Droit commercial et des Affaires

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Droit commercial et des Affaires
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CHAPITRE
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Le commerçant
17. – Étudier l’acteur principal du droit commercial qu’est le commerçant suppose de
répondre à trois questions :
– qu’est-ce qu’un commerçant ? C’est le problème de sa définition.
– comment détermine-t-on la qualité de commerçant ? C’est le problème de sa qualification.
– y a-t-il des règles particulières applicables au commerçant ? C’est le problème de sa
condition juridique.
Or les deux premières questions sont fortement liées car, selon l’article L. 121-1 du
Code de commerce, le commerçant est défini par les actes juridiques qu’il accomplit :
les actes de commerce. Il faut donc déterminer d’abord quels sont les actes de
commerce pour en déduire ensuite qui est commerçant. C’est ainsi que la réponse aux
trois questions précédentes exige d’envisager : les actes de commerce (1) ; la notion de
commerçant (2) et la condition juridique du commerçant (3).
1•
LES ACTES DE COMMERCE
18. – Les articles L. 110-1 et L. 110-2 du Code de commerce énumèrent la liste des
actes de commerce. Ces textes, dont la rédaction est ancienne, ne fixent pas de
critère général, et usent de notions souvent dépassées. C’est pourquoi jurisprudence
et doctrine considèrent depuis longtemps que leur énumération n’est pas limitative.
À cette énumération d’activités par le Code de commerce (A), la doctrine a opposé des
tentatives de systématisation (B). Cette détermination délicate est le préalable à l’analyse du régime des actes de commerce (C).
A - L’énumération du Code de commerce
19. – On peut regrouper les activités selon qu’elles sont commerciales au sens étroit du
terme, industrielles, financières ou de services.
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MÉMENTO – DROIT COMMERCIAL ET DES AFFAIRES
1) Activités du commerce
20. – En droit, le commerce comprend l’industrie et les services. Mais l’article L. 110-1
commence par des activités commerciales au sens le plus courant du terme.
Il s’agit en premier de l’achat de biens meubles (corporels ou incorporels) pour les
revendre qui est l’activité commerciale par excellence. S’y ajoute, depuis 1967, l’achat
d’immeubles pour les revendre à l’exception des opérations de promotion immobilière,
lorsque « l’acquéreur a agi en vue d’édifier un ou plusieurs bâtiments et de les vendre
en bloc ou par locaux » et la location de meubles.
L’acte d’achat pour revendre nécessite de considérer l’ensemble de l’opération. Il en
résulte notamment que :
– celui qui vend ce qu’il n’a pas acheté n’accomplit pas d’actes de commerce à
l’exemple de l’auteur qui vend son livre ou le viticulteur qui vend son vin1 ;
– c’est l’intention de revendre qui compte ; le fait de ne pas parvenir à revendre
n’enlève pas à l’achat son caractère commercial ;
– la recherche de bénéfice est indispensable : acheter pour donner n’est pas un acte
de commerce ;
– la finalité d’achat en vue de la revente doit être principale dans l’opération ; si l’essentiel consiste dans la transformation du bien acheté, soit il n’y a pas d’acte de commerce
(ex. : le chirurgien qui fournit une prothèse dans le cadre d’une opération ; l’artisan qui
façonne la matière première achetée), soit c’est un acte de commerce d’une autre
catégorie (entreprise de manufacture).
2) Activités industrielles
21. – Rentrent aussi dans la commercialité juridique les activités industrielles : les
« entreprises de manufacture », selon la formulation de 1807, c’est-à-dire de production industrielle et de transformation, de « fournitures », par exemple de biens tels les
grossistes, ou les diffuseurs, qui opèrent des livraisons successives ; ou encore toute
entreprise de transport par terre ou par mer. L’article L. 110-2 allonge à ce sujet la liste
avec divers types d’entreprises maritimes.
3) Activités financières et prestations de services
22. – Figurent encore sur la liste des actes de commerce, diverses activités financières
telles que les opérations de change, banque, assurance.
Ainsi, l’article L. 110-1, 3° vise les intermédiaires notamment pour l’achat, la souscription
ou la vente d’immeubles, de fonds de commerce, d’actions ou de parts de sociétés
1. Voir Cass. civ., 21 avril 1976, JCP 1977, II, 18605, note Y. Chaput, RTD com. 1976, 484, obs. A. Jauffret.
Selon cet arrêt : « les Hospices de Beaune, lorsqu’ils vendent leur vin, se comportent comme un propriétaire récoltant et que le fait par un exploitant agricole, dont ils ont ainsi la qualité, d’écouler sa production
est un acte civil ».
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immobilières, ce qui correspond aux agents immobiliers dont le statut est régi par la loi
« Hoguet » (n° 70-9 du 2 janvier 1970) mais auxquels a été étendu le statut des agents
commerciaux par la loi n° 2006-872 du 13 juillet 20062. À cet égard, la Cour de cassation
a retenu la qualification d’opérations commerciales d’intermédiaires pour les actes effectués par une association offrant de manière permanente un site Internet tendant à
permettre la rencontre d’offre et de demande d’achats et de ventes de biens immobiliers3.
Sont aussi considérés comme intermédiaires, les agents d’affaires qui s’occupent des
affaires d’autrui, généralement par représentation comme les gestionnaires
d’immeuble, les agences de voyage, les généalogistes, les entreprises de recouvrement
de créance… les commissionnaires4 qui agissent en leur nom pour le compte d’une
autre personne, les courtiers5 qui mettent en rapport deux personnes cherchant à
contracter dans un domaine précis, tel l’assurance ou le commerce des vins, les entreprises de vente à l’encan, ce qui vise notamment les commissaires-priseurs qui procèdent aux ventes aux enchères publiques mais aussi les autres professionnels de la vente
aux enchères depuis que les commissaires-priseurs ont perdu leur monopole6.
Il en est de même pour les entreprises de location de meubles, ce qui vise non seulement les locations de meubles meublants mais aussi de matériel divers, ou de
véhicules, enfin de meubles incorporels.
L’article L. 110-1, 6° vise enfin les entreprises de spectacles publics sauf s’il s’agit
d’association ne recherchant pas de but lucratif.
B - Les systématisations doctrinales
23. – De la liste des actes de commerce, établie en 1807 par le Code de commerce, la
doctrine a voulu déduire des règles générales tant en ce qui concerne la recherche d’un
critère de commercialité qu’en ce qui concerne la classification des actes de commerce.
Elle s’est alors divisée en deux grands courants : un courant objectiviste, un courant
subjectiviste.
On parle de théorie objective lorsque c’est la nature de l’acte qui détermine sa
commercialité (« droit des actes »). En revanche, relève de la théorie subjective le
raisonnement qui attribue à un acte la qualification commerciale en se fondant sur
la seule qualité de commerçant de son auteur (« droit des marchands »). Au sens
de la théorie subjectiviste, pour que des actes autres que ceux visés par les articles
L. 110-1 et L. 110-2 puissent être qualifiés d’actes de commerce, ils doivent avoir été
accomplis par des commerçants : c’est parce qu’une personne est commerçante que
ses actes sont des actes de commerce.
2.
3.
4.
5.
6.
Voir infra, nos 83 et s.
Cass. com., 14 février 2006, D. 2006, AJ, p. 784, obs. E. Chevrier.
Sur le contrat de commission, voir infra, nos 94 et s.
Sur le contrat de courtage, voir infra, nos 106 et s.
Cf. art. L. 321-1 et s., C. com. Sur les ventes aux enchères par Internet, cf. art. L. 321-3, C. com.