le FLN, car situation militaire se détériore donc front diplomatique devient important, mais aussi car son approche révolutionnaire théorique dérange. Diagnostiqué d'une leucémie. L'écriture des Damnés de la terre : Au cours d'année 1961 voyage à Moscou. Dans cette même année écriture des Damnés de la terre, préfacé par Sartre. Description de monde colonial pétri de violence des colons à laquelle colonisées ne peuvent répondre que par violence, libératrice et non purificatrice. Dénonciation des bourgeoisies nationales (même africaine), importance des paysans comme principale force motrice de révolution. 107 La plantation Système de plantation est indissociable d'ancien régime colonial. Dès colonies portugaises et espagnoles d'Amérique Latine, modèle passe dans les Antilles par intermédiaire des Hollandais et concerne de nouveaux produits (tabac, café, coton). Entre 1850 et 1950 système de plantation demeure une caractéristique des sociétés coloniales tropicales avec à la fois essor et modernisation. Au XIXème siècle prolifération des « plantations » dans Afrique encore indépendante (Egypte, sultanat de Zanzibar), à Sao Tomé, aux Indes néerlandaises, en Inde, en Indochine, aux Philippines, en Angola, au Kenya etc... Dans le même temps transformation des plantations en entreprises agricoles ou agroindustrielles hautement capitalistes. Plantation est, selon Manuel Moreno Fraginals, une unité vouée à production d'une seule matière première agricole, ou d'origine agricole, destinée à l'exportation. De fait repose sur exploitation de conditions naturelles favorables, terres à faible prix et surtout main d'oeuvre à bas prix, travailleurs serviles ou sous contrat. Plantation est lieu de production, mais aussi une microsociété avec expression des contrastes et contradictions des sociétés coloniales. Révolution industrielle dans les sucreries Sucreries reposent sur association sur une même propriété des terres consacrées à la canne, de l' « engin à sucre » (moulin, chaudière etc...), de l' « atelier » (équipes chargées de la fabrication de la canne à sucre), de la maison du maître, des cases des esclaves ou ouvriers agricoles, des bêtes de somme etc... A partir des années 1840 développement des « usines centrales » et des raffineries mécanisées. Améliorer production de sucre est impératif pour faire face à concurrence de sucre de betterave d'Europe. Peu à peu séparation entre récolte de canne et fabrication de sucre. Usines centrales nécessitent lourds investissements donc entrée de nouveaux venus dans cercle fermé des aristocrates du sucre. Introduction du capitalisme et des sociétés anonymes chez les Békés et les planteurs. Sucreries traditionnelles tendent à disparaître ou se reconvertir dans la distillerie de rhums. De fait en Martinique présence de 564 sucreries en 1869 et plus que 423 en 1882. Développement des usines va de pair avec électrification et développement du chemin de fer. Souvent l'usine centrale domine ensemble d'économie des alentours en possédant le grand magasin local, l'hôtel, les logements des ouvriers, le casino et le bordel. Transformations plus ou moins perceptibles dans ensemble des régions fabricant du sucre de canne, notamment Java ou le Natal. Les plantations, piliers de la « mise en valeur » Hollandais et Britanniques plus dynamiques pour moderniser plantations e diversifier production. Autorités coloniales et impériales s'appuient sur jardins botaniques pour acclimater plantes et choisir variétés les mieux adaptées localement. Possibilité également d'étudier à l'étranger et rapporter des semences, parfois par vol. Exemple de Robert Fortune qui étudie thé en Chine entre 1842 et 1845. Importance du caoutchouc à partir de dernier quart du XIXème siècle puisque demande croît en Europe et Amérique du Nord avec développement d'automobile, cyclisme, pneumatiques etc... A origine caoutchouc est « produit de cueillette » avec Amazonie brésilienne et Congo belge comme principaux producteurs et exportateurs. Implantations d'hévéa à Ceylan et vers 1900 début de bonne production à Ceylan et en Malaisie. Avant 1914 fédération devient premier producteur mondial. Présence d'hévéa également à Sumatra, Java, en Birmanie, Nouvelle-Guinée. Présence d'hévéas près de Saigon, en Indochine, à partir de 1898, mais bonne production uniquement à partir de 1915. A partir de 1926 Vietnam devient 3ème producteur mondial. La société des plantations : planteurs et main d'oeuvre Plantations sont monde cosmopolite et hétérogène tant parmi planteurs que millions de travailleurs. Nombreux domaines sont propriétés de sociétés anonymes, entreprises, banques avec à la tête des employés. A Sumatra capitaux 108 viennent de Singapour, mais aussi de Français, Belges et Britanniques pour caoutchouc, palmiers, huile et thé. Au Bengale et Assam plantations de thé appartiennent à Britanniques (30 Indiennes contre 650 Britanniques en 1911). Sujets coloniaux y participent et pas que comme prolétariat agricole. De fait ils dominent certains secteurs et amassent parfois grosses fortunes. Cas du Nigeria, Sénégal, Ouganda, Gold Coast et Côte d'Ivoire. A différence des plantations européennes exploitations indigènes recourent à main d'oeuvre locale ou migrants venus de territoires voisins. Plantations européennes sont une des principales causes des flux de travailleurs, notamment coolies chinois à Cuba, Indiens dans plantations de canne à sucre du Natal, Tamouls et Chinois en Malaisie, Javanais à Sumatra etc... Conditions de vie très souvent misérables. Exemple de plantations d'hévéas en Malaisie où travailleurs logés dans baraquements insalubres, sans sanitaires et promiscuité. Importance de prolifération d'opium, alcool et maladies vénériennes. Dans années 1920 mise en place de mesures d'amélioration de conditions par administration et mortalité recule. Plantation entre 1850 et 1950 perd peu à peu attributs aristocratiques et néoféodaux à part dans imagerie pour devenir expression de capitalisme sous les tropiques. 109 Le port Ports jouent rôle crucial dans processus de colonisation et d'exploitation. Parfois développés à partir des comptoirs ou factories hérités de période précédente, deviennent instruments essentiels d'intégration des colonies dans circuits économiques impériaux. A partir des villes s'effectuent prise en main et réorganisation des arrière-pays. Cité portuaire s'impose comme capitale coloniale par excellence. Exemples d'Alger, Dakar, Calcutta ou Batavia (actuelle Jakarta, Indes néerlandaises). Sont lieux principaux d'implantation des communautés européennes attirant marchands et marins venus de lieux différents, ports coloniaux rassemblent sociétés urbaines complexes, lieux de cohabitation et de ségrégation entre populations très diverses. Ports sont aussi espace de formation de nouveaux groupes sociaux (bourgeoisie d'indigènes et prolétariat urbain, dockers). Un rôle militaire Ports jouèrent rôle important dans conquête des territoires coloniaux. Exemple d'Haiphong qui sert de point de débarquement au corps expéditionnaire français. De même port de Lagos est base arrière de conquête britannique. Rôle militaire des ports ne s'arrête pas avec achèvement de conquête puisque implantation d'arsenaux et orchestration de mobilisation militaire dans les colonies. Exemple de Bombay avec rôle capital de base arrière dans front mésopotamien de Première Guerre mondiale. Les points névralgiques du commerce impérial Processus de colonisation bouleverse les circuits d'échange préexistants au profit de certaines grandes villes portuaires. Exemple d'Afrique noire où colonisation entraîne déclin de villes au terminus de commerce transsaharien comme Gao. Destins des comptoirs africains liés aux évolutions du commerce colonial. Ports négriers tels que Gorée ou Porto-Novo sont délaissés après fin d'esclavage alors que ports dédiés à commerce avec Asie, Mombasa ou Zanzibar, connaissent fort dynamisme. Avènement de domination coloniale entraîna création de nouvelles cités, essentiellement des ports maritimes (Dakar, Conakry, Pointe-Noire etc...) ou fluviaux (Kaolak au Sénégal ou Coquilhatville au Congo belge). Dans tous les cas importance de forte croissance de ces fondations. Exemple de Dakar, créée en 1857, qui compte 100.000 habitants en 1936 et 230.000 en 1951. Cités portuaires concentrent essentiel des grands travaux d'infrastructures. De fait routes et chemins de fer sont destinés à les reliés à leur arrière-pays. Exemple d'ensemble de réseau ferroviaire d'Indochine qui convergeait vers Haiphong et Saigon. Importance des travaux entrepris pour adapter installations à mutations des échanges maritimes, notamment accueil des bateaux à vapeur puis aux cargos. Au départ infrastructures à charge du secteur privé, mais très vite prise en main par secteur public. Importance des investissements du fait de rôle capital dans économie impériale (économie de traite notamment). Expansion des échanges s'accompagna d'industrialisation limitée et le plus souvent ports sont cantonnés à rôle commercial. Certains ports coloniaux, Porto Grande sur l'île de San Vicente ou Hong Kong, situés sur des îles doivent expansion à situation géographique et rôle d'entrepôt pour réparation et ravitaillement en charbon des bateaux à vapeur. Développement de Singapour grâce à statut de port franc et entrepôt d'Asie du Sud-Est pour caoutchouc et riz. Des sociétés urbaines complexes Ports furent principal lieu d'implantation des communautés européennes dans colonies. Exemples de Rabat et Casablanca où Européens sont 1/3 de population. Européens sont composés de marchands et leurs employés puis, suite à prise en main des territoires, de nombre croissant d'administrateurs coloniaux ainsi que travailleurs blancs amenés par développement des infrastructures de transport et industries (conducteurs de locomotives, marins, contremaîtres etc...). Demeure qu'Européens étaient minoritaires dans population totale des ports, notamment 7% à Batavia en 1930 ou 3% à 110 Calcutta en 1900. Essor de commerce a attiré nombreuses communautés de marchands, locaux ou étrangers, intermédiaires indispensables pour Occidentaux dans désir de se procurer des matières premières et écouler les marchandises à l'intérieur. Exemple de dynamisme de Singapour notamment grâce à installation des commerçants chinois et Chettiar. Groupes de marchands donnèrent parfois naissance à bourgeoises locales avec emprise forte sur les villes et leurs institutions. Essentiel de main d'oeuvre des ports est non-européenne, mais pas forcément homogène puisqu'Européens firent appel à populations étrangères pour certains travaux. Phénomène important dans grandes villes portuaires d'Asie du Sud-Est, notamment Kuala Lumpur (75% de Chinois en 1901 puis 62% en 1931). Contacts très limités entre les différents groupes urbains. De fait mise en place de politiques de ségrégation plus ou moins clairement affichées selon espaces. Exemple de Singapour où Britanniques cherchèrent à délimiter des quartiers résidentiels destinés à chacun des groupes (Chinois, Indiens hindous, Malais musulmans etc...) tandis qu'Européens étaient regroupés dans centre. Même dans espaces où habitat mêlé, grands ports indiens par exemple, marchands européens disposent de lieux de sociabilité exclusifs longtemps fermés aux élites non-européennes. Marins et dockers étaient massés dans quartiers proches des quais. Existence de contrats, 6 mois ou un 1 an, pour marins indiens, forte précarité de travail des dockers. De fait nombreux contrats journaliers, comme à Bombay où 70% des dockers sont journaliers en 1920. Logement des marins indiens en attente d'engagement selon origines régionales dans pensions appelés deras (travailleurs du Nord-Ouest) ou lattis pour les Konkanis. Groupes de travailleurs connurent formes d'organisation qui se matérialisèrent par grèves, comme grève générale des dockers de Mombasa au Kenya en 1947. Au Mozambique organisation des dockers de Lourenço-Marques et luttes sporadiques. Enfin, ports furent haut lieu d'exploitation sexuelle des femmes. Présence de nombreux bordels, mais aussi certaines villes jouent rôle crucial dans organisation des filières de prostitution. Exemple de Singapour où recrutement pour les bordels de la ville de femmes de Canton et Shanghai. 111 La mine Exploitation des richesses minières préexistait à arrivée des Européens, mais sous colonisation apport de techniques et capitaux porte extraction à autre échelle jusqu'à devenir dans certains espaces, Congo belge ou Afrique australe par exemple, le fondement des économies coloniales. Essor d'industrie minière entraîne profondes mutations dans sociétés locales avec sortie de terre de villes-champignons et importants besoins de main d'oeuvre conduisent à mise en place de système de recrutement et de contrôle social très répressif. Mine fut un des principaux instruments de prolétarisation des peuples colonisés. De la prospection à l'industrie Imaginaire européen nourri de légendes des richesses des sous-sols africains et asiatiques. Afrique de l'Ouest suscite fortes convoitises au XIXème siècle avec or et diamants de Gold Coast, étain du Nigeria. Importance également des ressources d'Afrique australe puisque présence d'or et diamants en Afrique du Sud, diamants et cuivre au Congo belge. Exemple des mines sud-africaines qui, en 1914, fournissent 40% d'or mondial et 70% des diamants. Essor d'industrialisation pousse également à mise en exploitation des mines de charbon, notamment au Tonkin avec exportations vers Chine et Japon ou bassin houiller indien de Raniganj à cheval sur Bihar et Bengale. Au départ extraction faite par particuliers et petites entreprises, mais très vite passe sous contrôle de grandes compagnies capitalistes en mesure d'assumer investissements en équipement. Exemple de Gold Coast où présence de 476 exploitations orpailleuses en 1880 et plus que 13 en 1904. Concentration entre mains de grandes compagnies capitalistes d'exploitation minière mène à marginalisation des populations indigènes qui parfois, comme à Kimberley en Afrique du Sud, peuvent garder petites concessions dans mine la moins rentable. Mines créent également de fortes tensions entre colons. Cas des capitalistes britanniques, possesseurs de 60 à 80% des mines, en Afrique du Sud à la fin des années 1890 qui critiquent politique économique d'Etat du Transvaal dirigé par des Boers. Les villes minières, des villes-champignons Mise en exploitation massive des ressources minières entraîna apparition de villes-champignons. Ces villes connurent croissance démographique soutenue. Exemple du Kolar Gold Field dans l'Etat princier de Mysore qui comptait 24.000 habitants en 1891 et environ 135.000 en 1941. Certaines de ces villes, notamment lors d'absence de grande ville à proximité, atteignirent rôle de grande ville avec fonctions diversifiées. Exemple de Johannesburg. Lors de découverte d'or en 1886 essentiellement camp de mineurs puis forte croissance et environ 240.000 habitants avec construction en dur, industrie de l'or, mais aussi diversification avant Première Guerre mondiale. En 1936 ville compte plus de 500.000 habitants avec secteur tertiaire. Essor de cités minières modifie profondément campagnes environnantes. De fait constructions importantes d'ifrastructures de desserte (routes, voies ferrées), de chauffage ainsi que pourvoi aux besoins alimentaires des nouvelles populations. Recruter et discipliner la main d'oeuvre Mise en valeur des mines nécessite main d'oeuvre nombreuse. Dans colonies peuplées comme Inde pas de problème et mineurs recrutés par contrat, par biais d'intermédiaires indiens, et migrations vers mines se fait en famille. En Afrique manque de main d'oeuvre contraint à mise en place de mesures coercitives contre populations africaines et mise en place de système de migrations de main d'oeuvre à grande échelle. Afrique du Sud eut recours au pass pour contraindre ses populations indigènes au travail salarié et en 1900 création de la Witwatersrand Native Labour Association (WNLA) avec mission de recruter mineurs notamment par biais de contrats avec autorités portugaises du Mozambique. Dès 1901 monopole du recrutement en Mozambique pour la WNLA.En 1906 mineurs mozambicains représentaient 65% de main 112 d'oeuvre des mines d'or sud-africaines puis 31,5% en 1946. Importation de coolies chinois à partir de début XXème siècle a pour but de faire baisser les salaires des autres mineurs. Existence de fortes hiérarchies au sein des populations main d'oeuvre, cette hiérarchie instrumentalisant les divisions « raciales ». Grande majorité des travailleurs qualifiés (ingénieurs, contremaîtres etc...) étaient Blancs, au départ en provenance d'Angleterre puis progressivement de population blanche locale. Apparition de prolétariat blanc poussa renforcement et systématisation de discrimination en Afrique du Sud. Mise en place de politiques de discrimination par les compagnies dès fin XIXème siècle pour empêcher unification des travailleurs indigènes et travailleurs Blancs s'unissent et obtiennent droits politiques en 1910 et en 1924 la réservation de certains postes. Même logique de distinction en Indochine avec Vietnamiens souvent manoeuvres alors que Chinois sont souvent les ouvriers qualifiés. De même en Tunisie avec recrutement de travailleurs au Maroc et en Tripolitaine. Travailleurs les moins qualifiés subissaient des conditions de travail très dures. Exemple de mines du Kolar Gold Field où mineurs travaillent à 2.500 mètres de profondeur avec température moyenne de 55°C. Galeries ne possèderont ventilation qu'à partir de 1936. En Afrique du Sud morts relativement peu élevées, mais accidents fréquents. Salaires bas et obligation pour travailleurs d'habiter dans cabanes de bambou à proximité de mine. Très peu de constructions en dur, environ 100 sur 10.500 dans mines du Kolar Gold Field. Volonté de contrôle de main d'oeuvre et conceptions racistes mène à instauration de mesures dans cadre de système social coercitif. De fait criminalisation d'ensemble de main d'oeuvre. Exemple d'introduction de fouille à nu quotidienne des travailleurs africains à sortie de mine tandis que mineurs blancs pouvaient garder vêtements. Même dispositif de criminalisation avec le Mysore Mining Act en 1897, sauf interdiction de fouilles à nu, mais mise en place de punitions sévères. Importance de caractère répressif de système mis en place en Afrique du Sud puisque vers milieu années 1880 mise en place de quartiers fermés avec ensemble des travailleurs africains, les compounds, par les compagnies. A partir de 1923 légalisation de pratique avec possibilité pour autorités locales de confiner ensemble des Africains (plus seulement mineurs, dans des lotissements spécifiques, les townships. Malgré contrôle social développement de multiples résistances, que ce soit fuite ou mise en place de mouvements collectifs. Exemple de mouvement de protestation à Kimberley suite à instauration des compounds, mis à bas grâce à briseurs de grève. De même dans mines du Kolar Gold Field protestation victorieuse après imposition d'identification des empreintes digitales en 1930. Enfin, en Tunisie grève générale des mineurs de Gafsa réprimée dans sang, mais ce seront premiers travailleurs à obtenir droits sociaux. 113 La station d'altitude Stations d'altitude sont villes dédiées au repos et aux soins des Européens sous les tropiques. Importance de Baguio aux Philippines, Simla en Inde, Dalat en Indochine ou Camp Jacob en Guadeloupe. Ces lieux sont conçus comme enclaves blanches en territoire colonial, mais côtoiement de familles blanches avec enfants et d'importante domesticité indigène. Fonctionnement de ces sociétés coloniales artificielles révèle société idéale du colonisateur et prégnance des barrières raciales. Du sanatorium militaire à la station d'altitude La hantise du climat tropical : Hantise des climats chauds est à origine de fabrication des enclaves d'altitude dans les colonies. Idée que colonies sont milieux hostiles sanitairement du fait de nombreuses maladies liées à forte chaleur, mais aussi à vie dissolue des colonisateurs là-bas et de proximité avec colonisés. Pour lutter contre cela nécessité d'extraction des colonisateurs de ce milieu avec idée que reproduction de conditions européennes permettent de lutter contre pathologies physiques et morales des colonies. Centre de soin, centre de loisirs et capitale politique : Nombreuses stations d'altitude sont au départ des sanatoriums militaires ou des lieux de repos pour officiers, mais elles sont rapidement investies par civils. Exemple de station de Nuwara Eliya au départ sanatorium militaire et arrivée de civils à partir des années 1870. Augmentation d'attractivité de lieu par construction de route puis chemin de fer. Dans Empire britannique suite aux révoltes de 1857 stations d'altitude considérées comme refuges et sont capitales d'été des fonctionnaires du Raj à partir des années 1860. Exemple de gouvernement de Madras qui passe 6 mois/an à Ootacamund. De même pour quartiers généraux des armées à la même période. Fort mécontentement des indigènes et critiques des nationalistes indiens dans l'entre-deux-guerres. Villes blanches et théâtre colonial Paysages artificiels : Paysage et architecture des stations expriment volonté de créer un environnement spécifique. De même importance du choix des lieux. Centres d'estivage militaires sont aménagés pour forger paysages qui rappellent ceux des métropoles. Exemple des Britanniques qui créent jardins où poussent fruits européens à Penang en Malaisie britannique. Architecture est articulée autour de souvenir de métropole. Existence de plans d'urbanisme dans certaines stations, notamment Antsirabé à Madagascar ou Dalat en Indochine, et importance de ségrégation au sein des plans puisque prévision d'organisation de villages indigènes autour de ville ainsi que de quartiers ethniques au sein de ville de Dalat. Se sentir chez soi : Difficultés et coûts de retour en métropole pour fonctionnaires expliquent volonté de recréer petites patries dans les colonies. Environnement urbain et naturel des stations tend à vouloir recréer univers familier, ainsi que de reproduire formes de sociabilité métropolitaine (églises, écoles chrétiennes, champs de courses etc...). Volonté de faire de ces lieux des conservatoires des structures sociales qui garantissent cohésion de communauté blanche. Stations participent à création des identités coloniales en montrant différence entre colonisateurs et colonisés. Dans colonies françaises exclusion des indigènes ou réservation de sources à part des Blancs. Une nurserie coloniale ? : Importance de concentration exceptionnelle de femmes et d'enfants dans stations d'altitude donc idée que ce sont lieux stratégiques pour reproduction des familles et des valeurs éducatives et domestiques d'Angleterre victorienne. De fait dans station d'Ootacamund femmes sont 40% de population en 1901 et 53% en 1921. Recherche des bienfaits d'air pur pour jeunes enfants et alternative intéressante à métropole pour parents ne pouvant pas y envoyer leurs enfants. Par conséquent développement d'écoles, notamment avec ouverture de lycée à Dalat en 1927. Parfois possibilité pour enfant d'élite colonisée d'accéder à ces écoles, notamment dans cas de Dalat dès 1934. Concentration de femmes fait que réputation des stations d'altitude comme lieux de rencontre pour faire beaux mariages. 114 L'enclave : de la ségrégation à l'indigénisation Ségrégation spatiale : Stations sont lieux où ségrégation est la plus manifeste dans l'espace. Organisation de station peut être lue comme métaphore de ce qui se passe à échelle de colonie. Sites d'altitude favorisent organisation urbaine étagée avec riches sur les hauteurs et travailleurs pauvres dans les villages bas. Dénivellation naturelle favorise cloisonnement racial, voire même invisibilité des sociétés indigènes dans stations himalayennes. Néanmoins, paradoxe puisque nécessité d'importante main d'oeuvre indigène, apportée pour construction des infrastructures et travaux quotidiens (portage des Européens etc...) ainsi que résidents de base. Préoccupation des conditions de logement et de surpopulation des villages indigènes de la part des autorités puisque'existence et diffusion d'épidémies ébranle raison d'être de station. Exemple d'Ootacamund où destruction du bazar principal après peste de 1903 et relogement des populations plus loin du centre européen. L'indigénisation des stations : Très tôt en Inde puis un peu plus tard dans les autres empires, élites colonisées peuvent accéder aux stations. Exemple de seigneur de Mysore qui s'achète une propriété à Ootacamund en 1873. Au départ touche d'exotisme acceptée du fait de valeurs aristocratiques partagées, mais emprise foncière des princes tend à exacerber les crispations. Par conséquent mise en place d'interdictions pour limiter arrivée des princes, notamment avec interdiction pour princes d'Etats autonomes d'acheter des terres en territoire britannique. Néanmoins, possibilité pour nobles indiens du Raj de venir s'installer. Très souvent volonté de la part des princes d'approcher les sphères de pouvoir et d'asseoir standing. De même en Indochine avec présence de riches vietnamiens, dont empereur Bao-Dai, ainsi que riches touristes asiatiques à station de Dalat. « Indianisation » parallèle avec désaffection progressive de nombreux sites d'altitude par les Européens. De fait fin d'usage colonial des stations d'altitude commence dès années 1930. 115 Lieux de soins : hôpitaux et dispensaires Médecine l'occidentale tend à s'organiser dans cadre de visites à domicile et hôpitaux. Dans colonies hôpitaux militaires ou de marine sont dans villes et d'abord pour Européens (soldats, marins, civils) pour soigner les « colonialites » à l'instar des stations d'altitude. Hôpitaux sont parfois ouverts aux indigènes, mais souvent pour eux dispensaires missionnaires sont seules structures d'accueil. En même temps que système de santé publique, mise en place de lieux de soins et volonté d'autorités coloniales d'y attirer plus de gens possible. Lieux de soins, lieux de mission : Jusqu'à fin XIXème siècle médecins missionnaires pratiquent dans locaux de mission ou louent bâtiments non prévus pour cela. Progressivement établissement de bâtiments spécifiques. Dispensaire et hôpital de mission sont considérés comme « aimants ». Hôpitaux militaires peuvent accueillir indigènes, notamment en Algérie, mais ceux-ci répugnent à se faire soignés dans hôpitaux français. En réponse à cela volonté de mise en place de structures destinées aux indigènes avec respect de religion musulmane. Début d'expérience en 1874 avec monseigneur Lavigerie puis poursuivie par gouvernement Cambon durant années 1890 avec ouverture d'hôpitaux indigènes dans sud d'Algérie et Kabylie. Après Deuxième Guerre mondiale agrandissement des hôpitaux de mission et traitements de plus en plus impersonnels et techniques. Seules les léproseries sont encore véritablement missionnaires. Combiner hôpitaux et dispensaires pour assister les indigènes : Fin XIXème structuration de prise en charge de santé des populations indigènes notamment dans empire français dans cadre d'Assistance Médicale aux Indigènes. De fait en Algérie multiplication des infirmière indigènes avec 14 en 1903 et ceux-ci sont transformés en hôpitaux indigènes durant les années 1920. Dans reste d'empire français organisation sanitaire repose sur répartition de lieux de soins établie d'après découpage politique et administratif existant. Au départ installations sommaires (postes de secours etc...) puis peu à peu des établissements de mieux en mieux équipés, notamment hôpitaux avec nécessairement maternité, salle d'opération, laboratoire ainsi que services spécialisés, outre cuisine et buanderie. Populations indigènes refusent hospitalisation puisque coupure avec leurs familles et laisse corps sous regard médical étranger. Préfèrent dispensaire car soins plus rapides, mais aussi plus sommaires. Indigènes sont admis dans services ou pavillons particuliers dans hôpitaux. Dans grandes capitales, notamment Dakar en 1912 ou Tananarive en 1929, construction d'un second hôpital pour eux. Mise en place de formations de type hospitalier dans chefs-lieux de cercle ou de subdivision. Néanmoins, durant années 1930 inspection et nombreux postes d'assistance ne possèdent pas maternité, dispensaire et « case d'hospitalisation ». De même bâtiments souvent en mauvais état. Mise en place de travaux de remise en état durant années 1930. La densification de la couverture médicale : Néanmoins, AMI met peu à peu en place un système extensif de soins. En 1905 présence en AOF de 3 hôpitaux et quelques infirmeries et en 1945 9 hôpitaux et 852 formations médicales. En Indochine multiplication des hôpitaux, infirmeries, cliniques, dispensaires, postes d'assistance, maternité et laboratoires de bactériologie en accord avec Institut Pasteur. En Afrique Orientale Britannique uniquement à partir des années 1920 que mise en place de nombreux dispensaires ruraux autour d'un hôpital central. Exemple du Kenya en 1932 où présence de 17 hôpitaux permanents et 10 temporaires ainsi que 77 dispensaires permanents et 30 temporaires. Amélioration de couverture médicale sans que accès aux soins soit égal pour toutes populations dans tous les territoires. De fait au Nigéria 12 hôpitaux pour 4.000 Européens alors que 52 hôpitaux pour 40 millions d'Africains. De même en Indochine grande disparité territoriale, notamment entre villes et campagnes et entre Vietnam et Laos et Cambodge, souséquipés. Quelle spécificité des hôpitaux dans les colonies ? : Hôpitaux dans colonies sont souvent baraques en bois pendant période de conquête, mais aussi, comme en Algérie, que bâtiments existants (palais, mosquées) soient aménagés en hôpitaux. Dans empire français hôpitaux sont souvent structure pavillonnaire entourés de jardins. Hôpitaux dans zones tropicales plutôt des bâtiments surélevés pour éviter humidité du sol ainsi que grandes et hautes salles aérées. Matériaux utilisés dépendent de région. Volonté de recherche architecturale pour hôpitaux des capitales et des grandes villes, notamment hôpital Grall de Saigon. L'extension des consultations pour femmes : Action particulière menée vers femmes. Exemple de Frances Hoggan qui, avec appui de National Indian Association, lève fonds pour construction d'hôpital pour femmes au cours des années 116 1880. De même volonté de pouvoir de permettre à provinces indiennes de disposer d'écoles d'accouchement, maternités, écoles pour garde-malades et d'écoles de médecine pour femmes. En 1896 existence en Inde de 133 hôpitaux dont personnel est strictement féminin et partiellement indigène. En Indochine maternités et autres lieux d'accouchement sont seule manifestation d'AMI en zone rurale. Congo belge met en place réseau de centres de consultation maternelle et infantile (consultations prénatales, maternités, écoles de sages-femmes, orphelinats etc...) sans équivalent dans Afrique coloniale sub-saharienne. En 1938 gouvernement subventionne 262 centres de consultation infantile et création par nombreuses compagnies privées (Union minière, Huilever etc...). En 1956 existence de 884 centres de consultation qui permettent de toucher 1/3 des enfants 0-2 ans. 117 La prison Aux colonies administration de punition inclut châtiments corporels, parfois légalisés, mais contrairement à ce que dit Foucault, implantation du système carcéral n'est pas totalement accompagné par implantation des autres « appareils disciplinaires » (armée, usines et hôpitaux) donc domination coloniale repose d'abord sur coercition. Une greffe du colonisateur L'enfermement comme peine : Recherches sur formes de répression pénale dans sociétés précoloniales imparfaite, mais dans nombreux cas ignorance de peine d'incarcération. Existence d'enfermement, notamment dans sociétés esclavagistes, mais pas pour punir crimes et délits et ne résultait pas de sentence prononcée par tribunal. Argument d'amélioration des conditions d'exécution de justice pénale par colonisateur, mais pratiques concrètes de colonisateur (peines de mort exécutées en public pour exemplarité, pérennisation des châtiments corporels etc...) vient en contradiction avec discours. Développement de systèmes pénitentiaires accompagne implantation de systèmes judiciaires où importance de détention. L'incarcération de proximité comme trait marquant : Pas idée de reproduire systèmes carcéraux européens puisque répression pénale aux colonies ne passe qu'en partie par justice, l'autre partie étant par administrateurs avec peines d'amendes. Dans empire français utilisation du régime de l'indigénat et cette forme de répression elle la plus pratiquée pour punir refus de payer impôt, refus de convocation aux corvées et réquisitions. Par conséquent punition coloniale est avant punition de proximité. Systèmes carcéraux coloniaux sont très décentralisés avec présence de lieux d'enfermement jusque dans villages, la geôle municipale. A partir de 1937 mise en place de prisons de cercle en Guinée française. Très peu de bâtiments carcéraux sont en dur, uniquement prison de Conakry et de Fotoba en Guinée française. Du fait de ce système très décentralisé importance numérique des condamnés, environ 10% de population masculine au Congo belge avant Deuxième Guerre mondiale. A pratique quotidienne s'ajoute incarcérations massives suite à répressions avec réquisition de lieux d'enfermement temporaires, notamment à Bombay durant entre-deux-guerres. Des lieux de châtiment... Un régime des plus durs : Administration coloniale pensée comme administration à moindre frais donc prisons aux conditions de vie difficiles. Tout ceux qui voulaient réformer système carcéral se voyaient opposés contraintes budgétaires. Présence dortoirs collectifs surpeuplés avec présence de nattes à même le sol. Installations sanitaires et soins médicaux quasi inexistants. Importance de surpopulation carcérale avec à Dakar jusqu'en 1938 400 à 450 détenus pour 200 places. Installation de système d'eaux usées uniquement à partir de 1924 et latrines dans dortoirs comme sources d'infections. Importance de dysentrie, choléra, malaria en Inde parmi détenus. Une mise au travail profitable : Travail des détenus non pour réhabilitation morale, mais pour motifs uniquement économiques, volonté de profiter de main-d'oeuvre carcérale pour colonisation. Exemple des détenus de centrale de Cnoakry en Guinée française qui ont participé à construction de voie ferrée Conakry-Niger à côté des travailleurs forcés. Importance d'emplois de détenus en Afrique. Travail des détenus permettait d'alimenter budgets pénitentiaires et possibilité de location de main-d’œuvre pour particuliers. En Inde emploi de détenus sur chantiers extérieurs pas privilégié pour raisons de sécurité (craintes d'évasion), mais développement de fabriques au sein des prisons par les Britanniques avec spécialisation selon les établissements (sac de jutte à Calcutta, travail de laine à Agra etc...). Toutefois, recours à travailleurs pénitentiers pas toujours bien vus, notamment par entrepreneurs qui se plaignent de concurrence au début du XXème siècle en Inde. De même en Algérie refus de travail extérieur des détenus algériens à partir des années 1890 puisque démonstration que travail souvent mauvais. La discrimination, jusque dans l'enfermement : Etat matériel des prisons fait que souvent ensemble des détenus sont ensembles même lorsque séparation en catégories distinctes (hommes/femmes, mineurs/majeurs etc...) est une règle 118 établie. Souvent, notamment au Sénégal, femmes incarcérées font tâches domestiques au sein de prisons et mineurs relèvent d'établissements spécifiques avec rééducation par travail agricole. Importance de reproduction de colour bar d'ensemble de société coloniale au sein des prisons. Exemple de prison de Conakry où détenus Blancs sont en attente de jugement et si condamnés ils font peine de prison en métropole. Dans cas de travaux forcés Blancs sont envoyés en Guyane alors que Noirs à Fotoba. Traitement différencié entre vagabonds européens et indigènes dans empires français et anglais. Exemple en Inde avec établissements spéciaux pour vagabonds européens. De même en Algérie avec soumission des vagabonds indigènes à régime d'indigénat alors que pas pour les Européens. … et des lieux de lutte Des microsociétés ayant leur vie propre ? : Recrutement des gardiens au sein des détenus étaient source de violence interne à société carcérale. Existence de rapport de force dont administration coloniale ne se souciait. En Inde si grande importance de contrôle de prisons par prisonniers que prisons étaient hors de contrôle des autorités coloniales. Permanence de hiérarchie des castes au sein de prison en Inde. En Indochine recrutement des gardiens parmi anciens détenus, souvent communistes, fait qu'aide à prise de conscience nationale et politique. Les politiques en prison : Importance des politiques parmi détenus comme trait spécifique des prisons coloniales. Répressions des résistances (soulèvements, mobilisations de masse, démantèlement d'associations ou de partis) comprenaient toujours un volet judiciaire. Pour lettrés et leaders politiques enfermement en prison est occasion d'écriture, notamment Gandhi avec autobiographie au cours d'emprisonnement durant les années 1920. Pour parti communiste indochinois prisons sont utilisées comme lieux de formation politique. 119 Bombay « L'Urbs prima in Indis », un centre du système impérial Expansion des intérêts impérialistes d'Angleterre a requis mise en place de système de domination serré dont villes, notamment ports, sont relais privilégiés. Bombay bon exemple de concentration des fonctions de commandement, économiquement ou politiquement. A partir de 1818 Bombay est capitale de présidence avec présence des institutions de gouvernement à échelle régionale, gouverneur et conseil puis, suite à réformes du début XXème siècle, conseil législatif provincial et ministres ainsi qu'instances judiciaires les plus hautes, notamment High Court. En 1850 importance de Bombay comme port. Au cours de seconde moitié du XIXème siècle renforcement de rôle dans commerce impérial et devient premier port pour importations. De ce fait ville se dote de structures commerciales adaptées. Progressivement éviction des commerçants indiens du commerce du coton donc ceux-ci ouvrent manufactures et Bombay connait développement industriel important à partir des années 1850. En 1910 présence de 263 usines et 260.000 ouvriers. 2/3 des capitaux des usines appartenaient à élites indigènes. Essor commercial et industriel accompagné de croissance démographique soutenue. En 1864 800.000 habitants, plus d'1 million en 1911 et plus de 3 millions en 1948. Croissance démographique grâce à flux migratoire, notamment hommes seuls. Les transformations urbaines : faire de Bombay une grande métropole industrielle Volonté de transformer Bombay en grande métropole industrielle donc priorité accordée aux transports. Travaux de poldérisation et de création de docks d'abord aux compagnies privées puis à agence sous contrôle colonial. Ville bénéficie d'ouverture des premières voies ferrées indiennes à partir de 1853 ce qui affermit relation de ville avec son arrière-pays et relie ville à Deccan, zone de production de coton, et Gujarat, lieu de concentration des riches commerçants indiens. A partir des années 1860 remodelement de coeur commercial et politique de ville avec destruction des remparts en 1864. Importance des aménagements dans sud et est de Bombay, partie des élites, alors qu'aucun contrôle pour développement des faubourgs au nord qui se taudifient rapidement. De même forte densification des quartiers anciens. Dans l'ensemble détérioration des conditions sanitaires et peste de 1896. Suite à cela volonté de construction de logements salubres pour plus démunis, mais jamais effectué. En 1918 ville compte 17.000 logements de moins qu'à l'époque de peste du fait de destructions non remplacées. Uniquement à partir des grèves de 1919-1920 politique de construction de logements des travailleurs. Ces constructions sont exceptions dans colonies britanniques, hormis colonies blanches. Des puissantes élites urbaines indiennes Idée que ville coloniale est espace duel avec ségrégation colonisateur/colonisé pas opératoire pour Bombay. De fait forte présence dans ville d'élite indienne riche, notamment les Tata. Partage de quartiers européens avec riches Indiens, mais aussi délégation de partie du pouvoir local aux élites indiennes, au sein de la Bombay Municipal Corporation, pour que Britanniques n'aient pas à payer administration courante. Néanmoins, existence d'un droit de regard des Britanniques. Elites urbaines ont fortement contribué à construction de ville, avec notamment fontaines, bibliothèques, hôpitaux etc... Suivi par les élites indiennes des tendances architecturales européennes, notamment art-déco durant les années 1930, pour revendiquer modernité industrielle et l'opposer à néogothique colonial. Un haut lieu des mobilisations sociales et politiques Importance de Bombay dans mobilisations antibritanniques. En 1908 suite à arrestation et condamnation de nationaliste Tilak, grève massive des ouvriers du textile réprimée dans le sang. De même fort suivi pour campagnes 120 lancées par Gandhi. Importance des succès électoraux des nationalistes à Bombay. A partir du début du XXème siècle existence d'une assemblée municipale élue. Corps électoral par la suite élargi en 1922 à tous le hommes payant loyer de plu de 10 roupies. A partir des années 1930 contrôle d'assemblée municipale par nationalistes. Importance de soutien des petits marchands à Bombay, notamment ceux de communauté gujaratie, boutiquiers et artisans ainsi que professions libérales. Rapprochement des élites marchandes indiennes du Congrès pour obtenir concessions fiscales et douanières. Enfin, Bombay est lieu de mobilisations ouvrières précoces, notamment durant durant années 1880 et durant période 1917-1920, avec environ 200 grèves et 5 grèves générales entre 1919 et 1929. Fondation d'organisations syndicales uniquement à partir de 1923. Avec grève générale de 1928, dirigée par des communistes, rapprochement entre autorités coloniales et patronat de la ville et répression par la loi (interdiction des piquets de grève, des réunions publiques etc...) et par force. Interdiction de Parti communiste en 1934. Alger En 1830 importance de destructions dans Alger qui firent quasiment disparaître ville ottomane. Par la suite ville est mise aux normes françaises sans respect pour édifices sacrés. Importance d'exode urbain après conquête d'Alger. Dans ensemble des villes d'Algérie importance de trace coloniale française, mais cas particulier d'Alger, avec Oran, puisque principal foyer des Français d'Algérie. Une ville française Peupler : Dès 1846 population européenne est majoritaire à Alger, 42.000 sur 61.000 habitants. Cas exceptionnel dans paysage urbain colonial où Européens sont tout le temps minoritaires. De même à Oran. Renversement de tendance uniquement avec indépendance. Groupe des Français comprenait trois catégories : migrants, parfois naturalisés, et descendants essentiellement du sud d'Europe notamment Espagne qui s'arrêtent dans les villes et s'emploient où ouvrent petit commerce ; juifs suite à décret Crémieux de 1870 et militaires et fonctionnaires originaires de métropole et travaillant dans services administratifs centralisés à Alger. Construire : En 1860 Alger déjà dotée de lycée, palais de justice, bibliothèque, hôtel de ville, théâtre etc... Durant décennie suivante construction d'hôtel des postes et du trésor, nouveau lycée, plusieurs sièges d'établissements bancaires ainsi que basilique Notre-Dame d'Afrique. Importance également de développement des transports avec agrandissement de port, aménagement de deux gares et lignes de tramways. En 1903 volonté du gouverneur Jonnart de préserver patrimoine indigène. Durant entre-deux-guerres importance de période de modernisation notamment avec mise en place du tout-à-l'égout, de gaz et d'électricité. A cette époque constitution des premiers bidonvilles. Une grande ville de province ? : Port d'Alger sert d'abord aux échanges avec métropole et prend élan avec ouverture du canal de Suez en 1869. Importance de baisse d'activité lors des deux guerres mondiales. Après 1945 essor et Alger troisième port français. Importance de bibliothèque, du Musée des Beaux-Arts et d'université, fondée en 1909. Très bons niveaux des équipements scolaires, médicaux et paramédicaux algérois avec dotations comparables à Lille, Bordeaux ou Marseille. Possibilité d'emplois dans petites industries de transformation et port ainsi que ses activités connexes (transport, commerce etc...). Durant Deuxième Guerre mondiale Alger est d'abord relais de Vichy avec applications des lois antisémites puis capitale de Résistance à partir de 1942. … enjeu d'une reconquête Une ville à prendre : Essor de population urbaine d'ensemble d'Algérie au cours d'entre-deux-guerres du fait d'exode rural. Toujours faiblesse des Algériens à Alger et Oran, mais majorité à Constantine en 1931. Puisqu'Alger est avant tout lieu majoritairement européen, pas lieu de contestation politique durant années 1920-1930. Mouvements nationalistes sont d'abord nés dans intérieur des terres. Importance de « bataille d'Alger » comme symbole de guerre 121 d'indépendance. Sociabilités algériennes : Algériens d'Alger avaient lieux de sociabilité propres. Importance des clubs sportifs et associations au cours de période 1920-1930. Même si existence de ségrégations contre Algériens, ensemble des garçons algérois étaient scolarisés dans le primaire alors que pourcentage global de scolarisation était de 15%. De même, faible nombre d'Algériens dans le supérieur, mais augmentation avec intégration de filles en 1949. « Un habitat d'Arlequin » : Accroissement de ville s'accompagne de clivage entre Français et Algériens, mais clivage pas aussi net que dans autres villes coloniales. Pas réellement de ligne séparant espace européen et algérien puisque quartiers dominants des deux communautés sont imbriqués. Enchevêtrement des quartiers pas synonyme de mixité puisque séparation nette dans habitat. En 1954 importance des bidonvilles avec dégradation des conditions de vie des Algériens. 122 Urbanisme colonial et sociétés urbaines Du fait d'importantes populations villes sont lieux privilégiés pour observer sociétés coloniales. Toutefois, existence de villes avant colonisation donc plutôt villes en situation coloniale. Existence de villes créées de toutes pièces par colonisateur, mais plupart du temps villes coloniales greffées sur villes existantes. Domination coloniale a profondément modifié villes existantes dans morphologie et composition sociale. Sont aussi lieu des nombreuses expériences et de toutes les ségrégations ainsi que de rencontre, métissage, confrontation sociale, reconfiguration permanente des sociétés coloniales du fait de migrations rurales et surtout de contrôle des populations et d'exclusion. Croissances urbaines en situation coloniale Colonisation correspond à modifications dans hiérarchies urbaines et dans rythmes de croissance. Capitales coloniales, souvent villes portuaires, connaissent croissance accélérée. Dans colonies croissance d'urbanisation concentrée en une seule ville renforcée par grands travaux et aménagements entrepris par pouvoir métropolitain. Exemple de Dakar qui passe de 1.500 habitants en 1875 à 18.000 en 1904. De même pour Le Cap avec 33.000 en 1875 et 78.000 en 1904. Certaines villes sont produit direct des bouleversements induits par économie mondiale. Exemple de Lourenço Marques comme village de 850 habitants en 1855 puis élevé au rang de capitale en 1898 et comme débouché portuaire essentiel pour arrière-pays sud-africain ville compte 68.000 habitants en 1940. En Afrique noire urbanisation importante pendant années 1940-1950. Croissances urbaines liées à augmentations de populations indigène et blanche, mais selon rythmes différents. Colonisateurs s'installent dans villes et sont majoritairement urbains sur ensemble de période coloniale alors que populations colonisées sont essentiellement rurales jusqu'à Deuxième Guerre mondiale. Extension urbaine au prix d'appropriation des terres indigènes soit par achat ou par expropriation. Exemple d'Hanoi où Européens sont propriétaires de 1/2 du sol privé, plus que Vietnamiens alors que 25 fois plus nombreux. Néanmoins, localement élites indigènes ont utiliser stratégies spécifiques pour accaparer foncier, malgré lois du colonisateur. De fait immatriculation obligatoire est prise comme possibilité de se faire reconnaître la possession de terres par les élites douala christianisées. A Lomé certains chefs utilisent position d'autorité pour concession de vastes exploitations. En Inde investissement du foncier par les élites parsies. Accaparement extérieur pas que fait des Européens. Exemple de Bobo Dioulasso, actuel Burkina Faso, où accaparements par populations sénégalaises, guinéenne ou soudanaises. La ville vitrine du pouvoir colonial Ville est aussi résultat d'attention particulière des pouvoirs et aménageurs métropolitains puisque populations blanches sont essentiellement citadines, notamment dans capitales. Idée de faire de ville vitrine du pouvoir colonial en réinvestissant lieux imposants, notamment ancien palais du sultan de Zanzibar occupé par Britanniques, ou en construisant bâtiments et monuments dont architecture est petit paysage de métropole tout en adaptant cela à ce qui est considéré comme goût local ainsi que contraintes climatiques. Importance des mairies, théâtres et grandes postes dans villes coloniales françaises d'Afrique et Indochine. En règle générale bâtiments officiels et militaires rappellent présence coloniale. Imposition coloniale parfois dans plans de villes, notamment avec exemple de Khartoum reconstruite en forme d'Union Jack en 1898. Néanmoins, architecture coloniale ne peut pas être lue comme uniquement une marque de domination coloniale. Existence également d'hybridations entre colonisateur et colonisé dans matériaux de construction ainsi que certaines formes architecturales, notamment remploi de symboles annamites sur bâtiments militaires à Saigon. Plans d'urbanisme permettent de mettre en valeur le caractère réformateur du pouvoir colonial. A partir des années 1910 existence de plans grandioses pour construction de nouvelles capitales, New Delhi ou Pretoria par exemple, ou extension de villes existantes, Tel Aviv durant mandant britannique ou Nairobi. Au Maroc forte présence de Lyauteuy dans projet urbanistique avec volonté de conservation des médinas pour tourisme. De même avec envoi par Mussolini d'architecte pour reconfiguration d'Asmara, en Erythrée, avec 3/4 de ville pour Européens (53.000) et 1/4 pour colonisés (45.000). 123 Ségrégations urbaines Importance de ségrégation urbaine et du fait racial dans villes des colonies. Souvent dans villes coloniales françaises, quartier européen est situé sur un « plateau », donc une position surélevée. L'argument hygiéniste : Argument principal pour justifier ségrégation est hygiène et santé des colons. De fait hygiénisme prend inflexions spéciales en situation coloniale avec logique de discrimination raciale et jugement moral sur les populations colonisées. Au cours des années 1910 écrits ethnographiques japonais insistent sur mauvaise hygiène des Coréens ce qui justifie construction de bains publics. Au Sénégal dans les années 1860 idée que mode de vie africain est propagateur d'épidémies. Toutefois, mesures sans effets réels. Lutte contre épidémies permet également de justifier destruction et isolement. Exemple de Nairobi en 1902 où lors de peste gouverneur fait brûler le marché indien. Volonté d'isoler populations jugées comme dangereuses entraînent d'importantes reconfigurations spatiales. Exemple de Dakar en 1914 où peste permet d'expulser colonisés dans périphérie. Idée également d'isoler les Blancs, notamment dans colonies britanniques d'Afrique où création de quartiers protégés, aérés, souvent situés sur collines. Circulation dans villes est parfois réglementée. Exemple de Saint-Louis où certaines rues sont interdites aux Noirs durant sieste. A Léopoldville interdiction pour les ouvriers de sortir de leurs quartiers la nuit. Habiter en ville : Ségrégation est visible dans habitat et dans densités urbaines, toujours plus fortes dans quartiers indigènes (rapport de 30/1 à Hanoi). Dans villes coloniales question du logement fait ressurgir domination et ségrégation raciale. De fait logement ouvrier doit être peu cher et permettre contrôle des populations. De fait modèle du baraquement, bâtiment long avec plusieurs chambrées de travailleurs, est forme typique de logement des engagés indiens et chinois aux Antilles. Possibilité de comparaison avec compound sud-africain (logement collectifs ouvriers entourés de clôture dans villes minières), aux chawls de Bombay ou aux shophouses des villes d'Asie. Formes différent, mais dans tous les cas surpeuplement, conditions d'hygiène désastreuses et négation des liens sociaux liés à habitat traditionnel. Pour autorités coloniales importance de possibilité de contrôle de populations nombreuses par cantonnement. Contrôle demeure malgré tout aléatoire puisque constitution d'immenses bidonvilles ou de villes gourbis du fait de pression démographique. Exemple du Maghreb avec bidonvilles suite à surpeuplement des bidonvilles. Des sociétés urbaines complexes : Formes urbaines de villes coloniales ne doivent laisser penser à barrières infranchissables et transgressions sont permanentes. De plus au sein des quartiers indigènes présence de nombreuses populations différentes. Exemple de Singapour en 1900 avec 74% de Chinois, mais dialectes différents, 14% de Malais, 8% d'Indiens et 1% d'Européens et Eurasiens. Populations ne vivent pas nécessairement en harmonie, mais se croisent nécessairement. Dans certaines villes ottomanes de Méditerranée à fin du XIXème siècle présence d'un fort multiculturalisme. Toutefois, souvent, même sans apartheid clair, existence de séparations entre quartiers. Exemple du Maghreb avec juxtaposition des vieux centres musulmans (medinas) et des quartiers juifs, mais sans pénétration. Femmes sont également important des sociétés urbaines et s'imposent dans lieux comme la rue, marché, fêtes ou associations d'entraide. Entre-deux-guerres afflux de femmes, souvent célibataires notamment pour prostitution, mais aussi pour commerce. Exemple de Kinshasa en 1928 où nombreuses femmes non mariées travaillent dans culture maraîchère. Résistances urbaines Règlements urbains se heurtent à pratique. Ville est lieu de transgressions et accommodements. Partout remise en cause d'habitat traditionnel, notamment paillotes et habitats en matériaux inflammables, mais règlements rarement respectés. Exemple d'Hanoi en 1872 où loi anti-paillote non respectée puisque cela fait fuir nombreux indigènes payant impôt foncier du centre-ville ainsi qu'existence d'Européens vivant dans paillotes. En outre compartimentages et mesures d'hygiène font face à résistance active ce qui conduit à négociations et aménagements. Exemple de commerçants de Singapour où commerçants s'organisent pour refuser mesures des autorités britanniques sur interdiction des vérandas traditionnelles. Problème de définition d'espace public. Négociations au sein des conseils municipaux associent peu à peu représentants des populations colonisés. Existence de stratégie de contournement. Exemple de travaux pour mosquée en 124 1874 par marchand indien du Penjab dans espace public. Refus britannique, protestations de populations et reconnaissance de mosquée comme bien privé donc hors de prise des autorités coloniales. Dans colonies démocratie municipale est très limitée. Dans villes indiennes portuaires, Bombay ou Calcutta par exemple, Britanniques confient gestion des affaires urbaines à trusts d'individus nommés par pouvoir central pour écarter possibilité de démocratie locale donnant trop de voix aux Indiens. Villes sont souvent lieu de résidence des élites indigènes. Exemple de Maghreb où premières formations politiques nationalistes naissent dans les medinas. Malgré contrôle des autorités coloniales, villes sont foyers de contestations et manifestations. 125 Le chemin de fer Essor de chemin de fer indissociable du passage à nouvelle phase de domination économique coloniale donc mises en chantiers différentes selon espaces. Début avec Inde britannique dans les années 1850, à partir des années 18801890 pour l'Afrique ou l'Indochine française. De fait c'est à ce moment que se met l'économie de traite. Reconfiguration des voies de communication a importantes conséquences sur sociétés locales avec accroissement de mobilité et modifications des économies. Une conjonction d'intérêts Train est tout d'abord outil crucial d'accélération d'exploitation économique des colonies. En Inde promotion des premiers projets par des marchands installés dans ports pour gagner marché intérieur, mais aussi par industriels du textile du Lancashire. Pour entreprises sidérurgiques d'Europe colonies sont marchés de substitution après railway boom en Europe. Administration coloniales avaient raisons propres de favoriser développement de ce type d'infrastructures puisque moyen pour mieux contrôler territoires, notamment par acheminement rapide des troupes. Premières lignes d'AOF (Dakar-Saint Louis ou Kayes-Bamako) avaient pour but d'affermir contrôle français pour régions récemment conquises. De même dans empire Ottoman liaison ferroviaire vers Hedjaz pour contrôle des villes saintes et empêcher développement d'Etat arabe.Train également perçu comme moyen de lutter contre famines chroniques dans certains espaces, notamment en Inde. Enfin, rivalités entre puissances coloniales peuvent être raison de développement d'entreprises ferroviaires. Exemple d'Afrique du Sud où jonction des mines d'or de Johannesburg et côte mena à construction de trois voies de chemin de fer, 2 Britanniques et 1 Boer. Présence également d'une place pour esprit d'innovation, souvent par ingénieurs, ainsi qu'enjeux de prestige, notamment avec exemple du Transsaharien encouragé par Freycinet. Toutefois, relativisation de ces derniers puisque Transsaharien ne voit pas le jour. De fait importance des intérêts économiques dans tracé des voies ferrées en Afrique, notamment pour exploitation d'huile de palme et d'arachide en Afrique de l'Ouest. Le premier secteur d'investissement des empires : Etats et compagnies privées Construction de voies ferrées nécessite importants capitaux et c'est premier secteur d'investissement dans colonies. Exemple de 95 millions de livres investis dans construction des lignes de chemins de fer indiennes entre 1845 et 1875. Entre 1899 et 1923 40% des dépenses d'équipement par France pour Indochine sont consacrées à chemin de fer. Investissement pour chemins de fer mobilisent Etat et compagnies avec modalités différentes selon espaces. Exemple du Transindochinois financé et construit par Compagnie des chemins de fer de l'Indochine, publique, à l'exception de partie chinoise construite par Compagnie des chemins de fer du Yunnan, privée. A partir de 1879 acquisition de compagnies par autorités coloniales, mais gestion demeure dans mains des compagnies privées. Importance de compagnies ferroviaire comme premières bénéficiaires du système des compagnies concessionnaires au Congo de Léopold II. De fait en 1889 Compagnie du chemin de fer du Congo obtient 1.500 hectares de terres pour chaque kilomètre de rail construit. Néanmoins, recours aux capitaux privés fut plus difficile dans certains régions jugées moins rentables, notamment Afrique de l'Ouest, ce qui obligea gouvernement français à le faire lui-même. Capital privée n'intervient que si retour sur investissement est garanti puisque ligne est viable commercialement ou que garantie de l'Etat, notamment en Inde. D'énormes chantiers, « mangeurs d'hommes » (A. Gide) Chantiers ont souffert de sous-estimation des difficultés, forêts denses etc..., mais aussi de nécessité d'approvisionnement régulier en main d'oeuvre. De fait mécanisation reste faible et matériel portée majoritairement à dos d'homme. Pour chemin de fer Matadi-Léopoldville présence de 60.000 porteurs en même temps. Problèmes de recrutement notamment en Afrique alors qu'en Inde pas tellement de problèmes. Par conséquent existence de plans de 126 recrutement forcé de la part des autorités coloniales, notamment pour chantier Congo-Océan et apport de coolies chinois. Présence de 600 coolies chinois pour chemin de fer Congo-Océan, mais mort ou fuite de 300 au bout de quelques semaines. Conditions de travail très difficiles (maladies, problèmes d'approvisionnement et mauvais traitements). Nombreuses désertions et taux de mortalité élevé. Mort d'entre 18 et 23.000 hommes durant chantier Congo-Océan. Les conséquences économiques de l'introduction du chemin de fer Alors que chemin de fer a permis entraînement industriel en Europe, pas le cas dans colonies puisque majorité du matériel est importé. De même essentiel de personnel qualifié (ingénieur, conducteur etc...) depuis métropoles. Donc industries métropolitaines sont principales bénéficiaires des infrastructures ferroviaires. Abaissement des coûts de transport réellement sensible lors mise en place de service sur ensemble du territoire comme en Inde avant Première Guerre mondiale. En Afrique retombées très localisées sauf dans partie sud. En Inde importance des trajets vers les ports grâce à prix attractifs, mais pas vers intérieur des terres. Par conséquent commerce intérieur fut peu stimulé. Importance de train dans essor du commerce extérieur. Exemple d'Indochine où doublement des valeurs exportées entre 1913 et 1926. Pendant longtemps idée que colonisation entraîne destruction d'artisanat local, mais vision à nuancer puisque persistance, par exemple, de la poterie shaï dans sud de Gold Coast. Demeure que chemin de fer a contribué à nouvelle géographie de production et échanges. En Indochine durant colonisation organisation du territoire selon axe est-ouest qui convergent vers Haiphong et Saigon, les deux grands ports. En Afrique, notamment Maghreb, destruction de circuits commerciaux intérieurs, notamment nord-sud et littoralisation des activités et des hommes. Démantèlement du commerce transsaharien, notamment avec ligne de chemin de fer Lagos-Kano avec réorientation des flux vers côte et mise en relation de deux centres de commerce. Certains produits, sel saharien par exemple, continuèrent de circuler selon anciens circuits, mais baisse d'amplitude et intensité. En Inde chemin de fer contribua à apparition de marché national et soumettre agriculture indienne à fluctuations des marchés internationaux donc spécialisation régionale des cultures et accroissement de dépendance aux usuriers. Les conséquences sociales de l'introduction du chemin de fer Essor du transport ferré a entraîné multiples conséquences sur sociétés colonisées. De fait accroissement des mobilités des populations. Exemple d'Inde où 19 millions de voyageurs en 1871 et 630 millions en 1929. Dans certains espaces cela a accru migrations saisonnières, parfois forcées, de main d'oeuvre, notamment en Afrique du Sud avec 155.000 travailleurs/an par train vers mines d'or du Rand depuis colonies du Cap et du Mozambique. Conséquences également indirectes, notamment avec forte demande en bois de la part de chemin de fer donc bois devient précieux. Par conséquent autorités coloniales cherchent à contrôler forêts en dépossédant villageois de droits coutumiers sur forêts. Exemple d'Inde avec législation forestière de 1878. Celle-ci entraîna surpâturage dans endroits encore accessibles. Compagnies de chemin de fer sont fortes employeuses donc développement de prolétariat urbain. Exemple d'Inde où 34.000 travailleurs liés à chemin de fer en 1865 et 790.000 e 1929. Ces emplois peuvent être moyen de mobilité sociale pour certains, notamment intouchables Mahar pour se soustraire à domination des sociétés rurales. Importance de main d'oeuvre des chemins de fer dans grandes grèves des années 1920. Exemples avec mobilisations en 1919 et 196 au Sierra Leone, 1925 sur ligne Dakar-Niger, 1930 pour employés de Great Indian Peninsula Railway à Bombay et Nagpur. Employés de chemins de fer jouent rôle fondamental dans émergence de mouvement syndical. En 1956 en AOF syndicat des cheminots (15.000 membres) est un des principaux promoteurs d'union syndicale et de lutte nationaliste. 127 Ségrégations spatiales Sociétés coloniales caractérisées par clivages raciaux souvent ancrés dans territoire. Dans toutes les colonies mise en place de logique de refoulement, exclusion et enfermement au départ pour appropriation des terres et installation des Blancs et reproduites à différentes échelles, notamment ville. L'appropriation foncière au fondement de l'exclusion des sociétés indigènes Logiques de ségrégation spatiale dans colonies sont liées au départ aux appropriations foncières. Mise en valeur de territoire exige exploitation des meilleures terres et donc leur aliénation. Dépossession souvent justifiée par jugement de sous-utilisation des terres par colonisateurs. Confiscation a corollaire, si massacre des indigènes est proscrit, resserrement de celles-ci dans espaces clos. Administrations coloniales légitiment emprise coloniale par droit de conquête et d'occupation. Principe de terre vacante comme terre non exploitée permet nombreuses appropriations foncières dans colonies. Cela inclut terres de jachère, territoires de parcours des troupeaux etc... De manière générale droit de conquête, négation d'existence de propriété privée et invention de droit foncier en situation coloniale permettent de justifier certain nombre d'expropriations. Existence également à spoliations et punition systématique en cas de révolte comme vecteur d'agrandissement de territoire contrôlé par colonisateur. Exemple de Grande Kabylie où colonisation rurale commence avec séquestres fonciers suite à révolte de 1871. Dans empire britannique pratique de manipulation des tribus, ajustements des frontières etc... Dans empire portugais, notamment Mozambique, délégation d'accaparement de terres à des compagnies à charte. Importance d'accaparement des meilleurs terres et non forcément du plus grand espace possible. Le resserrement mis en pratique : le cantonnement Instauration officielle de cantonnement des tribus en Algérie à partir de 1851. De fait prise de possession par Etat de partie des territoires tribaux contre pleine possession d'une autre partie par les tribus. Justification de protection des sociétés colonisées puisque réservation d'espaces. Dans de très nombreux cas refoulement des populations tribales sur les moins bonnes terres de leur territoire et droit de propriété non garanti. Exemple de confiscation de terrains tribaux par maréchal Randon pour création de 56 villages en Algérie entre 1853 et 1859. Même principe lors de colonisation italienne de Lybie notamment avec dépossession des terres des steppes du nord de Tripolitaine. Autorité coloniale italienne décrète que paysans lybiens ont trop de terres par rapport aux besoins et à ce qu'ils peuvent mettre en valeur donc confiscations. Entre 1930 et 1932 enfermement dans camps de concentration des groupes nomades de Cyrénaïque se révoltant contre spoliations. Cantonnement,tel que pratiqué en Afrique du Nord, a effets sociaux immédiats, notamment fractionnement des tribus, bouleversement des hiérarchies traditionnelles et modification des habitudes des populations rurales, notamment avec obligation d'engagement comme métayers ou ouvriers miniers puisque privés de terres. Importance de modification du rapport à la terre, structure d'organisation sociale, de la part des indigènes. Les réserves : de la protection à l'enfermement Existence de mise en réserve notamment en Nouvelle-Calédonie par empire français ainsi que dans certains territoires allemands. Justification des autorités coloniales avec idée de « réserver » des territoires aux colonisé et forme de protection face aux spoliations foncières des colons et grandes compagnies capitalistes. De fait populations sont regroupées dans espaces restreints et délimités dans lesquels terrains sont inaliénables. Principe de protection aboutit parfois à enfermement et assignation à résidence, notamment en Nouvelle-Calédonie. En Afrique australe réserves sont dès période 1770-1870 des lieux d'enfermement des populations Xhosas. De même création de réserves pour les Ndebele en Rhodésie pour protéger des rapacité des colons. Au Kenya création de réserve pour les Massai en 1904 puis terres confisquées en 1911 et ils sont regroupés de force. Eviction des Kikuyu des hautes-terres, accaparées par colons, sera à 128 origine de révolte des Mau-Mau entre 1952 et 1956. Populations des réserves sont également vues comme réservoirs de main d'oeuvre. L'apartheid : la ségrégation spatiale institutionnalisée Origines : Apartheid en Afrique du Sud décrété en 1948 trouve origines dans processus d'appropriation des terres par colons blancs, Britanniques et Afrikaners. Institutionnalisation de séparation nette dans quartiers des villes d'Etat libre d'Orange à fin du XIXème siècle. Importance des réserves dans territoire d'Union sud-africaine en 1910. Volonté de contrôle de main d'oeuvre pour les mines plutôt que question foncière. Série de Native Laws permet renforcement de contrôle et enfermement. Natives Land Act de 1913 confirme partition du territoire entre Africains et Européens avec 9 millions d'hectares pour Africains et interdiction d'acheter des terres ailleurs. Confirmation de ségrégation avec Native Land Trust Act de 1936. De fait disparition de paysannerie indépendante en Afrique du Sud et précarisation des sociétés africaines. Après Première Guerre mondiale Union sud-africaine récupère, sous mandat SDN, territoire du Sud-Ouest africain allemand où présence de réserves indigènes ainsi que zones de polices réservées aux Blancs. Existence de même logique de séparation au sein des villes. En 1923 Native Urban Areas Act subordonne accès des Noirs à ville à possession d'emploi. Renforcement de ségrégation raciale entre les quartiers. Création légale des townships pour abriter main d'oeuvre nécessaire à industrialisation. De fait en 1913 Noirs (70% de population) vivent sur 7% de territoire. En Namibie Noirs sont 85% de population et environ 40% de territoire. Certaines réserves sont fondées sur homogénéité ethnique donc importants déplacements de populations. Le « développement séparé » : En 1948 Parti national d'Afrique du Sud met en place politique de « développement séparé » qui associe catégorisations ethniques à enfermement dans réserves appelées homelands. Mise en place de société fondée sur racisme avec interdiction des mariages mixtes en 1949, indication de race sur passeports des non-Blancs en 1952 et organisation de vie sociale à partir de principe de ségrégation raciale. En 1950 mise en place par le Group Areas Act de zones de résidence et d'activité pour chaque communauté avec transports séparés. A échelle territorial marquage avec nombreuses pancartes « White only ». Tentatives de résistances à enfermements, mais cela contribue à forger identités. Parfois volonté de rester entre soi fait que colonisés ont rechercher l'intégration des réserves. En Nouvelle-Calédonie réserve a progressivement constitué lieu de vie à abri des Blancs. Townships sont par la suite lieux d'émergence de contestation politique révélant paradoxe de ségrégation spatiale avec exclusion civique, politique et spatiale de population reconnue comme vitale pour économie coloniale. 129 Les compagnies à privilège (compagnies à charte et compagnies concessionnaires) Grandes compagnies concessionnaires, notamment compagnies à charte, sont « têtes de pont » contribuant à extension des empires. Naissance des compagnies à charte durant Ancien Régime et sont compagnies commerciales investies de droits de souveraineté. Importance d'East India Company pour conquête d'Inde au XVIIIème siècle. Compagnies à charte connaissent renouveau au cours de dernier quart du XIXème siècle et deviennent acteurs majeurs d'expansion coloniale, notamment en Afrique. Le nouveau temps des compagnies à charte (1880-1900) Le meilleur moyen pour coloniser les dernières « terres vierges » ? : Fin XIXème siècle compagnies à charte apparaissent comme moyen rapide d'occuper efficacement nouveaux territoires. Plus de concessions de monopoles, mais jouissance de privilèges très étendus (droits régaliens ou délégation de souveraineté). De fait obligation de gouvernement et administration des territoires sous concession par les compagnies. Chartes britanniques sont délégation des droits politiques et administratifs la plus complète (administration, justice, police). Recherche par compagnies de garantie royale avec charte pour recevoir appui de couronne, élément de confiance pour actionnaires. En retour couronne se réserve droits de contrôle et définit restrictions (obligation de rester anglaise, se conformer aux traités entre Etats et remplir devoirs humanitaires). La renaissance des compagnies à charte en Asie et surtout en Afrique : Système de grande compagnie renaît en Asie avec British North Borneo Company en 1881. Ce système permet à Angleterre d'occuper position influente dans région sans conflit avec Hollande ou Espagne. En Afrique compagnies deviennent instrument essentiel de pénétration pour principales puissances. Existence notamment de la Deutsche Ost Afrika Gesellschaft en 1884 pour côte d'Afrique orientale face à Zanzibar. En Afrique de l'Ouest union de plusieurs compagnies pour naissance de United Africa Company en 1879. En 1886 charte permet à Royal Niger Company d'agir en représentant de gouvernement impérial dans arrièrepays du delta du Niger (acquisition de territoires, levée d'impôts, droit de maintenir armée privée etc...). En Afrique de l'Est charte pour la British East Africa Company en 1887. Plus au sud British South Africa Company joue rôle majeur dans colonisation britannique d'Afrique australe. Importance d'ambition de Cecil Rhodes et don de charte en 1889 pour protéger compagnie contre ambitions du Transvaal, Portugal ou Allemagne. Utilisation de compagnies à charte également par Espagne et Italie. En France jamais d'utilisation. Le cas particulier des compagnies portugaises : Companhia de Moçambique, créée en 1888, est d'abord compagnie concessionnaire de prospection minière, mais charte en 1891 pour administration et exploitation des territoires entre Zambèze et Sabi. Concession de monopoles et droits assez larges, notamment droit de collectif exclusif d'impôt, moyennant versement de pourcentage à Etat portugais. En contrepartie obligation de financement d'infrastructures pour attirer colons et pourvoir à éducation et administration du territoire. Délégation de pouvoir par Etat portugais pour temps limité et sur territoire déjà considéré comme colonie. Outre extension de domination portugaise, compagnies à charte permettent entrée de capital étranger, Companhia de Niassa fondée en 1893 étant à financement franco-anglais. Souslocation de concessions par compagnies à firmes de droit allemand, anglais ou français que ce soit en Angola ou au Mozambique. Les compagnies concessionnaires : exploitation des ressources et affermissement de la colonisation Concessions et compagnies concessionnaires : A côté des compagnies à charte, existence d'autres compagnies concessionnaires de colonisation. Celles-ci ne sont plus souveraines, mais à monopole d'exploitation. Obligation pour concessionnaire de verser redevance à colonie et astreinte de mise en valeur d'immenses territoires par construction d'infrastructures. Toute terre mise en valeur par compagnie devenait sa propriété lors de fin de contrat. Sociétés 130 concessionnaires résultent, fin XIXème siècle, de compromis entre Etat et firmes privées pour exploiter territoires à moindre frais. A partir de 1890 présence de nombreuses sociétés concessionnaires au Congo avec obtention de vastes étendues de terres. Environ 10 ans plus tard extension du système aux colonies allemandes et françaises pour « mise en valeur » d'Afrique centrale. Existence de concessions également en Indochine, Algérie, Madagascar par exemple, mais dans mode très différent. De fait concessions de terres domaniales ou réputées vacantes et pouvaient être faites à particuliers, ne supposaient pas de droits régaliens et ne s'étendaient pas sur milliers d'hectares. Existence de vastes concessions, par exemple, au Vietnam avec 65.000 ha en 1896 et 1 million environ en 1930. Les grandes compagnies concessionnaires en Afrique centrale : Etat indépendant du Congo devient domaine réservé de Compagnie belge du Congo pour commerce et industrie à partir de 1886. En 1891 les terres inoccupées par indigènes sont déclarées vacantes et intégrées à domaine de l'Etat et exploitées soit par Etat soit par sociétés à monopoles. Exemple du district de l'Equateur exploité par Société anversoise du commerce du Congo et Anglo-Belgian India Rubber and Exploitation Company à partir d'année 1892. Au Congo français mise en place de régime concessionnaire au cours des années 1890, sauf pour AOF. A instar d'exemple belge présence de 40 sociétés se partageant 70% du territoire en 1900 et 21 en 1914. Toutefois, nombreuses opérations se soldent par échecs. A Madagascar 10% du territoire concédé à 24 compagnies en 1899. De même par Allemagne avec les Compagnies du Sud Cameroun et du Nord-Ouest Cameroun. Sociétés concessionnaires : exploitations et abus : Firmes cherchaient monopole commercial sur produits de cueillette et chasse, caoutchouc et ivoire à charge pour indigènes de livrer aux prix les plus bas, mais aussi travail des indigènes sur grands chantiers de construction. Grandes compagnies belges possèdent propre armée (malgré droits nonrégaliens) et nombreux abus. A tel point que mobilisation des opinions publiques contre cela, notamment suite à livre de Morel, Le fardeau de l'homme noir en 1920. De fait existence de prise en otage de femmes et enfants pour forcer hommes à récolter caoutchouc, enlèvement des femmes, travail forcé etc... En réaction souvent fuite et dépopulation des régions, mais aussi mouvements de révolte plus ou moins bien coordonnés et ce jusqu'en 1930. Abus au Congo français ont conduits à réformes de 1910-1911 avec ouverture à sociétés non-concessionnaires, notamment Compagnie forestière Sangha-Oubangui en 1911 avec monopole sur caoutchouc jusqu'en 1935. Continuation des salaires de misère pour Africains ainsi que mauvais traitements et brutalités, dénoncées par André Gide en 1927. Desserrement d'étau uniquement après 1945 suite à promotion de cultures d'exportation autres que caoutchouc. Au début du XXème siècle perte d'importance de système de concession. Plupart des compagnies à charte ne pouvaient plus être proto-Etat et territoires concédés devinrent protectorats ou colonies. Exemple de la Deutsche Ost Afrika Gesellschaft qui remet droits régaliens à gouvernement allemand en 1890. De même pour British East Africa Company en 1894 et la Royal Niger Company en 1900. Non renouvellement de concession à British South Africa Company en 1923 et mise en place de self-governing colony pour Rhodésie du Sud et protectorat pour Rhodésie du Nord. Fin de concession de Companhia de Moçambique en 1942. 131