la femme vaillante (proverbes 31)

Transcription

la femme vaillante (proverbes 31)
LA FEMME VAILLANTE (PROVERBES 31)
« FEMME ACTUELLE »
« Femme actuelle ».
Quelles sont les images qui nous viennent à la pensée ?
Le mannequin ? La star ? Lolita ? La bonne épouse ? La mère ? La tendresse ? La sensualité, le
charme ? L'agressivité ? L'autorité ?
Et quelle image des relations homme / femme, dans la société ? Dans le couple ?
Est-ce qu'il y a paradigme (un exemple qui sert de point de référence constant) à reproduire, un
mode de relations à viser, à suivre ?
Est-ce que c'est même une question à se poser ? Le réflexe doit-il être de bondir sur la question en
termes de bien et de mal, comme si tout devait et pouvait se ranger dans ces deux cases et comme si
c'était la façon de regarder le monde ... Mais y échappe-t-on aussi ?
Alors « moi je sais ! », dira l'auditeur chrétien. Et de citer les textes bibliques habituels ...
PORTRAIT DE FEMME
Mettons-nous à l'écoute ce matin d'un autre texte, moins habituel, tiré de l'Ancien Testament, du
livre des Proverbes, au chapitre 31, à partir du verset 10 :
Heureux celui qui trouve une femme vaillante, elle a bien plus de prix que des perles précieuses.
Son mari a confiance en elle, il ne manquera pas de biens dans sa maison. Tous les jours de sa
vie, elle lui fait du bien, et non du mal.
Elle cherche avec soin du lin et de la laine et elle les travaille de ses mains diligentes. Comme un
vaisseau marchand, elle amène des vivres de loin en sa demeure.
Quand il fait nuit encore, elle est déjà debout, préparant pour sa maisonnée ce qu’il faut pour
manger et elle distribue leurs tâches à toutes ses servantes.
Elle pense à un champ, alors elle l’achète. Du fruit de son travail, elle plante une vigne. Avec plein
d’énergie, elle se met à l’œuvre et active ses bras. Elle constate que ses affaires marchent bien.
Jusque tard dans la nuit, sa lampe est allumée.
Ses mains filent la laine et ses doigts tissent des vêtements. Elle ouvre largement la main à
l’indigent et tend les bras au pauvre. Pour elle et tous les siens, peu importe la neige, car toute sa
famille est revêtue de doubles vêtements. Elle se fait des couvertures, elle a des vêtements de fin lin
et de pourpre.
Son mari est connu aux portes de la ville. Car il y siège avec les responsables du pays.
Elle tisse elle–même des habits et les vend, elle fait des ceintures qu’elle cède aux marchands. La
force et la splendeur lui servent de parure. C’est avec le sourire qu’elle envisage l’avenir. Ses
paroles sont sages, elle dispense avec bonté l’enseignement. Elle veille à la bonne marche de sa
maison et ne se nourrit pas du pain de la paresse.
Ses enfants, dès leur lever, la disent bienheureuse, et son mari aussi fait son éloge : « Il y a bien des
filles qui montrent leur valeur, mais toi, tu les surpasses toutes. » La grâce est décevante et la
beauté fugace ; la femme qui révère l’Eternel est digne de louanges.
Donnez–lui donc le fruit de son travail ! Qu’on dise ses louanges aux portes de la ville pour tout ce
qu’elle fait ! (littéralement « qu'on la loue », « allelou-ha » ( ‫ו) ָה ָה‬
UNE FEMME UNIQUE
Les plus féministes, à la mode de chez nous et d'aujourd'hui, ne manqueront pas de lever un peu le
Le mariage 10 – La femme vertueuse – page 1
bouclier devant ce portrait dont une partie valorise la bonne épouse, qui s'occupe bien de sa maison,
devant ce portrait qui semble dressé d'un point de vue masculin, d'une femme toute dévouée à son
foyer, tant et si bien que conclusion, elle est louée par son mari et ses enfants, comme s'il y avait
encore besoin de l'imprimatur du mâle pour conclure et donner l'aval ultime.
Mais il est singulier ce portrait.
Cette femme a les traits de la sagesse dont le même livre biblique faisait le portrait : « Heureux
l’homme qui a trouvé la sagesse ! [...] Elle a plus de prix que les perles, et aucun trésor que tu
pourrais désirer n’égale sa valeur » (3.13-15 ; cp avec 31.10). Cette sagesse féminisée, à qui
s'opposait la folie, dépeinte aussi sous des traits féminins (Proverbes 9). Cette sagesse qui appelait
au coin des rues, qui appelait à suivre ses conseils, et dont le premier trait est de révérer l'Eternel
(1.7 – cp. 31.30). Au début et à la fin du livre, l'ouvrant et le fermant, deux portraits féminins, deux
portraits qui se recoupent, qui ont les mêmes traits.
Et le portrait est unique dans la Bible. Messieurs (mesdames), il n'y a pas de portrait de l'homme
vaillant. Je ne sais pas si la femme vaillante est difficile à trouver, mais l'homme vaillant, lui, n'a pas
son effigie dans les pages de la Bible.
Le portrait est même unique dans la littérature du Proche-Orient ancien. On a surtout des textes qui
valorisent le sex-appeal. On a ici et là quelques affirmations relatives à la bonne épouse, comment
le mari doit la traiter.
Ne cherche pas à contrôler ton épouse à la maison quand tu sais qu'elle est efficace. Ne lui dis
pas « où est-ce que c'est ? Trouve-le ! », quand elle a mis les choses à la bonne place. Que ton
oeil observe en silence, alors tu reconnaîtras ses talents.
Mais pas un tel portrait, pas un tel éloge. Pas un tel poème, puisque le texte est ciselé. La femme
vaillante est dépeinte en poésie, dessinée avec application, chaque première lettre de chaque mot
correspondant à une lettre de l'alphabet, repris dans l'ordre : tous les instruments linguistiques sont
mis à contribution délibérément pour faire son éloge.
Et c'est un portrait étonnant si on a des femmes du monde antique des images très traditionnelles : la
femme que nous rencontrons ici jouit d'une indépendance considérable, qui lui permet de travailler,
de faire des affaires, d'être en relation avec des étrangers. Et c'est un éloge, et un éloge qui dit peutêtre davantage que la plupart des textes de l'Ancien Testament de la relation possible / souhaitée au
sein du couple.
LA FEMME IDÉALISÉE ...
Cela dit, le portrait peut paraître un peu accablant. « Les vingt caractéristiques de la femme
vertueuse », titre un site internet. Ce n'est même plus « les trois missions du père », comme le titrait
une revue toute récente, ni « les quatre points cardinaux du caractère chrétien », ou les « cinq
éléments qui font un bon mari, un bon pasteur, un bon employé de la société, un bon français, enfin
bref, toutes ces présentations bienveillantes certes mais bien culpabilisantes et à la limite du
paternalisme ... là, c'est la totale : les vingt caractéristiques de la femme vertueuse. « Dur, dur [écrit
une femme] de pouvoir arriver à égaler la femme vertueuse ... Plus on parlait d'elle plus je me
sentais petite, nulle et loin de cette femme ... Comment fait-elle pour être si exceptionnelle ? ».
Surtout que nous arrivons à ce texte en imaginant que cette « bonne chrétienne » doit manifester
une discrétion et une soumission remarquées, enseigner les enfants à l'école du dimanche, savoir
jouer de l'harmonium, être capable de citer des versets bibliques à tout bout de champ, passer tous
les matins quelques heures à lire la Bible et à prier. Tout ça bien sûr en prenant impeccablement soin
des quatre gamins qui sont en train de se battre en duel, de faire les courses, la vaisselle, le ménage
puisqu'il faut avoir une maison nickel,de préparer de bons repas pour tout ce petit monde, d'être
avenante et souriante à l'égard de son mari, ne pas dire un mot plus haut que l'autre, et d'avoir
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éventuellement même une vie professionnelle réussie puisque la vie avec un seul salaire est un peu
difficile. Sans bourrelets ou kilos supplémentaires, aimable et corvéable à merci, gentille et
généreuse envers tous, mais d'une grande fermeté dans la foi ... Un espèce d'hybride entre Laurence
Pernoud, Barbie, Margaret Thatcher, mère Teresa et Blandine (sans les lions ... quoi que ...) ...
... alors je remercie Dieu de ne pas être une femme parce que si en plus de tout ce que je viens de
résumer je dois faire le check-up des vingt caractéristiques supplémentaires, je sens que je vais
sombrer dans la dépression immédiatement.
Il faut déjà résolument écarter du texte tout ce qu'on y projette : et pour prendre un exemple, en
dépit ce que disent certains commentateurs, on n'y dit d'ailleurs même pas que c'est elle qui doit
s'occuper des enfants.
Et puis la fonction du texte n'est pas de présenter un cahier des charges, d'énumérer la liste
exhaustive de choses qu'il faudrait absolument avoir ou reproduire, comme savoir nécessairement
coudre et tricoter, élément qui revient plusieurs fois dans le texte. Ce serait d'ailleurs extrêmement
accablant puisqu'on se rend compte au verset 15 que cette femme dispose d'avantages dont toutes
les femmes ne disposent pas : elle a des servantes à son service, à savoir des femmes qui ne sont pas
dans la même condition sociale et qui n'auront peut-être jamais les moyens d'y arriver. Elle a aussi
les moyens d'acheter des terrains, elle paraît en bonne santé. Et toutes ne bénéficient pas d'une
situation comparable. Si on doit prendre le texte tel quel, la petite Cosette des Misérables est
disqualifiée d'avance. L'image n'est pas donnée pour culpabiliser et écrabouiller des personnes plus
modestes.
Ce sont les qualités de cette femme qui comptent, et je ne doute pas qu'un israélite plus modeste
serait tout à fait dans l'esprit du texte s'il ne pouvait rendre grâces « que » pour son épouse qui
essaie de prendre au mieux soin de tous, ne ménageant pas sa peine même si elle n'est que simple
employée d'une patronne plus aisée.
LA FEMME RÉELLE
Alors certes, on y trouve une personne active, engagée ... on n'est pas dans la paresse ou le laisseraller (verset 15), style je reste au lit et le Seigneur pourvoira, gloire à Dieu ou aux allocations
familiales.
On y trouve certainement une personne qui n'a pas pour objet principal de se faire plaisir, dont la
motivation principale n'est pas d'être épanouie et de développer toutes ses potentialités, physiques,
intellectuelles et autres, comme on nous le serine souvent – et oui, la vie qui nous est décrite ici ne
fera pas vraiment envie aux apôtres contemporains de l'accomplissement de soi. Il y a là une
attention, un soin pour les siens, pour ceux qui sont proches en premier lieu, dont elle porte le souci,
davantage peut-être que pour elle-même. Elle ne se ménage pas, elle est attentive. Elle met la main
à la pâte, elle ne se contente pas de donner des ordres. Elle se soucie même des autres, hors du
cercle familial. Que cela nous interroge et nous remette en question si c'est nécessaire.
Je me dis qu'il y a là le portrait finalement d'une femme ordinaire ou de beaucoup de femmes
ordinaires que j'ai l'impression de voir (ou d'apercevoir) vivre. Le portrait d'« une femme comme
vous et moi » (si j'étais et si nous étions tous des femmes) : dans la mesure où nous serions des
personnes responsables, qui ne laissent pas les choses à l'avenant, qui sont en prise directe sur la
vie, qui font face aux difficultés, qui font face à la vie ordinaire, qui portent le souci de leur famille,
de leurs enfants, de leurs conjoints, impliqués un peu dans la vie sociale. Elle prend soin de sa
maisonnée, elle repasse le linge, les slips, les chaussettes, les pantalons, elle veille à ce que
personne n'ait froid, elle fait des provisions.
Et on n'a pas l'impression d'une femme étouffée dans un rôle traditionnel ou malheureuse. Parmi
d'autres passages, le verset 18 me frappe : « elle considère que ses affaires vont bien ». Elle fait ce
qu'elle a à faire ... Finalement les besoins immédiats sont comblés : l'hiver est là, mais elle voit que
les siens ont de quoi se chauffer, de quoi se nourrir, de quoi se vêtir. Les petits ont une bonne paire
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de bottes, il y a des vêtements chauds dans l'armoire, du bois dans la cheminée ou du mazout dans
la cuve, des spaghettis dans l'assiette, des crayons dans la trousse, et d'une certaine manière cela lui
suffit. C'est là sa joie. Elle ne paraît pas obnubilée par la dictature contemporaine des top-model, et
le livre des Proverbes a par ailleurs rappelé qu'une femme jolie mais idiote ressemblait à l'anneau
d'or au nez d'un cochon. Elle ne paraît pas très préoccupée par son bonheur, mais elle est déclarée
heureuse. Et elle paraît, elle est heureuse.
Est-elle brune ou bien blonde, mince ou bien grosse, grande ou petite, ordinaire ou charismatique,
a-t-elle des tics qui la rendent attachante ou agaçante ? Eh bien au fond peu importe. Le regard est
beaucoup plus large, il ramène à un essentiel très basique. Aux enfants qui partent à l'école et qui
commencent à s'éloigner elle est celle qui demande s'ils n'ont pas oublié leur trousse ou leurs
chaussures de sport. Elle récolte un silence ou un « mais-bien-sûr-que-non », ou elle se fait
rembarrer, mais demain, vaille que vaille, elle posera la même question en les voyant partir. Voici,
dit le texte, la femme vaillante ...
UN HOMME DE L'OMBRE
...
Cette femme ordinaire marque de manière très ordinaire le petit monde très ordinaire dans lequel
elle vit. De la même manière que nous pouvons le marquer aujourd'hui. Tant et si bien que je me
suis demandé s'il était confortable d'être le mari de cette femme. Vous me direz que ce mari siège
aux réunions des notables, verset 23. Mais on a l'impression sérieuse que s'il peut le faire, c'est
précisément grâce à l'activité de son épouse. Gloups, « pauvre homme » pourrions-nous dire : on a
de quoi se demander si sa femme n'était pas « plus connue que lui ». Style : « Ah oui ... Joseph ... ça
y est, ça me revient, est-ce que par hasard vous ne seriez pas ce bonhomme obscur qui a épousé la
vierge Marie ». Si vous avez une certaine fierté masculine, ça ne doit pas être confortable tous les
jours.
Il est étonnant, ce « chef de famille » : on l'imagine traditionnel, le patriarche qui contrôle tout, qui
ne laisse aucune initiative à sa femme, une femme qui doit l'interroger avant de prendre toute
décision, lui demander de l'argent à la fin du mois, et qui fait bien peser son autorité en prenant bien
le temps pour ouvrir le coffre-fort. Eh bien, il a confiance en elle, dit le verset 11 (est-ce le cas de
tous les hommes présents ce matin ?), il la laisse sortir de la maison, participer à la vie sociale, gérer
le mouvement de la maisonnée, des transactions immobilières et commerciales, elle a accès au
compte en banque. Il n'est pas toujours derrière elle, à vérifier ce qu’elle fait, à lui donner ses
conseils éclairés. Il ne pense pas pour elle, il ne décide pas tout à sa place. Elle a place pour
l'initiative, elle a des responsabilités réelles, elle fait des choses intéressantes. Elle n’est pas
reléguée aux tâches ingrates et subalternes.
Il ne prend pas ombrage de cela, il ne se sent pas menacé par cela. Au contraire. Il l'estime, il la
loue, il fait son éloge, et l'auteur biblique invite à faire de même et fait de même au travers de ce
texte. Il pense du bien de sa femme, il cultive en lui cette pensée apparemment si naturellement qu'il
est prêt à lui donner la forme d'un hommage, d'un homme écrit, d'un hommage construit. Et ça
marche dans les deux sens, puisqu'il est conscient qu'elle met en oeuvre son activité pour son mari
(verset 12). Il y a entre eux une estime mutuelle. Qu'est-ce qu'il en est, pour ceux parmi nous qui
sommes mariés, de nos familles, de nos foyers ?
Il l'encourage et il entraîne ses enfants à avoir la même attitude. Il lui fait des compliments. « C'est
toi la meilleure », dit-il à la fin. Je l'entends lui répondre : « Ben tu sais, je ne suis qu'une pauvre
bonne femme ordinaire, j'ai des cernes sous les yeux, des rides un peu partout, et des bourrelets ».
Cela n'en demeure pas moins vrai : « C'est toi la meilleure ». Il la valorise, et c'est parce qu'il le fait
que nous lisons encore ce texte aujourd'hui.
Et j'ai même tendance à penser que l'esprit du texte amènerait à valoriser autant ces femmes qui ne
seraient pas mariées, qui vivraient seules et qui prennent soin, au-delà d'elles-mêmes, de ceux qui
font partie de leur entourage, qu'il s'agisse de leurs vieux parents (les autres frères et soeurs n'ont
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pas que ça à faire, ils ont une famille, eux!), ou de leur réseau d'amis, neveux ou autres, ou
personnes de l'Eglise (ben oui, les gens mariés, ils sont super chargés, ceux qui vivent seuls, ils sont
taillables et corvéables à merci).
UNE FOI INCARNÉE
C'est donc un portrait ordinaire qui nous est dressé là. Au point peut-être qu'on en sera embarrassé :
où est donc la foi dans tout ça ? Où donc est Dieu ? Qu'y a-t-il donc de spirituel ? L'attachement à
son foyer quand on en a un, à son conjoint, la confiance réciproque, le soin des uns et des autres ...
Ne peut-on pas faire tout ça sans référence à la foi, et à la foi chrétienne ? Au risque de se perdre et
de perdre Dieu de vue ? Où est l'évangélisation ? Où sont les projets motivants qui honorent Dieu ?
Quand est-ce qu'on parle des choses sérieuses ?
Il faut répondre je crois très simplement que si on peut faire cela sans être une personne spirituelle,
la personne spirituelle fera cela, précisément parce qu'elle est une personne spirituelle. C'est au
travers de cette activité ordinaire que se dessine une femme qui révère l'Eternel et qui est digne de
louanges. Dissocier le spirituel et tout ce que texte décrit, voire l'opposer à ce que le texte décrit,
c'est mal comprendre la spiritualité biblique. C'est dans notre vie ordinaire que se décline le
spirituel. Et que ce texte témoigne, comme tout le livre des Proverbes le fait d'ailleurs, de l'alliage
qu'il y a entre crainte de Dieu et déploiement dans l'ordinaire. La crainte de Dieu encadre tous les
conseils très ordinaires du livre des Proverbes, et elle encadre le portrait de cette femme. Il n'est
peut-être pas question d'évangélisation, d'études bibliques, de nuits de prière, de versets bibliques
connus par coeur, de poisson collé sur la voiture, mais il est question de spiritualité du début à la
fin. Cet engagement dans la maisonnée, familial, social, tout cela est rattaché comme partie
intégrante à la crainte du Seigneur.
En d'autres termes, pour faire ce qui plaît à Dieu, tu n'a pas besoin de rêver de devenir Billy
Graham, Hudson Taylor, missionnaire, pasteur, théologien, leader de louange ou je ne sais quoi
encore. Tu as besoin d'être toi-même, là où Dieu te place. Arrête de rêver à ce que tu aurais pu faire
si seulement tu avais pu partir à l'autre bout du monde ou si tu devais faire chose d'autre que ce que
le Seigneur te demande d'être. Applique-toi à être aujourd'hui, ici et maintenant et à y inscrire la
crainte du Seigneur. Ta vie de chaque jour, à la maison, au boulot, c'est là où se vit la crainte de
Dieu, c'est là avant tout où l'on suit le Christ. Tu peux passer le balai, écrire un courrier à un ami,
ramasser un papier tombé simplement pour l'amour du Christ et dans la crainte de Dieu. Ce que tu
fais dans ta vie ordinaire, c'est cela qui est valorisé par Dieu. Sache d'abord que c'est à ces choses
ordinaires que Dieu t'appelle et que c'est là le tissu qui compose une vie qui lui plaît. Et qui récolte
louange, « allélou-ha », « louez-la », tout proche de « alléluia » (= « louez Dieu »). Et tu peux donc
t'en réjouir en toute simplicité. Les plus grands trésors s'expriment et s'incarnent dans la vie
ordinaire.
UN TRÉSOR ORDINAIRE
Je laisserai la parole en terminant à Martin Luther, parce qu'il me semble avoir été dans le
christianisme occidental, en réaction avec le catholicisme de son époque, une des personnes à
l'avoir le mieux articulé :
Parlant du mariage, le monde dit: c'est une brève joie et un long désagrément. Laisse-le donc dire
ce qu'il veut! Il ne peut que se moquer de l'œuvre et de la volonté de Dieu [...]
Ils sont aveugles, incapables de remarquer que la vie qu'ils mènent avec une femme est l'œuvre et
le bon plaisir de Dieu.
Prends garde maintenant: quand la sage prostituée, la raison naturelle (que les païens ont suivie
quand ils voulaient être le plus sage) considère la vie conjugale, elle fait la moue et dit : «Hélas!
devrais-je vraiment bercer l'enfant, laver les langes, faire le lit, sentir la puanteur, veiller la nuit,
prendre garde à ses cris, guérir sa teigne et sa variole, puis soigner la femme, la nourrir, travailler,
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prendre souci de ceci, prendre souci de cela, faire ceci, faire cela, souffrir ceci et souffrir cela, et
endurer tous les autres désagréments et peines que l'état conjugal enseigne? Ah! serais-je à ce point
prisonnier? O malheureux, pauvre mari! Tu as pris femme? .. Fi donc ! Fi ! quelle misère et quel
désagrément! Il vaut mieux demeurer libre et mener sans souci une vie tranquille. Je vais me faire
prêtre ou nonne et pousser également mes enfants dans cette voie."
Mais que répond la foi chrétienne? Elle ouvre les yeux, considère en esprit toutes
ces œuvres humbles, déplaisantes, méprisées, et s'avise que la faveur divine les
orne comme d'une parure faite d'or et de diamants très précieux; et elle dit: « O
Dieu ! parce que je suis certain que tu m'as fait homme et que c'est de mon corps
que tu as engendré l'enfant, je sais aussi avec certitude que cela te plaît pardessus toutes choses; et je te confesse que je ne suis pas digne de bercer
l'enfançon, ni de laver ses langes, ni de prendre soin de lui et de sa mère.
Comment ai-je pu, sans mérite, accéder à cette dignité d'avoir acquis la certitude de servir la
créature et ta très chère volonté ? Ah ! comme je veux m'acquitter de cette tâche de bon cœur, fûtelle encore plus humble et plus méprisée. Maintenant ni le froid ni la chaleur, ni la peine ni le
travail ne me rebuteront plus, car je suis certain que tu prends à cela ton bon plaisir."
La femme, de son côté, doit avoir les mêmes pensées dans ses œuvres, quand elle allaite l'enfant,
quand elle le berce et accomplit d'autres tâches pour lui, et quand elle travaille de toute autre
manière et aide son mari et lui obéit. Ce ne sont là rien que des œuvres nobles et dorées. On doit
également consoler et fortifier de cette manière une femme qui accouche, et non pas ressasser des
légendes de sainte Marguerite ni d'autres stupides affaires de femmes. On lui dira, au contraire:
Souviens-toi, chère Marguerite, que tu es une femme, et que cette œuvre plaît à Dieu en toi ; trouve
en sa volonté ta consolation et ta joie, et laisse-le exercer son droit sur toi. Donne l'enfant et aide de
toutes tes forces à le mettre au monde ...
Dis-moi, maintenant: si un homme se mettait à laver les langes ou à s'acquitter auprès de son enfant
de quelque autre tâche méprisable, et si tout le monde se moquait de lui et le tenait pour un sot et
pour un homme efféminé, alors qu'il agit uniquement dans le sentiment que nous avons dit et dans
la loi chrétienne; dis-moi, mon cher, qui aurait, ici, le plus sujet de se moquer de l'autre? Dieu rit
avec tous les anges et toutes les créatures, non pas de ce qu'il lave les couches, mais de ce qu'il le
fait dans la foi. Quant à ces moqueurs, qui voient seulement l'œuvre et qui ne voient pas la foi,
Dieu se moque d'eux avec toutes les créatures, et les considère comme les plus grands fous de la
terre; en vérité, ils ne se moquent que d'eux-mêmes; ils sont les fous du Diable avec leur sagesse.
Je dis ces choses afin que nous apprenions combien il est précieux de vivre dans l'état que Dieu a
institué et dans lequel il a placé sa parole et son bon plaisir qui rendent saintes, divines et
précieuses les œuvres, la vie même et les souffrances de cet état.
Seigneur, aide-nous à trouver notre joie à te servir dans tous les gestes ordinaires de notre vie
quotidienne
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