Quand utiliser les dispositifs actuels de réchauffement des fluides ?
Transcription
Quand utiliser les dispositifs actuels de réchauffement des fluides ?
Modele + ARTICLE IN PRESS PRATAN-589; No. of Pages 6 Le Praticien en anesthésie réanimation (2016) xxx, xxx—xxx Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com MISE AU POINT Quand utiliser les dispositifs actuels de réchauffement des fluides ? Current fluid warmer devices: When to use them? Fabien Espitalier a,∗, Marc Laffon b,c a SAR 2, pôle d’anesthésie réanimations, Hôpital Trousseau, CHRU de Tours, 37044 Tours cedex 1, France b SAR2, pôle d’anesthésie réanimations, hôpital Bretonneau, CHRU de Tours, 37044 Tours cedex 1, France c Université François-Rabelais de Tours, 60, rue du Plat-d’Etain, 37020 Tours, France Fabien Espitalier MOTS CLÉS Hypothermie périopératoire ; Prévention ; Réchauffement des fluides ∗ Résumé L’hypothermie périopératoire, définie comme une température corporelle centrale (T◦ CC) < 36 ◦ C, est une conséquence fréquente de l’anesthésie. L’augmentation des risques de saignement, d’infection et de complication cardiovasculaire qu’elle induit, ainsi que la difficulté de rétablir une T◦ CC normale une fois l’hypothermie installée, rendent nécessaire sa prévention par un réchauffement des patients au bloc opératoire. Le réchauffement privilégie les techniques actives comme les couvertures à air chaud pulsé et/ou les réchauffeurs de fluides administrés par voie intraveineuse (fluides IV). En effet, l’administration de fluides à la température ambiante de la salle d’opération fait chuter de façon significative la T◦ CC. Les recommandations britanniques du NICE sont de réchauffer les fluides IV dès qu’un volume de 500 mL est administré. L’efficacité des réchauffeurs de fluides IV est conditionnée par la technique utilisée, ainsi que par le débit et la quantité de fluide perfusé. Maintenir la T◦ CC en administrant uniquement des fluides IV réchauffés peut aboutir à un apport excessif. Par conséquent, pour prévenir efficacement et dans de bonnes conditions de sécurité la survenue d’une hypothermie au bloc opératoire, il est nécessaire d’associer les techniques de réchauffement des fluides IV aux techniques de réchauffement par couverture à air chaud pulsé. © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (F. Espitalier). http://dx.doi.org/10.1016/j.pratan.2015.12.006 1279-7960/© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Pour citer cet article : Espitalier F, Laffon M. Quand utiliser les dispositifs actuels de réchauffement des fluides ? Le Praticien en anesthésie réanimation (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.pratan.2015.12.006 Modele + PRATAN-589; No. of Pages 6 ARTICLE IN PRESS 2 F. Espitalier, M. Laffon KEYWORDS Perioperative hypothermia; Prevention; Fluids warming Summary Perioperative hypothermia, defined as a core body temperature below 36 ◦ C, is a consequence of anaesthesia. The increase in perioperative bleeding, infections and cardiovascular events rates, as well as the difficulty to restore normothermia when hypothermia is effective, support the prevention of hypothermia. Different kinds of devices as forced-air warmers and/or intravenous fluid warmers are used in this setting. The administration of intravenous fluid at room temperature decreases indeed the core body temperature. The UK NICE guidelines recommend warming of all intraoperative infusions ≥ 500 mL. However, the ability of fluid warmers to maintain the core body temperature above 36 ◦ C depends on the technique used, on the flow rate and the volume of administered fluids. Only using warmed fluids to maintain a normal core body temperature lead to excessive fluid administration. Consequently, to effectively and safely prevent hypothermia, it is necessary to combine fluid warming with another technique, as forced-air warming. © 2015 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Introduction L’hypothermie périopératoire, définie par une température corporelle centrale (T◦ CC) < 36 ◦ C [1], est une complication fréquente et prévisible. En postopératoire, elle est relevée chez 26 % à 90 % des patients [2,3]. Le risque d’hypothermie survient avant même l’induction de l’anesthésie, puisque l’attente d’un patient dénudé dans un environnement froid fait baisser sa T◦ CC. Le risque d’hypothermie est accru après l’induction de l’anesthésie du fait de l’inhibition des mécanismes d’autorégulation thermique et de la vasodilatation induite par l’anesthésie (générale ou péri-rachidienne), mais aussi par l’administration de fluides par voie intraveineuse (fluides IV) ayant une température inférieure à la T◦ CC [4]. La température de la salle d’opération, ainsi que son fort taux de renouvellement d’air, majorent également les pertes thermiques. Enfin, le risque d’hypothermie est augmenté dans les chirurgies longues et lourdes, ainsi que par des facteurs intrinsèques comme un âge supérieur à 60 ans, un état nutritionnel altéré ou une maladie altérant la thermorégulation (polyneuropathie diabétique. . .) [1,5]. Sans prévention, une hypothermie inférieure à 35 ◦ C peut survenir en 30 à 40 minutes après induction d’une anesthésie. Les effets indésirables de l’hypothermie dans la période périopératoire sont bien connus. Ils associent morbidité cardiovasculaire, pertes sanguines accrues pendant la chirurgie, inconfort thermique, frissons, augmentation des taux d’infections de paroi, allongement de la durée de prise en charge en salle de soins post-interventionnels et allongement de la durée de séjour hospitalier [6—11]. Dans une note de cadrage de la Haute Autorité de santé (HAS) au sujet des programmes de réhabilitation postopératoire, la prévention de l’hypothermie périopératoire est présentée comme un des axes à investir pour réduire les complications postopératoires et, ainsi, la durée de séjour du patient [12]. La prévention de l’hypothermie peropératoire est un élément clé de sa prise en charge. En effet, il est plus difficile de rétablir une T◦ CC normale une fois que l’hypothermie survient que de prévenir la survenue de cette hypothermie. Les recommandations britanniques publiées en 2008 par le National Institute for Health and Care Excellence (NICE) pour la prévention de l’hypothermie périopératoire mettent en avant la nécessité d’une approche globale. Elles rappellent que la prévention débute dès la période préopératoire en identifiant les patients à risque d’hypothermie périopératoire et en prenant, dès cette période et pour tous les patients, des mesures de prévention (couvertures, vêtements chauds). Elles précisent qu’il est souhaitable d’informer le patient des risques liés à cette hypothermie. Il est noté que si une mesure de la température corporelle avant d’aller au bloc opératoire recherche habituellement une hyperthermie, la découverte d’une hypothermie (T◦ CC inférieure à 36 ◦ C) devrait faire retarder la chirurgie (en dehors de l’urgence) afin de mettre en œuvre des moyens de réchauffement externe et de rétablir la normothermie avant l’induction de l’anesthésie. Durant la phase peropératoire, une surveillance régulière de la T◦ CC des patients est nécessaire et une prévention de l’hypothermie s’impose. Les mesures de prévention peropératoires préconisées associent le maintien d’une température minimale de 21 ◦ C en salle d’opération avant le début de l’anesthésie, le réchauffement des liquides d’irrigation utilisés durant les procédures chirurgicales, mais surtout le réchauffement actif des patients par couvertures à air chauffé pulsé et le réchauffement des fluides IV. L’association de ces deux derniers types de dispositifs est pour le NICE la meilleure façon de prévenir l’hypothermie périopératoire. En postopératoire, les recommandations sont de surveiller régulièrement la T◦ CC des patients, de mettre en œuvre, le cas échéant, un réchauffement actif et de ne pas laisser sortir de salle de soins post-interventionnelle un patient dont la T◦ CC serait inférieure à 36 ◦ C. Dans les services d’hospitalisation, la surveillance de la T◦ CC doit être poursuivie et le matériel nécessaire au maintien de la normothermie être à disposition [1]. L’utilisation de couvertures à air chauffé pulsé et de réchauffeurs de fluides IV sont également des stratégies de prise en charge de l’hypothermie accidentelle, suite à un séjour prolongé dans un milieu froid (immersion, montagne. . .), souvent rencontrée dans les services d’urgence et de réanimation [13]. L’objectif de cet article est de faire le point sur les différents dispositifs de réchauffement de fluides IV actuellement disponibles, de mettre en évidence leur aptitude Pour citer cet article : Espitalier F, Laffon M. Quand utiliser les dispositifs actuels de réchauffement des fluides ? Le Praticien en anesthésie réanimation (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.pratan.2015.12.006 Modele + PRATAN-589; No. of Pages 6 ARTICLE IN PRESS Quand utiliser les dispositifs actuels de réchauffement des fluides ? au maintien ou au rétablissement d’une T◦ CC > 36 ◦ C, et de préciser les situations cliniques de leur utilisation. Nous n’aborderons pas la situation particulière de la chirurgie cardiaque et de la gestion de la T◦ CC des patients par l’intermédiaire des techniques de circulation extracorporelle. Quels sont les différents dispositifs de réchauffement de fluides actuellement disponible ? De nombreux dispositifs de réchauffement des fluides IV sont disponibles sur le marché. Ils ont comme objectif de réchauffer les fluides IV à une température fixée de 37 ◦ C. Le National Health Service (NHS) du Royaume-Uni a édité en 2010 deux documents faisant la synthèse des différents dispositifs de réchauffement de ce type existants ainsi que leurs particularités techniques [14,15]. Les informations suivantes sont tirées pour l’essentiel de ces documents. Quel que soit le dispositif et ses caractéristiques techniques, son efficacité à maintenir la T◦ CC dépendra de plusieurs facteurs qui sont : • la température initiale du fluide IV ; • la température de la source thermique du dispositif et sa capacité à maintenir la température atteinte par le fluide IV ; • la surface de l’échangeur thermique : les grandes surfaces permettent un meilleur réchauffement ; • la durée de temps que le fluide IV passe dans l’échangeur thermique : plus la durée est courte et moins le fluide sera réchauffé. Cette durée est conditionnée par le débit du fluide IV, le volume de l’échangeur thermique, et par la conception du dispositif ; • la perte de chaleur du fluide IV dans la tubulure pendant son trajet entre le réchauffeur et le patient. Cette perte de chaleur est conditionnée par la longueur et le degré d’isolation thermique de la tubulure, le débit du fluide IV et la température de l’air ambiant. Le débit du fluide IV est un facteur prépondérant : à faible débit, du fait de l’augmentation du temps de passage dans la tubulure, il existe une importante perte thermique entre le réchauffeur et le patient. À haut débit, la courte durée des échanges thermiques va limiter le réchauffement du fluide IV et par la même l’efficacité de la lutte contre l’hypothermie ; • le point de contrôle de la température des fluides IV. Plus ce point de contrôle est proche du patient, plus la température mesurée du fluide IV et celle du patient seront proches. Cette technique de mesure minimise l’effet de la perte de température le long de la tubulure puisque l’ajustement de la température de sortie du fluide IV est basé sur la température du fluide IV à son point de contrôle plutôt que sur la température du fluide IV à l’intérieur du dispositif de réchauffement. Les performances de réchauffement des différents dispositifs dépendent également de leurs caractéristiques techniques. Les systèmes de manchon entourant la tubulure consistent à réchauffer ou maintenir chaud les fluides IV par l’intermédiaire d’un manchon chauffant appliqué sur 3 la tubulure située entre le dispositif de réchauffement et le patient. Ces dispositifs, peu efficaces, n’ont qu’un intérêt limité pour de faibles débits de perfusion (Stihler Electronic GmbH Astoflo plus). Ainsi, les principales techniques utilisées pour réchauffer les fluide IV peuvent être classées en 2 grandes catégories, regroupant plusieurs technologies différentes : • les systèmes de réchauffement sec : ◦ le système de plaque chauffante, consistant à faire circuler le fluide IV par l’intermédiaire d’un set spécifique d’administration, sur une fine plaque de métal chauffée à la température désirée (3MTM Ranger® model 245 Blood/Fluid Warming System ; Belmont Buddy ; Belmont Buddy lite ; Biegler Protherm II ; Gamida Flow Therm ; Gaymar Medi-Temp III REF FW 600 Series Blood/Fluid Warmer ; JMW Medical Ltd Thermofluid TF251 ; Sewoon Medical Company ThermoSens® ; Warmflo WF-538 Fluid Warmer), ◦ le système de réchauffement à tambour, consistant à enrouler la tubulure autour d’une pièce métallique chauffante de forme cylindrique ou conique. Le fluide IV circulant dans la tubulure est ainsi réchauffé. Certains de ces dispositifs ne nécessitent pas de set spécifique d’administration (Biegler BW 685/685 S ; Nuova GmbH ; Nuova/0,5 ; Nuova/0,5plus ; Nuova/ 0,5plus W/0 ; Sarstedt Sahara Inline ; Stihler Electronic GmbH Astotherm plus AP 220/220 S/260/260 S), ◦ le système de réchauffement par induction, consistant, par l’intermédiaire d’un champ magnétique, à induire le chauffage d’un composant métallique contenu dans le set spécifique d’administration et ainsi de réchauffer les fluides IV passant dans ce set (Belmont Rapid Infuser FMS2000 ; GE Healthcare enFlow), ◦ le système de chauffage par infrarouge, utilisant des lampes halogènes émettant des infrarouges à grande longueur d’onde capables de générer de la chaleur. Ce dispositif, par l’intermédiaire d’un set spécifique d’administration, permet de réchauffer les fluides IV (TSCI Fluido), ◦ les systèmes de chauffage par air convectif, consistant, à l’aide d’un dispositif d’adaptation spécifique, à réchauffer les fluides IV en utilisant les générateurs d’air convectif chaud habituellement destinés au réchauffage externe des patients. Ce type de dispositif réchauffe efficacement les fluides IV uniquement pour des faibles débits d’administration (3MTM Bair Hugger® 241TM ) ; • les systèmes de réchauffement à contre-courant utilisant du liquide chauffé : ◦ le système d’échange thermique à contre-courant, consistant à faire circuler dans une tubulure spécifique à double lumière concentrique un liquide chaud. Ce liquide chaud circule habituellement dans la lumière externe, le fluide IV à réchauffer circulant dans la lumière centrale. Le liquide chaud forme ainsi un manchon autour du fluide IV à réchauffer (principe du bain-marie). Les circulations du liquide chaud et du fluide IV dans la tubulure se font dans des directions opposées (Smiths Level 1® H1200 Fast Flow Fluid Warmer ; Smiths Hotline blood and fluid warmer). Pour citer cet article : Espitalier F, Laffon M. Quand utiliser les dispositifs actuels de réchauffement des fluides ? Le Praticien en anesthésie réanimation (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.pratan.2015.12.006 Modele + PRATAN-589; No. of Pages 6 ARTICLE IN PRESS 4 F. Espitalier, M. Laffon Quelle est l’aptitude de ces dispositifs à maintenir ou rétablir une température corporelle centrale > 36 ◦ C ? Il a été calculé que l’administration par voie intraveineuse d’un litre de fluide à la température ambiante de 21 ◦ C entraînait une chute de la T◦ CC de 0,25 ◦ C [4]. Afin de maintenir la normothermie, les réchauffeurs de fluides ont été conçus pour délivrer des fluides à une température allant de 33 à 43 ◦ C, proche de celle du corps humain. Au bloc opératoire, le réchauffement des fluides permet d’obtenir des T◦ CC peropératoires significativement plus élevées à 15, 30 et 60 minutes après le début de l’anesthésie que celles observées au cours des soins anesthésiques usuels (sans réchauffement des fluides) [1]. Malgré son coût, le réchauffement des fluides IV est financièrement rentable en comparaison aux soins usuels car il diminue les complications et la durée de séjour hospitalier. Cependant, l’efficacité de la lutte contre l’hypothermie par les fluides IV réchauffés dépend de la quantité de fluides administrés. Il est admis que les fluides doivent être réchauffés dès qu’on en administre plus de 500 mL [1,5]. La capacité des fluides à augmenter la T◦ CC peut être approchée par le calcul, en utilisant le concept de chaleur spécifique. La chaleur spécifique est définie par le nombre de kilocalories (kcal) nécessaire pour augmenter de 1 ◦ C la température d’un kilogramme de substance. Par exemple, la chaleur spécifique de l’eau est de 1 kcal/kg/◦ C. Ainsi, 10 kcal sont nécessaires pour augmenter de 10 ◦ C la température de 1 kg (soit 1 litre) d’eau. La chaleur spécifique du corps humain est 0,83 kcal/kg/◦ C. Ainsi, pour faire passer de 25 ◦ C à 35 ◦ C la T◦ CC d’un patient de 70 kg, le calcul suivant s’applique : 70 kg × 0, 83 kcal/kg/◦ C × 10 ◦ C = 581 kcal (ou 58 kcal/◦ C en gain de température) Si un litre de cristalloïde salé est administré à la température de 42 ◦ C à un patient ayant une T◦ CC de 25 ◦ C, le transfert de chaleur sera : 1 kcal/kg/◦ C × 1 kg × (42 ◦ C—25 ◦ C) = 17 kcal. Cet apport thermique permet d’augmenter la T◦ CC de notre patient pesant 70 kg de 0,29 ◦ C (17/58). Selon ce calcul, il faudrait administrer plusieurs dizaines de litres de cristalloïdes salés chauffés à 42 ◦ C pour atteindre une T◦ CC de 35 ◦ C [12]. Ainsi, malgré une réelle capacité des fluides réchauffés à augmenter la T◦ CC, il est impossible d’utiliser cette seule technique pour maintenir ou rétablir la normothermie à cause du risque d’un excès d’apport de fluides IV. D’autres techniques de réchauffement doivent nécessairement y être associées. Quels sont les dispositifs les plus performants ? Pour comparer les dispositifs, il faut prendre en compte le débit de perfusion qui est un facteur pertinent cliniquement mais aussi sur banc d’essais. À bas débit de perfusion (< 0,5 L/h) Le système par échange thermique à contre-courant est le plus efficace et le dispositif Hotline délivre les fluides aux températures les plus élevées [16]. Le système de réchauffement sec, pour des débits inférieurs à 0,5 L/h, ne permet que rarement au fluide IV administré d’atteindre la température recommandée de 37 ◦ C. Seul le WarmfloTM délivre des fluides IV à des températures approchant celles des dispositifs par échange thermique à contre-courant. Cependant, aucune comparaison directe du Warmflo avec les dispositifs par échange thermique à contre-courant n’a été effectuée [17]. Le principal problème avec les dispositifs de réchauffement sec est la perte thermique survenant dans la tubulure située entre le dispositif de réchauffement et le malade. L’isolation thermique des tubulures distales n’a permis qu’une faible amélioration de ce problème. C’est pourquoi certains dispositifs de réchauffement sec ont été conçus pour être installés le plus proche possible du point d’administration au patient et ils doivent être privilégiés. À haut débit de perfusion (> 9 L/h) La température de 37 ◦ C est rarement atteinte. Dans une étude menée en laboratoire, le dispositif Level OneTM (réchauffement par échange thermique à contre-courant), comparé aux autres techniques de réchauffement, produisait les fluides aux températures distales les plus élevées. Mais, hormis le Level One, les dispositifs utilisant la technique de réchauffement par échange thermique à contre-courant sont moins performants, à ces hauts débits de perfusion, que les dispositifs de réchauffement sec [16]. Les dispositifs FluidoTM et FenwalTM semblent être les dispositifs de réchauffement sec les plus performants. Dans une étude en laboratoire, le FluidoTM a permis d’obtenir des températures satisfaisantes dans une gamme de vitesses de perfusion allant de 8,4 à 26,7 L/h [18]. Une autre étude en laboratoire comparant EnFlowTM , Buddy liteTM et ThermoSensTM pour différentes températures de fluides et des vitesses d’administration variable, démontre que le Buddy liteTM est le moins performant des trois dispositifs et n’atteint jamais la température de 36 ◦ C [19]. Une dernière étude en laboratoire confirme que le Buddy liteTM est moins performant que l’EnFlowTM dès que le débit d’administration du fluide IV dépasse 25 mL/min [20]. En pratique, les 3 dispositifs semblant être les plus performants sont : • le dispositif HotlineTM (réchauffement par échange thermique à contre-courant) pour des faibles débits d’administration des fluides ; • le dispositif Level OneTM (réchauffement par échange thermique à contre-courant) pour des débits élevés d’administration des fluides ; Pour citer cet article : Espitalier F, Laffon M. Quand utiliser les dispositifs actuels de réchauffement des fluides ? Le Praticien en anesthésie réanimation (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.pratan.2015.12.006 Modele + PRATAN-589; No. of Pages 6 ARTICLE IN PRESS Quand utiliser les dispositifs actuels de réchauffement des fluides ? • le dispositif FluidoTM (réchauffement sec) lorsque les débits d’administration des fluides sont variables. 5 que les techniques de réchauffement des fluides administrés au patient sont largement utilisées [13]. Cas particulier des produits sanguins labiles Dans quelles situations cliniques les utiliser ? Au bloc opératoire En l’absence actuelle de recommandations françaises concernant la prévention de l’hypothermie au bloc opératoire, les propositions suivantes sont issues des recommandations NICE 2008 [1]. Ces recommandations sont les plus complètes et les plus abouties actuellement disponibles. Ces recommandations conseillent d’utiliser les réchauffeurs de fluides pour toute administration de fluides supérieure à 500 mL en périopératoire, quelle que soit la durée de l’intervention : • si la durée prévue de l’anesthésie est < 30 minutes, il faut tenir compte du risque d’hypothermie lié au terrain. Pour les patients à risque élevé d’hypothermie (Fig. 1), l’association des techniques de réchauffement des fluides (> 500 mL) et de réchauffement externe par air chauffé est recommandée. Le réchauffement doit être débuté en préopératoire pour ces patients [2]. Pour les patients à faible risque d’hypothermie, seule la technique de réchauffement des fluides (> 500 mL) est recommandée ; • si la durée prévue de l’anesthésie est d’au moins 30 minutes, quel que soit le risque d’hypothermie peropératoire, c’est l’association du réchauffement des fluides (> 500 mL) IV et du réchauffement externe par air chauffé qui est recommandé. En réanimation Il n’existe pas, à notre connaissance, de recommandation spécifique concernant la prise en charge en réanimation de l’hypothermie accidentelle. Les méthodes de réchauffement dépendent de la profondeur de l’hypothermie. Elles peuvent aller jusqu’à utiliser des techniques de réchauffement par circulation sanguine extracorporelle. Cependant, les techniques de réchauffement plus classiques comme les dispositifs de réchauffement externe à air chaud pulsé ainsi Figure 1. Critères de risque d’hypothermie périopératoire. D’après National Institute for Health and Care Excellence (NICE). CG65 Clinical practice guidelines. The management of inadvertent perioperative hypothermia in adults 2008. Le réchauffement des produits sanguins labiles, et en particulier les culots globulaires (CGR), avant leur administration intraveineuse est indispensable. On sait depuis de nombreuses années que le réchauffement des CGR réduit la mortalité au cours des transfusions [20]. En effet, les CGR sont conservés au froid à une température de 4 ◦ C. Il a été démontré que la transfusion de fluides à 4 ◦ C à un débit supérieur à 100 mL/min pendant 30 minutes abaisse la température corporelle en dessous de 30 ◦ C. Ainsi, le réchauffement des fluides entre 30 et 36 ◦ C a permis de réduire l’incidence des arrêts cardiaques de 58,3 % à 6,8 % lors de transfusions massives [21]. Par ailleurs, le réchauffement des CGR induit une diminution de leur viscosité, ce qui permet d’accélérer leur vitesse de transfusion [22]. Cependant, un risque d’hémolyse apparaît lorsque le temps de stagnation à l’intérieur du système de réchauffement est long (> 60 minutes) ainsi que pour des températures de réchauffement des CGR supérieures à 46 ◦ C. Il est à noter que les températures de réchauffement des fluides des dispositifs actuels n’excèdent pas 42 ◦ C [23]. Enfin, il a été démontré que le réchauffement des plaquettes avant leur transfusion n’altérait pas leur capacité d’agrégation in vivo [24]. Conclusion Les réchauffeurs de fluides font partie de l’arsenal de dispositifs à notre disposition dans la prévention de l’hypothermie accidentelle périopératoire. Leurs performances sont dépendantes du débit d’administration des fluides IV. Ainsi, si le dispositif Hotline® est le plus performant pour des débits d’administration faibles, c’est le dispositif Level One® qui est le mieux adapté pour des débits d’administration élevés. Le dispositif Fluido® est, quant à lui, le plus polyvalent, efficace dans une large gamme de débits d’administration. L’efficacité de ces dispositifs pour maintenir une T◦ CC supérieure à 36 ◦ C étant liée au volume de fluide IV administré, leur usage doit être associé aux autres mesures habituelles de prévention de l’hypothermie périopératoire. Si on considère que 60 % des pertes thermiques du corps humain se font par radiation, limiter les surfaces corporelles dénudées pendant la chirurgie, utiliser des dispositifs de réchauffement corporel externe actifs et passifs, ainsi que maintenir une température supérieure à 21 ◦ C en salle d’intervention sont des mesures indispensables à la lutte contre l’hypothermie peropératoire [16]. Il faut souligner qu’en plus du service rendu au patient, l’usage de la plupart des dispositifs de réchauffement n’est ni consommateur de temps, ni responsable de gène peropératoire et n’a pas un coût élevé [25]. Enfin, il faut garder à l’esprit que l’objectif de 36◦ est la T◦ CC minimum à obtenir en périopératoire. En effet, il a été démontré que les pertes sanguines étaient moins importantes lorsque le T◦ CC était à 36◦ 5 plutôt qu’à 36◦ 1 [26]. Pour citer cet article : Espitalier F, Laffon M. Quand utiliser les dispositifs actuels de réchauffement des fluides ? Le Praticien en anesthésie réanimation (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.pratan.2015.12.006 Modele + PRATAN-589; No. of Pages 6 ARTICLE IN PRESS 6 F. Espitalier, M. Laffon Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. Références [1] NICE — National Institute for Health and Care Excellence. CG65 Clinical practice guidelines. The management of inadvertent perioperative hypothermia in adults; 2008. Available from: https://www.nice.org.uk/guidance/cg65/resources/ guidance-inadvertent-perioperative-hypothermia-pdf (accessed 08/09/15). [2] Moola S, Lockwood C. Effectiveness of strategies for the management and/or prevention of hypothermia within the adult perioperative environment. Int J Evid Based Healthc 2011;9(4):337—45. [3] Sun Z, Honar H, Sessler DI, et al. Intraoperative core temperature patterns, transfusion requirement, and hospital duration in patients warmed with forced air. Anesthesiology 2015;122(2):276—85. [4] Sessler DI. Mild perioperative hypothermia. N Engl J Med 1997;336(24):1730—7. [5] Torossian A, Bräuer A, Höcker J, Bein B, Wulf H, Horn E-P. Preventing inadvertent perioperative hypothermia. Dtsch Ärztebl Int 2015;112(10):166—72. [6] Scott AV, Stonemetz JL, Wasey JO, et al. Compliance with surgical care improvement project for body temperature management (SCIP Inf-10) is associated with improved clinical outcomes. Anesthesiology 2015;123(1):116—25. [7] Frank SM, Fleisher LA, Breslow MJ, et al. Perioperative maintenance of normothermia reduces the incidence of morbid cardiac events. A randomized clinical trial. JAMA 1997;277(14):1127—34. [8] Rajagopalan S, Mascha E, Na J, Sessler DI. The effects of mild perioperative hypothermia on blood loss and transfusion requirement. Anesthesiology 2008;108(1):71—7. [9] Kurz A, Sessler DI, Narzt E, et al. Postoperative hemodynamic and thermoregulatory consequences of intraoperative core hypothermia. J Clin Anesth 1995;7(5):359—66. [10] Kurz A, Sessler DI, Lenhardt R. Perioperative normothermia to reduce the incidence of surgical-wound infection and shorten hospitalization. Study of Wound Infection and Temperature Group. N Engl J Med 1996;334(19):1209—15. [11] Lenhardt R, Marker E, Goll V, et al. Mild intraoperative hypothermia prolongs postanesthetic recovery. Anesthesiology 1997;87(6):1318—23. [12] Haute Autorité de santé. Note de cadrage — Programmes de réhabilitation rapide en chirurgie : état des lieux et perspectives. Rapport d’orientation; 2014. Available from: http:// www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/201409/note de cadrage programme rehabilitation rapide.pdf (accessed 08/09/15). [13] Kempainen RR, Brunette DD. The evaluation and management of accidental hypothermia. Respir Care 2004;49(2): 192—205. [14] Centre for evidence-based purchasing. Buyers’ guide: intravenous fluid warming devices. London: NHS purchasing and Supply Agency. CEP10013; 2010. Available from: http://nhscep. useconnect.co.uk/ShowDocument.ashx?id=394&i=true (accessed 08/09/15). [15] Centre for evidence-based purchasing. Market review: intravenous fluid warming devices. London: NHS purchasing and Supply Agency. CEP10014; 2010. Available from: http://nhscep. useconnect.co.uk/ShowDocument.ashx?id=394&i=true (accessed 08/09/15). [16] John M, Ford J, Harper M. Peri-operative warming devices: performance and clinical application. Anaesthesia 2014;69(6): 623—38. [17] Poppa E, Yona D, Katz Y, Barak M. Warmflo warming system overheats fluids in simulated clinical conditions. J Clin Anesth 2009;21(5):336—40. [18] Turner M, Hodzovic I, Mapleson WW. Simulated clinical evaluation of four fluid warming devices*. Anaesthesia 2006;61(6):571—5. [19] Kim HJ, Yoo SM, Jung JS, Lee SH, Sun K, Son HS. The laboratory performance of the enFLOW® , buddy liteTM and ThermoSens® fluid warmers. Anaesthesia 2015;70(2):205—8. [20] Boyan CP. Cold or warmed blood for massive transfusions. Ann Surg 1964;160:282—6. [21] Noirot MT, Freysz M, Letourneau B, Defrance N, Angue M. [Technical constraints in rapid vascular fluid replacement]. Ann Fr Anesth Reanim 1990;9(5):433—42. [22] Bourne C, Cabelguenne D, David J-S, Rioufol C, Piriou V. [Massive transfusion: analysis of practices according to available medical devices]. Ann Fr Anesth Reanim 2012;31(6): 537—42. [23] Unité d’évaluation des technologies et des modes d’intervention en santé du Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke (UETMIS-CHUS). Hémolyse par réchauffe-liquide : revue systématique de la littérature avec méta-analyse. Sherbrooke: Rapport d’évaluation préparé par Thomas Poder, Wendyam Gérard Nonkani et Élyonore Tsakeu Leponkouo (UETMIS); 2013. XIV, 56 pp. ; Available from: http://www.chus. qc.ca/fileadmin/doc chus/Volet academique RUIS/ETMIS/ 2013 CHUS ETMIS R%C3 %A9chauffe-liquide.pdf (accessed 08/09/15). [24] Konig G, Yazer MH, Waters JH. Stored platelet functionality is not decreased after warming with a fluid warmer. Anesth Analg 2013;117(3):575—8. [25] Horosz B, Malec-Milewska M. Methods to prevent intraoperative hypothermia. Anaesthesiol Intensive Ther 2014;46(2): 96—100. [26] Winkler M, Akça O, Birkenberg B, Hetz H, et al. Agressive warming reduces blood loss during hip arthroplasty. Anesth Anal 2000;91(4):978—84. Pour citer cet article : Espitalier F, Laffon M. Quand utiliser les dispositifs actuels de réchauffement des fluides ? Le Praticien en anesthésie réanimation (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.pratan.2015.12.006