Avignon OFF 2016 : « Kennedy

Transcription

Avignon OFF 2016 : « Kennedy
Avignon OFF 2016 : « Kennedy
», au nom du père, du fils,
et des États-Unis !
Photo : Aude Vanlathem
Avec Kennedy, Ladislas Chollat, salué en 2014 pour sa mise en
scène de Le Père de Florian Zeller qui avait remportée pas
moins de trois Molières, propose une immersion dans les
rouages familiaux et politiques – pléonasme dans leur cas – de
la famille Kennedy.
Le public, habité par des images de l’assassinat à Dallas en
1963 de JKF, d’une Jackie Kennedy en tailleur Chanel et au
sex-appeal de l’ex-président et de ses frères, découvre la
puissante dynastie sous un nouveau jour. Avec des symboles
efficaces
comme
le
drapeau
américain
et
des
documents d’archives ou de films typiquement américains, le
metteur en scène plante le décor d’une suite d’hôtel composée
de deux panneaux servant souvent d’écrans, sans pour autant
sombrer dans un effet Powerpoint qui avait caractérisé sa mise
en scène d' »Encore une histoire d’amour », au Studio des
Champs-Elysées cette saison. Du début à la fin du spectacle y
sont en effet projetés des portraits de la famille Kennedy
dont JFK et son frère Bobby, fiction et réalité se mélangent,
parfois le président s’adresse à nous, mais l’effet House of
Cards n’opère pas.
Les Kennedy, c’est d’abord un clan et beaucoup d’argent. On
pense alors aux prochaines élections Clinton-Trump et à cette
politique américaine oligarchique qui ne bouge pas, pour
autant, les Kennedy restent un cas unique. Joseph Patrick
Kennedy, le patriarche, rêvait déjà de briguer la Maison
Blanche de sorte qu’il parvint à éduquer ses fils avec ce seul
dessein, planifiant ainsi l’accession au pouvoir
minutieusement programmée de sa descendance. Dès le départ, le
spectacle s’inscrit dans ce rapport à la filiation et au
« projet Kennedy ». Dépeint sous un angle inhabituel, JFK est
présenté comme un homme malade, angoissé, fragile, cassé par
les rêves de son père et paranoïaque – tout dans les attitudes
du comédien traduit ces inquiétudes. Au duo des Kennedy vient
enfin s’ajouter une femme, tantôt Jackie, tantôt Marilyn, elle
est surtout aux yeux du président une potentielle espionne.
Dans une atmosphère qui accentue la décadence, notamment
sexuelle de JFK sans cesse sauvé par le clan, le pouvoir et la
politique sont présentés sous un jour bien sombre. La fortune
familiale, soupçonnée de s’être constituée sur fond mafieux y
est remise en question et par extension, les bases du pouvoir
à l’américaine. Si les acteurs sont convaincants, leur jeu
manque toutefois de ce qui fait l’imaginaire social des
Kennedy, à savoir un charisme à l’américaine et une allure
séductrice.
Au demeurant, la qualité du texte et de la mise en scène
réside dans le fait que les Kennedy sont, certes démystifiés,
mais pour mieux servir le mythe. Comparés aux Atrides, à ces
dynasties grecques et à ce qui fait une grande famille de
pouvoir, quelque chose d’héroïque ressort de la mort annoncée
du président. À la manière d’Achille, JFK a fait le choix de
prendre le risque de mourir et d’entrer au panthéon des
présidents adorés plutôt que d’avouer son infirmité et de
rester sur ses gardes. Peut-être plus encore que le clan
Kennedy, c’est un discours sur la politique américaine qui
émerge de cette création, en écho avec les prochaines
présidentielles, on ne peut s’empêcher de penser que ces
élections n’ont rien de plus à proposer que du scandale et un
pouvoir appuyé par l’argent déjà bien en place. Aux ÉtatsUnis, la présidence est une affaire de familles.
Kennedy, de Thierry Debroux, mise en scène de Ladislas
Chollat, avec Alain Leempoel, Dominique Rongvaux et Anouchka
Vingtier.
Festival d’Avignon, Théâtre du Chêne Noir, 8bis, rue SainteCatherine, 84000 Avignon, jusqu’au 30 juillet, relâches les
lundis, 15h, durée 1h30.
Un « bois lacté » traversé
par un fleuve d’émotions
© Pascal GELY
Avec « Le bois lacté », Dylan Thomas signait une pièce
poétique [1. La pièce a été créée pour la radio en 1952]. Les
mots y sont utilisés pour créer un imaginaire qui transporte
le lecteur/spectateur comme un fleuve drague une multitude
d’objets. On est pris dans le courant de la journée d’un
village Nord-Américain où 63 personnages (jouées par 7
acteurs), laissent à voir leur intimité jusque dans ses
méandres les plus profondes. Le texte, difficile au premier
abord, est dit de façon claire. Il ne faut pas chercher à
comprendre à tout prix : les images parlent d’elles-mêmes et,
pour nous aider, celles-ci se succèdent dans une structure
temporelle et spatiale bien définie.
Chacun des protagonistes décrit son existence, donne son
regard sur lui-même dans des situations simples, récurrentes.
Tantôt dans une diction narrative, tantôt vivant l’action. Il
n’y a pas d’ordre d’importance entre eux. Tous égaux face à la
vie ! Chacun ses rêves, ses relations… L’une est maniaque,
seule dans sa grande maison, l’autre est alcoolique et il vit
une histoire physique avec une jeune femme dans la forêt. L’un
tente depuis des années de tuer sa femme, l’autre voit l’amour
quand il regarde le village chaque matin. Finalement on est
ensemble, mais chacun dans son monde et chacun dévoile son
jardin secret.
Stephan Meldegg réussi là une prouesse de mise en scène en
faisant jouer cette galerie de personnages sur la (toute)
petite scène du théâtre de Poche. La plupart du temps, tous
les comédiens sont sur le plateau. Parfois, seul l’un d’entre
eux déclame, parfois ils s’animent tous ensemble pour créer
une ambiance propice à soutenir la narration : équipage d’un
navire, troupeau de chèvre, pilliers de comptoirs, visite
touristique… Ce parti prix d’occupation de l’espace ressert
d’autant plus l’attention autour des mots.
Finalement, c’est un véritable conte qu’il nous est proposé de
vivre dans ce « Bois lacté », une histoire au long cours qui
prendra qui veut bien se laisser happer, un moment où il y a
autant d’émotions à vivre que de personnages à rencontrer.
Pratique : Jusqu’au 8 décembre 2013 au théâtre PocheMontparnasse, 75 bd du Montparnasse, 75006 Paris –
Réservations par téléphone au 01 45 44 50 21 ou sur
www.theatredepoche-montparnasse.com / Tarifs : entre 10 € et
35 €.
Durée : 1 h 30
Texte : Dylan Thomas
Mise en scène : Stephan Meldegg
Avec : Rachel Arditi, Jean-Paul Bezzina, Sophie Bouilloux,
Attica Guedj, César Méric, Jean-Jacques Moreau, PierreOlivier Mornas
1275 âmes (et quelques morts
plus tard) de Jim Thompson
Crédit
photo
Policier
:
Folio
Polar sauce western,
1275 âmes est le récit du shérif de
Pottsville, Nick Corey, héros délicieusement antipathique
d’une ville qui ne l’est pas moins.
Sous des airs tout d’abord lâches et fainéants, nous le
découvrons au fil des pages rusé et manipulateur se jouant de
l’hypocrisie et de la vilénie des 1275 habitants. Justifiant
le meurtre (et sa lâcheté) par une mission divine. Qui sont
les innocents, qui sont vraiment les coupables ? Certainement
tous et personne à la fois.
Qualifié de Polar rural, proche de l’atmosphère de John
Steinbeck et des décors de Mark Twain, mais la comparaison
s’arrête bien ici. Publié en France en 1966, ce roman conjugue
le cynisme à tous les temps. Les femmes sont calculatrices et
les hommes des pochetrons paresseux. Amateur de bons et beaux
sentiments fuyez !
Pour tous les autres, vous adorerez
détester les personnages. Les dialogues peuvent parfois
dérouter mais nous resituent dans une Amérique profonde où
les « nom de nom » ou « Et v’la-ti’ pas… » sont légions. Il y
a peu d’indication temporelle dans cet ouvrage, nous déduisons
simplement que
l’esclavagisme n’est pas encore aboli, peu
importe, l’action pourrait se transposer à notre époque ce qui
rend ce polar encore plus captivant.
Extraits :
« – C’est mon métier, oublie pas, de punir les gens pour le
simple fait qu’ils sont des êtres humains. De les amadouer
jusqu’à ce qu’ils se montrent tels qu’i’ sont et ensuite de
leur tomber dessus. Et c’est un sale boulot, figure toi, mon
loup, et j’estime que le plaisir que je peux trouver à les
piéger,
j’ai bougrement mérité. »
« Je suis les deux à la fois, […] Le type qu’est trahi et
celui qui trahit l’autre, les deux en un seul ! »
1275 âmes
Traduit de l’anglais (États-Unis) : Marcel Duhamel
Titre original : Pop. 1280
Édition originale : Gallimard / Série Noire – Janvier 1966
Rééditions : Gallimard / Série Noire – Septembre 2005 /
Dernière édition poche : Folio Policier – Octobre 1998
Autres éditions : Folio – Juin 1988 / Carré Noir – 1980 /
Adaptation au cinéma : Coup de Torchon de Bertrand Tavernier.
Mercredi – Boulbar – Highway
to… America
C’est dans la salle du Réservoir
que se tient la soirée «We are
The Lions». C’est dans cette
cale de bateau baroque délattée
aménagée de bric et de broc et
de miroirs au lustre d’antan,
que nous avons voyagé avec
Bertrand Boulbar. Cet artiste
français, auteur, compositeur et
interprète a entrepris un road trip entre New York et San
Francisco : 8000 kilomètres… pas loin de 5000 miles sur
l’asphalte. Armé de sa guitare de son harmonica et d’une
carte, il prend les routes secondaires, il roule sa bosse à la
recherche d’une autre Amérique. Il livre son carnet de voyage
psychédélique et émouvant : ses rencontres, ses émotions, ses
insomnies, les paysages.
Un texte poétique et percutant posé d’une voix sourde et grave
qui nous conduit « passager sans bagage » en
terre comanche.
Pour parachever cette invitation au voyage sur la scène du
Réservoir, Bertrand Boulbar était accompagné d’un dessinateur,
bricoleur, scrabooker, Vincent Gravé qui nous entraîne dans le
rêve un peu plus encore.
Le 27 Février sortira son 3ème album « Motor Hotel » consacré
à cette errance américaine de motels en stations services, minostalgique d’une Amérique 60’s, mi-contemplatif face aux
grands espaces qui inspirèrent Kerouac et Ginsberg.
Quand Iggy Pop (de « American Dream ») et Gerald de Palmas se
rencontre Into the wild (2) ça donne ça :
Burnsville – Trailer de l’album Motor Hotel -… par roymusic
« Burnsivlle, 500 habitants et pas grand chose à faire, à part
se marier,
Avec son ami d’enfance,
Il suffira d’une danse,
Au bal de Sunshine Vallee »
Roy Music vous dit quelque chose c’est peut-être parce que la
talentueuse rockeuse Mademoiselle K qui voulait tant aller
« Jouer dehors » et l’empereur de « La tristitude » Oldelaf,
viennent de la même maison…
Prochain concerts :
Jeudi 8 mars 2012 – Les Trois Baudets (Paris – 75) –
20h00
Samedi 28 avril 2012 – Casino (Dax – 40) – 20h00
Vous avez demandé la Police,
ne quittez pas…
Dans la série « The Wire »
(en
français
«
Sur
écoute »), c’est la police
criminelle de Baltimore que
vous aurez au bout du fil.
Mais quel que soit l’objet
de votre appel, ça n’est
pas vraiment vous que
veulent
entendre
les
inspecteurs Jim McNulty
(Dominic West) et Lester
Freamon (Clarke Peters).
Eux, c’est les anti-héros des vrais des durs, ils font leur
numéro pour pincer les « méchants » de Baltimore et combinent
des talents tels que mauvaise foi, alcoolisme et infidélité.
Leur tour favori est la mise sur écoute. Sauf qu’il ne suffit
pas de coller son oreille au biniou pour ouïr tous les mauvais
coups fomentés par les trafiquants et mécréants de diverses
espèces.
Les écoutes c’est bien sur des machines avec des diodes
lumineuses de partout, des numéros qui s’affichent, des
chronos qui tournent, des statistiques informatiques et
surtout de la paperasse administrative, mais ça n’est pas que
ça sinon on serait tenter de raccrocher.
Emmenés par l’arbitraire et abusif Major Rawls (John Doman) et
le charismatique lieutenant Cedric Daniels (Lance Reddick),
les agents de la crim’ brisés par une hiérarchie « the chain
of command » pas très flexible usent leurs semelles sur le
terrain.
Le terrain de leurs enquêtes c’est les cités « The project »
(Saison 1), les docks du port (Saison 2), les meetings
politiques (Saison 3), les lycées (Saison 4) et les locaux de
l’édition du journal local (Saison 5). Le fil rouge reste
cette équipe attachante de bras cassés qui se planquent,
traquent, patrouillent et fricotent avec des crapules. Et
quelles crapules !! Le personnage ambivalent d’Omar Little
(Michael K. Williams) et le musculeux Stringer Bell (Idris
Elba) sont fascinants. Leur proximité troublante et la
complexité de l’histoire rend parfois ces leaders de
délinquants plus attachants que la Police.
Sans en révéler trop, cette scène issue de la saison finale
est parfaitement révélatrice de l’ambiance de The Wire :
The Wire a été créée par David Simon et co-écrite avec Ed
Burns diffusée sur HBO à partir de 2002. La série préférée de
Barack Obama (Las Vegas Sun) est avant tout une véritable
fresque sociale. Le message est clair : « The Wire » est aussi
une approche sociologique de la vie urbaine et des inégalités.
A regarder en VOST de préférence car l’argot des cités et
celui de la marée chaussée sont croustillants !
Walking Dead – Apocalypse now
Poltrons et pétochards cette
série n’est pas pour vous. « The
Walking dead » est une série
américaine (diffusée sur AMC) se
déroulant dans la banlieue
d’Atlanta peu après un énorme
cataclysme cabalistique. Une
atmosphère de fin du monde plane
et transforme le paisible
quotidien de citoyens lambdas
(ni trop gentils ni trop méchants) dans un chaos morbide où
les morts ne sont pas tout à fait morts et où les vivants ont
bien du mal à le rester. Les morts-vivants (en anglais living
dead) donc, sont épouvantablement nombreux et bien que dans un
état de putréfaction atrocement avancé, ils sont toujours en
quête de chair fraîche.
Vous n’êtes pas sans remarquer la dynamique classique des
films de zombies et autres morts-vivants, mixée cette fois à
la thématique très en vogue de l’apocalypse.
Comme pour le comic book de Robert Kikman dont est issue la
série, certaines scènes sont graphiques jusqu’à écœurement,
les plans sont évocateurs, sanguinolents et pas très poétiques
: y aura de la cervelle sur les murs, vous êtes prévenus. La
série est cependant jugée moins trash et moins cruelle que la
BD ; pourtant, au fur et à mesure des épisodes une ambiance
malsaine colle aux basques de notre petit groupe de
survivants.
Ca s’arrête là pour la ressemblance puisque là série prend, à
juste ou à mauvais titre, des libertés vis-à-vis du comic.
« The Walking Dead » n’est pas qu’un cache-cache haletant avec
des charognes patibulaires et agonisantes. De telles
performances à l’audimat outre-Atlantique ne pourraient se
justifier ainsi. Si la critique est partagée, l’audience elle,
est bonne et c’est certainement à mettre au crédit de la
tension et de l’angoisse véhiculées par les protagonistes bel
et bien vivants de la série. Le fil rouge des épisodes est
l’honnête petit shérif du conté de Kentucky (Andrew Lincoln)
qui mène sa barque sur les rives du Styx en compagnie de
camarades d’infortune de tous horizons. Dans le cadre hostile
de leurs refuges précaires s’entament un huis clos avec des
problématiques bien humaines elles. Leadership, amour,
trahisons sèment la zizanie au pays des zombies et
emberlificotent les stratégies de survie.
Par ailleurs, on peut voir au travers de cette série une fable
moderne sur notre monde trop gourmand en énergies fossiles.
Mais surtout, ces épisodes sont porteurs d’une réflexion sur
l’évolution des rapports humains et des comportements dans un
monde où cadres sociaux et juridiques classiques ont volé en
éclat. Ce « retour à la nature » que vivent les protagonistes
est, à l’instar de celui décrit par Hegel, fait de « violences
et d’injustices » hurlantes.
Ainsi, même si l’intrigue manque un peu de finesse et que la
fin de la saison 1 souffre de quelques lenteurs narratives, le
frisson et les rebondissements sont là.
Une petite dose d’adrénaline et d’hémoglobine; voici le
trailer.
L’adaptation au format série est réalisée par Frank Darabont
qui était aussi le réalisateur de La ligne verte.
S’il
fallait
le
comparer
à
la
vague
de
films
« survivalistes », nous pourrions convenir que « The Walking
dead » est :
moins sombre que « La route » tiré du livre de Cormac
McCarthy et porté au cinéma par John Hillcoat,
plus violent que « Je suis une légende » de Francis
Lawrence, mais surtout avec plus de personnages…,
plus urbain que « Seul au monde » avec Tom Hanks,
moins surnaturel que « La guerre des mondes » avec Tom
Cruise,
moins apocalyptique
hallucinants où la
grands monuments
s’écroulent… avec
que « 2012 », pas d’effets spéciaux
statue de la liberté et tous les
mondiaux symboliques sombrent,
fracas.
Et s’il fallait analyser « The Walking dead » aux regards des
films d’horreurs, la série est :
moins bestiale que « 28 jours plus tard » de Danny
Boyle,
plus réaliste que dans « Le Territoire des morts » de
George Andrew Romero, pour ce qui est des zombies,
définitivement plus effrayante que « Scary movie »…
[Arrested Development]
famille en or…
Une
Sitcom du XXème siècle par
excellence, Arrested Developement a
pour toile de fond une famille
américaine portée par un père
entrepreneur. « So far so good »
(jusque là tout va bien) sauf que
dans la famille Bluth, s’ils ne
sont pas tout à fait dans la
panade, ce ne sont certainement pas
de grands gestionnaires et ils sont
assez anticonformistes.
Cette série proposée par la chaine FOX est un parfait cocktail
antimorosité, un divertissement pas crétin, où une famille
compliquée nous propose une Amérique hilarante loin, très loin
des clichés du rêve américain sur gazon verdoyant et sourire
dentifrice, façon famille Kennedy et loin des rires préenregistrés.
Mr.Bluth n’est pas un modèle de droiture et c’est un doux
euphémisme de dire qu’il n’est pas réglo, il verse plutôt dans
les secteurs non autorisés mais pas en professionnel, plutôt
en amateur totalement disjoncté. Exit
la famille parfaite
bien pensante, avec le pater familias d’une exemplarité
irritante type 7 à la maison sans pour autant être la famille
Corleone.
Le fil conducteur dans les péripéties de cette famille? Le
business ! Un business qui a amené le père… en prison et
pousse un des fils (Michael) à reprendre le flambeau.
L’affaire n’est pas simple car Michael se retrouve le seul à
travailler sans pour autant tenir les rênes (le président,
c’est son frère) et se faisant manger ses profits par sa mère,
son père, ses frères et sa sœur… Non ça n’est pas le bonheur,
pour lui, mais pour le téléspectateur… quelle délectation !
Dans la famille Buth, je demande le père! Et bien NON, le
père, il est en prison. On s’éloigne donc directement de la
famille Barbapapa. George Bluth Senior (Jeffrey Tambor) n’est
pas un saint pas plus que son frère jumeau qui lui ressemble
en tout point sauf sur la pilosité. Il est parfaitement
azimuté, à ce titre ses apparitions sont lunaires et ses
stratagèmes inattendus. Dans ses proches contacts, il compte
la famille d’un certain Saddam Hussein….
Sa femme, Lucille est très nouveau riche, elle est alcoolique
et ne prend pas son job de mère de famille très à cœur… elle
se contrefout de sa progéniture (enfants et petits enfants
inclus). En somme, Madame Bluth mère (Jessica Walter) est
parfaitement acariâtre et insupportable. A eux deux, les
seniors de la famille Bluth ont presque un côté Ténardier,
mais leur fille n’est pas une petite Causette.
La fille Bluth est écervelée et investie d’une mission, une
noble mission : celle de dévaliser tous les magasins de
vêtements de la côte Est. Lindsay Bluth Fünke amène de la
grâce et un peu de coeur, mais attention on n’est pas dans la
famille Hilton, l’argent manque (d’où le nom français de la
série « Les nouveaux pauvres ») ; et le style, elle est bien
la seule à en avoir… La comédienne Portia de Rossi, par
ailleurs connue à la ville pour être l’épouse de la
présentatrice Ellen DeGeneres, est, dans Arrested Development,
outrancière, désopilante et bizarrement très investie dans des
œuvres caritatives. Le seul objectif de cet engagement
: maintenir sa petite notoriété, sans aucun doute. Ainsi, elle
n’est guère plus sympathique dans ce rôle que dans celui qui
l’a fait connaître : celui de Nelle Porter dans la série Ally
Mc Beal.
Le fils aîné « Gob » (George Oscar Bluth) a quant à lui un
look qui lui est propre, et le goût du spectacle dans la peau.
Son dada c’est la magie, mais elle le lui rend mal . Séducteur
invétéré, ce glandeur de première se déplace en Segway et vit
sur le yacht familial. Comme son père, la légalité n’est pas
son fort, il a toujours un plan abracabrantesque derrière la
tête. Ainsi, entre deux tours de magies ratés et un striptease déguisé en flic, il trouve encore le temps de se
ridiculiser. Gob est très rock & roll, mais pas façon
Osbourne. Ses accroches avec sa famille sont hilarantes. Il
est tellement perché qu’on pourrait se demander s’il est bien
« terrien ». Rien d’étonnant finalement à ce Will Arrnett ait
été nommé dans la catégorie meilleur acteur de second rôle
dans une série comique aux 58ème Emmy Awards.
Mais la famille ne s’arrête pas là. Il y a aussi le petit
dernier. Le cadet « Buster » (Byron Bluth) est un euphorique
phobique. Attachant et déconcertant, Tony Hale joue un
attardé, toujours dans les jupes de sa mère acariâtre et
amoureux d’une sexagénaire de charme : la chanteuse Liza
Minelli, une des guest stars de la série. C’est décadent, bien
plus décadent que chez les Kardashians ! Tony Hale pose avec
cette sitcom la pierre angulaire de sa carrière. Il sera
d’ailleurs primé pour son interprétation de Byron Bluth.
L’unique fils doué de raison : Michael
frère jumeau de
Lindsay, apparaît comme la seule personne en mesure de faire
marcher le business familial, le père Bluth étant lui,
derrière les barreaux. C’est le point de départ de la saison1.
Mais avec une famille aussi maudites que les Atrides, Michael
(Jason Bateman) est pris en étau et les situations cocasses et
burlesques s’enchaînent. Il n’a pas le talent commercial d’un
Onassis, il est moins cérébral qu’un Servan-Schreiber, mais il
fait de son mieux.
Jason Bateman est parfait dans ce rôle de victime. Il tire si
génialement son épingle du jeu qu’il décroche en 2005 un
Golden Globe dans la catégorie « Meilleur acteur dans une
comédie », un TV Land, ainsi que deux Satellite Awards. Sa
famille, la famille Bluth, n’a finalement rien à voir avec
celle dans laquelle il a fait ses débuts. Souvenez-vous : le
petit Jason vivait dans une maisonnette dans la prairie. Jason
Bateman y jouait alors le rôle de James Cooper fils adoptifs
d’une certaine famille Ingalls.
Michael Bluth est lui même papa d’un adolescent ahuri, George
Michael, qui n’est autre que l’acteur Michael Cera. Découvert
dans Juno, vu dans Super Grave et Une nuit à New York, il est
ici délicieusement largué. Le gamin est gauche et il trempe
dans cette famille comme dans une mer infestée de piranhas.
Davantage pâlichon et moins dégourdi que Bart, le fils
Simpsons, il est dépassé par cette famille de barjos. Il
traverse l’âge ingrat en compagnie d’une autre ado, avec
laquelle il fricote « Mayeby ».
Mayeby alias Mae
fille de Lindsay
de folie (s’il en
ont peu de chance
Fünke (Alia Shawkat) de son vrai nom est la
Bluth et Tobias Fünke. Elle amène son grain
manquait !) et les rapports avec ses parents
de vous rappeler la petite famille française
telle que Katherine Pancol peut la décrire.
Son père Tobias (David Cross) le mari de Lindsay est
émotionnellement instable et gentiment déjanté. Lui même
semble ignorer l’existence et la présence de sa propre fille.
Psychiatre et auteur d’un best seller… gay, il décide de se
réorienter vers une carrière d’acteur. Cependant, ses
psychoses, toutes plus loufoques et drôles les unes que les
autres (il ne peut jamais être nu par exemple), l’empêchent
d’atteindre son objectif. Les épisodes durant lesquels il est
peint en bleu de la tête au pied au cas où il serait appelé en
renfort par le « Blue man group » sont proprement géniaux.
Dans le fond on plaint ce pauvre Tobias de tout notre cœur,
d’être si naïf et médiocre en tant qu’acteur mais quelle
jouissance! Bizarre voila ce qui caractérise bien Tobias, un
peu comme La Chose de la Famille Adams.
Pour la gestion des tensions familiales chez les Bluth on se
rapproche plus des Pierrafeu, on se tape dessus, c’est
jubilatoire il ne faut pas se le cacher surtout que personne
n’est oublié, tout le monde en prend pour son grade. Ron
Howard, le narrateur, distille les événements d’une voix de
maître.
Ce petit monde, une dizaine de personnes (tout de même),
réside dans une maison témoin totalement factice au milieu du
désert…
Cette série plus que barrée a les faveurs des critiques, mais
aussi des peoples…
Dans Arrested Development les « peoples » se succèdent et font
des apparitions à mille lieux de leur image habituelle, lisse
et proprette. Charlize Theron fait un passage particulièrement
pimenté et hallucinant en fin de saison 3. Ben Stiller vient
lui aussi saluer les Bluth. Mitchell Hurwitz (le réalisateur)
s’amuse, il y a parfois plus de stars au mètre carré que dans
la famille Smith (Will).
Au fil des épisodes rythmés par des dialogues punchy, on
découvre que c’est avec une joie extatique que les Bluth se
mettent des bâtons dans les roues. Mais pas façon Tudors, ils
sont finalement bien trop intéressés par leurs petits nombrils
pour avoir une ambition de groupe. Ce qui leur pend au nez
c’est plus l’asile psychiatrique…
Une famille d’ovnis qui ne ressemble à aucune autre. Si jamais
les Bluth s’installaient près de chez vous, vous pourriez dire
« y a des zazous dans mon quartier ». Il existe à ce jour 3
saisons (peut-être bientôt 4) de 22+8+13 épisodes et donc
autant de raisons de tester ses zygomatiques! Arrested
Development est sans aucun doute la série comique à ne pas
rater ! Gardez bien en tête le nom de cette série, car d’ici
peu il se pourrait qu’elle soit portée sur grand écran !
Casting :
Jason Bateman (Michael), Portia de Rossi (Lindsay Bluth
Fünke), Will Arnett
(George Oscar Bluth dit « Gob »),
Michael Cera (George-Michael Bluth), Alia Shawkat (Mae
Fünke dite « Maeby »), Tony Hale (Byron Bluth dit « Buster
»), David Cross
(Tobias Fünke), Jeffrey Tambor
(George
Bluth Senior), Jessica Walter
(Le Narrateur).
(Lucille Bluth), Ron Howard
OZ
!
Une
radiographie
pétrifiante
des
prisons
américaines …
Oz est le surnom de la prison américaine Oswald State
Correctional Facility, mais c’est surtout une série « made
in » HBO. Tom Fontana, le créateur de la série qui a signé, de
sa plume noire, l’écriture de la majorité des scénarios de Oz,
co-écrit par ailleurs Borgia (Canal+). L’homme qui a révélé
Denzel Washington au grand public avec sa première série,
« St-Elsewhere« , ne fait pas dans les mièvreries. Son domaine
c’est le psychologique, le scandaleux, les vils instincts, le
Mr. Hyde qui sommeille en chacun de nous.
Au cœur de la série, l’unité spéciale d’une prison de haute
sécurité : Emerald City. Notre sésame pour passer derrière les
nombreux murs, contrôles et barreaux est Augustus Hill (Harold
Perrineau Junior). Ce narrateur prisonnier psychédélique a, en
outre, la particularité d’être en fauteuil roulant. Chaque
épisode est ponctué par ses allocutions poético-trash.
Augustus porte un œil très personnel et caustique sur le
système carcéral et nous livre sous forme de flash-back les
raisons qui ont conduits chacun des prisonniers à rejoindre
l’unité. Qu’ils appartiennent aux clans des italiens, des
musulmans noirs, des gangstas, des néo-nazis ou des latinos
ils sont tous logés à la même enseigne, au sens propre mais
pas au figuré. Dans un tel endoit, les rapports de forces y
sont évidemment exacerbés.
Alliance, trahison, stratégie : tous les coups sont permis
quand on est là pour…toute une vie.
Le concept unique d’Em City porté par son manager Mac Manus (
Terry Kinney) personnage utopiste et ambivalent, consiste à
faire cohabiter dans un simulacre d’autarcie des hommes
ravagés par leur vie précédente, le tout encadré par des
matons parfois guère plus honnêtes… Il est laissé au bon soin
des prisonniers de s’occuper de la cantine, du nettoyage des
vêtements et d’un atelier de confection. Un microcosme
reconstitué de toutes pièces, derrière les barreaux.
Visionnaire ou fou, Mc Manus ne tardera pas à être aussi
aliéné par cette prison que ses détenus. Du côté des gentils,
il est aidé dans sa tâche pour la partie religieuse par Sister
Peter Marie et Father Ray Mukada. Quant à Diane Wittlesey
(Edie Falco, épouse de Tony Soprano dans la série « Les
Soprano »s), elle met les mains dans le cambouis pour contenir
la poudrière.
On s’éloigne ainsi de la thématique récurrente
prisonnier/évasion, pour se rapprocher de la peinture sociale
au vitriol à mi-chemin entre le film Precious de Lee Daniels
pour l’aspect détresse et Shutter Island de Martin Scorsese
pour la folie et l’emprisonnement.
Tensions inter-communautaires, gangs, drogue, homosexualité et
réinsertion des détenus sont au programme (par conséquent,
assez festif !). Les épisodes s’enchaînent à un rythme
diablement effrayant. L’intrigue est bien amenée et
l’alternance des points de vues des personnages nous fait
vivre de l’intérieur ce quotidien violent mais aussi la guerre
des nerfs et la guerre de religion qui s’y trament.
Oz est super-réaliste, malsaine, sanglante, une décharge
d’adrénaline pour les durs, les vrais, les tatoués.
D’ailleurs, durant le générique choc de la série, un bras se
fait tatouer le surnom de la prison de façon stylisée, avec
une goutte bien ronde de sang sombre juste en dessous du Z. Ça
n’est pas de la fiction, ce tatouage est bel et bien sur le
bras de quelqu’un… son créateur. Âmes sensibles s’abstenir.
La saison 1, constituée de 8
épisodes est véritablement à
couper le souffle. Ce ne sont
pas les paysages qui laissent
sans voix, puisque la série est
quasiment un huis-clôt. Ce qui
coupe la chique, c’est le coup
de poing qu’on a l’impression de
recevoir bien au milieu du
ventre. Il existe à ce jour 56 épisodes de 55 minutes sur 6
saisons. Le casting d’Oz n’est pas sans rappeler des
personnages inoubliables d’autres séries cultes de HBO telles
que The Wire (Sur Ecoute) et The Sopranos, on y remarquera
notamment Tobias Beecher (Lee Tergesen) blanche-brebis
égarée. Aucun hasard à cela …
Tom Fontana a collaboré au
début de sa carrière avec Barry Levinson, sur l’adaptation en
série d’un roman choc « Homicide : A year on the killing
streets » écrit par David Simon.
« Peu m’importe que les personnages ne soient pas
sympathiques, du moment qu’ils sont intéressants. » a déclaré
Tom Fontana. Il est certain qu’à côté de Kareem Said (Eamonn
Walker), Donald Groves (Sean Whitesell) qui a mangé ses
parents ou Vernon Schillinger (Jonathan Kimble Simmons ) le
nazi, les détenus de Prison Break sont d’inoffensives
collégiennes en vacances chez les bisounours.
« It’s no place like home », (rien ne vaut son chez soi) on en
est bien convaincu au terme :
Oz (1997 – 2003) de Tom Fontana.
Casting de la saison 1 de Oz :
Harold Perrineau Jr. ( Augustus Hill), Lee Tergesen (Tobias
Beecher), Eamonn Walker (Kareem Said), Dean Winters (Ryan
O’Reilly ), J. K. Simmons (Vernon Schillinger), Kirk Acevedo
(Miguel Alvarez), George Morfogen (Bob Rebadow), MuMs
(Jackson), Adewale Akinnuoye-Agbaje (Simon Adebisi), J. D.
Williams (Kenny Wangler), Tony Musante (Nino Schibetta), Leon
Robinson (Jefferson Keane), Dr. Lauren Vélez (Dr.Gloria
Nathan), Sean Whitesell (Donald Groves), Edie Falco (Diane
Wittlesey).