Surun I. (dir.), Blais H., Caru V. et alii, Les sociétés coloniales à l`âge

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Surun I. (dir.), Blais H., Caru V. et alii, Les sociétés coloniales à l`âge
Surun I. (dir.), Blais H., Caru V. et alii, Les sociétés coloniales à l'âge des empires
1850-1960, Paris, 2012
Introduction
Présentation du sujet
Afrique, Asie, Antilles : des itinéraires coloniaux différents
Dans les Antilles importance d'évènement de décision de fin de la traite esclavagiste, notamment par France en
1848. Désormais anciens esclaves sont citoyens français. De même à la fin du XIXème siècle passage de Cuba de
l'empire espagnol à l'empire états-uniens. En Afrique et en Asie importance de « conception libérale » de l'empire colonial
durant première moitié du XIXème siècle. De fait idée uniquement d'une présence localisée à but commercial sans
volonté d'acquisition de nouveaux territoires. Toutefois, du fait de ces traités de commerce « inégaux » puissances
impériales rognent la souveraineté des chefs d'Etat asiatiques et africains ce qui provoque des conflits de souveraineté et
qui déclenche les conquêtes proprement dites. Néanmoins, coexistence de cette politique avec acquisition territoriales en
bonne et due forme. Exemples des provinces indiennes dès le milieu du XVIIIème siècle (Bengale, Bihar et Orissa) ainsi
que Java dans première moitié du XIXème siècle. En Afrique existence de territoires acquis par les puissances
européennes avant 1850, notamment France avec Algérie à partir de 1830, Angleterre avec Le Cap en 1820 et Natal en
1840 et colons boers avec fondation de l'Etat du Transvaal en 1837. Originalité de ses territoires réside dans fait que mise
en place d'une colonisation de peuplement, notamment avec envoi de 4.000 colons au Cap dès 1820 et immigration
européenne en Algérie à partir de 1840. Seconde moitié du XIXème siècle est temps des conquêtes systématiques, à
partir de 1850/60 en Asie et 1880 en Afrique, mais pas de mouvement massif de peuplement comme en Algérie ou
Afrique du Sud hormis dans poches aux conditions climatiques favorables aux cultures d'exportations. Cette « seconde
colonisation » est caractérisée par croyance forte du colonisateur en sa « mission civilisatrice ». Ce projet colonial
infléchit relation coloniale puisque désormais cette dernière est vecteur de transmission de valeurs « civilisées » (raison
technicienne, conceptions du travail et de la famille, religion etc...). En Afrique et en Asie cette politique s'applique sur
indigènes, mais dans les Antilles populations visées par cela sont les esclaves affranchis. Idée que ces derniers sont des
populations à éduquer.
Quels empires ?
Programme concerne bien sûr empires coloniaux européens (britannique, français, hollandais, , belge, portugais,
espagnol et italien), mais aussi empires japonais et états-unien. Toutefois, problème de l'inclusion d'empire ottoman dans
sujet. Certes appétit des autres puissances impériales, notamment par biais de traités garantissant protection des
ressortissants européens dans territoire ottoman et ajout de nombreuses populations non européennes dans ce groupe ainsi
qu'offensive missionnaire auprès des populations chrétiennes d'empire ottoman, est intéressant, mais il ne s'agit que d'un
impérialisme informel qui n'autorise pas à parler de « sociétés coloniales ».
Aperçu chronologique
Années 1850 sont une décennie charnière entre « anciens » et « nouveaux » empires. Durant années 1900
achèvement des conquêtes des dernières colonies et arrivée d'administrateurs civils à la place des militaires, colonies
conquises précocement arrivent à fin de cycle de mise en place des sociétés coloniales, caractérisé par installation de
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groupes intermédiaires. De fait durant années 1900 durcissement des clivages et des catégories du fait de mesures visant à
compliquer la possibilité d'interactions entre colonisateurs et colonisés. Première Guerre mondiale est tournant puisque
conscription et recrutement important de main d'oeuvre coloniale permettent à domination impériale de s'enraciner dans
les sociétés coloniales, mais cela provoque également de nouvelles résistances et de nouvelles attentes. Entre deuxguerres est période de réformes, mais qui sont limitées jusque dans les années 1940. Suite à Deuxième Guerre mondiale
pression des mouvements nationalistes radicalise les revendications ce qui fait que réformes plus importantes de la part
des empires, mais trop tardives.
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Historiographies et débats
De l'histoire de la colonisation à l'histoire coloniale
Histoire de la colonisation est d'abord rédigée par administrateurs et hommes politiques associés à entreprise
coloniale, mais aussi par universitaires qui écrivent histoire apologétique dans un premier temps puis plus critique.
Premiers travaux : Travaux français publiés entre années 1960 et 1980 relèvent de trois approches différentes : 1/
Modes d'administration, législation définissant statut des sujets coloniaux, participation d'auxiliaires indigènes à
administration et idéologie d'entreprise coloniale. 2/ Débat autour de facteurs économiques dans décision de colonisation
et questionnement sur rentabilité des investissements réalisés dans le secteur colonial. Economistes dénoncent pillage des
ressources dans les colonies et certains historiens, dont Coquery-Vidrovitch, étudient économie coloniale. D'autres
historiens, dont Brunschwig, souligne rôle de facteurs politiques dans émergence d'impérialisme européen. Pour la France
étude quantitative du commerce et des investissements faits dans colonies a permis de mettre en lumière caractère
décevant d'intérêt économique de l'empire colonial français (Marseille). 3/ Histoire sociale des populations colonisées,
notamment rurales, et ouverture sur nouvelles catégories sociales telles que les ouvriers. Deux premières approches
étudient essentiellement point de vue et actes des colonisateurs depuis leur point de vue ce qui traduit donc histoire de
colonisation. De l'autre côté troisième approche permet rupture avec objet des deux premières approches. Dès lors on peut
parler d'histoire coloniale, proche des Colonial Studies anglo-saxonnes.
Histoire coloniale et « aires culturelles » : Mise en place d'une articulation entre histoire coloniale et ancrage dans
aires culturelles à travers des problématiques d'histoire sociale, économique et politique. Histoire des savoirs a permis,
notamment autour de question d'historicisation de concepts tels qu'ethnie, de faire jonction entre histoire coloniale des
historiens et anthropologues des aires culturelles.
Histoire impériale versus histoire coloniale
La « nouvelle histoire impériale » : Nouvelle histoire impériale a permis, du fait de jonction avec thématique
développées par courant des Postcolonial Studies, de mettre en lumière phénomène de co-construction des empires et des
nations à travers thème de définition des catégories de la citoyenneté. Plus Etat métropolitain européen qui crée empire
par conquête et domination, mais empire qui forge la nation.
Une histoire de l'administration coloniale : Débat sur modes d'administration directe ou indirecte constitue grand
classique, mais intérêt car aborde des questions qui étaient toujours à l'esprit des administrateurs. Toutefois, ce doit être
uniquement une introduction à histoire des pratiques de terrain où les catégories sont beaucoup plus fluctuantes. Nécessité
d'étude d'articulation entre discours et pratiques, comme cela a été fait pour Lyautey.
Empires hétérogènes : Importance du renouvellement de l'histoire impériale par travaux de Burbank et Cooper.
Idée d'existence d'une « politique de la différence » par maintien de distinctions entre centre et périphéries, entre peuples
incorporés différemment administrés et dans chaque territoire entre les diverses catégories de sujets. Travail avec les
intermédiaires et politique de la différence sont ressorts des dominations impériales en préservant loyauté des sujets tout
en maintenant assujettissement. Empires sont des formations politiques en constante tension et qui administrent territoires
grâce à « bricolage » administratif avec failles, discontinuités et contradictions.
L'Etat colonial en question : Etat colonial fait débat. Certains, tels Le Cour Grandmaison, insistent sur dimension
coercitive et violence alors que d'autres, comme Bertrand, mettent en avant dimension idéologique qui sert de légitimation
(« mission civilisatrice » ou « politique éthique »). De fait coexistence entre coercition et tentatives de réformes sociales
pendant toute la période des empires coloniaux. Cette idée est ramassée dans notion « d'hégémonie » de Gramsci. Pour
philosophe italien domination n'est pas que coercition, mais aussi « direction culturelle et idéologique ». Par conséquent
rapport au pouvoir implique une forme d'acceptation de domination et donc importance de négociation. J.F. Bayart
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appelle cela les « transactions hégémoniques impériales ». Grâce à cela colonisés peuvent faire entendre leur voix, mettre
en oeuvre stratégies d'évitement, mais aussi se faire vecteurs de « reproduction du legs impérial » à l'instar des élites
« évoluées ». Toutefois, ces transactions demeurent dans le cadre de rapports dissymétrique dans contexte de domination,
mais domination n'est pas que violence, mais aussi interactions, accommodements et appropriations ce qui repose sur
solidarité entre élites coloniales et autochtones.
Emergence des Colonial Studies : Colonial Studies s'inscrivent délibérément dans territoires coloniaux pour
étudier relations sociales et culturelles. Par conséquent, travaux sont souvent thématiques à l'échelle d'une colonie, région,
ville ou village. Volonté de montrer comment se déploient relations colonisateur/colonisé localement et comment celles-ci
se déclinent d'un contexte à l'autre. Existence de trois grandes orientations dans Colonial Studies depuis années 1980 et
1990. 1/ Histoire sociale, dans lignée des Subaltern Studies, avec point de vue des acteurs modestes des sociétés
coloniales. Idée de mettre en évidence limites de domination qu'ils subissent et montrant capacité à agir de façon
autonome (l'agency). 2/ Histoire culturelle, grâce à apports critiques des Postocolonial Studies, avec idée d'analyse et de
« déconstruction » des discours coloniaux. 3/ Histoire sociale et culturelle avec réactivation de notion de « situation
coloniale » (Balandier) avec interrogation sur nature des sociétés coloniales, entre dualisme/pluralisme et
hétérogénéité/hybridité.
Les Subaltern Studies
Objectifs : Projet naît à fin des années 1970 avec historien Ranajit Guha dans courant de « l'histoire par le bas.
Objectif initial est de critiquer visions élitistes d'historiographie puisque pour elle résistances populaires et participations
paysannes et ouvrières aux mouvements de libération sont conséquences d'un processus venu par le haut sous l'impulsion
des élites coloniales. Par ailleurs idée d'existence d'un domaine autonome de la politique du peuple distinct de celui de
l'élite, lequel est enraciné dans expérience du travail et d'exploitation sociale. Toutefois, problème de caractère politique
de pensée de Guha (idée de mobilisation d'idée d'agency dans luttes sociales contemporaines), mais aussi d'édification du
concept de l'agency et des subalternes comme système. Critiques de la part des historiens marxistes par caractère
anhistorique de pensée de Guha puisqu'elle peut amener à négliger analyse du contexte particulier de domination. Par
ailleurs, établissement en système de défiance des subalternes vis-à-vis des dominants ne permet pas de comprendre la
présence de non-subalternes dans cas de nombreuses révoltes populaires.
Le tournant postcolonial des subalternistes : A fin des années 1980 subalternistes commencent à se concentrés sur
déconstruction du discours des élites. De fait déplacement d'analyse depuis l'économie et le social vers le culturel.
Subalternistes passent d'étude des rapports élites/subalternes à rapports entre modernité occidentale et culturel autochtone.
Toutefois, critiques au sein même du mouvement puisque, selon Sumit Sakar, problème du « déclin des subalternes au
sein des Subaltern Studies ». De même selon Sakar intérêt uniquement pour le langage fait que subalternistes auraient
renoncé à analyse de réalité des formes de domination produites par colonialisme.
Apports et limites des Postcolonial Studies
Courant naît dans universités nord-américaines par dérivation des thématiques des Cultural Studies vers des
corpus de textes non-littéraires. Importance de L'Orientalisme d'Edward Said en 1978.
Principes et fondements des Postcolonial Studies : Affirmation d'une absence d'autonomie des productions
culturelles par rapport aux sociétés qui les produisent. Par conséquent primauté du champ culturel dans ordre des
déterminations historiques. De plus importance de centralité de « l'empire » dans productions culturelles des sociétés
métropolitaines. Enfin, productions culturelles des sociétés impérialistes sont parties prenantes du processus de
domination coloniale. Toutefois, problème qu'auteurs se réclamant des Postcolonial Studies se sentent obligés de prendre
position de critique militante contre impérialisme occidental. Surtout quand cette dernière s'élargit pour devenir une
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critique plus large de « l'Europe » et tous ses attributs autoproclamés (raison, Lumières etc...) dont impérialisme serait un
élément constitutif. Néanmoins, travaux récents ont fait émerger concepts d'hybridation et de mimétisme qui ont permis
de rendre compte de phénomène de « rencontre coloniale ». De fait idée que par imitation colonisés inquiètent les
colonisateurs puisqu'ils rendent poreuses les frontières de l'identité culturelle que colonisateur a mis en place pour justifier
le maintien de sa domination.
Ce que les historiens reprochent aux Postcolonial Studies : Principale critique a été l'affranchissement de toute
contextualisation ce qui rendait possible la mise en équivalence des éléments de plusieurs sans considérer leur fossé
chronologique ni les conditions de leur production. Par ailleurs problème qu'étude est uniquement centrée sur textes et
qu'ils ne permettent pas de rendre compte des pratiques. Enfin, les Postcolonial Studies affirment qu'Etat colonial se
définit par rationalité d'administration, or, A. Stoler a démontré que chaîne de transmission d'information, sur laquelle
repose information de l'administration, est pleine d'incohérences et de discontinuités. Toutefois, problématiques des
Postcolonial Studies sont intéressantes pour l'historien grâce à contextualisation.
Race, racisme et colonisation : Dénonciation par les Postcolonial Studies de continuités et héritage du racisme
colonial dans pratiques discriminatoires contemporaines. Toutefois, critique des historiens puisque démonstration que
critère de race n'est pas le seul critère de partage entre les groupes à intérieur des sociétés coloniales puisqu'importance
des critères socio-économiques et culturels. Importance d'existence des métis.
Genres : Question du genre est levier intéressant pour comprendre sociétés coloniales, mais si et seulement
croisement constant avec autres lignes de clivage qui traversent sociétés.
La parole des dominés : Problèmes méthodologiques et épistémologiques que pose place des marginaux puisqu'on
accède à eux que par le prisme de l'acte officiel (police, justice etc...). Dans cadre colonial difficulté liée à domination
sociale et politique s'ajoutent à clivage culturel et racial.
De la « situation coloniale » aux sociétés coloniales
« Relation coloniale », « situation coloniale » : une approche systémique des sociétés coloniales : Pour A. Memmi
« relation coloniale » est résultat de « situation coloniale » qui fabrique des colonisateurs comme elle des colonisés. Pour
J. Furnivall, ancien administrateur devenu historien, importance du concept de « société plurale » dans contexte colonial
puisque souvent ce sont des sociétés où cohabitent des groupes sociaux définis par des fonctions économiques différentes
et qui ne communiquent pas entre elles en dehors du marché. Concept des sociétés plurales permet également de mettre
en évidence le paradoxe des sociétés coloniales, entre séparation et intégration. Importance de Georges Balandier et de
son article « La situation coloniale, approche théorique » en 1951. Dans celui-ci il explique comment colonisation
distingue et hiérarchise les groupes selon des critères culturels et raciaux. Par ailleurs importance d'hétérogénéité à
l'intérieur puisque « société colonisée » est subdivisée en groupes ethniques, religieux, sociaux, générationnels. De même
« société coloniale » connaît des tensions entre administrateurs, militaires, missionnaires et privés. Pour Balandier la
situation coloniale impose aux colonisateurs de se tenir éloignés des colonisés.
Au-delà du dualisme : l'entre-deux, le contact et ses limites : Importance du métissage permet de nuancer idée de
Furnivall sur une absence de contacts. Par ailleurs désormais le rôle des intermédiaires et des élites locales cooptées est
non plus étudié du point de vue du colonisateur, mais à partir de leur propres stratégies sociales qui révèlent formes,
motifs et limites d'adhésion aux normes d'appareil colonial. Utilisation du concept « d'accommodement » de Philippe
Burrin en contexte colonial permet de mettre en évidence autonomie des acteurs dans définition de leurs stratégies pour
ménager intérêts et identité tout en adoptant conduites compatibles avec exigences de situation coloniale. Désormais
conception des sociétés coloniales qui fait place à relation entre individus/groupes et au contact interculturel. Pour
certains auteurs on peut parler d'un « middle ground ». De fait idée d'une réciprocité dans la dissymétrie.
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D'un monde colonial à l'autre
Les sociétés coloniales vers 1850 : nouvelles logiques ?
Un tournant libéral ? : Démantèlement du « vieux système colonial » est très progressif, mais subit une
accélération avec abolition de traite négrière et intense campagne contre au niveau international à partir de 1815.
Toutefois, continuation de traite clandestine. En 1833 Parlement britannique vote Acte d'émancipation qui fait qu'esclaves
deviennent des « apprentis » et doivent entre 4 et 6 ans à leurs anciens maîtres. Toutefois, nombreux abus durant
« apprentissage » et suppression en 1838 donc libération définitive des esclaves. Pour colonies françaises abolition
décidée par Schoelcher en 1848. Dans cas anglais et français indemnisation des propriétaires. Suppression du commerce
exclusif des colonies avec métropole en France en 1861 et à Porto Rico en 1815. Par ailleurs produits des colonies
bénéficient de protection importante contre concurrence étrangère sur marchés métropolitains. Abandon des actes de
navigation en 1846 par Angleterre. De fait en milieu colonial abandon du mercantilisme est tardif et partiel.
La géopolitique coloniale vers 1850 : En 1850 carte des possessions coloniales dépend des logiques propres des
puissances coloniales. Centre colonial des Pays-Bas et de l'Angleterre se décale peu à peu vers Asie. Importance de l'Inde
pour l'Angleterre avec promesse de profits commerciaux importants, mais aussi de gains territoriaux conséquents. Du côté
hollandais mise en place du « système des cultures » à Java. De fait imposition d'un régime de cultures forcées, pour le
paiement d'une taxe en argent, pour tous les villages au profit du gouvernement. Dans les faits une partie des est réservée
à cultures d'exportations (café, sucre, indigo) achetées par gouvernement hollandais à ses prix. Début de libéralisation à
partir de 1870, mais maintien des cultures très rentables jusqu'en 1878 pour sucre et 1919 pour café.
Du côté portugais idée que comblement de perte des comptoirs indiens par modernisation des possessions
africaines (Angola et Mozambique). Volonté d'abolition de l'esclavage, développement des plantations et consolidation de
présence portugaise. Toutefois, problème de faiblesse des moyens engagés, vigueur des résistances locales et fait
qu'Afrique est lieu de relégation pour les migrants portugais. Néanmoins, il demeure qu'Afrique est lieu privilégié
d'expansion portugaise à partir des années 1850.
En 1815 uniquement miettes de vieil empire colonial français. Prise d'Alger en 1830 et conquête totale en 1840
ont des buts politiques au départ. A la même époque implantation de comptoirs ou de stations dans océan Indien (NossiBé en 1839, Mayotte en 1841), sur façade atlantique d'Afrique (Gabon 1842) et dans Pacifique (protectorat sur Tahiti en
1842).
Importance de rupture du système des esclaves fait qu'importante restructuration des trafics dans le secteur.
Abandon de certains forts et comptoirs coloniaux qui servaient dans traite négrière. Exemple de Gorée qui décline à cette
période. Néanmoins, relance par reconversion dans trafics licites (or, ivoire, gomme arabique, oléagineux etc...). De
même Etats africains du golfe de Guinée, du delta du Niger ou sultanat de Zanzibar se reconvertissent dans trafics d'huile
de palme ou culture des noix de coco.
Sortir de l'esclavage
La persistance de la traité négrière et de l'esclavage : Malgré fort déclin de demande d'esclaves après arrêt
d'importation d'esclaves par Brésil en 1850 et lutte contre traite par Angleterre depuis 1807, trafic d'esclave continue,
notamment vers Cuba jusqu'en 1867. Possessions africaines du Portugal sont actives dans ce secteur. Par exemple export
de 5.000 esclaves/an depuis Luanda (Angola) vers Cuba, mais aussi Sao Tome et Principe du fait de développement de
culture du cacao et du café à partir de 1853. Esclavage persiste également dans plusieurs colonies, notamment
hollandaises jusqu'en 1863, portugaises jusqu'en 1878 et espagnoles en 1873 à Porto Rico et 1886 à Cuba. Par exemple à
Cuba en 1862 les esclaves représentent 30% de population. Fin de la traite en 1867 entraîne déclin d'esclavage. Par
ailleurs en 1868 début de « guerre de dix ans », première grande insurrection cubaine contre domination espagnole.
Tournure de guerre amène gouvernement espagnole à démanteler progressivement l'esclavage. En 1870 loi Moret libère
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esclaves nés après adoption de la loi, ceux de plus de 60 ans et esclaves combattant du côté espagnol. Même loi institue
également le « patronat » où enfants d'esclaves ont statut d'affranchi, mais doivent rester au service du maître jusqu'à âge
de 22 ans. En 1880 esclaves deviennent des libertos et doivent « apprendre la liberté » en restant quelques années au
service de leur « patron ». Toutefois, continuation de fuite des esclaves des plantations. A partir de 1884 gouvernement
oblige les patrons à libérer à émanciper ¼ de leurs patrocinados chaque année. En octobre 1886 décret royal abolit
patronage et libère les derniers esclaves. Dans colonies portugaises esclavage est supprimé en 1854, mais affranchis sont
maintenus dans servitude. Loi de 1875 abolit la « condition servile » et nouveaux libres sont sous protection publique,
mais les contraint à s'engager pour 2 ans auprès de patron. Dispositions contraignantes accompagnent émancipation des
esclaves et cherchent à contrôler une population jugée dangereuse.
Après l'esclavage : les sociétés coloniales après l'abolition : Fin de condition servile aboutit à nombreux
déplacements de populations affranchies vers les villes. Certains affranchis demeurent dans les plantations et deviennent
métayers salariés de leurs anciens maîtres. Remplacement d'ancienne main d'oeuvre peu productive par populations sous
contrats, souvent des Indiens. Toutefois, idée pour puissance coloniale de maintenir niveau de production des plantations
donc, par exemple, à la Réunion affranchis doivent justifier d'un engagement auprès d'un patron et ce dernier a doit à
10h30 de travail/jour ouvrable de l'engagé en échange de logement, ration alimentaire et salaire. A noter qu'engagé doit
subvenir à son habillement et payer un impôt personnel. A partir de 1852 mesures incitatives pour travail. Obligation pour
personnes en état de travailler de présenter livret avec embauches successives. Si non démonstration individu est
convaincu de vagabondage et reçoit une amende. En 1855 en Martinique arrêté Gueydon instaure un passeport pour tout
Martiniquais de plus de 16 ans sinon paiement d'un impôt. Elargissement de ce système à la Guadeloupe en 1857 par
l'arrêté Husson. Fin de ces dispositions en 1875. A cette époque scolarisation est volontairement très faible (14% des
garçons et 8% des filles en 1870). Scolarisation passe autorisation du maire moyennant une « rétribution scolaire » de
plus en plus élevée avec l'âge de l'enfant.
Citoyenneté en situation coloniale : Dans colonies peu d'évolutions des institutions politiques et toujours
caractéristiques autoritaires. Aucune existence de séparation des pouvoirs. Modes de représentations sont limité et
profitent, en général, à élite des planteurs blancs. En Angleterre très vite selon métropole échec d'émancipation et idée
qu'infériorité des Noirs et qu'ils sont incapables de travailler sans contrainte. Durant années 1850 réduction de
participation politique des Noirs par réformes institutionnelles en 1854 notamment par augmentation du cens nécessaire
pour capacité électorale à partir de 1859. Suite à émeute fortement réprimée de Morant Bay en 1865 Jamaïque perd ses
franchises historiques et son assemblée en 1866 et devient colonie de la couronne. Restitution partielle d'assemblée en
1885.
Dans colonies françaises Seconde République accorde égalité civique à masse des habitants des « vieilles colonies ». Sont
électeurs les hommes de plus de 21 ans, natifs des établissements français de l'Inde,des comptoirs du Sénégal (Gorée et
Saint-Louis), esclaves libérés en 1848. Tous reçoivent même droit de vote qu'homologues métropolitains. Néanmoins,
musulmans conservent leur « statut personnel » et relève du droit civil coutumier et du droit civil français. Enfin, élection
de députés à l'Assemblée Nationale au suffrage universel masculin. Tout cela est supprimé par Second Empire en 1852.
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Conquêtes, appropriations et résistances
Une chronologie complexe et problématique
Passage d'ancien à nouveau monde colonial n'a pas lieu partout au même moment. Anciennes colonies établies
sous égide de compagnies de commerce (Compagnie des Indes occidentales, West India Company et Compagnie des
Indes orientales néerlandaises) demeurent, mais subissent d'importantes transformations. En Inde expansion territoriale
continue rend difficile distinction ancien/nouveau monde colonial. En Afrique subsaharienne présence coloniale
européenne se résume uniquement à quelques comptoirs commerciaux et quelques enclaves côtières (Saint-Louis du
Sénégal, Luanda, Benguela, mais aussi Freetown et Sierra Leone 1808, Liberia 1822, Libreville et Gabon 1849 etc...).
Début d'expansion territoriale au Sénégal durant gouvernorat de Faidherbe en 1855. En Chine développement du système
d'appropriation des concessions étrangères à partir de 1842. Dans Empire ottoman grande autonomie des provinces arabes
et dans ports de Méditerranée orientale protection consulaire permet à nombreuses personnes d'échapper à juridiction
ottomane.
L'héritage des conquêtes antérieures : Inde, Java, Afrique du Sud, Algérie : En Inde East India Company s'appuie
sur trois présidences : Calcutta (Bengale), Madras (côte sud-est) et Bombay (côte sud-ouest). Territoire essentiellement
côtier, mais extension avec annexion du Mysore et attaque contre Confédération marathe qui regroupe princes hindous du
nord. Après fin des guerres napoléoniennes reprise d'expansion territoriale et contrôle total d'ensemble du sous-continent
indien par le biais d'annexions pures et simples ou de protectorats après victoire sur Confédération marathe. Suite à cela
attaque d'Etats périphériques en expansion : Birmanie (1824-26), Sind (1843) et Penjab (1846-1849). Toutefois, échec
d'une campagne en Afghanistan. Par ailleurs politique d'acquisition de territoires le long de route maritime vers l'Inde,
notamment Aden annexée en 1839.
Après guerres napoléoniennes consolidation de domination néerlandaise sous l'égide de l'Etat, depuis disparition
de Compagnie en 1799, suite à guerre de Java (1825-1830). Toutefois, échec dans tentatives d'expansion sur îles voisines
de Sumatra (guerres Padri entre 1821 et 1837) et Bali (1846, 1848 puis 1849).
Britanniques achètent colonie néerlandaise du Cap. Dès lors anglicisation forcenée de l'administration et mise en
oeuvre d'abolition de l'esclavage. Cela provoque départ de colons hollandais, les Boers, qui fondent républiques
indépendantes de Natal, mais rattrapage par Anglais en 1844, puis Etat libre d'Orange et Transvaal, reconnus
respectivement en 1854 et 1852. Grand Trek boer a engendré des occupations foncières au dépens des peuples Tswana et
Sotho et violentes confrontations avec Zoulous. Dans le cas d'Afrique du Sud expansion territoriale est due à dynamique
de « frontière » et à rivalité anglo-boer.
Après prise d'Alger en 1830 doctrine d'occupation restreinte jusqu'en 1839 avec présence française à Oran,
Mostaganem, Bougie et Bône et Constantine. Mise en place d'une guerre à outrance par Bugeaud en 1841 suite à attaque
d'Alger par armée d'Abd-el-Kader en 1839. Conquête finale d'ensemble de l'Algérie en 1847.
Une lente reprise de l'expansion à partir des années 1850 :
Afrique occidentale devient enjeu de rivalité
franco-britannique avec formes d'expansion du formel à l'informel. Dans Golfe de Guinée annexion de Lagos par
Britanniques en 1861 et Français mettent en place protectorat sur royaume de Porto Novo, tributaire du Dahomey, en
1863. Sur côtes de Guinée et au Sierra Leone maisons de commerce françaises et britanniques se disputent exportation de
production arachidière. Au Sénégal début de conquête territoriale par Faidherbe dès 1855 avec fondation de Dakar en
1857, annexion du pays ouolof (1858) puis du Cayor (1863). Expansion en direction du fleuve Niger, mais forte
résistance d'empire toucouleur de El Hadj Omar. Expansion au Sénégal pour promotion de culture arachidière.
Suite à deuxième guerre anglo-birmane de 1852 annexion de Birmanie. En Indonésie années 1846 à 1862 voient
série de traités pour acquisition des Moluques, Célèbes et Bornéo par Néerlandais, mais pas d'occupation effective des
territoires. Dans ensemble des territoires annexions sont suivies de formations de mouvements de résistance qui durent
jusqu'à fin du siècle. Opérations néerlandaises ont pour but de contrer expansionnisme de James Brooke, aventurier
anglais reconnu par Angleterre, depuis le Sarawak.
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L'accélération des années 1880 et 1890 ou la course aux colonies. Le partages de l'Afrique : Expansion française
au Sénégal et vers golfe de Guinée provoquent inquiétudes anglaises. Au Congo volonté de Léopold II de se tailler une
possession personnelle sous couvert d'association internationale et donc voit de mauvais oeil signature de traité entre
français Pierre de Brazza et roi des Batékés en 1882. En Afrique du Nord occupation de Tunisie par France en 1881 et
Egypte par Angleterre en 1882. Pour cette dernière volonté de sécuriser accès au canal de Suez et donc à l'Inde. A la
même époque, en 1884, acquisition par l'Allemagne de quelques possessions coloniales en Afrique (Togo, Cameroun,
Sud-Ouest Africain). Conférence de Berlin de 1885 met en place cadre de futures acquisitions territoriales : obligations
pour Européens de dire aux autres signature d'un traité avec Etat africain et obligation d'occuper effectivement le territoire
revendiqué.
A partir de 1889 volonté d'occupation de toute vallée du Nil par Angleterre et donc expansion en Ouganda. De fait
établissement d'un protectorat en Ouganda en 1894 et au Kenya en 1895. Réunion de ces territoires dans le British East
Africa Protectorate. Reprise d'offensive britannique au Soudan en 1896 suite à révolte du Mahdi, un chef religieux. En
1890 échanges de territoires entre Angleterre et Allemagne avec gain anglais de sultanat du Wituland, de territoires en
Afrique de l'Est et d'une prééminence sur Zanzibar (protectorat anglais à partir de 1896). Allemagne gagne, en Afrique,
bande de Caprivi en Namibie et possibilité allemande de prendre contrôle de Dar es Salam. Importance de crise de
Fachoda pour contrôle du haut Nil en 1898. Règlement de la crise diplomatiquement par accord franco-britannique de
1899 qui délimite possessions sur Nil et affluents du lac Tchad. Néanmoins, France trouve des compensations dans
conquêtes de Madagascar (1894-96), jonction possessions d'Afrique équatoriale, occidentale et du Maghreb suite à
marche au Tchad (1899-1900) puis achèvement avec conquête du Maroc entre 1908 et 1912.
Dans le même temps Portugal est grand perdant car impossibilité pour lui de faire jonction entre ses colonies
d'Angola et du Mozambique. Entrée tardive d'Italie dans course aux colonies et échec cinglant en Ethiopie en 1896, mas
retrouve un peu de fierté après victoire contre Ottomans en Cyrénaïque et Tripolitaine (1911-1912).
Les conquêtes néerlandaises (les « îles extérieures ») : Existence de conventions anglo-néerlandaises en 1824 et
1871 qui règlent définition des zones d'influence autour du détroit de Malacca entre Indonésie néerlandaise et Singapour
anglaise. Possessions néerlandaises sont, à part points d'appui à Sumatra, Bornéo, dans les Célèbes et les Moluques,
héritières des possessions de l'ancienne Compagnie. En 1871 traité de La Haye (ou de Sumatra) reconnaît souveraineté
néerlandaise sur ensemble d'île de Sumatra, dont sultanat d'Aceh exclu en 1824. Par la suite guerres d'Aceh entre 1873 et
1903 pour prise de possession effective du sultanat par Néerlandais, mais c'est seulement à partir de 1894 que des moyens
importants sont mis en oeuvre pour conquête suite à résistances du sultanat, des ulémas et de population. Suite à conquête
finale d'Aceh, extension territoriale néerlandaise sur reste d'île de Sumatra, sud-est de Bornéo, sud des Célèbres et Bali en
1908.
Le Grand Jeu : consolider les frontières de l'Inde : Achèvement de conquête territoriale et prise en main de
colonie par couronne britannique en 1858 implique volonté de contrôle des territoires du nord. Toutefois, rivalité avec
Russie.
Les rivalités fr anco-britanniques en Asie du Sud-Est : Expansion britannique en Asie du Sud-Est a pour but de
protéger frontières de l'Inde d'expansion birmane donc deuxième guerre anglo-birmane en 1852 et annexion de Basse
Birmanie. De même importance de détroit de Malacca suite à ouverture du canal de Suez donc nécessité de protection.
Pour cela installation imposée de résidents britanniques à cours des Etats malais (Pérak et Selangor en 1874 et autres
sultanats durant 1880's, tous réunis dans Fédération de Malaisie en 1891). Enfin, méfiance sur expansion française fait
que troisième guerre anglo-birmane donc annexion de Haute-Birmanie, cette dernière devenant province des Indes en
1886. De même prise de contrôle de Fédération de Malaisie et établissement de relations privilégiées avec Siam.
Dans le même temps France s'est engagé dans acquisitions territoriales : Cochinchine (1862-67), Cambodge
(1863) durant Second Empire, Annam et Tonkin au dépens de Chine (traité de Hué en 1883 puis traités de Tien Tsin en
1884 et 1885), Laos (1886-1895) durant Troisième République. Par la suite Siam doit abandonner suzeraineté sur
Cambodge et Laos, transformés en protectorats, puis céder provinces limitrophes du Tonkin en 1888 et rive gauche du
Haut-Mékong en 1893. Intégration de province chinoise de Kwang Tchéou e 1898. Ensemble de ces territoires forment
l'Indochine. En 1887 ensemble des possessions françaises sont regroupées sous le terme d' « Union Indochinoise ». De
l'autre côté cession de provinces malaises aux Britanniques. Traité anglo-français de 1896 consacre possessions des deux
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puissances dans la région et établi la persistance du Siam comme Etat tampon entre eux. Néanmoins, experts britanniques
sont présent à cour de Bangkok. Cette région présente nombreux administration directe et indirecte : Etat malais,
Cambodge, Annam sont sous protectorat alors que Birmanie, Tonkin et Cochinchine sont sous administration directe.
Les dernières acquisitions : Conquêtes tardives en Afrique ne sont pas achevées avant Première Guerre mondiale
mais durant les années 1920, notamment au Maroc après guerre du Rif entre 1925 et 1926 et différentes campagnes dans
l'Atlas. De même fin de la conquête italienne de la Lybie, commencée avec établissement de Régence de Tripoli en 1911,
par Mussolini dans les années 1920.
Importance de lutte d'influence entre Japon et Chine pour possession de Corée puis guerre entre 1894 et 1895.
Victoire japonaise et traité de Shimonoseki qui contraint Chine à céder Taïwan, îles Pescadores et reconnaissance
d'indépendance coréenne par Chine. Nécessité de combat contre population locale, érigée en république indépendante,
pour prise de possession japonaise de Taïwan. Mise sous protectorat de Corée en 1905 puis annexion en 1910. A la même
époque Etats-Unis s'établissent comme puissance coloniale avec prise de possession des capacités impériales d'Espagne à
Cuba et Porto Rico en 1898. Enfin, suite à Première Guerre mondiale transferts de souveraineté des colonies allemandes
vers France, Angleterre et Belgique. De même provinces arabes ottomanes sont mises sous mandat français et anglais.
Dernières acquisitions ont lieu durant entre deux-guerres avec expansion coloniale italienne en Ethiopie et japonaise en
Mongolie et Mandchourie dans les années 1930.
Les trois voies de l'expansion coloniale
Les guerres de conquête coloniale, des guerres spécifiques ? : Confrontation d'armées européennes à pratiques de
tactiques de harcèlement par armées des populations locales. Adaptation des armées européennes avec abandon des
grandes colonnes peu mobiles. De même prise de grandes villes fortifiées suite à des sièges ne met pas fin à guerre
puisque continuation de guérilla par souverains locaux. Par conséquent nécessité de capacités politiques pour le militaire.
Théorisation de doctrine de « pacification » par Gallieni. « Pacification » consiste à établir progression lente par mise en
place de réseau de postes pour maintien de l'ordre local, appui sur autorités locales pour négociation du ralliement des
chefs locaux. Conquête effective après soumission des dirigeants. Pour Gallieni nécessité que conquête s'accompagne tout
de suite de mission civilisatrice, notamment par construction d'écoles et de marchés. « Pacification » n'est pas
nécessairement pacifique et action d'Angoulvant en Côte d'Ivoire montre que possibilité de grande brutalité.
Idée de civilisation de supériorité morale de conquérant fait que non respect des lois de la guerre et donc
application d'une violence importante. De même caractère non conventionnelle des guerres permet non différenciation
entre combattants et non combattants. De fait prise d'otages femmes et enfants, utilisation de technique de terre brûlée.
Toutefois, utilisation de violence n'implique pas nécessairement de volonté d'extermination. Polémique historiographique
sur caractère possiblement génocidaire d'action de Von Trotha dans Sud-Ouest africain allemand, mais Wofle a démontrer
qu'il s'agit d'une « logique d'élimination » spécifique aux colonies de peuplement, le Sud-Ouest africain allemand étant un
projet de colonie de peuplement. Enfin, existence de violences matérielles et symboliques, notamment sac du palais d'été
des empereurs de Chine en 1860 ou déplacement dans musée des restes funéraires de monarchie merina à Madagascar en
1897-98.
Guerres coloniales sont caractérisées par petit nombre de soldats métropolitains du fait de refus d'opinion
publique. Soldats sont souvent recrutés parmi populations locales, notamment tirailleurs sénégalais créés par Faidherbe en
1857, et officiers et sous-officiers sont des volontaires Européens. Création également de corps de tirailleurs annamites en
1879 et tonkinois en 1884. De même en Inde avec intégration de Bengalis, Sikhs, Gurkhas ou Marathes dans armée
coloniale britannique. Utilisation de ces troupes dans propres colonies, mais également dans théâtres d'opérations
extérieurs. Idée que vie des Européens est plus précieuse que celle des autochtones.
Une dialectique de la négociation et de la guerre : Déclenchement des guerres coloniales ont souvent pour
prétexte le manquement à un traité antérieur (traité d'Uccialli entre Italie et Ménélik d'Ethiopie) ou menace que les
populations locales font peser sur Européens établis dans la région (exactions contre missionnaires français en
Cochinchine). Souvent ruptures des traités sont du fait des Européens, mais cela ne veut pas dire que chefs locaux ne
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comprenaient pas les traités. Exemple de princes d'Inde du Nord qui se mettent sous protection britannique grâce à une
alliance pour lutter contre un autre ennemi.
Le grignotage foncier : Troisième voie d'expansion a pour but la possession des et non la souveraineté. C'est
souvent l'affaire d'acteurs privés, notamment les anciennes Compagnies. C'est le cas plus particulièrement dans fronts
pionniers des colonies de peuplement en formation puisque nombreuses familles européennes en quête de ou aventuriers
attirés par richesses minières. Exemples d'Afrique du Sud au temps du Grand Trek ou de favorisation d'installation de
colons européens au Kenya par gouverneurs britanniques grâce à spoliations des des Kikuyu.
Face à la conquête
La conquête était-elle inéluctable ? : Selon Headrick importance de découvertes d'usage médical de quinine, de
canonnière et de révolution technologique pour expliquer l'avancée des conquêtes coloniales. Certes importance de la
cannonière, mais elle pose des problèmes en Afrique du fait d'importance des chutes d'eau et des cataractes ce qui oblige à
les démontées. De même pas nécessairement assurance de victoire puisque parfois capture de la canonnière, notamment à
Bornéo en 1859. Par ailleurs important perfectionnement des fusils et apparition de la mitrailleuse sont des avantages
technologiques importants, mais pas synonymes de victoire. Exemple de résistance des Chinois de Bornéo grâce à bons
fusils achetés à Singapour, mais aussi problème du mauvais maniement des armes par populations locales d'Insulinde. De
même en Afrique renouvellement important des arsenaux européens permet à souverains locaux de disposer de matériel
récent sur le marché. Par exemple durant les années 1880 Ménélik possède 14.000 fusils et quelques mitrailleuses et
artilleries de campagne. Toutefois, décision d'embargo européen sur vente d'armes en Afrique par convention de Bruxelles
en 1890 creuse progressivement le fossé technologique entre Africains et Européens.
Quand la conquête s'achève-t-elle ? : Même si conquête militaire et « pacification », subsistance de poches de
territoires échappant à emprise coloniale. De même existence de soulèvements remet en cause capacité d'autorité
coloniale à se maintenir. Exemple de difficultés françaises à établir pouvoir sur ensemble du Maroc, notamment sud où
besoin de 25 ans de conquête pour incorporation dans protectorat français.
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L'argumentaire colonial et impérial (XIXe-XXe siècle)
Au cours du XIXème siècle construction de dualité entre monde sauvage et monde civilisé. Renforcement de
cette vision durant seconde moitié du XIXème siècle par avance technologique de l'Occident et la conscience de cette
dernière. De cela dérive idée de mission civilisatrice s'appuyant sur religion et darwinisme social, mais aussi d'une
responsabilité vis-à-vis des peuples indigènes.
L'économie au coeur de la colonisation ?
Colonies, néomercantilisme et impérialisme : Dans cas britannique importance de rentabilité des entreprises
coloniales donc à la base plutôt pour un « impérialisme bon marché du libre-échange ». L'annexion formelle n'est que la
dernière solution des décideurs politiques. Dénonciation par les libéraux du coût de l'empire et appel à développement
d'un réseau de points commerciaux. Idée qu'il n'est pas nécessaire de conquérir territoire pour se tailler un marché.
Toutefois, durant dernier tiers du XIXème siècle avantages économiques des colonies sont de plus en plus soulignés. De
fait retour d'un certain mercantilisme du fait d'idée, en Europe et au Japon, que colonies peuvent être des réponses aux
besoins du système industriel. De même crainte des crises de surproduction donc nécessité de trouver de nouveaux
marchés. Commerce international est multiplié par 10 entre 1850 et 1910 et croissance du commerce est supérieure à
croissance de production. Idée qu'« exportation est facteur essentiel de la prospérité publique ». De fait crise de
surproduction des années 1880 et développement d'un certain protectionnisme en Europe rend pressante nécessité de
découverte de nouveaux marchés. Dès début XXème siècle, idée selon laquelle aggravation de lutte pour partage du
monde s'expliquerait par passage capitalisme au stade du capitalisme financier. Selon Lénine impérialisme est capitalisme
courant vers sa perte. De même idée que politiciens sont manipulés par les financiers et que ce sont eux qui sont à
l'origine d'expansion coloniale. Toutefois, cette thèse reste controversée. De plus exemples du Japon, du Portugal et de
l'Italie ne sont pas compatibles avec explication économique puisque souvent manque de capitaux à investir.
La colonisation profite-t-elle aux métropoles ? : Même si Marseille a insisté sur coûts de colonisation pour
France, il demeure qu'empire est malgré tout champ privilégié du commerce extérieur français. De fait entre 1880 et 1958
exportations vers l'empire croissent régulièrement. Empire est même débouché décisif pour certaines branches d'industrie
et réservoir essentiel de matières premières agricoles ainsi que zone de placement privilégiée. Intérêt économique de
l'empire, n'est pas un mythe mais une réalité. De même importance de marché indonésien pour industrie et capitaux
néerlandais. En revanche très faible rôle des colonies africaines pour l'Allemagne. En règle générale empires jouent
souvent rôle d'amortisseurs économiques pour les métropoles à partir de fin du XIXème siècle. Exemple
d'investissements britanniques dans dominions (Afrique du Sud, Raj britannique etc...) du fait d'incapacité de débouchés
pour capitaux en Europe et Etats-Unis. Toutefois, décolonisations n'ont eu que peu d'impacts sur économies des
puissances coloniales. Néanmoins, pour cas français Marseille explique que cela nuit à compétitivité puisque cela fait
survivre des secteurs en déclin.
Les raisons politiques de la colonisation
Les arguments classiques de la démographie et de la sécurité : Colonies sont traditionnellement vues comme
exutoires de populations métropolitaines pauvres grâce à déportation ou transportation des prisonniers. Emigration vers
colonies permet également, dans cas britannique, de répondre aux besoins de main d'oeuvre d'Afrique du Sud. De même
idée de l'importance d'émigration comme remède au trop plein de population métropolitaine dans cas de colonisation
italienne. Même cas au Japon avec toutefois adjonction d'idée qu'importance numérique des émigrants permet de mieux
« japoniser » les nouvelles colonies. Dans cas du Japon importance également du critère sécuritaire puisque colonisation
est vue comme moyen de se protéger des ambitions européennes grâce à formation de glacis périphérique. Même
argument sécuritaire pour empire britannique puisque selon J. Darwin importance des points d'appui, d'escales et de
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comptoirs dans le monde (Singapour, Aden, Hong Kong etc...) puis colonies africaines à partir de 1870 permettent de
contribuer à sécurisation de la route de l'Inde. Idée de colonies peuvent être des bases logistiques pour assurer la
puissance maritime est caractéristique de colonisation américaine, notamment aux Philippines et dans Caraïbes durant fin
XIXème/début XXème siècle.
Les « habits neufs » de l'argumentaire colonial : la puissance politique des métropoles : Importance des
thématiques de puissance et de sa conservation dans politique coloniale française autour des années 1870 ainsi
qu'espagnole et portugaise au tournant du XXème siècle. Selon Brunschwig théorisation économique servirait
essentiellement à légitimer des desseins nationalistes. Toutefois, économie et puissance sont indissociables puisque
compétition commerciale remplace peu à peu affrontements militaires et que richesse est le nouveau prestige. Pour pays
émergents comme Allemagne, Italie, Japon ou Belgique possession de colonies permet de se faire reconnaître
internationalement comme une grande puissance. Importance d'histoire dans argumentaire colonial italien du fait de
souhait de restauration d'une Pax romana. Enfin, entreprises coloniales peuvent également servir à cimenter l'unité
nationale ou comme élément de construction de la nation. C'est le cas pour Belgique, Japon, Italie et Allemagne.
La « mission civilisatrice » comme élément structurant de l'argumentaire colonial
Une « mission civilisatrice » aux fondements religieux et laïcs : Importance pour puissances européennes
d'exporter grands principes politiques et religieux, mais aussi de transformer vie matérielle et morale des sujets coloniaux.
Fondement d'idée de mission civilisatrice dans renouveau du mouvement missionnaire et dans pensée utilitariste en
Angleterre à partir de seconde moitié du XVIIIème siècle. Idée qu'expansion britannique permet de libérer les peuples du
despotisme oriental, mais que les peuples indigènes sont incapables de se gouverner eux-mêmes. De même en France
colonisation est présentée comme émancipation et continuation de Révolution. De manière générale idée que colonisation
est vue comme une oeuvre de civilisation. Certes peu de vérification de cette pensée dans pratique coloniale, mais
importance dans pensée coloniale en général. Importance de caractère religieux avec, par exemple, introduction de
politique éthique par Néerlandais dans leurs colonies en 1901 sur base chrétienne ou importance de prosélytisme religieux
dans « destinée manifeste » des Etats-Unis. Dans l'ensemble toutes les puissances coloniales, depuis Portugal jusqu'au
Japon, se donnent pour mission de civiliser les peuples indigènes de leurs colonies. Cette envie prend un caractère
particulier avec le Japon puisqu'également mission de régénérer l'Asie afin de lutter contre l'Occident. Par ailleurs idée
que Japon doit mener front panasianiste anti-occidental.
Progrès moraux et progrès matériels : Pour nombreux empires coloniaux occidentaux importance de
christianisation, grâce à des sociétés missionnaires catholiques ou protestantes, est un prérequis à la civilisation puisque
signifie abandon des « pratiques barbares ». Néanmoins, nécessaire association de christianisme et de commerce, ce
dernier détruisant isolement des sociétés indigènes. « 3C » : Civilisation grâce à Christianisation et Commerce légitime.
Présence missionnaire engendre volonté de réforme des moeurs donc lutte contre polygamie, habillement à l'occidentale
et conduire « correcte ». De même importance du travail au profit du colonisateur, travail forcé étant parfois vu comme
apprentissage de la « civilisation ». Toutefois, en terre d'islam et en Inde discours missionnaire a beaucoup plus de mal à
prendre. Outre cela puissances coloniales désignent nécessité d'éduquer scolairement les indigènes et de pourvoir à un
meilleur encadrement médical. Par ailleurs mission civilisatrice passe par mise en valeur du territoire avec idée que
science occidentale peut faire fructifier la nature. De plus ce développement des coloniales se ferait au bénéfice de tous.
Importation du modèle occidental de développement avec valorisation intense de nature et nécessité de sédentarisation.
De fait forêts sont perçues comme obstacle de soumission de l'environnement. Par exemple en Inde tendance à la
déforestation suite à arrivée des plantations de café, mais très vite mise en place de mesures pour préservation de forêts.
Par ailleurs résistances des sociétés dont mode de vie dépend fortement du milieu naturel et qui pratique les
transhumances. Pour lutter contre cela dépossession des communautés rurales indiennes et africaines de leur droits
fonciers et implications de ces populations dans système du travail salarié, celui-ci engendrant une obligatoire
sédentarisation. Ce mouvement va avec promotion d'éthique du travail salarié, de propriété privée et de la résidence
stable. Idée de « mission civilisatrice » répond à impératif de justification de conquête coloniale en termes moraux et
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économiques. Néanmoins, transformations des colonies ainsi que tensions entre puissances impériales entre 1900 et 1914
amènent les puissances coloniales à modifier leur discours de légitimation. Accentuation du phénomène après Première
Guerre mondiale. Peu à peu discours sur la mission civilisatrice laissent place à idée d'un gouvernement exercé pour le
bien-être des colonisés et plus respectueux des cultures locales. De plus pour Albert Sarraut respect des traditions est
étape vers progrès de la civilisation et colonisation est également « créatrice de droit ». Pour Delavignette importance de
rechercher réel compromis entre culture locale et apports européens. De fait bien-être des populations (qui passe par
coopération, association, volonté de protection des populations locales contre abus des pouvoirs locaux et des
compagnies) est une fin en soi et non plus un moyen d'arriver à d'autres fins. Extension d'idéologie du développement,
notamment par Angleterre à Singapour, du fait crainte de défaite durant Deuxième Guerre mondiale. Le but est d'obtenir
aide des populations locales.
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L'encadrement administratif des colonies
Administrations coloniales sont des structures complexes puisque construites autour des agents et objectifs de
métropole, mais avec de nombreux relais locaux. Implique bouleversement de quotidien des populations colonisées
puisqu'administration coloniale réclame impôts, réquisitionne travailleurs et soldats, édicte et fait appliquer les
règlements, intervient dans certaines activités économiques et place justice au mieux sous surveillance au pire dans sa
sphères d'attributions. Toutefois, malgré nombreuses compétences les administrations coloniales ont rarement les moyens
de contrôler tous les espaces et tous les groupes sociaux à l'intérieur de société. Questions de conditions d'administration
des colonies sont anciennes puisque débat depuis 1850. Premier débat porte sur assimilation des colonies à métropole
avec même institutions entre métropole et colonie ou association en conservant les différences de chacune ? Cette
dernière possibilité implique réflexion sur modalités d'encadrement : administration directe grâce à structures et
personnels importés de métropole ou gestion indirecte avec conservation, autant que possible, des structures et agents
locaux placés sous surveillance d'un résident envoyé par métropole. Début des débats à partir du milieu du XIXème
siècle, rebondissent à partir de 1900. Après 1914 opposition entre des « modèles » français et anglais, le premier étant
assimilationniste et pratiquerait l'administration directe alors que le second est fondé sur association et administration
indirecte. Existence de trois moments successifs qui ont lieu dans chaque colonie, mais avec des chronologies différentes
suivant les contextes. 1ère étape : longue phase de formation qui s'achève entre 1900 et début des années 1920 dans la
plupart des cas. Choix de type d'administration sont essentiellement dictés par situations locales, mais qui mêlent logiques
d'alliances, symbolisées par nombreux traités de protectorat, et usage de la force. Deuxième phase voit l'organisation et
l'affirmation des administrations coloniales, ces dernières prenant leurs traits définitifs entre années 1890 et 1920. De fait
tendance nette à autocratie et à bureaucratie, présentée comme symbole de modernité. Entre années 1930 et 1945
administrations coloniales entrent dans dernières phase avec mise en place d'ambitieuses politiques de développement
économique et social. De même idée de repenser relations avec administrés, ces derniers possédant désormais des droits
politiques.
Le patchwork des débuts
Nouvelles alternatives : Algérie est proclamée partie intégrante du territoire français et dans territoires civils, les
espaces peuplés de colons reçoivent organisation semblable à celle de métropole. En Inde à partir de 1857 Angleterre
s'engage à respecter autonomie et organisation interne des Etats princiers, ces derniers faisant allégeance à gouverneur
général anglais, le vice-roi des Indes. De fait en théorie idée d'un clivage entre France assimilationniste et Angleterre
associationniste. Mais réalité beaucoup plus complexe. Pour France dès 1854 senatus-consulte de 1854 met en place
mesure dérogatoire appliquée en Algérie depuis 1834. Il prévoit que toutes les colonies sont gérées par décrets du pouvoir
exécutif donc gestion hypercentralisée et dans les mains d'un fonctionnaire, gouverneur de la colonie. De même perte de
représentation élue des colonies dans métropole, mais existence de conseils généraux où toutes décisions sont soumises à
approbation du gouverneur. Durant années 1870 remise en place progressive de représentation élue des colonies par
IIIème République, mais ne change pas mode de gestion des « vieilles colonies » donc revendication assimilationniste,
mais peu satisfaite par loi de départementalisation de 1946. En Inde en théorie présence en haut d'India Office et du
secrétaire d'Etat et en dessous d'ensemble d'administration pour assurer présence britannique dans Etats princiers. De fait
développement de l'Indian Civil Service avec branche, l'Indian Political Service, qui a pour mission de conseiller et
surveiller les princes. Par conséquent assimilation et association sont des orientations générales, mais s'accommodent
d'aménagements opportunistes. Dans colonies de peuplement et enclaves évolution vers autonomie ou volonté
assimilationniste conduisent à subordination d'administration à pouvoir politique local ou métropolitain. Par exemple
entre 1881 et 1896 politique des rattachements en Algérie avec expérimentation d'hypercentralisation avec nombreux
services directement reliés à ministère métropolitain. Toutefois, caractère impraticable donc abandon et déconcentration
des services administratifs et placement sous tutelle du gouverneur général, hormis pour éducation et justice. Dans les
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colonies d'exploitation encadrement administratif est expression même de tutelle coloniale sur les populations. Dans ce
cas la présence de colons est souvent vue comme une gêne par administration. Toutefois, métropoles n'ont que peu
d'administrateurs à envoyer dans nouvelles possessions. De fait implantations des administrations coloniales souvent
précédées par délégation missions administratives aux anciennes structures locales ou à intermédiaires européens.
Dominer sans administrer : Pour métropoles nécessité de faire des alliances avec acteurs préétablis (traités avec
des chefs et formes du protectorat ou grâce à des sociétés concessionnaires) pour pouvoir s'installer dans la durée.
Protectorat est notion de droit international qui dit qu'Etat puissant prend en charge protection d'un autre Etat mis en
dépendance financière (Tunisie) ou militaire (Maroc). De fait souverain, institutions, personnel sont maintenus, mais sous
surveillance et relations internationales ainsi qu'armée sont confisquées. Protectorats sont donc gérés comme des Etats
dépendants par ministères des Affaires Etrangères qui envoient représentants sur place. Colonisateurs ont donc rôle de
conseillers et experts techniques et peuvent développer nouvelles institutions au gré de leurs intérêt. Toutefois, nécessité
de s'appuyer sur autorité de pouvoir local. Par exemple en Tunisie à partir de 1881 problème du trop grand nombre de
fonctionnaires français (3.800 vs 3.100 tunisiens) donc autorité des bey tunisiens apparaît trop sous tutelle française. A
partir d'environ 1900 disparition de nombreux protectorats du fait de conquête militaire (Madagascar 1895) ou par
décision administrative (Corée 1910). De plus en plus logique impériale l'emporte sur engagements avec les souverains
locaux. Certains protectorats étaient gérés par des compagnies concessionnaires, mais souvent disparaissent assez
rapidement puisqu'elles ont rempli leur rôle (Royal Niger Company entre 1886 et 1900), qu'elles ne sont pas rentables
(East Africa Company ou la Deutsche Ostafrikanische Gesellchaft entre 1885 et 1891). Anciennes sociétés
concessionnaires laissent sur place leur personnel.
Les limites de la « pacification » : Parfois métropoles profitent du fait qu'ancienne présence militaire dans
colonies pour faire de ces officiers certains cadres de l'administration. Parfois entame d'une carrière administrative par
militaires après leur engagement. Par exemple en Algérie dès 1830 officiers parlant arabe ou kabyle sont affectés à corps
spécial des Bureaux arabes. Ces derniers sont au départ organe de gestion indirecte, mais passent peu à peu vers formes
directes et autoritaires d'administration avec défense des populations locales contre revendications des colons.
Développement des Bureaux arabes au Sénégal puis en AOF. Dans ce territoire ils servent de relais vers encadrement
pérenne du fait de conquête rapide. Toutefois, vive contestation en Algérie et en 1867 disparition des territoires sous
administration civil et remplacement par un administrateur-maire. Dans Sud de l'Algérie maintien des Bureaux arabes
jusqu'en 1914. Existence de juxtaposition de territoires civils et militaires dans de nombreuses colonies, mais indique
limites de « pacification » et de transition entre administration militaire et civile. Dans certains cas passage d'une
administration civile à administration militaire comme dans cas de colonies japonaises de Taïwan et de Corée,
respectivement à partir de 1895 et 1910, où armées et milices japonaises locales mettent en place maintien de l'ordre,
surveillance des populations indigènes et cadastre. De fait développement numérique important des forces armées
japonaises en Corée : 18.000 en 1919, 22.000 en 1931 et 60.000 en 1941. A une moindre échelle garde-armé incarne
présence coloniale au quotidien. Administration devient civile, mais ne désarme pas face aux administrés.
Des administrations toutes-puissantes ?
Dans ensemble des puissances européennes mise en place de ministères dédiés aux colonies durant les années
1890/1900. En France secrétariat d'Etat aux Colonies devient ministère en 1894. Création de ministères en Allemagne
(1907), Belgique (1909) et Portugal (1911). Angleterre précède tout le monde puisque création du Colonial Office dès
1854.
Echelle fédérale et soubassement indigène :
A partir de début du XXème siècle mise en place de fédérations
ou de colonies de grandes tailles afin de faire économies de fonctionnement. Par exemple en 1891 création de Fédération
de Malaisie par Angleterre avec réunion des sultanats malais et de colonies de Malacca, Penang et Singapour. Du côté
français c'est l'Union Indochinoise en 1887, l'Afrique Occidentale Française en 1895 et l'Afrique Equatoriale Française en
1910. Grande colonie du Nigéria est créée par fusion des protectorats du Nord et du Sud en 1914. Volonté d'harmoniser
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les statuts avec reprise éventuelle des droits accordés auparavant. Par ailleurs à partir des années 1900 émergence de l'idée
que les colonies ne doivent rien coûter aux métropoles donc importance de collecte de l'impôt pour les colonies puisque
doit assurer budget et possibles investissements. Souvent emploi de recrues locales puisque n'ont pas droit à salaire
important des Européens. De même agents colonisés subalternes reçoivent bas salaires.
Proconsuls, « rois de la brousse » et Indirect rule : Au niveau local conservation des structures locales (chefs,
notables) et des villages, souvent base de perception fiscale. Néanmoins, tiraillement du colonisateur entre aménagement
des structures locales pour son profit et ménagement des structures locales puisque sont indispensables pour faire rentrer
les impôts. A tout les échelons les fonctionnaires métropolitains possèdent tous l'intégralité du pouvoir exécutif ainsi que
des éléments du pouvoir législatif. De fait fonctionnaires sont mis en position de commander leurs territoires et ont peu de
comptes à rendre. Dans colonies françaises gouverneur peut promulguer, possède un droit réglementaire, doit surveiller
les magistrats, peut juger certains appels, contrôle forces armées de la fédération et peuvent faire preuve d'initiative dans
le domaine diplomatique. Mise en place d'un recrutement par concours pour fonctionnaires d'Indian Civil Service dès
1853 puis formation à Oxford et Cambridge. En France mise en place d'une Ecole Coloniale dès 1889, mais ce n'est qu'en
1912 qu'elle s'impose comme passage obligatoire pour formation des fonctionnaires coloniaux. Au cours de carrière
importance de rotation des administrateurs coloniaux français (2 à 3 ans) pour éviter corruption et affaiblissement de leur
autorité coloniale. Néanmoins, peu de contrôle sur leur action. En règle générale administrateurs coloniaux sont peu
nombreux : 1. 250 fonctionnaires pour plus de 300 millions d'habitants en Inde. Exception notable de colonie japonaise de
Corée (52. 000 Japonais pour 22 millions de Coréens). Par conséquent, dans colonies occidentales importance des relais
indigènes.
Collaborateurs, employés et auxiliaires : Importance de constante redéfinition des chefferies sur des critères de
« race » ou d'ethnie. Exemple du Congo belge où diminution du nombre de chefferies entre 1917 et 1938 (de 6.000 à
1.200). Existence de ralliement d'aristocraties traditionnelles au pouvoir colonial afin de consolider leur propre pouvoir,
notamment les Priyayi de Java dès 1830, et existence de formation pour les fils de chefs par l''intermédiaire d'écoles
spécialisées. Néanmoins, souvent colonisateur cherche à former des élites alternatives à partir d'exclus des anciennes
sociétés précoloniales. Ces personnages sont les « évolués ».
Moderniser sans réformer
Des services techniques au développement : A partir des années 1940 (Colonial Development and Welfare Act en
1940 et création du Fonds d'investissements pour le développement économique et social en 1946) métropoles rompent
avec principe d'encadrement à moindres frais et lancent de grandes politiques de développement économique et social
dans les colonies. Cela passe par recrutement massif de personnel et remise en cause d'omnipotence de pouvoir des
administrateurs. Auparavant services techniques, comme par exemple le télégraphe, étaient uniquement mis en place pour
besoins du colonisateur. De même existence d'une ségrégation dans la formation puisque, par exemple, médecins
auxiliaires africains en AOF en 1938 n'ont pas le titre de docteur en médecine et relèvent d'un corps différent. Néanmoins,
grande variation dans ségrégation en fonction de service considéré. Du fait de ces ségrégations problème du retard cumulé
lors de réforme des services techniques après 1945. Certes en AOF la scolarisation passe de 3% à 8% entre 1938 et 1951,
mais c'est trop peu pour satisfaire les populations. A noter que grâce aux services techniques présence administrative
arrive jusque dans les villages, mais elle s'accompagne de surveillance policière accrue du fait des risques des
mouvements sociaux.
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Face à la domination coloniale : révoltes, accommodements , résistances
Insurrections des colonisés ont mis en place climat d'opposition permanent et la paix ne fut jamais réellement
réalisé par colonisateur. Importance numérique des révoltes en Afrique depuis milieu du XIXème siècle jusque dans les
années 1920. Exemples : soulèvement des Temnes et des Mendes au Sierra Leone en 1898, des Manjas en OubangiCharie entre 1902 et 1904, des Zoulous au Natal entre 1906 et 1908 ou encore des Maji-Maji entre 1905 et 1907. Par
ailleurs insoumission de vallée du Zambèze au Mozambique jusqu'en 1917. De même en Guinée jusqu'en 1920. Même si
plus rares existence de révoltes durant entre deux-guerres, notamment au Burundi en 1934 et en Angola en 1941. Après
1945 reprise des soulèvements avec contexte nouveau de décolonisation. Ensemble des soulèvements et répressions qui
en découlent permettent formation d'un récit nationaliste d'opposition à la colonisation. Toutefois, soulèvements armés ne
sont pas les seuls formes de résistances mises en place par les populations colonisées.
Des révoltes au nationalisme ?
Les insurrections : Insurrections se déclenchent souvent soudainement du fait de renforcement de violence de
colonisation (pression fiscale comme les Temne et Mendes en 1898 ; décision de justice comme en Guadeloupe après
acquittement de deux « mulâtres » après meurtre d'un Noir en 1893 etc...) ou du fait d'atteintes à pratiques socioculturelles (révolte des Cipayes en Inde en 1857). Socialement insurrections sont ancrées dans campagnes ou, comme en
Inde ou Indochine, dans villes très liées au milieu rural. Cela explique importance des croyances et organisations
religieuses dans déclenchement et propagation des soulèvements. Par exemple durant révolte Maji-Maji encouragement à
révolte par membres du culte de l'esprit Kolelo. De même en Indochine certaines révoltes étaient entretenues par ministres
du culte bouddhique.
Une histoire de la conscience nationale ? :
Le plus souvent soulèvements sont fondés sur millénarisme
paysan dénué de projet politique, mais espoir de vie nouvelle. Exemple de la révolte des Maji-Maji. Réutilisations des
soulèvements par les nationalistes pour attester que colonisés n'ont jamais accepté domination coloniale. Par biais des
rébellions de l'idée d'une conservation de leur « identité » et de leur « culture » propre par les colonisés, qu'elle soit
précoloniale ou forgée dans l'opposition avec la colonisation, donc organisations à vocations culturelles sont souvent les
prémices des mouvements nationalistes. Néanmoins, opposition n'est pas que dans rejet pur du colonisateur, mais sert
également à envisager « réforme » ou « renaissance » de la culture indigène. Exemples de l'Indian National Congress,créé
en 1885, ou du Budi Utomo en Indonésie, créé en 1908. De fait dans historiographie nationaliste et anticolonialiste
glorification des soulèvements et de leurs leaders. Par exemple révolte des Cipayes devient un soulèvement
« protonational ». Selon Ranger existence d'un mouvement en trois temps : soulèvements archaïques, affirmations
identitaires par défense de pratiques socioculturelles et mouvements nationalistes. Toutefois, problème de vision
téléologique conduisant inévitablement vers les indépendances. De même coexistence des mouvements culturels avec les
mouvements nationalistes.
Résister, collaborer, une distinction trop tranchée : Existence de cas où les résistants sont au départ des
collaborateurs avec des autorités coloniales. Exemple de Samory en Afrique de l'Ouest où s'arme contre possibilité de
guerre avec Français grâce à appui des Britanniques du Sierra Leone, mais signent différents traités avec Français entre
1886 et 1889. Parfois coexistence de collaboration et résistance à un pouvoir colonial. Exemple de Ma Zanshan où au
Mandchoukouo en 1931 il résiste à avancée japonaise tout en opérant tractations avec Japonais. Dans de nombreux élites
traditionnelles des colonies cherchent à préserver leur position au sein des sociétés colonisées, même si parfois
confrontations pour pouvoir et aléas des nominations par le colonisateur entraînent émergence de nouvelles familles.
Forte persistance des élites traditionnelles par exemple au Burkina Faso (Haute-Volta durant époque coloniale) où à
époque d'indépendance importance politique d'ancienne dynastie des Mossis.
Au coeur des sociétés rurales
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L' « histoire par le bas » : une approche féconde : Par importance pour populations colonisées, et notamment les
populations rurales, les Subaltern Studies ont permis de faire émerger l'existence de résistances quotidiennes moins
visibles que soulèvements. Ces résistances sont souvent complètement déconnectées de revendications politiques.
Peuvent être individuelles ou collectives. Exemples de communautés villageoises qui fuient prélèvement des impôts ou
recrutement militaires ou paysan qui s'obstine à faire paître son bétail sur une terre qui ne lui appartient plus. Ces
dernières témoignent de mépris d'autorité coloniale qui est durement réprimé (par jours de prison ou amendes dans empire
français). Importance de relative indifférence pour ces phénomènes dans historiographie, notamment nationaliste, puisque
pas tellement de visée clairement anticoloniale dans ces actions.
Les mobilisations de masse
L'Inde : un cas emblématique : Dès 1893 Gandhi défend ouvriers indiens en Afrique du Sud contre obligation
d'enregistrement. Revient en Inde en 1915 et début d'actions de non-violence et manifestations de masse. Après massacre
d'Amritsar en avril 1919, l'INC décide d'élargir sa base de recrutement avec mouvement de non-coopération au pouvoir
colonial en 1921. Se matérialise par boycott des titres britanniques, fonctions officielles, justice coloniale, écoles ainsi que
promotion du khadi etc... A partir de 1929 l'INC se déclare pour indépendance. En 1930 lancement du mouvement de
désobéissance civile puis du »Quit India » en 1942. Durant entre deux-guerres mobilisations de masse font se rejoindre
monde rural et villes. De même importance de faiblesse du Parti Communiste Indien et syndicats du fait de faiblesse
numérique de classe ouvrière indienne.
En Afrique subsaharienne : un rôle tardif : Existence de mouvements de boycott en Afrique surtout après crise de
1929. Par exemple en 1938 Farmers' Association de John Ayew appelle au refus de vente du cacao aux firmes en
situations de monopole. Même si existence de grèves à partir de 1896 et de syndicats dès 1909, mouvements ouvriers
africains ont beaucoup de peine à se développer. C'est seulement après Deuxième Guerre mondiale que mouvement
ouvrier a son importance puisque de nombreux cadres nationalistes sont formés à action politique par intermédiaire des
syndicats.
Au Maghreb et en Afrique du Sud : le poids de la population blanche : Dans territoires à population européenne
importante elle constitue mouvement ouvrier à son profit. Par exemple en Afrique du Sud syndicalisme est d'abord fait
par ouvriers blancs dès 1911 avec rejet d'intégration des Noirs à leurs luttes et revendications. Défense des droits des
Noirs par l'African National Congress à partir de 1912 et peu à peu importance forte du Parti Communiste d'Afrique du
Sud dans la vie de l'ANC. Au Maghreb, à l'instar d'Afrique du Sud, importance numérique de population blanche empêcha
intégration de mouvement ouvrier des populations indigènes à lutte anticolonialiste. Toutefois, différentes approches
suivant les pays. Au Maroc importance de programme de réformes de Jean Longuet en 1934 avec espoir de libération à la
clé. En Algérie importance du Parti Communiste Algérien avec motion de Sidi-Bel-Abbès en 1921 où subordination de
libération des Algériens à existence de la révolution. En Tunisie récupération de la CGT Tunisienne par nationalistes du
Néo-Destour après grandes grèves de 1936. Continuation d'agitation nationaliste jusqu'en 1938. De manière générale
problème du lien entre mouvement ouvrier et lutte anticoloniale.
La force du communisme en Asie : Importance du communisme en Asie du fait d'influence de Chine et envois de
communistes au Vietnam français et en Malaisie britannique. A Canton formation du Than Nien par le futur Hô Chi Minh
avec ambition de formation des militants marxistes. Ces derniers sont par la suite envoyés dans plantations pour
mobilisation des paysans. En 1930 organisation de mutinerie de Yen Bay par Parti national du Vietnam. Durant
répression, début d'insurrection des campagnes avec formations de soviets ruraux. Dans le même temps création du Parti
Communiste Indochinois par Hô Chi Minh en 1931.
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Les sociétés coloniales pendant les deux guerres mondiales
Modification profonde des sociétés coloniales par les « guerres globales » de 1914-1918 et 1937-1945 du fait de
mobilisation importante des combattants, travailleurs et des ressources naturelles des colonies. Ces périodes ont
favorisées intégration impériale dans les domaines économiques et culturels, mais aussi développement des mouvements
de contestation.
Théâtres d'opérations coloniaux et reconfigurations des empires
La chute des empires allemand et ottoman (1914-1918) : Durant Première Guerre mondiale invasion des
territoires coloniaux allemands, notamment Togo, Cameroun et Nouvelle Guinée (Kaiser-Wilhems-Land). En 1919 Togo
et Cameroun sont séparés en deux parties, une française (Togo oriental et Cameroun français) et une britannique (Togo
occidental et Cameroun britannique), avec mandats de la SDN. En 1914 Egypte devient protectorat anglais. Afrique du
Sud conquiert Sud-Ouest africain allemand en 1915 et se voit confier son mandat par SDN en 1920. En 1918 découpage
d'Afrique orientale allemande avec Rwanda-Urundi pour Belgique, Tanganyka (actuelle Tanzanie) pour Angleterre et
Kionga pour Portugal. Dès novembre 1914 capture de concession allemande en Chine de Tsingtao par troupes anglojaponaises. A la même époque Japonais capturent îles de Micronésie allemande et en reçoit le mandat en 1920. Au
Proche-Orient accords Sykes-Picot font que séparation du Moyen-Orient en deux zones, l'une française (Liban, Syrie du
Nord et Cilicie) et l'une anglaise (Koweït, Mésopotamie [Irak], Syrie du Sud et Palestine). Jérusalem est laissée zone
d'administration internationale. En 1920 SDN affirme les mandats de France et Angleterre sur ces territoires. Italie obtient
le Jubaland, sud Somalie.
L'expansion impériale japonaise pendant la Seconde Guerre mondiale (1937-1945) : En 1931 conquête de
Mandchourie par Japon après « l'incident de Mukden ». L'année suivante fondation du Mandchoukouo avec nomination
d'ancien empereur de Chine, Puyi. En 1937 invasion du nord de la Chine par armées japonaises et occupation de Pékin,
Nankin et Tientsin. Impopularité des Japonais au sein de population chinoise. En septembre 1940 invasion japonaise
d'Indochine française puis fin 1941 invasions de Malaisie, Hong Kong, Philippines et Thaïlande. En 1942 attaque
japonaise sur possessions hollandaises en Indonésie et sur possessions britanniques en Birmanie. Utilisation brutale de la
force dans nord de la Chine contre populations locales. Néanmoins, progressivement pertes des territoires conquis par
Japonais entre 1944 et 1945.
L'Afrique et le Moyen-Orient au coeur des enjeux stratégiques : Conquête d'Ethiopie par Italie suite à seconde
guerre italo-éthiopienne de 1935-36. Entre fin 1940 et 1941 nombreux combats entre Italiens et Anglais, armée anglaise
étant composée de nombreuses recrues d'Inde, Afrique du Sud, Nigeria et Ghana. Fin 1940 conquête de Libreville
(Gabon) par FFI contre troupes fidèles au régime de Vichy. Dans le même temps attaques anglaises contre possessions
italiennes en Ethiopie, menaçant le canal de Suez, à partir des Somalies, du Kenya et du Soudan. De même attaque
italienne contre Egypte depuis la Libye. Confrontation germano-italienne contre FFI à Bir Hakeim en 1941 puis victoire
anglaise à El-Alamein, fin octobre/début novembre 1942. Fin 1942 débarquement anglo-américain en Algérie et au
Maroc. Reconquête de Tunisie entre fin 1942 et 1943. Invasion britannique, ou franco-britannique, d'Irak, de Syrie, d'Iran
en 1941 et de Madagascar en 1942.
La contribution des sociétés coloniales à l'effort de guerre
La contribution des sociétés coloniales à l'effort de guerre : Large majorité des troupes coloniales sont constituées
de soldats autochtones. Par exemple durant Premeière Guerre mondiale France à mobiliser environ 580.000 soldats
africains et asiatiques dont 430.000 sont venus combattre en Europe. Britanniques recourent à environ 1.4 million
d'Indiens dont 800.000 combattants sur les divers fronts. Réticence des Allemands à utilisation de soldats Noirs, mais
usage de porteurs Noirs. De même en France et Belgique. Recrutement provoquent des révoltes, notamment dans le Haut-
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Sénégal et au Niger fin 1915/début 1916. De même attaques d'Européens ainsi que sabotage et rébellion dans le
Constantinois, en Algérie, lors de levée en avance de classe 1917. A partir de fin 1916 révolte s'étend et proclamation de
République algérienne. Répression sanglante en 1917. Au cours de Seconde Guerre mondiale recrutement par Angleterre
d'environ 2.5 millions d'Indiens. De même en juin 1940 en France présence de 100.000 sujets français des colonies. En
1945 présence de 200.000 combattants coréens en 1945 et 150.000 non-combattants auprès des soldats japonais.
Existence également de ralliement de quelques colonisés aux forces de l'Axe dans but d'oeuvrer à fin de tutelle coloniale.
Exemple de Subhash Chandra Bose au départ avec les Allemands puis avec les Japonais. De même création de Légion
nord-africaine par nationaliste algérien Mohamed El Maadi et Gestapo parisienne avec enrôlement de Maghrébins pour
lutte contre résistance intérieure en France.
La contribution des colonies à l'économie de guerre : Remplacement des ouvriers et paysans mobilisés par
travailleurs coloniaux vivant dans camps surveillés à proximité des villes industrielles ou des champs. Par exemple pour
France cela représente environ 16% des ouvriers dans industrie armement. Limitation des contacts avec population
française par recours à encadrement policier. Dans la même veine Japon fait venir environ 670.000 Coréens en métropole
entre 1939 et 1945. De même organisation d'un travail forcé avec recrutement de Chinois et d'Indonésiens pour utilisation
dans mines et industries du Mandchoukouo. Outre travailleurs existence de bordels militaires japonais dans tous pays
conquis. De fait nombreuses réquisitions de main d'oeuvre et de soldats entraîne parfois pénuries de main d'oeuvre dans
les colonies et recours au travail forcé, notamment dans empire français durant Première Guerre mondiale. Durant les
deux conflits mondiaux métropoles demandent à colonies une augmentation de production spécialisés (riz, caoutchouc,
charbon, ricin etc...) ce qui entraîne des monocultures et des déséquilibres dans les économies coloniales. De plus parfois
existence de pénuries du fait de fortes ponctions de l'effort de guerre donc augmentations des prix donc mécontentements
dans les colonies françaises et britanniques, ces mouvements pouvant parfois prendre des accents anticolonialistes. De
même tendance à l'augmentation de fiscalité de la part des métropoles.
Des sociétés affamées et meurtries par la Seconde Guerre mondiale : Immense famine dans Bengale en 1943
(environ 3 millions de morts) du fait de conquête japonaise de Birmanie en 1942 et décision de priorité du ravitaillement
pour soldats. Pénurie induit hausse des prix et difficultés de plus en plus grande d'approvisionnement pour pêcheurs,
paysans sans , ouvriers, artisans etc... Situations similaires en Algérie avec disettes successives à partir de 1942 et au
Rwanda-Urundi entre 1942 et 1944. De même au Tonkin entre fin 1944 et début 1945. Pour cette dernière important
impact de monocultures du coton et du jute sur capacités d'approvisionnement locales ainsi que bombardements
américains et épidémie de typhus.
Outre les crises frumentaires importance de durcissement des politiques de répression. Par exemple à partir de
1942 application de la « politique des Trois Tout » (tue tout, brûle tout, pille tout) par Japon en Chine ainsi qu'utilisation
d'armes chimiques dans certaines régions. De même accroissement de répression judiciaire en Algérie avec mise en place
d'un tribunal militaire permanent par gouvernement de Vichy ainsi que dénaturalisation de certains opposants politiques
tel Jules Ranaivo. Enfin, révocation de nombreux maires noirs en Guadeloupe. Toutefois, Seconde Guerre mondiale et
nombreuses défaites des colonisateurs a mis en avant leurs faiblesses et écorné leur autorité sur les puissances
autochtones. De ce fait et par l'importance des sacrifices des colonies pour effort de guerre de métropole, tendance à
l'exacerbation des revendications nationales dans les colonies.
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Emergence des nationalismes et premières indépendances
Dans les différents espaces étudiés les nationalismes sont nés à des époques différentes, le sentiment national
étant plus précoce en Asie qu'en Afrique. Il demeure que période d'entre-deux guerres voit l'émergence ou l'expression de
revendications nationales en Asie, au Moyen-Orient, en Afrique du Nord et dans l'espace caraïbe. De fait mouvements
nationalistes ne demandent plus une place dans espace politique coloniale, mais une réelle émancipation de tutelle
coloniale. Le plus les revendications nationalistes sont portées par des élites, mais peuvent également l'être directement
sociétés colonisées. Par ailleurs les acteurs de remise de question d'ordre colonial sont variés et ne possèdent pas mêmes
objectifs : retour vers le passé ou révolution ?
Une grande variété d'acteurs et de revendications
Le rôle des élites, instruction et politisation : Frustration importante des élites du fait de l'absence ou du caractère
limité de leurs droits politiques et donc jouent rôle majeur dans formulation des revendications nationalistes et
anticoloniales. Par exemple de nombreux dirigeants des partis nationalistes en Indochine sont issus du mandarinat et de
noblesse d'Etat. Dans les colonies françaises d'Afrique importance des élites du Dahomey et des quatre communes du
Sénégal danq émergence des revendications nationalistes du fait de leur meilleure scolarisation. Importance d'éducation
de haut niveau parmi les élites nationalistes, mais celle-ci n'est pas nécessairement une éducation coloniale. Exemple
d'association des oulémas d'Algérie.
Revendications des élites éduquées tendent à s'organiser au sein de partis ou de ligues. Parfois soutien de ces partis par
des partis métropolitains, notamment le PCF, mais plus souvent l'implantation communiste dans les colonies est
relativement faible. Emergences de leaders nationalistes, par exemple Gandhi, permettent de mettre en place une
articulation entre élites et peuple.
Mobilisations populaires et syndicales : Problème que les élites sont souvent coupées du peuple qu'elles
prétendent défendre. Néanmoins, ceci est un peu moins vrai avec les partis communistes en Asie ou du Parti du peuple
algérien ou du Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques, également en Algérie.
En Afrique importance du mécontentement politique du fait de dégradation des conditions de vie et de travail
durant l'entre deux-guerres, mais populations s'engagent plus dans luttes syndicales que politiques. Outre défense de
revendications corporatistes, les syndicats permettent de contester la domination coloniale. Dès 1930 autorisation des
syndicats dans les colonies britanniques et 1937 dans colonies françaises, mais uniquement pour les titulaires du certificat
d'études. Dans le cas français le syndicalisme demeure une forme d'élitisme. Aspirations nationales des couches basses
des sociétés coloniales peuvent s'exprimer à travers des mouvements religieux tel que celui de Simon Kimbangu au
Congo belge au cours de l'année 1921. En Asie existence de sectes populaires politico-religieuses telles que les caodaïstes
en Cochinchine à partir de 1921.
La Seconde Guerre mondiale et la maturation rapide des revendications nationales
Des signes d'émancipation antérieurs à la Seconde Guerre mondiale : Egypte obtient indépendance formelle suite
à fin du protectorat en 1922 et au traité de 1936 qui met fin aux capitulations. Néanmoins, Angleterre contrôle toujours
domaines clés comme défense, sécurité des voies de communication, protection des minorités et intérêts étrangers. En
Syrie échec du projet de grand royaume arabe. En 1936 Front Populaire français signe une promesse d'indépendance d'ici
à trois ans avec Bloc national syrien, mais jamais appliqué et nationalistes sont arrêtés. De même au Liban. En Palestine
montée des tensions entre Arabes et juifs du fait de forte immigration juive suite à déclaration Balfour de 1917 et achat de
des Arabes. Contre projet d'Etat juif Arabes réclament Palestine indépendante. A partir de 1935 montée en puissance du
terrorisme entre Arabes et juifs. La Birmanie dispose d'un parlement élu et d'une autonomie interne. En Inde les
campagnes de désobéissance civiles conduisent à promulgation du Government of India Act en 1935 qui fait passer corps
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électoral de 7 à 35 millions de votants.
Les ébranlements de la Seconde Guerre mondiale : Tchad et AEF prennent parti de De Gaulle et dans territoires
fidèles à Vichy autorités coloniales allient autoritarisme et séduction à l'égard des colonisés. Charte de l'Atlantique et
déclarations de Roosevelt fragilisent image des métropoles. Au Nigeria le travail forcé dans les mines et le passage de
recrues encouragent développement des revendications nationalistes ou panafricaines. En 1944 création du National
Council of Nigeria and Cameroons. En Tunisie bey s'appuie sur Bourguiba pour unité nationale puis unité nationale
contre tutelle française autour de Moncef Bey après arrestation de Bourguiba. Au Maroc création de l'Istiqlal, parti de
l'indépendance, en janvier 1944. En Algérie en 1943 rédaction d'un Manifeste du peuple algérien par oulémas,
communistes et nationalistes du PPA, mais sans effet. Au Moyen-Orient renforcement d'opposition des nationalistes en
Irak après répression du bref coup d'Etat en 1941. De même en Egypte après coup de force des Britanniques qui imposent
Premier ministre qui leur est favorable en 1942. En Palestine juifs s'appuient sur Etats-Unis pour mise en place d'Etat juif.
En Syrie et Liban élections de 1943 portent au pouvoir les nationalistes qui demandent fin du protectorat. A partir de 1944
début de transferts de compétences et décolonisation effective à partir de 1945.
En Asie occupation d'Indochine par Japonais attise ressentiment anti-français et revendications des nationalistes,
que ce soit élites bourgeoises, mouvements politico-religieux (caodaïstes) et communistes. En Birmanie Japonais se
présentent comme libérateurs et indépendance proclamée dès 1943. Toutefois, mouvements socialistes, communistes et
nationalistes se forment contre Japonais. Nationaliste Aung San met en place force armée, l'Antifascist People's Freedom
League. En Malaisie nationalistes sont écrasés par Japonais et communistes revendique indépendance à partir de 1943.
Dans Indes néerlandaises en nationalistes sont favorisés par Japonais puisqu'en 1943 ils encouragent formation du Putera,
mouvement national fondé par Soekarno. Toutefois, dissolution en décembre 1943 du fait de menace militaire de Peta,
branche armée du Putera. A partir de là Japonais s'appuient sur noblesse javanaise et notables musulmans et à partir de
septembre 1944 évoquent indépendance de l'Indonésie, mais simple promesse. Soekarno proclame indépendance de
l'Indonésie en août 1945. En Inde à partir de 1942 durcissement des revendications nationalistes puisque Congrès
demande une Inde unitaire et Ligue musulmane exige reconnaissance d'un Pakistan musulman. Lancement du mouvement
Quit India par Gandhi, mais répression importante et arrestations des nationalistes.
Circulations et rôle des institutions internationales : De manière générale Britanniques préfèrent doctrine du
« gradualisme » avec évolution des colonies vers des gouvernements autonomes, mais cela reste assez flou. A partir de la
fin de la guerre ONU devient tribune pour les mouvements nationalistes anticoloniaux.
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, quels processus d'émancipation ?
Il serait faux de penser que décolonisation britannique serait anticipée et pacifique alors que décolonisation
française serait globalement plus violente. De même décolonisation dans régions subsahariennes n'est pas plus pacifique
qu'en Asie ou Afrique du Nord.
Paisibles réformes ou insurrections en Afique ? : En Afrique française conférence de Brazzaville n'envisage pas
émancipation, indépendance ou autonomie des colonies, mais ouvre espoir pour rénovation politique (égalité civique,
abolition de l'indigénat, reconnaissance du droit de vote), économique et sociale de colonisation. De fait création d'Union
française ouvre voie vers plus grande assimilation. Toutefois, manifestations et revendications nationalistes ne cessent pas
puisque dès 8 mai 1945 manifestation à Sétif en Algérie. Répressions et blocages de voie légale encouragent à la violence.
Début de guerre d'indépendance en Algérie en 1954 à l'initiative du FLN. FLN, issu du PPA, gagne rapidement en
audience malgré fondation du MNA de Messali Hadj. Guerre atteint paroxysme entre 1957 et 1959. A Alger
démantèlement du FLN par général Massu et maquis sont pratiquement éradiqués par plan Challe en 1959. Néanmoins,
en 1959 général De Gaulle annonce autodétermination et ouverture de négociations avec gouvernement provisoire de
République algérienne. Celles-ci conduisent aux accords d'Evian le 18 mars 1962. Après cessez-le-feu référendum
d'autodétermination est organisé en juillet 1962.
A Madagascar répression d'une révolte anticoloniale en 1947. Essor du nationalisme du fait de défaite française.
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Institutions de l'Union française donnent aux colonies des assemblées provinciales et des représentants à l'Assemblée ce
qui devient nouvel espace des élites. Création en 1946 du Mouvement démocratique pour la rénovation malgache
(MDRM), organisation de masse avec branche armée. Administration soutient Parti des déshérités de Madagascar.
Révolte anticoloniale est déclenchée en 1947 et s'étend à toute l'île et se poursuit jusqu'en 1948. Enfin, progressivement
écrasée militairement jusqu'en 1950.
Importance de situation insurrectionnelle dans large partie du Cameroun. En Gold Coast autorités coloniales
envisagent passage à un gouvernement local avec importance des conseils régionaux et des élites instruites, l'autonomie
étant objectif lointain. Toutefois, vague de grèves chez mineurs et cheminots ainsi que boycott urbain des produits
européens. Manifestations sont réprimées dans le sang en 1948 United Gold Coast Convention pose question
d'autonomie, mais dirigeants sont arrêtés. En 1949 nouvelle vague de grèves à dimension anticoloniale. Dans le même
temps création du Convention People's Party, qui gagne élections de 1951.
Au Kenya en 1950 révolte des Mau-Mau rassemble Kikuyu, Meru, Kamba et Embu du fait d'accaparement des
meilleures par Européens, refus d'augmentation des de réserves alors que croissance démographique des populations
indigènes ainsi qu'impasse politique, le gouvernement ne concédant que deux délégués africains au Conseil législatif de
colonie du Kenya. Par ailleurs révolte n'a pas de projet politique et relève plutôt d'une révolte populaire, rurale ainsi
qu'urbaine, anticoloniale et messianique. Expulsion des Européens, reprise des et destruction des églises. Outre
Européens, révolte vise également Africains « collaborateurs ». Mise en place d'état d'urgence par colonisateur et
écrasement de rébellion en 1956 même si guérilla jusqu'en 1960. A partir de cette époque Colonial Office britannique
envisage des réformes. Indépendance tardive en 1963.
De la guerre mondiale aux conflits d'indépendance en Asie : Etats-Unis octroient indépendance aux Philippines en
juillet 1946. Néanmoins, continuation de domination économique de l'archipel ce qui instaure situation de néocolonisme.
En Malaisie grande diversité des forces nationalistes puisque princes malais, communistes et parti nationaliste l' United
Malays National Organisation à partir de 1946. Proclamation de nouvelle Constitution de Fédération de Malaisie en
février 1948, mais divisions sont multiples et importance numérique des communautés chinoises et indiennes. En Inde
1945 marque radicalisation des oppositions entre hindous et musulmans. Début de négociations sous égide de
l'Angleterre. Britanniques envisagent indépendance de l'Inde, mais échecs. Elections de décembre 1945 marquent partage
des provinces entre Congrès et Ligue musulmane ce qui ouvre possibilité de constitution de deux nations séparées.
Rupture entre Congrès et Ligue est marquée par heurts sanglants à partir de 1946. Indépendance de l'Inde à partir du 15
août 1947.
Importance de violence dans Indes néerlandaises et Indochine du fait de refus des métropoles d'envisager
indépendance de ces colonies. Après proclamation d'indépendance d'Indonésie en août 1945, réinstallation des
Néerlandais au cours d'année 1946. Signature d'accord de Linggajati en novembre 1946. Celui-ci prévoit Union hollandoindonésienne et Néerlandais reconnaissent république indonésienne à Java et Sumatra. Toutefois, à partir d'août 1947
Hollandais investisent villes de Java et Sumatra. Importance de réprobation internationale et accord de paix est signé en
mai 1949 avec transfert de souveraineté aux Etats-Unis d'Indonésie à partir de décembre 1949. A partir d'août 1950
création de République d'Indonésie.
En Indochine empereur Bao Dai proclame indépendance du Vietnam le 11 mars 1945 et est suivi le 12 mars par
Norodom Sihanoux, roi du Cambodge, et le 8 avril par roi du Laos, Sisavang Vong. Toutefois, discrédit de Bao Dai auprès
de population du fait de relations avec Japonais durant la guerre. Le 25 août 1945 abdication de Bao Dai et 2 septembre
proclamation de Réplubique démocratique du Vietnam par Ho Chi Minh. France ne reconnaît pas principe d'unité des
trois provinces vietnamiennes ni indépendance donc en septembre reprise de contrôle de Saigon et Cochinchine jusqu'en
janvier 1946. Peu après établissement d'un Conseil consultatif de Cochinchine ce qui est rétablissement de structure
administrative. Dans le même temps application de politique plus libérale au Laos et Cambodge avec signatures d'accords
d'associations. En mars 1946 France reconnaît Etat libre du Vietnam d'Ho Chi Minh avec gouvernement et parlement,
mais faisant partie de Fédération indochinoise et d'Union française. En décembre 1946 exactions vietnamiennes contre
Européens à Hanoï et déclenchement de guerre d'Indochine. France refuse de traiter avec Ho Chi Minh et signe accord
avec Bao Dai en juin 1948. Accord stipule que Vietnam uni sous autorité d'empereur est Etat associé de l'Union française.
Signature de conventions similaires avec Laos et Cambodge entre juillet et novembre 1949. Néanmoins, métropole
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conserve pouvoir importants dans domaine international, militaire, économique et judiciaire. Accords de Genève de juillet
1954 mettent fin à guerre d'Indochine et consacre indépendance du Vietnam.
Dans certaines colonies peu de modifications des pratiques coloniales. Par exemple dans colonies portugaises peu
de remise en question du pouvoir colonial donc assimilation de quelques milliers de civilizados est horizon indépassable.
De même en Belgique avec accord de « mérite civique » à quelques centaines d'indigènes à partir de 1948. Cas des
Antilles françaises est particulier puisque n'optent pas pour émancipation, mais pour assimilation par processus de
départementalisation. Néanmoins, revendications des mouvements nationalistes ne disparaissent et sont portées par des
intellectuels tels que Césaire ou Fannon.
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Justice et statut des personnes
En situation ni droit ni justice ne sont constructions cohérentes, guidées par principes prédéterminés. Textes
juridiques ont pu s'ajouter à dispositions locales antérieures à colonisation et parfois droit métropolitain s'applique en
partie. Institutions judiciaires sont résultat d'empilement de tribunaux importés par colonisateur pour reproduire système
judiciaire métropolitain, mais avec adaptation, et de formes de justice précoloniale, avec possibilité de réformes.
Processus de combinaison entre importations coloniales et pérennisation de système local vaut pour ensemble d'Etat
colonial. De plus ajout de situation inhérente à tous les empires : obligation de conjugaison entre intégration et
différenciation vis-à-vis des populations colonisées. Par ailleurs dans complexité de législation du fait de condition de son
élaboration. Dans empire français responsabilité d'établissement des lois incombait au pouvoir exécutif, décrets provenant
de Paris ou arrêtés des gouverneurs généraux sont majorité d'arsenal législatif des colonies. Dans empire britannique
inflation des textes est due à reconnaissance de pouvoirs législatifs aux autorités locales. Problème de la diversité des
situations juridiques au sein de chaque coloniale, mais aussi d'utilisation des textes législatifs comme sources historiques
puisque souvent ils sont assez loin des situations réelles.
Le statut des sujets coloniaux : un droit de la différenciation
En matière civile et en matière pénale : En droit civil, droit concernant famille (mariage, divorce, filiation,
héritage etc...) est conservé puisque autorités coloniales considéraient toute réforme comme risquée. Modifications ont été
apportées sur aspects jugés les plus choquants (pratique du sati [crémation des femmes en même temps que maris sur
bûcher mortuaire]) tout en conservant idée de ne pas en mettre en péril domination coloniale. Par exemple en Algérie non
interdiction de polygamie, mais travail de codification du droit musulman qui aboutit au code Morand en 1916. Même
principe de codification des droits coutumiers dans territoires de l'AOF à partir de fin XIXème siècle avec synthèse en
1939. De même au Laos et Vietnam avec retravail du code local de 1812. Aux Indes néerlandaises indigènes conservaient
statut personnel et dépendaient des juridictions coutumières. A contrario de droit civil importance de remaniement du
droit pénal avec définition de nouvelles infractions et de nouvelles formes de châtiments puisque jugé moins risqué que
modification du statut personnel. De fait peine d'enfermement eut tendance à se généralisée dans sociétés qui ne les
connaissaient pas. De plus présentation d'enfermement comme évolution vers civilisation contre pratiques des châtiments
corporels. Néanmoins, parfois droit pénal local continue de s'appliquer. Exemple de pérennité du Code pénal local en
Annam jusqu'en 1913.
En matière de nationalité et de citoyenneté : Dans empire français différences suivant dates de colonisation. En
1848 abolition d'esclavage fait que tous les habitants sont soumis au Code civil et qu'ils étaient français jouissant d'une
pleine citoyenneté. La même années naturalisation des natifs des trois communes du Sénégal (Saint-Louis, Rufisque et
Gorée puis un peu plus tard Dakar) et des établissements français en Inde. A partir de 1865 définition des indigènes
colonisés comme des « sujets français » c'est-à-dire qu'il est français sans jouir de citoyenneté française donc privation
plus ou moins grande de droit de vote et impossibilité d'accès à certains emplois publics. Existence d'une procédure de
naturalisation, mais nécessite d'abandonner son statut personnel. Importance de concept de race pour conception de
l'indigène. Par exemple « race française » inclut connaissance de langue française, maîtrise des codes sociaux, passage par
institution scolaire du colonisateur etc... Création d'Union française après Deuxième Guerre mondiale érige tous les
habitants de l'empire français en citoyens dans respect du statut personnel. Dans empire britannique aucune distinction
entre des citoyens et des indigènes puisque tous étaient sujets de la couronne. De plus distinction binaire anglaise
(sujet/étranger) différente de distinction ternaire française (citoyen/indigène/étranger). Toutefois, problème d'acquisition
de nationalité britannique. Dans de nombreuses colonies, notamment Natal, réserve de processus aux seuls Européens. De
même existence de discrimination raciale comme réserve aux Européens pour postes d'officiers dans armée des Indes.
Le pluralisme d'une justice partiellement dépossédée
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Le pluralisme juridique : Pluralisme juridique désigne coexistence de plusieurs ordres juridictionnels au sein de
même société. En matière civil pluralisme du fait de maintien de statut personnel avec application de droit spécifique par
juridictions autochtones ou par magistrats coloniaux spécialement formés. En matière pénal pluralisme du fait de
pérennisation de dispositions et cours autochtones, plus ou moins réformées. Cela participe à érection de barrières entre
populations des sociétés puisque soumises à des droits différents devant cours différentes. Par conséquent choix du droit
applicable dépendait du cas, mais aussi des personnes impliquées. Par exemple Code civil ne s'applique dans sa totalité
qu'aux Européens et encadre tous les contrats entre Européens et sujets coloniaux. Importance d'idée que compétence des
juridictions ne devait pas mettre en péril la hiérarchie de situation coloniale avec prééminence à minorité européenne.
Exemple de controverse sur jugement des Européens dans Inde britannique. De fait en 1872 décision qu'Européens
peuvent être jugés devant cours locales, mais uniquement par des magistrats britanniques. Dans toutes les colonies
séparation des individus en deux groupes (Européens et non-Européens) problème d'existence d'inclassables tels que les
métis, convertis ou des couples formés par deux personnes de statuts différents. De même avec citoyens des quatre
communes du Sénégal puisque citoyens français, mais de statut personnel musulman. Plusieurs tentatives de réformes
entre 1857 et 1912 puis décision qu'originaires des quatre communes sont soumis aux juridictions françaises et que cellesci doivent trancher affaires relevant de statut personnel. Toutefois, en dehors de communes d'origines et des principales
villes d'AOF imposition à justice indigène du fait d'absence de juridiction française en milieu rural. Enfin, coexistence de
juridictions coloniales et autochtones impliquaient nécessité de définition des compétences respectives. Par exemple au
Rwanda-Urundi après intégration au Congo belge existence de trois niveaux de juridiction : tribunaux de simple police
(jugement des Africains pour délits mineurs), tribunaux de district (jugements d'Africains pour toutes infractions et
Européens pour affaire de moyenne gravité) et tribunaux supérieurs (jugements des affaires graves impliquant Européens
et appel des affaires impliquant Africains). Par ailleurs droit coutumier peut être appliqué s'il n'est pas jugé choquant. Par
exemple en AOF « la justice indigène appliquera en toute matière les coutumes locales en tout ce qu'elles n'ont pas de
contraire aux principes de la civilisation française ».
Le régime pénal de l'indigénat ou les limites de la judiciarisation : Malgré juridictions judiciaires dans de
nombreux cas les affaires impliquant uniquement des Africains étaient d'abord jugées dans communautés villageoises
avant d'être possiblement renvoyées vers justice coutumière ou coloniale. Toutefois, importance de répression
administrative avec parfois simple remontrance du contrevenant, mais aussi possibilité d'amende transactionnelle au
montant négocié. Administrateurs pouvaient également se voir infligés des peines d'amende ou de prison avec possibilité
de mise au travail et châtiments corporels (coups de fouets, enchaînement, entraves etc...). Le plus souvent application des
peines sont dues à résistance à implantation de nouvelles cultures imposées par autorités coloniales dans but économique,
non-respect des contrats de travail dans plantations, manquements aux contraintes de résidences ou manquement aux
obligations sanitaires. Existence de ce système au Rwanda-Urundi dans le Congo belge, mais surtout dans empire français
avec importance du régime pénal de l'indigénat. Mise en place du régime de l'indigénat à partir de 1881 en Algérie de
façon provisoire puis de façon permanente à partir de 1888. Dans reste d'empire application progressive. De fait à partir
de 1887 au Sénégal et en Indochine, en 1899 à Madagascar, en AOF en 1904 et en AEF en 1910. Celui-ci comporte quatre
mesures : séquestre des biens (parfois de façon collective, mais continuation de jouissance des si ne sont pas bonnes pour
colonisation avec en contrepartie paiement d'une compensation en argent pour rachat du séquestre), amendes collectives
et internement administratif (assignation à résidence ou détention dans dépôts spécialisés ou dans lieux de détention
ordinaires, notamment île de Poulo Condore au Vietnam). Régime pénal de l'indigénat permet également pratique de
pouvoirs disciplinaires par fonctionnaires d'Etat colonial avec amendes ou jours de prison à des sujets coloniaux sur la
base d'une liste d'infractions spéciales. Cela ne peut pas être réellement un « Code » puisque ne sont pas des mesures
répressives créées par droit, mais encadrées par celui-ci à posteriori. A partir de 1897 en Algérie possibilité de conversion
des amendes et des jours de prison en jours de travail. Suppression de régime de l'indigénat dans colonies françaises entre
1944 et 1946 selon colonies. Toutefois, il était tombé en désuétude en Algérie à partir de 1927 du fait d'existence
d'exemptions, mais aussi réforme de fiscalité et mutation d'opposition à colonisation.. En effet, loi de 1919 exemptait
400.000 Algériens de plupart des mesures de l'indigénat pour loyalisme et participation à effort de guerre. Par ailleurs en
1919 suppression des « impôts arabes » or majorité des infractions relevant de régime de l'indigénat sanctionnaient des
infractions fiscales. Enfin, durant entre-deux-guerres mutation d'opposition à domination coloniale puisque ne vient plus
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des milieux ruraux, principale cible de régime de l'indigénat, mais de partis politiques qui tendent à se structurés. Dans les
autres colonies françaises importance de répression fiscale et donc application dépendait de conditions économiques. Par
exemple dans les années 1930 en AOF explosion de recours au régime de l'indigénat du fait de difficultés pour les
agriculteurs de payer leurs impôts. A l'instar de l'Algérie multiplication des exemptions par récompenses vis-à-vis des
sacrifices durant Première Guerre mondiale ainsi que soustraction de catégories de personnes considérées comme
« évoluées » échappant à répression de l'indigénat du fait de leur proximité avec les critères culturels et sociaux propres à
la « race française ». Par conséquent, seuls les inférieurs étaient soumis à régime de l'indigénat ; diplômés, titulaires de
certaines médailles, anciens combattants, certains commerçants et propriétaires terriens pouvant être dispensés de régime
de l'indigénat. En 1929 idée d'exemption des femmes en AOF, mais nécessité d'un texte dans chaque territoire donc
grande variation des situations. Enfin, empire britannique a connu des formes de répressions administratives individuelles
ou collectives. Par exemple le Criminal Tribes Act de 1871 tend à sanctionner les populations nomades ou semi-nomades
avec contrainte à sédentarisation, assignation à résidence, enregistrement et surveillance ainsi que pointage des hommes
chaque semaine auprès des autorités. Parfois soumission des tribus au travail. Dispositif perdure jusqu'en 1924.
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Police et maintien de l'ordre
Ordre et désordre en situation coloniale
Un usage supérieur de la force : Absence de consentement de la part des populations colonisées pour autorités
coloniales font que domination coloniale repose sur coercition et non sur hégémonie, hégémonie étant comprise, suite à
Gramsci, comme « construction négociée d'un consensus idéologique et politique qui associe groupe dominants et
dominés ». Toutefois, existence de cas de processus d'hégémonie, notamment en Afrique avec anciens soldats africains
d'armée française qui se sont reconvertis comme gardes-cercles pour Etat colonial. Importance de d'usage de la violence
du fait manque de légitimité des autorités coloniales.
Qu'est-ce que contrevenir à l'ordre en situation coloniale ? : Contraventions à ordre social excèdent largement
crimes et délits punis par loi puisque les autorités coloniales ont inclus des actes qu'elles percevaient comme s'opposant à
colonisation ou la mettant en danger. Par ailleurs criminalisèrent des pratiques sociales en instituant réglementations
concernant par exemple usage des forêts ou vie religieuse. Toutefois, sujets coloniaux ne sont pas les seuls visés par
contravention à ordre colonial. En effet, surveillance des migrants européens puisque possibilité qu'il s'agisse
d'aventuriers ou des travailleurs qui pourraient finir vagabonds. En Inde afflux des migrants s'accompagna d'augmentation
des infractions à la loi (abus dans conclusion de contrats avec Indiens ou violences physiques sur Indiens). Contraventions
à ordre colonial par dérogation à hiérarchie coloniale les plaçant en position dominante puisque cela met en péril la
frontière séparant populations européennes et indigènes. Importance du maintien de la hiérarchie.
Faire la police en situation de sous-administration
Un maintien de l'ordre partiellement étatisé : A l'instar du reste d'administration coloniale trop faible effectif des
forces de police par rapport à territoire à couvrir. Par conséquent importance des « îlots de domination » du fait de postes
devant assurer localement rayonnement de l'autorité coloniale. Exemple en 1865 à Java où tutelle hollandaise se signale
par postes administratifs et forteresses militaires. Constat vaut très bien pour colonies avec faible présence européenne,
mais aussi dans colonies de peuplement du fait de forte concentration des Européens dans espaces urbains. De fait souseffectif implique que maintien de l'ordre n'est que partiellement étatisé et que les colons sont parties prenantes dans les
milieux ruraux. Importance des milices de colons lors des révoltes, mais aussi au quotidien dans les plantations avec mise
en place d'un système disciplinaire propre au propriétaire. Exemples de l'Inde ou de Java avec dans ce dernier exemples
de constitutions de milices privées avec recrutements de Javanais.
L'articulation avec des structures locales : Outre rôle des colons maintien de l'ordre était également assumé par
réinvestissement des structures et pratiques locales antérieures à colonisation, notamment les milices de villages. Celles-ci
demeurent les forces principales du maintien de l'ordre. Importance de pérennisation des anciens systèmes locaux à Java,
Madagascar, mais aussi Taïwan. Dans ce dernier cas Japonais ont conservé chefs de pao, communauté locale de base,
avec pour mission d'assurer maintien de l'ordre. Par ailleurs intégration des milices à police d'Etat qui a pour particularité
dans colonies japonaises de former armature de l'Etat colonial.
Un recrutement local dominant : Importance numérique des représentants de l'autorité coloniale issus des
colonisés fait que maintien de l'ordre en situation coloniale relevait également de « transactions collusives » entre
populations locales et représentants de l'autorité coloniale. De fait l'ordre serait tenu par sorte de négociation implicite
entre ceux qui étaient investis des fonctions de maintien de l'ordre sur le terrain et les administrés.
Importance
du
recrutement local du fait de faiblesse numérique du milieu européen. Par exemple en 1905 à Madagascar 76% des postes
subalternes sont occupés par des Malgaches alors qu'encadrement était nécessairement européen. Importance du
recrutement européen pour polices urbaines puisque contacts et fonction d'autorité vis-à-vis d'Européens. Parfois
recrutement de policiers indigènes au sein des esclaves. Exemple à la fin du XIXème siècle avec alimentation de police
britannique de Gold Coast et allemande du Togo par marché aux esclaves de Salaga.
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La fiscalité coloniale
De manière générale fiscalité est manifestation régalienne de l'Etat et son moyen de financement. Celui-ci passe
par : fiscalité indirecte (douanes), fiscalité directe (impôt foncier, capitation) en nature ou en monnaie et monopoles sur
sel, opium etc... Dans contexte colonial impôts sont également considérés comme levier de transformation sociale et
modernisation économique ainsi que définition du statut des personnes, sujets coloniaux étant astreints à impôts
spécifiques. Néanmoins, fisc permet également de mesurer faiblesse de présence coloniale puisque souvent mal renseigné
sur contribuables et dépend étroitement de relais colonisés pour collecte des impôts.
L'impôt, une question éminemment politique
Un acte de souveraineté : Avec conquête autorités coloniales mettent à leur profit les systèmes fiscaux
préexistants . Par exemple en Inde East India Company intègre structures fiscales d'Empire moghol, notamment taxations
sur revenus de l'agriculture. Renégociations périodiques du montant du selon les régions, hormis pour Bengale où fixation
définitive de l'assiette dès XVIIIème siècle. De même conservation des monopoles sur opium et sel. Progression de
recouvrement des impôts permet de mettre en évidence degré de soumission au nouvel ordre politique. Dans toutes les
colonies collecte des impôts passe par indigènes et notables locaux.
Les douanes, un problème impérial : Fiscalité est domaine partagé de pouvoir métropolitain et de gouvernements
des colonies. Parfois intérêts des métropoles et des colonies se contredisent. Par exemple en Inde jusqu'en 1919 frais
d'importations bas pour textiles du Lancashire, mais à partir de 1923 adoption de tarifs douaniers élevés pour protéger
industrie indienne de concurrence. Dans ensemble des colonies britanniques douanes sont principales sources de revenus,
jusqu'à 45% dans les années 1930. Durant Second Empire colonies françaises reçoivent droit de fixer elles-mêmes les
droits de douane puis IIIème République aligne les tarifs coloniaux sur les tarifs métropolitains à partir de 1892.
Importance de baisse des recettes douanières lors des années 1930 ce qui accentue poids de fiscalité sur les populations
indigènes.
Condition indigène et assujettissement fiscal : Fiscalité reflète mosaïque statutaire des indigènes ainsi qu'inégalité
des statuts. En Algérie administration coloniale soumet indigènes aux « impôts arabes » alors qu'Européens sont
exemptés. Celui-ci disparaît avec instauration d'impôt foncier, pour Européens dès 1918 et Arabes en 1919. De même
dans colonie portugaise du Mozambique règlements sur travail et impôts dans années 1890 distinguent indigènes/non
indigènes. Dans colonies importance d'impôt personnel (capitation) avec obligation de versement en argent. A
Madagascar dès 1896 imposition de taxe personnelle sur hommes de plus de 16 ans. En 1901 augmentation de capitation
et dès lors c'est moitié des recettes du gouvernement général. De même en AEF et AOF représente entre ¼ et 1/3 des
budgets des colonies jusqu'aux années 1950. Au fur et à mesure de consolidation de la domination, assimilation fiscale
des colonies sur modèle métropolitain. Par exemple mise en place d'impôt sur le revenu dans années 1860 en Inde, depuis
1842 en Angleterre, mais ne touche que minorité d'Indiens, environ 360.000 contribuables sur environ 400 millions
d'habitants. En AOF généralisation d'impôt sur le revenu en 1956. Néanmoins, impôt personnel continue de représenter
part importante des recettes même s'il est vu par populations comme une des marques de domination coloniale.
Financer l'Etat colonial : « faire de l'impôt »
Un principe, des réalités : l'autonomie financière des colonies : Importance du principe que budget des colonies
doit être autosuffisant et que cela ne doit rien coûter à métropole. Par conséquent importance de poids sur populations
colonisées et donc impôts, monopoles, taxes foncières et produits issus de travail des populations colonisées. Cas
particulier du Congo belge puisque situé en zone de libre échange et ne peut donc pas bénéficier des revenus des douanes.
De même au Mozambique importance des revenus tirés de commerce des travailleurs mozambicains pour mines du
Transvaal, environ 17% des recettes en 1930. Augmentation de pression fiscale sur les populations colonisées.
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Néanmoins, dans de nombreux territoires autonomie financière reste théorique et subventions métropolitaines comblent
trous. Par exemple AEF reçoit financement jusque dans les années 1950. Par ailleurs dans le cas de fédérations problème
de financement du budget fédéral. Solution la plus courante est qu'il soit alimenté par budgets locaux.
Les dépenses : Avant Première Guerre mondiale budgets coloniaux sont essentiellement tournés vers financement
d'administration et de défense. Dépenses « civilisatrices » sont faibles, mais augmentent durant entre-deux-guerres et
après 1945. Dans ensemble des colonies françaises salaires des fonctionnaires coloniaux, métropolitains détachés dans les
colonies etc... sont à la charge des colonies. A partir de 1947 une partie des dépenses des Territoires d'outre-mer sont
prises en charge par métropole. Par exemple dans protectorat français du Cambodge 50% du budget passe dans
administration générale, 11% dans travaux publics, 4% chacun dans santé et instruction. De même en Inde administration
représente 25% du budget, armée également. Pour financement des infrastructures pas assez des budgets coloniaux et
fédéraux donc nécessité de recours à l'emprunt ou d'aide de métropole. Avant années 1920 importance des investissements
privés pour financement de développement économique colonial. A partir de 1929 volonté de développement des colonies
par Angleterre pour lutter contre chômage métropolitaine et relance de ses industries. Adoption du Colonial Development
Act pour alimentation de Fonds de développement coloniale pour subventions de projets. Toutefois, maigre bilan. Dans
empire français loi de 1931 facilite recours à emprunt. Endettement des colonies pour investissements dans infrastructures
routières ou portuaires. Dans ces années là dans colonies britanniques et françaises prise d'importance de remboursement
dans budget colonial, 40% en Algérie, 80% en AOF, 42% au Nyassaland.
L'impact de la fiscalité sur la société indigène
L'impôt, pourvoyeur de la main d'oeuvre : Autorités coloniales insistent sur « vertus éducatives » de fiscalité
puisque diffuserait goût du travail. En réalité fiscalité sert surtout à alimentation du budget et à mobilisation de main
d'oeuvre pour entreprises. En effet, nécessité de travail pour pouvoir payer les impôts grâce à perception d'un salaire ou
vente de produits. Par ailleurs impôts vise à accélérer monétarisation des économies faiblement monétarisées, notamment
en Afrique subsaharienne. Néanmoins, faiblesse du numéraire en circulation oblige autorités coloniales à accepter
paiements en nature ou en monnaie locale. Exemple du Dahomey où acceptation des cauris (coquillages) comme monnaie
pour paiement d'impôt jusqu'en 1907.
Le fardeau fiscal : Poids de l'impôt dépend des conjonctures et des régions. Par ailleurs importance de niveau des
prix agricoles pour possibilité de paiement de capitation par les contribuables indigènes. De fait augmentation forte du
nombre d'emprisonnement pour non-paiement de l'impôt durant les années 1930 dans colonie française de Guinée.
Importance de fuite des contribuables mauvais payeurs. Néanmoins, grande indulgence de la part d'administration du fait
de caractère possiblement explosif des questions fiscales.
Le symbole de l'oppression fiscale : En Inde mouvement de désobéissance civile de Gandhi a pour but
dénonciation d'oppression coloniale et choix de sel (monopole d'Etat) comme symbole. De même importance de lutte
antifiscale par femmes dans pays yoruba au Nigeria dans années 1930-1940. Par exemple manifestations de l' Abeokuta
Women's Union devant maison de chef des Egba, chargé de perception d'impôt pour les Britanniques, entre fin 1947 et
début 1948.
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L'armée dans les sociétés coloniales
Importance de recrutement de populations non européennes dans Etat colonial et notamment dans l'armée du fait
de supposée meilleure acclimatation et de coût moindre. Importance des recrutements locaux sont dans des proportions
variables, pas plus de 50% dans les armées coloniales hollandaises et anglaises par exemple. Hormis dans colonies
espagnoles et japonaises recrutement des soldats indigènes est la règle. Néanmoins, question d'impact de l'inclusion
d'indigènes dans les armées coloniales sur les sociétés coloniales.
Qui sont les « gardiens de l'empire » ?
Recruter : volontariat et conscription : En règle générale importance du volontariat avec signature d'un contrat
d'engagement, mais peut aussi être associé à d'autres formes d'enrôlement. Exemple de force publique d'Etat libre du
Congo où recrutement se fait par volontariat, mais aussi par levées annuelles à partir de 1891. De même pour tirailleurs
tonkinois à partir de création en 1886 où recrutement par engagements volontaires et systèmes de recrutement au niveau
des villages. Imposition de conscription aux sujets coloniaux par France à des dates différentes selon colonies (Algérie
1912, Afrique et Madagascar 1919 et Indochine 1923). France est seule puissance coloniale à imposer cela. Troupes
coloniales sont dès lors formées d'engagés volontaires et conscrits tirés au sort pour une durée de 3 ans. Jusqu'en 1946
volontaires ne peuvent plus de 25% du contingent. Proportions des troupes indigènes est variable selon colonies et plus la
colonie est importante pour le colonisateur moins la proportion est élevée. Par exemple en 1914 proportion de soldats
indigènes dans armées coloniales est de 66% en Algérie, 86% en AOF et 90% en AEF. En Inde baisse de proportion des
indigènes après révolte des Cipayes en 1857, de 88% on passe à 65%.
Choisir : l'importance des « races martiales » : Majorité des recrues des armées coloniales appartiennent à des
ethnies considérées par Européens comme des « races martiales ». Par exemple en Inde recrutement au sein des Sihks ou
des Rajputs. De plus peu de recrutements dans peuples ayant opposés forte résistance à conquête du fait de crainte de
déloyauté, tels populations d'Aceh par Hollandais ou Ashanti par Britanniques. Volonté de groupe ethnique de servir dans
armée coloniale dépend essentiellement de son degré d'intégration dans économie locale. De fait dans King African Rifles
les « races martiales » proviennent des régions pauvres.
Mutineries et insoumissions : Mutineries ont souvent pour déclencheurs la paie ou les mauvaises conditions de
service, notamment révolte des Batetela au Congo belge en 1897-98 ou celle des Indiens à Singapour en 1915. Faiblesse
de paie entraîne de nombreuses désertions. Par exemple en 1898 1/6 des effectifs d'un régiment annamite a déserté du de
mauvaise solde. Par ailleurs en Afrique française résistance aux premières campagnes de recrutement intensif se font par
des automutilations ou la fuite vers les colonies portugaises et anglaises ainsi que par révoltes de grande ampleur,
notamment en Haute-Volta (Burkina Faso). De fait insoumis (refus d'engagement ou déserteurs) représentent 20% des
appelés entre 1923 et 1946.
Le fonctionnement des armées coloniales
Le difficile avancement des colonisés : Immense majorité des officiers des armées coloniales sont Blancs. Par
exemple au début du XXème siècle absence d'officiers indigènes chez les tirailleurs tonkinois. A contrario règlements
italiens permettent nomination d'officiers indigènes, mais pas au dessus du grade de lieutenant. Indigénisation du
commandement est différent selon colonies. Ouverture d'une académie militaire en Inde à Derha Dun en 1932 et
nombreux Indiens sont admis à Sandhurst à partir de 1918. De fait sous-officiers peuvent être à la fois Européens et
autochtones, mais nombreuses différences même à grade égal. Exemple des sous-officiers annamites qui ne peuvent pas
commander à des soldats européens, sous-officiers voyagent en deuxième classe alors qu'eux en troisième et lenteur de
l'avancement.
Que ce soit dans armées coloniales françaises, anglaises ou italiennes possibilité de logement du soldat avec sa
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famille. Néanmoins, il demeure que service militaire est un temps d'acculturation où modifications importantes de modes
de vie des familles de militaires. Par exemple en Inde maisons des ex-soldats sont construites en dur avec une
organisation intérieure différente de l'organisation traditionnelle, changements des façons de se vêtir, soumission aux
règles d'hygiène occidentales. Dans empire français importance des troupes coloniales dans « action civilisatrice »
puisque nécessité que le soldat parle français.
L'armée, un acteur économique de poids dans les sociétés coloniales
Les retombées économiques de l'engagement pour une société : l'exemple du Penjab : Présence de l'armée peut
modifier les hiérarchies urbaines et les circuits économiques. Exemple du Penjab où implantation de structure militaire
(routes, chemins de fer, télégraphes, cantonnements etc...) fait que vers 1921 plus de la moitié de la population urbaine de
la région est établie dans 7 villes de cantonnements. Equipements militaires permettent également essor et
commercialisation de production agricole.
Une source de revenus non négligeable : Importance de service militaire comme un des rares emplois disponibles
en AOF durant crise des années 1930. Par ailleurs gain de popularité après 1945 grâce à augmentation des soldes. Enfin,
soldes aux anciens combattants sont un des rares revenus stables, même si importance des inégalités entre anciens
combattants français et indigènes. Par ailleurs après la Première Guerre mondiale créations de comités d'assistance en
Indochine avec prime de démobilisation ainsi qu'attributions de lopins de rizières ainsi que facilités pour l'établissement.
Grades mandarinaux sont même octroyés aux plus méritants ce qui leur assure un prestige auprès de leurs compatriotes.
Enfin, autorités coloniales peuvent également encourager les entreprises privées à embaucher d'anciens soldats, mais aussi
réservés des emplois publics à ces derniers. Par exemple en Afrique française 10% des anciens combattants ont accès à un
emploi réservé. Existence de ce système en Inde.
Les militaires dans les colonies, un groupe social particulier ?
Un moyen d'ascension sociale ? : Importance pour administration coloniale d'accorder faveurs à soldats et anciens
soldats afin d'entretien d'idée que groupe distinct ainsi que garantie de loyauté. Par ailleurs même postes subalternes dans
administration coloniale française font qu'anciens soldats deviennent des intermédiaires incontournables dans sociétés
locales. De même importante convoitise d'accès à chefferie en Afrique de l'Ouest par soldats en exercice ou vétérans. De
plus Etat colonial donne accès préférentiel à école pour les fils de vétérans. De même existence de facilités d'accès à
citoyenneté pour les vétérans.
Les formes de l'engagement politique : Durant Première Guerre mondiale fraternisation entre soldats des colonies
britanniques et soldats de la métropole pose le problème de la barrière raciale. De même contact direct avec le reste du
monde amène à une réflexion de plus en plus politique et une sensibilité plus grande aux discriminations. Néanmoins,
ceux-ci ne soutiennent pas nécessairement les mouvements nationalistes naissants. Exemple des soldats penjabies du fait
de leur recrutement avant tout rural alors que l'essor du nationalisme est plutôt urbain.
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Violences coloniales
Des violences extrêmes
Des violences sidérantes : Violences coloniales sont sidérants par formes : exécutions sommaires, massacres de
populations civiles (femmes, enfants etc...), destructions de villages, brûlées, pillages, rafles. Importance de recours aux
armes à feu et idée de certains Européens dans les colonies qu'ils ont droit de vie et de mort sur administrés. Exemple du
procès du capitaine Doineau en 1857. Par ailleurs violences coloniales se caractérisent par dérogation aux normes
juridiques en vigueur. Exemple d'utilisation de gaz moutarde par Italiens en 1935-1936 alors qu'interdit sur le plan
international depuis 1925. De plus violences coloniales sont violences de masse, mais problème de quantification assurée
des nombres de morts.
Camps de concentration, génocide : le moment 1900 : Fin XIXème/début XXème siècle colonies virent
avènement de nouvelles formes de violences. En 1898 à Cuba utilisation par Espagnols de camps de concentration. De
même par les Anglais contre les Boers entre 1899 et 1902. Idée de couper les combattants du soutien des populations
rurales en vidant les campagnes. Utilisation par les Allemands durant répression de révolte des Hereros en 1904-1905.
Une historiographie riche en débats
Massacres coloniaux et génocide : Importance de débat autour de qualification de certains massacres coloniaux
comme des génocides. Définition du génocide est mise en place par Lemkin après Deuxième Guerre mondiale. Existence
de deux critères : intentionnalité et ampleur du massacre. Débat autour de nécessité d'explicitation d'intentionnalité pour
qualification de génocide. De même problème de définition d'ampleur du massacre dans définition du génocide.
Historiographiquement, notamment Hannah Arendt, importance de lien entre génocide des juifs et massacres coloniaux,
ces derniers étant précurseurs. Toutefois, problème d'insertion des violences coloniales dans continuité puisque nie les
spécificités des violences coloniales. Importance de violence coloniale puisque domination coloniale a besoin de
coercition pour se maintenir, sa légitimité étant faible. Spécificité des violences coloniales tient au fait que violence
continue à s'exercer en dehors des périodes de conquêtes ou de répressions de soulèvements.
« La » violence coloniale
Droit et violences : Selon Merle idée que régime de l'indigénat substituerait des violences légales et contrôlées
aux pratiques répressives illégales (châtiments corporels etc...). Toutefois, malgré cela nombreux exemples de
continuation des violences illégales, notamment en AOF. De même dans empire britannique avec coexistence
d'application de mesures légales et de pratiques interdites. Existence de châtiments corporels légaux dans Congo belge.
Une violence inscrite dans les rapports sociaux : Outre violence physique existence d'une violence sociale.
Racisme, infériorisation en sont des exemples. Expression de violence coloniale est essentiellement du fait de l'Etat, mais
exemple du fouet dans les fermes du Transvaal sud-africain démontre que ensemble des Européens exercent cette
violence. Exacerbation de ce phénomène dans moments de crise et dans colonies de peuplement. Présence des colons lors
des grandes répressions coloniales. Dans de nombreux cas uniquement guides, mais existence de véritables milices,
comme en Algérie en 1945.
De la violence dans les deux camps ? : Justification de violence coloniale par existence d'une violence chez les
colonisés. Par ailleurs utilisation de violence des colonisés comme discours de justification et de minimisation des
violences coloniales.
34
Institutions représentatives
Logiques coloniales de représentations
L'assimilation et ses verrous : Périodes assimilationnistes en France, après 1848, et au Portugal, durant années
1820, permettent une légère représentations des colonies, uniquement certaines puis toutes après 1945 pour le cas de la
France, dans les institutions métropolitaines. Relatif étiolement des représentations au Portugal puis disparition complète
à partir de 1926. Dans cas de France embellie de représentation coloniale durant années 1870-1880 après suppression
durant Second Empire. Restauration de postes de députés pour Algérie, Guadeloupe, Guyane, Martinique, quatre
communes du Sénégal et pour comptoirs français d'Inde ainsi que création de poste pour Cochinchine en 1881. De même
création de postes supplémentaires de députés et de sénateurs pour territoires avec nombreux électeurs coloniaux.
Toutefois, rapidement contestation de politique de représentation coloniale par tenants de politique d'association. Dans le
même temps diffusion de conceptions racistes et opposition croissante entre « civilisés » et « indigènes ».
Qui a droit au self-government ? : Dans empire britannique importance du self-government avec existence d'une
assemblée locale et de gouvernement responsable devant l'assemblée. Néanmoins, au moment de création d'Union sudafricaine en 1910 exclusion des électeurs noirs, hormis au Cap. Lors d'intégration des femmes blanches au vote exclusion
totale des Noirs. Importance d'autonomie financière pour Colonial Office et cas de la Jamaïque, dont le Conseil législatif
fut profondément réformé après Morant Bay en 1865, montre que liaison étroite entre autonomie financière et autonomie
politique. Lors de subvention d'Angleterre à Jamaïque en 1899 mise en place des 10 fonctionnaires nommés par
administration et donc majorité de l'administration coloniale sur personnes élues. Par la suite réforme pour donner
majorité aux élus. En Inde après 1919 remplacement des conseils législatifs dans chaque province et à l'échelle de la
colonie entière, qui accueillaient déjà des membres élus depuis 1909, par système bicamérale avec majoritairement des
membres élus. Mise en place d'un conseil impérial (145 membres dont 104 élus) et d'un conseil d'Etat (60 membres dont
34 élus).
En 1916 création par les Hollandais d'une Volksraad avec association de membres élus et nommés avec d'abord parité
puis majorité d'élus dès 1927. Mise en place d'une collège censitaire de 200.000 électeurs. La même années USA
remplace première assemblée philippine, datant de 1907, par système bicaméral avec Chambre des représentants et Sénat
élus par suffrage direct et censitaire.
Expériences et crispations
Laboratoires municipaux : Mise en place des assemblées législatives en Inde et Indes néerlandaises suite à des
expériences dans plus grandes villes avec instauration de conseils municipaux en partie élus à partir de 1905 pour les
Indes néerlandaises et à partir de 1842 dans certaines villes d'Inde puis de manière plus générale dès 1882. En Inde idée
de soulager le budget colonial en déléguant certains services publics ainsi que la charge de la perception des impôts aux
villes et aux notables locaux. Néanmoins, corps électoral très restreint, difficultés dans le respect des résultats électoraux
par administration et notables locaux ainsi que présence de membres de droit. Malgré tout au début des années 1920
environ 1 conseil sur 2 était élu. Enfin, municipalités deviennent bases de système complexe d'élection indirecte pour
partie des membres des conseils législatifs provinciaux suite à réforme Morley-Minto.
Dans système français distinction entre commune mixte, sous tutelle administrative, et commune de plein exercice, élisant
conseils municipaux avec double mode de suffrage (universel masculin pour colons et censitaire pour les Algériens).
Peuplement européen très faible dans communes mixtes et direction de la commune par un administrateur-maire et ses
adjoints-indigènes nommés. Salariat de ces derniers à partir de 1919. De fait en Algérie monopole des colons sur
représentation locale. A partir de 1947 association des Algériens de façon plus large aux municipalités urbaines, mais
pratique toujours inégalitaire.
Façades représentatives et illusion dyarchique : Hors des villes très grandes difficultés pour faire vivre
représentation locale du fait de détournement ou d'ignorance des prescriptions administratives. A tel point qu'en Annam
35
l'administration désigne et rémunère les chefs de villages à partir de 1905. De même échec de restauration des assemblées
villageoises algériennes en 1919. Multiplication des assemblées et conseils par le colonisateur. Malgré faible poids
politique, faible caractère représentatif (exemple de conseil législatif du Gold Coast en 1925 qui incluait 6 membres
désignés par les chefs coutumiers et seulement 3 élus) et fonction essentiellement consultative ont malgré tout été des
espaces de discussion et de protestation qui ont pu parfois peser sur évolutions politiques. Exemple du conseil général du
Sénégal qui à partir de 1920 est composé de 20 chefs de cantons nommés et de 20 élus puis suite aux protestations est
réformé en 1930 avec majorité pour les membres élus. De plus outre chefs coutumiers volonté de cooptation des
représentants des intérêts économiques (chambres de commerce d'agriculture etc...) dans les conseils et les assemblées.
Exemple du conseil colonial de Cochinchine qui incluse 4 représentants de chambre de commerce et chambre
d'agriculture de Saigon dès 1880.
Existence d'une illusion d'un partage dyarchique du pouvoir qui pourrait associer tutelle coloniale et
représentation. Exemple de l'Inde où à partir de 1919 assemblées provinciales, élues au suffrage censitaire direct, peuvent
nommer certains des ministres de l'intérieur des gouvernements de province, mais ministères les plus importants (Ordre
public et Impôts fonciers notamment) demeurent dans les mains d'administration. De fait seule une partie des ministres
étaient responsables devant assemblée, les autres l'étant devant le gouverneur. Cas de Ceylan (conseil d'Etat de 61
membres dont 50 élus au suffrage universel, nomination de 7 ministres par conseil) permet de nuancer, mais demeure
exceptionnel. En Inde résistance de Parti du Congrès et boycott des assemblées donc mise en place d'un parlementarisme
au sein des provinces à partir de 1935.
Des démocratisations truquées ?
Du fait de faiblesses des formules dyarchiques autorités coloniales cherchent à fragmenter les corps électoraux
pour affaiblir élus. Utilisation du suffrage indirect, mais élargissement successif des corps électoraux tend à estomper
cela. Exemple de l'Inde où 3% des Indiens sont électeurs jusqu'en 1919 puis 14% en 1919 et 50% à partir de 1937. Dans
empire français utilisation du double collège électoral, mais fausse parité. De fait en 1919 certes 421.000 Algériens élisent
1.500 conseillers, mais ceux-ci ne représentent que moins de 40% des conseils. Par ailleurs même si abolition du suffrage
censitaire en Algérie en 1944 pérennisation du double collège. De même droit de vote des Algériens est refusé jusqu'en
1958 alors que Françaises d'Algérie peuvent voter à partir de 1944. Enfin, créations de collèges séparés entre citoyens
français et citoyens de l'Union française, les premiers étant au suffrage universel alors que les seconds est restreint par
différents critères (scolaire, sociaux, censitaire), mais tend à s'élargir très rapidement.
36
Abolition de l'esclavage, travail forcé, salariat
Abolition d'esclavage ne suffit pas pour disparition de travail contraint. Réglementations sur travail dans colonies
tendent à s'inscrire dans cadre d'exception vis-à-vis de cadres ayant cours dans métropole. Travail salarié permet de faire
entrer sociétés colonisées dans modernité, dans sens des autorités coloniales, mais aussi les faire entrées dans statut
universel ouvrant à exigence de certains droits. Colonisés s'en empare pour sortir de condition de travailleurs coloniaux.
Les abolitions de l'esclavage, « engagisme » et coolie trade
Des abolitions tout au long du siècle : Abolition de traite par Angleterre en 1807 puis par toutes les puissances du
traité de Vienne en 1815, avec néanmoins autorisation pour Portugal à sud d'Equateur. Abolitions d'esclavage dans
colonies tout au long du XIXème siècle : 1833 pour l'Angleterre, 1847 pour Suède, 1848 pour France et Danemark, entre
1854 et 1859 aux Indes néerlandaises, à partir de 1855 aux Indes britanniques et en 1863 dans colonies américaines des
Pays-Bas. Mouvements contre esclavage ne commencent dans empires espagnol et portugais que du fait de financement
des quakers britanniques. A noter que certains Etats n'interdisent pas esclavage, mais seulement commerce des esclaves.
Abolition de traite par Portugal en 1836, mais poursuite de manière illégale sur côtes Angola, Mozambique, Afrique
centrale vers Cuba, océan Indien et Sao Tomé. Proclamation d'émancipation par Portugal en 1875, mais en aucun cela
supprime esclavage et flux de travailleurs forcés vers îles portugaises atlantiques. Dans empire espagnol mise en place
d'une loi d'émancipation graduelle accordant liberté aux enfants de femmes esclaves en 1870. Abolition d'esclavage à
Porto Rico en 1873 puis émancipation générale en 1880. Existence d'une période de transition jusqu'en 1886 durant
laquelle affranchis décident s'ils continuent à travailler pour leur ancien maître. Lors de départ d'affranchi indemnisation
des propriétaires terriens ou période « d'apprentissage » durant laquelle affranchi reste attaché à maître et touche un
salaire inférieur à celui d'un travailleur libre. Existence de ce système dans empires espagnol, britannique, hollandais et
portugais. Par exemple dans Caraïbes britanniques période d'apprentissage est fixée à six ans pour esclaves agricoles et
quatre pour esclaves domestiques. Dans empire ottoman mise en place d'édits contre traite des Blancs en 1854 et des
Noirs en 1857. En 1880 signature de convention anglo-turque contre traite prive de débouchés trafic d'esclaves d'Afrique
orientale. Dans île de Zanzibar ou au Dahomey importance des esclaves pour développement d'économie de plantation
notamment en ce qui concerne les oléagineux. Justification d'expansion coloniale par lutte contre esclavage. Toutefois,
après conquête autorités coloniales ne remettent pas en question esclavage puisqu'est fondement d'économie de plantation
locales qui assurent revenus aux colonisateurs par exportation. Création, par exemple, de « villages de liberté » dans
colonies françaises d'Afrique de l'Ouest pour rassembler esclaves libérés, mais utilisation de cette main d'oeuvre par
administration coloniale. Suppression des villages en AOF en 1905, en même temps qu'abolition d'esclavage. En 1903
libération des esclaves nés après 1890 dans Somalie italienne. De même abolition d'esclavage par Portugal et interdiction
Congo belge en 1910. Dans colonies britanniques interdiction d'esclavage à Zanzibar en 1897, en 1900 en Ouganda, en
1907 au Kenya et en 1922 au Tanganyka. Abolition d'esclavage pose question de remplacement de main d'oeuvre.
Des dispositifs de substitution : « engagisme » et coolie trade : Dans Caraïbes planteurs font appel à main
d'oeuvre européenne (Irlandais, Ecossais, Allemands, Portugais de Madère) avec contrat pour durée de 3 à 5 ans, mais ne
parviennent pas à rendement des esclaves. Par ailleurs ils sont mal considérés par société blanche coloniale puisque
remettent en cause hiérarchie sociale fondée sur distinctions des couleurs. Remplacement par engagements d'Africains,
mais esclaves libérés sont obligés de devenir des « engagés ». Par exemple 35. 000 Africains sont employés dans colonies
britanniques entre 1841 et 1867. De même 50. 000 Africains sont introduits dans Antilles françaises entre 1848 et 1859.
Interdiction de pratique car trop proche d'esclavage. Signature de traité de libre-échange franco-anglais de 1860 permet
engagement de main d'oeuvre indienne par France. Le coolie trade sont migrations réglementées de travailleurs coloniaux
salariés, souvent Indiens ou Chinois. Existence de ce phénomène dès début XIXème siècle jusqu'à fin Première Guerre
mondiale pour les Indiens et veille Seconde Guerre mondiale pour les Chinois. Contrats types de sont 5 ans. Importance
de cette pratique puisque plus 2.3 millions d'engagés indiens à Ceylan entre 1843 et 1924 et 1.75 million en Malaisie entre
1844 et 1910. Hormis dans sultanats malais, les communautés de coolies forment des minorités avec forte identité
37
culturelle. Idéal n'est ni de se fonder sur critères de société blanche ni de « créoliser » leur culture. Relative hostilité des
anciens esclaves vis-à-vis des coolies puisque ces derniers acceptent salaires très bas. Enfants de coolies cherchent à
quitter mines grâce à éducation pour devenir cadres subalternes d'administration coloniales ou dans entreprises privées.
Le travail forcé, exploitation de la main d'oeuvre et « civilisation »
Une main d'oeuvre contrainte : Utilisation également de contrainte pour obtention de main d'oeuvre nécessaire à
projets de développement d'infrastructures ou pour exploitation des territoires conquis. Mise en place de justifications
pour légitimer pratique.
Compagnies concessionnaires et SMOTIG : Travail forcé permet à colonisateur d'utiliser main d'oeuvre par
réquisition et sans contrat pour réalisation de tâches pénibles (routes, chemins de fer, travail mines, plantations etc...).
Existence également de corvées pour administration, plus ou moins substitut à impôt. Se distingue d'esclavage par fait que
ce n'est pas transmis par hérédité et que réquisition s'effectue sur durée limitée. Importance de mortalité et relatif mépris
du colonisateur pour vie des colonisés, ces derniers pouvant être remplacés par nouvelles réquisition. Travail pénible,
mauvaises conditions d'hygiène et nourriture carencée. Relais des réquisitions par chefs locaux. Existence d'un travail
forcé également urbain, souvent main d'oeuvre pénale, administrative, prestataire (assujetties aux corvées) ou temporaire.
Outre l'administration coloniale réquisitions de main d'oeuvre peuvent également se faire pour grandes compagnies
concessionnaires. Ces dernières possédaient monopoles commerciaux ainsi que droits régaliens (police, impôt etc...) sur
des territoires concédés par Etat métropolitain. Imposition de grandes quantités de travail à faire avec forte coercition
(coupures des mains, pillage et brûlage des villages au Congo belge en 1895) si objectifs non atteints. A partir de 1926 à
Madagascar et en AOF utilisation de partie non mobilisée du contingent comme main d'oeuvre dans cadre du Service de
la main d'oeuvre des travaux d'intérêt général (SMOTIG) avec construction de routes ou de voies ferrées.
Oeuvre « civilisatrice » et condamnation internationale : Justification idéologique de travail forcé par jugement de
paresse porté sur Africains. Idée que travail permettrait de mieux moraliser et de civiliser qu'école, celle-ci étant réservée
à minorité. De même incapacité des sociétés colonisées de mettre en valeur leurs donc en le faisant sous férule coloniale
elles oeuvrent à leur propre bénéfice. A partir de 1930 Bureau international du travail appelle à fin du travail forcé sous
toutes formes, mais mise en place de dérogation pour travaux à fins publiques. Ratification de convention du BIT par
France, Angleterre et Pays-Bas en 1937, Belgique en 1944 et Portugal en 1956. Dans cas de France abolition de travail
forcé n'a lieu qu'en 1946.
Existence de travail contraint dans nombreux empires même pas de caractère systématique comme dans colonies
françaises, belges et portugaises. Par exemple depuis 1872 existence dans Indes néerlandaises de peine de 10 à 12 de
travaux forcés en cas de non-exécution de travail ordonné.
Le travail libre salarié. Entre « modernité » coloniale et subversion
Diversité du salariat : Faiblesse numérique du salariat (8,60% de population active en AOF en 1951). Dans la
plupart des colonies les Européens occupent les places d'encadrement, mais existence d'un prolétariat blanc en Afrique du
Sud donc favorisation de mise en place de l'apartheid pour maintenir distinction entre Blancs et Noirs d'une même classe
ouvrière. Salariat ouvrier est très faible dans colonies du fait de faiblesse d'industrialisation des colonies. Malgré tout
exceptions d'Inde avec industrie textile, d'Afrique australe avec secteur minier et de Corée durant entre-deux-guerres.
Cheminots constituent une certaine « aristocratie ouvrière » du fait de leur qualification. Colonisés éduqués deviennent
des « intermédiaires de colonisation », mais sont minoritaires. Dans certains cas (cheminots ou ouvriers citadins) salariat
peut traduire ascension sociale et donc certaine émancipation sociale et financière du fait de qualifications, mais le plus
souvent salariat recouvre des situations de précarité (ouvriers agricoles en Algérie) ou importante gamme d'emplois sans
qualifications. Par ailleurs passage au salariat fait souvent de petits artisans comme en Inde après introduction des textiles
britanniques. Cas particulier de la Corée puisqu'industrialisation et développement de petit tissu d'industries légères,
souvent possédées par des Coréens, durant les années 1920 et dans le même temps ouverture de politique coloniale
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japonaise vers influences et initiatives locales. De fait grandes entreprises sont japonaises, mais capitalisme est coréojaponais. De plus quelques familles coréennes sont capables d'effectuer des investissements. Elites coréennes sont de fait
tiraillées entre sensibilité nationale et intérêts de classe. A partir de 1937 mise en place d'un monde ouvrier
puisqu'ouvriers passent de 400.000 en 1933 à 1.5 million en 1943. Toutefois, conditions de travail difficiles, salaire bas et
discriminations en fonction d'origine, Japonais gagnant 2 fois plus qu'un colonisé (Coréen ou Chinois).
Des réglementations spécifiques pour le salariat en situation coloniale : Cadre réglementaire du travail en
situation coloniale correspond à situations dans législation du travail en métropole. Par exemple Code du travail français
se met en place aux colonies uniquement en 1952. Dans empire britannique existence de la législation Master and
Servant dans protectorat Est africain à partir de 1906. Stipule qu'en cas de rupture de contrat maître est suivi au civil alors
que travailleur au pénal. Disparition de cette disposition dans métropole et empire à partir de 1875, remplacement par
Employer's and Workmen Act, ce qui implique existence d'un traitement différencié des travailleurs africains par rapport
aux Asiatiques puisqu'idée qu'Africains opposent forte résistance au travail. De plus nécessité pour les grands
propriétaires de disposer d'une main d'oeuvre nombreuse et bon marché. A partir de 1919 responsabilité des chefs locaux
pour recrutement de main d'oeuvre contre rémunération. Utilisation de main d'oeuvre pour travaux publics péniles avec
limitation de durée à 60 jours/an.
Reconnaissance du travailleur salarié et syndicalisation : Organisation collective des salariés est rendue difficile
par faiblesse numérique et cadre juridique colonial qui interdit pendant longtemps les créations de syndicats.
Autorisations uniquement pour des associations telles que des amicales, sociétés culturelles ou avec vocation d'entraide,
les autres activités étant sévèrement réprimées. Dans empire français interdiction des syndicats du fait d'idée qu'indigènes
ne sont pas assez développés, économiquement et intellectuellement, et que meneurs peuvent les manipulés. Possibilité de
création d'associations professionnelles autochtones à partir de 1937 dans colonies françaises d'Afrique, mais avec
obligation que membres maîtrisent le français. Développement important des syndicats en Afrique française et en
Indochine. Autorisation des syndicats dans empire britannique en Inde en 1918 et en Afrique à partir des années 1930.
Toutefois, dans empire français mis à part les deux centrales des cheminots, syndicalisme demeure émietté. Importance
des liens entre centrales syndicales coloniales et métropolitaines. Protestations contre mauvaises conditions de travail
peuvent prendre forme de pétitions jusqu'à assassinat de cadres européens, comme en Indochine. Demeure qu'importance
des grèves même si celles-ci sont souvent violemment réprimées. Première grande grève a lieu en 1897 à Lagos.
Multiplication des grèves après Première Guerre mondiale puis généralisation dans territoires coloniaux durant années
1930. Volonté des travailleurs coloniaux de se faire reconnaître les mêmes droits que les travailleurs métropolitains.
Devant grèves de plus en plus importantes et incapacité des Français et Britanniques à trouver conflits sociaux, import de
cadre réglementaire métropolitain sur le travail. A partir de 1946 envoi d'inspecteurs généraux du travail à Dakar ou
Brazzaville. Néanmoins, application du Code de travail métropolitain dans colonies à partir de décembre 1952. Dans de
nombreux cas syndicalisme est le seul moyen d'expression politique pour populations coloniales.
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Migrations et diasporas de travail
Abolition progressive de traite esclaves africains entre 1807 et 1870 conduit puissances coloniales a recruter
nouvelle main d'oeuvre dans Antilles, Afrique et Asie. De fait pendant un siècle 50 millions de Chinois et 30 millions
d'Indiens émigrent outre mer. Migrations de travail reconfigurent démographie de nombreuses colonies et à l'origine de
nouvelles sociétés. Nécessité de développement nouveau système de communication et transport intercontinental. Mise en
place durant deuxième tiers du XIXème siècle. « Révolution des transports » entraîne baisse des coûts de transport et
raccourcissement durée du trajet. Augmentation de taux de retour a tendance à renforcer liens entre zones d'émigration et
régions d'accueil.
Les facteurs économique de l'essor des migrations
Dès milieu années 1830 Britanniques doivent suppléer à manque de main d'oeuvre dans plantations du fait
d'abolition d'esclavage. Font appel à travailleurs libres africains et européens pour remplacer esclaves dans Caraïbes.
Echecs donc appel à travailleurs chinois et Indiens. Dans certaines régions esclavage remplacé par forme de travail
contraint, l'engagisme. Existence phénomènes d'engagisme dans régions où esclavage perdure encore. Exemple de Cuba
où coolies chinois coexistent dans mêmes plantations avec esclaves africains. De même existence d'engagisme dans
colonies où esclavage n'existait pas, Natal ou Malaisie par exemple. Nouveaux flux de main d'oeuvre répondent à
développement d'industrie sucrière aux Caraïbes, Mascareignes (Maurice, Réunion), Afrique (Natal et Mozambique) et
Asie (Inde, Malaisie). Aux Philippines et Java recrutement de main d'oeuvre à place des esclaves dans plantations.
Recrutement massif de travailleurs indiens dans plantations d'hévéa en Malaisie, cacao à Trinidad ou café et thé à Ceylan.
Dans certaines îles des Antilles, Porto Rico ou Barbade, coexistence de travailleurs blancs et d'anciens esclaves.
Développement des flux migratoires s'expliquent aussi par conditions socio-économiques de régions de départ. En Inde
famines, surpopulation rurale, manque de travail, pression foncière et fiscale... Existence de deux grands types de
travailleurs émigrés : coolies engagés et travailleurs libres.
Le développement de l'engagisme dans les empires coloniaux
Engagisme permet à puissances coloniales de recruter travailleurs libres et sous contrat à bon marché. Travailleurs
chinois sont recrutés à Cuba, Antilles françaises et néerlandaises et Réunion. Travailleurs africains sont engagés au Sierra
Leone pour travailler aux Antilles durant milieu XIXème siècle. Travailleurs sont recrutés dans certaines villes (Calcutta,
Madras, Hong Kong etc...) soit directement par administration coloniale soit par agents des propriétaires de plantation.
Signature d'un contrat avec obligation de rester sur plantation pendant nombre donné d'années avant de rentrer chez eux.
Durant années 1840 coolie indien peut être recruté pour un an. En 1849 durée minimum d'engagement passe à trois ans
puis à cinq ans dans colonies britanniques en 1862. Pendant durée de contrat besoins élémentaires (nourriture, logement)
sont financés par propriétaire de plantation ainsi que versement d'un petit salaire. Liberté de mouvement des coolies est
très limitée et surveillée. Contraventions aux règles sont sévèrement punies par peines d'emprisonnement ou lourdes
amendes. Migrations des coolies s'arrêtent durant Première Guerre mondiale avec suppression du système de l'indenture.
Néanmoins, si derniers coolies indiens ont rejoint Antilles britanniques en 1916, derniers retours de coolies ont lieu en
1954.
Credit-ticket, kangani et migrations libres
A partir deuxième moitié du XIXème siècle majorité des migrants chinois utilisent système des credit-ticket.
Système fonctionne grâce à intermédiaires basés en Chine ou dans région d'accueil qui avancent argent pour transport et
frais d'installation. Par la suite travailleur ou employeur doit rembourser dette et intérêts. Système repose sur contrôle de
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communauté chinoise outre-mer, ces dernières exerçant forme de contrainte et parfois violence à encontre de travailleurs
dont situation semble malgré tout plus proche des travailleurs libres que des coolies. Reprise du système des credit-ticket
par administration britannique en Malaisie à partir des années 1880. Dans monde indien existence du système du kangani.
Idée que travailleurs indiens considérés comme influents recrutement travailleurs au sein de réseau familial ou de village
d'origine. Travailleurs libres ne sont pas liés par contrat ou engagement, mais sont redevables de recruteur. Importance de
contrôle informel, familial et communautaire du travailleur. Toutefois, existence d'abus et de corruption dans système du
kangani. Malgré tout travailleurs indiens exercent métiers plus variés que dans cadre de l' indenture puisque ce dernier
recrute surtout paysans. Travailleurs indiens s'engagent pour courtes périodes et font souvent allers-retours entre Inde et
colonies. Système du kangani jusque fin des années 1930 avec interdiction de migration indienne du fait de dépression
économique. Fin du XIXème siècle augmentation d'émigration de commerçants et artisans accompagnés de familles hors
système de credit-ticket ou de kangani. Travailleurs financent eux-mêmes voyages. Exemple nombreux commerçants
indiens qui s'installent dans colonies britanniques.
Les diasporas de travail dans les sociétés coloniales
Part importante des migrants ne reviennent pas dans pays d'origine puisque souvent constituent pécule et achètent
lopin de terre ou petit commerce. Environ 6 millions d'Indiens se sont installés dans autres colonies britanniques. De
même 7, 5 millions de Chinois ne sont pas rentrés en Chine. Migrants constituent importantes minorités dans certaines
sociétés coloniales. Exemple du Natal où Indiens sont plus nombreux qu'Européens début XXème siècle, environ 100.000
soit 10% de population. A Trinidad ils sont assez nombreux pour s'organiser politiquement et économiquement.
Néanmoins, existence de cas où migrants sont peu nombreux. Exemples de Jamaïque ou Grenades ou Indiens sont très
minoritaires et rejetés en bas d'échelle sociale. Importance des commerçants indiens dans Afrique orientale malgré
faiblesse numérique. A île Maurice Indiens constituent 72% de population en 1910. Une minorité des migrants chinois ou
indiens constitue également groupe d'intermédiaires privilégiés entre colonisateurs et populations autochtones. Utilisation
des Sikhs en tant que force de police dans empire britannique. En Birmanie et Malaisie prêteurs chettiars financent
paysans pour développement de rizicuture et d'hévéaculture durant première moitié du XXème siècle. Pour Metcalf le
dynamisme économique et culturel des communautés indiennes dans colonies britanniques permet d'avancer hypothèse
d'existence d'un « sous-impérialisme » indien au sein d'Empire britannique. De fait Indiens pas seulement des agents
passifs de colonisation européenne, mais ont aussi possédé propre stratégie et pouvoir d'influence. Néanmoins, minorités
indiennes et chinoises sont souvent en butte à hostilité des populations autochtones et de colonisateurs européens et
jusqu'à subir des discriminations. Enfin, alors que migrants Chinois et Indiens en Asie du Sud-Est conservent des liens
étroits avec pays d'origine, Indiens des Antilles tendent à perdre contact avec Inde et culture commence à se créoliser avec
estompage des distinctions de classes et adoption de langue et habits des colonisateurs.
Les migrations intracontinentales en Afrique
En Afrique migrations intracontinentales transcendent frontières impériales et se développent dès fin du XIXème
siècle. Migrations importantes de travailleurs libres du Sierra Leone, Dahomey, Liberia et d'Angola du fait de
développement important de Sao Tome et Principe. De même importance de migration de 50.000 travailleurs du
Mozambique pour Union sud-africaine et Rhodésie durant les années 1920-30. Importantes migrations de travail depuis
Rwanda vers Ouganda, Tanganyka et vers mines du Congo belge. Mobilités ne sont pas toujours organisées par
colonisateurs donc peuvent participer de stratégies d'accommodement ou de résistance. Exemple de certains travailleurs
autochtones qui quittent colonie pour rejoindre empire moins oppressif à leurs yeux, notamment les Mossi qui fuient
Haute-Volta française vers Gold Coast britannique. De même idée que mobilités peuvent permettre d'éviter contact avec
colonisateurs, comme les paysans qui se réfugient dans forêts d'Afrique centrale. Migrations de travail jouent rôle
important dans développement des sociétés coloniales, celles-ci étant par principe composées des plusieurs populations.
Souvent populations allochtones sont des « indigènes » provenant d'autres territoires coloniaux. Migrants, notamment
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chinois, indiens et syro-libanais, ont joué rôle très important dans développement socio-économique des « sociétés
plurales » des colonies des Antilles, d'Afrique et d'Asie. Peu à peu migrants deviennent des intermédiaires entre
colonisateurs et populations autochtones.
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Les paysans
Paysans constituent part la plus nombreuse des populations colonisées, industrie étant peu développée et secteur
tertiaire aux mains de petite élite. Paysans regroupe catégories très diverses, du paysan sans terre et forcé de vendre sa
force de travail au propriétaire cossu qui parvient à se constituer un capital foncier et rejoindre groupe des notabilités en
passant par petit paysan propriétaire. De même possibilité de ranger les cultivateurs qui travaillent souvent qui appartient
à une communauté souvent villageoise. Populations paysannes ne laissent pas beaucoup de témoignages puisque peu de
témoignages directs (sauf enquêtes orales) et souvent vision par prisme du colonisateur (archive de justice etc...). De
même colonisateur s'intéresse à populations paysannes de manière indistincte, les voyant comme source d'impôts et vivier
de recrutement et réquisitions. Par ailleurs paysans semblent incarner coeur d'identité africaine. Difficulté d'avoir
informations sur situation des paysans en contexte colonial et capacité d'intégration des paysans à modernité coloniale
agricole privilégiant cultures spéculatives. Il demeure que globalement signes donnent à penser que détérioration de
condition de vie de nombreux paysans.
Le poids du nombre
Proportions variables d'une colonie à l'autre, mais paysans constituent immense majorité de sociétés coloniales.
De plus importance de forte croissance économique. Réponse à croissance démographique a été accroissement des
surfaces cultivées plutôt qu'augmentation des rendements. En Inde croissance du rendement à l'acre (0, 405ha) est
quasiment nul entre 1891 et 1947 et même diminution de 0,18%/an pour cultures alimentaires (céréales et légumineuses).
Dans colonies en règle générale faibles rendements des : en 1931 Indochine 12 quintaux/ha, Siam 18 quintaux, Java 15
quintaux/ha alors qu'à même époque Japon atteint 34 quintaux/ha. Faibles rendements sont signes de stagnation des
techniques agricoles et d'utilisation de force de travail sans mécanisation. Néanmoins, toutes les colonies ne sont pas
comme cela puisqu'à Taïwan extension des à céréales de 76% entre 1900 et 1940 et dans le même temps augmentation de
production de 337%.
Importance des crises alimentaires et des famines en Inde au XIXème siècle. Famines en 1860-61, 1866-67, 1876-78,
1896-97 (celle-ci touchant toute la péninsule indienne et fait 5 millions de morts) et 1899-1900. Par ailleurs en Inde
production agricole par habitant a diminué de 0,72%/an entre 1920 et 1947. De même en 1928 en Indochine idée que
fleuve Rouge ne peut nourrir plus de 5 millions d'habitants alors que déjà peuplé de 7 millions d'habitants.
Des profils paysans contrastés
Des formes de modernisation coloniale : Intense développement des cultures commerciales dans cadre
d'économie de plantation avec intégration des paysans à des degrés divers dans économies commerciales et spéculatives.
Fort bouleversement des habitudes agraires par monétarisation de sociétés. Changement de situation des paysans
également du fait d'encouragement par autorités coloniales des relations contractuelles dans des sociétés habituées aux
relations sociales fondées sur obligations réciproques, liens de dépendance ou de patronage. Enfin, fixation de propriété
par cadre juridique se fait par relations contractuelles sans que contrat ne garantisse les tenanciers d'arbitraire du
propriétaire. Néanmoins, parfois minorité non négligeable de paysans des sociétés colonisées ont su s'adapter à contexte
colonial et participer à économie agricole commerciale. Par exemple à partir de seconde moitié du XIXème siècle au
Surinam constitution d'une communauté de petits propriétaires autochtones cultivant le cacao. De plus ceux-ci résident
dans les colonies et réinvestissent leurs gains dans la colonie. En Inde petite partie des propriétaires parviennent à
s'intégrer à marché de commerce national et international des produits agricoles puisque production de surplus, sont
suffisamment riches pour stocker en attendant montée des prix, emploi de main d'oeuvre et prêt d'argent ou de grains à
paysans en difficulté. Cette communauté de propriétaires gagne également prestige et autorité dans village. Période 18601900 est âge d'or de ce système. Pour grande majorité des paysans modernité coloniale a été signe de dégradation de
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situation. En effet vente de production par paysans se fait souvent par intermédiaires, marchands-prêteurs, et dans urgence
de payer dettes envers marchands-prêteurs, d'acquitter impôts ou de se nourrir. De plus en plus communautés agricoles
rurales deviennent un « prolétariat agricole » au profit des élites locales. Exemple d'aristocratie buganda en Inde qui est
propriétaire des et intermédiaire entre communautés agricoles rurales et marché. En Inde existence du servage pour dettes
et dégradation de conditions des tenanciers du fait de pression sur la terre et accroissement d'offre de bras. Fin XIXème
siècle ¾ des paysans indiens sont endettés. Dans de nombreux cas marchands-prêteurs ne cherchent pas à acquérir des
débiteurs, mais plutôt en faire des dépendants assujettis à conditions écrasantes et corvéables à merci. En règle générale
petits paysans sont très dépendants des fluctuations du marché et des conditions imposées par les commerçants. Très
souvent prêt auprès d'usuriers, vente de récoltes à prix très bas et commencement de l'endettement qui peut amener
rapidement à misère en cas de mauvaises conditions climatiques.
Crise, politiques coloniales et contestations paysannes
Un appauvrissement accentué : Crise économique mondiale renforce vulnérabilité de petite paysannerie et
augmentation importante d'endettement des agriculteurs durant années 1930. De plus faiblesse des communautés
agricoles augmentée par retour de nombreux travailleurs urbains au chomâge. Néanmoins, importance de pauvreté avant
même crise des années 1930.
Des essais de politiques coloniales : Pour lutter contre pauvreté autorités coloniales tendent à mettre en place des
dispositifs. En 1859 au Bengale promulgation de loi de protection des tenanciers (petits paysans), mais peu appliquée. En
Inde promotion du crédit coopératif à partir de 1904 et des grands travaux d'irrigation pour chercher à intensifier
productions. En Cochinchine tentative de fondations de villages de colonisation sensés attirer populations paysannes des
régions densément peuplées que sont Annam et Tonkin, mais échec. De même avec dragage et percement de canaux dans
Ouest indochinois, mais attirance des paysans pauvres de Centre et Ouest de Cochinchine et non ceux de Centre et Nord
Vietnam. Echec des autorités coloniales s'explique par incapacité à mettre en place des migrations à grande distance de
paysans très pauvres, mais par fait que paysans sont attachés à leurs villages.
Contestation et politisation paysannes : La contestation paysanne prend formes divers, plus ou moins spontanées,
mais tend à se politiser. Souvent mécontentement se marque par comportements de refus (infractions aux règlements
communaux évitement des prestations pour administration, fuite devant impôt, agression d'agents ou de notables exerçant
rôle économique. En 1875 direction des émeutes de Deccan contre prêteur. Sociétés lignagères, en Afrique orientale et
centrale notamment, ont été plus promptes à révolte que sociétés à Etat. Dans de nombreux cas contestation est larvée et
peut reprendre à tout instant tant que motifs ne disparaissent pas. En revanche autorités coloniales craignent plus les
contestations des élites paysannes car plus organisées. Exemple de révolte contre fisc colonial en Assam en 1893 ou au
Penjab en 1907. En Inde actions des élites paysannes se concentrent plutôt sur pétitions, grèves des impôts, taxes ou des
loyers fonciers et l'émigration collective. Fin XIXème/début XXème siècle début d'un soutien par une élite nationaliste
modérée. Importance de figure de Gandhi car des les années 1920 il fait la liaison entre les mouvements de masse très
populaires et les revendications politiques des élites libérales. Dans même temps actions de boycotts et de destructions de
débits de boissons ou de pillage de marchés etc... car symboles d'oppression coloniale. Toutefois, même si ce sont les
forces numériques majeures d'essor du mouvement nationaliste indien, les plus pauvres ne profiteront pas d'indépendance.
De même en Indochine. Appui des élites sur masses paysannes, mais aspirations des paysans ne sont pas nécessairement
prises en compte par élites politiques et classes moyennes.
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Les ouvriers
Colonisation repose sur division internationale du travail avec assignation de rôle de production de matières
premières (minérales ou agricoles) pour colonies et production de produits manufacturés pour métropoles. Expansion
coloniale également justifiée par recherche de débouchés et de marchés protégés pour production nationale. Autorités
coloniales cherchent à protéger sociétés « traditionnelles » de transformations jugées comme néfastes (industrialisation,
détribalisation, déracinement, politisation etc...). Paradoxe car dans le même temps volonté de diffusion du salariat avec
idée que c'est indice de civilisation et que salariés du « secteur moderne » sont meilleurs exemples du transformation
opérée par colonisation. Employés des plantations doivent être inclus dans « ouvriers » du fait de fort caractère agroindustriel des plantations et importance du salariat comme critère de distinction. Même si en 1950 sociétés coloniales sont
encore fortement rurales, stimulation de formation de prolétariats ouvriers. Apparition bouleverse équilibres sociaux.
Ouvriers sont minorité statistique, mais sont parfois nombreux localement et dans tous les cas peuvent jouir d'une forte
influence en proportion de leur poids numérique.
Le travail ouvrier dans le monde colonial
Quelques régions fortement industrialisées : Inde est cas presque unique de pays qui s'est fortement industrialisé
durant période coloniale. Néanmoins, secteurs industrialisés sont ceux qui demandent le moins de capitaux et de
sophistication technique, notamment textile. En Afrique du sud et au Congo belge exploitation industrielle des mines
implique naissance de prolétariat nombreux. En Inde population ouvrière est de 2, 1 millions en 1911 et 4 millions en
1931, soit 10% de population active. Concentration des ouvriers dans quelques centres urbains, Bombay, Calcutta et
Ahmedabad, où ils représentent part importante de population de ces villes. A noter qu'à Bombay et Ahmedabad capitaux
et patrons sont indiens. Néanmoins, au Bengale industries (mines, usines, plantations) sont essentiellement aux mains des
Britanniques. Par ailleurs grandes filatures ne font pas disparaître petits ateliers. Corée est également un des rares pays
colonisés avec forte industrialisation, mais à fin de domination japonaise. Jusque durant années 1930 pour Japon Corée et
Taïwan sont uniquement fournisseurs de denrées alimentaires pour métropole. Evolution de politique du fait d'orientation
progressive d'économie vers économie de guerre. Vers 1930 industriel coréenne est dominée par petits ateliers peu
capitalisés avec production de produits de consommation courante. Grande industrie est dominée par Japonais, à quelques
exceptions près dont famille Koch'ang Kim. Avec guerre Corée sert de base logistique pour opérations japonaises en
Chine. Développement industriel brutal du fait de grand potentiel en production de charbon et hydroélectrique. Nombre
d'ouvriers passe de 400.000 en 1933 à 1, 5 million en 1943. Diversification de la production.
Des activités industrielles limitées : Secteur agricole est celui où plus grand développement d'activité industrielle
dans monde colonial. Importance de fabrication de plus en plus industrielle du sucre. Dans plupart des colonies activités
industrielles se limitent à fabrication de produits de consommation courante.
Des prolétariats ouvriers
La formation du prolétariat : Recrutement des prolétaires chez artisans, souvent ruinés par fait colonial, et surtout
chez paysans. Paysans viennent trouver complément de revenus dans emplois saisonniers en ville et fuient, de façon
temporaire ou permanente, la misère des campagnes. Entre villes et campagnes mise en place d'un prolétariat flottant qui
vient participer aux grands chantiers coloniaux ou dans manufactures textiles puis retourne à activités habituelles.
Migration temporaire et main d'oeuvre flottante sont au départ des choix délibérés de patrons et autorités coloniales
puisque cela permet de contenir salaires, éviter installation définitive de migrants et faciliter encadrement, soumission et
limiter capacité à se coaliser de population migrante. Dans mines du Transvaal compagnie des mines va chercher mineurs
dans ensemble d'Afrique australe, notamment Mozambique, puis renvoie les ouvriers une fois le contrat terminé. A partir
de 1925 les difficultés récurrentes pour se procurer main d'oeuvre ainsi que pression d'Eglise catholique pour
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augmentation de natalité dans colonies font que grandes entreprises cherchent à fixer les travailleurs. Pour cela mise en
place de contrats de 3 ans, amélioration des salaires et des conditions de vie ainsi que développement des services de
santé et de formation professionnelle. Dans cas d'Union Minière du Haut Katanga, règlement intérieur régit vie
quotidienne des travailleurs et répression à coups de retenues sur salaire ou de « chicotte ». Bassins de main d'oeuvre
varient selon régions. A Bombay et Ahmedabad ouvriers viennent des campagnes environnantes, mais pour recrutement
entreprises recourent à particuliers, jobbers ou mukkadams, qui utilisent affinités de castes ou réseaux régionaux pour
fournir travailleurs. De même utilisation d'organismes publics ou patronaux. Dans tous les cas importance de mauvaises
conditions des travailleurs du fait d'absence quasi totale de logistique. Existence d'améliorations ponctuelles comme
extension à Indochine des mesures prises en métropole par Front Populaire en 1397.
Les ouvrières : Développement du travail ouvrier féminin, notamment égrainage de coton en Egypte et filatures
de Bombay et Calcutta. Existence de quelques lois sociales, notamment Factory Acts de 1881 et 1891 qui limitent emploi
des femmes et des enfants. Part des femmes ouvrières passe de 25% à 15% entre 1890 et 1930 à Bombay. Néanmoins,
certaines tâches restent leur apanage, notamment cigarettes indiennes. Industries textiles japonaises s'implantent en Corée
du fait de non application du droit du travail japonais. De même emploi de paysannes pauvres âgées de 14 à 18 ans
représente 80% de personnel. Utilisation de cette pratique par entreprises coréennes.
Ouvriers blancs et discrimination raciale : Dans zones coloniales où peuplement européen plus important,
concurrence forte entre colonisés et colons pour emplois qualifiés. Dans de nombreux cas colons possèdent postes
qualifiés. Exemple des ouvriers étrangers, notamment italiens et grecs, du Caire qui représentent 5,2% des ouvriers en
1937, mais possèdent majorité des postes de contremaîtres etc... Par ailleurs salaire d'un ouvrier européen est 2 fois
supérieur à celui d'un indigène. En Afrique du Sud formalisation de la colour bar en 1926 ce qui bouche toute perspective
de promotion sociale pour indigènes. En Rhodésie du nord (Zambie actuelle) existence d'une double grille de salaire
(Blancs/indigènes) jusqu'en 1969 alors qu'indépendance jusqu'en 1964.
Le mouvement social aux colonies
Actions ouvrières : le primat de la grève : Dans sociétés coloniales regroupement des travailleurs dans association
professionnelles et formation de syndicats sont très encadrées. Libertés syndicales métropolitaines sont rarement étendues
aux colonies ou tardivement. De fait Angleterre autorise syndicats en Inde à partir de 1918, au Kenya en 1937 et en
Afrique occidentale en 1938. Pour France extension du droit syndical à AOF en 1937, mais pas à Indochine. Conflits
sociaux éclatent pour non-respect des contrats, revendications salariales, refus d'allongement de temps de travail.
Protestation prend formes variées. En Indochine travailleurs envoient des pétitions à Inspection du Travail, fondée en
Cochinchine en 1918 et en 1927 dans toute fédération. Destructions de machines comme dans usines de jute au Bengale
au 1895. Recours au sabotage ou parfois aussi violence physique. Grève spontanée ou organisée, autorisée ou réprimée,
tend malgré tout à se généraliser. Par exemple en 1919 et 1940 Bombay connaît 8 grèves générales de plus d'un mois. A
partir des années 1930 grèves se généralisent dans monde colonial.
Associations professionnelles et syndicats : Premières associations professionnelles concernent entraide entre
travailleurs et questions religieuses ou culturelles. Par exemple en Inde hindous et musulmans se regroupent par affinités
religieuses. Début XXème siècle apparition des associations par branches d'activité. Britanniques redoutent politisation
donc mise en place en 1926 de législation qui cantonne associations professionnelles à monde du travail et interdit toute
activité politique. Accroissement de surveillance avec montée en puissance de mouvement communiste du fait de son
influence dans milieu syndical. A Cuba mise en place de mouvement ouvrier d'envergure nationale à partir des années
1880 et surtout 1890. En 1899 fondation de Liga General de Trabajadores Cubanos. Aux Indes néerlandaises importance
de développement syndical et mise en place d'organisation confédérale : Union centrale des syndicats indigènes. En 1919
72.000 membres et en 1931 113.000. Dans empire français reconnaissance des associations professionnelles locales, mais
existence de quelques restrictions : membres doivent parler et écrire français et toute grève doit être précédée d'une
conciliation. Suppression de critère linguistique dans recrutement uniquement à partir de 1944 dans territoires coloniaux
d'Afrique. Taux de travailleurs syndiqués passe de 20% en 1948 à 30% en 1956. Par ailleurs après 1945 débat sur
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question d'étendre législation sociale, notamment allocations familiales, métropolitaine aux colonies. De même
importance de débat autour du code du travail dans colonies, syndicats réclamant alignement du droit du travail sur
métropole. Mise en place de grèves pour maintien de pression sur débat parlementaire. Promulgation du code du travail
en 1952 avec notion de salarié et définition de travailleur comme un salarié. A partir de 1956 travailleurs africains peuvent
bénéficier des allocations familiales.
Politisation et nationalisme : Importance de politisation des mouvements sociaux car crainte des autorités
coloniales. En Asie influence communiste à partir des années 1927-28 en Inde et durant années 1930 en Indochine.
Importance des traminots dans implantation d'Etoile nord-africaine, organisation nationaliste de Messali Hadj fondée en
1937, en Algérie. Adhésion forte des traminots, dockers et ouvriers urbains à CGT. En Tunisie et au Maroc union des
syndicats et de cause nationale avec Union Générale Tunisienne du Travail et Union Marocaine du Travail. Malgré faible
nombre importance des prolétaires dans remise en cause de domination coloniale.
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Domestiques
Au clivage social maître/esclave s'ajoute clivage racial dans les colonies. Domesticité coloniale est observatoire
privilégié de relation colonisateur/colonisé et de ses paradoxes (proximité du fait d'exigence de main d'oeuvre, mais aussi
mise à distance).
Un modèle colonial de domesticité ?
En Inde modèle pris par Britanniques est largement emprunté à règle de vie des élites indiennes. Au milieu
XIXème siècle environ 20 domestiques pour famille britannique de classe moyenne en Inde. A fin du siècle nombre
baisse fortement du fait d'introduction du confort moderne dans maisons ce qui rend certaines professions (porteurs d'eau
etc...) inutiles. Désormais 8 domestiques suffisent largement. Maîtresse de maison dirige toute l'équipe avec parfois
adjonction des services d'un serviteur plus expérimenté qui peut gérer maison en cas d'absence et qui peut jouer parfois
rôle d'intendant avec accès aux comptes. Familles les plus aisées font venir domestiques, notamment les gouvernantes,
depuis Europe. Dans colonies de peuplement marquées par plus grande diversité des statuts sociaux des Européens,
existence en bas de l'échelle des « petits Blancs » avec un domestique unique proche du système métropolitain. Chez
célibataires concubine autochtone (mousso au Soudan français ou congaï en Indochine) peut jouer rôle de femme de
maison. Dans « vieilles colonies » employée domestique peut difficilement se dérober aux demandes sexuelles du maître,
héritage de pratiques de l'époque d'esclavage. Dans les années 1950 importance du décalage entre situation dans les
colonies et en métropole ou domestique ne vit plus sous même toit que ses maîtres et rétribution de services ponctuels
pour aide ménagère. Néanmoins, exemple du Maghreb où développement de ce système métropolitain avec domestique
qui travaille tous les jours pour un seul maître, mais a une vie de famille séparée et habite dans un autre quartier. Même si
pas de droit au repos hebdomadaire, peu à peu dégagement de relation maître/domestique pour mise en place de relation
employé/employeur. Avant cette date nécessité d'interrogation sur capacité des domestiques à entretenir une vie privée.
Qui sont les employeurs ?
Dans colonies domesticité est beaucoup plus masculine qu'en métropole, notamment en Afrique subsaharienne
avec les boys. Féminisation de la domesticité se fait par intermédiaire des nurses, notamment en Inde et Indonésie, même
si garçons de famille sont plutôt confiés à des hommes lorsque famille a les moyens. Par ailleurs en Indonésie présence
plus importante de femmes dans domaines de cuisine. De fait partage sexué des tâches (femme pour l'intérieur et homme
pour l'extérieur) n'est pas opérant dans les colonies. En Inde domestiques sont souvent d'anciens paysans sans venus des
zones rurales environnantes. De même en Indonésie. De fait accentuation de phénomène d'exode rural. Problème de lieu
de vie des domestiques et des durées de trajet entre maison personnelle et maison du maître, surtout en ville. Par ailleurs,
si possibilité de vie de famille n'est pas exclue par les maîtres, elle est soumise à des conditions économiques dans
sociétés où pratique de dot du mariage.
Une relation spécifique
Relation maître/domestique est en général une relation employé/employeur, mais existence d'une tension du fait
de paradoxe entre proximité et mise à distance. De fait domestiques sont extrêmement liés aux fonctions corporelles des
maîtres (manger, se laver etc...). Par ailleurs importance d'hygiène dans bourgeoisie européenne donc importance
d'enseignement des bons gestes aux domestiques par maîtresse de maison. Importance plus grande d'hygiène du fait de
crainte des climats tropicaux par Européens, mais aussi représentation racialisée des populations africaines ou asiatiques,
la peau noire étant associée à malpropreté. Pour maîtresses de maison européennes idée de participation modeste à
mission civilisatrice dans colonies par inculcation d'hygiène. De même peur que nurses africaines allaitant les enfants ne
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transmettent maladies du fait de leur mauvaise alimentation. Importance pour certaines maîtresses de maison de recherché
des serviteurs de confession chrétienne car considérés comme plus aptes à intégrer les normes européennes. Exemple
d'emploi des Espagnoles par femmes françaises en Algérie avant exode rural massif d'entre deux guerres. Problème de
barrière de la langue entre maître et domestique puisqu'ordres sont donnés dans langue des maîtres. Par ailleurs
importance de proximité des domestiques du fait de participation à vie de famille, mais mise à distance avec vie dans
logements à arrière de la maison ou dans fond du jardin. Domestiques représentent domination coloniale à échelle
personnelle.
Une pratique qui traverse la société coloniale
Elites autochtones possèdent également domesticité, notamment dans aristocratie ou bourgeoisie indienne. Dans
grandes familles indiennes parfois présence de gouvernantes européennes. Dans sociétés africaines l'urbanisation durant
période coloniale contribue à diffuser modèle européen de domesticité. A Lagos si familles de colons utilisent
majoritairement des domestiques masculins, les familles yoruba recourent à très jeunes filles placées dès âge de 6 ans par
parents issus de communautés rurales. En 1940 environ 1/3 de familles yorubas de Lagos emploient un domestique.
Familles yorubas nourrissent et logent leurs domestiques, mais ne les rétribuent pas forcément. Dans cas où employeurs
sont élites colonisées ou colons relation maître/domestique reste essentiellement paternaliste et les cas de mauvais
traitements sont nombreux.
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Entreprises et entrepreneurs
Colonisation redistribue forces économiques et bouleverse sociétés souvent rurales. Economie colonisation
largement pilotée depuis métropoles puisqu'elles fixent régime de propriété foncière, finance infrastructures au profit
d'économie exportatrice, réquisitionne main d'oeuvre etc... Etat colonial favorise fortement les entreprises,
métropolitaines ou expatriées, les compagnies à charte étant accusées d'avoir ruiné économies traditionnelles.
Le capitalisme colonial
Des entreprises favorisées par les Etats coloniaux : Entreprise métropolitaine dans les colonies travaillent souvent
sur des situations de monopole ou quasi-monopole. Importance des investissements d'Etat au Congo belge et Indochine
est chasse gardée des investisseurs français. Dans même temps colonies britanniques et néerlandaises sont plus ouvertes
aux investisseurs étrangers. Importance des entreprises commerciales, les industries étant surtout tournées vers
exportation de matières premières agricoles ou minières. Industries de transformation commencent à se développer durant
Deuxième Guerre mondiale, notamment en Afrique, pour pallier manques de métropole, mais le plus souvent sont
éphémères. En règle générale production correspond à besoins locaux : petite mécanique, imprimerie, production
alimentaire etc...
Un tissu entrepreneurial différemment organisé dans chaque colonie : Importance de différence d'organisation du
tissu entrepreneurial dans chaque colonie. Par exemple plusieurs types d'entreprises : succursales de maisons mères
métropolitaines, entreprise constituées par actionnaires locaux puis reprises par entreprises françaises. Entreprises
d'origine locale sont plus nombreuses que succursales et jusque début Deuxième Guerre mondiale elles répondent à des
besoins locaux avec des matières premières locales. Le plus souvent ce sont des entreprises familiales, mais avec très
faible proportion de propriétaires musulmans. Dans colonies asiatiques Britanniques mettent en place entreprises
enregistrées localement mais tenues par des Britanniques ainsi qu'entreprises enregistrées en Angleterre, mais travaillant
uniquement à étranger. Exemple des overseasbanks telle HSBC. Pour les banques importance d'internationalisation et
étendue géographique des activités bancaires. Concentration des entreprises autour des activités d'extraction. Importance
de la concentration surtout durant les années 1930 avec élimination des petites entreprises autochtones voire européennes
par le développement des SARL. Phénomène semble être lié à décision des autorités coloniales, mais aussi à problème
croissant d'accès au crédit.
Le secteur « traditionnel » : déclin, adaptation, persistance
La ruine des économies traditionnelles ? : Dans plusieurs zones, notamment Afrique centrale, colonisation se
caractérise par déstructuration des sociétés locales et par bouleversement des activités agricoles et artisanales. Néanmoins,
pas de destruction d'économie locale partout. Exemple du Vietnam ou forte modification d'économie locale par
capitalisme français, mais pas disparition d'économie locale. De même exemple de production cotonnière somalienne qui
survit grâce à très faible coût de main d'oeuvre malgré archaïsme technique.
L'importance des intermédiaires : Importance des petites entreprises individuelles qui ont rôle d'intermédiaires
entre négociants européens et producteurs africains, notamment au Sénégal où ils constituent très vite classe dominante à
Saint-Louis. Néanmoins, de plus en plus concurrence des compagnies contre entreprises individuelles dans commerce de
détail et des biens de consommation courante du fait de réseaux de comptoirs. Entreprises commerciales créées par des
Africains concernent essentiellement deux domaines : commerce de traite et de produits locaux.
Entrepreneurs et entreprises locales : le secteur « moderne »
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Industrialiser les colonies ? : Processus d'industrialisation commence dans grandes villes indiennes dès milieu du
XIXème siècle et industrie textile profite d'abondance de main d'oeuvre et de proximité des matières premières. Première
usine de jute à Calcutta en 1855. Dès fin XIXème /début XXème siècle importance de développement des investissements
dans cadre des multinationales. Exemple de Dunlop qui dès 1880-90 commence à construire des usines outre-mer. Dans
cas français parfois réticence des industriels français à investissements industriels dans colonies du fait de peur que porte
atteinte à leurs intérêts métropolitains. Néanmoins, exemple d'Ulysse Pila qui délocalise industries lyonnaises non
compétitives pour les établir en Indochine dans but de conquête d'espace chinois. Seulement après 1945 Etat français
favorise industrialisation des colonies, notamment avec « plan de Constantine » en 1958. Tous domaines sont concernés et
cela entraîne constitution d'industries sous-traitantes. Industrialisation des colonies profite de façon aux entrepreneurs
métropolitains sauf dans cas d'Inde et de mandat britannique en Palestine. Exemple de Palestine où installation de grandes
entreprises (moulins, usine de savon etc...) dans les années 1920 et durant années 1930 ouverture du port d'Haïfa entraîne
développement de zone industrielle et Haïfa devient centre d'industrie lourde.
L'émergence d'un milieu d'entrepreneur locaux : réussites et concurrences : Même si difficile pour entreprises
indigènes d'exister, certaines prospèrent, notamment dans exportation de produits agricoles avec exemple de l'Afrique de
l'Ouest. De même hauts salaires des cadres africains des mines d'étain du Nigeria provoquent constitution d'une classe
d'entrepreneurs privés. De même dans protectorat britannique d'Ouganda exploitation du coton permet à 2.000
propriétaires africains un début d'accumulation de capital. Néanmoins, entrepreneurs indigènes subissent de plein fouet
les crises économiques. Exemple de crise des années 1850 où traitants sénégalais passent au service des négociants, 50%
sont à leur compte en 1843 et plus que 25% en 1852. De même en Guadeloupe crise de 1884-1910 entraîne importants
rachats des usines sucrières par des intérêts métropolitains. Dans années 1890 planteurs « blancs-créoles » contrôlent 74%
de production sucrière et plus que 8% en 1939. Même tendance en Martinique, mais dans moindre mesure. Dans certains
cas volonté des entreprises tenues par des colons de régner sans partages sur marché local donc aide de la part des
autorités coloniales avec, par exemple, au Dahomey politique fiscale différenciée faite de patentes et de licences. C'est
seulement en Inde que milieu entrepreneurial se diversifie avec exploitation de matières premières (thé, coton etc...), mais
aussi produits métallurgiques avec la Tata Iron and Steel Company à partir de 1907 ou la chimie avec la Bengal
Chemicals Works dès 1892.
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Populations : Aspects démographiques
Augmentation constante de population vivant sous domination formelle. Environ 25 millions en 1760, 204
millions en 1830 et 550M en 1913 avec population mondiale estimée à 1,8 milliards d’habitants. Colonisation est
phénomène démographique massif, marqué par contact violent entre populations, par cohabitation de groupes divers et
par migrations forcées ou volontaires.
Démographie des populations colonisées
Le premier impact des colonisations sur les populations locales : migrations forcées et déclin démographique :
Avant conquêtes, continent africain marqué par population clairsemée et continent asiatique par forte densité, plus de 400
habitants/km² dans certaines régions de Java. Continents marqués par lente croissance démographique, moins de 0.5%/an,
jusqu'à fin du XIXème siècle. Premiers impacts des colonisations sur populations locales sont migrations forcées et déclin
démographique. Mobilité des sociétés coloniales provoquée par avancée des fronts de colonisation et arrivée des migrants
comme Grand Trek en Afrique du Sud avec dispersion des groupes boers sur zone de plus en plus vaste, ce qui provoque
mouvement voire déplacement de peuples africains comme les Ndebele qui franchissent le Limpopo. Diffusion de
maladies (maladie du sommeil, syphilis, tuberculose, grippe entre autres) par biais des campagnes militaires ce qui
provoque affaiblissement des populations locales soumises à des guerres et des famines. Exemple des Xhosas qui, au
terme de huitième guerre cafre contre Britanniques en 1856, décide un « suicide national » pour exaucer une prophétie qui
promettait expulsion des Blancs à condition de détruire bétail, ce qui provoque famine tuant plus des 2/3 de la population.
Evènement qui permet aux Britanniques d’accélérer mise au pas de la région en organisant une spoliation foncière. De
même exemples des Herero et des Nama décimés (à hauteur de 80% de la population) par guerre d’extermination (190405) menée par général allemand Lothar von Trotha dans le Sud-Ouest africain. Conquête d’Algérie au prix de longue
guerre contre populations locales. Premières décennies de colonisation marquées par surmortalité causée par guerre,
réquisitions de terre et rupture des équilibres économiques. Afrique centrale victime de rupture des équilibres écologiques
comme déforestation ou propagation de maladies par biais des moustiques et des mouches. Prolifération d’épidémies
facilitée car population affaiblie par portage, travail forcé, sous-alimentation… Mortalité accrue également par migrations
de travail qui favorisent alcoolisme, tuberculose et maladies vénériennes. Accentuation de ces problèmes accentués par
conditions de travail.
Une forte croissance démographique à partir de l'entre-deux-guerres : Mise en place de campagnes de
recensement par autorités coloniales pour évaluer populations administrées. Données faussées par inaccessibilité de
certains villages, ignorance du public interrogé et par surestimations fournies par chefs en quête de prestige. Difficultés de
recensement dues à méfiance des autochtones qui ont compris que procédure servait des objectifs fiscaux et militaires.
Croissance démographique de plus en plus forte à partir des années 1920 malgré recensements imparfaits. Existence
d’accidents démographiques comme famines indiennes entre 1875 et 1900 (environ 20 à 25millions de morts), famine au
Ruanda-Urundi en 1942-44 (1,5 million de morts), famine au Bengale en 1943 (3 millions de morts). Début de transition
démographique dans années 1930 malgré taux de mortalité toujours élevé (30% en Afrique). Exemple de l’Inde qui passe
de 250 à 450 millions d’habitants entre 1872 et 1950. 1% de croissance annuelle en Asie et en Afrique à partir des années
1920, et jusqu'à 1.4% en Egypte et Indonésie entre 1880 et 1913. Années 1870 marquées par fin des insurrections et
baisse de surmortalité en Algérie avec notamment plus d’1% de croissance annuelle pour population « indigène », une
très forte fécondité (199‰ contre 84‰ pour les Européens) et nombre moyen d’enfants/femme de 7.3 en 1950.
La redistribution démographique : Migrations de travail à plusieurs échelles pour combler besoins en main
d’œuvre. Migrations saisonnières de plus en plus longues et touchant de plus en plus de personnes comme les 200.000
individus quittant la savane pour gagner la Gold Coast et le Nigeria dans les années 1920. Croissance rapide des villes
accueillant migrants : à Freetown en 1931 44.000 habitants (contre 20.000 en 1880) à Freetown. De même à Ibadan (ouest
du Nigeria) avec 400.000 habitants (contre 150.000 en 1880) en 1931. Exode rural amorcé en Algérie pendant entre-deux-
52
guerres, surtout vers grandes villes du Nord avec apparition d’un nouveau phénomène : le bidonville. Démographie
indienne régulée par migrations interrurales, depuis régions excédentaires vers zones récemment mises en valeur comme
le Penjab ou l’Assam.
La faiblesse des populations d’origine métropolitaine dans les colonies
Les colonies : des destinations peu prisées de l'émigration européenne : Emigration de 60 millions d’Européens
entre 1840 et 1940, mais essentiellement vers « pays neufs » d’Amérique à cause des conditions de vie marquant les
autres colonies, notamment le taux de mortalité. Environ 2, 7 millions d’Européens présents vers 1938 dans empires
coloniaux, soit 0.4% de la population d’Asie, d’Afrique et des Caraïbes. Par exemple Algérie peuplée de moins d’1
million d’Européens (soit 13% de sa population totale), Inde peuplée de 155.000 Européens (0.04%), Afrique du Sud
peuplée de 2 millions d’Européens (21%). Néanmoins, populations européennes pas toutes nationales. Algérie est
davantage peuplée d’Italiens, d’Espagnols et de Maltais que de Français. De même Congo belge davantage peuplé de
Sud-Africains, de Grecs et de Russes que de Belges.
Colonies d'exploitation et colonies de peuplement : Sociétés coloniales d’Asie et d’Afrique caractérisées par
faiblesse des populations métropolitaines, à différence des sociétés caribéennes comme Cuba où, en 1870, 800.000 Blancs
pour 600.000 personnes « de couleur ». Généralité nuancée par colonies dotées de proportions non négligeables comme
l’Algérie qui voit passer sa population européenne de 100.000 en 1850 à 800.000 en 1914 grâce à immigration, mais
surtout à accroissement naturel après 1901. Augmentation constance avec 1 million d’Européens à fin des années 1950,
mais toujours en minorité par rapport à population « indigène », estimée à 9 millions d’individus. De même 900.000
migrants britanniques vers Afrique du Sud entre 1815 et 1914, soit 4% d’émigration totale britannique. Population
blanche estimée à 1 million en 1899 sur population totale de 5 millions d’habitants. Pour cette dernière ratio Noirs/Blancs
variable en fonction des régions puisque 3 pour 1 au Cap, 10 pour 1 au Natal. Emigration des Japonais vers colonies de
Corée, du Kwantung (Nord-Est de Chine, actuel Guandong) et de Taiwan estimée à environ 1 million en 1935, soit 5% de
population totale. Proportions encore plus réduites dans autres empires coloniaux. De fait moins de 25.000 Européens (sur
12 à 14 millions d’habitants) dans empire colonial allemand en 1913, 25.000 Européens (sur 20 millions d’habitants) en
Indochine en 1930, 164.000 Britanniques (sur 350 millions d’habitants) en Inde en 1930, 20.000 Espagnols (sur 8
millions d’habitants aux Philippines en 1896 et 165.000 Italiens (sur 12 millions d’habitants) en Afrique orientale
italienne en 1938. Implantation différente en fonction de région avec notamment grande variation du rapport « membres à
charge/chef de famille » auprès des familles européennes (84% en Inde contre 185% en Indonésie, donc davantage
marquée par une émigration familiale pour le second cas) et de la proportion d’Européens nés et résidant sur place (71%
en Indonésie contre 60% en Inde). Essor de démographie européenne dans certaines colonies à partir de 1920 comme
Européens installés en Angola et Mozambique dont part multipliée par 8 entre 1850 et 1910. De même hausse constante
jusqu'aux années 1960 (400.000 Européens en Angola et 200.000 au Mozambique). Disproportion inchangée malgré ces
augmentations à cause de l’accroissement naturel des populations locales. Contre-exemple de Palestine où population
arabe doublée par accroissement naturel mais où immigration juive décuple au cours du XX ème siècle. De fait 85.000 Juifs
(contre 600.000 Arabes) en 1914 puis 555.000 Juifs (contre 1,2 million d’Arabes) en 1945.
Des migrations européennes encadrées : Tentatives politiques pour orienter flux migratoires comme le Portugal
(avec Sà da Bandeira) vers Afrique dans les années 1830, Espagne vers Philippines entre 1881 et 1898 ou France vers
l’Algérie vers 1848. Emigration vers dominions britanniques encouragée par sociétés privées comme South Africa
Colonisation Society de Louise Knightley qui aide femmes à émigrer vers l’Afrique du Sud après la guerre des Boers. De
même Child Emigration Society de Kingsley Fairbridge qui encourage départ d’enfants vers l’Afrique du Sud. Emigration
au sein d’Empire britannique plus encadrée après Première Guerre mondiale avec l’Overseas Settlement Committee
(1912) et l’Empire Settlement Act (1922). Peuplement d’Angola selon politiques dictées par gouverneurs José Norton de
Matos et Vicente Ferreira. Même phénomène en Libye et Ethiopie où colonisation italienne résulte de politique de
Mussolini. Populations métropolitaines surtout concentrées autour des villes mais il existe des cas d’implantations rurales
au Maghreb, en Afrique australe et en Afrique orientale.
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Des sociétés complexes
Des minorités non métropolitaines dans les colonies : Existence de groupes non indigènes, ni d’origine
métropolitaine comme les diasporas chinoise et indienne qui s’installent dans colonies antillaises, asiatiques et africaines.
Indiens présents surtout dans zones d’engagement, notamment île Maurice (où ils sont majoritaires), Natal (dépassant
population blanche) ou Trinidad (représentent 1/3 de population totale). Communauté indienne crainte par colons du
Kenya en raison de politisation et importance numérique (23.000 Asiatiques pour 9.700 Européens en 1921), ce qui
explique les mesures prises pour leur interdire l’acquisition de terres dans les hautes-terres. Minorités ethniques
encouragées à se développer par Britanniques en Birmanie, à Ceylan, à Singapour et en Malaisie. Présence de 56.000
Chinois en Cochinchine en 1889, de 250.000 en 1928. 2.2% de population indonésienne n’est d’origine ni indonésienne,
ni hollandaise en 1930 (1, 2 million de Chinois, 71.000 Arabes, 45.000 autres Asiatiques).
Métissages : Population de colons souvent marquée par déséquilibre entre les sexes. De fait 600 femmes pour
3000 hommes à Léopoldville dans années 1920 ou seulement 20% de femmes dans la population européenne d’Erythrée à
la fin des années 1930. Situation différente dans colonies de peuplement comme Algérie où équilibre des sexes dès fin du
XIXème siècle. Relations sexuelles entre Européens et femmes « indigènes » et métissage très fréquents, mais phénomène
difficile à évaluer en raison de non-prise en compte des métis dans recensements (sauf en Afrique du Sud où « Coloured »
constituent une catégorie officielle). Présence de 500 métis en Indochine en 1904 selon Société des métis de l’Indochine,
75% de population européenne des Indes néerlandaises ont des parents de couleurs différentes à fin du XIXème siècle ou
présence de 200.000 métis hispano-philippins aux Philippines en 1939. Métis moins nombreux en Afrique : 3.000 en
1935, puis 10.000 en 1956 au Congo belge.
Les grands mouvements de population après 1945 : Intensification des mouvements migratoires depuis colonies
vers métropoles à partir de 1945. Exemple d'augmentation de travailleurs algériens en France, passant de 100.000 en 1924
à 400.000 en 1962. Même phénomène en Angleterre qui compte 7.000 Indiens en 1932 et 210.000 ressortissants du
Commonwealth en 1958 (dont 100.000 Antillais, 55.000 Indiens ou Pakistanais et 25.000 Ouest-africains). Déplacements
de populations massifs provoqués par démantèlement des empires coloniaux à commencer par mouvements de population
résultant de partition de l’Inde en 1947 au cours desquels 13 à 16 millions d’hindous et de musulmans traversent frontière
indo-pakistanaise nouvellement tracée. Même phénomène au moment de partition d’ex-Indochine après les accords de
Genève (1954) avec déplacement d’1 million de Vietnamiens ou au moment de guerre d’Algérie (1954-62) avec
déplacement de 2,5 millions d’Algériens à l’intérieur de l’Algérie. Enfin, rapatriement des Français et partie des harkis
(moins de 50.000) provoqué par les indépendances au Maghreb.
54
Familles
Famille et vie domestique : un enjeu majeur de l'encadrement colonial
Des modèles en confrontation : Conception européenne de famille transposée dans colonies aux dépens des
modèles autochtones jugés archaïques. Questions autour de famille érigées en thèmes politiques. Transformation de
cellule familiale africaine, asiatique et antillaise qui demeure espace où se construisent les identités. Famille et vie
domestique sont enjeu majeur de l’encadrement colonial. Modèle « bourgeois » de famille nucléaire monogame (activités
extérieures dédiées au mari, gestion de la maison confiée à l’épouse) en vigueur dans société européenne du XIXème
siècle. Modèle exporté après période de conquête pour remplacer autres modèles familiaux caractérisés par famille
élargie, polygamie limitée et poids des ascendants sur choix du conjoint. Non-intervention d’autorité coloniale dans
affaires privées érigée en principe, mais principe pas toujours respecté au nom de « modernité ».
Des pratiques matrimoniales mises en cause : Encadrement colonial des pratiques familiales expérimenté
initialement en Inde britannique avec interdiction promulguée en 1829 par l’East India Company contre pratique du sati
(immolation des veuves sur le bucher funéraire des époux), remplacée par autorisation du remariage en 1856. Société
indienne bousculée par arrivée des femmes britanniques au cours de première moitié du XIXème siècle avec notamment
remise en cause de réclusion des épouses dans le zenana (espace domestique réservé aux femmes). Vifs débats autour
d’âge du mariage et surtout autour d’âge légal pour avoir des rapports sexuels. Fixé à 10 ans en 1860, puis à 12 par le
Consent Act de 1891 et enfin à 14 ans pour filles et 18 pour garçons grâce au Child Marriage Restraint Act de 1929-30,
reprenant prescriptions du Sarda Bill de 1927, rejeté malgré vaste campagne de soutien. Même question autour du
consentement matrimonial au Congo belge et en Afrique française. Polygamie et répudiation débattus aux Indes
néerlandaises bien que polygamie, autorisée par l’islam, demeure marginale (2-4% des hommes concernés à Java).
Divorce largement laissé à l’avantage du mari même s’il existait forme de divorce sur demande de femme en cas de
maltraitance ou défaillance du mari. Questions du mariage précoce, de polygamie et de répudiation combattues par
autorités coloniales, missionnaires et surtout associations de femmes et groupes nationalistes comme Jong Java ou
Sarekat Islam. Intervention directe du gouvernement néerlandais avec augmentation des unions mixtes entre
Néerlandaises et musulmans.
L'encadrement des fonctions maternelles : Opposition plus ténue en Afrique subsaharienne où autorités
coloniales, missionnaires, employeurs paternalistes et parfois épouses de fonctionnaires font promotion du modèle
familial défini par monogamie et les bonnes pratiques maternelles. Economie domestique, puériculture, hygiène, couture,
cuisine et même décoration d’intérieur enseignées aux jeunes filles élevées par des sœurs. Katanga (Sud du Congo belge),
théâtre de mise en place de politique de protection maternelle et infantile qui va jusqu'à mise sous tutelle des mères pour
inculcation des bonnes pratiques. Méthode imposée pour faire face à dépopulation du Congo favorisée par allaitement
prolongé jusqu'à 3 ans et par polygamie (qui palliait l’abstinence de rigueur pendant période d’allaitement). Mise en place
d’une surveillance médicale de petite enfance pour lutter contre mortalité infantile trop élevée. Mise en place en 1925
d’une Œuvre de protection de l’enfance noire (OPEN) par biais de l’Union minière du Haut-Katanga (UMHK) qui veille
à bonne croissance des enfants pour fixer une main d’œuvre encouragée à se marier et à se reproduire. Implantation de
dispensaires et de maternités dans toute la colonie. Résistance massive des mères malgré l’importance du déploiement.
Transformations et résistance de la famille indigène
La famille transformée : Sociétés d’Afrique, d’Asie et des Antilles trop différentes pour tirer des traits généraux
concernant transformation de leurs structures familiales, mais apparition de quelques tendances. Cellule familiale
bouleversée par mobilité choisie ou contrainte (touchant surtout jeunes hommes salariés) qui éloigne depuis cadres
familiaux, qui entraine indépendance financière rendant accessoire soutien familial pour constituer dot et qui laisse plus
de choix au moment de trouver épouse. Âge moyen du jeune marié musulman algérien plus précoce, passant de 30 ans en
1900 à 26 ans en 1954. Aspirations en termes de vie familiale modifiées par accès à l’emploi dans administrations
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coloniales. Exemple de classe moyenne bengalie à la fin du XIXème siècle pour qui mariage permet de tisser avant tout
liens de couple plutôt que liens de filiation. Emergence de famille nucléaire comme modèle dominant dans sociétés
coloniales. Illustration d’une prise de distance à égard des ascendants, d’une perte d’autorité des « anciens ». Phénomène
similaire dans sociétés villageoises avec départ – d’abord saisonnier, puis durable – des jeunes vers villes qui, une fois
établis, font venir épouse en les soustrayant au carcan familial.
La famille déstructurée : Mobilités perçues comme opportunités, mais aussi comme contraintes pesant à la fois
sur individus et sur familles. Recrutement de main d’œuvre issue du Mozambique ou de Rhodésie du Sud pour compte
des mines d’Afrique du Sud mais avec nombreuses restrictions concernant familles. Migrations de travail vues comme
vecteurs de séparation de noyaux familiaux.
La famille refuge : Famille considérée comme refuge pour colonisés face aux troubles identitaires et à violence de
société coloniale. Solution de repli, mais aussi espace de sociabilité et de solidarité étendu et polymorphe. Exemple
d’Amadou Hampâté Bâ qui décrit réseau de relations multiples qu’il a entretenu en tant que commis expéditionnaire
d’administration coloniale issu de famille peule réputée, notamment liens familiaux directs, liens de parenté étendue, liens
de « parenté à plaisanteries » (entre clans, entre ethnies).
Familles européennes aux colonies
Si présence de familles européennes dans colonies, alors présence de femmes européennes. Antilles seul espace
colonial où familles se sont véritablement implantées. Ailleurs, fonctionnaires et militaires sont venus sans leur famille.
Arrivée de femmes dans colonie en fonction d’état sanitaire et confort présent sur place. Notamment question du taux de
mortalité des Européens sous les tropiques, véritable obstacle au développement de population de colons. Environ 200 ‰
à Java en 1819, mais plus que 40‰ en 1850. Néanmoins, toujours à plus de 100‰ en Afrique équatoriale à fin du XXème
siècle. Donc davantage d’Européennes (Britanniques et Néerlandaises avant tout) en Asie du Sud-Est qu’en Afrique
tropicale et équatoriale au cours de la seconde moitié du XIXème siècle. Arrivée d’Européennes en Afrique uniquement
pendant entre-deux-guerres, mises à part Afrique du Sud et Algérie, bénéficiant d’un climat méditerranéen. 2 types de
familles : famille coloniale qui s’installe dans colonies de peuplement et famille impériale caractérisée par trajectoires de
membres entre métropole et colonie.
Familles coloniales : Famille coloniale caractérisée par culture de société pionnière en formation. Peuplement du
Natal dès 1840 où comportements familiaux ressemblent à ceux observés dans l’Ouest américain notamment acquisition
de ferme grâce à capitaux avancés par famille restée en Angleterre, grâce à dot issu de mariage déjà contracté ou grâce à
fonds amassés auparavant. Mise en place de cultures pour lancer exploitation. Organisation de mariage malgré difficultés
liées à éloignement (donc recours aux mariages arrangés). Remariage rapide en cas de veuvage pour gérer à deux
l’exploitation. Naissances parfois nombreuses (jusqu'à 12-14 enfants). Modèle pionnier atténué au cours des années 1880
pour se rapprocher du modèle métropolitain. De fait femme arrête participation à exploitation pour gérer foyer familial ou
trouver un emploi salarié ailleurs, à partir. du XXème siècle. Modèle de famille nucléaire pas en vigueur à tous les
niveaux, notamment auprès des milieux agricoles où frères occupent des fermes voisines pour s’entraider. Impossible de
transposer modèle de l’Old Natal Family à l’Algérie plutôt peuplée par population plus urbaine que rurale. Fécondité tout
de même forte en Algérie (comparée à la France métropolitaine) à cause de précocité des mariages (16-17 ans) et à cause
de fécondité des femmes d’origine étrangère (3.34 enfants par femme en métropole, 4.4 enfants par Française d’Algérie et
6-7 enfants par Espagnoles, Italiennes ou Maltaises d’Algérie). Pic de 40% de natalité en Algérie entre 1850 et 1870 au
moment d’installation coloniale, puis baisse constante jusque dans années 1950 (mais toujours supérieure à la métropole.
Familles impériales : Modèle impérial (notamment en Inde) caractérisé par alternance de périodes de résidence
entre métropole et colonie. Déplacement de famille en fonction des affectations du père. Enfants nés en Inde, confiés à
nourrices jusqu'à 5-6 ans pour garçons et 7-8 ans pour les filles, puis renvoyés en Angleterre auprès de parents ± proches
et placés en internat jusqu'à fin d'études (avec des visites de leurs parents en fonction du niveau de la famille). Retour en
Inde des enfants une fois diplômés pour trouver emploi et fonder famille. Retour en Angleterre des parents une fois
retraités. Cycle familial marqué par longues périodes de séparation et par présence des enfants en Inde au moment où les
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risques de santé sont les plus grands (taux de mortalité infantile de 148‰ en Inde contre 67‰ en GB dans les années
1860) malgré longs séjours des femmes et enfants dans des stations de colline pour s’épargner les fortes chaleurs (de mars
à octobre). Scolarisation en métropole malgré présence d’écoles anglaises en Inde mais qui n’ouvrent pas l’accès à la
haute fonction publique. Manière de se distinguer des Anglo-Indiens définitivement installés en Inde et d’éviter aux
enfants un contact prolongé avec domesticité indienne (phénomène décrit par Kipling qui voit avec nostalgie l’époque où
il a dû quitter l’Inde pour l'Angleterre). Modèle valable pour enfants néerlandais vivant en Indonésie et envoyés aux PaysBas pour leurs études. Séjours des fonctionnaires plus brefs en dehors d’Inde et d’Indonésie. Présence des femmes laissée
à libre appréciation du personnel colonial (en fonction des conditions sanitaires de colonie) bien qu’elle soit encouragée
par autorités belges qui s’appliquent à améliorer équipements pour les recevoir (baisse de la mortalité infantile entre 1929
et 1946, passant de 178‰ à 28‰). Amélioration des conditions en AOF, mais réseau de dispensaires moins performant.
Naissance d’enfant alors utilisé comme excuse pour justifier retour de la femme en métropole. Caractère
transgénérationnel de pratique avec néanmoins disparition de ces séparations au sein du couple.
Union mixte et famille
Le concubinage temporaire : Formation d’unions mixtes expliquée par surmasculinité mais limité à durée de
l’affectation. Statut des femmes (mousso au Soudan français, congaï en Indochine, nyai en Indonésie et « ménagère » au
Congo) difficile à définir, aux confins de domesticité et de relation vénale. Question du consentement dans relation
doublement inégale (colonisateur/colonisée et homme/femme) soulevée par abus rencontrés au moment de conquête
(femmes prises en butin) ou pendant administration du territoire (femmes victimes d’abus de pouvoir de la part des
autorités coloniales). Relation avec Européens également perçue par certaines femmes comme une stratégie sociale
permettant d’éviter statut servile et corvées. Plupart du temps, sous forme d’une mise en ménage, mais également sous
forme d’une prostitution à partenaire unique, comme concubinage de baraquement pratiqué par les soldats en poste en
Indonésie. Parfois intégré à stratégie d’insertion dans milieu autochtone en adoptant usages en vigueur comme unions
avec filles de chefs locaux pour tisser liens avec les élites « indigènes ». Pérennisation d’union avec reconnaissance
d’épouse et enfants nés, mais forte tendance à dévalorisation des unions au moment d’arrivée des Européennes. A partir
des années 1900, changement d’attitude face à question des unions mixtes dès lors interdites dans colonies allemandes
(1905-06) et britanniques (décret Crewe, 1909) ou tombées en désuétude comme au Soudan français où elles sont vécues
honteusement, la femme devenant une simple servante.
Unions mixtes et familles métisses : une menace pour l'ordre colonial ? :
Union mixte officialisée par
mariage plus fréquentes en Inde et Indonésie qu’en Afrique. Unions entre hauts fonctionnaires britanniques et femmes des
hautes castes indiennes fréquentes dès fin du XVIIIème siècle (présence de 11.000 Eurasiens début du XIXème siècle).
Mariage entre chrétiens et non-chrétiens autorisé en 1848 dans Indes néerlandaises, d’où nombreux mariages entre
Européens et Javanaises qui donnent naissance à une société créole. A partir des années 1880 en Inde et des années 1900
en Indonésie, apparition de discours réprobateur envers des familles mixtes et métisses, illustration de transgression de
barrières sociales et raciale avec stigmatisation des Métisses comme des mères indignes et des jeunes Métis comme des
enfants livrés à eux-mêmes. Nouvelle inquiétude avec phénomène des mariages entre Néerlandaises et Javanais en
augmentation entre fin du XIXème siècle et années 1930. Adoption d’une loi instituant perte du statut européen pour
femmes épousant des Javanais et octroi de ce statut pour femmes épousant des Néerlandais. Remise en cause du dualisme
des statuts par question d’union mixte et d’enfant métis.
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Genre
Place importante de question du genre dans discours, représentations et pratiques coloniales. Partage entre sexes
(avec clivage colonisateur/colonisé et les critères raciaux) autre facteur majeur d’identification des individus. Nécessaire
de la prendre en compte dans la relation coloniale.
Les colonies, territoires d’une masculinité triomphante ?
Colonisation considérée par historiographie inspirée des Postcolonial Studies comme entreprise intrinsèquement
masculine qui exalte conception européenne de masculinité (alors en pleine redéfinition, méprisant les élites lettrées au
profit de la valorisation d’un corps sain). Colonisation érigée en symbole de modernité en raison du principe de « mise en
valeur » des territoires conquis, comme triomphe de science et technique. Eloge de « civilisation » d’homme blanc qui
arrive à subjuguer peuples et à domestiquer nature. Représentation en adéquation avec discours faisant des « Orientaux »
des êtres efféminés.
Une construction coloniale emblématique, le « Bengali efféminé » : Archétype du « Bengali efféminé. »
Entreprise coloniale et expansion d’Europe légitimées par discours basé sur idée de féminisation de l’ « Autre ». Thèse
étudiée par Ashis Nandy qui souligne « homologie entre domination sexuelle et domination politique » dans l’Inde
britannique. Mais aussi par Mrinalini Sinha qui oppose « Anglais viril » et « Bengali efféminé » (figure qui ne désigne
que le groupe des Babous, classe moyenne des commerçants de Calcutta et élites au service de l’administration
britannique). Commerçants de Calcutta moins résistants à concurrence que ceux de Bombay, donc rapidement appauvris
et déclassés. Elites au service d'Angleterre victimes d’abandon de politique d’anglicisation en 1857, donc ridiculisés
comme des hindous dégénérés et comme coloniaux mal anglicisés. De fait stigmatisation de l’hybridité sociale et
culturelle. Imaginaire social pleinement exprimé par controverses, comme celle autour du Ilbert Bill (1882-83) qui
instaure des juges indiens aptes à instruire affaires mêlant Britanniques dans districts ruraux (mofussils). Loi combattue
par Anglo-Indiens qui reprochent leur faiblesse de caractère à ces juges (ne pratiquant pas de sport en plein air, sont
incapables de juger les affaires d’accident de chasse, par exemple).
Homosexualité et masculinité coloniales : Colonies perçues comme terre d’aubaine pour hommes tentés à titre
exceptionnel par aventures homosexuelles. Croyance répandue en Europe de voir homosexualité comme « endémique »
dans sociétés extra-européennes, ce qui pousse au départ ceux qui sont poursuivis à cause de leurs orientations sexuelles.
Cas d’André Gide qui relate dans Amyntas (1925) ses voyages au Maghreb (entre 1895 et 1905) où est attiré par paysages
et hommes. Questions sexuelles également abordées sous masque de science avec conseils en matière d’hygiène sexuelle
comme Dr Jacobius X et son Art d’aimer aux colonies (1893). Phénomène (aujourd’hui appelé tourisme sexuel) manifesté
par fréquentation de bordels d’hommes (dans villes portuaires comme Tientsin en Chine ou Singapour) ou par rencontres
aux confins d’amour vénal et gratuit, du comportement homosexuel occasionnel et confirmé, d’adolescence et d’âge
adulte. Question de jeunesse des partenaires à nuancer avec âge de majorité sexuelle en métropole (13 ans en France au
début du XXème siècle, 12 ans pour filles en Italie et en Angleterre et inexistant pour les garçons en Angleterre.
Hommes blancs et femmes de couleur : Même constat avec relations hétérosexuelles entourées de nombreux
stéréotypes comme « Mauresque aux seins nus », la « petite Tonkinoise » ou pratique du harem. Homologie entre
domination sexuelle et domination politique également transposée dans ce cadre avec d'intervention d'une forme
d’appropriation symbolique, femme devenant objet de butin, comme Archinard qui s’empare d’une des femmes
d’Ahmadou à la prise de Nioro pendant conquête du Soudan en 1891. Phénomène courant en temps de guerre, mais
réellement amélioré par biais d’instrumentalisation de femmes (notamment chinoises et coréennes, mais aussi philippines
et indonésiennes, voire néerlandaises) par police et armée pour en faire des « femmes de réconfort ». Organisation
systématique et concertée à partir de campagne de Shanghai de 1932. Perpétuation de pratiques même après conquête par
administrateurs qui jouissent d’une quasi-impunité au sein de circonscription. Souvent sous forme d’union temporaire
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(concubinage), mais également, dans colonies de peuplement, sous forme d’union reconnues (mariage, naissance
d’enfants métis). Union mixte désapprouvée à cause de transgression des barrières statutaires et risque de créer des
déclassés potentiellement dangereux. Intervention des autorités au tournant des XIXème et XXème siècles pour endiguer
phénomène bien que désapprobation sociale à l’arrivée des Européennes soit plus efficace. Apparition de protestations à
l’égard de ces pratiques. D’une part milieux féministes rejettent « double standard » des Européens (concubinage avec des
« Indigènes » et mariage avec des Européennes) et, d’autre part, milieux colonisés (notamment mouvances nationalistes et
musulmanes) condamnent « dépravation » de femme apportée par Européens. Relation hommes blancs/femmes de
couleur inscrite plus politiquement dans projet colonial : Gayatri Spivak évoque « hommes blancs sauvant des femmes
brunes des hommes bruns ». Condition de femme érigée en question débattue dans confrontation des modèles sociaux,
avant tout pour dévaloriser normes sociales défendues par autochtones. Ambivalence des discours chez conservateurs
européens qui clament émancipation des femmes dans colonies ou chez administrateurs qui, après avoir prôné
affranchissement des femmes, défendent hommes qui perdent contrôle sur leurs épouses. Exemple de Rhodésie du Nord
qui interdit aux femmes célibataires de s’installer dans villes minières du Copperbelt, réprime adultère et entrave divorce.
D’où tentation de voir alliance entre hommes colonisateurs et colonisés pour nuire à la femme colonisée.
« Races martiales » et « péril noir » : une masculinité sous contrôle : Stéréotype des « races martiales » construit
en opposition avec le « Bengali efféminé » avec instauration des distinctions entre hommes sur critères ethniques.
Opposition en Inde des Sikhs et des Parsis aux Bengalis parce que premiers ont résisté à envahisseur avant de s’allier à
lui. De même opposition en Rhodésie du Sud des Ndébélés aux Shonas parce que les premiers ont mené des conquêtes
sur les seconds. Appréciations du colonel Mangin à l’égard des peuples d’AOF pour les incorporés dans l’armée
coloniale. Peuples d’Afrique de l’Ouest aptes à être engagés car endurants à tâche, peu sensible à douleur (grâce à un
système nerveux peu développé), disciplinés et attentifs à hiérarchie, prêt à mourir, attachés à honneur et surtout dévoués
au chef. Masculinité des colonisés utilisée à des fins militaires. Mais masculinité redoutée dans société civile, notamment
en présence de femmes européennes. Crainte d’agression sexuelle en Inde relayée par rumeurs d'exactions perpétrées
pendant révolte des Cipayes en 1857. Mythe du « Péril noir » repris à chaque pic de tension entre Indiens et
Britanniques. Population domestique, premier groupe soupçonné à cause de proximité avec famille. Suspectés de se livrer
au voyeurisme ou d’attouchement. Accusation de viol souvent crédible, servant parfois à laver honneur de famille quand
femme entretient relation avec domestique. Cas de la famille Hume en 1883 qui se solde par condamnation à 8 ans de
prison pour serviteur. Reprise de fantasmes dans métropoles au moment de présence de coloniaux comme illustre
prescription de Santé militaire en mars 1916 à l’égard des tirailleurs sénégalais hospitalisés dans des hôpitaux ne
comprenant que des infirmiers.
Une reconfiguration des rôles
Mobilités et nouveaux partages des tâches : Redistribution des tâches dans sociétés majoritairement rurales
d’Afrique, Asie et Antilles sous l’impulsion de colonisation. Hommes employés à trouver ressources nécessaires au
paiement d’impôt (par travail salarié dans grandes villes, mines ou plantations ou par cultures de rapport). Femmes dès
lors chargées de l’agriculture de subsistance, en plus des autres charges. Villages laissés aux femmes dans régions où
travail salarié recourt à circuits de migration comme Rhodésie du Sud et Zambie (mines du Copperbelt), Mozambique
(mines d’Afrique du Sud) ou Guinée (bassin arachidier du Sénégal). Femmes également concernées par migrations de
travail. Veuves d’Inde employées dans moulins de jute de Calcutta, mines de charbon du Bihar, plantations de thé
d’Assam, mais aussi vers destinations plus lointaines comme îles Fidji. Pratique à rattacher à rupture familiale voire
sociale et non pas stratégie de survie comme pour les migrations masculines. Migrations des femmes en Afrique plutôt
pour rejoindre mari parti trouver du travail dans villes. Développement de travail féminin autonome à partir des années
1940 grâce à expansion des centres urbains comme à Lagos où femmes Yorubas deviennent blanchisseuses ou coiffeuses
ou comme à Abidjan ou Accra où femmes s’investissent dans commerce de plats cuisinés ou de produits d’importation.
Phénomène visible chez Amadou Hampâté Bâ qui évoque sa mère qui s’en sort par le commerce de plats, puis par vente
de quincaillerie. Accès des femmes au travail salarié dans administration, banque ou l’enseignement plus tardif, seulement
59
à partir des années 1950.
Nouveau patriarcat et nouvelle domesticité : Nombreuses études sur transformation de société coloniale du
Bengale notamment sur classe moyenne tiraillée entre modernité et tradition sous influence des Britanniques. Mouvement
réformiste hindou confronté à partir de seconde moitié du XIXème siècle à question de femme avec échos nombreux dans
théâtre, littérature et arts, échos montrant femme bengalie vêtue ou se comportant comme une memsahib. Crainte de
« modernité » qui entraîne nouveau partage entre matériel et spirituel, masculin et féminin, intérieur et extérieur. C'est-àdire un « nouveau patriarcat » de Partha Chatterjee selon une idéologie nationaliste. Concessions d’homme (modification
des habitudes vestimentaires, des horaires de travail et des codes de comportement) compensées par maintien des valeurs
spirituelles par femme qui doit rester discrète, aimante et dévouée. Maitrise de code pas incompatible avec apprentissage
de lecture et écriture dans objectif d’obtenir femme idéale de l’homme moderne éduqué. Théorie implique investissement
massif d’élite nationaliste pour éviter prise en charge d’éducation des filles par Européens. De fait scolarisation de 80.000
filles dans 2.200 écoles en 1890 (contre 2.500 filles dans 95 écoles en 1863). Question de femme résolue par nationalisme
tout en maintenant femme dans giron de l’homme mais en permettant nette évolution du statut de l’épouse.
Disqualification des femmes ou crise de la masculinité dans les populations colonisées ? : Mise en mouvement
des populations du fait de relâchement des liens entre individus. Situation plus profitable aux hommes qui sont plus libres
dans leurs choix, notamment celui de l’épouse. Situation également bénéfique pour femmes notamment en Afrique avec
marges de manœuvre laissées aux femmes par adoption des principes matrimoniaux européens. Prise de parti des autorités
coloniales souvent au profit des hommes en renforçant ainsi domination patriarcale par codification des coutumes et
monopole de justice accordé aux hommes. Pratiques qui abolissent recours à contre-pouvoirs accordés aux femmes dans
sociétés précoloniales. Exemple du système politique des Igbos du Nigéria qui confiait aux femmes gestion des litiges
judiciaires entre femmes, qui donnait au roi (obi) une reine (omu) dotée de pouvoirs politiques et diplomatiques.
Dualisme des pouvoirs aboli par administration britannique qui prive femmes de toute influence, hormis dans sociétés
secrètes). Persistance informelle de formes de régulation sociale comme injures proférées contre contrevenants aux règles
reconnues, à l’image du charivari à l’égard du roi d’Abeokuta impopulaire après mesures fiscales. Identités masculines
mises à mal par colonisation. Exemple des Kikuyus mis en réserves et privés de terres par Britanniques durant années
1880 qui les privent en même temps de statut dominant, à partir de possession foncière, vis-à-vis des femmes.
Des possibilités nouvelles pour les femmes
Les femmes européennes aux colonies : collaboratrices ou fossoyeuses d'empires ? : Interprétations divergentes
face à présence féminine dans colonies puisque soit actrices de « mission civilisatrice », notamment dans domaine
d’éducation ou santé, soit partisanes des barrières raciales de peur des indigènes. Memsahib theory basée sur cliché de
memsahib imposant en Inde ses codes hérités de la société victorienne. Mais théorie largement exagérée malgré forte
mobilisation des femmes pendant mouvement anti-Ilbert Bill, notamment par 2 ans de boycott des manifestations
mondaines du vice-roi, pétitions et journaux ainsi que mise en place d’un comité féminin de l’Association pour défense
des Européens et Anglo-Indiens. Mouvement à l’origine de discours féministe dont arguments sont repris par les hommes.
Néanmoins, expérience coloniale à voir comme ensemble d’opportunités de carrière offert aux femmes dans secteurs de
santé et éducation. Exemple des femmes d’administrateurs encouragées à faire bénévolat au profit d’activités caritatives,
d'infirmières recrutées par Colonial Nursing Association, des femmes médecins employées au Nigéria à partir de 1925.
Néanmoins, distinction sexiste au niveau de affectations puisque femmes médecins plutôt dans protection infantile, sauf
en cas de pénurie de personnel comme pendant Deuxième Guerre mondiale où femmes accèdent à postes réservés aux
hommes par biais de contrats temporaires. Vie quotidienne de femme aux colonies loin du cliché de la memsahib.
Exemple de Karen Blixen, planteuse au Kenya qui rencontre Kikuyus installés sur sa plantation. Adoption de modes
vestimentaires (comme le sarong indonésien) ou décoratives par Européennes. Illustration de volonté de réduire distance
intrinsèque à colonisation. Mobilisation ouverte de certaines femmes contre appareil colonial comme Margaret Noble,
Margaret Cousins ou Annie Besant qui s’engage pour femmes.
Colonisées et diplômées : Scolarisation des filles lente et tardive, longtemps suppléée par instruction pratique et
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domestique prodiguée par écoles de missionnaires. Femmes dès lors envisagées comme vecteurs d’adhésion à de
nouvelles valeurs, valeurs qu’elles transmettront à leurs enfants. Par ailleurs nécessité de former des spécialistes comme
sages-femmes ou institutrices, d’où création de l’Ecole de médecine de Dakar (1918) ou de l’Ecole normale de jeunes
filles de Rufisque (1938) qui accueillent des femmes venues de toute l’AOF (à 37% en provenance du Dahomey).
Profession de sage-femme exercée par vocation à différence de celle d’institutrice. Formation longue qui aboutit à métier
reconnu et à certaine autonomie financière qui ne remplace pas emprise familiale. Milieu marqué par forte endogamie
(80% des sages-femmes épousent des médecins), mais également par une tendance au mariage forcé (27% des cas). Statut
social et niveau d’études comparables mais mariage rarement harmonieux aboutissant souvent à un divorce, mari n’étant
pas préparé à l’égalité relative.
La place des femmes dans les luttes anticoloniales : Participation des femmes aux luttes anticoloniales sous
diverses formes : 1/ à la tête de la résistance face à conquête comme Yaa Asantewaa, reine du royaume Ashanti face aux
Britanniques en 1900 ou Ranavalona III, reine de Madagascar face aux Français jusqu'en en 1897. 2/ Dans révoltes face à
administration coloniale comme Nigérianes qui manifestent contre recensement des femmes et animaux ou femmes de la
Aba Women’s War en pays igbo (Nigéria) en 1929. 3/ Dans controverses à propos des questions matrimoniales qui voient
le jour avec mouvements nationalistes, notamment en Indonésie en 1937 à propos d’un nouveau régime matrimonial.
Education des filles portant ces fruits avec notamment prise de position des élèves de la Bethune School qui, sous
l’impulsion de leur professeure Kamili Sen, soutiennent le Ilbert Bill en 1883. Intégration des femmes dans parti du
Congrès (fondé en 1885) avec présence à réunion annuelle à Bombay en 1889, participation à mobilisation contre
partition du Bengale (1905) ou au mouvement non-violent de Gandhi. Accession aux postes-clés qu’en cas
d’emprisonnement des leaders masculins comme C.R. Das remplacé à la tête du parti du Congrès au Bengale par sa
femme Basanti Debi. Victimes de répression, arrêtées comme Basanti Debi ou blessées par police comme Hamaprobha
Majumbar, fondatrice du Forum des femmes travailleuses (1922). Même phénomène en Malaisie avec Kaum Ibu UMNO
(branche féminine de l’United Malays National Organisation) qui tente de maintenir programme d’action en faveur
d’éducation des femmes malgré désaccord avec organisation nationaliste pour qui ces questions ne sont pas prioritaires au
point d’exclure Khadîdja Sidek en 1956 pour avoir milité en faveur de la parité aux élections de 1955. Formes
d’engagement des femmes plus informelles en Afrique comme groupes de danse qui interviennent dans les congrès de la
Tanganyika African National Union.
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Hygiène, santé et médecine
Services de santé établis en Asie, Afrique et Antilles pour soigner Européens décimés par maladies locales.
Véritable tête de pont de la médecine occidentale. Puis élargissement des mesures sanitaires aux populations colonisées
malgré confrontation avec médecines indigènes. Médecine occidentale souvent présentée comme un des principaux
bénéfices
de
colonisation,
mais
tendance
nuancer
à
partir
des
années
1970.
Colonisation et santé
Colonisation et morbidité : Implication des Européens largement soulignée par historiographie dans propagation
de maladies inconnues dans les régions colonisées. Colonisation également responsable de nouveaux besoins médicaux à
cause des transformations apportées aux écosystèmes, zones humides créées par déforestation et canaux d’irrigation
offrent milieu favorable aux moustiques. Exemple de propagation de trypanosomiase (maladie du sommeil) au Congo et
Cameroun au moment de reprise de récolte du latex au cours de Deuxième Guerre mondiale. Travail forcé et
prolétarisation massive dans mines et plantations, vecteurs de propagation de morbidité auprès de population affaiblie par
conditions de vie et de travail.
Médecine et contrôle colonial : Médecine occidentale accusée dans années 1980 d’être « outil de l’Empire »
cherchant à préserver Européens et servant intérêts militaires, politiques et commerciaux. Mesures de santé publique
perçues comme instruments de domination des indigènes même si historiographie insiste plus sur complexité des
questions sanitaires nuançant centralité de médecine dans consolidation du pouvoir colonial. Promotion de contrôle social
par médecine comme en Europe, mais avec des moyens plus limités.
Un regard médical sur le monde colonial
Acclimatement et colonisation : Question d’acclimatement posée à cause d’importance des décès par maladies au
sein des troupes métropolitaines en Asie et surtout en Afrique occidentale (« tombeau de l’homme blanc »). Opinion
différente entre polygénistes (races humaines adaptées à des zones climatiques différentes) et les monogénistes (variations
physiques sous influence du climat chez les individus n’ayant qu’une seule origine. Adaptation des Européens aux
milieux colonisées à plus long terme en fonction des conditions. Evolution moins optimiste à partir de moitié du XIXème
siècle qui aboutit à théorie interdisant toute colonie de peuplement dans pays chauds dès lors réservés à l’exploitation.
Race et colonisation : Renforcement d’idée de barrières raciales en associant climats malsains et dégénérescence
raciale, théorie qui explique conquête d’Inde par son climat qui aurait affaibli Indiens et la crainte des Britanniques en
Inde de « s’indianiser ». Même discours en Afrique et dans les Antilles. Mais changement de vision dans Philippines où
environnement tropical est moins craint que population elle-même vue comme menace pour corps blanc, d’où nécessité
de l’éduquer. Maladie elle-même envisagée comme conséquence des pratiques indigènes en termes de mœurs.
Ségrégation résidentielle et « mission civilisatrice » renforcées par peur de l’infection.
Médecine et « mission civilisatrice » : Maladie intégrée à la vision européenne des sociétés indigènes. Santé
érigée en question vitale par administrateurs coloniaux, comme Victor G. Heiser aux Philippines pour qui enjeux
sanitaires déterminent l’avenir du pays. Maladie alors perçue comme une des raisons du retard d’Asie et d’Afrique et
médecine comme marque de fierté raciale.
La naissance de la médecine tropicale
Le primat de l'hygiène : un empirisme médical relativement efficace : Baisse de 90% du taux de mortalité chez
soldats stationnés en Afrique et en Asie entre 1830 et 1914 grâce à quinine et vaccination, mais aussi au cantonnement des
troupes sur hautes-terres, à surveillance d’eau et mise en place de mesures d’hygiène à partir des années 1840-60.
62
L'invention de la médecine tropicale : Médecine tropicale (c'est-à-dire médecine occidentale tournée vers les
autres mondes) tirée du contexte de colonisation et de microbiologie. Découverte de nombreux agents pathogènes comme
vibrion cholérique par Allemand Koch à Calcutta en 1883 ou bacille de peste par Français Yersin à Hong-Kong en 1897.
Découverte du processus de transmission de l’hématozoaire de malaria par Laveran en 1880 et de son vecteur, l’anophèle,
par Ross en 1897. Ouverture d’écoles de médecine tropicale comme School Tropical Diseases and Medical Parasitology
de Liverpool (1898), Escola de Medicina Tropical de Lisbonne (1902) ou Ecole d’application du service de santé des
troupes coloniales de Marseille (1905). Mise en place de laboratoires et d’instituts dans colonies d’empire français, tous
rattachés à Institut Pasteur où mise au point de vaccination antivariolique et des enquêtes sont menées sur maladies.
Vers la densification de l’assistance aux « indigènes »
Lutter contre la variole : Populations colonisées longtemps dotées d’équipement sanitaire réduit à cause du retard
des autorités coloniales dans diffusion de médecine. Budget sanitaire de l’Est africain pour 1900-01 fixé à 4.700£ (contre
38.000£ pour l’armée). Lutte précoce contre variole. Premières campagnes de vaccination en Algérie dans années 1830 et
au Vietnam en 1859. Création d’un service permanent en mobile contre variole au Tonkin (1888) et en AOF (1902) pour
endiguer ce frein à l’avenir démographique des colonies. Mesures confrontées à difficultés d’application locales comme
conservation à longue durée des vaccins.
Nouvelles inquiétudes et extension des soins : Inquiétude des métropoles à propos des rapports qu’elles
entretiennent avec foyers d’insalubrité, ce qui amènent interventions dans colonies comme après conférence
internationale de Constantinople (1866) sur le choléra. Etablissement de conseils de santé à Bombay et Calcutta pour
gérer questions sanitaires dotées de davantage de moyens avec l’Epidemic Diseases Act (1897) consécutif à peste de
Bombay en 1896. Services médicaux développés qu’après Première Guerre mondiale en Afrique britannique avec
notamment la Health Ordonnance pour le Kenya (1921) et mise en place d’un réseau de dispensaires pour une médecine
curative. Mise en place d’une assistance médicale indigène (AMI) dans empire français qu’au début du XXème siècle
pour assurer soins médicaux, entretenir personnel hospitalier, vacciner et prévenir épidémies, protéger mères et enfants,
… Projet doté de dimension décentralisatrice avec les « tournées de brousse » à partir de 1925. Accent mis sur protection
de l’enfance et assistance sociale au Vietnam pour favoriser accouchements en maternité et combattre tuberculose et
maladies oculaires.
Lutter contre les endémo-épidémies : Mise en place de grands programmes d’éradication des maladies au début
du XXème siècle. Santé au service d’économie et de politique coloniale afin de résoudre problème démographique.
Maladie du sommeil contrée par transfert de populations pour Britanniques, par thérapeutique appuyée sur chimie pour
Allemands, par action sur environnement (débroussaillage…) pour Belges. Campagnes d’éradication entravées par
absence de suivi et questions de compatibilité vis-à-vis des modes de vie indigènes.
Contraintes, refus et adaptations
Une médecine contraignante : Médecine autoritaire envers indigènes avec vaccination obligatoire en Algérie et
Indochine bien avant décret de 1902 qui l’impose en métropole. Convocation des populations dans centres urbains, ce qui
entraine longs trajets. Mesures de santé prennent plusieurs formes : 1/ Interventions médicales dégradantes (examens
intrusifs, désinfections etc...), contrôle des mouvements de populations notamment grands pèlerinages identifiés comme
réservoirs de maladies, ce qui crée tensions avec musulmans en route pour La Mecque et avec hindous vers Gange. 3/
Déplacement de populations par persuasion ou coercition. Exemple riverains du lac Tanganyika à cause de maladie du
sommeil. 4/ Dénonciation des foyers de propagation des maladies. Exemple d'Egypte où décret de 1912 oblige directeurs
d’école à le faire. 5/ Mise en quarantaine, détention, isolement comme pour lépreux en vertu du All-India Lepers Act
(1898) qui les parque en Inde ou la Lepers Proclamation (1911) qui les oblige à se dénoncer au Nigéria. Participation des
entreprises à campagnes notamment mesure d’encadrement des mères du Katanga (Congo belge) dans le cadre de
l’Oeuvre de Protection de l'Enfance Noire créé en 1925 par l’Union minière du Haut-Katanga.
63
Accepter la médecine coloniale : Peu de sources à propos des rapports entre médecin colonial et patient colonisé.
Vaccination confrontée à des obstacles comme résistance à colonisation, notamment en Indochine) ou mauvaise
compréhension de pratique. Médecine curative préférée à médecine préventive davantage crainte par colonisés. Soins de
plus en plus acceptés grâce à publicité plus accessible diffusée dans les langues vernaculaires.
La place des médecines traditionnelles : Praticiens locaux souvent mis à contribution par Européens au début du
XIXème siècle notamment Vaidays (hindous) ou Hakims (musulmans) en Inde. Intérêt de certains médecins européens
pour pratiques locales comme Dr J.P. Fitzgerald qui découvre médecine du Xhosaland (Afrique du Sud). Aucune synthèse
médicale en Afrique orientale contrairement à Inde ou Afrique occidentale ou australe. Pluralisme médical de plus en plus
rejeté au cours du XIXème siècle à cause de supériorité de médecine occidentale. Evolution au cours des années 1920 où
médecines traditionnelles se mêlent à médecine occidentale mais uniquement dans les colonies, la biomédecine devenant
complément et non substitut des formes traditionnelles en Afrique et en Asie.
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La prostitution
Considérée en Europe et aux USA comme mal nécessaire qui doit protéger société face à pulsions physiologiques
irrépressibles. Vu comme sale et dangereux en raison des maladies qui circulent, syphilis étant fléau majeur. Pour
autorités, prostituées véhiculent ces maladies. De ce fait réglementation extrêmement stricte, prostituées étant confinées
dans univers quasi carcéraux. Législation est abrogée par Angleterre dans les années 1880 mais perdure dans colonies
françaises jusqu’aux indépendances. Surreprésentation de masculinité dans les colonies accentue phénomène de
prostitution. Prostitution existait avant arrivée des colons mais leur présence reconfigure formes de prostitution et de
nouveaux groupes sociaux apparaissent : marginalisés, opprimés, réprouvés et prostituées. Prostitution agit aussi comme
révélateur des tensions et contradictions des sociétés coloniales (ségrégation mais aussi relations sexuelles avec femmes
de couleur, etc…).
Colonisation et développement de la prostitution
La prostitution, soupape des tensions sociales : Sociétés coloniales résultent souvent de conquêtes militaires donc
migrations, mobilités et ratio hommes/femmes souvent déséquilibré. Prostitution débarque outre-mer en même temps que
soldats. Réglementation vise en premier lieu à protéger soldats de maladies. Création de Lock Hospitals durant années
1800 (filles malades mises en quarantaine). Utilisée en Inde, sur même modèle qu'en Angleterre. Dès août 1830, après
prise d’Alger, ville est dotée d’un dispensaire où filles, toutes européennes au début doivent s’inscrire. En Inde, filles
recrutées sur place. Autorités coloniales peuvent tolérer aussi concubinage entre ressortissants européens et les femmes
colonisées, et parfois l’encouragent. En Inde, on les appelle les boubous ou les bibi, en Afrique subsaharienne ce sont les
« ménagères », en Indochine les congaïs. Ces relations sont entre domesticité, courtisanerie et relation amoureuse. Ces
unions temporaires concernent aussi les civils. Colonisation est jugée dangereuse, elle est donc affaire d’hommes. Au
Congo belge vers 1900, environ 1.000 européens sur place et seulement 82 femmes, surtout religieuses. Dans ce cas
« ménagères » apparaissent comme moins mauvaise solution. Prostitution aussi nécessaire pour lutter contre
homosexualité qui paraît aussi dangereuse que maladies vénériennes. Lors de conquête du Sind, autorités britanniques
effarées de découvrir à Karachi existence de prostitution masculine et de lupanars spécialisés. Recrutement de femmes vu
comme remède contre surmasculinité pour colonisateurs et colonisés. Mobilisation de main-d’œuvre nombreuse, appel
aux migrants, grands chantiers, etc… sont aussi facteurs de déséquilibre entre les sexes. Singapour attire beaucoup les
Chinois, vers 1900 ils sont 2/3 des habitants. Apparition de bordels, approvisionnés en femmes chinoises et japonaises (en
1898, 350 maisons chinoises officielles et privées). Femmes seules sont mal vues. Exemple du Congo belge où autorités
veulent endiguer prostitution clandestine avec mise en place de taxe en 1930 sur les « femmes vivant théoriquement
seules » pour toutes femmes de plus de 16 ans. Vers 1940, celles-ci représentent 30 % de population de Stanleyville et
taxe VTS rapporte à la municipalité 20% de ses recettes.
La traite et l'enrôlement des femmes : Prostituées européennes en sous-nombre par rapport aux autochtones. Sont
mieux traitées de la part de la police des mœurs et des médecins chargés de les inspecter. En 1872 pour 6871 prostitués en
Inde 5804 hindoues, 930 musulmanes, 137 européennes. En 1935 à Alger 106 européennes et 225 indigènes. Européennes
sont professionnelles envoyées par proxénète ou venue faire carrière dans l’empire. Pour autochtones, misère est facteur
principal de prostitution contrairement au mythe de la sexualité vénale. Beaucoup d’autres y entrent contraintes et forcées
par des trafiquants. Prostitution japonaise très forte au début du XXème siècle car pauvreté persistante dans certaines
régions rurales. Familles vendent fille aux trafiquants qui acheminent ces prostituées (les Karayuki-San) à Shanghai ou
Hong Kong pour les acclimatées. Ensuite transférées à Singapour, Vladivostok, Batavia, Manille, Indochine ou Birmanie.
Sur 300.000 émigrés japonais en 1906 on dénombre 22.000 Karayuki-San. Chinois pratiquent aussi même commerce,
achetant ou enlevant des enfants. Les mui tsai (« petites sœurs ») sont adoptées puis éduquées pour la prostitution. La
plupart des filles, en Afrique du Nord ou en Asie, sont enchaînées aux tenanciers des maisons où elles sont enfermées, par
dette jamais soldable. Peu de perspectives pour ces femmes, certaines réussissent à terminer coiffeuse ou mère
maquerelle, les autres restent au plus bas de l’échelle.
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Le réglementarisme aux colonies
La prostitution réglementée ou le triomphe des bordels : France passe pour avoir inventé, au tout début du
XIXème siècle, le contrôle sanitaire et policier de prostitution. Toute fille publique doit s’inscrire sur registres avec
catégories comme « filles soumises » qui vivent et travaillent dans maisons de tolérance (bordel) ainsi que les « isolées »,
ou « insoumises », qui travaillent en solo. Chaque mois elles payent un médecin et établissement où il travaille, là où les
contrôles sanitaires sont effectués. Maisons de tolérance européennes perdent leur monopole dans colonies vers 1900 au
profit des établissements indigènes. Mais règlement métropolitain s’applique à tous. Par ailleurs maison doit être close,
une seule porte, verres polis, registre des pensionnaires donné régulièrement à la police, contrôle sanitaire, etc… Modèle
appliqué en 1853 en Algérie et 1915 pour toute la Cochinchine. Mise en place dans empire britannique des Contagious
Diseases Acts entre 1864 et 1868 pour contrôler femmes atteintes de maladie vénérienne. Hong Kong est premier
territoire britannique à prendre mesures dès 1857 tant les conditions d’hygiène sont terribles pour les marins souhaitant
coucher avec prostituée. De fait beaucoup d’infections dans marine donc mise en place de mesures d’hygiène.
Rues et quartiers réservés : le cantonnement de la prostitution : Prostitution tend à se concentrer dans rues et
quartiers spécifiques comme les red light districts dans les colonies britanniques. En Afrique du Nord, « rues réservées »
avec voie centrale, contrôle policier. Dans empire français enfermement va plus loin puisque création de véritables
quartiers fermés par murs, contrôlés par policiers. Prostituées sont assignées à résidences et sortent rarement. Quartiers au
départ en ville mais sont rejetés peu à peu vers la périphérie. Au moment de remaniement de Casablanca construction d'un
quartier de prostitution, le Bousbir, construit et géré par l’entreprise la Cressonnière. Abrite entre 500 et 1.000 prostituées
et reçoit 1.000 à 1.500 clients/jour. Mais dégradation du quartier et d'hygiène donc repoussoir pour clients et prostituées.
Exemple similaire à Marrakech.
Les bordels militaires : Préoccupation permanente des autorités sur santé des militaires. Réglementation va
jusqu’à créer des bordels exclusivement réservés aux militaires. En Inde, cantonnements britanniques disposent de leurs
lal bazaar, bordels construits par Angleterre avec présence d’un Lock Hospital. Femmes ne peuvent coucher qu’avec
Britanniques. Forte réglementation avec fichage et encadrement des prostituées ce qui forme ainsi une certaine
aristocratie de la prostitution. Inversement avec bordels militaires de campagnes d’armée française dans régions qui ne
disposent pas d’établissement spécialisé jusqu’aux indépendances. Ces bordels sont confiés à concessionnaires qui
recrutent sur contrat des prostituées, quasiment toutes « indigènes ». Dans empire japonais mise en place par armée d'un
réseau de bordels militaires, les ianjo ou « maisons de réconfort ». Phénomène connu depuis années 1990 depuis
témoignages d'anciennes prostituées, notamment coréennes. Controverse sur nombre global de femmes exploitées et sur
spécificité du système japonais par rapport aux autres bordels militaires. De fait différence de nature (réduction à
esclavage de la population féminine colonisée ?) ou d'échelle (prostitution massive du fait d'administration efficace) ?
Premiers ianjo apparaissent en 1932 en Chine puis systématisation en 1938. Au départ recrutement de Japonaises puis
rapidement extension du recrutement. « Maisons de réconfort » installées dans toutes les zones d'occupation japonaise
avec nombre d'environ 400 en 1942. Estimation d'entre 90 et 200.000 ianfu, le plus souvent très jeunes filles enrôlées de
force.
La prostitution comme révélateur
L'échec du réglementarisme : Réglementarisme prostitutionnel se heurte à contestations comme en Angleterre ou
Josephine Butler met en place Ladies national Association for the Repeal of Contagious Disease Acts. Pour elle,
prostituées sont sacrifiées sur autel du vice masculin et humiliation de ces dernières par « viol gynécologique répété »
(1883). Pour militantes combat est le même que pour abolition d’esclavage puisque prostitution est forme d'esclavage.
Mise en avant d’inefficacité de police des mœurs et problèmes d’hygiène récurrents. Autorité coloniale résiste tant bien
que mal à vague abolitionniste. En Inde en 1888, les lal bazaar sont fermés tandis que les Lock Hospitals deviennent des
« volontary venereal hospitals ».A Singapour et Hong Kong réglementation peu à peu démantelée au cours de 1890.
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Campagnes internationales obtiennent quelques résultats contre « tolérance », Japon rapatrie ses Karayuki-San en 1920
(mais beaucoup vont en Chine), bordels ferment dans Fédération des Etats malais en 1931, à Shanghai en 1934. France
conserve bordels jusqu’à loi Marthe Richard du 13 avril 1946. Interdiction des bordels en métropole mais pas en Algérie.
Emergence de prostitution clandestine. En 1930 autorités du Tonkin estiment que 95 % de cette activité échappe à
contrôle.
Ségrégation, mélange, fantasmes : sexualité et contradictions coloniales : Prostitution reflète segmentations
propres aux sociétés locales, lesquelles tendent à se brouiller progressivement. Prostituées d’Afrique du Nord durant
seconde moitié XIXème siècle sont marquées par origine ethnique et sociale avec « négresses » (anciennes esclaves),
« kabyles » (les rurales), « mauresques » (urbaines), les juives issues des mellahs. Ségrégation de principe dans maisons
de tolérance puisqu'on n’accepte que les Européens, mais coexistence Européens et Arabes dans bordels les moins
luxueux. Présence en Inde de prostituées blanches, anglaises, juives d’Europe centrale et orientale, gêne autorités
britanniques qui y voient une fâcheuse déchéance de la « race ». En Asie, Britanniques recourent essentiellement aux
filles non européennes en s’assurant d’exclusivité de leurs services. Dans les règlements britanniques concernant la
prostitution dans les établissements et colonies d’Asie, il est d’usage de hiérarchiser les prostituées entre celles de
« première classe » pour Européens et celles de « seconde classe » pour non européen. Prostituées autochtones favorisent
les fantasmes et l’orientalisme érotique qui va avec. A Hong Kong comme à Singapour, le gouvernement veille à
distinguer soigneusement bordels réservés aux Européens et ceux réservés aux autres. Au contraire, au Vietnam,
Européens et Asiatiques, civils et militaires sont clients des mêmes maisons.
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Les religions entre traditions et inventions
Pluralisme religieux ne date pas d’intervention des puissances européennes, mais s’accentue avec colonisation.
Entre 1850 et 1950, certaines religions introduites, d’autres réformées ou transformées, mais aussi dynamiques de
syncrétismes par contact.
Les dilemmes de la conquête
Colonisation et prosélytismes : Liens entre domination coloniale et christianisation sont plus incertains après 1850
contrairement à l’époque moderne. Dès 1830, Français s’engagent à respecter coutumes des populations locales en
Algérie. Pourtant, engagement partiellement tenu, car entre 1830 et 1862, ¾ des lieux de culte disparaissent faute de
fonds pour les entretenir, pouvoir colonial s'étant approprié donations pieuses ou habous servant de financement. Mission
évangélisatrice reste quand même présente mais est mise en sourdine. Chrétiens autorisés à évangéliser Inde à partir de
1823, construction de monuments ostentatoires, notamment basilique Notre-Dame d’Afrique à Alger en 1872. Volonté
d'éviter troubles religieux liés à volonté évangélisatrice. De fait en Algérie, missions en Kabylie, dans nord du Nigeria
création de stations missionnaires interdites dans zones musulmanes. Dans sociétés d'ancienne coexistence religieuse
prosélytisme chrétien peut s’avérer contagieux. Exemple de l’Inde. Conversion au christianisme suscite reconversion de
certaines associations indiennes comme l’Arya Samaj (« noble société »). Créée en 1875 et active dans nord de l’Inde,
elle proclame antériorité et supériorité d’hindouisme sur autres religions. Sikhs font de même en 1873 avec association
Singh Sabha. Dans les années 1920, société musulmane de prédication, le Tablighi Jamaat, se lance dans prosélytisme
pour réislamiser les musulmans indiens. Missionnaires chrétiens ont peu séduit les Indiens : 0.73 % en 1881 et 2.4 % en
1951.
Guerre sainte, millénarisme et prophéties : les armes du refus : S’opposer à croyance des colons c’est d’une
certaine manière, s’opposer au système colonial. Djihad lancé en Algérie en 1832 puis en 1871. De même en 1874 aux
Indes néerlandaises suite à abolition du sultanat. Entre 1905 et 1910, cheikh Mâ’al-Aynîn conduit Djihad en Mauritanie.
Phénomène basé sur principe de révolte, généralement vite écrasé. Dans années 30, nouvelle théorie sur Djihad, comme
guerre offensive et non plus défensive, menant à révolution islamique. Idées proposées en Egypte par Hassan al-Banna,
fondateur des Frères musulmans. Choc de conquête suscite également millénarismes et prophéties. Premiers annoncent
fin des temps et appelant à sacrifices pour obtenir rédemption ou retour à âge d’or. Exemple de l'Afrique du Sud où en
1856, Xhosa sacrifient bétail et délaissent terres dans l’attente des troupes invisibles qui viendraient d’au-delà des mers
pour les aider à chasser les Anglais. Cela a pour conséquence famine terrible, 30 000 survivants sur 150 000, passent
ensuite au service des colons car sans ressource. De même en Indochine avec poussée de millénarismes populaires (mix
messianisme bouddhique et pratiques magiques populaires) entretenues par guérisseurs, devins ou illuminés. Forte
poussée après échec de révolte du roi Can Vuong.
Les stratégies de retrait : Répression des mouvements favorise stratégie de retrait de la part de certaines
communautés ou groupes. Dissimulation de foi, ou taqiyya, est option légitime pour les musulmans lorsque le Djihad est
voué à l’échec et à l’émigration, ou hijra, impossible pour des raisons matérielles. Confréries musulmanes ou tariqa
offrent en pratique des structures pour organiser ce retrait. Celle de Qadiriyyâ par exemple fondée à Bagdad au XIème
siècle. Au XIXème siècle présence dans ensemble du monde musulman notamment avec liens de solidarités, soutien aux
activités économiques. Confrèries constituent espaces intellectuels et sociaux. Cheikhs Bay al-Kunti, qui dirige la
Qadiriyyâ en AOF, appelle à fuir tout contact avec Français et à rejoindre son école coranique. D’autres confréries
choisissent rapprochement avec pouvoir colonial. Exemple de la Tijâniyya en AOF. Cas de confréries catholiques
dissidentes comme celle d’Apolinario de la Cruz aux Philippines en 1840. Jugé et décapité. Une autre 30 ans plus tard par
un mystique qui affirme que frère d’Apolinario et Vierge lui sont apparus et l’ont chargé de créer une nouvelle Jérusalem
délivrée du tribut colonial.
68
Les paradoxes de la tutelle coloniale en matière religieuse
Des pratiques sous surveillance : Si sujets coloniaux misent souvent sur religion pour contester colonisation,
pouvoirs coloniaux cherchent à en faire outil de contrôle social. Cas très prégnant des Antilles où augmentation du
nombre de prêtres après abolition de l’esclavage, pour contenir population émancipée, 44 prêtres en Guadeloupe en 1844
et 85 en 1858. Surveillance exercée par pouvoirs coloniaux sur pratiques religieuses était directe et indirecte. Contrôle des
transactions financières ou donations de biens finançant construction et entretien des lieux de culte. De fait dès 1817 à
Madras, administration de l’East India Company surveille dons faits aux temples hindous sous prétexte de lutter contre
détournements. Tout en surveillant intensivement les marabouts et les écoles coraniques, administration coloniale cultive
en AOF le fantasme de contribuer à l’essor d’un « islam noir », en marge de l’islam et acquis à domination française,
notamment à travers de certaines figures influentes dont Seydou Nourou Tall, petit-fils d’un grand fondateur de
théocraties musulmanes au XIXème siècle. Pèlerinages sont autant que possible contrôlés par police. Mais problème de
multitude de lieux, notamment en Inde ou en Algérie (tombeaux des saints). Pèlerinage de la Mecque incite pouvoirs
coloniaux à prendre en main transport des pèlerins. Pèlerinage interdit en 1903 et 1904 en Algérie car pèlerins décident
de voyager sur bateaux de leur choix.
L'impossible séparation des Eglises et des Etats coloniaux : Peu de puissances coloniales ont cherché à imposer
religion d’Etat. Japon impose culte shinto de l’empereur dans ses colonies mais après 1935. Loi de 1905 est appliquée
dans certaines colonies à partir de 1907. Exemple de Madagascar où gouverneur général en profite pour fermer les écoles
protestantes. Séparation mise au service de politique de suspicion et répression du protestantisme, accusé d’être
l’antichambre du nationalisme malgache. Missionnaires protestants et catholiques doivent maintenant trouver d’autres
domaines d’activité que l’éducation désormais laïque mais réduite à peu de choses faute d’écoles et d’enseignants laïcs.
Par conséquent importance d'autonomie forte des missionnaires face au pouvoir colonial dans empire français. Autorités
coloniales, malgré loi de 1905 cherche statu quo notamment en Algérie, notamment par fonctionnarisation des ministres
de culte musulman, dispositif déclaré d’exception mais prorogé jusqu’en 1947. En conséquence, association des oulémas
d’Algérie fondée en 1931 lutte pour obtenir application de la séparation du culte musulman et de l’Etat colonial.
Les Eglises dissidentes : Dès 1857 en Afrique du Sud, Eglise réformée hollandaise a introduit des Eglises
séparées pour Blancs. Même chose pour Britanniques dans Afrique de l’Ouest dans années 1880. En conséquence,
plusieurs Eglises créoles de Freetown quitte en 1885 réseaux missionnaires pour rejoindre l’American Methodist Church,
Eglise noire-américaine. Eglises noires sud-africaines font même choix en 1896. Séparation et quête d’autonomie qui se
traduit aussi par vague d’ « Ethiopisme », car ces Eglises en rupture se revendiquent du christianisme éthiopien pratiqué
depuis IVème siècle. A partir de 1904, Eglises « sionistes » fondées dans l’Union sud-africaine. Créées par prophètes se
présentant comme messies et proposant hybridation entre christianisme et pratiques religieuses autochtones. En 1950,
ensemble des Eglises indépendantes africaines comptent 2 millions de fidèles, 10 millions pour cathos et 11 millions pour
protestants.
Des cadres alternatifs ?
Les dynamiques syncrétiques : Entre 1913 et 1915, prophète libérien William Wade Harris sillonne littoral de
Côte d’Ivoire prêchant abandon de toute forme d’idolâtrie et concorde entre races. Grand retentissement mais expulsé par
Français qui l’accusent d’annoncer défaite française. Eglise harriste clandestine fondée en Côte d’Ivoire dans les années
1920 et légalisée après 1945. Eglise kinbanguiste (fondée par Kibangu) compte dizaines de milliers d’adeptes qui sont
poursuivis en 1924 (37.000 condamnations). Se développe ensuite dans clandestinité, intègre éléments culturels kongo
comme culte des ancêtres et en dépit de répression coloniale, elle accompagne évolutions de société congolaise, servant
de support au mouvement associatif indépendantiste dans les années 1950. Syncrétismes apparaissent aussi en Asie
notamment en Indochine où religion Cao Dai propose, à partir de 1926, synthèse entre bouddhisme, confucianisme et
taoïsme. Réprimé à partir de 1940.
69
Conversion, reconversion : Conversions peuvent être multiples pour une même personne. Comme l’a montré John
Peel conversion reposait concrètement sur interaction délicate entre religion d’origine et religion d’arrivée et sur
intermédiaires. Ainsi, les babalawo (devins) yoruba, qui sont en train de diffuser le culte d’Ifa parmi populations Yoruba
du Sud du Nigeria, jouent rôle clef en dialoguant avec marabouts musulmans, qui pratiquent également divination, mais
aussi avec missionnaires.
Les réformismes entre usages locaux et cosmopolitismes : Réformismes hindouiste et islamique proposent de
transformer la société. Réformisme hindouiste au départ mouvement élitiste redéfinissant hindouisme comme
monothéisme en retranchant nombre de pratiques présentées comme idolâtrie et ripostant aux réquisitoires des
missionnaires britanniques qui affirment, dans les années 1830, qu’évangélisation est préalable nécessaire à toute réforme
de société indienne. Intellectuels réformistes comme Ramohun Roy s’engagent dans réformes de religion. Sont souvent
mal vus par majorité des hindouistes dont ils critiquent les pratiques religieuses et sociales. Renouveau de tradition
ascétique hindoue avec Ramakrishna (1836-1886). Réformisme se dissémine également avec nombreux mouvements
locaux mêlant revendications sociales et religieuses. Ascète Sri Narayana Guru au début du XXème siècle veut favoriser
caste des producteurs de vin qui représente 1/5 de la population locale. Souhaite « une caste, une religion et un dieu »
pour unité de société indienne. Confrérie musulmane Ahmadiyya (1889) fait choix de prendre appui sur Empire
britannique pour diffuser son message. Prône prosélytisme pacifique plutôt que Djihad. Devient réseau d’ampleur
mondial au même titre que confrérie Mouride fondée au Sénégal et qui s’appuie sur populations pauvres, paysans
producteurs d’arachides. Fondateur, Ahmadou Bamba convertit nombre de paysans wolofs. Déporté à de nombreuses
reprises par autorités coloniales. Son lieu de mort en 1927, Touba, devient symbole pour diaspora commerçant
sénégalaise de plus en plus forte après Première Guerre mondiale.
70
Ecole, éducation
Thème privilégié de propagande impériale, école cristallise multiples contradictions qui affectent sociétés en
situation coloniale. Dispositif de contrôle de société dans système hiérarchique de « races » donc volonté de façonner
indigènes assez « intelligents » pour devenir auxiliaires de colonisation. Ecole peut avoir aussi portée émancipatrice donc
elle est aussi potentiellement subversive.
La scolarisation coloniale, entre propagande et réalités
Un nombre limité d'écoles et d'écoliers : Photos nombreuses d’administrateurs, enseignants, bonnes sœurs etc...
faisant lecture et cours à des élèves. Ceux-ci alimentent propagande car effectifs scolarisés sont très limités. Dans
enseignement primaire, primaire supérieur et secondaire public et privé en AOF, on compte en tout 16.300 élèves en 1913
et 62.300 en 1934 pour population de 14.3 millions d'habitants. Les deux seuls lycées d’AOF, Dakar et Saint-Louis,
comptent 730 élèves en 1936. Taux de scolarisation en Indochine inférieur à 10 %. Même chiffre pour l’Algérie en 1937.
Ambitions coloniales et financement pas à hauteur des attentes de scolarisation. Dans empire britannique, scolarisation
très limitée jusqu’à l’entre-deux-guerres. Encore en 1921, en Gold Coast, moins de 4% des jeunes sont scolarisés.
Chiffres encore plus faibles dans empire portugais. Au Mozambique, moins d’1%. Effort de scolarisation dans les années
1950. En 1940, un collège technique à Lourenço Marques et 4 autres « écoles des arts et métiers ». Création d'un
deuxième lycée en 1954 puis trois autres localités dotées de lycées en 1961. Très peu d’Africains, car payant. Estimation
qu’en 1964, 1 Africain sur 12.500 a bénéficié d’éducation secondaire.
Des systèmes scolaires souvent déséquilibrés ou incomplets : Filles encore moins concernées par scolarisation
que garçons. Début années 1920 en AOF, 2 pour mille en âge d’être scolarisées à être inscrites dans écoles publiques ou
privées, ce qui ne signifie pas qu’elles les fréquentent. Taux de 35 pour mille en 1955, 3 fois moins que garçons. Plupart
des élèves ne dépassent pas primaire, la suite étant cadre réservé aux élites. Exemple d'Algérie en 1914 où 386 élèves
musulmans et seulement 40 bacheliers (fils de caïds ou d’aghas). Situation différente dans empire britannique car
politique coloniale s’appuie sur les educated natives. Infrastructures scolaires, souvent laissées aux mains des
missionnaires pour niveaux inférieurs, sont plus étoffées et forment réseau plus complet. Elites peuvent poursuivre études
secondaires voire supérieures. Exemples du nombre d'écoles secondaires en 1937 en Gold Coast (3), Gambie (4) et Sierra
Leone (9). Autres institutions au XXème siècle comme collège Prince-de-Galles à Achimota en 1925. Une partie des
étudiants africains anglophones poursuit études dans métropole, cas beaucoup plus rare dans autres empires. En Inde,
majeure partie des élites formée dans vingtaine d’universités créées à partir de 1857. Exemple du Bethune College fondée
en 1878 à Calcutta pour femmes, avant même que les universités métropolitaines soient ouvertes aux femmes. Aux Indes
néerlandaises scolarisation plus massive des populations colonisées et réseau un peu plus équilibré. En 1849 fondations
d'écoles élémentaires avec enseignement en hollandais pendant trois ans. A partir de 1864, Etat crée des Europeesche
Lagere Scholen (ELS), soit cycle de sept ans, en hollandais. Objectif est qu'élèves puissent poursuivre études secondaires
aux Pays-Bas. Ecoles aussi ouvertes aux Indonésiens et aux étrangers. Depuis 1848 existence d'une vingtaine de
Regentschapscholen pour les Indonésiens mais réservées aux enfants de Priyayi. En 1907 mise en place d'un programme
d’éducation primaire populaire dans cadre de politique éthique grâce aux Volksscholen, qui dispensent un enseignement
de trois ans dans les langues locales, avec enseignants autochtones. En 1940, environ 45% des enfants ont reçu éducation
de ce type même si niveau de qualification reste bas. Existence de nombreuses autres écoles : écoles pour métis en 1908,
MULO (Meer Uitgebreid Lager Onderwijs) en 1914 avec éducation secondaire inférieure qui ouvre portes aux AMS,
Algemene Middelbare Scholen créés en 1919 avec niveau secondaire. De même Schakelscholen en 1921 pour rejoindre
les MULO. Création de système universitaire en 1900 avec deux écoles pour autochtones : (OSVIA) administration,
(STOVIA) médecine. Par ailleurs écoles vétérinaires, instituts de technologie à Bandung en 1920, faculté de lettres à
Batavia en 1940 et une agricole à Bogor en 1941. Etablissements supérieurs fermés par Japonais, mais en 1946, création
par Néerlandais d’une « université d’urgence » qui fusionne avec anciennes pour former l’Université d’Indonésie.
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Ecoles coloniales et éducation autochtone : Mode de scolarisation parfois opposé ou entré en concurrence avec
modes d’éducation autochtones. Caractère collectif dans enseignement, de manière orale en Afrique par exemple.
Système scolaire à contenu religieux ou non. Ecoles de pagode au Cambodge ou médersas en territoire de culture
musulmane (pesantren ou madrasah dans les Indes néerlandaises). Nationalisme indonésien réalise importance
d’éducation et d’inculcation de valeurs nationales. Création de wilde scholen ou « écoles sauvages » par autochtones. Plus
connues sont fondées par membres du Sarekat Islam ou du Taman Siswa. Ecoles dont diplômes ne sont pas reconnus par
autorités. En Indochine, cas de figure intéressant. Dans provinces annamites, éducation autochtone fondée sur système de
sélection pour entrer dans administration et fonctions mandarinales. Au Cambodge et Laos, éducation surtout religieuse,
pas destinée à former classes dirigeantes mais intégrer jeunes dans vie en société en inculquant valeurs religieuses,
philosophiques et morales. Gouvernement colonial estime que premier type d’école plus adéquates avec propres objectifs
scolaires et les laisse en place jusqu’en 1919. Pour créer élite éduquée unifiée, caractères chinois et sino-vietnamiens
remplacés par écriture en caractère latin, le quôc ngu. Par ailleurs, complexification des situations scolaires ou éducatives
puisqu'expansion missionnaire chrétienne au XIXème siècle s’est accompagné d’ouverture d’écoles, quelques fois avant
conquête coloniale. Ainsi, à partir des années 1820, souverains malgaches ont encouragé présence de missionnaires
protestants (Britanniques, d’Europe du Nord) qui ont fondé réseau d’écoles sur lequel colonisateurs français se sont
appuyés dès début du XXème siècle, tout en commençant par en chasser ces missionnaires étrangers.
Quelle éducation ? Entre assimilation et adaptation
La langue d'enseignement : Enseignement dans langue du colonisateur permet apprentissage de langue réputée de
« civilisation » mais aussi que des sociétés très diverses possèdent un idiome commun. Enseignement français obligatoire
en AEF et AOF en 1922 dès petites classes. Pourtant enseignement en langue vernaculaire dans petites classes au Congo
Belge, en Indochine et dans colonies britanniques (obligatoire en 1927). Langue vernaculaire devient un outil pour
nationalisme. Au cours des années 1920 étudiants birmans veulent créer système scolaire national en langue birmane.
Des contenus adaptés : Mise en place de quelques savoirs et compétences en lecture, écriture et calcul.
Enseignement est aussi à caractère pratique, agricole et ménager. Fermes-écoles existent dans colonies portugaises et en
AOF à partir des années 1930. Ecoles généralement dépourvues de matériel scolaire si ce n’est la diffusion du petit
Lavisse en histoire dans les colonies françaises. Objectif est de former main-d’œuvre peu savante et de subalternes. But
est d’inculquer amour de France mais aussi de « petite patrie » qui profite des bienfaits des colons. Mise en place du livre
Moussa et Gi-Gla composé sur même modèle que le Tour de la France par deux enfants. Réédité 14 fois entre 1916 et
1954 pour élèves d’AOF. En Indochine, à la faveur de grande réforme lancée par gouverneur Albert Sarraut après
Première Guerre mondiale puis loi Marial Merlin en 1924-1925, enseignement unifié et adapté aux cultures locales afin
de permettre scolarisation d’effectifs plus importants au niveau primaire.
Former des élites ou des « déclassés » ? : Peur pour autochtones qui n'ont pas réussi de place à mesure de
qualification. Double effet : souffrir de hiérarchie coloniale sans rapport avec mérites personnels tout en se trouvant aussi
décalé par rapport à société d’origine. Georges Hardy, inspecteur puis directeur de l’enseignement en AOF (1912-1919),
directeur de l’école coloniale (1926-1933), expose en 1932 comment enseignement ne doit former qu'élites dont autorités
ont besoin pour faire fonctionner rouages de colonisation, en dispensant enseignement minimal à la masse. Idéologie de
mission civilisatrice trouve là ses contradictions et ses limites. Education plus soutenue dans empire britannique mais
toujours distinction entre élites et majorité de population. En 1835, selon Thomas Babington Macaulay, promoteur
d’éducation britannique de constituer « une classe d’Indiens par le sang et la couleur, mais d’Anglais par le goût, les
opinions, les valeurs et l’intelligence ». Mais faut maintenir une certaine distance entre élites coloniales britanniques et
Indiens éduqués. Comité consultatif sur l’Enseignement dans les colonies déclare en 1925 que « l’enseignement doit être
adapté à la mentalité et aux traditions des différents peuples, en conservant autant que possible tous les éléments sains
dans la mise en place de leur vie sociale ».
L'école objet d'investissement multiples
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Contrainte coloniale ou Aventure ambiguë ? : Ecole imposée par colonisateur souvent perçue comme espace de
violence symbolique, contrainte et acculturation. Faible taux de scolarisation en Algérie au début du XXème siècle aussi
reflet du boycott des écoles étrangères par populations locales au profit d’écoles locales musulmanes par exemple. Dans
Fouta, nord du Sénégal, élèves évolués considérés comme perdus pour société et culture d’origine. Age de recrutement en
AOF pour école primaire varie entre 7 et 10 ans dans l’entre-deux-guerres. Mené par directeur d’école, médecin ou
membre du personnel médical et le chef de canton, on passe d’un recrutement de masse quasi militaire (1927) à un
recrutement par arrivant, avec des places limitées (1955).
Des enseignant(e)s et des diplômé(e)s à la conjonction de plusieurs mondes : Enseignement en langue
vernaculaire implique de former instituteurs autochtones plutôt que compter sur perso nnels venus de métropole.
Investissements notables pour fonder ce genre d’école notamment en Malaisie britannique avec budget est prévu en 1920
pour ouvrir école de formation d’enseignants. Ecoles seront dirigées par diplômés du Sultan Idris Training College for
Malay Teachers (1922 à Tanjong Malim). Endroit où prise de conscience et critique de domination coloniale. En Inde, 9
départements d’éducation créés en 1879 mais composés de 95 % d’Européens. En AOF, instituteurs et institutrices sont
bons élèves qui ont passé cap du certificat d’études, très difficile. Entrée dans Ecole William-Ponty (à partir de 1903) ou
Ecole normale d’institutrices de Rufisque (1938) pour formation. Un des enjeux, autant qu'instruction, est les acculturer
tout en leur inculquant normes du « bon goût ». Mais ne peuvent rejoindre catégorie cadres supérieurs européens, encore
une fois ressentiment, surtout après Deuxième Guerre mondiale. Education ouvre voies de promotion aux femmes.
Exemple de section d’élèves sages-femmes ouverte à l’école de médecine de Dakar en 1919. Etudiantes recrutées par
concours et souvent métisses ou issues des élites. De ce fait création de vecteur d’occidentalisation au sein des sociétés
africaines. Selon spécialisations, différents devoirs : infirmières pour hygiène ; instituteurs-trices pour savoirs pratiques,
comportements occidentaux, former de bonnes ménagères…Instituteurs-trices s’investissent aussi dans syndicalisme
d’opposition plus que « participation responsable ». Assument des responsabilités politiques importantes dans contexte
des indépendances. Aoua Thiero, après avoir épousé un instituteur, milite au Rassemblement démocratique africain à
Bandiagara au Soudan français (futur Mali). Représentante des femmes de Nioro au congrès extraordinaire de USDRA,
qui proclame l’indépendance du Mali en 1960.
73
Les pratiques sportives dans les sociétés coloniales
A partir du milieu du XIXème siècle sports codifiés ou modernes deviennent une des principales pratiques
culturelles qui se développent. Plupart des sports pratiqués adoptés volontairement, rapidement et souvent transformés par
populations colonisés pour en devenir élément constitutif de leur identité nationale.
L'essor du sport dans les sociétés coloniales
Développement du sport résulte d’action de groupes sociaux d’origine européenne implantés plus ou moins
durablement dans mondes coloniaux, notamment militaires, enseignants, missionnaires, ingénieurs dans rôle de
« sportivisation » (Norbert Elias) des colonies. Mais, ce sont élites locales qui permettent implantation durable de ces
sports. Terrains de cricket aménagés dans Antilles en 1833 lorsque Britanniques en place viennent pour protéger intérêts
des grands planteurs après abolition d’esclavage. Fonction sociale avec différents corps d’armées qui s’affrontent ainsi
que civils britanniques peuvent aussi participer. Sport intrigue et attire populations locales autochtones. Football au fort
Canning à Singapour attire de nombreux spectateurs et les initie au sport. Guerre des Boers permet d’accélérer pénétration
d’un sport qui va faire la renommée de l’Afrique du Sud : rugby, joué par les prisonniers Boers dans les camps. Outre
militaires, enseignants et missionnaires jouent grand rôle. Sport représente pour bourgeoisie coloniale un moyen de
pérenniser culture métropolitaine à laquelle ses enfants doivent absolument rester attachés (valeurs morales comme effort,
persévérance, loyauté,…). Elites locales peuvent s’initier aux sports dans prestigieuses public schools et universités
britanniques, puis dans établissements fondés dans colonies, tel le Harrison College de l’île de Barbade (cricket place de
choix). Dimension morale du sport pour missionnaires. Fin du XIXème siècle au Cachemire, Cecil Tyndale-Biscoe place
foot au cœur de pédagogie tournée vers « chrétienté musculaire ». Dans l’Empire belge, père Raphaël de la Kéthulle à
Kinshasa importe sport parmi populations. Football pendant récréations. De même Frère Macaire au Gabon, avant même
construction d’églises demande construction de stade de foot. On voit ici que pratique sportive chez missionnaires est
bien au cœur de l’évangélisation. Femmes pas exclues. Exemple d'AOF où femmes autochtones accèdent au sport dans
cadre de formation dispensée par l’Ecole normale de jeunes filles de Rufisque dans l’entre-deux-guerres. En 1941
élaboration de charte sportive d’AOF. Texte du directeur du service d’éducation générale et sportive, après avoir visité
l’ENJF. A partir de 1945 équipe de baseball féminin est créée à l’ENJF. Normaliennes participent aussi à championnats
scolaires d’athlétisme. Sport devient objet de politique paternaliste, qui vise à contrôler travailleurs, notamment dans
régions fraîchement industrialisées, dans leur temps de pause. Patronat sépare soigneusement sport des cadres et patrons
de ceux des ouvriers pour éviter de tisser trop de liens qui pourraient troubler ordre social. A Bombay dans entre-deuxguerres, les akhada (gymnases), sont étroitement surveillés par police. Ces lieux, en plus d’être un lieu d’activités
sportives, est lieu de sociabilisation, de vie politique et syndicale des ouvriers. Sportifs, souvent bons dans maniement des
bâtons (lathis) sollicités soit pour mener les grèves à la demande des ouvriers, soit pour les détruire, à la demande du
patronat. Pour que sport subsiste dans sociétés coloniales, sports doivent être réappropriés par élites. Cricket avec princes
Sikhs Rajendra Singh qui fait même construire un terrain dans son palais. En Indochine française durant les années 1930,
Bao-Dai s’exhibe lorsqu’il joue au tennis, de plus il s’habille en blanc dans région confucéenne où cette couleur est
relative au deuil, où l’exhibition du « moi » est choquante. Pratiques sportives enthousiasmantes pour élites qui y voient
encore un moyen de se distinguer socialement.
Stratégies d'appropriation et « indigénisation » des pratiques culturelles européennes
Succès durable du sport en situation coloniale s’explique aussi par interaction durable entre propriétés d’un sport
et valeurs sociales qui ont pu lui être attribuées localement. Pour élites indiennes, cricket met en avant distinction de
classe et évite contacts physiques, pas de dépense physique trop importante, caractéristiques incompatibles avec dignité
princière. Arrivée des sports européens en territoire colonial n’a pas induit rupture totale avec activités athlétiques
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antérieures. Absence de fonds et infrastructures pour certains sports en favorise d’autres comme foot qui nécessite peu de
moyen. On voit apparaître une « indigénisation » du sport. Exemple d'Afrique du Sud dans l’entre-deux-guerres où peu
d’infrastructures pour population noire en croissance constante qui laisse tomber peu à peu le kick and rush à l’anglaise
(passes longues pour l’attaquant, défense, etc…) pour techniques très différentes. En effet, pratique de foot dans rues
étroites des townships transforme style de jeu (individualisme, improvisation,…). En Inde on préfère jouer pieds nus pour
se distinguer, même si pratique devient pénalisante. Sport devient aussi fondement de nouvelle identité nationale surtout
lorsque colonisés battent joueurs de métropole comme en 1911 lorsque le Mohun Bagan remporte l’Indian Football
Association Shield contre le régiment britannique de l’East Yorkshire. Construction d’infrastructures sportives devient
véritable outil politique pour partis colonisés qui arrivent peu à peu au pouvoir. En 1937, Parti du Congrès au pouvoir à
Bombay et fonde des centres de récréation dans quartiers construits par Britanniques pour loger les travailleurs. Sports
indiens et britanniques s’y côtoient. Même si règles de pratique ne sont que rarement modifiées, esprit du jeu, technique,
sociabilité et environnement culturel dans lequel évoluent les autochtones ont considérablement transformé les sports tels
qu’ils étaient pratiqués par les Européens en métropole. Culture de gangs dans clubs de rugby dans colonie du Cap par
équipes noires, utilisation de potions et de rituels purificateurs par les populations zouloues (héritage guerrier) etc…
Pratique autochtone des sports européens ne signifie que rarement adhésion aveugle aux valeurs qu’ils véhiculent. Acteurs
locaux possèdent souvent stratégie sociale autonome.
Pratique sportive et ségrégation coloniale
Création des associations sportives veut marquer différence entre colons et colonisés. Associations permettent aux
colons de se retrouver, de recréer société de métropole. Exemple d'Union artistique sportive et de tir de Conakry en 1905.
Associations sportives regroupent notables locaux ce qui permet de préserver homogénéité sociale, sur même modèle que
métropole. En Algérie, chaque communauté (arabo-musulmans, juifs arabe, Espagnols, Français) créent propre club et
association. Dans les années 1920 au Congo belge, commerçants se regroupent dans Cercle olympique de Léopoldville
alors que personnel administratif colonial et médecins rejoignent le Léo football club. Tensions très fortes entre
communautés européennes, surtout lors des rencontres. Lorsque Belges et Portugais se rencontrent, souvent traités de
« macaques » ou « sales nègres » par spectateurs ce qui fait resurgir racisme métropolitain dans les colonies. Ségrégation
sportive aussi entre européens et colonisés. Vétusté des terrains et installations, terrains de cricket des colons sud-africains
interdits aux joueurs noirs notamment. Dans les Antilles anglaises fin XIXème siècle rencontre possibles entre équipes
noires et blanches mais interdiction pour les noirs d’aller au « club house » après les rencontres. De même en AOF
tribunes réservées aux Européens jusque dans l’entre-deux-guerres. Parfois, situation coloniale se renverse
lorsqu'Européens adoptent sports locaux comme polo, originaire d’Asie avec diffusion large dans l’Empire britannique.
75
Arts et spectacles aux colonies
Depuis fin XVIIIème siècle terme « art » recouvre les « beaux-arts » (peinture, sculpture, arts décoratifs,
architecture), mais aussi musique, danse, poésie et littérature. Question à se poser sur les possibles formes d’hybridation
et d’appropriations culturelles.
Les arts européens dans les colonies
Des formes d'art européennes pour un public européen : Théâtre composante essentielle pour les colons. Diffusion
avec Britanniques dès milieu du XVIIIème siècle en Inde. Théâtre occidental se diffuse au Vietnam en 1911 avec
inauguration du théâtre d’Hanoi qui accueille troupes métropolitaines. Cinéma inauguré dès 1896 en Algérie, Egypte ou
Inde mais devient vraiment loisir après 1945. Plupart des films sont importés. Musée des Beaux-Art d’Alger accueille à
partir de 1897 une partie de la production de « l’école d’Alger ». Fondation d'une école des beaux-Arts à Hanoi en 1924.
Importation et indigénisation des arts européens dans les colonies : Avant conquête, déjà forme d’arts et de
performances notamment Tuong au Vietnam, inspiré de l’opéra classique chinois, Koteba au Mali ou Sougounougou en
Côte d’Ivoire. Nouvelles formes de théâtres s’installent. Exemples du théâtre missionnaire en Afrique par exemple,
notamment Congo belge avec thèmes religieux, joué en Français et parfois en langue vernaculaire comme à Madagascar à
partir de 1922. Shakespeare est traduit en plusieurs langues indiennes : adaptation ourdou de Périclès, roi de Tyr appelé
Khudada urf Dad-e-Dariya par Murad Barelvi. Nouveau théâtre égyptien est composé de traductions de pièces de
Shakespeare, Racine et Corneille. Aux Philippines, théâtre en tagalog (langue locale des Philippines) en partie dérivé du
théâtre espagnol. Ecriture de pièces sur sujets philippins commence à partir des années 1860. A partir des années 1930, on
joue pièces d’auteurs anglais et on commence à en écrire en anglais, tandis que le vaudeville (bodabil), introduit par les
troupes américaines, devient un genre théâtral très populaire. Apparition de production cinématographique. Système de
studio cinématographique émerge aux Philippines dans les années 1930 sur modèle hollywoodien. Père du cinéma indien,
Dadasaheb Phalke utilise épopées du Ramayana et du Mahabharata comme réservoir d‘histoires. Premier film sonore en
1931, Alam Ara implique naissance de grand production de films (1930-1948 plus de 4000 films).
Hybridations
Architecture officielle et influences locales : Architecture est une des traces les plus visibles de présence
coloniale. Fonction identitaire et performative des édifices. Style de L’East India Company caractérisé par néoclassicisme
dominant jusqu’à la révolte de 1857. Néogothique connait ensuite forte expansion. Certains aristocrates indiens souhaitent
intégrer à leur bâtisse des éléments architecturaux occidentaux. Affirmation des nationalismes vers 1870 a conséquences
sur architecture. De fait autorités britanniques souhaitent asseoir légitimité visible tout en affichant respect pour culture
indienne donc promotion d'un syncrétisme architectural qui connaît apogée au tournant du siècle : le style « indosaracénique ». De fait mélange d’architectures indiennes, indo-islamique et néogothiques. Dans Irak d’après 1918,
travaux architecturaux par James Wilson sont plus proches d’exaltation d’identité arabe et identité britannique se fait plus
discrète. En Indonésie, type de construction hybride javano-hollandais au XIXème siècle. Dans les années 1920,
architectes hollandais nés dans archipel (Charles Schoemaker, Henri Maclaine) cherchent à intégrer architecture moderne
dans histoire architecturale d’Indonésie. Exemple d'East Indian Technical University de Bandung (1920) d’architecture
européenne mais utilise aussi le meru, une forme dérivée des temples bilanais.
Contacts des cultures et nouvelles formes artistiques : Nouvelles formes dans le domaine musical. En Egypte,
Salama Higazi combine chanson traditionnelle avec techniques d’opéra pour créer style lyrique nouveau. Aux Antilles,
influence des esclaves venus d’Afrique dans danses comme la kalenda ou le ladjya. Dans villes d’Afrique du Sud
naissance durant les années 1920-1940 du marabi, précurseur d’un jazz sud-africain, dans lieux centraux de culture
76
populaire que sont les tavernes clandestines (shebeens). Arts plastiques connaît aussi des influences. Artistes indiens
ajustent leurs styles, techniques et sujets au goût occidental (type appelé company painting). Calcutta voit également
émergence d’école populaire d’art, le Kalighat, peinture de couleurs vives sur papier réalisées en partie à la manière
traditionnelle, en partie à la manière britannique. Arts plastiques dans les Caraïbes se développent en prenant conscience
de créolité, qui se voit comme une synthèse. Speshal Nacakam, pièce indienne, mêle comédie et drame constitue un
mélange des scènes parsi, britannique et du théâtre de rue tamil.
Les acteurs de l'art dans les sociétés coloniales
Pouvoirs : Gouvernements soutiennent artistes à travers ouverture d’écoles et des commandes publiques.
Patronage, notamment à Calcutta, tend à être privé et passe d’abord beaucoup par commandes de portraits. Sociétés
artistiques sont d’abord européennes puis de plus en plus indianisées. A partir de 1879, expositions de Calcutta et de
Bombay sont évènements de premier plan où de nombreux peintres indiens exposent. Calcutta Art Society est fondée en
1889. Gouvernement britannique aide arts en Inde comme en Grande-Bretagne, où le gros des fonds publics pour l’art va
aux musées et collections d’arts. En 1947, 174 musées fonctionnent en Inde, dont certains privés. Collections des élites
indiennes existent aussi, intérêt accru pour art indien à la fin du XIXème siècle. Certaines de leurs collections intègrent
ensuite des musées. Rai Krishna Das fonde en 1930 le premier musée indien des Beaux-Arts, le Bharat Kala Bhawabn.
Artistes : East India Company emploie artistes locaux tandis qu'artistes britanniques engagés par cours princières,
pour peindre des portraits. Ecoles d’art ouvrent (5 dans notre période) avec élèves qui apprennent style occidental (dessins
antiques, nature morte). Pestonji Bomanji est un des premiers portraitistes de Bombay art school tandis qu’Antonio
Xavier Trindade, originaire de Goa, est surnommé le Rembrandt de l’Est. Manière de faire du théâtre évolue aussi.
Influence européenne portée par les Parsis, communauté très occidentalisée qui forme précocement compagnies théâtrales
qui parcourent le sous-continent. Influence occidentale sur théâtre se voit à travers réduction du rôle du narrateur,
d’individualisation des personnages, contrairement au théâtre indien. Femmes généralement exclues traditionnellement
des arts scéniques, montent sur les planches. Georges Abyad, originaire de Beyrouth forme sa compagnie au Caire en
1910, traduisant mais aussi jouant des pièces originales en arabe.
Publics : Théâtres attirent différents publics, pas seulement destinés aux classes moyennes urbaines. Salles de
cinéma adaptées pour répondre aux exigences en termes de castes et de sexes. Au Vietnam, cinéma réservé au Français et
aux Vietnamiens aisés. En Afrique du Sud, l’Entertainment Act de 1931 interdit les scènes mixtes et organise des
catégories de public : Européens, moins de 12 ans, Noirs, Métis… Pour musées britanniques qui ouvrent notamment dans
dominions et dans colonies asiatiques, public est essentiellement indien au début, de même pour musée de Kuala Lumpur,
public est majoritairement tamoul, malais ou chinois.
L'art comme expression des mutations sociales et de la contestation
De nouveaux moyens d'expression pour des sociétés qui se transforment : Européens introduisent presse. Dessin
humoristique apparaît dans presse vietnamienne durant années 1930 comme dans plusieurs imitations du Punch
britannique en Inde dans presse en anglais (Indian Charivari 1873) ou en langue vernaculaire (Harbola Bhand 1874).
Roman en prose s’exporte en Inde ou au Vietnam durant années 1920. Nguyen Vong Hoan est lettré qui dénonce misère
rurale et poids des traditions. Première pièce sociale, Kulin Kula Sarvasva (1857) par Narayan Tarkaratna traite de
polygamie et de rigidité des castes.
L'art comme élément du nationalisme culturel : l'exemple indien :
Art peut être élément du nationalisme.
Exemple de l'Inde. Commence à émerger art lié au mouvement swadeshi, visant à autosuffisance pour atteindre
indépendance. Création de la Bengal School of Painting à fin du XIXème siècle aussi appelé Nationalist School.
Diffusion du message dans le reste de l’Inde.
L'art comme lieu de la contestation de la situation coloniale : Art peut également être lieu de contestation de
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situation coloniale. Dès années 1870, théâtre bengali met en scène des protestations populaires dans des pièces.
Politisation du théâtre contribue à contrôle accru par pouvoir colonial (Dramatic Performances Act, 1876). Théâtre
marathi largement lié aux mouvements de réformes sociales et politiques avec forte influence des communistes. En
Egypte, après révolte d’Urabi, pièces nationalistes sont jouées et dramas philippins s’en prennent aux nouveaux maîtres
américains au début du XXème siècle. Ghandi, qui commence à devenir héros populaire, apparaît dans de nombreux
films, interdits par la censure qui à partir de 1918, surveille le cinéma dans les grandes villes. En Egypte, Britanniques
imposent loi sur surveillance des films politico-révolutionnaires de 1948. Littérature « négritude » constitue un aspect
particulier de littérature anticolonialiste, portée par Guyanais Léon-Gontran Damas, Martiniquais Aimé Césaire. Soutiens
importants, notamment Sartre, permet d’amplifier l’écho. D'après Senghor, négritude est « l'ensemble des valeurs
culturelles de l'Afrique noire ».
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Les autorités autochtones
A l'instar d'opposition gouvernement direct/indirect rule, pendant longtemps opposition entre situations des élites
autochtones entre empires français et portugais d'un côté et britannique de l'autre. Néanmoins, dans le détail vérité est
plus complexe et désormais historiographie tend à minimiser les différences.
Une grande diversité des situations
Les pouvoirs locaux figés en Inde : Après répression de révolte des Cipayes royaumes princiers représentent 40%
du territoire de colonie et 20% de population totale. Dès lors mise en place par Britanniques de politique plus conciliante
envers Etats princiers avec reconnaissance des successions par adoption en 1860. Plus grand des Etats est Jamnu
Cachemire avec plus de 200.000 kms² alors qu'existence d'Etats d'environ 25kms². Etats sont dirigés par descendants de
dynasties hindoues anciennes ou par maisons musulmanes plus récentes ou encore par chefs de guerre locaux.
Le processus de constitution des Etats en Afrique : Situation n'est pas comparable en Afrique. En effet, à côté de
royaumes, de cités-Etats ou de systèmes fondés sur des dynasties, existence d'un processus de mise en place d'Etats
jusque dans les années 1880 avec mise en place ou renforcement du bureaucratie ainsi que réorganisation des
prélèvements. Empires sont parfois fondés à partir d'extension de royaumes anciens ou suite à mouvement de jihad.
Instauration d'une certaine modernité, mais limitée et progressive.
Une « modernisation » avancée : Néanmoins, existence de réformes radicales de modernisation dans régence de
Tunis, khédivat d'Egypte ou sultanat du Maroc, dans une moindre mesure. Par exemple mise en place par Egypte
d'embryon de politique industrielle. Toutefois, pour cela fort endettement et entrée dans sphère d'influence des
colonisateurs.
La tutelle coloniale
Après expansion en Asie et Afrique pouvoirs locaux sont placés sous tutelle coloniale, mais statut vis-à-vis de
puissance étrangère a varié dans le temps. Exemple d'Indochine française où d'abord protectorat puis gouvernement direct
du fait d'émergence de mouvements de résistance armées. A l'inverse tutelle coloniale à Mysore à partir de 1830 puis
rendu à dynastie des Wodeyar en 1881.
Le contrôle colonial : Dans tous les cas importance de justification par économies faites par colonisateur. Dans
de nombreux cas formalisation de domination coloniale par signatures de traités, notamment entre bey de Tunis et France
en 1881. Tutelle coloniale peut prendre différentes formes, du contrôle d'un administrateur colonial à mise en place
d'administration parallèle.
Des princes et des chefs aux prérogatives limitées : En AOF chef indigène devient uniquement représentant de
territoire auprès de colonisateur ainsi que relais des ordres du colonisateur. Perd fonction judiciaire, mais gain
d'importantes fonctions administratives, police, financières et sanitaires. De fait doit signaler épidémies, veiller à ordre
public, perception d'impôt etc... Pertes de prérogatives également pour princes indiens, notamment diplomatie et guerre.
Par ailleurs devaient parfois payer tributs et céder nombreux droits (transit, stationnement de troupes etc...) à colonisateur.
En réponse certains souverains locaux se concentrent sur domaines encore à eux. Exemple des sultans malais qui ont
charge des affaires religieuses et qui mettent en place administration centralisée des affaires religieuses avec extension de
contrôle à vie cultuelle des villages.
Les évolutions internes des territoires administrés par les autorités autochtones
Un immobilisme favorisé : Critique de système d’indirect rule puisque reproche de s’appuyer sur structures
archaïques ne pouvant permettre développement des territoires administrés. Volonté de préserver pouvoirs en place peut
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mener à immobilisme. De fait missionnaires interdits dans Nord du Nigeria par respect des émirs musulmans de l’ancien
Empire de Sokoto. Au Buganda, imposition du protectorat contribue à renforcer pouvoir du roi, le kabaka. En Inde,
instauration de la Pax Britannica mène large partie des princes, désormais à l’abri des révoltes, à ne plus veiller au
contentement de population donc séjournent loin de leurs capitales, dans grandes villes indiennes, en Europe. Ces Etats
sont caractérisés par retard dans développement des travaux publics et de l’instruction, la fréquence des abus sociaux et
une pauvreté généralisée.
La dénaturation des structures politiques indigènes : Dénaturation des structures politiques indigènes visible en
AOF. Avant arrivée des Européens, chefs de canton nommés par souverains parmi notables de certaines familles. Français
accentuent autorité des chefs en les nommant parmi familles qui n’auraient pas dues être au pouvoir. Peuvent également
nommer des chefs qui ne font même pas partie de la région à diriger. Pendant domination coloniale amorce de processus
de fonctionnarisation qui aboutit en 1959 à entrée dans la fonction publique avec rétribution selon importance du
territoire. Démocratisation de fonction puisque ne sont plus choisi dans familles prédéfinies, même si, cependant, les
familles nobles continuent à être favorisées. Chefferie mal vue par nouvelles élites instruites qui réclament suppression au
profit de véritables réformes politiques. Abolition dans certains pays devenus indépendants comme au Congo-Brazzaville
ou encore en Guinée. Dans certains territoires comme au Tanganyika où l’administration allemande a détruit les chefferies
traditionnelles, Britanniques n’hésitent pas entre 1925 et 1931 à les recréer de toutes pièces.
De rares cas de réforme interne : Existence de cas de réforme internes, mais contextes bien particuliers. Royaume
Ashanti dans les années 1940 favorisé par épisode d’autoritarisme colonial. De fait en 1900, roi est déporté, culture du
cacao fait émerger une bourgeoisie agricole. Roi rappelé en 1935, sait préserver son influence tout en respectant la
nouvelle bourgeoisie.
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Evolués, assimilés : de nouvelles élites coloniales ?
Assimilados ou assimilés dans colonies portugaises d’Afrique, educated natives en Afrique de l’Ouest
britannique, d’évolués dans colonies françaises et d’ilustrados ou lettrés aux Philippines. Contraste entre les colonies. Si
autorités coloniales se targuent de former nouvelles élites, sont également promptes à soupçonner ceux qu’elles ont
distingués et à les accuser de bafouer l’ordre colonial et les traditions autochtones. Autorités aveugles aux appropriations
et hybridations qui se cristallisent justement autour des groupes intermédiaires qu’elles perçoivent comme des évolués
plus ou moins égarés entre deux mondes. Groupes très hétérogènes, qui ne parviennent pas forcément à acquérir moyens
financiers, influence et prestige nécessaires pour se qualifier comme nouvelles élites. Mais intermédiaires déterminants
dans évolutions des sociétés coloniales.
Des catégories ambivalentes
De l'assimilation aux « assimilés » : Catégorie des « assimilés » ne se réduit pas aux sujets coloniaux qui ont
obtenu privilège rare de citoyenneté. Assimilation définie comme processus global impliquant transformation radicale de
toutes les pratiques sociales et culturelles de ceux qui aspirent à citoyenneté. Au Mozambique, statut d’ assimilado se
construit progressivement à partir des années 1910 comme moyen terme entre statut d’indigène et de citoyen de plein
droit. Alors qu'indigènes sont soumis au travail forcé, assimilados en sont dispensés. Sont sous le coup d’enquête
administrative pour voir si vie et mœurs sont en adéquation avec mode de vie européen. Afflux de Portugais pauvres au
début du XXème siècle rigidifie rapports raciaux pour des « blancs » qui ne trouvent pas leur place dans société, face à
élite noire qui dénonce cette évolution : journaux O Africano de la ville de Lourenço Marques rappelle que « nous
sommes tous portugais ». Tout en maintenant fiction d’assimilation des sujets noirs dits « civilisés », formalisation du
statut d’assimilado en 1917 impose un humiliant ostracisme. Extension en 1926 de ce statut discriminatoire à l’Angola et
à la Guinée portugaise qui consomme la disqualification des élites noires dans toutes ces colonies.
Evolués : une logique d'exemption : Définition de statuts pour « évolués » dans colonies françaises et belges obéit
à même logique d’exemption et de mise à distance. En AOF, en 1917 chefs sont exemptés des punitions et des prestations
liées à indigénat. En 1924, même mesure pour les « évolués » (coloniaux instruits et occupant souvent des fonctions
administratives). En 1941, Félix Eboué, gouverneur général d’AEF crée sur même principe un statut de « notables
évolués ». : ne s’applique qu’à 200 personnes dont moitié sont des agents de l’administration. Au Congo belge, bimensuel
subventionné par administration coloniale, la Voix du Congolais, sous-titré Journal des évolués congolais, réclame dès
1945 un statut pour les « évolués ». En 1947, prêtres, gradés de Force publique (armée), juges indigènes et agents
auxiliaires d’administration sont exemptés des flagellations, maintenues jusqu’en 1958 pour reste de population. En 1948,
exemptés ont possibilité de demander carte individuelle de mérite civique, puis après 1952 une immatriculation pour
épouse et enfants. Même droit qu'Européens avec immatriculation, permet de scolariser ses enfants dans écoles pour
Européens. Néanmoins, uniquement 116 familles en 1955 avec immatriculation. Règles et critères de distinction coloniale
sont des objets de négociation et d’affrontement.
Les critères de la distinction coloniale
La langue : Parler langue du pouvoir colonial, condition nécessaire mais non suffisante. Premier élément à
acquérir pour entrer dans catégorie intermédiaire. Dès 1835, langue anglaise remplace persan comme langue officielle en
Inde. Mais pluralisme linguistique existe encore (presse, théâtre, littérature). Aux Indes néerlandaises situation
particulière puisqu'autochtones dans administration doivent connaître néerlandais mais ne peuvent répondre à leurs
supérieurs (sous peine de sanction) dans cette langue, qui parlent, selon leur envie, en malais ou néerlandais. Capacité
coloniale d’ajustement limitée par conception de langue comme emblème d’identité nationale et impériale. Imposition du
Français au Togo en 1922 est vain car peu de structures et élites congolaises préfèrent parler anglais pour s’intégrer dans
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réseaux économique ouest-africains. Plurilinguisme est plus du côté des catégories intermédiaires que des colonisateurs.
Elites en jouent, notamment nationaliste philippin José Rizal écrit un roman en espagnol. Mais aussi maîtrise des langues
vernaculaires. De fait dans les années 1920 le quôc ngu devient langue de l’intelligentsia révolutionnaire qu’ils partagent
avec les masses illettrées ce qui en fait un vecteur du nationalisme.
L'éducation : stratégies coloniales de recrutement des élites : Autorités coloniales privilégient le plus souvent des
formations spécifiques, délivrant diplômes qui n’ont pas cours en métropoles, ou qui sont incomplets. De plus écarts de
salaires entre corps européens et indigènes dans l’administration. Contrôle d’accès au système scolaire sur modèle
métropolitain, réservé dans colonies aux enfants des métropolitains et à quelques élèves indigènes privilégiés, et au
système métropolitain, en particulier au niveau universitaire. Politiques de formation des élites sur mesure se heurtent à
plusieurs limites. En 1932, section administrative est ouverte à l’Ecole supérieure William-Ponty qui formait depuis 1903
les élites de l’AOF : lorsque premiers étudiants furent diplômés en 1935 cependant, on ne leur offre que des emplois
administratifs non qualifiés. Spécificité des filières coloniales sont critiquées par le Nigerian Youth Movement par
exemple, fondé en 1934 au moment de la fondation du Yaba Higher College pour que celui-ci ne devienne pas un
établissement de second rang. De plus élites sélectionnées ne jouent pas tout le temps rôle d’intermédiaire auquel elles
aspiraient. Certaines sont isolées dans écoles de brousse, instituteurs d’AOF font l’expérience du manque de
considération du commandant de cercle. Certains suivent alors d’autres voies.
Stratégies de scolarisation colonisées : Scolarisation est ressource rare et payante dans plupart des colonies et ne
garantissent pas forcément promotion sociale. Leaders réformistes algériens du début des années 1920 sont dernière
génération ayant contourné école française tout en étant issus de milieux disposant de capital économique et culturel
important. Après 1900, choix de filières scolaires arabophones, sous-financées et muséifiées, devient indice de relégation
économique ou sociale ce qui met fin au refus d’école française par colonisés, ce qui a prévalu au XIXème siècle. Au
Maroc, Lyautey crée immédiatement parcours scolaire réservé aux enfants des notables et de bourgeoisie urbaine.
Néanmoins, uniquement deux collèges ouverts en 1916, Moualy-Idriss à Fès et Moulay-Youssef à Rabat qui n’accueillent
que 150 collégiens en 1929 puisque pas accès à diplôme équivalent au baccalauréat. Adhésion des Marocains aux
structures scolaires françaises se fait durant années 1930 portée par soutien du sultan et de nouvelle élite nationaliste.
Dans de nombreux cas, choix ne se réduit pas à l’alternative formation coloniale vs formation traditionnelle. En Corée,
Japonais mènent guerre d’usure contre les collèges universitaires missionnaires sans entamer leur succès auprès des
Coréens. Ils créent en 1926 l’Université impériale de Séoul pour éviter apparition d’une université populaire coréenne. En
Afrique de l’Ouest britannique, enseignement secondaire pris en charge par réseau créoles saro (abréviation sierraléonais), en particulier au Nigeria. Créent plupart des écoles secondaires du Sud du Nigéria jusqu’au début des années
1930. Formation des educated natives repose donc sur médiation de ces élites créoles.
Des élites au conditionnel
Des effectifs minuscules : Politiques de rationnement d’éducation pèsent sur taille de ces nouveaux groupes. De
fait effectifs minuscules jusqu'à Deuxième Guerre mondiale. En 1945, Ecole William-Ponty a formé 2.080 diplômés
depuis 1903. En Indochine, nombre de diplômés du secondaire et du supérieur double entre 1925 et 1935 passant de 5.000
à 10.000. Au Nigeria, educated natives sont 32.000 dont 10.000 à Lagos ce qui représente 0.5 % de la population du
Nigéria et 10 % à Lagos. Comme pour la plupart des sociétés coloniales, effectifs augmentent très fortement à partir des
années 30. De fait au Nigeria en 1921 50 personnes ont suivi un cursus universitaire et 4.400 en 1951. De même 15
avocats indigènes en 1921 et 150 en 1951. Les educated natives représentent 0,5% de population du Nigeria en 1921 et
6% en 1951. Effectifs des « évolués » difficiles à mesurer au Congo belge et en Algérie.
Des assises fragiles : Groupes et individus qui composent se trouvent souvent condamnés au chômage technique.
Se voit en Indochine durant 1920 puisque préservation des intérêts français transforme en jeu de dupes la politique de
promotion de l’éducation occidentale. De fait alors que juristes sont formés depuis 1926 à l’université d’Hanoi, barreau
local ne leur est ouvert qu’en 1938. Egalité des salaires est un leurre. Exemple du concierge corse de l’université de Hanoi
mieux payé que professeurs agrégés. A la tête d’écoles, de journaux ou ayant les qualifications requises pour exercer une
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profession libérale (avocat, médecin), les educated natives de Lagos se distinguent par revenus plus importants que les
autres. Elite éduquée de Lagos est petite bourgeoisie qui épuise entièrement ses revenus à envoyer achever leurs études en
Angleterre et à animer vie intellectuelle locale pour maintenir ce qui était son capital décisif. Peu de reconnaissance dans
administration ainsi qu'inconvénient des mutations fréquentes qui interdisent en pratique la formation de réseaux locaux
induisent changement de carrière comme chez les Ijesha, population yoruba du Nigeria, qui quittent administration pour
s'établir comme notables locaux dans commerce, notamment du livre dans les années 1930. Néanmoins, réorientation pas
souvent aisée et carrière hétérogène. Exemple de Léon M’Ba, fils d’« évolués » au Gabon qui fut commis des douanes,
chef de canton, exilé pendant 10 ans, fonctionnaire, entrepreneur politique fang à partir de 1947.
Des élites révocables : Nombreuses limites dans interactions en tant qu’intermédiaires, mais aussi en tant qu’élite
dans société autochtone. Certaines élites confrontées à répudiations : élites noires anglophones d’Afrique de l’Ouest et
Afrique australe « trahies » entre années 1880 et 1920. Raison raciale en Afrique du Sud où les « Black Gentlemen » sont
exclus de l’assemblée de l’Union sud-africaine en 1912. En Sierra Leone Samuel Ajayi Crowther (évêque) a dû
démissionner en 1890, Blancs ne voulant plus dépendre de Noir.
La question de la reproduction : Expression « Black Gentlemen » appartient à encombrant héritage sémantique
colonial, lesté de mépris social et raciste. Racisme pour ceux qui essaient de se vêtir à l’anglaise, même cas en Algérie
avec railleries des lettrés musulmans envers les Jeunes Algériens, « porteurs de redingote ». Pourtant, élites ne rentrent
pas forcément dans le moule du colonisé. Cas d'élite éduquée de Lagos est révélatrice puisque membres sont très attachés
à identité britannique mais mariage reste de type indigène yoruba. Type particulier de reproduction social entre identités
britanniques et autochtones. Elite éduquée de Lagos sait également s’inventer un nouveau destin face à la ségrégation,
notamment par encadrement de mouvement de protestation contre application au Sud de législation foncière (interdiction
de toute vente de terres et transferts massifs des terres vers la couronne) mise en place par Lugard au Nord. A cette
occasion organisation d'un mouvement avec les élites autochtones et plus occasionnellement la population convoqué par
voie de presse pour une manifestation en 1912. Par ailleurs exemple de Macaulay (fondateur du premier parti politique
nigérian en 1923), formé à école anglaise, un temps dans administration puis reconversion dans politique et journalisme,
démontre que contrairement à ce que pensaient les autorités coloniales, acculturation pas nécessairement synonyme de
déracinement.
De l'acculturation au nationalisme : « l'aventure ambiguë »
Assimilation et patriotisme culturel : Suggérant transfert massif et quasiment à sens unique, notion
d’acculturation critiquée de longue date. Historiens préfèrent appropriation ou hybridation. Membres des élites après
Deuxième Guerre mondiale ont conscience d’être passeurs entre univers sociaux et symboliques distants, sinon hostiles
les uns les autres. Cheikh Hamidou Kane met en scène aliénation d’un jeune aristocrate qui ne peut trouver sa place d’un
côté ou d’un autre dans L’aventure ambiguë. Aimé Césaire le rappelle dans Discours sur le colonialisme. Stratégie de
disqualification des nouvelles élites noires tendent à définir qu'un noir éduqué n'est plus un noir, mais un blanc. Idée que
colons sont ceux les plus capables de comprendre indigènes qu’ils gouvernent. Participation d'anthropologie sociale à
récusation des élus colonisés. Elites éduqués ne sont pas désarmées puisque très tôt mise en place d'un patriotisme
culturel qui reflète hybridations des trajectoires individuelles. Engagement dans écriture de l'histoire notamment. Exemple
de Yoro Dyao, chef de canton, passé par Ecole des otages créée par Faidherbe en 1855, écrit essai d'« histoire des damels
(rois) du Cayor » dès 1864. De même défense des élites yorubas par réappropriation de son histoire. Exemple de Samuel
Johnson et de son History of the Yorubas en 1921.
Des pionniers du nationalisme : Souvent élites éduquées se sont présentées au moment des libérations comme
pères des nouvelles nations. Néanmoins, parfois ces élites essayent voies de l'assimilation ou de l'intégration impériale.
Exemple d'opposition des Jeunes Algériens à conscription indigène décidée en 1912. Du fait de mise en place des
nouveaux lieux de sociabilité, les cercles, élan à presse indigène et tenue du premier meeting politique indigène à Bône
en décembre 1909, Jeunes Algériens sont considérés comme interlocuteurs et reçus à Paris en juin 1912 par Président du
Conseil. Si défense des Algériens, revendication également d'une assimilation. Ajustements entre réseaux des élites
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éduquées et cause nationaliste sont rarement simples. Transition de la domination espagnole à la domination américaine
est une aubaine pour l’élite philippine. Politique américaine d' « assimilation bienveillante » joue en faveur des élites
évoluées Mise en place des élections des conseils municipaux (1899), des gouverneurs de province (1902) puis d'une
première assemblée philippine (1907) leur permet d'accéder à des responsabilités politiques nouvelles. Emergence du
Partido nacionalista en 1907 avec réappropriation de cause nationaliste, écrasée par armée américaine lors de révolte de
1899-1902, mais représente d'abord expansion d'oligarchie des assimilados en plein essor économique et politique. Au
Nigéria nationalisme entraîne renouvellement des générations intellectuelles avec remplacement du Nigerian Democratic
Party de Macaulay par le Nigerian Youth Movement en 1933, ce dernier accusant Macaulay de défendre les intérêts des
Saro (créoles du Nigéria ayant immigrés dans les années 1830).
… et des internationalistes militants : Nigerian Youth Movement dirigé par Nnamdi Azikiwe qui étudie aux USA
de 25-35. Connexion dans réseaux internationalistes militants comme panafricanisme ou communisme, caractéristique
distinctive des élites éduquées. Surtout circulation étudiante, à plusieurs échelles. D’abord réservée au plus doués,
circulation vers métropole s’étoffe à partir des années 1930-1940. Mais décalage persiste entre nombre d’étudiants en
métropole et nombre de bourses accordées, 938 étudiants nigérians en Angleterre en 1950 et seulement 137 boursiers en
1949. Mobilités intellectuelles plus explicitement politiques. De fait dès 1905, lettré réformiste Phan Boi Chau s’exile au
Japon convaincu que lutte contre le pouvoir colonial doit se nourrir de modèles et de solidarités asiatiques. Stratégie de
contournement de métropole et d'inscription dans d'autres réseaux internationaux s'élargit à Chine révolutionnaire puis à
Russie soviétique. « Affinités transatlantiques » du panafricanisme offrent alternative au départ plus modérée, mais qui
affole autorités coloniales lorsque apparait en 1920 des sections de l’United Negro Improvment Association fondée par
Marcus Garvey à Lagos, Calabar et Dakar.
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Commerçants
La domination des maisons de commerce européennes sur le commerce extérieur
Implantation des commerçants européens outre-mer précède phase de conquête proprement dite. Dès XVIème
siècle comptoirs et compagnies de commerce (Compagnie des Indes Orientales, East India Company) puis mouvement se
poursuit après abolition de ces compagnies au XIXème siècle. En Afrique, essor de traite négrière pousse aussi à création
de comptoirs, comme Gorée ou Porto-Novo ainsi qu'installation de marchands européens. Commerçants d’esclaves se
tournent peu à peu vers le commerce « licite ». A partir de seconde moitié du XIXème siècle, mainmise des commerçants
des métropoles sur commerce extérieur se renforce. Cas du commerce du coton indien. Grandes familles autochtones peu
à peu supplantées par maisons de commerce européennes. Cas en Inde et en Corée avec mise en place de monnaie
japonaise pour mieux contrôler les échanges et pénétrer commerce et industrie. Commerçants européens peuvent aussi
s’appuyer sur réseaux d’institutions, notamment chambres de commerce. Recours pour financement équipements dont ils
ont besoin pour asseoir domination. Exemple d'Alger en 1897 lorsque Chambre d’Alger, fondée en 1830, contribue à
construction du nouveau port et de nombreux entrepôts. Possibilité également d'utiliser des réseaux pour faire pression sur
les administrations coloniales. Mainmise sur commerce extérieur s’accompagne, à partir des années 1880 et de façon
accentuée avec crise des années 1930, d’un processus de concentration, qui mène à disparition des petites entreprises
familiales au profit des grandes sociétés de commerce capitalistes. Durant les années 1930, essentiel du commerce
extérieur d’Afrique de l’Ouest entre les mains de 3 compagnies : United Africa Company, Compagnie française de
l’Afrique occidentale et Société commerciale de l’Ouest africain. Celles-ci se partagent ¾ des exportations
transocéaniques avec ententes pour payer le moins possible les producteurs et paysans, ce qui entraîne nombreuses
révoltes.
Les accommodements des marchands indigènes
Commerce qui précède colonisation mis à mal par présence européenne mais certaines communautés marchandes
locales réussissent à conserver emprise sur commerce intérieur et à s’adapter aux nouvelles conditions, voire à développer
de nouvelles opportunités. Commerçants indigènes savent aussi bien que leurs homologues européens effectuer la
transition vers le commerce « licite ». Exemples page 398. Middlemen jouent rôle important auprès des Européens.
Souvent rôle d'intermédiaires comme Chinois installés avant colonisation en Indochine pour commerce du riz. Marchands
indigènes jouent parfois rôle d’agents essentiels dans introduction de cultures d’exportation là où coloniaux ont échoué.
Nigeria avec commerçants hausa qui persuadent paysans de cultiver arachide. Exemple de Omu Okwei, femme
commerçante dans l’huile de palme. Certains commerçants indigènes tentent aussi d’entrer en compétition avec grandes
compagnies européennes, en empruntant leur organisation. Fondation des chambres de commerce et des associations, qui
visent à tenter de peser sur politique économique des autorités coloniales. Exemples d'Indian Merchants’ Chamber en
1907 puis 1927 avec Indian Chambers of Commerce and Industry. Etablissement implanté en Gold Coast, coopérative
agricole avec une agence à New York pour faciliter commerce. Mais limites des indigènes dans système où les Européens
détiennent monopole du crédit et moyens modernes de transport et de communications. Guerre des prix entre autochtones
et colons. Exemple des marchands marwari en Inde contre marchands écossais (thé, jute) à partir de 1914. Nationalisme
se nourrit de ces querelles économiques.
Grande majorité des commerçants conserve mode de vie « traditionnel ». En Inde, continuent par exemple à vivre
dans les quartiers anciens, mohollas, où se rassemblent les communautés et s’opposent vivement aux tentatives faites par
les Britanniques pour remodeler ces zones.
Des « sous-impérialismes » ? Le cas des marchands indiens en Birmanie et en Afrique de l'Est
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Cas des commerçants indiens en Afrique de l’Est et en Birmanie. Communautés indiennes installées sur pourtours
d'Océan Indien, et tout particulièrement à Zanzibar, bien avant colonisation. Concurrence accrue des Occidentaux à partir
de moitié du XIXème siècle les pousse à pénétrer intérieur des terres et à investir dans zones où Européens ne vont pas.
De fait en quelques années ils évincent petits marchands Européens et commerçants
africains grâce à réseaux
communautaires qui permet arrivée de nouveaux employés indiens. Exemple d'Allidina Visram. Originaire de Gujarat et
arrive à Zanzibar en 1877, à 12 ans. Peu après envoyé à Bagamoyo dans firmes tenues par sa communauté sur le
continent. En 1890 monte entreprise avec implantation de petites boutiques le long des voies de chemins de fer à travers
Ouganda et à Mombasa, départ du train. Fait fortune par nombreux prêts faits aux Européens.
Certaines communautés indiennes deviennent agents de développement d'économie de plantation, notamment
commerçants chettiars d'Inde du Sud. Entreprises familiales avec recours à salariés pour antennes à l'étranger. Utilisation
des temples comme banques. Nombreux prêts aux paysans birmans. Suite à crise des années 1930 paysans birmans ne
peuvent plus rembourser dettes donc commerçants chettiars deviennent souvent propriétaires des terres, environ 25% des
rizières du delta birman. De ce fait fortes tensions avec populations locales et sont cibles de révolte paysanne de Saya San
en 1930. Chassés par Japonais en 1942 et expropriés lors d'indépendance du pays.
86
« Petits Blancs »
Equivalent « white poors » en Anglais c'est-à-dire catégorie sociale produite par colonisation. Problème de
pauvreté blanche dans les colonies a tel point que cela préoccupe fortement autorités qui cherchent à éviter ou résoudre. A
inspiré des écrivains, notamment Marguerite Duras, Un Barrage contre le Pacifique (en Cochinchine).
La pauvreté blanche, une incongruité en situation coloniale
Blancs, faillis et abaissés, sont facilement qualifiés d’épaves qui n’ont pas leur place dans les colonies. Idée que
ce ne sont que les meilleurs blancs qui restent dans colonies ce qui donne vision partielle de société métropolitaine aux
colonisés. Exemple d'étonnement d'Amadou Hampâté Ba qui pendant passage en Europe pour Première Guerre mondiale
voit « des blancs voleurs, blancs pauvres, et même des blancs mendiants ». Présence de Blancs incapables de « tenir leur
rang » échappe parfois à vigilance des autorités. De fait environ 6000 d’entre eux auraient trouvé refuge dans des
workhouse en Inde vers 1900. Après crise de 1929, phénomène encore plus visible, 20.000 Blancs sont au chômage aux
Indes néerlandaises. Dans certaines colonies phénomène de pauvreté des Blancs beaucoup plus massif. Exemple des
colonies des Antilles où sous Restauration présence de Blancs indigents et plus généralement dans ensemble des classes
de société. Blancs indigents vivent de rapines notamment dans cirques de Salazie, Cilaos et Mafate. Par ailleurs abolition
d'esclavage puis essor du sucre entraîne déclassement de petits propriétaires blancs qui rejoignent population des cirques.
Importance pour autorités coloniales de l'encadrement des ces « Petits Blancs ». Pour remédier proposition d'engagement
dans l'armée ou émigration vers autre colonie. Barbade connaît même phénomène que Réunion avec « Redlegs » (les
« pattes rouges ») ou « pauvres Blancs ». Jouaient rôle de milice dans les plantations; Avec abolition d’esclavage
beaucoup sombrent dans pauvreté. En 1851 on estime à 10.000 les white poors sur total de 15 000 Blancs. Critiqués par
pouvoir britannique qui voit dégénérescence de la race.
White poors, ségrégation raciale et apartheid en Afrique du Sud
C'est en Afrique du Sud que pauvreté blanche a plus grande ampleur et plus grandes conséquences sur ensemble
de société. Guerre des Boers a de nombreuses conséquences puisque paysans quittent leur terre, mode de vie traditionnel
bouleversée, exode important. En 1923, Union sud-africaine compte 160.000 White poors, soit 10 % de population
blanche. Dans campagnes, Blancs rechignent à devenir ouvriers agricoles et quand ils le veulent, ils sont évincés par
Africains qui assurent depuis toujours ces tâches pour des salaires très bas. En ville, même concurrence, Africains
trouvent plus facilement du travail que blancs qui en plus ne maîtrisent souvent pas l’anglais. De fait souvent conditions
de vie misérables, comparables à celles des colonisés.
Prise de conscience de paupérisation de population afrikaner par classe politique sud-africaines avec peur de
menace de l'ordre sociale et politique en brouillant frontières raciales et introduisant forme de promiscuité. Idée que
Blancs et Noirs ne peuvent pas se mélanger pour donner naissance à une Union sud-africaine métissée. En 1923, le
Groupe Areas Act instaure ségrégation spatiale en milieu urbain et y contrôle surtout installation et circulation des
Natives. A partir de 1924, et arrivée au pouvoir du Parti national (James Hertzog), politique cohérente de sauvetage des
populations blanches laborieuses ce qui implique ségrégation raciale. De fait en 1926, Mines and Work Amendment Act ou
« loi de la colour bar » exclut non-Blancs de nombreux d’emplois qualifiés dans mines, industrie et transport.
Parallèlement, il est décidé que Noirs ne doivent en rien se « civiliser » mais être régis par leur droit et institutions
coutumières et vivre selon leurs mœurs traditionnelles. En 1936 mise en place de réserves et perte du droit de vote dans
les provinces du Cap et du Natal. Pour nationalistes afrikaners, menace principale qui pèse sur ordre social est l’Africain
capable de mener une « vie civilisée » c'est-à-dire urbanisé, éduqué, maîtrisant l’anglais. Ségrégation tend à endiguer cela.
Croissance industrielle des années 1930-1940, surpeuplement des réserves, pénurie de main-d’œuvre met à mal colour
bar. Patronat recrute à nouveau ouvriers noirs, moins payés. Cette inflexion pousse électeurs afrikaners à donner aux
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élections de 1948 une courte majorité à un Parti national restructuré et devenu bien plus intransigeant sous la férule de
Daniel Malan (1874-1959). Ce dernier est premier ministre de 1948 à 1954 et met en place séparation, « apartheid », des
communautés, ce qui pousse à bout la logique de la colour bar.
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Le métis
Métis est construction sociale et non produit de la génétique. Dans monde colonial, exogamie favorisée par
surmasculinité qui caractérise souvent conquérants et colons, au moins au début du processus. De fait mise en place peu à
peu d'un mélange. Place du métis peut poser problème au sein de société. Métis érigé en problème au moment où autorités
coloniales se mettent à délimiter condition des « indigènes » et celle des « citoyens ». « Métis » vient brouiller cette ligne,
place l’ordre colonial devant ses contradictions et mine ses certitudes. Apparence physique ne correspond pas toujours à
l’univers culturel qu’on voudrait associer à celle-ci : traits européens et mode de vie indigène et vice versa.
Une population insaisissable
L'extrême labilité des catégories socio-raciales : Pour que métissage apparaisse dans recensements, nécessité de
classification ethnoraciale, pas toujours le cas. Après 1848 et plus encore après 1870, République française renonce à ce
type d’approche même si fonctionnaires continuent à y recourir dans leurs rapports et correspondances. Administration
française distingue les « Européens (et assimilés)» des « Indigènes ». Métis ou coloured pas le même selon les colonies.
Existe d’autres termes comme « gens de couleur » (Noirs et Mulâtres) alors qu'en Jamaïque coloured s'oppose à Black. En
Afrique du Sud coloured est un terme très fort.. En 1950, Population Registration Act, une des lois fondamentales de
l’apartheid, assigne à chaque individu un groupe racial. Coloured contient Cape Coloured, Malais, Griqua, Chinois,
Indiens, autres Asiatiques et « autres coloured ». Plupart des enfants métis reçoit le type « racial » du parent non européen
et ne sont donc même pas classé dans la catégorie coloured donc probables confusions. Importance de métissage dans
population du Cap-Vert où pauvreté a freiné installation des Blancs et donc entraîné assimilation progressive des Blancs.
De même importance de métissage aux Indes néerlandaises puisqu'estimation qu'environ 75% des « Européens » installés
à Java ont un parents non-Blanc. Même si difficultés fortes pour recensement numérique de population métis, importance
des métis n'est pas dans leur nombre, mais dans leur rôle.
Les stigmates du métis
Un hybride : Vocabulaire pour qualifier métis presque toujours péjoratif et emprunte largement au règne animal.
« Métis » au XVIème siècle se dit d’un animal « engendré de deux bêtes comme le léopard, d’une lion et d’une
panthère ». Mulâtre pour mulet, hybride entre âne et jument. Dans monde de langue portugaise, parfois appelé cabras
(chèvres). Avant l’abolition d’esclavage dans îles françaises, « Libres de couleur », dont certains sont fort riches,
revendiquent égalité civile et politique avec Blancs. Dans années 1830, « Libres de couleur » possèdent 10.000 esclaves à
la Guadeloupe et 11% des terres. En Jamaïque égalité acquise au début des années 1830. En 1878 pour Cuba, en 1885
jardins et lieux publics ne sont plus interdits et en 1887 métis peuvent voyager en première classe. Néanmoins, « préjugé
de couleur » subsiste avec force. Préjugé de couleur et antagonismes socioraciaux restent vifs, notamment en Martinique
et à la Réunion. Mulâtres, Noirs et Blancs mènent des existences sociales parallèles, fréquentent des lieux distincts et se
marient peu entre eux.
Un bâtard : Dans péninsule indienne ou Java, couleur de peau n’a pas même signification qu’aux Antilles.
Association de couleur de peau non-blanche à une naissance illégitime. Chez les Hollandais du Cap, cette catégorie est
appelée Bastaards. Dans sociétés coloniales, naissances hors mariage sont monnaie courante. Par exemple en 1920 moitié
des enfants métis des Indes néerlandaises sont nés hors mariage. Ces enfants ont des destins différents selon que géniteurs
assurent ou non paternité. Si père assure, enfant est coupé de sa mère « noire » ou « indigène ». Souvent abandonné par
père mais parfois aussi par mère donc orphelinat. Outre orphelinat multiplication des associations philanthropiques ou
charitables, laïques ou religieuses. Exemple de créations à Saigon en 1894, Tananarive en 1900. Pour plupart des
observateurs garçons sont voués à devenir des marginaux et filles à entrer dans la carrière de leurs mères dépravées. Une
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partie des « métis » de la Jamaïque à l’Indochine peuplent les bas-fonds des sociétés coloniales.
Colonisation et métissage
La citoyenneté et le faciès : « Question des métis » émerge dans certaines sociétés coloniales, quand s’affirme,
aux alentours de 1890, dans métropoles une conception de plus en plus ethnique de nationalité ainsi que renforcement
d’idée qu’autorité sur peuples colonisés repose sur supériorité raciale des Européens. Ce tournant fait surgir deux
problèmes connexes : celui des pauvres Blancs et celui des métis, qui, à leur manière, « abaissent la race ». En 1899 mise
en place à Java d'un statut qui distingue Européens (et assimilés, comme Japonais), étrangers orientaux (Chinois, Arabes)
et les inlanders (« indigènes »). Vers 1900, 2/3 des Européens vivent loin des villes, dans plantations, et moitié en
concubinage avec une nyai, une « gouvernante indigène » et leurs enfants, nés aux Indes néerlandaises ne sont que 29.5 %
à parler et à écrire correctement le néerlandais. En 1905, seuls 12 % des Européens sont nés aux Pays-Bas. Indigénisation
d’une partie des « Européens », nombre croissant de femmes classées comme européennes qui épousent des « indigènes »
inspire des campagnes teintées de puritanisme contre concubinage et marquent durcissement d’accès au statut européen.
Mais peu efficace puisqu'en 1925, 27,5 % des Européens continuent à épouser des métisses ou inlanders. Encore 20 % en
1942. En novembre 1928, en Indochine nationalité donnée aux enfants nés d’un couple dont un des parents est légalement
inconnu et si l'enfant est présumé de « race française ». Enfants abandonnés, dont visage laisse présumer qu’ils ont du
« sang français » accèdent à citoyenneté. Orphelinats s’attachent à leur donner une éducation en accord avec leur
phénotype. Mère peut confier son enfant métis à ce genre d’établissement sans perdre contact avec lui ou parfois, enfant
confisqué à la mère. Certains enfants accèdent à citoyenneté grâce à reconnaissance frauduleuse de paternité effectuée par
nouveau compagnon de la mère ou n’importe quel Européen en échange d’une rétribution.
La promotion des métis : Au début de colonisation, partie non négligeable des promoteurs d’entreprise coloniale,
comme les saint-simoniens, rêvait du mélange des races et considèrent enfants métis nés des amours de l’Orient et de
l’Occident comme les fondations d’une nouvelle société. Néanmoins, métis doivent surtout être vus comme les
intermédiaires entre deux mondes. Du fait de politique volontariste de scolarisation, surreprésentation des métis parmi les
« éduqués » et les « évolués ». Métis vu tantôt comme un intermédiaire, tantôt comme un facteur de désordre, un déclassé
revendicatif, un insatisfait aux multiples rancœurs.
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Les missionnaires
Missionnaires sont des acteurs importants dans la plupart des sociétés coloniales. Ils ont une position de
médiation entre colonisateurs et colonisés et entrent dans des échanges complexes pour tenter de convertir les colonisés.
La ruée missionnaire ?
Réveils religieux et nouvelles congrégations : A partir des années 1970, des congrégations nouvelles sont créées
par les Eglises protestantes, puis au sein de l’Eglise catholique, pour développer l’action missionnaire: diffusion pacifique
et organisée du christianisme en direction des populations pratiquant une autre religion. Modèle reposant sur des
regroupements locaux de croyants, progressivement organisés en circuits, puis en églises. Exemple de London Missionary
Society (LMS, 1795), Société des missions évangéliques de Paris (SMEP, 1822). Congrégations catholiques les plus
influentes se constituent dans seconde moitié du XIXe siècle : Ex: Congrégation des pères du Saint-Esprit (pères
spiritains) refondée en 1848. En 1900, la France fournit les 2/3 des missionnaires catholiques. Missionnaires convaincus
de la capacité civilisatrice de l’Eglise catholique. 1930's, 60.000 missionnaires présents dans les colonies, catholiques et
protestants à part égale.
Logique missionnaire et logique coloniale : Les missionnaires ont souvent précédé la colonisation. Ex: Indochine,
les missionnaires catholiques sont présents dès le XVIIe siècle. Justification de la conquête de 1858 par les persécutions
des chrétiens entre 1848 et 1851. Cependant, une partie des missionnaires n’étaient pas de la même nationalité/religion
que l'administration. Les ajustements entre logiques missionnaires et logiques coloniales n’étaient donc pas automatiques.
Exemple à Madagascar où présence de missionnaires protestants dès 1820. Volonté de rallier les protestants malgaches
par l'envoi de missionnaires catholiques après la signature d'un traité de protectorat en 1885. Cependant refus de la
SMEP: ne souhaite pas soutenir les activité militaires françaises. Rôle essentiel des missionnaires dans l’acculturation
impériale des opinions publiques métropolitaines. Régulièrement renvoyés en métropole pour faire des tournées de
conférence (pour récolter des fonds). Leur correspondance était aussi publiée dans des revues de propagande chrétienne.
On parle de Gesta Dei per Francos (mission divine des Français). Certaines métropoles ont du mal à former des
missionnaires. Ex: le Portugal, dans les années 1880, a appelé des missionnaires spiritains français et des jésuites pour
opposer des catholiques aux missionnaires protestants anglais, suisses ou américains. Certaines missions étaient
directement rattachées au Saint-Siège. Gestion directe des missions.
La part des femmes : Différence significative entre logiques missionnaires et logiques coloniales puisque
présence de femmes relativement nombreuses. Exemple avec la CMS qui employait 566 hommes et 824 femmes (386
épouses de missionnaires et 438 célibataires) en 1909. Mariage était condition préalable pour missionnaires masculins,
mais à partir des années 1880, la CMS employa des femmes célibataires. Missions spécifiques pour les femmes. Exemple
de la Church of England Zenana Mission Society (1880) qui agissait auprès des femmes indiennes dans l’espace
domestique (zenana) interdit aux hommes. Forte présence féminine traduit une volonté de pénétrer au cœur des
populations qu’on voulait convertir, en nouant des contacts et des échanges avec les femmes et les enfants. « Paradoxe du
missionnaire »: les hommes conservateurs et souvent misogynes devenaient aux colonies des apôtres de la libération de la
femme indigène.
L’entreprise missionnaire
Engager la conversation : Indispensable d’apprendre la ou les langues vernaculaires pour commencer le travail
d’évangélisation. Volonté de traduire la Bible. Dès 1820 en Inde: traductions des Evangiles en sanskrit, hindi, … Vers
1900, Bible traduite dans 520 langues dont beaucoup de langues des sociétés colonisées. Sert de support aux mouvements
messianiques noirs dès la fin du XIXe siècle en Afrique australe. Enseignement des langues du pouvoir colonial aux
élites dites évoluées. Au Congo belge, les missionnaires ont collecté les vocabulaires et composé les premières
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grammaires et cartes linguistiques, travail rémunéré par le gouvernement colonial. Importance de la lecture directe de la
Bible pour les protestants. L’évangélisation s’accompagne donc d’un travail d’alphabétisation minimale.
Soigner les corps et les âmes : Au milieu du XIXème siècle missionnaires protestants encouragés à suivre double
formation : théologie et médecine (figure du médecin-missionnaire). L’action médicale constituait souvent un front
pionnier.
Former de nouvelles chrétientés ? : Conversion au christianisme constituait souvent rupture culturelle importante
(façon de se vêtir ou de rythmer temps, quotidien et annuel, autour des célébrations religieuses). Mission et église
devenaient centre de vie collective des convertis. Recherche autonomie économique, stations missionnaires
ressemblaient à des entreprises. Défenseurs de l’enseignement professionnel, missionnaires promeuvent métiers
nouveaux, cultures, techniques et machines nouvelles, pour assurer prospérité des fidèles. Exemple du Congo belge après
1906 où octroi de terre par gouvernement colonial (100 ha) aux missions qui ouvraient école et mettaient habitants à
disposition du gouvernement comme main-d’œuvre. Projets de constitution ou reconstitution de chrétientés idéales.
Des missions aux Eglises indigènes
La part de l'auto-évangélisation : Ampleurs et rythmes d’évangélisation inégales selon sociétés coloniales.
Progressions les plus spectaculaires enregistrées en Afrique subsaharienne où nombre global de chrétiens doubla de 1900
(9 millions) à 1951 (23 millions). Catéchistes et convertis servaient de relais dans villages éloignés des stations
missionnaires. Faible nombre de missionnaires présents dans sociétés coloniales imposait recours à des relais locaux.
Missions protestantes s’inscrivaient dans même logique. Exemple d'Etat de Travancore (Sud de l’Inde) en 1900 où 50
missionnaires britanniques pour 882 agent indigènes.
Des clergés aux Eglises autochtones : Défiance et minoration opposées au clergé indigène de façon explicite entre
années 1880 et fin de Première Guerre mondiale tenait à raisons raciales déguisées en arguments théologiques. Idée
qu'Africains étaient incapables de recevoir christianisme, devaient longuement être préparé particulièrement pour être
membre du clergé. Longtemps relégation des colonisés à fonction d'auxiliaire. Par conséquent, développement tardif des
Eglises autonomes. Nécessité d'encadrement européen. Organisation des Eglises à partir du début du XXème siècle.
Exemples des Eglises protestantes en Inde du Sud en 1908, au Kenya et à Madagascar en 1913. Séminaires catholiques
créés après 1919, pour former prêtres indigènes. Mais résultats assez minces, délais parfois très longs. Exemple en
Afrique, délais longs ont contribué au succès des Eglises indépendantes qui se détachaient des structures missionnaires.
Cependant, certains missionnaires ont été désignés par populations comme représentant. Exemple du père Francis Aupiais
élu député du Dahomey en 1945. Si formation des Eglises chrétiennes fut tardive, s’engagèrent dès années 1940 dans lutte
pour indépendance.
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Les médecins
Avant tout officiers de santé militaire dont rôle s'étend ensuite aux populations civiles. Insuffisance numérique des
médecins. Qui sont les médecins opérant dans colonies et quelle place tiennent les indigènes au sein d'un monde médical
caractérisé par cohabitation de plusieurs médecines, occidentale et traditionnelles ?
Les Médecins venus de métropole
Des médecins militaires et civils métropolitains pour les colonies : « Libres de couleurs » sont enregistrés comme
chirurgiens ou sage-femme au côté des européens dès XIXème siècle dans colonies espagnoles et française des Antilles.
Majorité de médecins d'armée dont rôle est de protéger soldats, fonctionnaires et colons contre insalubrité des lieux.
Dispensent parfois des soins aux indigènes. A partir de 1853 médecins de colonisation en Algérie s'occupent des civils. En
1903 création du service de santé des troupes coloniales.
L'importance des médecins missionnaires : Volonté de soigner corps et âmes. De même volonté d'attirer
"indigènes" dans christianisme. Concurrence aux médecines traditionnelles sur leur terrain (lien entre soin du corps et
religion). Pour les protestants mise en place de la Medical Missionary Society en Chine en 1838 par américains. Retard de
l'Eglise anglicane. Initiative au Cachemire avec du personnel non qualifié. En 1878 création de Medical Missionary
Association à Londres pour répondre à demande de personnel qualifié. Croissance rapide puisqu'en1858 7 médecins, en
1916 1.052 médecins et 537 infirmières. Du côté des catholiques dès XIXème siècle missionnaires sont acteurs
importants du monde médical colonial. En 1922 approbation du travail médical à but missionnaire par Pie XI.
Des médecins en nombre insuffisant : Nécessité de polyvalence dans les pratiques (chirurgie, campagnes de
prospections..). Grande part du travail s'effectue en brousse. Faible salaire et dures conditions de vie pour les médecins.
Les débuts de l'Assistance Médicale Indigène marqués par manque de personnel. Exemple de l'Indochine en 1905 où 1
médecin pour 160 000 patients. Création en 1902 du West African medical Staff pour pallier au manque de médecins. En
1924 Nigeria dispose d'une dotation théorique d'1 médecin pour 200 000 personnes, mais seulement ¼ était occupés.
Former des soignants indigènes
Former des médecins à l'occidentale dans les colonies : Indigénisation de la profession. Cas particulier de La
Havane où grand nombre de médecins sont formés à l'université. Cette ville comporte le plus grand nombre de médecin
par habitant qu'aucune autre ville au monde. En Afrique de l'Ouest, médecins sont souvent fils d'esclaves libérés par la
Church Missionary Society pour évangéliser peuples au Sierra Leone. En 1835 création du Medical College de Calcutta,
reconnu par l'université de Londres. Ses médecins travaillent tant en Inde que dans d'autres colonies, notamment en
Afrique. En Algérie École de médecine d'Alger accorde des facilités aux musulmans se destinant à la médecine. Demeure
que subordination caractérise position des médecins indigènes. Par exemple en Égypte chaque capitale régionale est
censée avoir son médecin chef européen dont dépendent médecins égyptiens dans les districts. Existence d'une école de
médecine au Caire dès 1827 puis enseignement de professeurs britanniques à partir de 1887. Malgré cela volonté de ne
pas former trop de médecins ce qui favorise arrivée de médecins étrangers travaillant dans le privé.
Former des auxiliaires : Auxiliaires participent à extension de santé publique et c'est avant tout des indigènes que
les pouvoirs coloniaux veulent former. En Inde la Medical evangelists forment auxiliaires, assistants des médecins
missionnaires occidentaux.
En Indochine en 1902 création d'École de médecine d'Hanoï, sur modèle britannique,
avec formation d'auxiliaires. D'autres écoles de ce type ouvrent dans empire français notamment à Pondichéry en 1863,
Tananarive en 1895 et Dakar en 1918. En Afrique anglaise jusque dans années 1920 formation des travailleurs médicaux
dans mains des missionnaires, notamment dans école de Mengo (Ouganda). Institutionnalisation d'éducation médicale
avec le Makerere College en 1924. La même année création d'une école à Khartoum puis l'Ecole médicale de Kaba au
Nigéria en 1935. Dans chaque colonie section d'infirmiers coloniaux souvent pour hôpitaux coloniaux. Exemple d'école
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d'infirmiers d'Ayos au Cameroun, qui ouvre en 1922, qui forme 400 auxiliaires en 3 ans.
Une formation limitée : En Algérie dès années 1860 volonté de créer corps d'infirmiers coloniaux, mais plusieurs
échecs. Uniquement à partir de 1904, gouverneur général Jonnart crée cadre de médecins auxiliaires indigènes, n'agissant
que sous surveillance d'un docteur. 2 ans de formation exclusivement pratique. En Afrique Equatoriale britannique réseau
médical réseau constitué de médecins européens (24 en Ouganda en 1912) secondé par des indiens (17).
Pendant
la
Première Guerre mondiale East African Native Medical Corps forme des travailleurs médicaux. Volonté progressive de
remplacer les Indian Sub-assistant Surgeons difficiles à recruter en Afrique, à partir des années 1920. De fait à partir de
1925 début de formation systématique des auxiliaires en Ouganda. Formation de 3 ans. Ils sont 247 en 1929.
Des soins pour les femmes par les femmes
Des femmes médecins pour les colonies : Négligées par les gouverneurs, ciblés par les missionnaires pour lutter
contre paganisme. Présence accrue de femmes dans le mouvement missionnaire dès les années 1860. En 1869 création du
Woman's Foreign Missionary Society pour Inde, Chine & Corée. En 1910 constitution de missions catholique en Afrique
qui forment au brevet d'infirmière. Augmentation du nombre de médecins femmes due au refus des femmes dans certaines
colonies de consulter un médecin masculin. Cependant emplois occupés inégaux à compétence égale par rapport aux
hommes donc vision de missionariat comme possibilité d'ouverture professionnelle. En 1910 missions protestantes
emploient 341 femmes médecins dans toutes les colonies, moitié en Inde et tiers en Chine. Du côté français à partir de
1902 organisation dans certaines villes d'Algérie de consultation gratuite par des doctoresses du fait de refus des femmes
d'être auscultées par des médecins hommes.
Former des femmes médecins indigènes : Volonté de former des femmes médecins en Inde pour pénétrer les
zenana (quartiers réservé aux femmes). En 1894 North India Scholl of Medecine for Christian Women ouvre à Ludhiana
avec objectif de former les femmes indiennes, au départ uniquement chrétiennes puis ensemble des Indiennes par la suite.
Après 4 ans d'études obtention d'un diplôme d'université de Lahore. Financement par fonds levés par autorités
britanniques princières. Féminisation médicale est plus tardive dans les autres colonies britanniques. Au Caire, formation
des sages-femmes est suffisante qualitativement dès 1832, mais premières femmes inscrites en étude de médecine
seulement à partir en 1929.
Former des sages-femmes et des infirmières indigènes : En Inde à partir de 1885 National Association for
suppliant Female Medical Aid to the Woman of India qui finance hôpitaux qui emploient des Lady Doctors (femmes
docteurs des universités britanniques) et des praticiennes médicales, souvent indiennes, qui ont reçu formation médicale
et des auxiliaires féminines, essentiellement indiennes. En 1903 création d'école médicale d'Antanarivo avec formation
des sage-femmes. A la sortie possibilité d'exercice dans maternités, postes médicaux, postes d'accouchement de brousse.
Ouverture de section de sages-femmes à Hanoi en 1904 permet formation auxiliaires, cursus de deux ans, pour lutte
contre mortalité infantile. A École de Dakar, fondée en 1918, ajout de formation des sages femmes de l'A.O.F en 1920. La
même année ouverture de formation pour infirmières-visiteuses et une maternité. Sages-femmes d'AOF sont agentes de
médicalisation qui passe par évolution rapide des pratiques notamment apprentissage aux autres femmes colonisées à
accoucher à l'européenne, de manière horizontale. En Algérie mise en place des infimières-visiteuses coloniales indigènes
en 1934 avec fonction d'aide aux médecins.
Les soignants indigènes dans les sociétés coloniales
Persistance et adaptation des praticiens traditionnels : Au début XIXème siècle recherche par Européens de
praticiens traditionnels avec idée qu'ils seraient plus à même de lutter contre maladies locales. Pluralisme rejeté
rapidement et affirmation de la supériorité de la médecine occidentale. Malgré tout autorités coloniales doivent composer
avec médecins traditionnels. En 1892 en Algérie, tolérance pour médecine traditionnelle malgré mise en place de loi sur
application de médecine. De même dans autres colonies. Parfois pratique médico-religieuse comme dans les Antilles
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(Vaudou, Obeah). Importance de faible coût de médecine traditionnelle pour persistance. De plus en plus critique de
concurrence des « empiriques » en Algérie ou des « matrones wolof » en AOF par médecins français. Dans ensemble des
colonies importance de manque de personnel formé à l'européenne. Ces derniers se voulant souvent champion de
modernité donc concurrence entre médecines traditionnelle et occidentale. Existence de projets d'adaptation parfois
impulsés par autorités coloniales. Exemple d'Algérie où existence de projets voulant donner notions d'obstétrique aux
matrones indigènes. De même en Indochine dans les années 1920 formation des matrones rurales par infirmières
indigènes diplômées. Par la suite matrones rurales sont habilités à effectuer accouchements à domicile. Face au progrès de
médecine occidentale, volontés de modernisation des médecines traditionnelles, notamment en Inde. Exemple d'Inde où
médecins ayurvédiques se regroupent en associations comme l'Ayurved Sammelan pour résister à marginalisation par
pouvoir colonial.
Des élites sociales ? : Médecine apparaît comme voie d'ascension sociale et élément de distinction. Au XIXème
siècle, criollos de Cuba (Cubains nés de parents européens) usent du langage médical pour se distinguer des indigènes et
des élites européennes. Au cours des années 1870 premiers assistants de médecins d'Afrique de l'Est sont souvent des
esclaves libérés. En Egypte britannisation des écoles de médecine, au cours des années 1880, s'accompagne de frais de
scolarité. Médecins, longtemps issus de milieux modestes, désormais recrutés dans les élites. Processus accentué par
nécessité de maîtrise de langue anglaise. Par conséquent, médecin est de plus en plus considéré comme marqueur d'une
appartenance à l'élite. En Indochine formation d'une petite élite médicale indigène. Par ailleurs à partir de 1924
microcosme fermé des médecins occidentaux s'ouvre au médecins indochinois. Sages femmes de l'A.O.F, incarnent quant
à elles une petite élite scolaire, économique et politique. Egalement modèle d'une « nouvelle » femme africaine, mais
toujours sous domination coloniale et masculine. Ils font part d'une nouvelle élite de la société coloniale.
Des soignants fers de lance de la réforme politique ? : Elites médicales souvent représentés en politique.
Opposition des médecins à Cuba à loi coloniale. De même à Porto-Rico médecins forment l'opposition libérale. Après
Première Guerre mondiale milieu médical égyptien tend à vouloir s'émanciper. En 1920 Association médicale égyptienne
se rallie à politique d'indépendance du Wafd. Dans le même temps médecins égyptiens apportent leur soutien au
mouvement national, garantie de leur promotion sociale. Dans pays du Proche-Orient sous mandat implication des
médecins en politique est très visible. Durant les années 1950, bataille des médecins africains pour consultation privée va
de pair avec monté du nationalisme. Cependant, militantisme inégal selon les zones. Exemple du Kenya où scène
politique médicale dominée par des non-médicaux alors qu'en Ouganda ce sont les médecins, notamment Majugo.
Personnel médical de plus en plus nombreux intervient dans les colonies, mais avec fortes disparités régionales et
nombre insuffisant. Espaces d'opportunités pour certains segments de profession médicale, voie d'ascension pour les élites
nouvelles des mondes colonisés.
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Des actrices de la réforme sociale : les femmes médecins en Inde britannique
Inde est avec Chine un des haut lieux de la médecine missionnaire. Nécessité de formation rapide de femmes
médecins, les femmes indiennes restant recluses dans les zenana. Campagne visant à supprimer les coutumes
"archaïques" et réforme générale.
Les première femmes médecins anglo-saxonnes en Inde
Clara Swain, américaine, est première missionnaire femme en Inde en 1869. Au départ formation de quelques
orphelines comme assistantes puis ouvre des structures médicales et forme des indiennes.
A partir de 1880 formation de sages-femmes par Miss Hewlett à la Amritsar Dhais' School. Ida Scudder née en Inde,
étudie aux États-Unis et retourne en Inde ouvrir des structure médicales.
Ouvrir l'enseignement de la médecine aux femmes britanniques et indiennes
Au cours des années 1870, demande en femme médecin augmente en Inde, mais formation médicale des femmes
n'est pas autorisée. Importance de Mary Bird-Scharlieb puisqu'elle arrive à être intégrer au Madras Medical College en
1875 où elle suit des études de médecine. En 1882 elle obtient charge d'hôpital pour femmes Queen Victoria. C'est
uniquement à partir des années 1880 que femmes indiennes commencent à étudier la médecine. Exemple de Anandibai
Joshi qui étudie la médecine aux Etats-Unis entre 1883 et 1886, tout en demeurant de confession hindoue. Par la suite
plusieurs femmes d'Inde et de Ceylan étudient sur place ou à l'étranger au début du XXème siècle.
Femmes médecin et réforme sociale
Édith Pechey (1845-1908) se bat pour accéder aux études médicales et pour réforme sociale en Inde. Soutient
Rukhmabai liée à un grand scandale en Inde. Après mort de son premier mari la mère de Rukhmabai se remarie, chose
tabou. Celui-ci marie Rukhmabai la marie à 11 ans, mais à l'âge de 17 ans elle refuse d'aller vivre avec lui. Procès et
victoire de Rukhmabai, mais défaite en appel. Par la suite Pechey lui recommande d'étudier en Angleterre. Ce qu'elle fait,
puis retourne en Inde exercer la médecine et promouvoir la réforme sociale. A Ceylan Mary Irwin, médecin missionnaire,
anime plusieurs groupes d'émancipations féminine.
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Acteurs et témoins
Historiographie nationaliste dominante au lendemain de décolonisation. Place importante accordée aux grands
hommes au détriments du peuple. Angle d'attaque remis en cause par Subaltern studies (Guha, 1988) qui met en avant
action des classes populaire débordant limites de la mobilisation fixée par les élites.
Gandhi, Jinnah, Nehru, Ambedkar
Trajectoires sociales
Font tous partie de minorité indienne éduquée à l'anglaise et ayant étudiés dans pays occidentaux. Tous avocats,
profession la plus élevée socialement avec les médecins et qui garantit une certaine autonomie vis-à-vis du pouvoir
colonial. Nehru (1889-1964) : famille de Brahmanes du Cachemire, père avocat ; Jinnah (1875-1948): famille
marchande chiite ; Gandhi (1869-1948) : famille marchande hindou, fonctions administratives dans des petits états
princiers et Amdelkbar (1891-1956) : intouchable, accès à l'éducation grâce à son père militaire, étude à l'étranger grâce
à une bourse accordée par deux maharajas.
Chronologie commune
Gandhi & Jinnah débutent à l'Indian National Congress fondé en 1885. Jinnah rejoint tardivement ligue
musulmane en 1913. Gandhi participe au congrès de fondation du Natal 1894 en Afrique du Sud, là il développe ses
célèbres méthodes de lutte (pacifique). En 1914 ils encouragent participation d'Inde à l'effort de guerre britannique.
Rapprochement du Congrès et de la Ligue sous la présidence de Jinnah en 1916. Grandes mobilisations au lendemain de
la guerre, notamment campagnes de non-coopération et mouvement du Califat en 1921-22. Mode de lutte non-violent
convient aux marchands et paysans avec mise à profit d'expérience acquise en Afrique du Sud. Mouvement s'appuie
également sur mécontentement musulman lié à effondrement du Califat de Turquie. Retrait de vie politique de Gandhi
face à mouvements qu'il ne contrôle plus. Phase de déclin du Congrès. Apparition d'une nouvelle génération de militants.
Nehru visite l'URSS. Développement de tensions sociales et religieuses : extrémisme hindoue, volonté d'autonomie
accrue pour provinces à majorité musulmanes, revendication d'Ambedkar pour les depressed classes. En 1927
commission Simon, uniquement composée de Britanniques, chargée de réformer relance agitation et pousse les 4 leaders à
s'entendre. Absence d'accord avec Britanniques. En 1930, Jinnah & Ambedkar partent à Londres négocier alors que
Gandhi et Nehru lancent mouvement de "désobéissance civile". En 1932 nouvel échec des négociations. Gandhi "jeûne
à mort" en prison pour s'opposer au Communal Award (électorat séparé aux intouchables). Alliance avec Ambedkar.
Agitation populaire renaît durant années 1930. Opposition Gandhi-Nehru, ce dernier cherche à transformer Congrès avec
dominance des ouvriers et paysans. En 1937 élections provinciales dans cadre des réformes britanniques. Congrès
remporte largement, marginalisation de Ligue, échec du nouveau partie d'Ambedkar (Independant labour party).
Victoire renforce ceux qui sont favorable à une transition politique négociée avec les Britanniques. Guerre brise
consensus. En 1942 lancement du mouvement Quit india par le Ccongrès soutenu par Gandhi. Alors que Jinnah &
Ambedkar supportent effort de guerre. Volonté d'indépendance séparée des musulmans de Jinnah. Situation explosive au
lendemain de Deuxième Guerre mondiale avec notamment grèves à Calcutta etc... Mountbatten cherche à accélérer retrait
et 15 aout 1947 création de l'Inde et du Pakistan. Jinnah dirige Pakistan. Gandhi jeûne pour apaiser tensions et meurt
assassiné. En 1948 Ambedkar lutte au sein d'assemblé pour les intouchables et obtient suppression de ce statut. Nehru
dirige l'Inde.
Débats
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Gandhi, Jinnah & Nehru s'opposent sur la vision de l'Inde. Gandhi voit comme ennemi société
industrielle et non les Britanniques et très critique sur système parlementaire britannique. Gandhi est
conservateur, s'oppose à lutte des classes, recherche unité du peuple indien. Vision positive du système des
castes donc opposition à Ambedkar. De son côté Nehru recherche justice sociale et vision communiste.
Messali Hadj, Ferhat Abbas et Ahmed Tawfiq Al-Madani
Période coloniale marquée par différents courants, qui s'effacent lors de lutte d'indépendance pour former le FLN.
Des trajectoires algériennes
Trois parcours familiaux pour une même génération : Messali Hadj naît en1898, suit l'école française; travaille
dès 9 ans, vient en France lors de la Première Guerre mondiale. Ferhat Abbas naît en 1899, famille plus riche,
autodidacte, bachaga pour la France. Études de pharmacien. Ahmed Tawfiq Al-Madani naît en 1899, proches des
oulémas, milieu bourgeois, impliqué dans le mouvement revendicatif tunisien, expulsé en 1925.
Les chemins de la revendication : Messali Hadj entre en politique en métropole, premier leader de l'Etoile Nord
Algérienne, première organisation indépendantiste, liée au PCF. Abbas, activité journalistique, met l'accent sur l'égalité
des droits. Leader de la fédérations des élus. Pour accéder à citoyenneté française il fallait se soumettre au code civil et
non plus à la loi islamique: acte d'apostasie. Ce qu'il n'accepte pas. Ahmed Tawfiq al Madani écrit Livre de l'Algérie en
1932 avec histoire de l'Algérie qui présente les résistances à l'envahisseur à travers les âges (Jugurtha...). "L'islam est
notre religion, l'Algérie notre patrie et l'Arabe notre langue".
Entre divergence et points de contacts
La "personnalité algérienne" : Tous défendent l'idée d'une "personnalité algérienne". Pour Hadj importance de
dimension arabo-musulmane. "Crise berbère" au sein du Parti du Peuple Algérien après Deuxième Guerre mondiale où
débat sur reconnaissance de culture et langue berbère. Purge du parti avec éviction des opposants de Messali Hadj. Ferhat
Abbas, figure d'élite francophone algérienne. Conteste l'idée d'Algérie comme nation souveraine. Considéré par quelques
uns comme traître.Avec Al-Madani forme de réinvestissement du statut personnel colonial pour former "notre
personnalité islamique".
Les projets politiques : Messali : indépendantiste, populiste s'intéresse aux pauvres, rejette avec mépris réformes
françaises. Abbas : républicain, modéré et situation qui rejoint celle des oulémas. 1936: Congrès musulman (sorte de front
populaire), rassemble les communistes musulmans, élus et oulémas. A pour but d'augmenter droits des algériens. Échec
dû aux Français d'Algérie.
Par conséquent, position d'Abbas et des oulémas se radicalise puisque désormais volonté
d'un "État Algérien avec une constitution propre". Messali Hadj est emprisonné. Situation se dégrade en 1945. Tous les
courants se rejoignent au sein des « Amis de la liberté » fondé par Abbas. Réclament formation d'"une République
autonome fédérée à une République française rénovée, anticolonialiste et anti-impérialiste". Front ne dure pas.
Face au FLN
La lutte pour l'indépendance ou la marginalisation de Messali Hadj : Fondation du FLN en 1954 par des anciens
du PPA de Messali Hadj. Sigle apparaît pour la première fois après un attentat. Messali Hadj expulsé d'Algérie en France,
fonde une organisation concurrente, le Mouvement National Algérien. Lutte sanglante entre les deux organisations.
Ralliement d'Abbas et Al-Madani au FLN. Ils rejoignent ses dirigeant en exil au Caire en 1956.
Après l'indépendance : Messali est condamné par le FLN, au pouvoir, à rester en exil en France ou il mourut en
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1974. Al-Madani participe au gouvernement en tant que ministre des Affaires religieuses. Son œuvre d'historien fonde le
récit national. Abbas devient président de l'Assemblée nationale et opposant au pouvoir.
Ho Chi Minh
Leader, négociateur, chef d'Etat. Nationaliste et communiste son rayonnement s'étend aux autres pays en
décolonisation.
Un intellectuel annamite anticolonialiste
Famille paysanne d'Annam (Nord-Vietnam) dont père à accédé au mandarinat par concours, né en 1890. Étudie à
l'école des fils de mandarins mais n'a pas d'avenir à la révocation du protectorat en 1911. Voyage en Europe et vit de petits
boulots. Voyage en Europe, notamment France et Angleterre entre 1911 et 1919. Présente un mémoire sur La
revendication du peuple annamite lors de Conférence de la paix en 1919, mais peu d'audience. A même époque
commence à écrire des articles anticolonialistes sous pseudonyme Nguyen Ai Quoc.
Fondateur du parti communiste et du Vietminh
Rejoint la SFIO, puis le PCF. 1923, il se rend à Moscou, puis part comme agent du Kommintern pour la Chine.
En 1930 il fonde le parti communiste indochinois à Hong-Kong. En 1931 il tente d'organiser l'Annam en soviet par
soulèvement paysan. Echec et se réfugie en URSS, condamné à mort en France. Ses lieutenants élargissent le réseau
pendant moment de détente du Front populaire. Combinaison d'organisation légale et constitution de cellules ouvrières
clandestines en prévision de révolution. En 1941 retourne en Indochine et fonde le Vietminh (contraction signifiant
« Alliance pour l'indépendance du Vietnam »). Large front rassemblant les patriotes de toute origine sociale. Importance
d'indépendance et de liberté collective, condition d'égalité. Publications dans le journal « Le Vietnam Indépendant ».
Positions anticolonialistes et contre occupation japonaise font qu'appui du Guomindang chinois et des services secrets
américains. En 1942 il prend le nom de Hô chi Minh (Hô à la volonté éclairée), puis est emprisonné en Chine, il revient
en 1944. Première zone libéré de l'autorité coloniale et de l'expansion chinoise est au Tonkin.
Fondateur de la République démocratique du Vietnam
Ho Chi Minh s'affirme comme chef de parti à la tête d'un Etat libre. 9 mars 1945 Japonais prennent pouvoir en
Indochine en expulsant pouvoir français. Soutien des services secrets américains pour noyautage d'associations ou
d'organisations. Après reddition japonaise, Hô Chi Minh et le major Patti rédigent la déclaration d'indépendance du
Vietnam le 2 Septembre 1945 à Hanoi. Occupe le pays et organise un gouvernement provisoire. Réponse française dès
septembre 1945. Hô Chi Minh forcé à négociation sous pression internationale et lenteur du retrait des forces chinoises au
Tonkin. 6 mars 1946 accord entre Hô Chi Minh et Jean Saintemy où France reconnaît Vietnam comme "État Libre"
membre de Fédération indochinoise et de l'Union française, en contre-partie la France installe ses troupes au Nord du
16ème parallèle.
Situation se tend, Hô Chi Minh n'assiste pas à conférence de Fontainebleau pour clarifier relations
entre République de Cochinchine, Vietnam et Fédération indochinoise. Pour éviter rupture signature le 14 septembre 1946
un modus vivendi. Il se fait pourtant déborder par son aile gauche, incarné notamment par général Giap. Haiphong est
bombardée par Français, les milices du général Giap massacrent population à Hanoi malgré appel à négociations d'Hô Chi
Minh. Armée française prend le contrôle de Hanoi.
De la guerre d'Indochine à la guerre du Vietnam
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En 1949 aide officielle de la Chine. A partir de 1950 Etats-Unis soutiennent France. Entre 1953 et 1956 révolution
agraire sous l'impulsion de Staline. Communisation à la chinoise du Vietminh. Après défaite française de Dien Bien Phû
accords de Genève le 21 juillet 1954. Hô Chi Minh à la tête de République du Vietnam au Nord du 17ème parallèle. Lutte
contre Vietnam du Sud de Ngo Dinh Diem pour réunifier le pays. En 1960 création du Front national pour libération du
Sud, appelé Vietcong par Etats-Unis Vietnamiens du Sud.
José Marti (1853-1895) et les guerres d'indépendances cubaines
Une formation politique précoce au temps de la guerre des dix ans(1868-1878)
Né à La Havane, d'une famille en provenance d'Espagne péninsulaire"(environ 8% de population de Cuba).
Intégré par professeur dans milieu intellectuel critique vis-à-vis de la domination coloniale. En 1868 coup d'Etat où reine
Isabelle II est chassée du trône. Espagne connaît la guerre civile. Manuel de Cespedes pousse « cri de Yara », déclaration
d'indépendance. Planteurs blanc et créoles s'engage dans guerre d'indépendance ou "guerre de dix ans". Mouvement rallié
par esclaves et libres de couleurs. Gouvernement libéral, relayé à la Havane, accorde des libertés inédites (presse,
réunions...). Apparition de journaux, José Marti débute comme journaliste. A la Havane, opposition du parti réactionnaire
et pro-espagnol. Coup d'Etat le 1er juin 1869 et "patriotes" sont réprimés. Marti est enfermé puis exilé en Espagne, il y
dénonce les conditions de détentions à Cuba, notamment dans Le bagne politique à Cuba. Dans le même temps il fait des
études et s'exile au Mexique. A Cuba opposition entre parti pro-espagnol et le parti indépendantiste majoritairement métis.
Expérience républicaine à Cuba (1873-1874). Insurgés déposent les armes en échange d'une amnistie en 1878. La guerra
chiquita (la "petite guerre) éclate en 1879 et se solde par défaite des insurgés. Insurgés ont souffert de leur division sur
questions d'esclavage et d'avenir de l'île.
José Marti, propagandiste de l'indépendance et de la révolution
Travail comme journaliste à New York, puis comme consul du Paraguay, Argentine et Venezuela. Marti réfléchit à
avenir de Cuba avec recherche d'une justice sociale, principale différence avec Cespedes. Pour Marti Cuba ne doit pas
devenir dictature, mais pays de liberté, démocratie, sans discrimination raciale. De même très critique vis-à-vis du sort
des Noirs et des immigrants asiatiques aux Etats-Unis. Enjeux sont de surmonter divisions du mouvement anticolonialiste, unifier les différents milieux sociaux, collecter des fonds et attirer sympathie des autres gouvernements,
notamment par des voyages à l'étranger à partir de 1890. En 1892 Marti se fait accepter comme leader des
indépendantistes et fonde Parti Révolutionnaire Cubain à New York. Le 24 février 1895 éclatement d'une révolte.
La mort de Marti l'indépendance volée
19 mai 1895 Marti est tué, révolte est privée de son chef. Insurgés sont d'abord victorieux puis l'Espagne envoi
des renforts et situation se renverse. Grande répression organisée par général Weyler, 20% de la population meurt, et
installation des « camps de concentration ». Victoire militaire, mais échec diplomatique international puisque cela
encourage impérialistes américains à vouloir inclure Caraïbes dans orbite des Etats-Unis. En 1897 Weyler rappelé et
autonomie accordée à la Havanne. Cependant, explosion du cuirassé états-unien Maine dans port de La Havane en février
1898. Etats-Unis croient pas à accident et déclare la guerre en avril 1898. Espagnols se rendent en Juillet. Cuba occupé
par Américains entre 1898 et 1902 puis satellisation de l'île. Acquisition à perpétuité de Guantanamo. Cubain forcés
d'inclure dans leur constitution l'amendement "Platt" qui oblige Cuba à demander autorisation des Américains pour établir
des alliances, et Etats-Unis peuvent intervenir militairement à Cuba à loisir. Projet d'indépendance et de démocratie
politique, raciale et sociale est morte avec Marti. Son œuvre est une inspiration, notamment pour Castro.
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Rudyard Kipling (1865-1936)
La matrice anglo-indienne
Une éducation anglo-indienne : Naissance à Bombay, où père, sculpteur, enseignait à la School of Art and
Industry. Eduqué de 6 à 11 ans en Angleterre, ne fait pas d'études par manque d'argent et devient assistant-éditeur de la
Civil and Military Gazette de Lahore. Puis il retourne en Europe en 1888.
Peindre la société anglo-indienne : Fréquente principaux lieux de sociabilité européenne (Penjab Club) et
accompagne famille pendant leur migration annuelle vers station d'altitude (Simla). Ne fréquente pas haute société
coloniale. Description de société anglo-indienne est critiquée de son vivant. Société qui encadre jeunes filles venant de
métropole afin qu'elle ne soit pas séduite par indigènes et ne remette en cause société coloniale.
Le "prophète de l'impérialisme britannique" (G. Orwell)
La carrière littéraire : A Londres se préoccupe de sa carrière littéraire. En 1892 épouse fille d'un éditeur
américain. Livre de la jungle en 1894, contribue à nourrir l'imaginaire britannique de l'Inde. Dans cadre de crise de
Guyane britannique, retour en Angleterre en 1896 pour ne plus revenir en Inde. En 1902 publication de Kim, qui traite à
nouveau de l'empire des Indes. Apogée de sa carrière. Prix nobel de littérature en 1907. Écrit encore après la Première
Guerre mondiale mais moins. Meurt en 1936.
Défendre l'empire : Défense d'empire britannique. Poèmes "Recessional" en 1897 à l'occasion du jubilé de
diamant de Victoria. "Le fardeau de l'homme blanc" en 1899, conseil aux Etats-Unis après prise des Philippines. Kipling,
chantre d'impérialisme triomphant et du nationalisme. Idée d"Années ingrates" où s'attend pas à reconnaissance des
colonisés et à bienveillance des autres nations. S'inquiète d'avenir d'empire. Voyage en Afrique du Sud pour soutenir
intellectuels et soldats britanniques lors guerre des Boers. Souhaite instauration service militaire et augmentation
d'immigration vers colonies. Radical sur question irlandaise en 1912.
Rabindranath Tagore (1861-1941)
En 1913 premier non-européen à recevoir prix Nobel de littérature. Renouveau en Europe pour culture indienne.
Expérimente des nouveaux modèles éducatifs. S'oppose aux nationalistes.
Un représentant de l'intelligentsia bengalie
Un milieu aisé acquis au Brahmo Samaj (milieu réformiste hindoue) : Né à Calcutta, dans famille de Brahmanes.
Grand père est un zamindar, grand propriétaire terrien, très loyal à la couronne, reçu à la cour fin des années 1840. Fonde
revue littéraire pour développement des œuvres littéraires en bengalie. Étudie en Angleterre à 17 ans et administre
domaines familiaux à partir de 1890.
L'œuvre littéraire et picturale : Premiers poèmes publiés dans revue de ses frères à 16 ans. Recueil Gitanjali est
très renommé. Publié en Angleterre par Yeats et Gide en France. Reçoit prix Nobel en 1893 et est fait chevalier par
George V en 1915. Doctor honoris causa de l'université de Calcutta. Dessine, peint, compose des chants, écrit sur la vie
quotidienne des paysans, chose inédite en Inde.
Le réformateur des langues vernaculaires
L'expérimentation éducative : Dénonce système éducatif colonial élitiste et trop livresque, promeut éducation en
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langue vernaculaire. Fonde école en 1901 et université Visva-Bharati en 1921. Volonté d'enseigner sciences et techniques
ainsi qu'anglais, héritages de domination européenne.
Des relations conflictuelles avec le mouvement nationaliste : En 1905 prend publiquement position contre
politique britannique, ses chants deviennent des symboles d'indépendance. Renonce à titre de chevalier après massacres à
Amritsar en 1919. S'oppose à Gandhi à propos de non-coopération et retour au tissage traditionnel, qu'il juge rétrograde.
Soucieux de préserver apports de domination coloniale. Juge notion de nationalisme dangereuse, lui préférant un
universalisme humaniste. Positions ont du succès en Europe mais sont attaquée en Inde.
Thami Al-Glaoui, Pacha de Marrakech (1878-1956)
L'ascension des Glaoua
Une famille de Caïds berbères du haut Atlas : Famille de hauts fonctionnaires (caïds) depuis années 1850. Caïds
sont fonctionnaires investit par décret du sultan avec compétences militaires, administratives et juridiques. En 1870
construction par père de Thami d'une casbah à Telouet, symbole du clan. Madani frère ainé règne jusqu'en 1918, où
Thami prends le relai.
Le choix de la protection française :
Troubles et dissidences liés aux interventions françaises au Maroc.
Disgrâce de Thami par sultan en 1911. Choisit parti de France lors signature du traité de Fès qui institue protectorat en
1912. Récompensés par Français. Thami récupère pachalifat de Marrakech et caïds glaoua obtiennent légion d'honneur
puis médaille militaire. Pour Lyautey ce sont exemples même des "grands chefs indigènes". Possibilité pour caïds glaoui
de recruter 10.000 cavaliers et faire coup de feu contre régions insoumises. De même aide des Glaoua avec concours à
pénétration française et pacification du Sud même si efficacité contestée. Après Première Guerre mondiale déclin
fonctions militaires au profit fonctions administratives.
Le "vice-roi du Sud"
La politique des grands caïds : Pour imaginaire français caïds du Maroc sont seigneurs féodaux du Moyen Age.
Interprétation de l'indirect rule, français s'appuient sur eux. Grâce au soutien colonial, leur pouvoir est de plus en plus
autocratique et efface les institutions traditionnelles, notamment les assemblées, ja'mâa, qui le contrebalançaient. En 1918
Thami récupère territoire de son frère défunt, Madani, et règne sur 1/10 de population du protectorat et se considère
comme un vice-roi du Sud marocain à l'abri des tracasseries d'administration française et des remontrances du Makhzen.
La fortune du Glaoui : Thami Al-Glaoui devient premier propriétaire foncier du protectorat, devant sultan, en
faisant mains basse sur terres, droits d'usage et mines de ses administrés. Richesse également minière, commerciale et
industrielle. Rentabilise fonctions de pacha en faisant rentrer taxes et redevances, obligation des justiciables de verser
commissions pour « service rendu ». Transformation de système coutumier de la touiza, entraide entre paysans, en corvée.
Obligation pour commerçants de lui porter des marchandises tous les jours et touche part (5 à 10.000 francs/mois) sur le
travail des prostituées de Marrakech. Cependant, train de vie dispendieux, ruine lors de la crise de 1929. Quai d'Orsay lui
concède un prêt qu'il ne rembourse pas (50 millions de francs). Néanmoins, importance de réseau de relations à Paris.
L'intouchable pacha : Montée d'oppositions à "politique des grands caïds". France craint que leurs exactions ne
soient mises sur le compte du protectorat. Steeg(1925-29), deuxième résident général, écarte un caïd (un opposant du
Glaoui) puis s'intéresse à Thami. Ce dernier fait appel à ses relations parisiennes pour se protéger. Grand mondain, il
voyages en Europe, et fréquente Lyautey.
L'adversaire des nationalistes marocains
Les caïds et la résistance contre le sultan ben Youssef : Volonté du Sultan d'émanciper le Maroc. Ce dernier ne
désavoue pas Manifeste de l'Istiqlal (indépendance) de 1944 et prononce discours considéré offensant à Tanger en 1947.
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Prend ses distance avec Thami, symbole de toutes les compromissions avec les Français. Rupture en 1950, Thami: "tu
n'es pas le sultan du Maroc, tu es le sultan de l'Istiqlal". 1953, pétition lancée par Glaoui pour l'abdication du Sultan, qui
est finalement déposé.
La chute de la maison glaoui : En 1955 lors du deuxième anniversaire d'expulsion du sultan, forte révolte. Sultan
rappelé d'exil, négociation d'indépendance en octobre-novembre à Paris. Soumission de Glaoui, mort en 1956 avant
l'indépendance sans être inquiété. Cependant, après celle-ci ses fils sont arrêtés et les propriétés sont confisquées.
Amadou Hampâté Bâ (1900-1991)
L'enfant peul à l'école des Blancs : Originaire du Mali, dont père adoptif tombe en disgrâce auprès du Roi.
Apprentissage coranique, puis "réquisitionné d'office" par chef de quartier à l'âge de 12 ans pour remplir quota imposé
pour fréquenter "l'école des blancs" (réputée pour plonger les jeunes musulmans dans le péché). Malgré tout idée
d'apprentissage dans langue du colonisateur séduit Amadou. A 13 ans intégration d'école régionale de Djenné pour
préparer certificat d'études indigènes qu'il obtient à 15 ans. Interruption pendant quelques années d'études, intégration
d'école professionnelle de Bamako puis réussit concours d'entré à l'Ecole normale William-Ponty, école de formation
auxiliaires d'administration indigènes. Après, à 22 ans, nomination à poste subalterne dans colonie du Haute-Volta,
nouvellement créée.
L'intermédiaire colonial : Nommé "écrivain expéditionnaire" avec diverses tâches de secrétariat et comptabilité à
Ouagadougou puis dans d'autres régions de colonie entre 1922 et 1932. Statut d'intermédiaire, position ambiguë,
apparaissant comme "Blanc-noir", jouissant de privilèges, notamment mise à disposition de porteurs réquisitionnés au
titre du travail forcé lors de déménagements d'un poste à l'autre. Représentant d'administration française, doit ménager
cette dernière alors que chefs locaux l'humilient. Cependant comme auxiliaire indigène, peut améliorer situation de
population. Ses supérieurs reconnaissent son habileté. En 1933 il devient secrétaire de mairie à Bamako et en 1942 il
affecté à l'Institut d'Afrique noire, à Bamako, Conakry et enfin Dakar.
Un itinéraire islamique et oecuménique : A partir de 1937 tracassé par administration pour ses affiliations
religieuses. Suit son maître marabout, Tierno Bokar, qui embrasse hamallisme (branche de la confrérie Tijâniyya jugée
séditieuse, car sans barrière sociale dans son recrutement). Evite cependant arrestation. Retournement de situation en
1951 où il est chargé par Français de diffuser enseignement de son maître pour lutter contre l'enseignement de l'Islam en
langue arabe. Intéresse par la convergence de certaines religions, développe un véritable œcuménisme depuis relation
avec protestant Théodore Monod à l'IFAN. Obtient une audience avec le pape, est invité pour prière œcuménique par
Israël et lien avec les francs-maçons.
Le passeur des traditions : Intérêt pour les traditions orales. En 1958 fonde institution des Sciences Humaines à
Bamako. Envoyé du Mali à l'UNESCO à l'indépendance. Défense des traditions orales notamment par appel à
l'UNESCO : « En Afrique, un vieillard qui meurt, c'est une bibliothèque inexplorée qui brûle ».
Aoua Keita (1912-1979)
Sage-femme, militante d'Union soudanaise du rassemblement démocratique africain dès fondation en 1946 puis
député du Soudan puis du Mali entre 1958 et 1968.
« Africaine et diplômée » : Père est ancien combattant devenu membre d'administration française, naissance dans
concession d'une vingtaine de cases pour chacune des épouses à Bamako. Scolarisation d'Aoua en 1923 pour la pousser
vers profession salariée accessible aux femmes et diplôme en 1931. Résistance de mère à scolarisation du fait des
traditions. Ne rejette pas traditions africaines, mais aussi modernité puisque choisit elle-même son mari, le médecin
citoyen de Gorée français Daouda Diawara. Devient citoyenne par ce mariage et vote en 1946. Divorce en 1949. Renonce
ostensiblement à sa citoyenneté française en 1950.
103
Les réseaux d'une sage-femme soudanaise :
Statut d'"évoluée", fonctionnaire et qualifiée ce qui lui permet de
fréquenter les milieux blancs. Voyage fluvial le long du Niger pour rejoindre premier poste de sage-femme en 1932 la
marque. De fait qualification lui permet de voyager en première classe, mais ostracisme de la part des femmes blanches
pour qu'elle soit servie en dernière. Dans le même temps coupée des femmes soudanaises. En 1950 envoyée à Gao puis
Casamance en 1951 comme punitions de ses convictions politiques. Se sert de sa profession pour diffuser ses idées.
Grand soutient du RDA, Rassemblement Démocratique Africain. De même importance des relations et liens des
« évolués » au sein des sociétés coloniales.
Femmes et politiques en AOF après la Seconde Guerre mondiale : Prise de conscience politique en 1936 grâce à
son mari. Adhésion à l'USRDA (Union soudanaise-Rassemblement démocratique africain) dès 1946, mais absence de
sanction car nationalité française. S'engage dans rudes batailles électorales parfois contre administration pour mise en
place de droits politiques. En 195 victoire électorale à Gao, mais victoire à contre-courant de reflux général de l'USRDA.
Par la suite mutée au Sénégal. Retour au Soudan en 1953 puis à Bamako en 1956 et entrée comité central d'USRDA. En
1958 elle devient une des premières femme élues du Soudan.
Sœur Marie-André du Sacré-Coeur ( 1899-1988)
Juriste, infirmière, religieuse : Faculté catholique à Lille dans le Nord, infirmière, puis sœur à Alger. A partir de
1932 étudie la condition féminine en AOF à la demande de ses supérieurs. Enquête durant 4 ans en Haute-Volta (actuel
Burkina-Faso) entre 1932 et 1936.
Dénoncer la condition féminine en AOF: promouvoir la famille chrétienne : Résultat d'enquête publiée en 1939
dans La Femme noire en A.O.F.. Idée que christianisme exerce un effet positif sur évolution des femmes contrairement à
islam. Pour elle communautés chrétiennes sont "îlots de civilisation en Afrique où s'apprend respect d'épouse, mère et
fille. Travaux critiqués par certaines religieuses (pas assez longtemps, généralisation...).
Défendre la cause de la "femme noire" devant le parlement : En 1936 retour en France, conférence et publication
dans des revues. Volonté de convaincre autorités d'intervenir juridiquement pour libérer femme africaine. Souhaite
interdire les conventions matrimoniales concernant les pré-pubères. Se rapproche des milieux parlementaires et juridiques
notamment Louis Marin. Défense de cause de « femme noire » devant députés. Louis Marin utilise ses arguments pour
proposition de loi qui aboutit à décret Mandel de juin 1939 sur la « réglementation des mariages entre indigènes en AOF
et AEF ». Texte se heurte à certains administrateurs coloniaux au nom du respect des coutumes. Décret ne fait pas
disparaître les coutumes, mais protège jeunes filles refusant mariage arrangé.
L'observatrice des sociétés africaines en mutation après 1945 : Chargée par l'Office de la recherche scientifique et
technique de l'Outre-mer d'étudier les transformations sociales dans les sociétés en mutation. Intervention dans débat sur
droit de vote des femmes au Kenya. Sillonne l'Afrique.
La trajectoire impériale d'un administrateur japonais: Goto Shimpei (1857-1929)
Le médecin et l'hygiéniste : Famille noble, études de médecine à Sugakawa, cours à l'école des études
occidentales de Fukushima. Directeur de l'école de médecine de Nagoya 1881. Séjour en Allemagne (1890-1892).
Hygiéniste reconnu et prend part à création de nouveau réseau d'égouts et d'adduction d'eau de Tokyo et organise
quarantaine lors de guerre contre Chine en 1895.
L'administrateur civil de Taïwan : En 1898 il est choisi par gouverneur militaire de Taïwan, Kodama Gentaro,
pour diriger le Minseibu, bureau d'administration civile à Taïwan. S'appuie sur les éléments de société traditionnelle pour
renforcer les éléments modernes. Volonté de renforcer la domination japonaise. Adaptation d'ancien système qui rend
responsable chef de famille ou chef de district de toute faille dans application de loi japonaise. Mise en place de police
(environ 55.000 hommes en 1903) chargée de collecter impôt, renforcement de santé publique. Création d'un Corps de la
jeunesse que chaque homme est tenu de rejoindre à 16 ans. Dans celui-ci fort endoctrinement de jeunesse taïwanaise et
104
important vivier d'informateurs de police.
Réformer l'économie et la société taïwanaise : Inspiré par Darwin et Spencer. Volonté de réorganisation de société
taïwanaise selon conception de « progrès » reposant sur « politique biologique », idée de promouvoir science et
développer agriculture, industrie, éducation, santé, communications et police avec objectif que transformation
d'environnement physique favorise le progrès global. Administrateur doué avec volonté de mieux comprendre la société
insulaire (coutumes, culture et économie) pour mieux la soumettre et faire des habitants des loyaux sujets japonais. Mise
en place d'importantes réformes, notamment fiscales, ainsi que redistribution et réaménagement des terres pour
production de canne à sucre. A partir de 1905, Taïwan génère des profits. Extension des investissements dans
infrastructures, santé publique etc... Volonté d'éduquer les sujets coloniaux avec développement d'enseignement primaire.
Néanmoins, dans le même temps volonté de « japoniser » Taïwan avec destruction de temples tao, interdiction des
journaux en chinois et promotion de culture japonaise.
Accroître la présence japonaise dans l'empire informel : A partir de 1906 nomination en tant que président de
Compagnie des chemins de fer de Mandchourie du Sud. Volonté de développer chemin de fer pour encourager les colons
japonais à s'établir dans zone et renforcer ainsi les intérêts du pays. Pour Shimpei chemin de fer est élément d'expansion
« d'empire informel » donc développement d'activités culturelles par compagnie.
Défendre l'empire en métropole : Ascension sociale puisqu'intégration de chambre des pairs en 1903 et est
nommé comte, haku, en 1928. A partir de 1910 il est vice-président de Bureau d'exploitation des colonies ainsi que recteur
de l'université coloniale privée. Postes de ministre successifs : communication (1908), intérieur (1916-1918 puis 19231924) et Affaires étrangères (1918).
Gilbert Tran Chanh Chieu (1867-1919)
Gilbert Chieu est membre d'administration coloniale. Naturalisé en 1898. Au départ instituteur dans delta du
Mekong, mais petit à petit développement d'un militantisme économique. Propriétaire de rizières (1377 ha) qu'il
hypothèque pour emprunter de l'argent et fonder des hôtels et industries. S'attaque à domination économique des Chinois
et Chettiars en exhortant compatriotes à faire des affaires plutôt que de rentrer dans l'administration coloniale. Volonté de
commercialiser productions locales sans passer par Chinois et grâce aux profits générés envoyer des étudiants en France.
Activité passe par mouvement Minh Tan qui s'inspire d'exemple japonais, de réformisme chinois ainsi que de formes
européennes de développement. Soutient également envoi d'étudiants vietnamiens au Japon. Chieu collabore à trois
périodiques, dont Causeries sur le commerce et l'agriculture, dont il est rédacteur en chef en 1906-1907. Appel à
indépendance du pays selon exemple japonais (s'unir, réformer, être solidaire). Entreprises économiques présentées
comme le fondement matériel et condition indispensable d'émancipation nationale. Chieu fréquente milieux nationalistes
suite rencontre de lettré nationaliste Phan Boi Chau à Hong Kong en 1908. Arrêté pour menées anti-françaises lors de
relai de propagande nationaliste de Phan Boi Chau. Soupçons qu'hôtels seraient lieux de réunion et recevrait des fonds des
Japonais. Acquittement en 1909 après accords financiers et diplomatique France/Japon en 1907.
Gilberto Freyre (1900-1987)
Importance de Freyre dans sociétés coloniales du XXème siècle puisque penseur de celles-ci. Importance
d'écriture de Maître et esclaves. La formation de la société brésilienne en 1933 sur sa société coloniale, le Brésil. Idée que
colonisation portugaise comme matrice de société brésilienne qui débouche sur des formes sociales inédites. Importance
notamment de vie quotidienne, sexualité, métissage biologique, intimité dans les sociétés coloniales. Réhabilitation
d'importance des populations noires dans naissance de société brésilienne, alors qu'à son époque elles sont vues comme
frein au progrès. Réhabilitation également des Portugais pour résistance à climat tropical ainsi qu'aux Indiens pour
métissage avec les Africains. Propos mals reçus durant années 1930-1940 par Salazar et son Estuado Novo, attaché au
mythe d'empire catholique et blanc. Réhabilitation après Deuxième Guerre mondiale notamment avec Acte colonial révisé
105
en 1951 qui annonce évolution vers l'assimilation des « indigènes ». On puise dans œuvre de Freyre, un colonialisme
différent des autres et aveugle au racisme. Voyage dans différentes colonies (Macao, Timor, Guinée, Cap-Vert, Goa, SaoTomé, Angola et Mozambique) à demande du ministre de l'outre-mer portugais. Invention du néologisme de
« lusotropicalisme ». Appropriation de ce terme par l'Estado Novo pour but propagandiste.
Franz Fanon (1925-1961)
Grandir dans une vieille colonie
Un rejeton de la classe moyenne martiniquaise : Arrière-arrière grand-père esclave venu d'Afrique, mais mère
métisse dont ancêtres viennent de Strasbourg (d'où le prénom Frantz), appartient à classe moyenne martiniquaise,
constituée de descendants de libres de couleur. Père travaille aux douanes de Fort-de-France alors que mère tient
quincaillerie, secteur fortement féminisé. Franz parle créole, mais reçoit éducation française.
An Tan Robè (au temps de Robert) : Frantz s'identifie à culture française. Quitte illégalement Martinique vichyste
pour France libre. Y revient quand elle est passe à la Résistance en 1943 pour s'engager dans le 5ème bataillon de marche
des Antilles.
L'expérience métropolitaine
La désillusion du combattant : Croix de guerre, mais désillusion face aux idéaux affichés de la France, confronté
au racisme quotidien. 1945: "je me suis trompé! Rien ici ne justifie cette subite décision de me faire le défenseur des
intérêts du fermier quand lui même s'en fout". Retourne en Martinique pour terminer baccalauréat et reçoit bourse pour
études de dentistes en métropole.
Les études de psychiatrie : Finalement se tourne vers médecine et psychiatrie. Importance de lecture de Sartre,
Merleau-Ponty et Lacan. En 1951 mémoire de médecine sur la causalité des maladies mentales. Publication en 1952 de
Peau noire, masques blancs où démontre nécessité d'affirmation d'une authenticité noire dans monde blanc. Dénonce
cependant les recours identitaires.
Saint-Alban et la psychiatrie institutionnelle : Interne à hôpital psychiatrique de Saint-Alban auprès de François
Tosquelles. Médecin anti-franquiste qui pratique psychiatrie institutionnelle et occupationelle fondée sur l'organisation
collective et participation des patients à des tâches collectives.
L'expérience algérienne
La lutte contre l'école psychiatrique d'Alger : En 1953 nomination comme médecin à Blida en Algérie. Aucun
connaissance préalable de situation complexe algérienne. Tente d'appliquer méthodes apprises à Saint-Alban et s'oppose à
psychiatrie véhiculant des clichés colonialistes contre populations algériennes (vie passive, crédulité etc...).
Les premiers contacts avec le FLN : En 1955 premiers contacts avec le FLN. Soigne les blessés et approvisionne
FLN en médicaments par biais de son poste à Blida. Suite à des menaces de mort, il démissionne par une lettre très
critique et se fait expulser d'Algérie.
Au service de la cause algérienne
L'exil à Tunis : 1957: arrive à Tunis, capitale du FLN en exil. Crée première clinique psychiatrique de jour
d'Afrique à l'hôpital Charles-Nicolle, notamment pour soigner les victimes des tortures françaises. Tient une tribune dans
El Moudjahid du FLN, y dénonce régulièrement les manquements de la gauche française à l'égard de l'indépendance.
106
L'ambassadeur du gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) : En 1958 il est nommé
représentant du GPRA en Afrique. Publie L'an V de la révolution algérienne, étude des conséquences de la révolution sur
les Algériens. Livre trouve rapidement public dans les mouvement « tiers-mondistes ». Envoyé à Accra par le FLN, car
situation militaire se détériore donc front diplomatique devient important, mais aussi car son approche révolutionnaire
théorique dérange. Diagnostiqué d'une leucémie.
L'écriture des Damnés de la terre :
Au cours d'année 1961 voyage à Moscou. Dans cette même année écriture des Damnés de la terre, préfacé par Sartre.
Description de monde colonial pétri de violence des colons à laquelle colonisées ne peuvent répondre que par violence,
libératrice et non purificatrice. Dénonciation des bourgeoisies nationales (même africaine), importance des paysans
comme principale force motrice de révolution.
107
La plantation
Système de plantation est indissociable d'ancien régime colonial. Dès colonies portugaises et espagnoles
d'Amérique Latine, modèle passe dans les Antilles par intermédiaire des Hollandais et concerne de nouveaux produits
(tabac, café, coton). Entre 1850 et 1950 système de plantation demeure une caractéristique des sociétés coloniales
tropicales avec à la fois essor et modernisation. Au XIXème siècle prolifération des « plantations » dans Afrique encore
indépendante (Egypte, sultanat de Zanzibar), à Sao Tomé, aux Indes néerlandaises, en Inde, en Indochine, aux
Philippines, en Angola, au Kenya etc... Dans le même temps transformation des plantations en entreprises agricoles ou
agroindustrielles hautement capitalistes. Plantation est, selon Manuel Moreno Fraginals, une unité vouée à production
d'une seule matière première agricole, ou d'origine agricole, destinée à l'exportation. De fait repose sur exploitation de
conditions naturelles favorables, terres à faible prix et surtout main d'oeuvre à bas prix, travailleurs serviles ou sous
contrat. Plantation est lieu de production, mais aussi une microsociété avec expression des contrastes et contradictions des
sociétés coloniales.
Révolution industrielle dans les sucreries
Sucreries reposent sur association sur une même propriété des terres consacrées à la canne, de l' « engin à sucre »
(moulin, chaudière etc...), de l' « atelier » (équipes chargées de la fabrication de la canne à sucre), de la maison du maître,
des cases des esclaves ou ouvriers agricoles, des bêtes de somme etc... A partir des années 1840 développement des
« usines centrales » et des raffineries mécanisées. Améliorer production de sucre est impératif pour faire face à
concurrence de sucre de betterave d'Europe. Peu à peu séparation entre récolte de canne et fabrication de sucre. Usines
centrales nécessitent lourds investissements donc entrée de nouveaux venus dans cercle fermé des aristocrates du sucre.
Introduction du capitalisme et des sociétés anonymes chez les Békés et les planteurs. Sucreries traditionnelles tendent à
disparaître ou se reconvertir dans la distillerie de rhums. De fait en Martinique présence de 564 sucreries en 1869 et plus
que 423 en 1882. Développement des usines va de pair avec électrification et développement du chemin de fer. Souvent
l'usine centrale domine ensemble d'économie des alentours en possédant le grand magasin local, l'hôtel, les logements des
ouvriers, le casino et le bordel. Transformations plus ou moins perceptibles dans ensemble des régions fabricant du sucre
de canne, notamment Java ou le Natal.
Les plantations, piliers de la « mise en valeur »
Hollandais et Britanniques plus dynamiques pour moderniser plantations e diversifier production. Autorités
coloniales et impériales s'appuient sur jardins botaniques pour acclimater plantes et choisir variétés les mieux adaptées
localement. Possibilité également d'étudier à l'étranger et rapporter des semences, parfois par vol. Exemple de Robert
Fortune qui étudie thé en Chine entre 1842 et 1845. Importance du caoutchouc à partir de dernier quart du XIXème siècle
puisque demande croît en Europe et Amérique du Nord avec développement d'automobile, cyclisme, pneumatiques etc...
A origine caoutchouc est « produit de cueillette » avec Amazonie brésilienne et Congo belge comme principaux
producteurs et exportateurs. Implantations d'hévéa à Ceylan et vers 1900 début de bonne production à Ceylan et en
Malaisie. Avant 1914 fédération devient premier producteur mondial. Présence d'hévéa également à Sumatra, Java, en
Birmanie, Nouvelle-Guinée. Présence d'hévéas près de Saigon, en Indochine, à partir de 1898, mais bonne production
uniquement à partir de 1915. A partir de 1926 Vietnam devient 3ème producteur mondial.
La société des plantations : planteurs et main d'oeuvre
Plantations sont monde cosmopolite et hétérogène tant parmi planteurs que millions de travailleurs. Nombreux
domaines sont propriétés de sociétés anonymes, entreprises, banques avec à la tête des employés. A Sumatra capitaux
108
viennent de Singapour, mais aussi de Français, Belges et Britanniques pour caoutchouc, palmiers, huile et thé. Au Bengale
et Assam plantations de thé appartiennent à Britanniques (30 Indiennes contre 650 Britanniques en 1911). Sujets
coloniaux y participent et pas que comme prolétariat agricole. De fait ils dominent certains secteurs et amassent parfois
grosses fortunes. Cas du Nigeria, Sénégal, Ouganda, Gold Coast et Côte d'Ivoire. A différence des plantations
européennes exploitations indigènes recourent à main d'oeuvre locale ou migrants venus de territoires voisins. Plantations
européennes sont une des principales causes des flux de travailleurs, notamment coolies chinois à Cuba, Indiens dans
plantations de canne à sucre du Natal, Tamouls et Chinois en Malaisie, Javanais à Sumatra etc... Conditions de vie très
souvent misérables. Exemple de plantations d'hévéas en Malaisie où travailleurs logés dans baraquements insalubres, sans
sanitaires et promiscuité. Importance de prolifération d'opium, alcool et maladies vénériennes. Dans années 1920 mise en
place de mesures d'amélioration de conditions par administration et mortalité recule. Plantation entre 1850 et 1950 perd
peu à peu attributs aristocratiques et néoféodaux à part dans imagerie pour devenir expression de capitalisme sous les
tropiques.
109
Le port
Ports jouent rôle crucial dans processus de colonisation et d'exploitation. Parfois développés à partir des
comptoirs ou factories hérités de période précédente, deviennent instruments essentiels d'intégration des colonies dans
circuits économiques impériaux. A partir des villes s'effectuent prise en main et réorganisation des arrière-pays. Cité
portuaire s'impose comme capitale coloniale par excellence. Exemples d'Alger, Dakar, Calcutta ou Batavia (actuelle
Jakarta, Indes néerlandaises). Sont lieux principaux d'implantation des communautés européennes attirant marchands et
marins venus de lieux différents, ports coloniaux rassemblent sociétés urbaines complexes, lieux de cohabitation et de
ségrégation entre populations très diverses. Ports sont aussi espace de formation de nouveaux groupes sociaux
(bourgeoisie
d'indigènes
et
prolétariat
urbain,
dockers).
Un rôle militaire
Ports jouèrent rôle important dans conquête des territoires coloniaux. Exemple d'Haiphong qui sert de point de
débarquement au corps expéditionnaire français. De même port de Lagos est base arrière de conquête britannique. Rôle
militaire des ports ne s'arrête pas avec achèvement de conquête puisque implantation d'arsenaux et orchestration de
mobilisation militaire dans les colonies. Exemple de Bombay avec rôle capital de base arrière dans front mésopotamien
de Première Guerre mondiale.
Les points névralgiques du commerce impérial
Processus de colonisation bouleverse les circuits d'échange préexistants au profit de certaines grandes villes
portuaires. Exemple d'Afrique noire où colonisation entraîne déclin de villes au terminus de commerce transsaharien
comme Gao. Destins des comptoirs africains liés aux évolutions du commerce colonial. Ports négriers tels que Gorée ou
Porto-Novo sont délaissés après fin d'esclavage alors que ports dédiés à commerce avec Asie, Mombasa ou Zanzibar,
connaissent fort dynamisme. Avènement de domination coloniale entraîna création de nouvelles cités, essentiellement des
ports maritimes (Dakar, Conakry, Pointe-Noire etc...) ou fluviaux (Kaolak au Sénégal ou Coquilhatville au Congo belge).
Dans tous les cas importance de forte croissance de ces fondations. Exemple de Dakar, créée en 1857, qui compte
100.000 habitants en 1936 et 230.000 en 1951. Cités portuaires concentrent essentiel des grands travaux d'infrastructures.
De fait routes et chemins de fer sont destinés à les reliés à leur arrière-pays. Exemple d'ensemble de réseau ferroviaire
d'Indochine qui convergeait vers Haiphong et Saigon. Importance des travaux entrepris pour adapter installations à
mutations des échanges maritimes, notamment accueil des bateaux à vapeur puis aux cargos. Au départ infrastructures à
charge du secteur privé, mais très vite prise en main par secteur public. Importance des investissements du fait de rôle
capital dans économie impériale (économie de traite notamment). Expansion des échanges s'accompagna
d'industrialisation limitée et le plus souvent ports sont cantonnés à rôle commercial. Certains ports coloniaux, Porto
Grande sur l'île de San Vicente ou Hong Kong, situés sur des îles doivent expansion à situation géographique et rôle
d'entrepôt pour réparation et ravitaillement en charbon des bateaux à vapeur. Développement de Singapour grâce à statut
de port franc et entrepôt d'Asie du Sud-Est pour caoutchouc et riz.
Des sociétés urbaines complexes
Ports furent principal lieu d'implantation des communautés européennes dans colonies. Exemples de Rabat et
Casablanca où Européens sont 1/3 de population. Européens sont composés de marchands et leurs employés puis, suite à
prise en main des territoires, de nombre croissant d'administrateurs coloniaux ainsi que travailleurs blancs amenés par
développement des infrastructures de transport et industries (conducteurs de locomotives, marins, contremaîtres etc...).
Demeure qu'Européens étaient minoritaires dans population totale des ports, notamment 7% à Batavia en 1930 ou 3% à
110
Calcutta en 1900. Essor de commerce a attiré nombreuses communautés de marchands, locaux ou étrangers,
intermédiaires indispensables pour Occidentaux dans désir de se procurer des matières premières et écouler les
marchandises à l'intérieur. Exemple de dynamisme de Singapour notamment grâce à installation des commerçants chinois
et Chettiar. Groupes de marchands donnèrent parfois naissance à bourgeoises locales avec emprise forte sur les villes et
leurs institutions. Essentiel de main d'oeuvre des ports est non-européenne, mais pas forcément homogène
puisqu'Européens firent appel à populations étrangères pour certains travaux. Phénomène important dans grandes villes
portuaires d'Asie du Sud-Est, notamment Kuala Lumpur (75% de Chinois en 1901 puis 62% en 1931). Contacts très
limités entre les différents groupes urbains. De fait mise en place de politiques de ségrégation plus ou moins clairement
affichées selon espaces. Exemple de Singapour où Britanniques cherchèrent à délimiter des quartiers résidentiels destinés
à chacun des groupes (Chinois, Indiens hindous, Malais musulmans etc...) tandis qu'Européens étaient regroupés dans
centre. Même dans espaces où habitat mêlé, grands ports indiens par exemple, marchands européens disposent de lieux de
sociabilité exclusifs longtemps fermés aux élites non-européennes. Marins et dockers étaient massés dans quartiers
proches des quais. Existence de contrats, 6 mois ou un 1 an, pour marins indiens, forte précarité de travail des dockers. De
fait nombreux contrats journaliers, comme à Bombay où 70% des dockers sont journaliers en 1920. Logement des marins
indiens en attente d'engagement selon origines régionales dans pensions appelés deras (travailleurs du Nord-Ouest) ou
lattis pour les Konkanis. Groupes de travailleurs connurent formes d'organisation qui se matérialisèrent par grèves,
comme grève générale des dockers de Mombasa au Kenya en 1947. Au Mozambique organisation des dockers de
Lourenço-Marques et luttes sporadiques. Enfin, ports furent haut lieu d'exploitation sexuelle des femmes. Présence de
nombreux bordels, mais aussi certaines villes jouent rôle crucial dans organisation des filières de prostitution. Exemple de
Singapour où recrutement pour les bordels de la ville de femmes de Canton et Shanghai.
111
La mine
Exploitation des richesses minières préexistait à arrivée des Européens, mais sous colonisation apport de
techniques et capitaux porte extraction à autre échelle jusqu'à devenir dans certains espaces, Congo belge ou Afrique
australe par exemple, le fondement des économies coloniales. Essor d'industrie minière entraîne profondes mutations dans
sociétés locales avec sortie de terre de villes-champignons et importants besoins de main d'oeuvre conduisent à mise en
place de système de recrutement et de contrôle social très répressif. Mine fut un des principaux instruments de
prolétarisation des peuples colonisés.
De la prospection à l'industrie
Imaginaire européen nourri de légendes des richesses des sous-sols africains et asiatiques. Afrique de l'Ouest
suscite fortes convoitises au XIXème siècle avec or et diamants de Gold Coast, étain du Nigeria. Importance également
des ressources d'Afrique australe puisque présence d'or et diamants en Afrique du Sud, diamants et cuivre au Congo
belge. Exemple des mines sud-africaines qui, en 1914, fournissent 40% d'or mondial et 70% des diamants. Essor
d'industrialisation pousse également à mise en exploitation des mines de charbon, notamment au Tonkin avec exportations
vers Chine et Japon ou bassin houiller indien de Raniganj à cheval sur Bihar et Bengale. Au départ extraction faite par
particuliers et petites entreprises, mais très vite passe sous contrôle de grandes compagnies capitalistes en mesure
d'assumer investissements en équipement. Exemple de Gold Coast où présence de 476 exploitations orpailleuses en 1880
et plus que 13 en 1904. Concentration entre mains de grandes compagnies capitalistes d'exploitation minière mène à
marginalisation des populations indigènes qui parfois, comme à Kimberley en Afrique du Sud, peuvent garder petites
concessions dans mine la moins rentable. Mines créent également de fortes tensions entre colons. Cas des capitalistes
britanniques, possesseurs de 60 à 80% des mines, en Afrique du Sud à la fin des années 1890 qui critiquent politique
économique d'Etat du Transvaal dirigé par des Boers.
Les villes minières, des villes-champignons
Mise en exploitation massive des ressources minières entraîna apparition de villes-champignons. Ces villes
connurent croissance démographique soutenue. Exemple du Kolar Gold Field dans l'Etat princier de Mysore qui comptait
24.000 habitants en 1891 et environ 135.000 en 1941. Certaines de ces villes, notamment lors d'absence de grande ville à
proximité, atteignirent rôle de grande ville avec fonctions diversifiées. Exemple de Johannesburg. Lors de découverte d'or
en 1886 essentiellement camp de mineurs puis forte croissance et environ 240.000 habitants avec construction en dur,
industrie de l'or, mais aussi diversification avant Première Guerre mondiale. En 1936 ville compte plus de 500.000
habitants avec secteur tertiaire. Essor de cités minières modifie profondément campagnes environnantes. De fait
constructions importantes d'ifrastructures de desserte (routes, voies ferrées), de chauffage ainsi que pourvoi aux besoins
alimentaires
des
nouvelles
populations.
Recruter et discipliner la main d'oeuvre
Mise en valeur des mines nécessite main d'oeuvre nombreuse. Dans colonies peuplées comme Inde pas de
problème et mineurs recrutés par contrat, par biais d'intermédiaires indiens, et migrations vers mines se fait en famille. En
Afrique manque de main d'oeuvre contraint à mise en place de mesures coercitives contre populations africaines et mise
en place de système de migrations de main d'oeuvre à grande échelle. Afrique du Sud eut recours au pass pour contraindre
ses populations indigènes au travail salarié et en 1900 création de la Witwatersrand Native Labour Association (WNLA)
avec mission de recruter mineurs notamment par biais de contrats avec autorités portugaises du Mozambique. Dès 1901
monopole du recrutement en Mozambique pour la WNLA.En 1906 mineurs mozambicains représentaient 65% de main
112
d'oeuvre des mines d'or sud-africaines puis 31,5% en 1946. Importation de coolies chinois à partir de début XXème siècle
a pour but de faire baisser les salaires des autres mineurs. Existence de fortes hiérarchies au sein des populations main
d'oeuvre, cette hiérarchie instrumentalisant les divisions « raciales ». Grande majorité des travailleurs qualifiés
(ingénieurs, contremaîtres etc...) étaient Blancs, au départ en provenance d'Angleterre puis progressivement de population
blanche locale. Apparition de prolétariat blanc poussa renforcement et systématisation de discrimination en Afrique du
Sud. Mise en place de politiques de discrimination par les compagnies dès fin XIXème siècle pour empêcher unification
des travailleurs indigènes et travailleurs Blancs s'unissent et obtiennent droits politiques en 1910 et en 1924 la réservation
de certains postes. Même logique de distinction en Indochine avec Vietnamiens souvent manoeuvres alors que Chinois
sont souvent les ouvriers qualifiés. De même en Tunisie avec recrutement de travailleurs au Maroc et en Tripolitaine.
Travailleurs les moins qualifiés subissaient des conditions de travail très dures. Exemple de mines du Kolar Gold Field où
mineurs travaillent à 2.500 mètres de profondeur avec température moyenne de 55°C. Galeries ne possèderont ventilation
qu'à partir de 1936. En Afrique du Sud morts relativement peu élevées, mais accidents fréquents. Salaires bas et
obligation pour travailleurs d'habiter dans cabanes de bambou à proximité de mine. Très peu de constructions en dur,
environ 100 sur 10.500 dans mines du Kolar Gold Field. Volonté de contrôle de main d'oeuvre et conceptions racistes
mène à instauration de mesures dans cadre de système social coercitif. De fait criminalisation d'ensemble de main
d'oeuvre. Exemple d'introduction de fouille à nu quotidienne des travailleurs africains à sortie de mine tandis que mineurs
blancs pouvaient garder vêtements. Même dispositif de criminalisation avec le Mysore Mining Act en 1897, sauf
interdiction de fouilles à nu, mais mise en place de punitions sévères. Importance de caractère répressif de système mis en
place en Afrique du Sud puisque vers milieu années 1880 mise en place de quartiers fermés avec ensemble des
travailleurs africains, les compounds, par les compagnies. A partir de 1923 légalisation de pratique avec possibilité pour
autorités locales de confiner ensemble des Africains (plus seulement mineurs, dans des lotissements spécifiques, les
townships. Malgré contrôle social développement de multiples résistances, que ce soit fuite ou mise en place de
mouvements collectifs. Exemple de mouvement de protestation à Kimberley suite à instauration des compounds, mis à
bas grâce à briseurs de grève. De même dans mines du Kolar Gold Field protestation victorieuse après imposition
d'identification des empreintes digitales en 1930. Enfin, en Tunisie grève générale des mineurs de Gafsa réprimée dans
sang, mais ce seront premiers travailleurs à obtenir droits sociaux.
113
La station d'altitude
Stations d'altitude sont villes dédiées au repos et aux soins des Européens sous les tropiques. Importance de
Baguio aux Philippines, Simla en Inde, Dalat en Indochine ou Camp Jacob en Guadeloupe. Ces lieux sont conçus comme
enclaves blanches en territoire colonial, mais côtoiement de familles blanches avec enfants et d'importante domesticité
indigène. Fonctionnement de ces sociétés coloniales artificielles révèle société idéale du colonisateur et prégnance des
barrières raciales.
Du sanatorium militaire à la station d'altitude
La hantise du climat tropical : Hantise des climats chauds est à origine de fabrication des enclaves d'altitude dans
les colonies. Idée que colonies sont milieux hostiles sanitairement du fait de nombreuses maladies liées à forte chaleur,
mais aussi à vie dissolue des colonisateurs là-bas et de proximité avec colonisés. Pour lutter contre cela nécessité
d'extraction des colonisateurs de ce milieu avec idée que reproduction de conditions européennes permettent de lutter
contre pathologies physiques et morales des colonies.
Centre de soin, centre de loisirs et capitale politique : Nombreuses stations d'altitude sont au départ des
sanatoriums militaires ou des lieux de repos pour officiers, mais elles sont rapidement investies par civils. Exemple de
station de Nuwara Eliya au départ sanatorium militaire et arrivée de civils à partir des années 1870. Augmentation
d'attractivité de lieu par construction de route puis chemin de fer. Dans Empire britannique suite aux révoltes de 1857
stations d'altitude considérées comme refuges et sont capitales d'été des fonctionnaires du Raj à partir des années 1860.
Exemple de gouvernement de Madras qui passe 6 mois/an à Ootacamund. De même pour quartiers généraux des armées à
la même période. Fort mécontentement des indigènes et critiques des nationalistes indiens dans l'entre-deux-guerres.
Villes blanches et théâtre colonial
Paysages artificiels : Paysage et architecture des stations expriment volonté de créer un environnement spécifique.
De même importance du choix des lieux. Centres d'estivage militaires sont aménagés pour forger paysages qui rappellent
ceux des métropoles. Exemple des Britanniques qui créent jardins où poussent fruits européens à Penang en Malaisie
britannique. Architecture est articulée autour de souvenir de métropole. Existence de plans d'urbanisme dans certaines
stations, notamment Antsirabé à Madagascar ou Dalat en Indochine, et importance de ségrégation au sein des plans
puisque prévision d'organisation de villages indigènes autour de ville ainsi que de quartiers ethniques au sein de ville de
Dalat.
Se sentir chez soi : Difficultés et coûts de retour en métropole pour fonctionnaires expliquent volonté de recréer
petites patries dans les colonies. Environnement urbain et naturel des stations tend à vouloir recréer univers familier, ainsi
que de reproduire formes de sociabilité métropolitaine (églises, écoles chrétiennes, champs de courses etc...). Volonté de
faire de ces lieux des conservatoires des structures sociales qui garantissent cohésion de communauté blanche. Stations
participent à création des identités coloniales en montrant différence entre colonisateurs et colonisés. Dans colonies
françaises exclusion des indigènes ou réservation de sources à part des Blancs.
Une nurserie coloniale ? : Importance de concentration exceptionnelle de femmes et d'enfants dans stations
d'altitude donc idée que ce sont lieux stratégiques pour reproduction des familles et des valeurs éducatives et domestiques
d'Angleterre victorienne. De fait dans station d'Ootacamund femmes sont 40% de population en 1901 et 53% en 1921.
Recherche des bienfaits d'air pur pour jeunes enfants et alternative intéressante à métropole pour parents ne pouvant pas y
envoyer leurs enfants. Par conséquent développement d'écoles, notamment avec ouverture de lycée à Dalat en 1927.
Parfois possibilité pour enfant d'élite colonisée d'accéder à ces écoles, notamment dans cas de Dalat dès 1934.
Concentration de femmes fait que réputation des stations d'altitude comme lieux de rencontre pour faire beaux mariages.
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L'enclave : de la ségrégation à l'indigénisation
Ségrégation spatiale : Stations sont lieux où ségrégation est la plus manifeste dans l'espace. Organisation de
station peut être lue comme métaphore de ce qui se passe à échelle de colonie. Sites d'altitude favorisent organisation
urbaine étagée avec riches sur les hauteurs et travailleurs pauvres dans les villages bas. Dénivellation naturelle favorise
cloisonnement racial, voire même invisibilité des sociétés indigènes dans stations himalayennes. Néanmoins, paradoxe
puisque nécessité d'importante main d'oeuvre indigène, apportée pour construction des infrastructures et travaux
quotidiens (portage des Européens etc...) ainsi que résidents de base. Préoccupation des conditions de logement et de
surpopulation des villages indigènes de la part des autorités puisque'existence et diffusion d'épidémies ébranle raison
d'être de station. Exemple d'Ootacamund où destruction du bazar principal après peste de 1903 et relogement des
populations plus loin du centre européen.
L'indigénisation des stations : Très tôt en Inde puis un peu plus tard dans les autres empires, élites colonisées
peuvent accéder aux stations. Exemple de seigneur de Mysore qui s'achète une propriété à Ootacamund en 1873. Au
départ touche d'exotisme acceptée du fait de valeurs aristocratiques partagées, mais emprise foncière des princes tend à
exacerber les crispations. Par conséquent mise en place d'interdictions pour limiter arrivée des princes, notamment avec
interdiction pour princes d'Etats autonomes d'acheter des terres en territoire britannique. Néanmoins, possibilité pour
nobles indiens du Raj de venir s'installer. Très souvent volonté de la part des princes d'approcher les sphères de pouvoir et
d'asseoir standing. De même en Indochine avec présence de riches vietnamiens, dont empereur Bao-Dai, ainsi que riches
touristes asiatiques à station de Dalat. « Indianisation » parallèle avec désaffection progressive de nombreux sites
d'altitude par les Européens. De fait fin d'usage colonial des stations d'altitude commence dès années 1930.
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Lieux de soins : hôpitaux et dispensaires
Médecine l'occidentale tend à s'organiser dans cadre de visites à domicile et hôpitaux. Dans colonies hôpitaux
militaires ou de marine sont dans villes et d'abord pour Européens (soldats, marins, civils) pour soigner les
« colonialites » à l'instar des stations d'altitude. Hôpitaux sont parfois ouverts aux indigènes, mais souvent pour eux
dispensaires missionnaires sont seules structures d'accueil. En même temps que système de santé publique, mise en place
de
lieux
de
soins
et
volonté
d'autorités
coloniales
d'y attirer
plus
de
gens
possible.
Lieux de soins, lieux de mission : Jusqu'à fin XIXème siècle médecins missionnaires pratiquent dans locaux de
mission ou louent bâtiments non prévus pour cela. Progressivement établissement de bâtiments spécifiques. Dispensaire
et hôpital de mission sont considérés comme « aimants ». Hôpitaux militaires peuvent accueillir indigènes, notamment en
Algérie, mais ceux-ci répugnent à se faire soignés dans hôpitaux français. En réponse à cela volonté de mise en place de
structures destinées aux indigènes avec respect de religion musulmane. Début d'expérience en 1874 avec monseigneur
Lavigerie puis poursuivie par gouvernement Cambon durant années 1890 avec ouverture d'hôpitaux indigènes dans sud
d'Algérie et Kabylie. Après Deuxième Guerre mondiale agrandissement des hôpitaux de mission et traitements de plus en
plus impersonnels et techniques. Seules les léproseries sont encore véritablement missionnaires.
Combiner hôpitaux et dispensaires pour assister les indigènes : Fin XIXème structuration de prise en charge de
santé des populations indigènes notamment dans empire français dans cadre d'Assistance Médicale aux Indigènes. De fait
en Algérie multiplication des infirmière indigènes avec 14 en 1903 et ceux-ci sont transformés en hôpitaux indigènes
durant les années 1920. Dans reste d'empire français organisation sanitaire repose sur répartition de lieux de soins établie
d'après découpage politique et administratif existant. Au départ installations sommaires (postes de secours etc...) puis peu
à peu des établissements de mieux en mieux équipés, notamment hôpitaux avec nécessairement maternité, salle
d'opération, laboratoire ainsi que services spécialisés, outre cuisine et buanderie. Populations indigènes refusent
hospitalisation puisque coupure avec leurs familles et laisse corps sous regard médical étranger. Préfèrent dispensaire car
soins plus rapides, mais aussi plus sommaires. Indigènes sont admis dans services ou pavillons particuliers dans hôpitaux.
Dans grandes capitales, notamment Dakar en 1912 ou Tananarive en 1929, construction d'un second hôpital pour eux.
Mise en place de formations de type hospitalier dans chefs-lieux de cercle ou de subdivision. Néanmoins, durant années
1930 inspection et nombreux postes d'assistance ne possèdent pas maternité, dispensaire et « case d'hospitalisation ». De
même bâtiments souvent en mauvais état. Mise en place de travaux de remise en état durant années 1930.
La densification de la couverture médicale : Néanmoins, AMI met peu à peu en place un système extensif de
soins. En 1905 présence en AOF de 3 hôpitaux et quelques infirmeries et en 1945 9 hôpitaux et 852 formations médicales.
En Indochine multiplication des hôpitaux, infirmeries, cliniques, dispensaires, postes d'assistance, maternité et
laboratoires de bactériologie en accord avec Institut Pasteur. En Afrique Orientale Britannique uniquement à partir des
années 1920 que mise en place de nombreux dispensaires ruraux autour d'un hôpital central. Exemple du Kenya en 1932
où présence de 17 hôpitaux permanents et 10 temporaires ainsi que 77 dispensaires permanents et 30 temporaires.
Amélioration de couverture médicale sans que accès aux soins soit égal pour toutes populations dans tous les territoires.
De fait au Nigéria 12 hôpitaux pour 4.000 Européens alors que 52 hôpitaux pour 40 millions d'Africains. De même en
Indochine grande disparité territoriale, notamment entre villes et campagnes et entre Vietnam et Laos et Cambodge, souséquipés.
Quelle spécificité des hôpitaux dans les colonies ? : Hôpitaux dans colonies sont souvent baraques en bois
pendant période de conquête, mais aussi, comme en Algérie, que bâtiments existants (palais, mosquées) soient aménagés
en hôpitaux. Dans empire français hôpitaux sont souvent structure pavillonnaire entourés de jardins. Hôpitaux dans zones
tropicales plutôt des bâtiments surélevés pour éviter humidité du sol ainsi que grandes et hautes salles aérées. Matériaux
utilisés dépendent de région. Volonté de recherche architecturale pour hôpitaux des capitales et des grandes villes,
notamment hôpital Grall de Saigon.
L'extension des consultations pour femmes : Action particulière menée vers femmes. Exemple de Frances Hoggan
qui, avec appui de National Indian Association, lève fonds pour construction d'hôpital pour femmes au cours des années
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1880. De même volonté de pouvoir de permettre à provinces indiennes de disposer d'écoles d'accouchement, maternités,
écoles pour garde-malades et d'écoles de médecine pour femmes. En 1896 existence en Inde de 133 hôpitaux dont
personnel est strictement féminin et partiellement indigène. En Indochine maternités et autres lieux d'accouchement sont
seule manifestation d'AMI en zone rurale. Congo belge met en place réseau de centres de consultation maternelle et
infantile (consultations prénatales, maternités, écoles de sages-femmes, orphelinats etc...) sans équivalent dans Afrique
coloniale sub-saharienne. En 1938 gouvernement subventionne 262 centres de consultation infantile et création par
nombreuses compagnies privées (Union minière, Huilever etc...). En 1956 existence de 884 centres de consultation qui
permettent de toucher 1/3 des enfants 0-2 ans.
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La prison
Aux colonies administration de punition inclut châtiments corporels, parfois légalisés, mais contrairement à ce
que dit Foucault, implantation du système carcéral n'est pas totalement accompagné par implantation des autres
« appareils disciplinaires » (armée, usines et hôpitaux) donc domination coloniale repose d'abord sur coercition.
Une greffe du colonisateur
L'enfermement comme peine : Recherches sur formes de répression pénale dans sociétés précoloniales imparfaite,
mais dans nombreux cas ignorance de peine d'incarcération. Existence d'enfermement, notamment dans sociétés
esclavagistes, mais pas pour punir crimes et délits et ne résultait pas de sentence prononcée par tribunal. Argument
d'amélioration des conditions d'exécution de justice pénale par colonisateur, mais pratiques concrètes de colonisateur
(peines de mort exécutées en public pour exemplarité, pérennisation des châtiments corporels etc...) vient en contradiction
avec discours. Développement de systèmes pénitentiaires accompagne implantation de systèmes judiciaires où
importance de détention.
L'incarcération de proximité comme trait marquant : Pas idée de reproduire systèmes carcéraux européens
puisque répression pénale aux colonies ne passe qu'en partie par justice, l'autre partie étant par administrateurs avec
peines d'amendes. Dans empire français utilisation du régime de l'indigénat et cette forme de répression elle la plus
pratiquée pour punir refus de payer impôt, refus de convocation aux corvées et réquisitions. Par conséquent punition
coloniale est avant punition de proximité. Systèmes carcéraux coloniaux sont très décentralisés avec présence de lieux
d'enfermement jusque dans villages, la geôle municipale. A partir de 1937 mise en place de prisons de cercle en Guinée
française. Très peu de bâtiments carcéraux sont en dur, uniquement prison de Conakry et de Fotoba en Guinée française.
Du fait de ce système très décentralisé importance numérique des condamnés, environ 10% de population masculine au
Congo belge avant Deuxième Guerre mondiale. A pratique quotidienne s'ajoute incarcérations massives suite à
répressions avec réquisition de lieux d'enfermement temporaires, notamment à Bombay durant entre-deux-guerres.
Des lieux de châtiment...
Un régime des plus durs : Administration coloniale pensée comme administration à moindre frais donc prisons
aux conditions de vie difficiles. Tout ceux qui voulaient réformer système carcéral se voyaient opposés contraintes
budgétaires. Présence dortoirs collectifs surpeuplés avec présence de nattes à même le sol. Installations sanitaires et soins
médicaux quasi inexistants. Importance de surpopulation carcérale avec à Dakar jusqu'en 1938 400 à 450 détenus pour
200 places. Installation de système d'eaux usées uniquement à partir de 1924 et latrines dans dortoirs comme sources
d'infections. Importance de dysentrie, choléra, malaria en Inde parmi détenus.
Une mise au travail profitable : Travail des détenus non pour réhabilitation morale, mais pour motifs uniquement
économiques, volonté de profiter de main-d'oeuvre carcérale pour colonisation. Exemple des détenus de centrale de
Cnoakry en Guinée française qui ont participé à construction de voie ferrée Conakry-Niger à côté des travailleurs forcés.
Importance d'emplois de détenus en Afrique. Travail des détenus permettait d'alimenter budgets pénitentiaires et
possibilité de location de main-d’œuvre pour particuliers. En Inde emploi de détenus sur chantiers extérieurs pas
privilégié pour raisons de sécurité (craintes d'évasion), mais développement de fabriques au sein des prisons par les
Britanniques avec spécialisation selon les établissements (sac de jutte à Calcutta, travail de laine à Agra etc...). Toutefois,
recours à travailleurs pénitentiers pas toujours bien vus, notamment par entrepreneurs qui se plaignent de concurrence au
début du XXème siècle en Inde. De même en Algérie refus de travail extérieur des détenus algériens à partir des années
1890 puisque démonstration que travail souvent mauvais.
La discrimination, jusque dans l'enfermement : Etat matériel des prisons fait que souvent ensemble des détenus
sont ensembles même lorsque séparation en catégories distinctes (hommes/femmes, mineurs/majeurs etc...) est une règle
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établie. Souvent, notamment au Sénégal, femmes incarcérées font tâches domestiques au sein de prisons et mineurs
relèvent d'établissements spécifiques avec rééducation par travail agricole. Importance de reproduction de colour bar
d'ensemble de société coloniale au sein des prisons. Exemple de prison de Conakry où détenus Blancs sont en attente de
jugement et si condamnés ils font peine de prison en métropole. Dans cas de travaux forcés Blancs sont envoyés en
Guyane alors que Noirs à Fotoba. Traitement différencié entre vagabonds européens et indigènes dans empires français et
anglais. Exemple en Inde avec établissements spéciaux pour vagabonds européens. De même en Algérie avec soumission
des vagabonds indigènes à régime d'indigénat alors que pas pour les Européens.
… et des lieux de lutte
Des microsociétés ayant leur vie propre ? : Recrutement des gardiens au sein des détenus étaient source de
violence interne à société carcérale. Existence de rapport de force dont administration coloniale ne se souciait. En Inde si
grande importance de contrôle de prisons par prisonniers que prisons étaient hors de contrôle des autorités coloniales.
Permanence de hiérarchie des castes au sein de prison en Inde. En Indochine recrutement des gardiens parmi anciens
détenus, souvent communistes, fait qu'aide à prise de conscience nationale et politique.
Les politiques en prison : Importance des politiques parmi détenus comme trait spécifique des prisons coloniales.
Répressions des résistances (soulèvements, mobilisations de masse, démantèlement d'associations ou de partis)
comprenaient toujours un volet judiciaire. Pour lettrés et leaders politiques enfermement en prison est occasion d'écriture,
notamment Gandhi avec autobiographie au cours d'emprisonnement durant les années 1920. Pour parti communiste
indochinois prisons sont utilisées comme lieux de formation politique.
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Bombay
« L'Urbs prima in Indis », un centre du système impérial
Expansion des intérêts impérialistes d'Angleterre a requis mise en place de système de domination serré dont
villes, notamment ports, sont relais privilégiés. Bombay bon exemple de concentration des fonctions de commandement,
économiquement ou politiquement. A partir de 1818 Bombay est capitale de présidence avec présence des institutions de
gouvernement à échelle régionale, gouverneur et conseil puis, suite à réformes du début XXème siècle, conseil législatif
provincial et ministres ainsi qu'instances judiciaires les plus hautes, notamment High Court. En 1850 importance de
Bombay comme port. Au cours de seconde moitié du XIXème siècle renforcement de rôle dans commerce impérial et
devient premier port pour importations. De ce fait ville se dote de structures commerciales adaptées. Progressivement
éviction des commerçants indiens du commerce du coton donc ceux-ci ouvrent manufactures et Bombay connait
développement industriel important à partir des années 1850. En 1910 présence de 263 usines et 260.000 ouvriers. 2/3 des
capitaux des usines appartenaient à élites indigènes. Essor commercial et industriel accompagné de croissance
démographique soutenue. En 1864 800.000 habitants, plus d'1 million en 1911 et plus de 3 millions en 1948. Croissance
démographique grâce à flux migratoire, notamment hommes seuls.
Les transformations urbaines : faire de Bombay une grande métropole industrielle
Volonté de transformer Bombay en grande métropole industrielle donc priorité accordée aux transports. Travaux
de poldérisation et de création de docks d'abord aux compagnies privées puis à agence sous contrôle colonial. Ville
bénéficie d'ouverture des premières voies ferrées indiennes à partir de 1853 ce qui affermit relation de ville avec son
arrière-pays et relie ville à Deccan, zone de production de coton, et Gujarat, lieu de concentration des riches commerçants
indiens. A partir des années 1860 remodelement de coeur commercial et politique de ville avec destruction des remparts
en 1864. Importance des aménagements dans sud et est de Bombay, partie des élites, alors qu'aucun contrôle pour
développement des faubourgs au nord qui se taudifient rapidement. De même forte densification des quartiers anciens.
Dans l'ensemble détérioration des conditions sanitaires et peste de 1896. Suite à cela volonté de construction de logements
salubres pour plus démunis, mais jamais effectué. En 1918 ville compte 17.000 logements de moins qu'à l'époque de peste
du fait de destructions non remplacées. Uniquement à partir des grèves de 1919-1920 politique de construction de
logements des travailleurs. Ces constructions sont exceptions dans colonies britanniques, hormis colonies blanches.
Des puissantes élites urbaines indiennes
Idée que ville coloniale est espace duel avec ségrégation colonisateur/colonisé pas opératoire pour Bombay. De
fait forte présence dans ville d'élite indienne riche, notamment les Tata. Partage de quartiers européens avec riches
Indiens, mais aussi délégation de partie du pouvoir local aux élites indiennes, au sein de la Bombay Municipal
Corporation, pour que Britanniques n'aient pas à payer administration courante. Néanmoins, existence d'un droit de
regard des Britanniques. Elites urbaines ont fortement contribué à construction de ville, avec notamment fontaines,
bibliothèques, hôpitaux etc... Suivi par les élites indiennes des tendances architecturales européennes, notamment art-déco
durant les années 1930, pour revendiquer modernité industrielle et l'opposer à néogothique colonial.
Un haut lieu des mobilisations sociales et politiques
Importance de Bombay dans mobilisations antibritanniques. En 1908 suite à arrestation et condamnation de
nationaliste Tilak, grève massive des ouvriers du textile réprimée dans le sang. De même fort suivi pour campagnes
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lancées par Gandhi. Importance des succès électoraux des nationalistes à Bombay. A partir du début du XXème siècle
existence d'une assemblée municipale élue. Corps électoral par la suite élargi en 1922 à tous le hommes payant loyer de
plu de 10 roupies. A partir des années 1930 contrôle d'assemblée municipale par nationalistes. Importance de soutien des
petits marchands à Bombay, notamment ceux de communauté gujaratie, boutiquiers et artisans ainsi que professions
libérales. Rapprochement des élites marchandes indiennes du Congrès pour obtenir concessions fiscales et douanières.
Enfin, Bombay est lieu de mobilisations ouvrières précoces, notamment durant durant années 1880 et durant période
1917-1920, avec environ 200 grèves et 5 grèves générales entre 1919 et 1929. Fondation d'organisations syndicales
uniquement à partir de 1923. Avec grève générale de 1928, dirigée par des communistes, rapprochement entre autorités
coloniales et patronat de la ville et répression par la loi (interdiction des piquets de grève, des réunions publiques etc...) et
par force. Interdiction de Parti communiste en 1934.
Alger
En 1830 importance de destructions dans Alger qui firent quasiment disparaître ville ottomane. Par la suite ville
est mise aux normes françaises sans respect pour édifices sacrés. Importance d'exode urbain après conquête d'Alger. Dans
ensemble des villes d'Algérie importance de trace coloniale française, mais cas particulier d'Alger, avec Oran, puisque
principal foyer des Français d'Algérie.
Une ville française
Peupler : Dès 1846 population européenne est majoritaire à Alger, 42.000 sur 61.000 habitants. Cas exceptionnel
dans paysage urbain colonial où Européens sont tout le temps minoritaires. De même à Oran. Renversement de tendance
uniquement avec indépendance. Groupe des Français comprenait trois catégories : migrants, parfois naturalisés, et
descendants essentiellement du sud d'Europe notamment Espagne qui s'arrêtent dans les villes et s'emploient où ouvrent
petit commerce ; juifs suite à décret Crémieux de 1870 et militaires et fonctionnaires originaires de métropole et
travaillant dans services administratifs centralisés à Alger.
Construire : En 1860 Alger déjà dotée de lycée, palais de justice, bibliothèque, hôtel de ville, théâtre etc... Durant
décennie suivante construction d'hôtel des postes et du trésor, nouveau lycée, plusieurs sièges d'établissements bancaires
ainsi que basilique Notre-Dame d'Afrique. Importance également de développement des transports avec agrandissement
de port, aménagement de deux gares et lignes de tramways. En 1903 volonté du gouverneur Jonnart de préserver
patrimoine indigène. Durant entre-deux-guerres importance de période de modernisation notamment avec mise en place
du tout-à-l'égout, de gaz et d'électricité. A cette époque constitution des premiers bidonvilles.
Une grande ville de province ? : Port d'Alger sert d'abord aux échanges avec métropole et prend élan avec
ouverture du canal de Suez en 1869. Importance de baisse d'activité lors des deux guerres mondiales. Après 1945 essor et
Alger troisième port français. Importance de bibliothèque, du Musée des Beaux-Arts et d'université, fondée en 1909. Très
bons niveaux des équipements scolaires, médicaux et paramédicaux algérois avec dotations comparables à Lille,
Bordeaux ou Marseille. Possibilité d'emplois dans petites industries de transformation et port ainsi que ses activités
connexes (transport, commerce etc...). Durant Deuxième Guerre mondiale Alger est d'abord relais de Vichy avec
applications des lois antisémites puis capitale de Résistance à partir de 1942.
… enjeu d'une reconquête
Une ville à prendre : Essor de population urbaine d'ensemble d'Algérie au cours d'entre-deux-guerres du fait
d'exode rural. Toujours faiblesse des Algériens à Alger et Oran, mais majorité à Constantine en 1931. Puisqu'Alger est
avant tout lieu majoritairement européen, pas lieu de contestation politique durant années 1920-1930. Mouvements
nationalistes sont d'abord nés dans intérieur des terres. Importance de « bataille d'Alger » comme symbole de guerre
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d'indépendance.
Sociabilités algériennes : Algériens d'Alger avaient lieux de sociabilité propres. Importance des clubs sportifs et
associations au cours de période 1920-1930. Même si existence de ségrégations contre Algériens, ensemble des garçons
algérois étaient scolarisés dans le primaire alors que pourcentage global de scolarisation était de 15%. De même, faible
nombre d'Algériens dans le supérieur, mais augmentation avec intégration de filles en 1949.
« Un habitat d'Arlequin » : Accroissement de ville s'accompagne de clivage entre Français et Algériens, mais
clivage pas aussi net que dans autres villes coloniales. Pas réellement de ligne séparant espace européen et algérien
puisque quartiers dominants des deux communautés sont imbriqués. Enchevêtrement des quartiers pas synonyme de
mixité puisque séparation nette dans habitat. En 1954 importance des bidonvilles avec dégradation des conditions de vie
des Algériens.
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Urbanisme colonial et sociétés urbaines
Du fait d'importantes populations villes sont lieux privilégiés pour observer sociétés coloniales. Toutefois,
existence de villes avant colonisation donc plutôt villes en situation coloniale. Existence de villes créées de toutes pièces
par colonisateur, mais plupart du temps villes coloniales greffées sur villes existantes. Domination coloniale a
profondément modifié villes existantes dans morphologie et composition sociale. Sont aussi lieu des nombreuses
expériences et de toutes les ségrégations ainsi que de rencontre, métissage, confrontation sociale, reconfiguration
permanente des sociétés coloniales du fait de migrations rurales et surtout de contrôle des populations et d'exclusion.
Croissances urbaines en situation coloniale
Colonisation correspond à modifications dans hiérarchies urbaines et dans rythmes de croissance. Capitales
coloniales, souvent villes portuaires, connaissent croissance accélérée. Dans colonies croissance d'urbanisation concentrée
en une seule ville renforcée par grands travaux et aménagements entrepris par pouvoir métropolitain. Exemple de Dakar
qui passe de 1.500 habitants en 1875 à 18.000 en 1904. De même pour Le Cap avec 33.000 en 1875 et 78.000 en 1904.
Certaines villes sont produit direct des bouleversements induits par économie mondiale. Exemple de Lourenço Marques
comme village de 850 habitants en 1855 puis élevé au rang de capitale en 1898 et comme débouché portuaire essentiel
pour arrière-pays sud-africain ville compte 68.000 habitants en 1940. En Afrique noire urbanisation importante pendant
années 1940-1950. Croissances urbaines liées à augmentations de populations indigène et blanche, mais selon rythmes
différents. Colonisateurs s'installent dans villes et sont majoritairement urbains sur ensemble de période coloniale alors
que populations colonisées sont essentiellement rurales jusqu'à Deuxième Guerre mondiale. Extension urbaine au prix
d'appropriation des terres indigènes soit par achat ou par expropriation. Exemple d'Hanoi où Européens sont propriétaires
de 1/2 du sol privé, plus que Vietnamiens alors que 25 fois plus nombreux. Néanmoins, localement élites indigènes ont
utiliser stratégies spécifiques pour accaparer foncier, malgré lois du colonisateur. De fait immatriculation obligatoire est
prise comme possibilité de se faire reconnaître la possession de terres par les élites douala christianisées. A Lomé certains
chefs utilisent position d'autorité pour concession de vastes exploitations. En Inde investissement du foncier par les élites
parsies. Accaparement extérieur pas que fait des Européens. Exemple de Bobo Dioulasso, actuel Burkina Faso, où
accaparements par populations sénégalaises, guinéenne ou soudanaises.
La ville vitrine du pouvoir colonial
Ville est aussi résultat d'attention particulière des pouvoirs et aménageurs métropolitains puisque populations
blanches sont essentiellement citadines, notamment dans capitales. Idée de faire de ville vitrine du pouvoir colonial en
réinvestissant lieux imposants, notamment ancien palais du sultan de Zanzibar occupé par Britanniques, ou en
construisant bâtiments et monuments dont architecture est petit paysage de métropole tout en adaptant cela à ce qui est
considéré comme goût local ainsi que contraintes climatiques. Importance des mairies, théâtres et grandes postes dans
villes coloniales françaises d'Afrique et Indochine. En règle générale bâtiments officiels et militaires rappellent présence
coloniale. Imposition coloniale parfois dans plans de villes, notamment avec exemple de Khartoum reconstruite en forme
d'Union Jack en 1898. Néanmoins, architecture coloniale ne peut pas être lue comme uniquement une marque de
domination coloniale. Existence également d'hybridations entre colonisateur et colonisé dans matériaux de construction
ainsi que certaines formes architecturales, notamment remploi de symboles annamites sur bâtiments militaires à Saigon.
Plans d'urbanisme permettent de mettre en valeur le caractère réformateur du pouvoir colonial. A partir des années 1910
existence de plans grandioses pour construction de nouvelles capitales, New Delhi ou Pretoria par exemple, ou extension
de villes existantes, Tel Aviv durant mandant britannique ou Nairobi. Au Maroc forte présence de Lyauteuy dans projet
urbanistique avec volonté de conservation des médinas pour tourisme. De même avec envoi par Mussolini d'architecte
pour reconfiguration d'Asmara, en Erythrée, avec 3/4 de ville pour Européens (53.000) et 1/4 pour colonisés (45.000).
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Ségrégations urbaines
Importance de ségrégation urbaine et du fait racial dans villes des colonies. Souvent dans villes coloniales
françaises, quartier européen est situé sur un « plateau », donc une position surélevée.
L'argument hygiéniste : Argument principal pour justifier ségrégation est hygiène et santé des colons. De fait
hygiénisme prend inflexions spéciales en situation coloniale avec logique de discrimination raciale et jugement moral sur
les populations colonisées. Au cours des années 1910 écrits ethnographiques japonais insistent sur mauvaise hygiène des
Coréens ce qui justifie construction de bains publics. Au Sénégal dans les années 1860 idée que mode de vie africain est
propagateur d'épidémies. Toutefois, mesures sans effets réels. Lutte contre épidémies permet également de justifier
destruction et isolement. Exemple de Nairobi en 1902 où lors de peste gouverneur fait brûler le marché indien. Volonté
d'isoler populations jugées comme dangereuses entraînent d'importantes reconfigurations spatiales. Exemple de Dakar en
1914 où peste permet d'expulser colonisés dans périphérie. Idée également d'isoler les Blancs, notamment dans colonies
britanniques d'Afrique où création de quartiers protégés, aérés, souvent situés sur collines. Circulation dans villes est
parfois réglementée. Exemple de Saint-Louis où certaines rues sont interdites aux Noirs durant sieste. A Léopoldville
interdiction pour les ouvriers de sortir de leurs quartiers la nuit.
Habiter en ville : Ségrégation est visible dans habitat et dans densités urbaines, toujours plus fortes dans quartiers
indigènes (rapport de 30/1 à Hanoi). Dans villes coloniales question du logement fait ressurgir domination et ségrégation
raciale. De fait logement ouvrier doit être peu cher et permettre contrôle des populations. De fait modèle du baraquement,
bâtiment long avec plusieurs chambrées de travailleurs, est forme typique de logement des engagés indiens et chinois aux
Antilles. Possibilité de comparaison avec compound sud-africain (logement collectifs ouvriers entourés de clôture dans
villes minières), aux chawls de Bombay ou aux shophouses des villes d'Asie. Formes différent, mais dans tous les cas
surpeuplement, conditions d'hygiène désastreuses et négation des liens sociaux liés à habitat traditionnel. Pour autorités
coloniales importance de possibilité de contrôle de populations nombreuses par cantonnement. Contrôle demeure malgré
tout aléatoire puisque constitution d'immenses bidonvilles ou de villes gourbis du fait de pression démographique.
Exemple du Maghreb avec bidonvilles suite à surpeuplement des bidonvilles.
Des sociétés urbaines complexes : Formes urbaines de villes coloniales ne doivent laisser penser à barrières
infranchissables et transgressions sont permanentes. De plus au sein des quartiers indigènes présence de nombreuses
populations différentes. Exemple de Singapour en 1900 avec 74% de Chinois, mais dialectes différents, 14% de Malais,
8% d'Indiens et 1% d'Européens et Eurasiens. Populations ne vivent pas nécessairement en harmonie, mais se croisent
nécessairement. Dans certaines villes ottomanes de Méditerranée à fin du XIXème siècle présence d'un fort
multiculturalisme. Toutefois, souvent, même sans apartheid clair, existence de séparations entre quartiers. Exemple du
Maghreb avec juxtaposition des vieux centres musulmans (medinas) et des quartiers juifs, mais sans pénétration. Femmes
sont également important des sociétés urbaines et s'imposent dans lieux comme la rue, marché, fêtes ou associations
d'entraide. Entre-deux-guerres afflux de femmes, souvent célibataires notamment pour prostitution, mais aussi pour
commerce. Exemple de Kinshasa en 1928 où nombreuses femmes non mariées travaillent dans culture maraîchère.
Résistances urbaines
Règlements urbains se heurtent à pratique. Ville est lieu de transgressions et accommodements. Partout remise en
cause d'habitat traditionnel, notamment paillotes et habitats en matériaux inflammables, mais règlements rarement
respectés. Exemple d'Hanoi en 1872 où loi anti-paillote non respectée puisque cela fait fuir nombreux indigènes payant
impôt foncier du centre-ville ainsi qu'existence d'Européens vivant dans paillotes. En outre compartimentages et mesures
d'hygiène font face à résistance active ce qui conduit à négociations et aménagements. Exemple de commerçants de
Singapour où commerçants s'organisent pour refuser mesures des autorités britanniques sur interdiction des vérandas
traditionnelles. Problème de définition d'espace public. Négociations au sein des conseils municipaux associent peu à peu
représentants des populations colonisés. Existence de stratégie de contournement. Exemple de travaux pour mosquée en
124
1874 par marchand indien du Penjab dans espace public. Refus britannique, protestations de populations et
reconnaissance de mosquée comme bien privé donc hors de prise des autorités coloniales. Dans colonies démocratie
municipale est très limitée. Dans villes indiennes portuaires, Bombay ou Calcutta par exemple, Britanniques confient
gestion des affaires urbaines à trusts d'individus nommés par pouvoir central pour écarter possibilité de démocratie locale
donnant trop de voix aux Indiens. Villes sont souvent lieu de résidence des élites indigènes. Exemple de Maghreb où
premières formations politiques nationalistes naissent dans les medinas. Malgré contrôle des autorités coloniales, villes
sont foyers de contestations et manifestations.
125
Le chemin de fer
Essor de chemin de fer indissociable du passage à nouvelle phase de domination économique coloniale donc
mises en chantiers différentes selon espaces. Début avec Inde britannique dans les années 1850, à partir des années 18801890 pour l'Afrique ou l'Indochine française. De fait c'est à ce moment que se met l'économie de traite. Reconfiguration
des voies de communication a importantes conséquences sur sociétés locales avec accroissement de mobilité et
modifications des économies.
Une conjonction d'intérêts
Train est tout d'abord outil crucial d'accélération d'exploitation économique des colonies. En Inde promotion des
premiers projets par des marchands installés dans ports pour gagner marché intérieur, mais aussi par industriels du textile
du Lancashire. Pour entreprises sidérurgiques d'Europe colonies sont marchés de substitution après railway boom en
Europe. Administration coloniales avaient raisons propres de favoriser développement de ce type d'infrastructures puisque
moyen pour mieux contrôler territoires, notamment par acheminement rapide des troupes. Premières lignes d'AOF
(Dakar-Saint Louis ou Kayes-Bamako) avaient pour but d'affermir contrôle français pour régions récemment conquises.
De même dans empire Ottoman liaison ferroviaire vers Hedjaz pour contrôle des villes saintes et empêcher
développement d'Etat arabe.Train également perçu comme moyen de lutter contre famines chroniques dans certains
espaces, notamment en Inde. Enfin, rivalités entre puissances coloniales peuvent être raison de développement
d'entreprises ferroviaires. Exemple d'Afrique du Sud où jonction des mines d'or de Johannesburg et côte mena à
construction de trois voies de chemin de fer, 2 Britanniques et 1 Boer. Présence également d'une place pour esprit
d'innovation, souvent par ingénieurs, ainsi qu'enjeux de prestige, notamment avec exemple du Transsaharien encouragé
par Freycinet. Toutefois, relativisation de ces derniers puisque Transsaharien ne voit pas le jour. De fait importance des
intérêts économiques dans tracé des voies ferrées en Afrique, notamment pour exploitation d'huile de palme et d'arachide
en Afrique de l'Ouest.
Le premier secteur d'investissement des empires : Etats et compagnies privées
Construction de voies ferrées nécessite importants capitaux et c'est premier secteur d'investissement dans
colonies. Exemple de 95 millions de livres investis dans construction des lignes de chemins de fer indiennes entre 1845 et
1875. Entre 1899 et 1923 40% des dépenses d'équipement par France pour Indochine sont consacrées à chemin de fer.
Investissement pour chemins de fer mobilisent Etat et compagnies avec modalités différentes selon espaces. Exemple du
Transindochinois financé et construit par Compagnie des chemins de fer de l'Indochine, publique, à l'exception de partie
chinoise construite par Compagnie des chemins de fer du Yunnan, privée. A partir de 1879 acquisition de compagnies par
autorités coloniales, mais gestion demeure dans mains des compagnies privées. Importance de compagnies ferroviaire
comme premières bénéficiaires du système des compagnies concessionnaires au Congo de Léopold II. De fait en 1889
Compagnie du chemin de fer du Congo obtient 1.500 hectares de terres pour chaque kilomètre de rail construit.
Néanmoins, recours aux capitaux privés fut plus difficile dans certains régions jugées moins rentables, notamment
Afrique de l'Ouest, ce qui obligea gouvernement français à le faire lui-même. Capital privée n'intervient que si retour sur
investissement est garanti puisque ligne est viable commercialement ou que garantie de l'Etat, notamment en Inde.
D'énormes chantiers, « mangeurs d'hommes » (A. Gide)
Chantiers ont souffert de sous-estimation des difficultés, forêts denses etc..., mais aussi de nécessité
d'approvisionnement régulier en main d'oeuvre. De fait mécanisation reste faible et matériel portée majoritairement à dos
d'homme. Pour chemin de fer Matadi-Léopoldville présence de 60.000 porteurs en même temps. Problèmes de
recrutement notamment en Afrique alors qu'en Inde pas tellement de problèmes. Par conséquent existence de plans de
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recrutement forcé de la part des autorités coloniales, notamment pour chantier Congo-Océan et apport de coolies chinois.
Présence de 600 coolies chinois pour chemin de fer Congo-Océan, mais mort ou fuite de 300 au bout de quelques
semaines. Conditions de travail très difficiles (maladies, problèmes d'approvisionnement et mauvais traitements).
Nombreuses désertions et taux de mortalité élevé. Mort d'entre 18 et 23.000 hommes durant chantier Congo-Océan.
Les conséquences économiques de l'introduction du chemin de fer
Alors que chemin de fer a permis entraînement industriel en Europe, pas le cas dans colonies puisque majorité du
matériel est importé. De même essentiel de personnel qualifié (ingénieur, conducteur etc...) depuis métropoles. Donc
industries métropolitaines sont principales bénéficiaires des infrastructures ferroviaires. Abaissement des coûts de
transport réellement sensible lors mise en place de service sur ensemble du territoire comme en Inde avant Première
Guerre mondiale. En Afrique retombées très localisées sauf dans partie sud. En Inde importance des trajets vers les ports
grâce à prix attractifs, mais pas vers intérieur des terres. Par conséquent commerce intérieur fut peu stimulé. Importance
de train dans essor du commerce extérieur. Exemple d'Indochine où doublement des valeurs exportées entre 1913 et 1926.
Pendant longtemps idée que colonisation entraîne destruction d'artisanat local, mais vision à nuancer puisque persistance,
par exemple, de la poterie shaï dans sud de Gold Coast. Demeure que chemin de fer a contribué à nouvelle géographie de
production et échanges. En Indochine durant colonisation organisation du territoire selon axe est-ouest qui convergent
vers Haiphong et Saigon, les deux grands ports. En Afrique, notamment Maghreb, destruction de circuits commerciaux
intérieurs, notamment nord-sud et littoralisation des activités et des hommes. Démantèlement du commerce transsaharien,
notamment avec ligne de chemin de fer Lagos-Kano avec réorientation des flux vers côte et mise en relation de deux
centres de commerce. Certains produits, sel saharien par exemple, continuèrent de circuler selon anciens circuits, mais
baisse d'amplitude et intensité. En Inde chemin de fer contribua à apparition de marché national et soumettre agriculture
indienne à fluctuations des marchés internationaux donc spécialisation régionale des cultures et accroissement de
dépendance aux usuriers.
Les conséquences sociales de l'introduction du chemin de fer
Essor du transport ferré a entraîné multiples conséquences sur sociétés colonisées. De fait accroissement des
mobilités des populations. Exemple d'Inde où 19 millions de voyageurs en 1871 et 630 millions en 1929. Dans certains
espaces cela a accru migrations saisonnières, parfois forcées, de main d'oeuvre, notamment en Afrique du Sud avec
155.000 travailleurs/an par train vers mines d'or du Rand depuis colonies du Cap et du Mozambique. Conséquences
également indirectes, notamment avec forte demande en bois de la part de chemin de fer donc bois devient précieux. Par
conséquent autorités coloniales cherchent à contrôler forêts en dépossédant villageois de droits coutumiers sur forêts.
Exemple d'Inde avec législation forestière de 1878. Celle-ci entraîna surpâturage dans endroits encore accessibles.
Compagnies de chemin de fer sont fortes employeuses donc développement de prolétariat urbain. Exemple d'Inde où
34.000 travailleurs liés à chemin de fer en 1865 et 790.000 e 1929. Ces emplois peuvent être moyen de mobilité sociale
pour certains, notamment intouchables Mahar pour se soustraire à domination des sociétés rurales. Importance de main
d'oeuvre des chemins de fer dans grandes grèves des années 1920. Exemples avec mobilisations en 1919 et 196 au Sierra
Leone, 1925 sur ligne Dakar-Niger, 1930 pour employés de Great Indian Peninsula Railway à Bombay et Nagpur.
Employés de chemins de fer jouent rôle fondamental dans émergence de mouvement syndical. En 1956 en AOF syndicat
des cheminots (15.000 membres) est un des principaux promoteurs d'union syndicale et de lutte nationaliste.
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Ségrégations spatiales
Sociétés coloniales caractérisées par clivages raciaux souvent ancrés dans territoire. Dans toutes les colonies mise
en place de logique de refoulement, exclusion et enfermement au départ pour appropriation des terres et installation des
Blancs et reproduites à différentes échelles, notamment ville.
L'appropriation foncière au fondement de l'exclusion des sociétés indigènes
Logiques de ségrégation spatiale dans colonies sont liées au départ aux appropriations foncières. Mise en valeur
de territoire exige exploitation des meilleures terres et donc leur aliénation. Dépossession souvent justifiée par jugement
de sous-utilisation des terres par colonisateurs. Confiscation a corollaire, si massacre des indigènes est proscrit,
resserrement de celles-ci dans espaces clos. Administrations coloniales légitiment emprise coloniale par droit de conquête
et d'occupation. Principe de terre vacante comme terre non exploitée permet nombreuses appropriations foncières dans
colonies. Cela inclut terres de jachère, territoires de parcours des troupeaux etc... De manière générale droit de conquête,
négation d'existence de propriété privée et invention de droit foncier en situation coloniale permettent de justifier certain
nombre d'expropriations. Existence également à spoliations et punition systématique en cas de révolte comme vecteur
d'agrandissement de territoire contrôlé par colonisateur. Exemple de Grande Kabylie où colonisation rurale commence
avec séquestres fonciers suite à révolte de 1871. Dans empire britannique pratique de manipulation des tribus, ajustements
des frontières etc... Dans empire portugais, notamment Mozambique, délégation d'accaparement de terres à des
compagnies à charte. Importance d'accaparement des meilleurs terres et non forcément du plus grand espace possible.
Le resserrement mis en pratique : le cantonnement
Instauration officielle de cantonnement des tribus en Algérie à partir de 1851. De fait prise de possession par Etat
de partie des territoires tribaux contre pleine possession d'une autre partie par les tribus. Justification de protection des
sociétés colonisées puisque réservation d'espaces. Dans de très nombreux cas refoulement des populations tribales sur les
moins bonnes terres de leur territoire et droit de propriété non garanti. Exemple de confiscation de terrains tribaux par
maréchal Randon pour création de 56 villages en Algérie entre 1853 et 1859. Même principe lors de colonisation italienne
de Lybie notamment avec dépossession des terres des steppes du nord de Tripolitaine. Autorité coloniale italienne décrète
que paysans lybiens ont trop de terres par rapport aux besoins et à ce qu'ils peuvent mettre en valeur donc confiscations.
Entre 1930 et 1932 enfermement dans camps de concentration des groupes nomades de Cyrénaïque se révoltant contre
spoliations. Cantonnement,tel que pratiqué en Afrique du Nord, a effets sociaux immédiats, notamment fractionnement
des tribus, bouleversement des hiérarchies traditionnelles et modification des habitudes des populations rurales,
notamment avec obligation d'engagement comme métayers ou ouvriers miniers puisque privés de terres. Importance de
modification du rapport à la terre, structure d'organisation sociale, de la part des indigènes.
Les réserves : de la protection à l'enfermement
Existence de mise en réserve notamment en Nouvelle-Calédonie par empire français ainsi que dans certains
territoires allemands. Justification des autorités coloniales avec idée de « réserver » des territoires aux colonisé et forme
de protection face aux spoliations foncières des colons et grandes compagnies capitalistes. De fait populations sont
regroupées dans espaces restreints et délimités dans lesquels terrains sont inaliénables. Principe de protection aboutit
parfois à enfermement et assignation à résidence, notamment en Nouvelle-Calédonie. En Afrique australe réserves sont
dès période 1770-1870 des lieux d'enfermement des populations Xhosas. De même création de réserves pour les Ndebele
en Rhodésie pour protéger des rapacité des colons. Au Kenya création de réserve pour les Massai en 1904 puis terres
confisquées en 1911 et ils sont regroupés de force. Eviction des Kikuyu des hautes-terres, accaparées par colons, sera à
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origine de révolte des Mau-Mau entre 1952 et 1956. Populations des réserves sont également vues comme réservoirs de
main
d'oeuvre.
L'apartheid : la ségrégation spatiale institutionnalisée
Origines : Apartheid en Afrique du Sud décrété en 1948 trouve origines dans processus d'appropriation des terres
par colons blancs, Britanniques et Afrikaners. Institutionnalisation de séparation nette dans quartiers des villes d'Etat libre
d'Orange à fin du XIXème siècle. Importance des réserves dans territoire d'Union sud-africaine en 1910. Volonté de
contrôle de main d'oeuvre pour les mines plutôt que question foncière. Série de Native Laws permet renforcement de
contrôle et enfermement. Natives Land Act de 1913 confirme partition du territoire entre Africains et Européens avec 9
millions d'hectares pour Africains et interdiction d'acheter des terres ailleurs. Confirmation de ségrégation avec Native
Land Trust Act de 1936. De fait disparition de paysannerie indépendante en Afrique du Sud et précarisation des sociétés
africaines. Après Première Guerre mondiale Union sud-africaine récupère, sous mandat SDN, territoire du Sud-Ouest
africain allemand où présence de réserves indigènes ainsi que zones de polices réservées aux Blancs. Existence de même
logique de séparation au sein des villes. En 1923 Native Urban Areas Act subordonne accès des Noirs à ville à possession
d'emploi. Renforcement de ségrégation raciale entre les quartiers. Création légale des townships pour abriter main
d'oeuvre nécessaire à industrialisation. De fait en 1913 Noirs (70% de population) vivent sur 7% de territoire. En Namibie
Noirs sont 85% de population et environ 40% de territoire. Certaines réserves sont fondées sur homogénéité ethnique
donc importants déplacements de populations.
Le « développement séparé » : En 1948 Parti national d'Afrique du Sud met en place politique de
« développement séparé » qui associe catégorisations ethniques à enfermement dans réserves appelées homelands. Mise
en place de société fondée sur racisme avec interdiction des mariages mixtes en 1949, indication de race sur passeports
des non-Blancs en 1952 et organisation de vie sociale à partir de principe de ségrégation raciale. En 1950 mise en place
par le Group Areas Act de zones de résidence et d'activité pour chaque communauté avec transports séparés. A échelle
territorial marquage avec nombreuses pancartes « White only ». Tentatives de résistances à enfermements, mais cela
contribue à forger identités. Parfois volonté de rester entre soi fait que colonisés ont rechercher l'intégration des réserves.
En Nouvelle-Calédonie réserve a progressivement constitué lieu de vie à abri des Blancs. Townships sont par la suite lieux
d'émergence de contestation politique révélant paradoxe de ségrégation spatiale avec exclusion civique, politique et
spatiale de population reconnue comme vitale pour économie coloniale.
129
Les compagnies à privilège (compagnies à charte et compagnies concessionnaires)
Grandes compagnies concessionnaires, notamment compagnies à charte, sont « têtes de pont » contribuant à
extension des empires. Naissance des compagnies à charte durant Ancien Régime et sont compagnies commerciales
investies de droits de souveraineté. Importance d'East India Company pour conquête d'Inde au XVIIIème siècle.
Compagnies à charte connaissent renouveau au cours de dernier quart du XIXème siècle et deviennent acteurs majeurs
d'expansion coloniale, notamment en Afrique.
Le nouveau temps des compagnies à charte (1880-1900)
Le meilleur moyen pour coloniser les dernières « terres vierges » ? : Fin XIXème siècle compagnies à charte
apparaissent comme moyen rapide d'occuper efficacement nouveaux territoires. Plus de concessions de monopoles, mais
jouissance de privilèges très étendus (droits régaliens ou délégation de souveraineté). De fait obligation de gouvernement
et administration des territoires sous concession par les compagnies. Chartes britanniques sont délégation des droits
politiques et administratifs la plus complète (administration, justice, police). Recherche par compagnies de garantie royale
avec charte pour recevoir appui de couronne, élément de confiance pour actionnaires. En retour couronne se réserve droits
de contrôle et définit restrictions (obligation de rester anglaise, se conformer aux traités entre Etats et remplir devoirs
humanitaires).
La renaissance des compagnies à charte en Asie et surtout en Afrique : Système de grande compagnie renaît en
Asie avec British North Borneo Company en 1881. Ce système permet à Angleterre d'occuper position influente dans
région sans conflit avec Hollande ou Espagne. En Afrique compagnies deviennent instrument essentiel de pénétration
pour principales puissances. Existence notamment de la Deutsche Ost Afrika Gesellschaft en 1884 pour côte d'Afrique
orientale face à Zanzibar. En Afrique de l'Ouest union de plusieurs compagnies pour naissance de United Africa Company
en 1879. En 1886 charte permet à Royal Niger Company d'agir en représentant de gouvernement impérial dans arrièrepays du delta du Niger (acquisition de territoires, levée d'impôts, droit de maintenir armée privée etc...). En Afrique de
l'Est charte pour la British East Africa Company en 1887. Plus au sud British South Africa Company joue rôle majeur
dans colonisation britannique d'Afrique australe. Importance d'ambition de Cecil Rhodes et don de charte en 1889 pour
protéger compagnie contre ambitions du Transvaal, Portugal ou Allemagne. Utilisation de compagnies à charte également
par Espagne et Italie. En France jamais d'utilisation.
Le cas particulier des compagnies portugaises : Companhia de Moçambique, créée en 1888, est d'abord
compagnie concessionnaire de prospection minière, mais charte en 1891 pour administration et exploitation des territoires
entre Zambèze et Sabi. Concession de monopoles et droits assez larges, notamment droit de collectif exclusif d'impôt,
moyennant versement de pourcentage à Etat portugais. En contrepartie obligation de financement d'infrastructures pour
attirer colons et pourvoir à éducation et administration du territoire. Délégation de pouvoir par Etat portugais pour temps
limité et sur territoire déjà considéré comme colonie. Outre extension de domination portugaise, compagnies à charte
permettent entrée de capital étranger, Companhia de Niassa fondée en 1893 étant à financement franco-anglais. Souslocation de concessions par compagnies à firmes de droit allemand, anglais ou français que ce soit en Angola ou au
Mozambique.
Les compagnies concessionnaires : exploitation des ressources et affermissement de la
colonisation
Concessions et compagnies concessionnaires : A côté des compagnies à charte, existence d'autres compagnies
concessionnaires de colonisation. Celles-ci ne sont plus souveraines, mais à monopole d'exploitation. Obligation pour
concessionnaire de verser redevance à colonie et astreinte de mise en valeur d'immenses territoires par construction
d'infrastructures. Toute terre mise en valeur par compagnie devenait sa propriété lors de fin de contrat. Sociétés
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concessionnaires résultent, fin XIXème siècle, de compromis entre Etat et firmes privées pour exploiter territoires à
moindre frais. A partir de 1890 présence de nombreuses sociétés concessionnaires au Congo avec obtention de vastes
étendues de terres. Environ 10 ans plus tard extension du système aux colonies allemandes et françaises pour « mise en
valeur » d'Afrique centrale. Existence de concessions également en Indochine, Algérie, Madagascar par exemple, mais
dans mode très différent. De fait concessions de terres domaniales ou réputées vacantes et pouvaient être faites à
particuliers, ne supposaient pas de droits régaliens et ne s'étendaient pas sur milliers d'hectares. Existence de vastes
concessions, par exemple, au Vietnam avec 65.000 ha en 1896 et 1 million environ en 1930.
Les grandes compagnies concessionnaires en Afrique centrale : Etat indépendant du Congo devient domaine
réservé de Compagnie belge du Congo pour commerce et industrie à partir de 1886. En 1891 les terres inoccupées par
indigènes sont déclarées vacantes et intégrées à domaine de l'Etat et exploitées soit par Etat soit par sociétés à monopoles.
Exemple du district de l'Equateur exploité par Société anversoise du commerce du Congo et Anglo-Belgian India Rubber
and Exploitation Company à partir d'année 1892. Au Congo français mise en place de régime concessionnaire au cours
des années 1890, sauf pour AOF. A instar d'exemple belge présence de 40 sociétés se partageant 70% du territoire en 1900
et 21 en 1914. Toutefois, nombreuses opérations se soldent par échecs. A Madagascar 10% du territoire concédé à 24
compagnies en 1899. De même par Allemagne avec les Compagnies du Sud Cameroun et du Nord-Ouest Cameroun.
Sociétés concessionnaires : exploitations et abus : Firmes cherchaient monopole commercial sur produits de
cueillette et chasse, caoutchouc et ivoire à charge pour indigènes de livrer aux prix les plus bas, mais aussi travail des
indigènes sur grands chantiers de construction. Grandes compagnies belges possèdent propre armée (malgré droits nonrégaliens) et nombreux abus. A tel point que mobilisation des opinions publiques contre cela, notamment suite à livre de
Morel, Le fardeau de l'homme noir en 1920. De fait existence de prise en otage de femmes et enfants pour forcer hommes
à récolter caoutchouc, enlèvement des femmes, travail forcé etc... En réaction souvent fuite et dépopulation des régions,
mais aussi mouvements de révolte plus ou moins bien coordonnés et ce jusqu'en 1930. Abus au Congo français ont
conduits à réformes de 1910-1911 avec ouverture à sociétés non-concessionnaires, notamment Compagnie forestière
Sangha-Oubangui en 1911 avec monopole sur caoutchouc jusqu'en 1935. Continuation des salaires de misère pour
Africains ainsi que mauvais traitements et brutalités, dénoncées par André Gide en 1927. Desserrement d'étau uniquement
après 1945 suite à promotion de cultures d'exportation autres que caoutchouc. Au début du XXème siècle perte
d'importance de système de concession. Plupart des compagnies à charte ne pouvaient plus être proto-Etat et territoires
concédés devinrent protectorats ou colonies. Exemple de la Deutsche Ost Afrika Gesellschaft qui remet droits régaliens à
gouvernement allemand en 1890. De même pour British East Africa Company en 1894 et la Royal Niger Company en
1900. Non renouvellement de concession à British South Africa Company en 1923 et mise en place de self-governing
colony pour Rhodésie du Sud et protectorat pour Rhodésie du Nord. Fin de concession de Companhia de Moçambique en
1942.
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