La déterminabilité de « celui qui juge » : impact sur l

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La déterminabilité de « celui qui juge » : impact sur l
L’Année psychologique
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La déterminabilité de « celui qui juge » : impact sur
l’orientation d’un jugement et sur la formation
d’impression
Candy Sabatier, Georges Schadron, Isabelle Milhabet et Daniel Priolo
L’Année psychologique / Volume 110 / Issue 04 / December 2010, pp 573 - 593
DOI: 10.4074/S0003503310004045, Published online: 03 January 2011
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Candy Sabatier, Georges Schadron, Isabelle Milhabet et Daniel Priolo (2010). La
déterminabilité de « celui qui juge » : impact sur l’orientation d’un jugement et sur la
formation d’impression. L’Année psychologique, 110, pp 573-593 doi:10.4074/
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La déterminabilité de « celui qui juge » : impact
sur l’orientation d’un jugement et sur la
formation d’impression
Candy Sabatier* , Georges Schadron, Isabelle Milhabet et Daniel Priolo
Université de Nice-Sophia Antipolis, Laboratoire de Psychologie Cognitive
et Sociale (LPCS)
RÉSUMÉ
Cette expérimentation a été conduite afin de définir si le fort degré
de déterminabilité de « celui qui juge » intervient dans la formation
d’impression et l’orientation de son jugement vis-à-vis d’une cible. Faisant
un lien entre les modèles de la Jugeabilité et de la Déterminabilité Sociale,
nous avons posé l’hypothèse de la déterminabilité de « celui qui juge »
comme critère intervenant dans l’expression de la jugeabilité d’une cible.
Les résultats obtenus confirment que des sujets fortement déterminables
se forment une impression et émettent un jugement orienté sur la cible
en fonction d’informations a priori non pertinentes caractérisant cette
même cible. Ces effets sont amoindris lorsque les sujets sont faiblement
déterminables. Outre la dimension théorique, l’application de ces résultats
dans le domaine des prises de décision en justice sera également discutée.
ABSTRACT
This experimentation has been carried out so as to establish whether the high degree
of determinability of “the one who judges” plays a role in forming his impressions
and in guiding his judgment towards a target. By linking the Judgeability to Social
Determinability, models, we have stated the hypothesis of the determinability of “the one
who judges” as a criteria playing a role in expressing the judgeability of a target. The results
obtained confirm that highly determinable subjects develop an impression and express a
biased judgment on the basis of apparently non-pertinent information about the target.
These effects diminished when the subjects are not very determinable. In addition to the
theoretical dimension, we will also discuss the application of these results in the field of
the decision-making process in justice.
*Correspondance : Candy Sabatier, LPCS, Pôle Universitaire Saint Jean d’Angely, 24 Avenue des Diables Bleus,
06357 Nice Cedex 4. E-mail : [email protected]
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De façon candide, nous pourrions imaginer que lorsqu’il évolue dans
son environnement quotidien, l’observateur social est doté d’une certaine
capacité d’analyse qui l’aide à départager les informations pertinentes,
à décider de la justesse de celles-ci et enfin, à faire les choix les plus
judicieux en ce qui concerne l’ensemble des interactions sociales. Ces
aptitudes seraient particulièrement utiles et appréciables dans certains
contextes où l’observateur social serait amené à jouer un rôle spécifique
comme, par exemple, celui de juré d’Assises. Assigné à ce rôle avec de
telles capacités, il saurait définir avec circonspection les éléments factuels
décisifs, éviter les pièges de la confusion informationnelle générés par les
indices extra-légaux1 et saisir chaque tenant et aboutissant de la situation.
Cependant, nous savons que dans la réalité des faits, construire et émettre
un jugement s’avère bien plus compliqué. En effet, l’observateur social
n’est pas toujours capable de dire avec exactitude ce qui l’aura poussé à
émettre un jugement et ce qu’il en est précisément de ses déterminants
cognitifs. Parce qu’il n’a pas directement accès à ses processus internes, il
semble incapable d’expliquer ses comportements, ses attitudes, ses valeurs
et, bien entendu, ses jugements (Nisbett & Bellows, 1977). Ainsi et au-delà
de certaines divergences théoriques, les psychologues sociaux admettent
qu’une part de l’information sociale, notamment les stéréotypes, affecte
l’observateur sans qu’il en soit foncièrement conscient (Bargh, 2006 ;
Greenwald & Banaji, 1995). Dès lors, lorsque ce dernier souhaite émettre
un avis sur une personne-cible, il effectue un décryptage intuitif de la
situation de jugement qui le renseigne indirectement sur l’origine de son
impression. Il se forge alors une impression sur la base de ses théories naïves
en rapport avec les référents situationnels, qu’il applique plus ou moins
automatiquement, tels des schémas ou scripts de jugement. Ce type de
processus, soit le lien qui unit l’observateur social à son jugement, constitue
l’une des principales problématiques du modèle de la jugeabilité sociale
(Schadron & Yzerbyt, 1991).
LE MODÈLE DE LA JUGEABILITÉ SOCIALE
Dans cette approche, les chercheurs ont montré que lorsqu’ils doivent
émettre un jugement sur autrui, les gens semblent respecter certaines règles
1 Dans un procès, un indice extralégal est une information qui ne devrait pas être prise en compte légalement par
un juré dans l’élaboration de son jugement concernant l’accusé. Ces indices peuvent être présents dans le contexte
de jugement et peuvent concerner l’accusé ou tout autre élément du procès.
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sociales qui définissent les conditions dans lesquelles ils se donnent la
possibilité de juger. De ce point de vue, ces règles indiquent dans quelle
mesure une cible apparaît « jugeable » ou non.
Selon le modèle de la Jugeabilité sociale, des conditions doivent
être remplies afin que le jugement puisse être émis. Ces conditions
ou « critères de jugeabilité » peuvent se regrouper sous deux grandes
dimensions : d’une part, des informations utilisables pour « construire »
un jugement et, d’autre part, des éléments de définition de la situation,
les méta-informations, qui indiquent qu’un jugement peut ou non être
formulé. Pour juger, l’observateur social doit donc disposer de deux
éléments : d’un contenu de jugement (niveau informationnel) et d’une
estimation des paramètres de la situation de jugement qui lui permette
de penser que les critères de « jugeabilité » de la cible y sont remplis
(niveau méta-informationnel). Si l’un des deux niveaux n’est pas présent
dans la situation, l’observateur social ne s’octroie pas le droit d’émettre un
jugement sur la cible. Il met ainsi à l’épreuve ses impressions vis-à-vis d’une
cible sur la base de critères ou indices de « jugeabilité » dont il dispose ou
croit disposer dans la situation de jugement. Ces indices ou critères revêtent
plusieurs formes : être en position d’émettre un jugement (Guingouain,
Gosselin, Guirriec, & Boudeau, 1995) ; posséder ou croire posséder la
compétence de juger (cf., avoir un statut d’expert ; Caetano, 1995) ; enfin
occuper une position de pouvoir, légitime ou illégitime (Croizet & Fiske,
2000 ; Rodríguez-Bailón, Moya, & Yzerbyt, 2000). Ces indices concernent
également les notions d’homogénéité et d’entitativité ou la représentation
cognitive indifférenciée des membres d’un groupe, qui permettent de
renseigner l’observateur social sur le caractère stable et donc prédictif
des comportements et attitudes des membres de ce groupe (Wilder,
1986). Une personne est perçue comme facilement jugeable lorsqu’elle
semble appartenir à un groupe stéréotypé homogène, entitatif (Schadron
& Yzerbyt, 1993 ; Schadron, 1997). D’aucuns soulignent d’ailleurs que
le sentiment de connaître quelque chose de « l’essence », de la nature
profonde d’un groupe (Rothbart & Taylor, 1992), soit l’essentialisme perçu
(Yzerbyt, Rocher, & Schadron, 1997 ; Haslam, Rothschild, & Ernst, 2000),
rend encore une fois les membres de ce groupe plus facilement « jugeables »
(Schadron, Morchain, & Yzerbyt, 1996). Ainsi, les indices ou critères de
jugeabilité concernent tout aussi bien l’observateur social (sa position, son
statut, son rôle) que la façon dont il perçoit la personne-cible dans la
situation de jugement.
Le modèle de la jugeabilité sociale nous enseigne donc que l’observateur
social met à l’épreuve ses impressions pour prononcer un jugement légitime
sur une personne-cible. Il le fait en fonction des différents contenus
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d’information et des différents indices ou critères de « jugeabilité » dont
il dispose ou croit disposer sur la cible dans la situation de jugement. Les
processus explorés dans ce modèle sont particulièrement sollicités dans une
situation de prise de décision impliquée dans la sphère judiciaire. En tant
que juré, un observateur social doit à la fois tenir compte des éléments
véhiculés tout au long du procès, éléments qui constituent l’orientation
de son jugement, et de la validité de ces informations en rapport avec
l’émission même de ce jugement. Il en va ici, de la notion de « doute »
profitable à l’accusé lorsqu’un verdict final et collégial doit être énoncé.
Enfin, les éléments ou indices de « jugeabilité » décrits ci-dessus rappellent
certains facteurs mis en avant dans la littérature consacrée aux prises
de décisions en Cour d’Assises et qui peuvent moduler un jugement.
En effet, certaines caractéristiques personnologiques, socioculturelles ou
démographiques des accusés seraient impliquées de façon non négligeable
dans les verdicts. Par exemple, du point de vue appartenance groupale, nous
savons que lorsqu’un accusé appartient à un groupe social stéréotypé, les
jurés semblent favoriser des facteurs explicatifs internes à l’acte criminel
plutôt que situationnels (Jones & Kaplan, 2003). La gravité de l’acte
est alors accentuée et dans ce cadre, l’accusé ne peut bénéficier de
circonstances atténuantes. De même, lorsqu’un accusé appartenant à un
groupe stigmatisé et/ou minoritaire (cf. ici communauté afro-américaine
ou hispanique) est jugé en majorité par ses pairs, il peut être victime de
l’effet « brebis galeuse », qui se traduit par le rejet de l’élément négatif
de l’endo-groupe via une sentence accrue (Bonazzoli, 1998 ; King, 1993 ;
Perez, Hosch, Ponder & Trejo, 1993 ; Marques, Yzerbyt & Leyens, 1988).
En conséquence, si les jurés portent attention à certaines caractéristiques
non-factuelles (c’est-à-dire, indices extra-légaux), cela peut entraîner un
verdict biaisé.
Par ailleurs, avant d’être partie prenante dans le procès, les futurs
jurés subissent une sélection. Si nous savons désormais comment un juré
est susceptible d’appréhender son propre jugement, qu’advient-il de ce
jugement lorsque ce juré est lui-même la cible d’un jugement, qu’il sait –
ou croit savoir – qu’un tiers détient de l’information sur lui et/ou que ce
tiers le perçoit comme « jugeable » ?
Un faisceau d’indices expérimentaux montre que le degré de jugeabilité
d’une personne peut avoir un effet sur la façon dont celle-ci se perçoit,
sur la façon dont elle se comporte et réagit aux attentes véhiculées dans
le contexte social qui la définit comme jugeable (Croizet, Désert, Dutrévis,
& Leyens, 2003 ; Danso & Esses, 2001 ; Gregory & Webster, 1996 ; Steele
& Aronson, 1995). Cette jugeabilité prédisposerait cette personne à une
certaine « influençabilité » qui se traduirait par une plus grande propension
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à agir ou réagir en fonction des attentes induites dans la situation. La piste
théorique soulevée par cette « influençabilité » a été explorée par Schadron
et Morchain (2001 ; 2002) à travers l’approche de la déterminabilité sociale.
L’APPROCHE DE LA DÉTERMINABILITÉ SOCIALE
L’approche de la Déterminabilité sociale suggère que toute personne
entrant dans une situation sociale donnée y détecte de façon automatique
des indices de « déterminabilité » qui fixent son degré de sensibilité à
tous les types d’influences conscientes et non conscientes s’exerçant sur
elle dans cette situation. La déterminabilité relèverait d’un mécanisme
spontané d’adaptation sociale permettant à l’ensemble des acteurs sociaux
d’équilibrer l’impact de leurs influences respectives dans toute interaction
sociale quelle qu’elle soit. Elle fluctuerait en fonction des situations sociales
auxquelles l’acteur social est confronté. Autrement dit, la déterminabilité
sociale peut se définir comme le degré d’influençabilité induit chez
un individu par une situation sociale. Il s’agirait d’une régulation non
consciente des influences conscientes et non conscientes qui s’exercent sur
une personne (Morchain & Schadron, 2001 ; Schadron & Morchain, 2002 ;
2008).
Par exemple, des travaux ont d’ores et déjà montré que lorsque
des sujets croyaient que l’expérimentateur était informé sur leur propre
personnalité, qu’il détenait de l’information sur eux, cela augmentait leur
propension à confirmer les attentes véhiculées dans la situation (Morchain
& Schadron, 2001). Il en était de même lorsque les sujets pensaient
que l’expérimentateur croyait qu’ils appartenaient à une entité groupale.
Ils se soumettaient et réagissaient davantage en fonction des attentes de
l’expérimentateur (Schadron & Morchain, 2002). La déterminabilité a
également un impact sur les jugements et autoévaluations. Après avoir
été confrontés à une conception essentialiste de leur groupe professionnel,
des étudiants en sport ont été plus influencés par le stéréotype dans leurs
auto-descriptions ainsi que dans leurs prévisions concernant leur avenir
(c’est-à-dire étude 1 – Schadron, 2005). De même, des sujets féminins
ont davantage été influencés par une source extérieure et ont davantage
conformé leurs ambitions aux prédictions de cette source après avoir été
« essentialisés » (c’est-à-dire étude 2 – Schadron, 2005).
De façon générale, si la déterminabilité est envisagée comme un
mécanisme permettant à des partenaires de doser l’impact de leurs
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influences respectives, nous suggérons que l’effet de déterminabilité peut
s’exercer sur une palette complexe de comportements, notamment sur
le jugement et sur l’évaluation d’autrui. Nous suggérons en effet que
la déterminabilité d’une personne dans une situation précise peut avoir
un impact sur ses jugements. Dans ce contexte théorique, faisant un
lien entre les modèles de Jugeabilité et de Déterminabilité Sociale, nous
posons l’hypothèse de la déterminabilité de « celui qui juge » comme
élément méta-informationnel intervenant dans la situation de jugement
(c’est-à-dire, de prise de décision).
En effet, une situation induisant un degré de déterminabilité élevé
incite la personne qui s’y trouve placée à se conformer aux attentes
véhiculées dans cette situation. Notamment, comme l’ont montré les études
rapportées ci-dessus, la déterminabilité d’un sujet est affectée par le fait
de savoir que les autres personnes présentes dans la situation ont de
l’information sur lui ; ce sujet devient alors plus influençable. Dans le cas
d’un jury, « celui qui juge » se trouve dans une situation qui peut le rendre
plus ou moins déterminable puisqu’il est amené à délivrer de l’information
le concernant lors du processus de sélection.
Une fois déterminable, « celui qui juge » serait davantage susceptible
d’être soumis aux influences sociales, celles-ci incluant la pression à
parvenir à un jugement inhérente à la situation de jury. Dès lors, il
serait plus enclin à orienter son jugement en fonction de toutes les
informations caractérisant la cible de son jugement (que ces informations
soient pertinentes ou non). De même, l’impression qu’il se fait de cette
cible peut être affectée par ces mêmes caractéristiques. En situation
de faible déterminabilité, par contre, si l’observateur social perçoit ces
indices, ils auront moins d’impact. Une même cible peut donc être
jugée différemment selon que le contexte de déterminabilité est plus
ou moins fort. Par conséquent, lorsque sa déterminabilité est élevée,
et après avoir pris possession des informations qui caractérisent la
cible, « celui qui juge » serait susceptible d’émettre un jugement sur
celle-ci, même si en l’occurrence, aucun indice pertinent et objectif ne le
permet.
Autrement dit, du point de vue du domaine judiciaire et des éléments de
réflexion déjà avancés vis-à-vis de l’approche de la déterminabilité sociale,
il nous semble pertinent de penser qu’un acteur social placé en situation de
juré pourrait être particulièrement influençable et que cela pourrait avoir
un impact sur son jugement (Sabatier & Schadron, sous presse). Cet impact
serait d’autant plus important si, dans l’affaire jugée, les informations qui
dominent sont de nature extralégale et donc, peu ou non pertinentes pour
le jugement.
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Prenant en considération ce degré de déterminabilité chez les futurs
jurés, notamment de façon plus générale vis-à-vis de la sélection à laquelle
ils sont soumis et au « rôle » sous-tendu par cette sélection, nous testons
ici l’hypothèse de la déterminabilité de « celui qui juge » en réalisant
une étude expérimentale dans le cadre précis d’une prise de décision
judiciaire. Même si cette étude n’explore pas de façon écologique la
déterminabilité des futurs jurés, nous savons néanmoins que ces derniers
sont « sélectionnés » sur la base d’informations de type signalétique (par
ex. Système Judiciaire Français) pouvant renseigner sur une éventuelle
appartenance groupale (cf. ethnique, socio-économique, de genre, d’âge,
etc.). Il en va de même dans les systèmes judiciaires anglo-saxons sur la
base d’informations plus nombreuses et plus invasives. Aussi avons-nous
fait le choix d’opérationnaliser la notion de forte déterminabilité en
catégorisant une partie des sujets et leur faisant croire qu’ils appartenaient
à un groupe homogène. Cette catégorisation s’effectuait sur la base
d’indices physiologiques (c’est-à-dire, essentialisme) et était délivrée par
l’expérimentateur. Les sujets prenaient ainsi conscience qu’un tiers détenait
de l’information sur eux dans ce contexte précis. En condition de faible
déterminabilité, les sujets n’étaient pas catégorisés. De plus, afin de tester
l’influence du degré de déterminabilité sur l’orientation d’un jugement
dans un contexte judiciaire, nous avons utilisé le paradigme des « jurés
simulés ». Tous les sujets étaient soumis à l’étude d’une affaire criminelle via
un document écrit (c’est-à-dire, un dossier criminel) dans lequel l’accusé
était présenté de façon positive versus négative. En tant que jurés, ils
devaient se former une impression de cet accusé et ensuite se prononcer
sur un ensemble d’échelles de jugement. Dans l’ensemble et dans la mesure
où le degré de déterminabilité d’un observateur social tend à moduler
son influençabilité comportementale vis-à-vis de facteurs présents dans la
situation, une forte déterminabilité de « celui qui juge » devrait avoir des
conséquences sur ses jugements et cela en fonction de la façon dont était
présenté l’accusé.
HYPOTHÈSES
Concernant le jugement de culpabilité, la peine d’emprisonnement et
la formation d’impression des sujets concernant l’accusé, nous avons
formulé une hypothèse d’effet d’interaction entre les variables « degré
de déterminabilité » et « portrait de l’accusé ». La valence de chacun
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des portraits de l’accusé doit avoir peu d’impact sur les jugements en
condition de faible déterminabilité et davantage d’impact en condition de
forte déterminabilité. Concrètement, en forte déterminabilité, un accusé
présenté comme plutôt « humaniste » doit être jugé moins coupable,
encourir une peine de prison moins forte et susciter globalement une
impression plus positive qu’un accusé présenté comme un « requin
de la finance ». Ces différenciations doivent être moins exprimées en
faible déterminabilité. Sur ces trois mesures, nous nous attendions à
une différence de jugements plus favorables à « l’humaniste » en forte
déterminabilité qu’en faible déterminabilité et inversement une différence
de jugements plus défavorables au « requin de la finance » en forte
déterminabilité qu’en faible déterminabilité.
Concernant l’estimation du degré de certitude des sujets et le fait qu’ils
se soient sentis suffisamment informés, nous avons formulé une hypothèse
d’effet principal de la variable « degré de déterminabilité ». En effet,
quelle que soit la valence du portrait de l’accusé, les sujets doivent afficher
une plus grande certitude et se sentir plus suffisamment informés en forte
déterminabilité qu’en faible déterminabilité.
MÉTHODE
Échantillon et plan expérimental
60 étudiants de psychologie ont participé à cette expérimentation, répartis
aléatoirement en quatre groupes de 15 sujets selon le plan expérimental suivant :
2, portrait de l’accusé dans le dossier judiciaire (positif versus négatif) X 2, degré de
déterminabilité de « celui qui juge » (fort versus faible), en facteurs inter-sujets.
Matériel expérimental
Manipulation de la déterminabilité à travers une tâche de
décision lexicale
Nous avons tout d’abord mis en place une tâche de décision lexicale. Nous avons
utilisé un programme informatique faisant apparaître sur un écran d’ordinateur
des stimuli « mots » (par ex. table) et des stimuli « non-mots » (par ex. pable) à une
fréquence de présentation de 150 millisecondes. La tâche imposait aux sujets de
répondre en cliquant à droite ou à gauche de la souris selon le contenu sémantique
du stimulus. Chacun des stimuli s’enchaînait sans transition après que le précédent
soit reconnu et que le « clic » soit effectué. Cette tâche était simple et relativement
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courte (2 à 3 minutes). Une première étape d’entraînement permettait aux sujets
de se familiariser avec le procédé en ayant la possibilité d’identifier une dizaine de
stimuli, puis ils se prononçaient vis-à-vis d’une centaine de stimuli tandis que nous
faisions semblant d’enregistrer leurs réponses. Les mots qui étaient présentés sur
l’écran étaient contrebalancés entre eux et exprimaient une valence sémantique
positive, négative et neutre dans les mêmes proportions. Tous les sujets avaient
affaire au même programme et donc au même contenu.
Par ailleurs, nous avions placé sur l’avant-bras des sujets une électrode censée
mesurer les réponses électrodermales de ceux-ci pendant cette tâche. L’électrode,
qui était reliée à l’ordinateur, se présentait sous la forme d’un patch recouvert
d’un tulle antiseptique pharmaceutique. Celle-ci enregistrait de façon fictive les
fréquences et réponses nerveuses des sujets ainsi que leur rythme cardiaque et
d’autres réponses physiologiques. Lorsque cette tâche de décision lexicale était
terminée, nous activions une interface dévoilant ces soi-disant renseignements
concernant les sujets apparaissant sous la forme d’un graphique. Nous présentions
deux tracés. Le premier tracé, en vert, correspondait à la courbe moyenne des
réponses physiologiques réactionnelles obtenues par un ensemble de personnes
ayant déjà effectué ce genre de tâche. Le second tracé, en rouge, était censé
correspondre à celui des sujets. Ce tracé était le même pour tous les sujets et se
superposait au tracé de référence. De fait, la courbe rouge obtenue par les sujets
épousait visiblement les inclinations de la courbe verte de référence. En condition
de forte déterminabilité, nous indiquions aux sujets, par cette superposition, qu’ils
s’apparentaient à un groupe homogène d’un point de vue réactionnel sur la base
de réponses de nature physiologique, biologique (c’est-à-dire, essentialisme). Nous
ne donnions aucune précision quant à l’aspect « bon » ou « mauvais » du
tracé. Il s’agissait simplement d’un enregistrement de données réactionnelles via
un programme informatique spécifiquement conçu pour l’étude. En condition
de faible déterminabilité, seul le tracé des sujets apparaissait à l’écran et nous ne
faisions aucun commentaire supplémentaire.
Cette tâche de décision lexicale constituait la première étape de
l’expérimentation.
Manipulation du portrait de l’accusé à travers un dossier
judiciaire
Nous avons pré-testé et élaboré un dossier judiciaire simplifié mais suffisamment
étoffé pour présenter une base sérieuse et crédible d’informations. Celui-ci mettait
en scène une affaire criminelle se déroulant dans le milieu de la finance et concernait
une Offre Publique d’Achat (OPA) avec à la clef, le soupçon d’un délit d’initié.
Concrètement, le dossier était composé de cinq pages. La première page ou page de
garde indiquait aux sujets que l’affaire présentée était réelle et que celle-ci avait été
désarchivée dans le strict respect de la loi concernant l’anonymat. De plus, il y était
indiqué que les informations délivrées dans le document à suivre étaient données
sous forme de résumé et avaient été fournies, entre autres, par les archives de la
Commission des Opérations de Bourse (La COB). La deuxième page renseignait
brièvement le lecteur sur le contexte du délit, présentait les principaux intervenants
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ainsi que le contexte historico-financier de l’OPA. Ensuite, sur la même page,
nous avions fait en sorte d’instruire les sujets sur la définition du délit d’initié
tout en l’incluant dans le dossier. Les troisième et quatrième pages expliquaient
en détail les tenants et aboutissants de l’enquête effectuée par la COB puis par les
instances judiciaires ainsi qu’un descriptif détaillé de l’OPA. Il s’agissait de mettre
à jour les faits et gestes des différents protagonistes ainsi que les informations
factuelles, à charge et à décharge, glanées au cours de l’enquête. Enfin, dans la
cinquième et dernière page, nous fournissions aux sujets la retranscription d’un
extrait d’interview donnée par le principal suspect quelques mois avant la mise en
accusation. C’est notamment dans cet extrait que nous avons fait varier certaines
informations vis-à-vis de l’accusé, de telle sorte qu’il apparaisse soit comme un
personnage « humaniste » (portrait à valence positive) soit comme un « requin
de la finance » (portrait à valence négative) aux yeux des sujets.
Le recueil des jugements à travers un questionnaire
Le questionnaire proposé aux sujets dans la troisième et dernière étape de l’étude
consistait en un ensemble d’échelles de Likert (11 points) centrées sur le dossier
judiciaire et plus particulièrement sur l’accusé incriminé. Les trois premières
questions concernaient les jugements judiciaires : 1. le degré de culpabilité de
l’accusé vis-à-vis des faits qui lui étaient reprochés (1 « pas du tout » à 11
« tout à fait » coupable) ; 2. le degré de certitude concernant le jugement
prononcé ci-avant (1 « pas du tout » à 11 « tout à fait certain(e) ») ; 3. la peine
d’emprisonnement requise contre l’accusé (1 « aucun emprisonnement » à 11
« un an et plus d’emprisonnement »). Les cinq questions suivantes concernaient
la formation d’impression des sujets vis-à-vis de l’accusé. Ils devaient se prononcer
sur cinq traits en estimant son degré de malhonnêteté, d’intéressement financier,
de dissimulation, d’avarice et d’intolérance (1 « pas du tout » à 11 « tout à
fait » représentatif du trait proposé). Enfin, la dernière question concernait la
« suffisance » de l’information délivrée dans le dossier judiciaire (c’est-à-dire, les
sujets s’étaient-ils sentis suffisamment informés à la lecture du dossier ? – 1 « pas
du tout « à 11 « tout à fait »).
Procédure
Afin d’augmenter la crédibilité de la mise en situation, les sujets étaient amenés
à participer à une étude soi-disant financée par le Ministère de la Recherche
en association avec le Ministère de la Justice. L’expérimentateur leur signalait
que cette étude consistait à déterminer les paramètres impliqués dans une tâche
de jugement dans le cadre d’un procès judiciaire. En condition de « faible
déterminabilité », l’expérimentateur demandait dans un premier temps aux sujets
s’ils acceptaient de « rendre service » à un doctorant en psychologie cognitive
en testant un programme informatique impliquant des mesures électrodermales
(RED). Seuls les sujets ayant accepté étaient retenus pour le traitement statistique
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des données expérimentales (seuls deux sujets ont refusé). En condition de « forte
déterminabilité », l’expérimentateur informait les sujets que l’étude se déroulait
en deux étapes. La première étape, en lien direct avec l’étape suivante, servait à
analyser les tenants et aboutissants du potentiel stressant d’une situation de prise de
décision. Ainsi, dans un premier temps, les sujets participaient-ils individuellement
à la tâche de décision lexicale précédemment décrite et dans laquelle il leur était
demandé de répondre à des stimuli présentés sur un écran d’ordinateur. Avant de
commencer, l’expérimentateur plaçait l’électrode ou capteur RED sur l’avant-bras
des sujets. Afin que le système de mesure apparaisse comme plus vraisemblable,
l’expérimentateur effectuait un premier essai montrant aux sujets que celui-ci
fonctionnait vraiment et en temps réel. Ensuite, les sujets procédaient à la tâche
de décision. Une fois celle-ci terminée et selon la condition dans laquelle ils étaient
placés, l’expérimentateur montrait le graphique des tracés RED. Dans la condition
« forte déterminabilité », les sujets étaient informés qu’ils s’apparentaient à un
groupe spécifique réagissant d’une manière spécifique à ce type de tâche leur
permettant d’effectuer la deuxième étape de l’expérimentation (c’est-à-dire, la
consultation du dossier judiciaire). En condition de « faible déterminabilité », le
lien entre la tâche de décision lexicale et la suite de l’étude n’était pas établi et aucune
précision n’était fournie.
Lors de la deuxième étape, et uniquement en condition de « forte
déterminabilité », le capteur RED était maintenu sur l’avant-bras des sujets tandis
que l’expérimentateur faisait semblant de mettre en place une nouvelle interface sur
l’écran d’ordinateur. Les sujets devaient croire que cette deuxième tâche impliquait
des mesures électro-physiologiques supplémentaires en situation de prise de
décision dite « complexe » (c’est-à-dire, maintien de la déterminabilité). Une fois
cette manipulation terminée, l’expérimentateur fournissait la consigne écrite puis
le dossier judiciaire. En condition de « faible déterminabilité », l’expérimentateur
informait simplement les sujets que l’expérimentation pour laquelle ils avaient été
sollicités pouvait désormais commencer. Les sujets de cette condition ne devaient
pas faire de lien entre la première et la deuxième tâche. Ils lisaient la consigne puis
le dossier. Concernant la lecture et pour l’ensemble des sujets, aucune limite de
temps n’était imposée. Enfin, l’expérimentateur reprenait le dossier et fournissait le
questionnaire de jugements (les échelles de réponses) décrites ci-dessus (c’est-à-dire
troisième et dernière étape de l’expérimentation).
Une fois cette étape de jugement terminée, l’expérimentateur effectuait un
débriefing détaillé de l’expérimentation et recueillait les impressions des sujets.
De façon générale, l’ensemble du protocole expérimental durait en moyenne
une heure.
RÉSULTATS
Les données ont été analysées à l’aide d’une ANOVA selon le plan
expérimental suivant : 2, portrait de l’accusé dans le dossier judiciaire
L’année psychologique, 2010, 110, 573-593
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(positif versus négatif) X 2, degré de déterminabilité de « celui qui juge »
(fort versus faible), en facteurs inter-sujets.
Estimation du degré de culpabilité de l’accusé
Comme attendu, nous observons un effet d’interaction entre les variables
« portrait de l’accusé » et « degré de déterminabilité », F(1,56) = 8,18, p
< 0,005, η2 = 0,14 (cf. Tableau I). Plus précisément, lorsque les sujets sont
placés en situation de forte déterminabilité, ils orientent leurs jugements
en fonction de la valence du portrait véhiculé sur l’accusé dans le dossier
judiciaire. Ils jugent « l’humaniste » comme moins coupable que « le requin
de la finance » (cf. Tableau I). En situation de faible déterminabilité, ces
jugements ne diffèrent pas significativement en fonction du portrait. Les
jugements émis en condition de « forte déterminabilité – portrait positif »
diffèrent de ceux des trois autres conditions qui ne diffèrent pas entre elles.
En d’autres termes, l’effet escompté de la déterminabilité sur l’orientation
d’un jugement est ici particulièrement distinguable lorsque « celui qui
juge » doit émettre un jugement sur une cible présentée au travers d’un
portrait positif.
Tableau I. Moyennes (et écarts-types) des jugements de culpabilité
des sujets en fonction de leur degré de déterminabilité et de la
nature du portrait du suspect véhiculé dans le dossier judiciaire
Déterminabilité
Portrait Positif
Portrait Négatif
Faible
6,66 a (1,58)
6,33 a (1,71)
Forte
4,4 b (1,24)
6,66 a (2,31)
Note : les moyennes affectées d’une même lettre ne diffèrent pas significativement entre elles (test LSD, p < 0,01).
Nous observons également deux effets principaux significatifs. D’une
part, les sujets placés en situation de faible déterminabilité émettent des
jugements de culpabilité plus forts (M = 6,5) que les sujets placés en
situation de forte déterminabilité (M = 5,53), F(1,56) = 4,52, p < 0,03, η2 =
0,08. D’autre part, l’effet de la variable « portrait de l’accusé » indique que
les sujets jugent l’accusé présenté de façon positive comme moins coupable
(M = 5,53) que l’accusé présenté au travers d’un portrait négatif (M = 6,5)
quel que soit le degré de déterminabilité manipulé, F(1,56) = 4,52, p < 0,03,
η2 = 0,08.
L’année psychologique, 2010, 110, 573-593
Lorsque les jurés sont déterminables
585
Estimation de la peine d’emprisonnement requise
contre l’accusé
L’analyse de variance révèle un effet d’interaction entre les variables
« portrait de l’accusé » et « degré de déterminabilité » tel que F(1,56)
= 3,74, p < 0,057 (c’est-à-dire effet tendanciel). Seuls les sujets placés en
condition de forte déterminabilité estiment que l’accusé « humaniste »
devrait effectuer une peine de prison moins forte que l’accusé « requin de
la finance » (cf. Tableau II).
Tableau II. Peine de prison moyenne (et écarts-types) vis-à-vis de
l’accusé en fonction de leur degré de déterminabilité et de la
nature du portrait de l’accusé véhiculé dans le dossier judiciaire
Déterminabilité
Portrait Positif
Portrait Négatif
Faible
4,40 a (2,38)
4,26 ab (2,25)
Forte
2,60 a (2,74)
5,20 b (3,40)
Note : les moyennes affectées d’une même lettre ne diffèrent pas significativement entre elles (test LSD, p < 0,01).
La formation d’impression concernant l’accusé (basée
sur les « jugements traits »)
Les cinq traits impliqués dans la formation de jugement ayant une
cohérence interne satisfaisante (α de Cronbach = 0,81), nous les avons
regroupés en un indice de positivité (de 1 « favorable » à 11 « défavorable »).
Nous observons, comme attendu un effet d’interaction entre « degré de
déterminabilité » et « portrait de l’accusé » tel que F(1,56) = 12,36, p
< 0,0009, η2 = 0,11. Celui-ci confirme l’impact de la déterminabilité des
sujets sur l’extrémisation de leur appréciation générale de l’accusé, via les
traits proposés, en fonction de la façon dont celui-ci est présenté dans le
dossier judiciaire (cf. Tableau III).
Nous constatons également un effet principal de la variable « degré
de déterminabilité », F(1,56) = 5,65, p <0,02, η2 = 0,06, montrant que
les sujets placés en condition de forte déterminabilité perçoivent l’accusé
de façon globalement plus positive (M = 5,96) que les sujets placés en
condition de faible déterminabilité (M = 6,91). Un effet principal de la
L’année psychologique, 2010, 110, 573-593
586
Sabatier
r Schadron r Milhabet r Priolo
Tableau III. Moyenne (et écarts-types) des jugements-traits vis-à-vis
de l’accusé en fonction de leur degré de déterminabilité et de la
nature du portrait de l’accusé véhiculé dans le dossier judiciaire
Déterminabilité
Portrait Positif
Portrait Négatif
Faible
6,93 a (1,46)
6,89a (1,29)
Forte
4,58 b (1,74)
7,34 a (1,62)
Note : les moyennes affectées d’une même lettre ne diffèrent pas significativement entre elles (test LSD, p
< 0,001).
variable « portrait du suspect » confirme l’efficacité de la manipulation
expérimentale de cette variable indépendante, F(1,56) = 11,66, p < 0,001,
η2 = 0,12.
ESTIMATION DU DEGRÉ DE CERTITUDE PAR
RAPPORT AU JUGEMENT DE CULPABILITÉ
Conformément à notre hypothèse, les résultats montrent un effet principal
de la variable « degré de déterminabilité » concernant la certitude affichée
vis-à-vis du jugement de culpabilité émis sur l’accusé, F(1,56) = 5,16, p
< 0,026, η2 = 0,08. Les sujets placés en condition de forte déterminabilité
affichent une plus grande certitude vis-à-vis de leur jugement (M = 6.96)
que les sujets placés en condition de faible déterminabilité (M = 5,76).
Par ailleurs, l’analyse de variance indique un effet principal de la variable
« portrait de l’accusé », F(1,56) = 4,07, p < 0,048, η2 = 0,07. Les sujets
affichent une plus grande certitude lorsqu’ils ont eu à juger du degré de
culpabilité de l’accusé « requin de la finance » (M = 6,9) que ceux ayant eu
à juger du degré de culpabilité de l’accusé « humaniste » (M = 5,83).
Estimation concernant le fait que les sujets s’estiment
suffisamment informés à la lecture du dossier judiciaire
L’analyse de variance, contrairement à nos attentes, ne révèle aucun effet
principal de la variable « degré de déterminabilité ». Cependant, l’ANOVA
montre une interaction significative non attendue entre les variables « degré
de déterminabilité » et « portrait de l’accusé » (F(1,56) = 4,15, p < 0,04, η2
L’année psychologique, 2010, 110, 573-593
Lorsque les jurés sont déterminables
587
= 0,07) indiquant que les sujets placés en condition de forte déterminabilité
confrontés au suspect présenté de façon positive se sentent moins bien
informés que ceux confrontés au suspect présenté de façon négative. Cette
différence n’a pas lieu en condition de faible déterminabilité entre les deux
types de portrait (cf. Tableau IV).
Tableau IV. Moyennes (et écarts-types) des estimations des sujets
concernant le fait qu’ils aient été suffisamment informés en
fonction de leur déterminabilité ainsi que de la nature du portrait
véhiculé dans le dossier judiciaire
Déterminabilité
Portrait Positif
Portrait Négatif
Faible
5,46 a (3,31)
4,40 ab (2,61)
Forte
3,60 a (3,41)
5,80 b (3,00)
Note : les moyennes affectées d’une même lettre ne diffèrent pas significativement entre elles (test LSD, p < 0,05).
Discussion
Résumant l’ensemble des résultats observés dans cette expérimentation,
nous constatons comme attendu que lorsqu’il s’agit d’émettre un jugement
de culpabilité, les sujets sont plus influencés par les informations présentes
dans la situation de jugement (portait de l’accusé) lorsqu’ils sont fortement
déterminables plutôt que lorsqu’ils ne le sont pas. Nous observons le
même type de configuration de résultats pour l’estimation de la peine
d’emprisonnement et la formation d’impression des sujets à propos de
l’accusé. Concernant le degré de certitude, notre hypothèse est confirmée,
en revanche, lorsqu’il s’agit de la mesure « suffisamment informé », nous
observons un effet d’interaction non attendu entre les deux variables
manipulées.
Les résultats de cette expérimentation valident l’hypothèse de la
déterminabilité de « celui qui juge ». Une personne placée en situation
de forte déterminabilité orienterait son jugement en fonction d’éléments
a priori non pertinents (ici, des informations non factuelles véhiculées dans
le dossier judiciaire) qui sont présents dans cette même situation. Lorsque
aucun indice d’appartenance catégorielle homogène n’est attribué aux
sujets et qu’ils ne sont pas mis en situation de croire que l’expérimentateur
L’année psychologique, 2010, 110, 573-593
588
Sabatier
r Schadron r Milhabet r Priolo
« sait » quelque chose d’eux (c’est-à-dire faible déterminabilité), aucune
différence n’existe entre les jugements émis sur l’accusé. En revanche, à
dossier égal, en situation de forte déterminabilité, l’accusé « humaniste »
est jugé moins coupable, devant effectuer une durée d’emprisonnement
moindre et dont la personnalité est globalement plus valorisée que l’accusé
« requin de la finance ». C’est d’ailleurs dans cette condition et lorsque
les sujets sont confrontés au portrait positif que leurs jugements sont
les plus affectés. Nous pensons que, dans le cadre du dossier judicaire,
un accusé présenté comme « humaniste », proche de ses employés et
privilégiant les rapports humains, a peut-être été perçu par les sujets
comme quelqu’un dont les comportements ou les attitudes semblent
« rares » et/ou inconsistantes avec l’image que l’on pourrait avoir d’un
homme d’affaire mis en cause dans une affaire de fraude et de délit d’initié.
En effet, certaines informations, par leur caractère saillant et/ou diagnostic,
ont plus de chance de contribuer à l’impression finale d’une cible et aux
jugements qui peuvent en découler (Fiske & Taylor, 1992). Ainsi, si des
informations minoritaires ou rares sont particulièrement privilégiées dans
l’élaboration d’une impression (Reeder & Brewer, 1979 ; Fiedler, 1991) et
que des caractéristiques inconsistantes avec les attentes attirent davantage
l’attention (Stangor & McMillan, 1992), la forte déterminabilité des sujets
aura pu contribuer à la cristallisation des caractéristiques positives de
l’accusé.
Ces remarques mises à part, l’étude présentée ici montre que la
déterminabilité de « celui qui juge » a un impact sur l’orientation de son
jugement. Lorsque ce dernier est ou se sent jugeable dans un contexte
précis et dès lors déterminable, son jugement est davantage influencé par
les attentes véhiculées dans la situation, par les informations extralégales.
Au-delà de ces premières conclusions, il pourrait nous être reproché
de ne pas avoir opérationnalisé « faible » et « forte déterminabilité »
de façon équivalente. La possibilité qui est donnée aux sujets d’accepter
d’effectuer la tâche de décision lexicale en amont de la manipulation
expérimentale (« faible déterminabilité ») peut susciter la critique théorique
d’une différence d’engagement dans cette tâche comparativement à la
condition « forte déterminabilité » où les sujets sont obligés d’effectuer
celle-ci. Pour autant, si nous nous référons aux travaux réalisés dans
le cadre de l’engagement, la manipulation de cette variable s’accomplit
généralement en jouant sur différents facteurs nécessaires à son application
et notamment, le libre choix, le caractère public, explicite et répétitif
d’un acte comme principaux facteurs d’engagement (Joule & Beauvois,
1998). Or, dans notre étude (particulièrement en condition de faible
L’année psychologique, 2010, 110, 573-593
Lorsque les jurés sont déterminables
589
déterminabilité), l’expérimentateur ne mentionnait à aucun moment les
termes de « liberté » ou de « choix d’acceptation » et les sujets acceptaient
d’effectuer la tâche de décision lexicale de façon totalement anonyme, ils
ne faisaient pas de lien explicite entre celle-ci et la tâche de jugement,
et ils ne répétaient pas cette tâche. De plus, si nous comparons les
effets généralement obtenus en condition d’engagement, les sujets placés
en condition de « faible déterminabilité » (condition potentiellement
engageante) n’expriment pas l’influence ambiante dans leur jugement
tandis que lorsqu’ils sont placés en condition de « forte déterminabilité »
(condition sensée générer de la réactance car contraignante), les sujets sont
influencés dans leur jugement. Nous concluons donc que nous n’avons pas
manipulé ici de l’engagement, mais bien un certain degré de déterminabilité
des sujets expérimentaux.
Nous soulevons également le problème du degré d’implication suscité
chez les sujets placés en situation de « forte déterminabilité » posant
ici la question d’une déterminabilité contextuelle artéfactuelle. Portant
notre attention sur la littérature consacrée à la notion d’implication dans
les jugements (c’est-à-dire, accountability – augmentation du sentiment
de responsabilité ; Tetlock & Boettger, 1989), les personnes impliquées
prennent davantage conscience d’influences potentielles et suspendent plus
rapidement leur jugement. Globalement, un certain degré d’intention,
d’attention et d’implication permet d’éviter de subir une influence
quelconque. Aussi, eu égard aux résultats observés, puisque les sujets se
trouvent influencés dans leurs jugements selon une partie des facteurs
induits par la situation, il s’agit bien ici de forte déterminabilité et non,
a priori, de forte implication.
Pour terminer, si l’hypothèse de la déterminabilité du « juge » peut
affiner la compréhension de l’adaptabilité des êtres humains les uns
aux autres dans des situations quotidiennes, la recherche présentée ici
s’appuie comme nous avons pu le constater, sur des éléments d’application
directement liés au domaine judiciaire. L’une des perspectives qui nous
importe et qui peut découler de cette hypothèse se situe au niveau
du contexte de la Cour d’Assises. Nous retiendrons particulièrement
les facteurs liés aux procédures de sélections des futurs jurés citoyens.
En effet, certaines procédures de sélection, en Session d’Assises (étape
finale de la sélection) impliquent que des professionnels de la justice
obtiennent des informations et évaluent les citoyens pour ensuite les
choisir en jugeant de leur aptitude à remplir le rôle de « bon juré ».
Nous pensons notamment au système judiciaire américain, dont une
des caractéristiques concerne le fait de faire appel à des consultants en
L’année psychologique, 2010, 110, 573-593
590
Sabatier
r Schadron r Milhabet r Priolo
jury pour assister les avocats dans leur travail de sélection. Ces derniers
ont, en effet, la possibilité d’effectuer des enquêtes personnelles sur les
citoyens se traduisant par une quantité d’informations délivrée beaucoup
plus importante que par exemple, dans le système judiciaire français (cf.
affaire O.J. Simpson – formulaire de 300 questions ; Gordon, 1997).
Cette sélection « invasive » augmenterait la déterminabilité des jurés,
ce qui pourrait les sensibiliser d’une part, à davantage se focaliser sur
le fait qu’ils aient été choisis par la défense ou l’accusation et dans
un second temps, à davantage tenir compte des éléments extra-légaux
(c’est-à-dire stéréotypes ethniques) dans l’élaboration de leur jugement.
Si jusqu’ici, peu de recherches ont été menées concernant l’impact
direct du travail des consultants sur les verdicts, nous savons que
les facteurs démographiques les plus corrélés aux verdicts concernent
principalement l’âge, le genre, le statut socio-économique, l’appartenance
ethnique et le niveau d’éducation (Moran & Comfort, 1986 ; Mills &
Bohannon, 1980a, 1980b). Ces informations sont autant d’indices de
déterminabilité qu’elles sont délivrées par les jurés au moment de leur
sélection.
Pour finir, nous nous sommes ici focalisés sur l’impact de la
déterminabilité dans les jugements individuels. Pour autant, il nous paraît
important d’identifier dans quelle mesure la déterminabilité des jurés peut
également intervenir dans l’étape de délibération collégiale et l’élaboration
d’un verdict final. Notre principal questionnement concerne le fait de
savoir comment un jugement individuel biaisé (élaboré à partir d’éléments
extra-légaux) résiste ou non au processus de délibération et cela en fonction
de la déterminabilité de chaque juré et/ou de la déterminabilité générée
par le groupe lui-même. Il en va également de la configuration des
jurys citoyens (cf. systèmes judiciaires anglo-saxons entièrement composés
de citoyens) et celle des jurys mixtes (cf. systèmes judiciaires européens
composés de professionnels de la justice et de citoyens). En effet, au-delà
de l’impact sur un verdict de jurys qualifiés d’homogènes sur certaines
dimensions ou valeurs (Cottle, 2007 ; Sommers, 2006), d’autres recherches
indiquent qu’un jury rend un verdict moins biaisé après délibération
(Kerr, Niedermeyer & Kaplan, 1999). L’inverse peut également être envisagé
tandis que l’étape « délibération » induit, chez certains jurés, une
amplification des biais présents dans le jugement individuel (De La Fuente,
De La Fuente & Garcia, 2003). Concernant les jurys mixtes, nous sommes
convaincus que la position occupée par les jurés citoyens, eu égard à leur
statut de « non experts », les rend fortement déterminables et davantage
susceptibles d’agir et de réagir en fonction des attentes des professionnels
de la justice présents lors des délibérations.
L’année psychologique, 2010, 110, 573-593
Lorsque les jurés sont déterminables
591
Nous pouvons le voir, la complexité de la situation de jury est telle
que nombre de ses aspects restent à envisager pour comprendre comment
la constitution des jurys peut affecter leur façon de traiter l’information.
Les résultats de la présente étude suggèrent que cette phase, préalable
au jugement, peut être le lieu d’une mise en condition des jurés et que
cette dernière constitue, en soi, une phase du processus de leur jugement
qui mérite d’être prise en compte. Les futures recherches doivent viser
une meilleure appréhension de ce processus et indiquer quelles conditions
préalables au jugement il serait utile de mettre en place afin d’améliorer la
qualité des décisions de jurys.
Reçu le 7 avril 2008.
Révision acceptée le 3 septembre 2009.
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