la fin du système concentrationnaire : le retour à la

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la fin du système concentrationnaire : le retour à la
ORIGINE ET RÉALITÉ
DES CAMPS DE CONCENTRATION
ET D’EXTERMINATION.I
Le régime national-socialiste a conçu et mis au point un système de camps
de concentration apparu dès l’accession de Hitler au pouvoir, en 1933, et qui n’a
cessé de se développer jusqu’à la défaite de l’Allemagne.
À la tête de cette gigantesque entreprise d’où
toute humanité était bannie, se trouvait le Reichsführer SS
Heinrich Himmler. Deux puissantes centrales, relevant
de son autorité, le RSHA ou Reichssicherheitshauptamt
(Office principal de sécurité du Reich) et le WVHA
ou Wirtschaftsverwaltungshauptamt (Office principal de
gestion économique de la SS) dirigé par le général SS
Oswald Pohl, dont dépendait l’Inspecteur général des
camps (IKL) Theodor Eicke, se partagèrent la tutelle
policière, administrative et économique des camps
jusqu’à l’arrivée des troupes alliées et la libération des
camps.
> De g. à d. : Heinrich Himmler, Ziereis (commandant du camp)
et Kaltenbrunner chef du RSHA au camp de Mauthausen.
©BMI/Fotoarchiv der KZ-Gedenkstätte Mauthausen
Parallèlement, fut lancée la plus vaste entreprise
de « mise à mort industrielle » jamais imaginée par
des hommes. Elle comporta quatre centres de mise à
mort (Chelmno, Sobibor, Belzec et Treblinka) et deux
camps de concentration-extermination (Maidanek
et Auschwitz-Birkenau), activés dans le plus grand
secret à partir du début de l’année 1942 jusqu’à la fin
de 1943 pour certains, jusqu’à fin 1944 pour les autres,
pour éliminer par gaz les populations juives et tsiganes
d’Europe et, moins systématiquement, des éléments
indésirables de la « race slave ».
Ces génocides furent précédés par l’élimination
physique de quelques 70 000 malades mentaux et
handicapés, dans des centres « d’euthanasie », équipés
de chambres à gaz qui furent les laboratoires de mise
au point des techniques de gazage employées ensuite
pour l’extermination des Juifs et des Tsiganes et pour
l’élimination des détenus « devenus inutiles ».
>O
swald Pohl, chef du WVHA en visite officielle à Auschwitz,
accompagné par Richard Baer, commandant du camp.
©USHMM
On estime à environ 3 000 000, les victimes
juives des centres et camps d’extermination nazis,
auxquels il faut ajouter 2 100 000 autres, abattues par
des Troupes spéciales (Einsatzgruppen) agissant sur
les arrières de la Wehrmacht sur le front de l’Est et
en Union Soviétique en 1941, parfois massacrées par
les populations complices de certains pays d’Europe
centrale et orientale, ou encore mortes ou mises à mort
dans les ghettos et les camps de concentration. (sources
Raul Hilberg)
Le nombre de victimes tsiganes exterminées se
situe entre 200 000 et 500 000.
>T
heodor Eicke, Inspecteur général des camps de concentration.
>R
ichard Glücks, son successeur.
©Gedenkstätte Sachsenhausen
LA FIN DU SYSTÈME
CONCENTRATIONNAIRE :
LE RETOUR À LA LIBERTÉ
DES DÉPORTÉS.
1
Exposition réalisée par la Fondation pour la Mémoire de la Déportation en partenariat avec la Direction de la Mémoire, du Patrimoine et des Archives.
ORIGINE ET EXISTENCE
DES CAMPS DE CONCENTRATION
ET D’EXTERMINATION.II
>C
arte des principaux camps de concentration, centres d’euthanasie et centres d’extermination ouverts
par le régime nazi.
À partir de fin 1942, lorsque tout espoir de
guerre éclair eût disparu, le principe de la guerre
totale entraîna l’utilisation systématique des détenus,
hommes, femmes et enfants, dans l’ensemble des
camps de concentration pour participer à la production
de guerre. Les camps fournirent alors, aux entreprises
industrielles et d’armement du Reich une main
d’œuvre peu coûteuse, exploitable jusqu’à la mort et
aisément renouvelable. En France, la collaboration
des polices françaises et allemandes facilita l’envoi de
nombreux juifs vers les centres d’extermination et celui
de nombreux résistants, opposants et antifascistes dans
les camps de concentration et prisons du Reich.
> Détenus de Sachsenhausen construisant un quai au niveau de
l’écluse de Lehnitz sur le canal Oder-Havel près d’Oranienburg
en mai 1940. ©Gedenkstätte Sachsenhausen
>D
étenus travaillant à la glaisière de Sachsenhausen.
©Gedenkstätte Sachsenhausen
> Détenus travaillant à 1a fabrication d’éléments d’avion dans l’usine
Siemens de Bobrek (Haute Silésie, 1944). ©USHMM
>K
ommando natte-paille de Ravensbrück.
©Gedenkstätte Ravensbrück
LA FIN DU SYSTÈME
CONCENTRATIONNAIRE :
LE RETOUR À LA LIBERTÉ
DES DÉPORTÉS.
“Les martyrs ont été jusqu’au bout
de la souffrance, nous leur devons d’aller
jusqu’au bout de la vérité.” Georges Bernanos
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Exposition réalisée par la Fondation pour la Mémoire de la Déportation en partenariat avec la Direction de la Mémoire, du Patrimoine et des Archives.
ORIGINE ET EXISTENCE
DES CAMPS DE CONCENTRATION
ET D’EXTERMINATION.III
L’occupation d’une grande partie de l’Europe
entraîna une internationalisation croissante de la
population concentrationnaire, les Allemands ne
représentant, sur la fin, qu’environ 10% de l’ensemble.
Peu à peu, une véritable nébuleuse de camps,
de camps-annexes et de Kommandos extérieurs finit par
couvrir l’ensemble du territoire du Reich.
> Carte générale de situation des camps et de leurs principales
annexes. ©Gedenkstätte Bergen-Belsen
>L
imites atteintes par les offensives du Reich et des forces de l’axe
en Europe.
Aux catégories identifiées, à l’ouverture des
camps, par des triangles de couleur : rouge pour les
prisonniers politiques, noir pour les asociaux, violet
pour les Témoins de Jéhovah (ou Bibelforscher, c.-à-d.
« scrutateurs de la bible »), rose pour les homosexuels,
vert pour les prisonniers de droit commun en détention
illimitée, se superposèrent progressivement de nouvelles
catégories : triangle jaune pour les Juifs, brun pour les
Tsiganes, indication de nationalité (lettre portée dans le
triangle définissant le pays d’origine : B pour les Belges,
F pour les Français, P pour les Polonais, etc.) ; la couleur
bleue enfin fut attribuée aux déportés dits « apatrides »,
tels les Républicains espagnols réfugiés en France puis
déportés, reniés à la fois par le pouvoir franquiste et la
France de Vichy.
La population issue d’Europe centrale et de l’Est fut
la plus nombreuse.
Au total environ dix millions d’hommes, de femmes
et d’enfants sont passés par les camps nazis.
LA FIN DU SYSTÈME
CONCENTRATIONNAIRE :
LE RETOUR À LA LIBERTÉ
DES DÉPORTÉS.
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Exposition réalisée par la Fondation pour la Mémoire de la Déportation en partenariat avec la Direction de la Mémoire, du Patrimoine et des Archives.
LA FIN DU REICH.
> 1944-1945 : L’étau se referme sur le Reich.
Après les revers de 1942 et 1943 (échec devant
Moscou, débarquement des alliés en Afrique du
Nord, défaite de Stalingrad, capitulation du Corps
expéditionnaire d’Afrique en Tunisie, bataille de
Koursk), la situation militaire du Reich ne cessa de se
dégrader. L’année 1944 vit l’Armée soviétique reprendre
l’initiative de façon décisive à l’Est et les débarquements
des armées occidentales en Normandie (6 juin 1944)
et Provence (15 août 1944) permettre l’ouverture de
nouveaux fronts. Le Reich était par ailleurs dominé sur
mer et dans les airs. Hitler croyait cependant encore
possible un retournement de situation et plaçait tous
ses espoirs dans les armes nouvelles développées en
secret dans les camps de concentration, comme les V1,
les fusées V2 ou le chasseur à réaction Messerschmitt.
> Chasseur à réaction Me 262. ©New Liberty Productions, 1985
>F
usée V2 dans l’usine souterraine de Dora-Mittelbau, 1944.
©Ullstein Walter Frentz, Berlin
Les dégâts infligés par les bombardements alliés
aux infrastructures, aux voies de communications et
aux usines, désorganisèrent la production d’armement,
au moment où les pertes humaines allemandes
provoquaient une pénurie de main d’œuvre irréversible,
entraînant l’écroulement final de tout l’édifice et
la capitulation sans condition de l’armée allemande,
le 8 mai 1945.
> Corps d’avion-missile sans pilote baptisés V1. ©FNDIRP
LA FIN DU SYSTÈME
CONCENTRATIONNAIRE :
LE RETOUR À LA LIBERTÉ
DES DÉPORTÉS.
“Il faut nous méfier de ceux qui cherchent
à nous convaincre par d’autres voix
que celle de la raison.” Primo Levi
in Les naufragés et les rescapés.
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1944 :
PREMIÈRES LIBÉRATIONS DE CAMPS
PAR LES ARMÉES ALLIÉES.I
À l’Est :
jugée inutile. Ce rôle sera assuré ensuite par le camp de
Bergen-Belsen. Progressivement vidé de ses déportés
évacués vers les camps de Natzweiler, Gross-Rosen,
Sachsenhausen, Auschwitz ou Ravensbrück, le camp
ne comptait plus à l’arrivée des Soviétiques qu’environ
1 500 malades. Les soviétiques y découvrirent les
premières preuves de crimes de masse et les procédés
de mise à mort par gaz appliqués aux Juifs. Les carnets
de guerre de l’écrivain et correspondant de guerre
Vassili Grossmann, repris par la presse occidentale,
montrèrent qu’à la seule vue de Maidanek, puis des
traces de Treblinka, l’ampleur des crimes nazis avait
été pressentie.
Les premiers camps découverts par l’armée
soviétique furent :
- Dans les pays Baltes : le camp de Vaivara,
(28 juin 1944) évacué préalablement par les SS vers
les camps de Stutthof et Auschwitz ; Kaunas (18 août
1944), ghetto puis camp de concentration, dont les
survivants furent évacués vers les camps de Stutthof et
de Dachau ; Riga-Kaiserwald, camp de travailleurs juifs
rescapés des ghettos de Riga, Vilna, Daugavpils, évacués
vers Stutthof, Buchenwald et Dachau et quasiment vide
à l’arrivée de l’armée soviétique, le 1er octobre 1944.
- En territoire polonais : le camp de LublinMaidanek (24 juillet 1944), qui fut, à partir de 1943,
la destination principale des détenus dont la vie était
11 mars et 19 avril 1944
800 femmes
9 avril 1944
2 000 détenus
6 avril
et 22 juillet 1944
2 avril 1944
Russes et Polonais
7 juillet 1944
1 250 prisonniers de
guerre soviétiques
> Principaux transferts depuis le camp de Maidanek en 1944.
> Maïdanek, le crématoire. En arrière plan, l’agglomération
de Lublin. Photo Pierre Jautée/FMD/2006
>L
ublin-Maidanek, entrée du camp donnant sur le champ 3.
Photo Pierre Jautée/FMD/2006
LA FIN DU SYSTÈME
CONCENTRATIONNAIRE :
LE RETOUR À LA LIBERTÉ
DES DÉPORTÉS.
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Exposition réalisée par la Fondation pour la Mémoire de la Déportation en partenariat avec la Direction de la Mémoire, du Patrimoine et des Archives.
1944 :
PREMIÈRES LIBÉRATIONS DE CAMPS
PAR LES ARMÉES ALLIÉES.II
À l’Ouest :
- le camp de concentration de NatzweilerStruthof, situé en Alsace, déjà abandonné et vide fut
saisi par l’armée américaine le 23 novembre 1944.
Le camp principal, avec sa hiérarchie, son administration
et les détenus, avait été replié vers Dachau
en septembre 1944 en relativement bon ordre. Les
camps-annexes continuèrent cependant à fonctionner,
essentiellement sur la rive droite du Rhin, d’autres
furent créés postérieurement. Ils furent libérés
progressivement.
4 septembre 1944
6 septembre 1944
8 septembre 1944
19-20 sept 1944
> Transferts de Natzweiler vers Dachau en septembre 1944.
- le camp de concentration et de transit de
Herzogenbusch (Vught dans les Pays Bas), situé près
de la frontière belge, d’où près de 12 000 Juifs avaient
été envoyés et exterminés à Auschwitz et Sobibor.
Il fut évacué en septembre 1944, les femmes vers
Ravensbrück, les hommes vers Sachsenhausen et saisi
par l’armée canadienne qui n’y trouva plus qu’une
centaine de détenus malades, les 26 et 27 octobre
1944.
>V
ue aérienne du camp de Vught en 1947.
©Topografische dienst Emmen
Évacuation
de Vught
Septembre 1944
> Le camp de Vught (Herzogenbusch) est évacué vers Ravensbrück et Sachsenhausen en septembre 1944.
LA FIN DU SYSTÈME
CONCENTRATIONNAIRE :
LE RETOUR À LA LIBERTÉ
DES DÉPORTÉS.
“Ils s’appelaient Jean-Pierre, Natacha ou Samuel,
Certains priaient Jésus, Jéhovah ou Vichnou,
D’autres ne priaient pas mais qu’importe le ciel,
Ils voulaient simplement ne plus vivre à genoux.”
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Jean Ferrat in Nuit et Brouillard.
Exposition réalisée par la Fondation pour la Mémoire de la Déportation en partenariat avec la Direction de la Mémoire, du Patrimoine et des Archives.
1945 :
À L’APPROCHE DES ALLIÉS.I
L’évacuation des camps de l’Est, entreprise en
1944 et poursuivie en 1945, provoqua un afflux de
détenus dans ceux de l’Ouest, une aggravation de
la pénurie alimentaire et une dégradation de l’état
sanitaire général, malgré les efforts des organisations
clandestines (là où elles existaient) et l’incroyable
dévouement des médecins détenus. L’arrivée de SS
accompagnant les détenus de l’Est contribua à durcir le
régime des camps à l’Ouest.
À Dachau de grands convois de détenus, infestés
de poux, en provenance de Hongrie, apportèrent en
novembre 1944 le typhus exanthématique. Entre
décembre 1944 et la libération du camp, en avril 1945,
les archives (incomplètes) du Service International de
Recherche d’Arolsen (SIR), ont relevé 14 511 décès.
LES ORGANISATIONS CLANDESTINES
I
Agissant en faveur de l’entraide et de la solidarité, puis pour détenir les postes clés
de l’administration interne, pour organiser le sabotage de la production de guerre, souvent
décimées, elles furent tiraillées entre crainte de provoquer des massacres et volonté de s’y
opposer par tous les moyens.
Auschwitz
La résistance clandestine s’est constituée
à Auschwitz I (camp souche) dès 1940, autour de
quelques socialistes et militaires polonais. Souvent
réduite à néant, elle se reconstitua néanmoins et
intégra différentes nationalités, notamment des Russes
et quelques résistants français, disposant de relais au
camp de Birkenau.
À mesure de la dégradation de la situation
militaire du Reich, elle redouta un massacre final
et élabora des plans d’insurrection générale, qui
serait appuyée par l’armée polonaise de l’intérieur
(dénomination officielle de la Résistance).
En face, Himmler, conscient de la menace que
représentait la masse de quelque 70 000 détenus (en
avril 1944) et de la dégradation de la situation militaire
du Reich, fit préparer une division de réserve et un plan
d’acheminement de renforts de la Wehrmacht.
L’intensification des activités de la résistance
polonaise, le nombre croissant d’évasions et la révolte du
Sonderkommando, provoqua l’accélération du processus
d’évacuation des détenus politiques vers les camps du
centre de l’Allemagne dès 1944, et la dispersion des
responsables de la résistance clandestine, donc la ruine
de leurs plans.
Figures
de résistants
d’Auschwitz :
> Alfred Wetzler, évadé juif slovaque de Birkenau en avril 1944.
©Musée Auschwitz/CDJC
>R
udolph Vrba, évadé juif slovaque de Birkenau en avril 1944.
©Musée Auschwitz/CDJC
Dachau
À Dachau, initiée par des communistes allemands,
la résistance clandestine s’est internationalisée et
diversifiée par la suite. D’autres nationalités et d’autres
tendances politiques (chrétiens démocrates, socialistes,
etc.) s’unirent et un Comité international fut constitué.
Chaque groupe national eut sa direction clandestine.
En avril 1945, l’ordre de ne pas laisser un
détenu tomber vivant entre les mains ennemies fut
connu du Comité international qui réfléchit alors aux
parades possibles, concluant qu’il fallait gagner les
délais nécessaires à l’arrivée des Alliés en évitant toute
provocation avec les SS. Des groupes de combat furent
créés au sein des Kommandos de travail et des groupes
de sécurité dans les Blocks, afin de prévenir toute
provocation.
Les plus expérimentés mirent à l’abri certains
documents ou copie de documents lorsque les SS,
pressentant la défaite, commencèrent à détruire
archives et documents compromettants pour effacer
les traces de leurs crimes.
Quelques hommes du comité international
préparaient en secret la mise en place d’une direction
nouvelle et d’une police interne pour le moment où les
SS disparaîtraient.
LA FIN DU SYSTÈME
CONCENTRATIONNAIRE :
LE RETOUR À LA LIBERTÉ
DES DÉPORTÉS.
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1945 :
À L’APPROCHE DES ALLIÉS.II
LES ORGANISATIONS CLANDESTINES
II
Mauthausen
La résistance clandestine à Mauthausen
commença en 1943 autour de communistes autrichiens,
tchèques et espagnols. Des comités nationaux
apparurent au printemps 1944.
Un comité international fut créé en août 1944
autour des Espagnols Razola et Montero, du Tchèque
Léopold Hoffman, des Autrichiens Hans Maršálek et
Heinrich Dürmeyer.
La détérioration de la situation interne avec
l’arrivée des convois d’évacuation, un risque de panique
ou d’actes de désespoir pouvait dégénérer en exécutions
collectives, d’autant que des rumeurs d’évacuation ou
d’extermination générale circulaient.
L’organisation clandestine s’efforça de sauver les
détenus les plus exposés, grands malades et invalides à
éliminer parce que preuve de la barbarie du système,
ou témoins de la réalité des opérations de gazage.
Elle s’employa à brouiller les pistes pour gêner
les enquêtes de la Politische Abteilung (Section politique
de la Gestapo) et ses recherches.
Un Appareil militaire international (AMI) fut
constitué en avril 1945, sous commandement hispanosoviétique. La perspective que soit possible un rapport
de force favorable restant illusoire, l’entrée en action
de l’AMI fut repoussée et la majorité de ses membres
opta pour une temporisation. Les rares révoltes
observées furent le fait de détenus non contrôlés par
les organisations clandestines.
>H
ans Maršálek
(et sa femme
à Prague
en 1939).
©BMI/Fotoarchiv
der KZ-Gedenkstätte
Mauthausen
>H
ans Maršálek
s’exprimant
à l’occasion
de la commémoration
de la libération
du camp en 1952.
©BMI/Fotoarchiv
der KZ-Gedenkstätte
Mauthausen
Buchenwald
En 1943, les communistes allemands parvinrent
à occuper les postes principaux de l’administration
interne. Une organisation clandestine vit le jour à
partir de ce noyau. Elle recruta chez les communistes
et les patriotes résistants des différents pays.
Son action s’orienta vers la recherche
d’informations tant sur la situation internationale que
sur les intentions des SS. Elle développa l’entraide et la
solidarité chez les détenus, le sabotage dans l’industrie
de guerre et, sur la fin, prépara la résistance armée, en
fonction des différentes hypothèses prévisibles. Les
différentes nationalités eurent chacune un Comité,
dont le Comité des Intérêts Français.
Du 8 au 11 avril, lorsque se constituèrent les
convois d’évacuation du camp, qui touchèrent 25 000
détenus, l’organisation clandestine tenta de retarder les
départs et de dissimuler des détenus, juifs notamment.
> Archives de la déclaration du Comité
des Intérêts Français.
Les signataires sont : Marcel Paul,
le Colonel Manhès, Robert Darsonville,
Louis Vautier, Maurice Jattefaux
et Eugène Thomas (octobre 1944).
Des groupes d’action clandestins se constituèrent.
Les modalités d’une insurrection furent arrêtées et des
armes et moyens radio récupérés, souvent après les
bombardements alliés, dissimulés.
>A
rmes légères récupérées par l’organisation clandestine à Buchenwald
et exposées après la libération. ©Gedenkstätte Buchenwald
©Association française Buchenwald-Dora
LA FIN DU SYSTÈME
CONCENTRATIONNAIRE :
LE RETOUR À LA LIBERTÉ
DES DÉPORTÉS.
“Et tes yeux m’ont suffi, certains jours,
Tes yeux où je lisais la dure certitude
De ceux qui veulent la vie.”
Pierre-Yves Boulongne in L’Espoir - poème écrit à Buchenwald.
8
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1945 :
À L’APPROCHE DES ALLIÉS.III
LES ORGANISATIONS CLANDESTINES
III
Neuengamme
À Neuengamme, l’approche de la défaite du Reich
alerta ceux qui s’étaient donné pour tâche de lutter
contre la machine nazie. Un noyau de résistance s’était
formé au camp central, d’abord autour de l’avocat belge
André Mandrycks, communiste, employé au bureau
du travail (Arbeitseinsatz) en 1943, jusqu’à sa révocation
et son envoi en Kommando. Une organisation secrète
vit ensuite le jour autour de quelques hommes, dont
l’Allemand Albin Lüdke et l’officier russe Wassilij A.
Bukrejew. Elle fut rapidement dépassée par l’ampleur
des évacuations et de surcroît ne parvint pas à s’unir sur
des modalités et objectifs d’action.
>A
lbin Lüdke, responsable
du bureau du travail
(Arbeitseinsatz). ©A.I.N
>A
ndré Mandrycks, secrétaire au bureau du travail,
l’un des premiers artisans de la résistance clandestine
en 1943 à Neuengamme. ©A.I.N
Ravensbrück
Il n’y eut pas d’organisation structurée de
résistance, ni de direction clandestine à Ravensbrück.
Des réseaux complexes d’affinités sociales ou
politiques s’employèrent à instaurer certaines formes
de solidarité. Les détenues ne jouaient qu’un rôle
secondaire dans l’administration interne du camp et le
pouvoir des Prominenten restait limité, face à celui des
SS contrairement à ceux de l’administration interne des
camps d’hommes.
L’action clandestine visa surtout à secourir les
détenues les plus menacées et les enfants par divers
procédés, dont des substitutions d’identité avec des
morts. Un brassage permanent dû aux changements
fréquents de Blocks et aux départs vers d’autres camps
désorganisait sans cesse les réseaux.
Les détenues cherchèrent, individuellement
ou par petits groupes d’affinité, à ralentir ou saboter
la production de guerre allemande en “Essayant d’être
intelligemment imbéciles et maladroites.” Certaines l’ont
payé de leur vie comme Noémie Suchet, Hélène Linière
et Simone Michel-Levy (compagnon de la Libération),
affectées au Kommando de la poudrerie d’Holleischen,
et pendues à Flossenbürg pour avoir saboté une presse
de 100 tonnes.
>W
assili A. Brukjerew, officier russe, chef de l’organisation
militaire clandestine de Neuengamme rescapé du drame
de la baie de Lübeck. Photo d’après guerre ©AKZNG
Mittelbau-Dora
Il n’y eut pas, au camp de Dora de résistance
organisée à proprement parler, mais de nombreux
actes de sabotages individuels, souvent punis de
pendaisons publiques. L’efficacité des dénonciateurs et
la surveillance particulièrement vigilante des civils ne
permirent pas l’émergence d’une résistance structurée.
Tout au plus, à mesure que la fin du Reich
parut inéluctable, l’action clandestine s’employa-telle à mettre à l’abri les détenus les plus menacés de
mort, dont certains détenaient des secrets relatifs à la
fabrication des armes secrètes V1 et V2.
Le service de sécurité de la SS (le Sicherheitsdienst
ou SD) eut connaissance de cette forme d’action et arrêta
la plupart des responsables parmi lesquels plusieurs
Français, mettant de facto un terme à leur activité.
>P
hoto de Simone Michel-Levy prise au camp de Ravensbrück
avant son envoi au Kommando Holleischen.
©Musée de l’Ordre de la Libération, Paris
> Ordre de transfert des trois Françaises, accusées de sabotage
émis par la Kommandantur de Holleischen, pour Flossenbürg,
où elles furent pendues.
©Association française du camp de concentration de Flossenbürg
LA FIN DU SYSTÈME
CONCENTRATIONNAIRE :
LE RETOUR À LA LIBERTÉ
DES DÉPORTÉS.
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Exposition réalisée par la Fondation pour la Mémoire de la Déportation en partenariat avec la Direction de la Mémoire, du Patrimoine et des Archives.
1945 :
À L’APPROCHE DES ALLIÉS.IV
ÉVACUATIONS ET MARCHES DE LA MORT
I
Les évacuations de début 1945 ont été entreprises dans l’urgence, dans une Allemagne
indifférente et en général hostile aux détenus. Par des températures de -10 à -30°C, l’évacuation
du complexe d’Auschwitz et des derniers camps de travail forcé de l’Est fut l’un des sommets
de cette tragédie, qui entraîna un engorgement généralisé des autres camps et de véritables
hécatombes humaines. Le taux de mortalité atteignit et dépassa 50% de l’effectif évacué.
>P
rincipaux axes empruntés par les marches de la mort et les convois d’évacuation. (flèches rouges et noires ;
les flèches bleues et vertes indiquent la progression des forces alliées à l’Est et à l’Ouest)
Selon les moments et les circonstances, l’objectif poursuivi par les SS a pu varier.
En 1944, il s’agissait de soustraire les détenus à
l’armée soviétique ou aux armées occidentales et de
redéployer ailleurs la main d’œuvre (essentiellement
juive et slave) encore utilisable. Les malades et
impotents que les SS ne purent éliminer à temps, furent
abandonnés sur place.
Dans les premiers mois de 1945 et jusqu’à
la capitulation finale, les choses se compliquèrent.
La question ne se limitait pas à régler le sort des
incurables et des « inutiles », envoyés dans des camps
mouroirs ou exterminés par d’autres moyens.
Celle du sort des autres détenus, encore
valides, se posa, surtout à partir d’avril 1945. Fallaitil les exterminer, regrouper cette main d’œuvre encore
exploitable pour organiser des réduits de résistance,
ou encore marchander leur survie ? Questions qui
se posaient dans un contexte de désorganisation du
pouvoir, laissant place aux initiatives des chefs locaux,
eux-mêmes partagés entre fanatisme et désir de sauver
leur peau.
> “ Où peu nombreux sont ceux qui purent gravir le chemin de la liberté.”
(Dessin de Maurice de la Pintière, 1945)
LA FIN DU SYSTÈME
CONCENTRATIONNAIRE :
LE RETOUR À LA LIBERTÉ
DES DÉPORTÉS.
“C’est à vous que je parle, homme des antipodes,
je parle d’homme à homme,
avec le peu en moi qui demeure de l’homme,
avec le peu de voix qui me reste au gosier,
mon sang est sur les routes, puisse-t-il, puisse-t-il
ne pas crier vengeance !” Benjamin Fondane
10
in Préface en prose du recueil Exode-super flumina Babylonis
Exposition réalisée par la Fondation pour la Mémoire de la Déportation en partenariat avec la Direction de la Mémoire, du Patrimoine et des Archives.
1945 :
À L’APPROCHE DES ALLIÉS.V
ÉVACUATIONS ET MARCHES DE LA MORT
II
moments de la guerre, la responsabilité de crimes qu’ils
auraient froidement commis quelques mois plus tôt.
Himmler lui-même n’échappa pas à ce dilemme,
oscillant entre sa fidélité au Führer et l’espoir de parvenir
à un arrangement avec les occidentaux. Il se livra à
un marchandage monstrueux de vies humaines par
l’intermédiaire des états neutres. En février 1945, il
négocia ainsi à plusieurs reprises avec le vice-président
de la Croix-Rouge suédoise, le comte Folke Bernadotte,
puis avec le président fédéral suisse, Jean-Marie Musy, et
même avec le fondé de pouvoir du Congrès juif mondial,
le docteur Norbert Masur.
De janvier à mai 1945, des colonnes humaines ou des
trains de détenus moribonds sillonnèrent l’Allemagne
en direction générale de l’ouest et du sud, dans des
conditions épouvantables. Quelques évacuations, eurent
lieu également par la Baltique.
Tout détenu parvenu au bout de ses forces était
impitoyablement abattu d’une balle dans la tête et
enterré, peu après, par la population environnante ou
par d’autres détenus.
Il concéda, contre une promesse d’impunité, le
transfert en Suède de détenus Danois et Norvégiens,
l’accès de la Croix Rouge internationale dans les camps
de concentration (qui fut plus symbolique que réel),
promit de traiter les Juifs avec humanité (promesse
non tenue), consentit à la libération de femmes de
Ravensbrück et Mauthausen (ce qui n’empêcha pas le
processus d’élimination des malades dans ces camps de
se poursuivre) et pour finir s’engagea à mettre un terme
aux évacuations des camps (promesse non tenue).
Ces évacuations sont connues et relatées par les
survivants sous le nom évocateur de « marches de la
mort ». Elles donnèrent lieu occasionnellement à des
massacres collectifs et à des épisodes particulièrement
tragiques.
Puis brusquement, dans la première quinzaine
d’avril, sur instructions d’Hitler, il ordonna
d’anéantir les détenus pour qu’aucun d’eux
ne tombe vivant entre les mains ennemies,
estimant que l’ouverture des camps par les armées
ennemies constituerait une menace pour la population
allemande. L’extermination finale n’eût finalement pas
lieu.
La volonté d’élimination existait chez les hauts
responsables SS, mais ils étaient confrontés à un manque
évident de moyens. Le passage à l’acte resta exceptionnel.
Dans certains cas, les détenus surent aussi prendre
des contre-mesures préventives efficaces. Enfin certains
responsables n’ont plus voulu assumer, dans les derniers
>D
étenu abattu au cours d’une marche de la mort
dans la région de Gardelegen. ©Keystone
> L’évacuation des Kommandos sur les routes en 1945.
(Dessin de Pierre Mania, 1945)
>G
roupe de détenus évacués de l’un des camps annexes
de Dachau. ©Yad Vashem
LA FIN DU SYSTÈME
CONCENTRATIONNAIRE :
LE RETOUR À LA LIBERTÉ
DES DÉPORTÉS.
11
Exposition réalisée par la Fondation pour la Mémoire de la Déportation en partenariat avec la Direction de la Mémoire, du Patrimoine et des Archives.
1945 :
À L’APPROCHE DES ALLIÉS.VI
ÉVACUATIONS ET MARCHES DE LA MORT
III
Janvier 1945 : Auschwitz
Avancée
de l’Armée Rouge
mi-janvier 1945
> Évacuation d’Auschwitz en janvier 1945. par train
L’évacuation du complexe d’Auschwitz, dans la
précipitation et l’improvisation à l’approche des troupes
soviétiques, donna lieu à des situations d’une grande
diversité. Elle intervenait dans un contexte de guerre, des
unités combattantes en mouvement rencontrant parfois
des colonnes de détenus, au milieu de populations civiles
fuyant la guerre, dans un froid sibérien, dans un contexte
de commandement incohérent, la Wehrmacht prenant
parfois elle-même les choses en main. Les responsables
souhaitaient surtout se débarrasser rapidement de leurs
encombrants prisonniers.
Le 17 janvier 1945, l’approche d’unités de l’armée
soviétique des faubourgs de Cracovie par le Nord et le
Nord-Ouest déclencha la décision d’évacuer les quelque
60 000 détenus du camp et de ses annexes. Le SS Richard
Baer, commandant du camp prescrivit d’abattre tout
détenu tentant de fuir ou de rester en arrière.
Le 18 janvier à l’aube, des colonnes sans fin de 500
à plus de 2 000 détenus, dont des femmes et des enfants,
se mirent en route.
Des trains de wagons de marchandises ouverts,
furent constitués dont le parcours incertain, marqués par
des bombardements ou des attaques aériennes ajouta au
nombre des victimes.
Certains, arrivant à destination, comme à
Sachsenhausen, furent refoulés faute de place et
repartirent vers une autre destination. Il en arriva ainsi
à Mauthausen, Bergen-Belsen, Buchenwald, Dachau, et
leurs annexes. Ces départs furent précédés ou suivis de
massacres.
À Gleiwitz, après le départ des « valides », 57
détenus restant à l’infirmerie, les SS mirent le feu au
bâtiment et mitraillèrent les détenus qui tentèrent de fuir
les flammes. Deux d’entre eux, retrouvés vivants sous
les corps de leurs camarades, raconteront.
Le 20 janvier, à Birkenau, une formation de
SS de retour après un départ précipité massacra près
à pied
de 200 femmes malades, puis dynamita les restes des
crématoires II et III.
À Tschechowitz-Vacuum, alors qu’une unité
de l’organisation Todt (en charge des grands travaux
d’infrastructure) faisait creuser une tranchée par les
détenus encore présents pour enfouir des cadavres,
les SS arrivés sur place, firent brûler les cadavres et
massacrèrent tous les survivants. Quelques fuyards
tentèrent d’échapper en se dissimulant dans le camp. La
plupart furent retrouvés et abattus par des patrouilles.
Cinq pourtant échappèrent et purent raconter.
Le 26 janvier 1945, à une heure du matin, un
dernier Kommando de SS dynamita le crématoire V, ultime
témoin matériel de la réalité de la « solution finale ».
>A
uschwitz Birkenau : restes du crématoire V. ©FMD, 2005
LA FIN DU SYSTÈME
CONCENTRATIONNAIRE :
LE RETOUR À LA LIBERTÉ
DES DÉPORTÉS.
“Il faudra que je me souvienne,
Plus tard, de ces horribles temps,
Froidement, gravement, sans haine,
Mais avec franchise pourtant.”
12
Charlotte Delbo (écrit à Auschwitz)
Exposition réalisée par la Fondation pour la Mémoire de la Déportation en partenariat avec la Direction de la Mémoire, du Patrimoine et des Archives.
1945 :
À L’APPROCHE DES ALLIÉS.VII
ÉVACUATIONS ET MARCHES DE LA MORT
IV
Janvier-févier 1945 : Gross-Rosen
L’évacuation de Gross-Rosen fut progressive.
Dans les dix premiers jours de janvier, environ onze
camps secondaires de la rive Est de l’Oder furent
rapatriés au camp central puis évacués par rail vers le
Reich. Les détenus des camps de basse Silésie furent
envoyés vers les Sudètes et le protectorat de Bohème
Moravie en marche de la mort. La dernière phase se joua
à la mi-avril 1945 à l’ouest de l’Oder et se prolongea
jusqu’à la veille de la capitulation allemande début de
mai. Les évacués de Gross-Rosen furent répartis entre
les camps de Dachau (2 300), Bergen-Belsen (4 000),
Mauthausen (4 800) Buchenwald (6 000) et vers les
Kommandos de Flossenbürg, la destination principale
ayant été Mittelbau-Dora (11 000 détenus).
Complexe
de Gross-Rosen
>É
vacuations de Gross-Rosen : janvier-février 1945.
Avril 1945 : Buchenwald et ses annexes
En avril 1945, à l’approche du front, environ 48 000
détenus occupaient le camp de Buchenwald. L’évacuation
des annexes, comportant 60 camps d’hommes et 26 de
femmes, constitua la première étape.
La partie appelée « petit camp » servait de
quarantaine et de camp pour les détenus arrivés. Son
effectif passa de 6 000 début janvier 1945 à 17 000 début
avril. La mortalité y fut impressionnante. Début avril,
le commandant du camp, Hermann Pister fit évacuer
entre 12 000 et 14 000 Juifs sur Theresienstadt, en vue
d’un échange « dans l’intérêt supérieur de l’Allemagne ».
Jusqu’au 5 avril, il pensa que les autres détenus devraient
être livrés aux Américains. Le 6, l’ordre d’évacuation
général tomba.
Les évacuations s’échelonnèrent jusqu’au 10 avril
1945. Elles ont concerné environ 28 000 détenus. Face
à la résistance passive et au désordre entretenu par le
comité clandestin pour retarder les évacuations, les SS se
livrèrent à de véritables rafles dans le camp. Des colonnes
d’évacuation partaient quotidiennement vers le sud et
vers les Sudètes. Le dernier convoi de 9 280 détenus fut
mis en route le 10 avril 1945, la veille de la libération.
Progression
de l’armée
américaine
en avril 1945
>É
vacuation de Buchenwald. par train Les troupes américaines délivrèrent des colonnes
en marche et découvrirent près de Dachau, un train
marches
de la mort venant de Buchenwald.
LA FIN DU SYSTÈME
CONCENTRATIONNAIRE :
LE RETOUR À LA LIBERTÉ
DES DÉPORTÉS.
13
Exposition réalisée par la Fondation pour la Mémoire de la Déportation en partenariat avec la Direction de la Mémoire, du Patrimoine et des Archives.
1945 :
À L’APPROCHE DES ALLIÉS.VIII
ÉVACUATIONS ET MARCHES DE LA MORT
V
Avril 1945 : Neuengamme et ses annexes
Les évacuations commencèrent le 15 avril par le
transfert de 2 500 malades à Bergen-Belsen. Les 19 et 20
avril, 1 200 détenus norvégiens et danois furent remis
à la Croix-Rouge suédoise. Jusqu’au 29 avril, plusieurs
milliers de détenus furent dirigés vers des camps du
Nord de l’Allemagne.
Bergen-Belsen
> Principaux axes d’évacuation de Neuengamme et de ses annexes entre fin mars et mi-avril 1945.
La progression des forces britanniques, début
avril 1945, obligea à détourner les convois destinés à
Bergen-Belsen vers les camps de prisonniers de guerre
(Stalag XB) de Sandbostel (entre le 12 et le 19 avril)
et Wöbbelin. Ces deux camps n’étaient ni équipés ni
préparés à recevoir une telle masse de détenus. Ils se
transformèrent rapidement en mouroirs.
> Wöbbelin : les détenus libérés par l’armée américaine
sont transportés dans des hôpitaux voisins, mai 1945. ©NAW
>W
öbbelin : déporté de Neuengamme en larmes
parce qu’il n’est pas dans les premiers hospitalisés.
Photo Ralph Forney. (Armée américaine) ©NAW
Fin avril, les 8 000 détenus restant à Neuengamme
furent acheminés vers le port de Lübeck en vue de leur
évacuation par mer. Parmi eux, à deux reprises quelques
centaines de détenus dont des femmes issues de
Ravensbrück, furent transférés sur des navires suédois
grâce à l’intervention de la Croix-Rouge, à la suite des
pourparlers entre le comte Bernadotte et Himmler.
> Convoi de la Croix-Rouge venu évacuer des ressortissants
des pays scandinaves à Friedrichsruh, Allemagne.
©Croix-Rouge Suédoise, Stockholm
Les derniers jours furent mis à profit par le
commandant du camp, Max Pauly, pour faire nettoyer
le camp par des détenus allemands afin d’effacer toute
trace du passé, puis le camp fut vidé.
LA FIN DU SYSTÈME
CONCENTRATIONNAIRE :
LE RETOUR À LA LIBERTÉ
DES DÉPORTÉS.
“On sait aujourd’hui que dans les camps
de concentration d’Allemagne,
tous les degrés possibles de l’oppression ont existé.”
Robert Antelme in L’espèce humaine.
14
Exposition réalisée par la Fondation pour la Mémoire de la Déportation en partenariat avec la Direction de la Mémoire, du Patrimoine et des Archives.
1945 :
À L’APPROCHE DES ALLIÉS.IX
ÉVACUATIONS ET MARCHES DE LA MORT
VI
Avril 1945 : Mittelbau-Dora
L’évacuation de Dora fut entreprise les 5 et 6 avril
1945. Près de 20 000 détenus, destinés à Neuengamme,
furent finalement répartis dans la région de Bergen-Belsen
après des parcours en train perturbés par la progression
des Britanniques. Le dernier transport d’évacuation des
camps de Mittelbau-Dora, le plus important avec 4 000
détenus, parti le 5 avril, arriva finalement à Ravensbrück.
Forces
britanniques
Parti le 5 avril vers Neuengamme, son parcours semé
d’imprévu, coupé de parcours à pied et de changements
de direction en fonction de la progression des troupes
américaines, passa par Osterode, Helmstedt Magdeburg,
Sachsenhausen avant d’être réorienté vers Ravensbrück,
région atteinte le 14 avril, où les détenus ont été trouvés
et libérés en pleine nature.
Forces
soviétiques
Direction
générale des forces
américaines du Nord
>
>D
essin de Léon Delarbre : “le transport de Dora à Bergen-Belsen,
4 jours et 5 nuits dans la pluie et le froid. Nous étions 100 par wagon,
sans toit, sans nourriture, sans eau, et presque sans vêtements”,
Avril 1945. (©MRD Besançon)
Évacuation de Mittelbau-Dora les 5 et 6 avril 1945.
Ravensbrück
Les convois d’arrivées d’autres camps
représentèrent 30% des admissions à Ravensbrück
dès la deuxième moitié de 1944. Une accélération
spectaculaire intervint fin janvier, début février 1945,
avec les derniers transports venus d’Auschwitz, et à la
mi-avril avec ceux de Mittelbau-Dora et Watenstedt
(annexe de Neuengamme).
La direction du camp chercha tous les moyens
pour se débarrasser du plus grand nombre possible de
détenu(e)s : envoi vers des mouroirs (le 28 février, 3 205
détenus partent pour Bergen-Belsen dont des femmes
enceintes et deux cents enfants), privation de nourriture,
empoisonnement, exécutions par balles, injections
mortelles, chambre à gaz de circonstance, transferts vers
d’autres camps, ou même « libération » anticipée : cas de
Polonaises déportées après l’insurrection de Varsovie, qui
furent en réalité envoyées dans des camps de travail.
Enfin, peu avant la libération, une partie des
détenues fut évacuée par la Croix-Rouge suédoise et
internationale (environ 7 500).
Entre janvier et avril 1945, de nombreux transports
partirent pour les camps satellites de Flossenbürg (environ
2 000 détenues), Buchenwald (environ 1 895), Dachau
(480). Trois transports furent dirigés vers Mauthausen
(dont le 7 mars, 1 980 détenues NN françaises belges et
hollandaises et des enfants Sintis et Roms). La majorité
des Sintis et des Roms et les plus malades furent remis
en route pour Bergen-Belsen. Enfin 20 000 détenu(e)s
encore présent(e)s sur le camp furent lancé(e)s dans des
marche de la mort les 24 et 26 avril (hommes) et les 27
et 28 avril (femmes), soit deux jours avant l’arrivée de
l’armée soviétique.
Évacuations
par la Croix-Rouge
suédoise
Avril 1945
Janvier février
1945
Mars 1945
> Évacuations aboutissant et partant de Ravensbrück dans les premiers mois de 1945.
LA FIN DU SYSTÈME
CONCENTRATIONNAIRE :
LE RETOUR À LA LIBERTÉ
DES DÉPORTÉS.
15
Exposition réalisée par la Fondation pour la Mémoire de la Déportation en partenariat avec la Direction de la Mémoire, du Patrimoine et des Archives.
1945 :
À L’APPROCHE DES ALLIÉS.X
ÉVACUATIONS ET MARCHES DE LA MORT
VII
Sachsenhausen
> Transferts et évacuation ayant eu lieu depuis Sachsenhausen.
Le complexe de Sachsenhausen comptait 58 000
détenus fin janvier 1945. En janvier et février, 20 000
détenus furent évacués vers Bergen-Belsen, MittelbauDora, Mauthausen, Ohrdruf et d’autres camps.
Peu avant l’évacuation finale, un convoi de la
Croix-Rouge suédoise fut autorisé à emmener 2 300
Norvégiens et Danois jusqu’à Neuengamme d’où, avec
1 200 de leurs compatriotes de Neuengamme, ils furent
acheminés en Suède.
L’ordre d’évacuation fut donné le 18 avril. Formés
en groupes de 500, les détenus furent mis en route vers le
> Dessin évoquant la tragédie du bois de Below.
©Carnet de Guy Chataigné
Nord-Ouest dans la nuit du 20 au 21 avril. Les premiers
groupes arrivèrent le 23 avril à Wittstock. Quelques
kilomètres au nord, les gardes firent entrer 16 000 détenus
dans la forêt de Below, pour camper et attendre d’autres
colonnes. Des évacuées de Ravensbrück rejoignirent
la forêt qui abrita près de 40 000 détenus jusqu’au 29
avril, étendus à même le sol, sans eau, sans nourriture,
sans vêtements appropriés, mangeant des racines ou de
l’herbe pour tromper faim et soif. Un convoi de vivres
de la Croix-Rouge distribua des colis de nourriture, peu
après l’arrivée des premières colonnes. Les troupes russes
libérèrent le secteur entre le 1er et le 3 mai 1945.
>M
arche de la mort d’évacuation de Sachsenhausen :
étape du bois de Below. (extrait de Detlef Garbe
et Carmen Lange, Häftlinge zwischen Vernichtung
und Befreiung, p.263)
>É
vacuation de Sachsenhausen. Photo prise
probablement dans le bois de Below.
©Archives du CICR, Genève
LA FIN DU SYSTÈME
CONCENTRATIONNAIRE :
LE RETOUR À LA LIBERTÉ
DES DÉPORTÉS.
“Et puis quelques paroles rauques :
Karacho-Tovaritch-Ami.
Une main se tend que je frôle…
Et de nouveau il se raidit.”
16
Jean Puissant (Buchenwald)
Exposition réalisée par la Fondation pour la Mémoire de la Déportation en partenariat avec la Direction de la Mémoire, du Patrimoine et des Archives.
1945 :
À L’APPROCHE DES ALLIÉS.XI
ÉVACUATIONS ET MARCHES DE LA MORT
VIII
Flossenbürg
Un nombre important des convois d’évacuation
avait convergé vers Flossenbürg à la veille de l’évacuation
du camp. Le 14 avril, le réseau de Flossenbürg réunissait
plus de 45 800 détenus, dont 16 000 femmes. Max Kögel,
commandant du camp lança entre 25 000 et 30 000
déportés dans les marches de la mort, du 15 au 20 avril
1945. Un premier convoi, de Juifs, arrivé de Buchenwald
fut envoyé à Theresienstadt, tandis que quatre colonnes
principales furent dirigées à pied vers Dachau : une seule
atteint son but, les autres errèrent jusqu’à leur rencontre
avec les Alliés.
Les évacuations de Flossenbürg illustraient
l’impasse d’une situation qui n’en finissait pas de finir.
Dans les sites reculés, les gardes ne montrèrent
aucun scrupule à liquider les détenus qui n’étaient
plus capables de se remettre en marche et, lorsque
la progression se trouva définitivement bloquée, ils
eurent à choisir entre massacrer les détenus et fuir, ou
abandonner leurs prisonniers en disparaissant. Le hasard,
ou la personnalité d’un SS a fait la différence.
> Directions générales d’évacuation du camp de Flossenbürg en avril 1945.
LES MOUROIRS
I
Au premier semestre 1945, l’élimination de la multitude des détenu(e)s malades ou
inaptes n’étant matériellement plus possible, les transferts systématiques vers des camps
mouroirs prirent le relais, maladies et épidémies se substituant alors aux installations de mise
à mort. Après l’arrivée des Soviétiques à Auschwitz, il était exclus pour les responsables nazis
d’abandonner des malades ou des inaptes entre les mains de l’ennemi, pour n’évacuer que les
« valides ». Les détenus les plus mal en point furent en conséquence expédiés dans des camps ou
installations de fortune, qui servirent de mouroirs. Des survivants y furent découverts au milieu
d’une multitude de cadavres par les armées alliées.
Bergen-Belsen
À partir de début 1945, les convois convergèrent
d’un peu partout vers Bergen-Belsen, qui devint
l’épicentre des évacuations de détenus dont les
commandants de camp voulaient se débarrasser en
priorité. Les détenus arrivaient à pied des annexes
de Neuengamme, ou par convois de Dora-Mittelbau,
Buchenwald, Sachsenhausen, Flossenbürg et même
Leonberg (annexe de Natzweiler). On a pu parler à
propos des envois à Bergen-Belsen « d’épurations
avant évacuations ».
Décembre 1944
1er février 1945
1er mars 1945
Environ 15 000
22 000
41 520
>C
onvergence de convois vers Bergen-Belsen en 1945.
©Gedenkstätte Bergen-Belsen
Augmentation des effectifs de Bergen-Belsen.
LA FIN DU SYSTÈME
CONCENTRATIONNAIRE :
LE RETOUR À LA LIBERTÉ
DES DÉPORTÉS.
17
Exposition réalisée par la Fondation pour la Mémoire de la Déportation en partenariat avec la Direction de la Mémoire, du Patrimoine et des Archives.
1945 :
À L’APPROCHE DES ALLIÉS.XII
LES MOUROIRS
II
Les nazis nourrirent l’épidémie de typhus en
envoyant sans cesse de nouveaux convois qui arrivaient
dans un tel état d’épuisement physique que les détenus
étaient rapidement la proie de la maladie transmise par
les poux et mouraient.
Rien qu’en mars 1945, 18 500 décès ont pu être
dénombrés à Bergen-Belsen par les secrétariats tenus
par les détenus.
> Vision de cauchemar dans les bois du camp de Bergen-Belsen.
(15 avril – 1er mai 1945), ©Imperial War Museum, Londres
Les derniers convois d’évacuation
furent aussi terribles et mortifères que
ceux de janvier et de février 1945.
QUELQUES UNES DES TRAGÉDIES FINALES
I
a tragédie
L
de la baie de Lübeck
La région de Neustadt constituait un point de
convergence des derniers états-majors actifs et unités
encore équipées de la Wehrmacht. La Kriegsmarine
possédait une importante base sous-marine et un
centre de contre-espionnage dans le secteur. Deux
responsables nazis locaux, le comte BassewitzBehr, chef des SS et de la police à Hambourg, et le
Gauleiter Kaufmann, commissaire à la défense et du
Reich pour l’administration maritime, décidèrent de
se débarrasser des derniers détenus de Neuengamme
sur des navires réquisitionnés, avec soit l’intention de
les faire périr en mer, soit de les « marchander ».
Du 19 au 26 avril, quinze trains transportèrent
environ 8 000 détenus encore valides vers le port
de Neustadt où ils furent répartis à bord de trois
navires ancrés au large : le paquebot de croisière “Cap
Arcona” (4 500 détenus) et les cargos “Thielbeck”
(2 800 détenus) et “Athen” (2 000 détenus).
Le 30 avril, la Croix-Rouge suédoise réussit
à faire libérer 400 détenus, de l’ouest (Français,
Belges et Hollandais), parmi lesquels des femmes de
Ravensbrück et un groupe d’hommes provenant de
Dora qui furent emmenés par bateau en Suède le 2
mai 1945.
Les autres prirent la mer avec leur chargement
de déportés, arborant le pavillon à croix gammée.
Le 3 mai 1945 en début d’après-midi, l’aviation
>L
e Cap Arcona en feu dans la baie de Lübeck
©IWM, Londres
britannique au cours d’un raid sur Neustadt attaqua
aussi les navires. Le “Cap Arcona” prit feu puis chavira,
le “Thielbeck” coula en vingt minutes. L’“Athen”
toujours à quai fut épargné.
Ce 3 mai 1945, 7 300 déportés périrent
dans les eaux glacées de la Baltique. Quelques uns
parvenus malgré tout sur les plages de Pelzerhaken
et Neustadt furent alors traqués et mitraillés par les
jeunesses hitlériennes ou des marins. Malgré tout, 350
rescapés du “Cap Arcona”, dont onze Français et 50
du “Thielbeck” dont quatre Français survécurent au
drame.
> Épave du Cap Arcona après la guerre. ©ANg
>C
érémonie du souvenir sur l’épave du Cap Arcona en 1948.
© FZH NHS
LA FIN DU SYSTÈME
CONCENTRATIONNAIRE :
LE RETOUR À LA LIBERTÉ
DES DÉPORTÉS.
“Je revois ces torches incandescentes / Ce feu maudit /
Qui fut la dernière tourmente / Mais le Cap Arcona /
Les entrailles tordues / Sombrait amèrement /
Dans sa course perdue.” André Migdal
(Neuengamme)
18
Exposition réalisée par la Fondation pour la Mémoire de la Déportation en partenariat avec la Direction de la Mémoire, du Patrimoine et des Archives.
1945 :
À L’APPROCHE DES ALLIÉS.XII
QUELQUES UNES DES TRAGÉDIES FINALES
II
La grange de Gardelegen
Entre les 9 et 11 avril 1945, plusieurs convois
d’évacuation en provenance de camps annexes de Dora
et Neuengamme arrivèrent en gares de Mieste et de
Letzhingen, près de Gardelegen. Peu après l’arrivée des
trains, le SS Gerhard Thiele, chef de la circonscription
administrative (Kreisleiter) de Gardelegen, décida du
sort des détenus avec la complicité d’officiers de la
Wehrmacht et de la Luftwaffe et l’aide de membres
de la Volkssturm, des jeunesses hitlériennes et du
Front du travail : ils seront enfermés dans la grange
Isenschnibbe, laquelle sera incendiée.
> Convois d’évacuation vers Gardelegen. © Gedenkstätte Mittelbau-Dora
Le vendredi 13 avril après midi, tous les détenus
furent dirigés vers la grange, les moins valides sur des
chariots. Le sol de la grange avait été recouvert de
50 cm de paille imbibée d’essence. Lorsque tous les
prisonniers furent à l’intérieur les soldats bloquèrent
les portes avec des blocs de pierre et mirent le feu.
De nombreux prisonniers tentèrent de sortir et furent
abattus à la mitrailleuse. Plusieurs parvinrent à s’enfuir
au cours de la nuit mais furent retrouvés et aussitôt
abattus. Au total ce massacre fit 1 016 victimes.
Les troupes américaines, arrivèrent sur les lieux
de l’horreur le 15 avril matin. Le feu couvait encore.
Plusieurs centaines de cadavres étaient visibles. Une
fosse commune où des cadavres avaient été enterrés
sommairement fut découverte devant la grange.
>D
étenu abattu devant la grange en tentant de fuir.
©NAW/FNDIRP
> Dans un champ à proximité de la grange, coiffure d’un détenu
retrouvée dans une mare de sang. ©NAW
> Soldat américain contemplant les corps calcinés (avril 1945).
©NAW/FNDIRP
Les prises de vue des reporters américains
servirent de preuves lors du procès des responsables.
Les quelques détenus qui avaient survécu au massacre
furent pris en charge par les services sanitaires
américains.
LA FIN DU SYSTÈME
CONCENTRATIONNAIRE :
LE RETOUR À LA LIBERTÉ
DES DÉPORTÉS.
19
Exposition réalisée par la Fondation pour la Mémoire de la Déportation en partenariat avec la Direction de la Mémoire, du Patrimoine et des Archives.
1945 :
À L’APPROCHE DES ALLIÉS.XIII
QUELQUES UNES DES TRAGÉDIES FINALES
III
La grange de GardelegenII
Les habitants de sexe masculin de Gardelegen
furent requis pour enterrer les victimes. Du 18 au
24 avril 1945, environ 200 hommes ont dû exhumer
les cadavres déjà enterrés dans la fosse commune.
Toutes les victimes furent ensuite ensevelies à des
emplacements individualisés dans un champ proche,
transformé en cimetière. Les tombes furent marquées
d’une croix de bois de couleur blanche ou d’une étoile
de David.
>D
es citoyens de Gardelegen exhument les victimes de la fosse
commune (avril 1945). ©NAW
> Les victimes sont enterrées une par une par la population
qui a préparé les croix blanches visibles au premier plan. ©NAW/FNDIRP
Le 25 avril, se déroula une cérémonie militaire
et religieuse à caractère œcuménique, à laquelle
participèrent des membres des forces armées
américaines, des travailleurs étrangers forcés ainsi que
des habitants de Gardelegen et des environs.
La population de Gardelegen reste aujourd’hui encore
réticente à admettre l’implication de la commune dans
ce drame.
Le principal coupable du massacre, Gerhard Thiel,
bénéficiant d’indulgences et de complicités, put finir
tranquillement ses jours dans une ville d’Allemagne.
e train de la mort
L
de Buchenwald-Dachau
Parti le 7 avril avec 4480 détenus, pour Flossenbürg,
ce train fut dérouté vers Dachau, en raison de l’avance
américaine. Les détenus venaient d’arriver à pied
du camp annexe d’Ohrdruf, distant de 90km de
Buchenwald, dans un état d’épuisement total quand
ils ont embarqué dans des wagons de marchandise
fermés ou ouverts, à 90 ou 100, sur de la poussière
de charbon. Avec le froid et la pluie incessante,
l’épuisement, le manque d’eau et la faim, les morts
se multipliaient. Le train traversa le territoire tchèque
cinq jours durant.
> Soldats américains découvrant le convoi de la mort
à Dachau. ©NAW/FNDIRP
À bord, un sous-officier SS, surnommé « le sergent
tueur », abattait les détenus malades avec sa mitrailleuse
en parcourant le train. D’autres détenus furent fusillés
dans la nuit du 20 avril, et leurs cadavres brûlés en
plein air sur un gril de rails.
Au cours des huit derniers jours que dura le voyage,
le train devint un immense cercueil roulant. Puis les
wagons et leur chargement de cadavres restèrent en
pleine voie à proximité de Dachau jusqu’à l’arrivée
des Américains.
> Le train de Buchenwald à l’ouverture des wagons. ©NAW/FNDIRP
LA FIN DU SYSTÈME
CONCENTRATIONNAIRE :
LE RETOUR À LA LIBERTÉ
DES DÉPORTÉS.
“On promène des morts dans la plaine
Ce train qui roule
D’une lenteur d’agonie
S’enfonce dans les siècles
Ainsi qu’un noyé.” Robert Desnos
(Dernier poème)
20
Exposition réalisée par la Fondation pour la Mémoire de la Déportation en partenariat avec la Direction de la Mémoire, du Patrimoine et des Archives.
1945 :
À L’APPROCHE DES ALLIÉS.XIV
QUELQUES UNES DES TRAGÉDIES FINALES
IV
L’élimination des vingt enfants juifs
de Bullenhuser Damm
Le 29 novembre 1944, vingt enfants juifs de
cinq à douze ans, sélectionnés à Auschwitz, arrivaient
à Neuengamme au Block 4a. Ils devaient subir des
infiltrations de bacille de la tuberculose par incision
cutanée. En janvier 1945, le médecin nazi Heissmeyer
prescrit l’ablation des glandes des aisselles des enfants
pour examiner leur réaction à la tuberculose. Le 20 avril
1945, à l’approche des Britanniques, le commandant
du camp, Max Pauly, ordonna de faire disparaître
les enfants. Vers 22 heures, ils furent transférés par
camion avec les détenus qui s’occupaient d’eux,
ainsi que des prisonniers soviétiques, dans l’école
désaffectée de Bullenhuser Damm à Hambourg. Les
prisonniers soviétiques furent pendus en premier,
puis ce fut le tour de quatre détenus chargés de
soigner les enfants, dont deux médecins français, le
professeur Florence de Lyon et le docteur Quenouille
de Villeneuve-Saint-Georges ; enfin, celui des vingt
petites victimes. Le médecin SS Trzebinski a exposé
au procès de Neuengamme comment les vingt enfants
avaient été drogués puis pendus à des tuyaux dans
les caves de l’école par les SS. Aucun corps n’a été
retrouvé.
>L
’école de Bullenhuser Damm à Hambourg en 1945. ©AKZNG
> Photos d’enfants juifs victimes d’expériences médicales
et assassinés à l’école de Bullenhuser-Damm.
Ohrdruf
Créé début novembre 1944 avec 1 000 détenus,
le camp atteint en mars 1945, l’effectif de 13 700 et
devient une annexe géante de Buchenwald, dotée
de ses propres satellites. Avant le début des marches
vers Buchenwald, les SS massacrèrent 1 500 détenus.
12 000 partirent le 4 avril 1945, dont seulement 9 000
arrivèrent le 7. Lorsque les Américains arrivèrent
à Ohrdruf, il ne restait aucun malade. Un massacre
programmé et systématique s’y était déroulé. Il n’y
avait que baraquements désertés, morceaux de chair
humaine calcinée et cadavres. Le général Eisenhower
visita personnellement le site.
> Soldat américain photographiant les cadavres amassés à Ohrdruf.
©NAW/FNDIRP
>L
es généraux Eisenhower, Bradley et Patton devant la potence
d’Ohrdruf. ©NAW/FNDIRP
LA FIN DU SYSTÈME
CONCENTRATIONNAIRE :
LE RETOUR À LA LIBERTÉ
DES DÉPORTÉS.
21
Exposition réalisée par la Fondation pour la Mémoire de la Déportation en partenariat avec la Direction de la Mémoire, du Patrimoine et des Archives.
LES ARMÉES ALLIÉES
ENTRENT DANS LES CAMPS :
FIN DU SYSTÈME CONCENTRATIONNAIRE
ET DÉBUT DES RETOURS.I
Les camps de concentration n’ont pas été libérés simultanément. Des délais
importants ont séparé la libération des camps proches des frontières de ceux
qui se trouvaient au cœur du Reich : juillet 1944 Maidanek, janvier-février 1945
Auschwitz et Gross-Rosen, mi avril Dora et Buchenwald, début mai Mauthausen,
dernier des camps délivré.
Au cours des quatre semaines précédentes, la désintégration du régime
devenait toujours plus évidente, jusqu’au suicide d’Hitler le 30 avril 1945.
Ceux qui dans les camps avaient décidé de résister aux ultimes tentatives
d’extermination se sont trouvés de ce fait confrontés à des situations imprévisibles
et insaisissables.
Auschwitz, janvier 1945
La 60e armée du 1er Front ukrainien libéra ce qui
restait du complexe d’Auschwitz le 27 janvier 1945.
Vers midi, ses soldats prirent le village d’Auschwitz
(Oswiecin) accueillis par la population polonaise qui
surgit des décombres et, dans l’après-midi, investirent
les environs du camp principal et celui de Birkenau, se
heurtant à la résistance d’unités allemandes en repli.
Vers 15 heures, les premières troupes entrèrent dans
les camps de Birkenau et d’Auschwitz I et découvrirent
quelque 8 000 détenus, malades et souvent incapables
de se tenir debout, dont des enfants. Les SS, pris de
court par cette offensive, n’avaient pu achever, comme
ils en avaient l’intention, la liquidation des derniers
survivants.
>L
a rampe d’Auschwitz-Birkenau découverte par les soviétiques
à leur arrivée en janvier 1945.
©Musée-Mémorial d’Auschwitz-Birkenau
> Soldats soviétiques ouvrant le portail du camp d’Auschwitz.
©Musée-Mémorial d’Auschwitz-Birkenau/CDJC
>E
nfants déportés photographiés par un soldat soviétique
à Auschwitz. ©Musée-Mémorial d’Auschwitz-Birkenau/CDJC
> Enfant survivant d’Auschwitz soigné par des médecins soviétiques.
©Musée-Mémorial d’Auschwitz-Birkenau/CDJC
>M
édecins soviétiques observant et soignant un enfant survivant
d’Auschwitz. ©Musée-Mémorial d’Auschwitz-Birkenau/CDJC
LA FIN DU SYSTÈME
CONCENTRATIONNAIRE :
LE RETOUR À LA LIBERTÉ
DES DÉPORTÉS.
“Quand on a regardé la mort à prunelle nue,
c’est difficile de réapprendre à regarder les vivants
aux prunelles opaques.” Charlotte Delbo
in Mesure de nos jours.
22
Exposition réalisée par la Fondation pour la Mémoire de la Déportation en partenariat avec la Direction de la Mémoire, du Patrimoine et des Archives.
LES ARMÉES ALLIÉES
ENTRENT DANS LES CAMPS :
FIN DU SYSTÈME CONCENTRATIONNAIRE
ET DÉBUT DES RETOURS.II
Vaihingen,
camp de la vallée du Neckar (annexe de Natzweiler)
Ouvert en août 1944, ce camp situé entre Karlsruhe
et Stuttgart près du château de Vaihingen, en prit le
nom. Il était destiné à aménager une usine d’armement
souterraine. Les travaux entamés par un Kommando
de Juifs récemment arrivés, furent interrompus dès
octobre 1944 en raison de la situation. Le camp fut
alors transformé en mouroir dans lequel les camps de
la vallée du Neckar envoyaient leurs détenus inaptes.
Plus de 3 200 déportés polonais, tchèques, roumains,
russes et français y moururent en huit mois de l’absence
> Infirmières aidant des rescapés du camp de Vaihingen
à gagner les tentes où ils recevront des soins, 13 avril 1945.
Photo Germaine Kanova ©ECPAD.
totale de soins et de l’insalubrité des conditions de vie.
Le 1er avril 1945, à l’approche des troupes françaises,
les SS et les miliciens français évacuèrent le camp vers
Dachau, abandonnant sur place quelque 700 malades
intransportable qui furent découverts le 7 avril 1945 par
le 49e Régiment d’Infanterie de l’armée française. De
nombreux photographes s’y succédèrent. Les images,
diffusées par le Service Cinématographique aux Armées
(SCA), relayé par les agences de presse, furent parmi les
toutes premières à toucher le public français.
>S
oldats français du 49e Régiment d’infanterie prodiguant les premiers secours aux survivants
de Vaihingen en vue de leur évacuation vers un hôpital.
Photos Germaine Kanova/SCA ©ECPAD
>G
roupe de déportés à la libération du camp de Vaihingen, avril 1945.
©ECPAD
> Détachement de soldats de la 3e DIA (Division d’infanterie
algérienne) rendant les honneurs à l’inhumation de déportés
décédés au camp de Vaihingen, 10 avril 1945. À gauche, présence
de quatre notables allemands. ©ECPAD
Buchenwald : avril 1945
Le jour de la libération, le 11 avril 1945, environ
21 000 détenus occupaient encore le camp.
Vers 15 heures les derniers SS et le commandant
du camp, Pister, ayant disparu, la direction clandestine
décida d’entrer en action, fit distribuer des armes
préparées pour riposter à un mitraillage éventuels de
SS et envoya des groupes de combat constitués selon
la planification, sur des objectifs précis. Miradors et
bâtiments de commandement et d’administration furent
occupés sans résistance. Vers 15 h 45, un drapeau blanc
fut hissé sur le mirador numéro 1. Le contact fut établi
avec les avant-gardes de l’Armée Patton. À 16 heures, les
premiers éléments américains pénétraient dans le camp,
accueillis par les Résistants et la masse des détenus
valides qui se répandait dans les allées du camp.
En apprenant qu’à Buchenwald des détenus
avaient pu participer les armes à la main à leur libération,
Hitler fut, selon les propos tenus par l’un de ses proches
collaborateurs lors de son procès, pris d’un de ses
célèbres accès de colère contre Himmler.
>M
embres de la Brigade française d’action libératrice de Buchenwald
avec le fanion, avril-mai 1945.
©Association française de Buchenwald-Dora
LA FIN DU SYSTÈME
CONCENTRATIONNAIRE :
LE RETOUR À LA LIBERTÉ
DES DÉPORTÉS.
23
Exposition réalisée par la Fondation pour la Mémoire de la Déportation en partenariat avec la Direction de la Mémoire, du Patrimoine et des Archives.
LES ARMÉES ALLIÉES
ENTRENT DANS LES CAMPS :
FIN DU SYSTÈME CONCENTRATIONNAIRE
ET DÉBUT DES RETOURS.III
Buchenwald II
> La population de Weimar contrainte par les troupes de
Patton, de regarder le remorque-charnier de Buchenwald.
©FNDIRP
>T
rois détenus libérés près du
>T
rois détenus libérés se promènent dans le petit camp de
corps d’un de leurs camarades,
Buchenwald avec le très jeune détenu Stefan Jerzy Zweig ;
Buchenwald, 21 avril 1945.
près d’eux, le corps d’un détenu décédé, 11 avril 1945.
Photo Byron H. Rollins
Photo Gérard Raphaël Algoet (Belgique) ©Gedenkstätte
©Associated Press
Buchenwald/FNDIRP)
> Groupe de détenus sur le point de quitter le camp de Buchenwald,
posant devant leur Block (avril/mai 1945). ©FNDIRP
>L
’obélisque du 19 avril 1945, premier monument pour les morts
des camps de concentration de Buchenwald, de Dora et des
Kommandos., construite par les survivants eux-même. ©FNDIRP
Kommandos et annexes de Buchenwald
(deux parmi tant !)
Thekla, Kommando de Buchenwald d’environ 800
détenus, situé près de Leipzig et travaillant pour la firme
ERLA à la production d’avions Messerschmitt 109,
découvert par les Américains vers la mi-avril 1945.
>S
urvivants du camp
de Thekla se consolant
mutuellement
devant les corps de leurs
camarades après leur
libération
par l’armée américaine,
20-24 avril 1945.
Photo Margaret BourkeWhite ©Time-Life
> Corps calcinés après le massacre de détenus malades brûlés vifs
par les SS le 19 avril 1945, veille de l’arrivée des Américains. ©NAW
Neu-Stassfurt, Kommando de Buchenwald, situé
à une trentaine de kilomètres de Magdeburg, en pleine
lande, fut ouvert en septembre 1944, dans le but de
créer une usine souterraine dans une ancienne mine de
sel. Peu avant la libération, la majorité des détenus fut
envoyée dans une marche de la mort qui dura du 11 avril
au 7 mai 1945, en direction du territoire des Sudètes et
s’acheva par la fuite des SS et la rencontre avec l’armée
soviétique.
>L
e camp de Neu-Stassfurt, Kommando de Buchenwald, 12 avril 1945.
©Amicale de Neu-Stassfurt
LA FIN DU SYSTÈME
CONCENTRATIONNAIRE :
LE RETOUR À LA LIBERTÉ
DES DÉPORTÉS.
“Nuages de Buchenwald, de Pologne
De Sarrebrück ou d’Autriche
En avez-vous vu passer des âmes
Libérées de leurs corps calcinés.”
24
Ady Brille (Buchenwald) .
Exposition réalisée par la Fondation pour la Mémoire de la Déportation en partenariat avec la Direction de la Mémoire, du Patrimoine et des Archives.
LES ARMÉES ALLIÉES
ENTRENT DANS LES CAMPS :
FIN DU SYSTÈME CONCENTRATIONNAIRE
ET DÉBUT DES RETOURS.IV
Mittelbau-Dora
Le camp de Mittelbau-Dora fut libéré le 11
avril. Il ne restait qu’un millier de malades à l’arrivée
des Américains. Tous les autres détenus avaient été
évacués.
Ce camp constituait un enjeu stratégique important et se trouva presque par hasard entre les mains des
Américains, la zone, selon les accords conclus, revenant
aux Soviétiques. Elle abritait l’usine de production des
armes secrètes V1 et V2, transférée à partir de septembre
1943 de la base de Peenemünde (bombardée en août
1943) dans les tunnels de Dora aménagés et creusés par
des déportés. Les spécialistes américains se précipitèrent
pour examiner les installations et emportèrent les
éléments d’une centaine de fusées.
> Des membres du congrès américain visitent le tunnel où sont
fabriquées les fusées V2 (1er mai 1945). ©NAW
>M
embres du congrès américain examinant le système
de propulsion d’un V2 (1er mai 1945). ©NAW
L’ingénieur von Braun et le général Dornberger,
responsables du projet V2, ainsi que de nombreux
techniciens et spécialistes, réfugiés en Bavière, complices
des conditions d’exploitation des détenus au profit de
la production « des armes nouvelles », se rendirent aux
Américains avec leurs archives. Ils participèrent, sans
être inquiétés, aux programmes balistiques et spatiaux
des États-Unis. D’autres se mirent au service de l’Union
soviétique, de la Grande-Bretagne et de la France et
bénéficièrent de la même impunité.
Nordhausen : la « Boelke Kaserne »,
mouroir de Dora et de ses Kommandos
Lorsqu’elles arrivèrent le 11 avril, les troupes
américaines découvrirent le mouroir de la Bölke Kaserne
et les cadavres de plusieurs milliers de détenus. Ils
firent inhumer les restes des victimes par la population
de Nordhausen dans ce qui est aujourd’hui appelé le
« cimetière d’honneur » (Ehrenfriedhof) de Nordhausen.
Les détenus décédés peu après la libération y furent
également inhumés.
>L
a population de Nordhausen requise pour inhumer les morts
de la Boelke Kaserne, 13-14 avril 1945. ©FNDIRP
> Infirmier américain soignant un survivant repéré parmi les morts
de la Boelke-Kaserne. ©NAW
LA FIN DU SYSTÈME
CONCENTRATIONNAIRE :
LE RETOUR À LA LIBERTÉ
DES DÉPORTÉS.
25
Exposition réalisée par la Fondation pour la Mémoire de la Déportation en partenariat avec la Direction de la Mémoire, du Patrimoine et des Archives.
LES ARMÉES ALLIÉES
ENTRENT DANS LES CAMPS :
FIN DU SYSTÈME CONCENTRATIONNAIRE
ET DÉBUT DES RETOURS.V
Bergen Belsen
Évacué à partir du 6 avril, le camp fut, après
pourparlers, remis aux autorités militaires britanniques
le 15 avril. Le chaos y était total en raison de la
surpopulation extrême, provenant des précédentes
évacuations. Aucune organisation clandestine n’existait
qui aurait pu assumer une fonction d’ordre et exercer une
quelconque autorité. Ce que les Britanniques trouvèrent
remplit la presse mondiale : « 55 000 loques humaines et
10 000 cadavres non-inhumés ». Il leur fut impossible de
juguler la mortalité. 15 000 personnes moururent encore
avant la fin du mois de juin.
> Bergen-Belsen : le chaos et des cadavres partout.
©Imperial War Museum
>U
n survivant et son libérateur
au KZ de Bergen-Belsen,
le 17 avril 1945.
©Imperial War Museum
>É
vacuation de détenues politiques du camp de Bergen Belsen
(28 avril 1945). ©Imperial War Museum
> Deux rescapées du camp de Bergen-Belsen, avril 1945.
©Imperial War Museum
>U
ne femme trop faible
pour s’habiller seule est aidée
par une autre détenue.
© Imperial War Museum
>B
ergen-Belsen : les soldats britanniques détruisent les baraques
de Bergen-Belsen après l’évacuation des détenus,
pour empêcher la diffusion des épidémies (20 mai 1945).
©Imperial War Museum
Oranienburg-Sachsenhausen
La Résistance au camp de Sachsenhausen avait été
anéantie par les assassinats et les transferts à Mauthausen.
Entre le 15 et le 20 avril, des détenus allemands étaient
recrutés pour la brigade SS Dirlewanger, unité SS de
tueurs professionnels et mêlés à la garde. Le 21 avril
au soir, les derniers gardes disparurent : il restait 3 000
détenus y compris les femmes, dont 2 000 au Revier.
Quelques résistants encore groupés dans le Kommando
« tuyaux » (c’est-à-dire les pompiers), s’emparèrent
d’armes abandonnées par sécurité. Le lendemain 22
avril, l’armée soviétique entrait au camp. 30 000 détenus
erraient encore sur les routes.
laissant derrière eux environ 2 000 femmes, hommes
et enfants malades ainsi que quelques médecins et
infirmières détenues.
Le 30 avril les avant-gardes de la 49e armée du
2e front de Biélorussie pénètrent dans l’allée centrale du
camp. Ils furent suivis le 1er mai par des unités régulières
qui libérèrent les derniers détenus de Ravensbrück,
mettant fin à l’histoire du principal camp de femmes du
système concentrationnaire nazi.
Flossenbürg
Le 23 avril 1945, des éléments d’infanterie de la
IIIe Armée américaine arrivèrent au camp et libérèrent
les quelque 1 600 éclopés et typhiques qui n’avaient pu
être évacués et dont beaucoup ne survécurent pas à leur
libération.
Ravensbrück
Les derniers membres de la SS quittèrent
le camp le 29 avril en coupant eau et électricité et
>É
vacuation de Françaises de Ravensbrück par transport
de la Croix Rouge internationale (mai 1945). ©CICR
LA FIN DU SYSTÈME
CONCENTRATIONNAIRE :
LE RETOUR À LA LIBERTÉ
DES DÉPORTÉS.
“La vie m’a été rendue
et je suis là devant la vie comme devant une robe
que l’on ne peut plus mettre.”
Charlotte Delbo in Mesure de nos jours.
26
Exposition réalisée par la Fondation pour la Mémoire de la Déportation en partenariat avec la Direction de la Mémoire, du Patrimoine et des Archives.
LES ARMÉES ALLIÉES
ENTRENT DANS LES CAMPS :
FIN DU SYSTÈME CONCENTRATIONNAIRE
ET DÉBUT DES RETOURS.VI
Dachau
Au camp de Dachau, l’ordre d’évacuation
générale fut donné le 28 avril entre 9 et 10h. Le Comité
international clandestin fit son possible pour retarder le
départ des colonnes.
En fin de soirée, un Comité international fut
instauré pour maintenir l’ordre. Il imposa des laissezpasser pour contrôler les déplacements des 30 000
détenus encore présents, dont les deux tiers étaient
malades. Les cadavres s’accumulaient et les vivres
devenant rares, tout relâchement de la discipline pouvait
tourner au désastre.
Le 29 avril, vers midi une unité de la 45e division
d’infanterie américaine atteignit le camp en longeant
la voie ferrée et tomba sur le train de Buchenwald,
épouvantée par sa découverte. De colère, quelques SS
trouvés à proximité furent fusillés.
Peu après un détachement de la 42e division
d’infanterie pénétra dans le camp et désarma les
gardes.
Des milliers de détenus enfin libres sortirent
acclamer leurs libérateurs. Mais le sort de milliers
d’autres de leurs camarades des Kommandos extérieurs
et camps annexes, demeurait incertain.
> Le camp de Dachau à la libération, mai 1945. ©FNDIRP
>C
orps de déportés morts regroupés pour leur inhumation au
camp de Dachau, mai 1945. ©FNDIRP
> Rescapés du camp de Dachau et soldats français
de la 2e Division blindée, 6 mai 1945. ©FNDIRP
>C
orps calcinés de détenus du camp de Kaufering, annexe de
Dachau, gisant dans les décombres des baraques, 29 avril 1945.
Photographie de l’armée américaine, Landsberg ©FNDIRP
Allach, annexe de Dachau
Créé en 1943 à l’ouest de Munich, le camp annexe
d’Allach a compté jusqu’à 10 000 détenus travaillant au
profit des usines d’aviation de la firme BMW et voisinant
avec des camps de travailleurs du STO et des camps de
prisonniers de guerre. Il incluait également une fabrique
de porcelaine. Le camp, qui vécut comme beaucoup
d’autres, des instants d’angoisse extrême sur la conduite
finale des SS, fut libéré le 30 avril 1945.
>L
ibération du camp d’Allach, annexe de Dachau, par les troupes
américaines, 30 avril 1945. ©USHMM
LA FIN DU SYSTÈME
CONCENTRATIONNAIRE :
LE RETOUR À LA LIBERTÉ
DES DÉPORTÉS.
27
Exposition réalisée par la Fondation pour la Mémoire de la Déportation en partenariat avec la Direction de la Mémoire, du Patrimoine et des Archives.
LES ARMÉES ALLIÉES
ENTRENT DANS LES CAMPS :
FIN DU SYSTÈME CONCENTRATIONNAIRE
ET DÉBUT DES RETOURS.VII
Mauthausen
Le camp de Mauthausen, situé en Autriche près
de Linz, se trouvait entre les lignes avant américaines et
soviétiques, donc enjeu dans la délimitation des zones
d’action des deux armées.
Le 26 avril, la IIIe armée américaine (Patton) dut
marquer le pas pendant trois jours et ne reçut l’autorisation
de poursuivre que le 29 avril 1945. Elle occupa Linz le 5
mai, ainsi que la bourgade de Mauthausen et captura la
majorité des SS et de leurs renforts.
La patrouille blindée de la 11e division, du sergent
Albert J. Kosiek, entra par hasard dans le camp par la
cour des garages vers midi, sur indication d’un membre
du Comité de la Croix-Rouge internationale. Un flot
humain ne tarda pas à envahir la place. Un drapeau blanc
fut hissé sur le bâtiment de la Kommandantur-SS, que les
détenus occupèrent peu après.
Dans l’après midi, l’aigle à croix gammée dominant
le porche d’entrée fut abattu dans la liesse. Des tirs furent
échangés à l’extérieur du camp, notamment à hauteur
du pont ferroviaire, entre des républicains espagnols en
patrouille et des éléments isolés de la Wehrmacht et de
la SS en retraite. Quelques détenus se livrèrent à des
excès hors du camp et notamment autour des annexes de
Gusen, jusqu’au retour de l’armée américaine qui reprit
la situation en main, parfois sans ménagement. Le 7 mai
un détachement militaire américain arriva à nouveau au
camp central et un accueil triomphal fut organisé.
> Départ de femmes libérées de Mauthausen, vêtues de robes
confectionnées dans des tissus de dessus de lits.
©BMI/Fotoarchiv der KZ-Gedenkstätte Mauthausen
>L
’aigle du Reich au-dessus du portail de la cour
des garages de Mauthausen est arraché par des détenus,
le 5 mai 1945. ©Signal Corps, USHMM
>L
e sergent US Albert J. Kosiek traverse la cour des garages de
Mauthausen accompagné de détenus et de médecins du Comité
International de la Croix Rouge (en blanc). Deux gardes du corps
des Pompiers de Vienne en uniforme sont visibles à droite et à
gauche. Ils seront peu après faits prisonniers par les Américains.
©BMI/Fotoarchiv der KZ-Gedenkstätte Mauthausen/Sammlung
Claude Garcia©Imperial War Museum
>7
mai 1945 : les détenus du camp central de Mauthausen
acclament les soldats de la 11e Division Blindée américaine,
(deux jours après le passage de la patrouille Kosiek).
© National Archives and Records Administration, College Park
Archiv der KZ-Gedenkstätte Mauthausen
>D
étenus libérés recevant de la nourriture dans une baraque du
camp d’Ebensee (Kommando annexe de Mauthausen), mai 1945.
©Signal Corps, USHMM-FNDIRP
> Émile Valley, Pierre Mabille, Pierre Serge Choumoff et Bela Haasz
sur la route menant au portail central du camp de Mauthausen.
©BMI/Fotoarchiv der KZ-Gedenkstätte Mauthausen
> Mariano Constante, déporté républicain
espagnol, membre de l’organisation
clandestine, sur le point de quitter le camp
de Mauthausen, 5-15 mai 1945. ©Amicale
de Mauthausen/CARAN
LA FIN DU SYSTÈME
CONCENTRATIONNAIRE :
LE RETOUR À LA LIBERTÉ
DES DÉPORTÉS.
“Ravagé, mais vivant, meurtri et laminé
Mais debout et endurci, il entame
Le chemin qui mène à la libération.
Mais quel chemin encore !”
28
Henri Pouzol in La poésie concentrationnaire.
Exposition réalisée par la Fondation pour la Mémoire de la Déportation en partenariat avec la Direction de la Mémoire, du Patrimoine et des Archives.
LES RETOURS.I
Les conditions de rapatriement des quelque 40 000 déportés de France
en vie furent très diverses. La dissémination des détenus en une multitude de
Kommandos répandus sur tout le territoire de l’Allemagne a compliqué les circuits
et les impératifs sanitaires liés à l’état physique de nombreux détenus n’ont fait
qu’ajouter à ces difficultés et aux délais. Les évacuations auxquelles procédèrent
les SS furent à l’origine d’une dispersion des colonnes ou des trains, découverts
souvent par hasard, en rase campagne.
es conditions de retour
D
très diverses :
- retours collectifs organisés depuis les grands
camps (cas des déportés de Buchenwald), et qui furent
en général assez rapides,
- retours tardifs et laborieux,
- retours exceptionnels : personnalités réclamées
en priorité par les gouvernements, ou déportés bénéficiant
d’appuis particuliers,
- retours individuels.
Retours officiels.
>L
e général de Gaulle, chef du GPRF vient accueillir des déportées
françaises libérées de Ravensbrück, le 14 avril à la gare de l’Est.
©CDJC – ADIR
> Retour de déportées de Ravensbrück. ©AFP/FNDIRP
>A
ccueil de déportés sur la base aérienne de Velizy-Villacoublay.
©AFP
Retours tardifs et laborieux, par des moyens et des chemins imprévus.
> Sur une route d’Allemagne, des déportés
français libérés attendent les voitures
qui les ramèneront en France, printemps
1945. ©Documentation Française
>S
urvivantes du camp de Ravensbrück libérées par la Croix-Rouge
suédoise et rapatriées en train à travers le Danemark, avril-mai
1945. ©FNDIRP
> Déportés et prisonniers libérés par l’armée Soviétique arrivant
d’Odessa par bateau. ©FNDIRP
>U
n train de rapatriés arrive
en gare d’Annecy, 1945.
©Documentation Française
>T
ransport parisien acheminant les déportés rentrés jusqu’au
Lutetia. ©AFP
LA FIN DU SYSTÈME
CONCENTRATIONNAIRE :
LE RETOUR À LA LIBERTÉ
DES DÉPORTÉS.
29
Exposition réalisée par la Fondation pour la Mémoire de la Déportation en partenariat avec la Direction de la Mémoire, du Patrimoine et des Archives.
LES RETOURS.II
L’hôtel Lutetia
L’Hôtel Lutetia fut réquisitionné, dans
l’improvisation et sous la pression des événements,
pour servir de centre d’accueil au niveau
national, avec vocation hospitalière, hôtelière
et de services (notamment pour l’identification
des rapatriés). Ce centre fonctionna grâce à la volonté
de trois femmes : Élisabeth Bidault (résistante), Denise
Mantoux (du service social du Mouvement de Libération
nationale) et Sabine Zlatin (la « Dame d’Izieu »).
>C
arte délivrée au rapatrié Dominique Sosso, déporté politique au camp
de Buchenwald, pour servir de pièce provisoire d’identité et bénéficier
de certaines aides. © Association française de Buchenwald-Dora
> Déportés français à l’hôtel Lutetia à Paris en mai 1945. ©AFP
L’émotion des retrouvailles
>D
éportée retrouvant sa famille à Paris en mai 1945. ©FNDIRP
L’angoisse des familles et l’attente…
> Familles attendant des informations devant l’Hôtel Lutetia en mai
1945. ©AFP
Le retour à la liberté,
Où sont les autres ?
c’est aussi la difficulté d’une réinsertion
dans la vie professionnelle et dans la scolarité.
Structure d’accueil et d’aide aux enfants juifs : l’OSE
Organisme d’aide aux enfants juifs en difficulté,
fondé au début du siècle en Russie, l’OSE s’installa
ensuite en Allemagne puis en France au moment de
l’arrivée d’Hitler au pouvoir. Intégrée à l’UGIF, organisme
juif officiel créé par Pétain, elle eut en à concilier son
rôle officiel avec sa véritable action, clandestine cellelà, de sauvegarde des enfants juifs, surtout à partir de
1942. À la libération, elle prit en charge l’accueil et la
réadaptation sociale et scolaire des orphelins juifs
rapatriés en France.
Aujourd’hui, l’OSE poursuit et étend son action
sociale en faveur de l’enfance.
> Arrivée en France des Orphelins
de Buchenwald.
©Mémorial de la Shoah/CDJC
>D
éportés regardant les avis de recherche des familles à l’Hôtel
Lutetia, 1er mai 1945. ©AFP
Structure d’aide à la réinsertion professionnelle :
Le centre Jean Moulin
Créé le 8 novembre 1948, à l’initiative des deux
dirigeants de la FNDIRP, Frédéric-Henri Manhès et
Marcel Paul, grâce à une souscription exceptionnelle,
il avait vocation à réinsérer professionnellement tous
les anciens déportés qui ne pouvaient reprendre leur
ancien métier ou qui avaient besoin d’acquérir une autre
formation.
Aujourd’hui, le Centre situé à Fleury Mérogis et
repris par le Mouvement mutualiste en 1998 (UMIF), se
consacre à l’accompagnement de personnes en difficultés,
jusqu’à leur réinsertion professionnelle et sociale.
> Trois
jeunes orphelins juifs
au centre d’Écouis géré
par l’OSE.
©Mémorial de la Shoah/CDJC
>L
e centre Jean Moulin : le château de Fleury Mérogis, acquis
avec l’aide du COSOR par la FNDIRP. ©Centre Jean Moulin
LA FIN DU SYSTÈME
CONCENTRATIONNAIRE :
LE RETOUR À LA LIBERTÉ
DES DÉPORTÉS.
Au moment où la main-d’œuvre spécialisée est une nécessité
vitale pour la France, il faut que les Anciens Internés et Déportés,
reclassés dans la vie, puissent participer au relèvement
de notre pays pour lequel ils ont tant souffert.
FNDIRP
(extrait du dépliant de souscription pour la création du Centre Jean Moulin)
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Exposition réalisée par la Fondation pour la Mémoire de la Déportation en partenariat avec la Direction de la Mémoire, du Patrimoine et des Archives.
Conception graphique : Jean-François Lemporte - Impression : Hiéroglyphe.