Introduction à la théorie de l`équilibre général

Transcription

Introduction à la théorie de l`équilibre général
Chapitre 1
Introduction à la théorie de l’équilibre
général
No lo levantó la nada,
ni el dinero, ni el señor,
sino la tierra callada
el trabajo y el sudor
Andaluces de Jaen
Miguel hernandez
Sommaire
1.1 Les économies d’échange pur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
2
1.1.1 La base matérielle de l’économie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
2
1.1.2 Le diagramme emboîté d’Edgeworth . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
3
1.1.3 Les préférences des agents . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
5
1.1.4 L’aspect économique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
7
1.1.5 Équilibre économique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
9
1.2 Exercice d’application . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
14
1.3 Les économies à la « Robinson Crusoe » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
14
1.4 Une économie de production à 2 outputs et 2 inputs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
17
ous allons dans ce premier chapitre introduire les concepts fondamentaux de la théorie de l’équilibre
général. Pour cela, nous nous proposons d’étudier des économies simplifiées, c.-à-d. où il y a peu de
biens et peu d’agents. Cette simplification doit être bien comprise afin d’éviter des erreurs d’interprétation
regrettables : bien que le nombre d’agents soit volontairement réduit, on supposera toujours que chacun d’eux
se comporte comme s’il y avait un grand nombre d’agents. L’intérêt de cette façon de procéder est évident : en
réduisant le nombre d’agents, on simplifie le traitement mathématique du sujet et on autorise les représentations
graphiques.
Dans la plupart des sociétés, l’activité économique trouve son origine dans la production et sa fin dans la
consommation. Les échanges permettent aux produits de circuler 1 entre les agents.
Nous allons examiner dans ce qui suit les économies simplifiées décrites dans le tableau 1.1.
N
Table 1.1 – Cas d’économies simplifiées
biens
consommateurs
producteurs
économie 1
économie 2
économie 3
2
2
0
2
1
1
4
2
2
1. On dit que les marchandises ou les biens circulent lorsqu’ils changent de propriétaires.
1
On verra par la
suite un traitement général.
2
CHAPITRE 1. INTRODUCTION À LA THÉORIE DE L’ÉQUILIBRE GÉNÉRAL
La première économie décrit une économie d’échange pur, c.-à-d. une économie où il n’y a pas de production
et où les consommateurs s’échangent leurs dotations initiales de deux biens. Ce type de situation correspond
peu ou prou à celle qu’on rencontre dans les camps de prisonniers, les colonies de vacances ou sur une île à la
suite d’un naufrage. Ce type d’économie cherche à mettre l’accent sur le lien entre échange et préférences des
individus.
Dans la deuxième situation, il n’y a qu’un seul individu qui produit et consomme le fruit de son travail. On
parle d’économie « à la Robinson Crusoe ». Dans ce type d’économie, on voit comment l’activité de production
s’articule avec la consommation.
La troisième situation n’a pas de nom particulier. Elle diffère conceptuellement des deux modèles précédents
par l’existence de deux producteurs. Son seul objet est donc de comprendre l’impact de deux entreprises sur une
économie. L’examen du tableau 1.1 montre que nos économies simplifiées comprennent toujours au minimum
deux biens et deux agents 2 . Un instant de réflexion montre que c’est la configuration minimale pour pouvoir
parler d’échanges.
1.1 Les économies d’échange pur
On parle d’économie d’échange pur quand il n’y a pas de production. Les agents sont de purs consommateurs qui
disposent — avant même que les échanges n’aient lieu — d’un stock initial (ou dotation initiale) de marchandises.
L’origine de ces marchandises et les quantités dont dispose chaque individu ne sont pas expliquées : ce sont des
données initiales du modèle. Toute l’activité économique se réduit donc à :
1. l’échange
2. la consommation
de ces dotations initiales.
Dans un camp de prisonnier, ou toute production est de facto impossible, chaque prisonnier reçoit de sa famille
(ou d’une organisation caritative) des colis contenant des quantités différentes de divers biens (cigarettes, savon,
nourriture, etc.). Une fois ces dotations initiales reçues, on assistera sans doute à des échanges entre prisonniers.
Finalement, le contenu des colis disparaîtra par la consommation. Si des échanges ont lieu, c’est sans doute
parce que chaque prisonnier n’est pas pleinement satisfait du contenu de son colis qui est — par exemple —
un colis « type ». On imagine facilement qu’un non fumeur recevant son colis et découvrant qu’il contient
des paquets de cigarettes cherchera à s’en défaire contre tout autre chose : biscuits, savon ou chandelles. Les
échanges permettent de se rapprocher du colis idéal en cédant ce qui est moins désiré pour obtenir ce qui est
plus désiré.
Nous allons prendre dès maintenant de bonnes habitudes en formalisant rigoureusement notre économie.
1.1.1 La base matérielle de l’économie
Tout d’abord, il y a deux agents (consommateurs). Ils sont caractérisés par l’indice h (pour household). Dans le
cas présent, on a h = 1, 2. Les biens sont au nombre de deux et leur indice est i , i = 1, 2. On suppose que les biens
sont parfaitement homogènes et infiniment divisibles. On note x i h la quantité de bien i possédée par l’agent h.
Les dotations initiales (invariables) seront notées x̄. Ainsi, x̄ i h désigne la dotation initiale en bien i de l’individu
h. Pour appartenir à l’économie, les agents doivent posséder une dotation initiale non nulle d’au moins un des
deux biens
(x̄ 1h , x̄ 2h ) ∈ R2+ − {(0, 0)}.
La taille de l’économie est donnée par le stock initial total en chacun des deux biens ; on note
∀i , i = 1, 2 x̄ i =
2
X
x̄ i h ,
h=1
c.-à-d., le stock initial en bien i est obtenu en additionnant les dotations initiales des agents composant
l’économie. Pour qu’on tienne compte d’un bien, il faut évidemment qu’il soit présent dans l’économie ; c’est
pourquoi on posera
∀i , x̄ i > 0.
2. On parlera quand même de deux agents si un même individu joue — comme Robinson Crusoe — deux rôles économiques distincts.
1.1. LES ÉCONOMIES D’ÉCHANGE PUR
3
On appelle « allocation » de cette économie, une répartition des biens de l’économie entre les agents qui la
composent. On notera une telle allocation 3
¡
¢
x = (x1 , x2 ) = (x 11 , x 21 ), (x 12 , x 22 ) .
On dira qu’une allocation est réalisable si
2
X
∀i ,
x i h ≤ x̄ i .
h=1
On compte donc parmi les allocations réalisables toutes les répartitions des deux biens entre les deux individus
telles que la consommation totale de chaque bien n’excède pas les dotations initiales globales en chacun des
biens.
On peut s’étonner de ce que l’inégalité soit large. En effet, si la consommation totale du bien 1 (par exemple) est
inférieure au stock initial du bien 1, on peut se demander où se trouve la partie non-consommée. La réponse est
donnée avec le concept de libre disposition 4 des excédents. Lorsque l’égalité est vérifiée, on parlera d’allocation
réalisable totale. Ces allocations peuvent être représentées à l’aide d’un diagramme emboîté d’Edgeworth. Ce
graphique — très simple — est un instrument si puissant qu’on a pu dire que tous les problèmes théoriques qui
nous préoccupent ici pouvaient y être représentés de façon limpide :
The Edgeworth box, simple as it is, is remarkably powerful. There is virtually no phenomena or
properties of general equilibrium exchange economies that cannot be depicted in it. (Mas-Colell
et al., 1995)
Il est donc inutile de préciser que vous devez le maîtriser parfaitement 5 .
1.1.2 Le diagramme emboîté d’Edgeworth
On sait que les dotations d’un agent peuvent se représenter dans l’orthant positif d’un graphique où les axes
représentent les biens. On suppose ici que l’individu h = 1 possède initialement 7 unités du bien i = 1 et 5 unités
du bien i = 2.
bien 2
5
b
(x̄11 , x̄21 ) = (7, 5)
4
3
2
1
0
individu h = 1 0
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
bien 1
Figure 1.1 – Représentation de la dotation d’un agent
La taille globale de l’économie est la limite des ressources totales disponibles. On suppose que la quantité totale
de bien 1 existant dans l’économie est x̄ 1 = 12. Pour le bien 2, on a x̄ 2 = 9. Une fois fixée la « taille » de l’économie,
on voit apparaître une « boîte » (voir graphique 1.2).
¡
¢
3. On notera les vecteurs en gras. xh correspond à x 1h , x 2h , c.-à-d. le vecteur des biens détenus par l’agent h. Lorsque l’indice n’est pas
précisé, il s’agit du vecteur correspondant à l’ensemble des biens de l’ensemble des agents. Ainsi, x correspond au vecteur (x 11 , x 21 , x 12 , x 22 ).
4. En anglais : free disposal. Pour des détails sur les enjeux liés de cette notion, voir l’entrée Free disposal dans The New Palgrave.
5. Comme le remarquent W. Hildenbrand et A. P. Kirman : « The box device is often said to be a development by Bowley of an idea of
Edgeworth and is sometimes referred to as an Edgeworth Bowley box. However, a careful reading of Edgeworth shows that he fully developed
the idea and it should therefore properly be called an Edgeworth box. » (Hildenbrand et Kirman, 1988).
Allocation réalisable totale
4
CHAPITRE 1. INTRODUCTION À LA THÉORIE DE L’ÉQUILIBRE GÉNÉRAL
x̄2
9
8
7
6
(x̄11 , x̄21 ) = (7, 5)
5
b
4
3
2
1
x̄1
0
individu h = 1 0
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
Figure 1.2 – Taille de l’économie et boîte d’Edgeworth
Il reste à compléter le graphique pour représenter l’individu h = 2.
En fait, il se trouve déjà implicitement dans le graphique précédent comme le montre le graphique 1.3. En effet,
ce que possède l’individu h = 2 en bien i = 1 est forcément la différence entre la quantité globale existante de ce
bien et ce que possède l’individu h = 1 en bien i = 1. Il en va de même pour le bien i = 2. Sous cette forme, le
graphique n’est pas très commode à utiliser compte tenu de la gymnastique qu’il faut faire pour « visualiser » la
dotation de l’individu h = 2. En fait, les choses se présentent beaucoup plus simplement si on considère que les
limites nord et est de l’économie forment un système d’axe dont l’origine est située au point (12, 9). L’axe des
abscisses (horizontal) est orienté vers la gauche et correspond au bien i = 1 et celui des ordonnées (vertical) est
orienté vers le bas et correspond au bien i = 2.
9
x̄2
8
x̄22 = x̄2 − x̄21
7
6
5
b
(x̄11 , x̄21 ) = (7, 5)
4
3
2
x̄12 = x̄1 − x̄11
1
x̄1
0
individu h = 1 0
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
Figure 1.3 – Représentation de la dotation de l’autre agent
Un diagramme emboîté d’Edgeworth est donc obtenu en « imbriquant » ou, si vous préférez, en « emboîtant » les
systèmes d’axes des deux individus, comme on le voit sur le graphique 1.4.
1.1. LES ÉCONOMIES D’ÉCHANGE PUR
5
1
0
12
13
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
1
8
2
7
3
6
b
4
5
5
4
allocation réalisable totale
³
2
(x̄11 , x̄21 ), (x̄12 , x̄22 )
´
7
b
6
3
b
8
1
9
0
h =1 0
h =2
0
13
9
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
Figure 1.4 – Un diagramme emboîté
Les caractéristiques de la « boîte d’Edgeworth » sont les suivantes :
– La taille de la boîte (c.-à-d., sa largeur et sa hauteur) est donnée par les ressources globales de l’économie en
chacun des deux biens ;
– chaque agent h dispose de son propre système d’axe ;
– les allocations réalisables totales sont représentées par un point du diagramme emboîté d’Edgeworth. Cela
veut dire que le même point représente simultanément ce que possède l’individu 1 (la lecture se fait dans son
système d’axe) et l’individu 2 (lu dans son propre système d’axe).
Vous remarquerez que ce diagramme est particulièrement adapté à la représentation graphique des échanges de
marchandises entre deux individus : tout échange se représente graphiquement par le passage de l’allocation
initiale à une allocation réalisable totale située dans les quadrants nord-ouest ou sud-est de l’allocation initiale.
N’hésitez pas à vérifier cette particularité par vous-même.
Représentation
des échanges
1.1.3 Les préférences des agents
Appelons X l’ensemble de tous les « paniers de biens » que pourrait posséder un individu h quelconque,
c.-à-d. l’ensemble des vecteurs xh ∈ R2+ . Nous allons admettre que les individus sont capables d’exprimer des
préférences sur ces « paniers de biens ». Ces préférences sont représentées par la relation binaire %h sur X ,
(c.-à-d., « préféré ou jugé équivalent à par l’individu h »). Cette relation binaire est transitive et complète, c.-à-d.,
∀xh , yh , zh ∈ X ,
xh %h yh
∀xh , yh ∈ X ,
et yh %h zh =⇒ xh %h zh
xh %h yh
ou yh %h xh
À partir de cette relation de préférence on définit la relation binaire de préférence stricte (Âh ) et la relation
binaire d’indifférence (∼h ).
Définition 1 (relation binaire de préférence stricte). Soit %h sur X la relation binaire de préférence de l’individu h sur l’ensemble des paniers de biens. Alors,
∀xh , yh ∈ X ,
¡
¢
xh Âh yh ⇐⇒ xh %h yh et ¬ yh %h xh .
N
Définition 2 (relation binaire d’indifférence). Soit %h sur X la relation binaire de préférence de l’individu h
sur l’ensemble des paniers de biens. Alors,
∀xh , yh ∈ X ,
xh ∼h yh ⇐⇒ xh %h yh et yh %h xh .
N
Chaque individu possède
ses
propres
préférences
6
CHAPITRE 1. INTRODUCTION À LA THÉORIE DE L’ÉQUILIBRE GÉNÉRAL
On notera la définition :
Définition 3 (rationalité des préférences). Si la relation binaire de préférence %h est complète et transitive
alors la relation de préférence est dite rationnelle
N
Ces deux propriétés ne sont généralement pas suffisantes pour engendrer une théorie satisfaisante du comportement des consommateurs. C’est pourquoi on ajoute des propriétés relatives à :
– la désirabilité des paniers de biens ;
– la convexité des préférences.
Nous allons supposer dans ce qui suit que la relation de préférence %h est strictement convexe, continue et
fortement monotone.
Définition 4 (convexité). La relation de préférence %h sur X est convexe, si
∀xh ∈ X , yh %h xh et zh %h xh ⇒ αyh + (1 − α)zh %h xh
∀α ∈ [0 1]
N
Définition 5 (stricte convexité). La relation de préférence %h sur X est strictement convexe, si
∀xh ∈ X , yh %h xh , zh %h xh et yh 6= zh ⇒ αyh + (1 − α)zh Âh xh
∀α ∈ [0 1]
N
Définition 6 (continuité). On dit que %h sur X est continue si les deux ensembles
©
ª
©
ª
xh ∈ X | xh %h yh et xh ∈ X | yh %h xh
sont fermés.
N
Définition 7 (monotonie, monotonie forte). La relation %h est monotone si xh ∈ X et yh À xh ⇒ yh Âh xh .
Elle est fortement monotone si yh ≥ xh et yh 6= xh ⇒ yh Âh xh
N
Définition 8 (non-saturation locale). La relation %h est localement non saturée si pour tout xh ∈ X et pour
tout ² > 0, il existe un yh ∈ X vérifiant kyh − xh k ≤ ² et yh Âh xh
N
Si on suppose que la relation de préférence %h est strictement convexe, continue et fortement monotone, alors
les courbes d’indifférence sont convexes (sans segments de droite), infiniment « minces » et elles s’empilent les
unes dans les autres comme des bols ou des assiettes (cf. graphique 1.5). Ces caractéristiques sont le reflet des
hypothèses qui ont implicitement été faites sur la « psychologie » supposée des consommateurs :
convexité les consommateurs aiment la diversité : ils préfèrent les paniers de « composition moyenne » aux
paniers de « composition extrême » ;
monotonie les consommateurs préfèrent toujours avoir plus que moins ;
continuité Il n’y a pas d’inversion brutale des préférences.
x2
8
7
6
5
4
3
2
1
x1
0
h =10
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10 11
Figure 1.5 – Courbes d’indifférence
Nous pouvons maintenant représenter les préférences des deux individus dans le diagramme emboîté d’Edgeworth (cf. graphique 1.6).
1.1. LES ÉCONOMIES D’ÉCHANGE PUR
0
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
préférences croissantes de h = 1
1
x1
8
2
7
3
6
4
5
5
4
6
3
7
2
8
1
préférences croissantes de h = 2
0
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
x2
0
h=1
h=2
0
x2
7
x1
Figure 1.6 – Courbes d’indifférence dans le diagramme d’Edgeworth
1.1.4 L’aspect économique
Nous avons dit précédemment que ce modèle ne valait que comme idéalisation d’une économie où il y aurait de
nombreux biens et de nombreux agents en concurrence. Cela signifie quelque chose de précis : il existe des prix
et les agents ne sont pas capables d’avoir une action significative sur ces prix 6 . On dit alors que les agents sont
price-takers. On notera p le vecteur des prix (mesurés en unité de compte 7 )
p = (p 1 , p 2 ) ∈ R2
L’existence de prix permet de calculer la richesse des individus.
Définition 9 (richesse). Dans une économie d’échanges, la valeur au prix de marché de la dotation initiale
d’un individu est sa richesse.
∀p = (p 1 , p 2 ) ∈ R2 , px̄h = p 1 x̄ 1h + p̄ 2 x 2h
N
Cette même richesse détermine les paniers de biens qui sont accessibles au consommateur. En effet, chaque
consommateur possède une dotation initiale. Celle-ci peut toujours être vendue sur le marché dans sa totalité
aux prix (p 1 , p 2 ). Cette « somme » est ce que nous venons d’appeler la richesse de l’individu. On notera que cette
richesse n’est pas fixe. Elle dépend évidemment des prix qui sont en vigueur dans cette économie 8 .
Définition 10 (ensemble budgétaire (budget set)). On appelle ensemble budgétaire d’un individu l’ensemble
des paniers de biens qu’il peut acquérir compte tenu des prix en vigueur et de sa richesse.
©
ª
B h (p) = (x 1h , x 2h ) ∈ R2+ | p 1 x 1h + p 2 x 2h ≤ p 1 x̄ 1h + p 2 x̄ 2h
N
On en profite pour donner une définition qui découle de la précédente :
Définition 11 (ligne de budget). On appelle ligne de budget d’un individu l’ensemble des paniers de biens qui
épuisent sa richesse aux prix en vigueur dans l’économie.
©
ª
LB h (p) = (x 1h , x 2h ) ∈ R2+ | p 1 x 1h + p 2 x 2h = p 1 x̄ 1h + p 2 x̄ 2h
N
6. Ou plus exactement, les agents s’estiment eux-mêmes incapables d’avoir une action sur les prix.
7. Cela signifie que les prix sont des nombres réels purs, donc des nombres sans dimension.
8. Pour ceux qui ont des difficultés à comprendre ce point, il suffit de se demander ce qu’est la richesse d’un individu qui possède
une twingo et un aquarium d’occasion. Il est clair que cette richesse dépend entièrement de ce que valent les twingos et les aquariums
d’occasion. Tant que l’individu n’a pas consulté L’Argus et un journal de petites annonces, il ne sait pas ce qu’est sa richesse et donc ne sait
pas ce qu’il peut acheter avec elle. Pensez aussi à un individu qui possède des actions. Pour connaître sa richesse, il doit au préalable aller
vérifier le cours de chaque action. Comme le cours des actions change chaque jour, sa richesse change chaque jour. Tel individu qui aurait
pu acheter une maison le 5 janvier avec le produit de la vente de ses actions ne pourra plus acheter qu’une niche à chien le 6 janvier si les
cours boursiers se sont effondrés pendant la nuit.
8
CHAPITRE 1. INTRODUCTION À LA THÉORIE DE L’ÉQUILIBRE GÉNÉRAL
Il est aisé d’expliciter la ligne de budget sous la forme
x 2h = −
∀h,
p1
p 1 x̄ 1h + p 2 x̄ 2h
x 1h +
.
p2
p2
p
La ligne de budget est donc une droite dans R2+ . Sa pente est égale à l’opposée du rapport des prix − p 12 . Elle
passe par le point de dotation initiale de l’individu (cf. figure 1.7a).
courbe d'indifférence
h=2
x2
panier optimal
x21
ligne de buget
x
x21
x 2h
x1
x1h
x11
x11
h=1
ensemble budgétaire
ensemble budgétaire de h=1
(a) ligne de budget et ensemble budgétaire
(b) un exemple de panier optimal
Figure 1.7 – Budget et choix optimal
Il s’agit du
stock
final
désiré
de
chaque bien.
demande
nette = demande sur le
marché
Nous avons vu que les individus ont des préférences sur les « paniers de biens ». Nous savons aussi qu’ils
disposent d’une dotations initiale qui ne les satisfait pas nécessairement. L’existence de marchés permet aux
agents de modifier la composition de leur panier initial (c’est ce qu’expriment les ensembles budgétaires). Dans
ces conditions, il n’y a rien d’étonnant à ce que le problème économique fondamental de nos consommateurs
soit de sélectionner le panier de l’ensemble budgétaire tel qu’aucun autre ne lui soit préféré 9 . Le graphique 1.7b
montre un tel panier.
Le vecteur optimal (x 11 , x 21 ) désigne les quantités que l’individu « demande », c.-à-d. désire détenir (et consommer) une fois les échanges terminés. Puisque les individus possèdent des dotations initiales, ces quantités ne
sont pas celles qui sont échangées sur le marché. Dans le graphique 1.7b, l’individu h = 1 va céder (x̄ 21 − x 21 ) et
obtenir en contrepartie (x 11 − x̄ 11 ). Il va offrir sur le marché la quantité (x̄ 21 − x 21 ) et demander sur le marché
(x 11 − x̄ 11 ). Nous allons oublier désormais nos habitudes : nous ne parlerons plus d’offre et de demande mais de
demande nette (voir graphique 1.8a) positive ou négative.
demande nette < 0 de h=1
h=2
courbe d'offre/demande de h=1
dotation initiale
h=2
z 21
x21
panier optimal
x
x21
h=1
x
x11
x 11
z 11
demande nette > 0 de h=1
h=1
(a) Demandes nettes de l’individu 1
(b) Courbe d’offre-demande
Figure 1.8 – Demandes nettes et courbe d’offre-demande
9. Plus exactement : les paniers qui sont tels qu’aucun autre ne leur soit préféré.
1.1. LES ÉCONOMIES D’ÉCHANGE PUR
9
Définition 12 (demandes nettes). Soient x̄ i h et x i h la dotation initiale et la quantité optimale du bien i pour
l’individu h. On appelle demande nette du bien i par h — notée z i h — la quantité
z i h = x i h − x̄ i h
La demande nette est positive si l’individu est « demandeur net » et négative s’il est « offreur net ».
N
Lorsque les prix changent (plus exactement, le rapport des prix), la droite de budget pivote autour du point
de dotation initiale de l’individu. Les paniers demandés (c.-à-d. optimaux) associés à chaque rapport des prix
dessinent une courbe qu’on appelle la courbe d’offre-demande 10 (voir graphique 1.8b) de l’individu h.
1.1.5 Équilibre économique
Formulation générale
Nous avons exposé le problème économique en focalisant notre attention sur un seul individu représentatif 11 .
Nous allons maintenant examiner les interactions entre les deux individus.
La première remarque qu’on fera concerne les droites de budget des deux individus dans un diagramme
emboîté d’Edgeworth. Dans un diagramme emboîté d’Edgeworth, les droites de budget des deux individus
sont confondues. Les dotations initiales des individus sont représentées par un même point sur cette droite de
budget commune (voir graphique 1.9).
x2
2
1
0
11
12
13
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
p1
p 2 x1h
+
p 1 x̄ 1h +p 2 x̄ 2h
p2
1
x2h = −
x1
8
2
7
ensemble budgétaire de h = 2
3
6
4
5
5
4
ensemble budgétaire de h = 1
6
3
b
7
2
8
1
9
0
h =1
h =2
0
9
0
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
x1
x2
Figure 1.9 – Ensembles budgétaires et droite de budget
Chaque individu se caractérise par une courbe d’offre-demande (qui traduit ses préférences, pour une richesse
donnée) Pour chaque vecteur de prix (p 1 , p 2 ), on peut désormais vérifier si les désirs exprimés par les individus
sont compatibles. Dans l’exemple de la figure 1.10, on constate que pour le vecteur-prix choisi, les désirs des
agents ne sont pas compatibles : le premier souhaite céder z 21 alors que le second désire acquérir z 22 . Or,
z 21 6= z 22 . Par ailleurs, on vérifie facilement que z 11 6= z 12 .
Une telle situation ne saurait décrire un équilibre de marché puisque les quantités offertes et demandées ne
coïncident pas. On considère en effet qu’un équilibre est une situation où tous les consommateurs sont capables
10. Dans Mas-Colell et al. (1995), les auteurs parlent d’une « offer curve » (à distinguer de la courbe d’offre, la « supply curve »). Nous
préférons pour notre part reprendre la terminologie qui avait cours au début du XXe siècle. Sur ce point, voir F. Dupont et E. Reus, La théorie
réelle des cycles de D. H. Robertson, Revue française d’économie, vol. VII, 4, automne 1992.
11. Représentatif au sens où tous les individus ont un comportement semblable.
10
CHAPITRE 1. INTRODUCTION À LA THÉORIE DE L’ÉQUILIBRE GÉNÉRAL
demande nette > 0 de h=2
h=2
x
z21
z 22
h=1
demande nette < 0 de h=1
Figure 1.10 – Compatibilité des préférences
de satisfaire en totalité leurs désirs de vente et d’achat aux prix en vigueur 12 . Nous pouvons définir un équilibre
walrassien de la façon suivante :
Définition 13 (équilibre compétitif ou walrassien). Dans une économie d’échange, un équilibre compétitif
est un vecteur de prix p = (p 1e , p 2e ) et une allocation réalisable totale (xe1 , xe2 ) vérifiant :
∀h = 1, 2
xeh % x0h
∀x0h ∈ B h (pe )
N
Le graphique 1.11 représente un tel équilibre.
La notion d’équilibre est plus subtile qu’il n’y paraît au premier abord. En effet, deux conditions doivent être
remplies pour parler d’équilibre. Il faut que :
1. les marchés s’équilibrent ;
2. les agents maximisent leur satisfaction.
Les deux
facettes de
l’équilibre
La première
définition est
très abstraite.
La première condition est généralement celle qu’on retient (c’est la fameuse « loi » d’égalisation des offres et
des demandes). On voit cependant sur le graphique qu’il existe une infinité d’allocations réalisables totales.
Quand on passe de l’allocation initiale à n’importe quelle autre allocation réalisable totale, les biens transférés
d’un agent à l’autre s’égalisent nécessairement : tout ce qui est cédé par l’un est forcément reçu par l’autre et
vice versa. Ce n’est pourtant pas un équilibre walrassien : les transferts sont arbitraires et ne maximisent pas la
satisfaction des agents. Il faut donc comprendre que l’équilibre d’un marché de concurrence est quelque chose
d’assez étonnant qui mêle le « social » et « l’individuel » : il assure une certaine cohérence globale (pas de stocks
d’invendus involontaires, pas de consommateurs « non servis ») tout en respectant et en satisfaisant au mieux
les désirs exprimés par les agents.
Formulations alternatives
Vous trouverez dans les ouvrages de microéconomie diverses formulations de la définition d’un équilibre général.
Il est bon que vous les ayez rencontrées au moins une fois.
L’idée générale est d’exprimer les choix des individus sous forme de fonction de demande (ou de demande
nette). Nous allons définir dans un premier temps ces deux notions.
12. Le terme équilibre désigne en économie une situation « où rien ne bouge », c.-à-d. une situation ou personne n’a intérêt à changer
quoi que ce soit pour la simple raison que les plans établis (ex ante) par les agents se réalisent. Pour des détails, voir Guerrien (1996). De
leur côté, Arrow et Hahn (1971) rappellent que depuis Marshall, l’accent est mis sur l’équilibre car il existerait des « forces » qui poussent
l’économie vers de telles situations.
1.1. LES ÉCONOMIES D’ÉCHANGE PUR
11
demande nette > 0 de h=2
h=2
x
équilibre walrassien
z21
z 22
h=1
demande nette < 0 de h=1
Figure 1.11 – Représentation d’un équilibre dans un diagramme emboîté d’Edgeworth
Définition 14 (fonction de demande). On appelle fonction de demande individuelle du bien i la relation entre
la quantité optimale de ce bien et chaque éventualité de prix et de dotation initiale pour cet individu, avec
(p, p.x̄h ) À 0 (les prix étant tous strictement positifs). On la note x i h (p, p.x̄h ) ∈ R2+
N
On remarque que la fonction de demande d’un individu pour un bien quelconque dépend de tous les prix
(représenté ici par le vecteur des prix p = (p 1 , p 2 )) ainsi que de sa richesse. Ceci est d’ailleurs conforme à
l’intuition. La demande d’automobile dépend évident du prix d’une automobile, mais aussi du prix du carburant,
du prix des assurances, etc. De même, on se doute que la richesse de l’individu aura une influence déterminante
sur sa demande de caviar.
Pour passer des préférences à la demande, un certains nombre d’étapes sont nécessaires. Je vais vous les donner
sans démonstration.
La première étape consiste à montrer que la relation binaire %i peut se représenter sous forme d’une fonction
d’utilité.
Théorème 1 (existence d’une fonction d’utilité). Si la relation binaire de préférence %h est rationnelle et continue, alors il existe une fonction d’utilité u h (xh ) continue qui représente ces préférences.
ä
Démonstration. Proposition admise sans démonstration.
■
Rn+
Une fonction d’utilité u :
7−→ R associe donc à chaque panier de bien un nombre réel qu’on appelle l’indice d’utilité de ce panier. Une fonction d’utilité « représente » correctement des préférences dès l’instant ou
xh %h x0 h ⇐⇒ u(xh ) ≥ u(x0 h ). Par conséquent, plus l’indice est élevé et plus le panier est apprécié. Dans
l’absolu, la valeur de l’indice n’a aucune signification : la seule chose importante est d’associer un indice plus
élevé à un panier préféré à un autre et que l’ensemble des indices soit cohérent quand on considère l’ensemble
des paniers de biens. On dit alors que la fonction d’utilité est ordinale car elle se contente de représenter un
ordre ou un classement (sur les paniers de biens). Cela signifie également que si une fonction u h représente les
préférences d’un individu, alors toute fonction v h déduite de u h par une transformation croissante représente
également ces préférences.
Le seconde étape consiste à montrer que le problème de la maximisation de la fonction d’utilité sous contrainte
de budget a toujours une solution.
Théorème 2 (maximisation de l’utilité). Si les prix sont strictement positifs p À 0, et si la fonction d’utilité u h (.)
est continue, alors le problème
max u h (xh ) sous la contrainte : p.xh ≤ p.x̄h
xh ≥0
12
CHAPITRE 1. INTRODUCTION À LA THÉORIE DE L’ÉQUILIBRE GÉNÉRAL
a une solution.
ä
Si p À 0 alors l’ensemble de budget B h (p) = {(x 1h , x 2h ) ∈ R2+ ,
p 1 x 1h +p 2 x 2h ≤ p 1 x̄ 1h +p 2 x̄ 2h }
Démonstration.
est un ensemble compact (en effet, il est fermé et borné). Or, toute fonction continue possède un maximum sur
un ensemble compact.
■
Ces deux théorèmes permettent donc d’affirmer que, quelle que soit la richesse de l’individu, quels que soient
les prix, il existe au moins un panier de biens qui maximise son utilité. La relation entre les différents prix et les
paniers optimaux qui leur sont associés est la correspondance de demande walrassienne. Lorsqu’il n’existe qu’un
panier optimal associé à chaque vecteur prix, on parle de fonction de demande walrassienne. C’est elle qu’on a
noté x i h (p, p.x̄h ).
Lorsqu’on additionne les demandes des différents individus, on obtient la demande de marché du bien considéré
X
x i (p, px̄1 , ..., px̄h , ...) = x i h (p, p.x̄h )
h
Comme on le constate, la demande de marché est une fonction de tous les prix et de la richesse de chaque
individu. Si on considère que le volume et la répartition de la richesse sont donnés 13 , alors la demande de
marché ne dépend que des prix.
Nous pouvons enfin définir la fonction de demande nette :
Définition 15 (fonction de demande nette). On appelle fonction de demande nette (individuelle ou de marché) les fonctions z i h (.) = x i h (.) − x̄ i h et z i (.) = x i (.) − x̄ i .
N
La fonction de demande nette sera une fonction de demande ou d’offre selon le signe que prendra z(.).
Les fonctions de demande possèdent des propriétés qui méritent d’être soulignées.
Définition 16 (homogénéité de degré k). Soit f (.) une fonction de RN dans R. On dit que f (.) est homogène
de degré k par rapport à (x 1 , x 2 , ..., x n ) si :
∀λ > 0,
f (λx 1 , λx 2 , ..., λx n ) = λk f (x 1 , x 2 , ..., x n )
k s’appelle le degré d’homogénéité de la fonction.
N
Proposition 1 (absence d’illusion monétaire). Les fonctions de demande (demande nette, individuelle ou globale) sont homogènes de degré zéro par rapport aux prix.
ä
Démonstration. On notera dans un premier temps que :
∀λ > 0,
pxh ≤ px̄h ⇐⇒ λpxh ≤ λpx̄h
Par conséquent, toute solution du programme
max u h (xh ) sous la contrainte : p.xh ≤ p.x̄h
xh ≥0
est aussi solution du programme
max u h (xh ) sous la contrainte : λ p.xh ≤ λ p.x̄h
xh ≥0
Par conséquent,
x i h (λp, λp.x̄h ) = λ0 x i h (p, p.x̄h ) = x i h (p, p.x̄h )
■
On montre ainsi que les quantités demandées ne dépendent que des prix relatifs, c.-à-d. des rapports de prix.
Le fait de multiplier tous les prix par une même constante positive ne modifie pas les quantités demandées
de chaque bien. Bref, si un individu demande une pomme et une poire quand les prix des deux fruits sont
respectivement 1 ( et 2 ( alors qu’il gagne 3 (, il devra demander les mêmes quantités quand les prix seront
2 ( et 4 ( et son revenu 6 ( !
Ces définitions m’amènent à vous proposer les deux définitions suivantes d’un équilibre générale walrassien :
Définition 17 (équilibre général walrassien bis). Dans une économie d’échange, un équilibre compétitif est
un vecteur de prix (p 1e , p 2e ) vérifiant
X
X
∀i ,
x i h (p, p.x̄h ) ≤ x̄ i h
h
Cette définition
14
h
N
met l’accent – marché par marché – sur l’égalité des quantités désirées par les agents et
13. C’est une simplification qui est fréquente.
14. On trouve par exemple cette définition dans Varian (1995), p. 318.
1.1. LES ÉCONOMIES D’ÉCHANGE PUR
13
des quantités disponibles (c.-à-d., les dotations initiales globales de chaque bien). On remarque que l’aspect
compact de cette définition vient de ce que l’aspect individuel et social de l’équilibre sont réunis dans une même
équation. Les fonctions de demande étant déduites du programme de maximisation de l’utilité des individus,
l’équilibre une fois atteint possède ipso facto la propriété de maximiser la satisfaction des individus.
On peut bien entendu condenser encore un peu plus cette définition en utilisant les fonctions de demande
nette 15 :
Définition 18 (équilibre général walrassien ter). Dans une économie d’échange, un équilibre compétitif est
un vecteur de prix (p 1e , p 2e ) vérifiant
X
∀i ,
z i h (p, p.x̄h ) ≤ 0.
N
h
Cette dernière version correspond à la définition habituelle d’un équilibre de marché. Les fonctions de demande
nette expriment les quantités effectivement échangées sur le marché. Comme elles sont l’émanation des fonctions
de demande, elles expriment elles aussi les choix optimaux des individus.
Cette définition donnée, nous pouvons énoncer deux propriétés fondamentales des équilibres walrassiens : la
« loi de Walras » et le théorème des biens libres.
Proposition 2 (loi de Walras). La somme des valeurs des demandes nettes de marché est identiquement nulle,
c.-à-d.
X
∀p,
p i z i (p) = 0.
i
ä
Démonstration. En vertu du théorème 2, on sait que le programme de maximisation de l’utilité possède une
solution lorsque p À 0. En vertu de l’hypothèse d’absence de saturation des besoins, la solution optimale se
trouve sur la contrainte budgétaire. Par conséquent, la contrainte budgétaire
X
X
p i x i h = p i x̄ i h
i
i
devient, en remplaçant x i h par la fonction de demande x i h (p, p.x̄h ), une identité vraie pour tout p
X
X
∀p À 0,
p i x i h (p, p.x̄h ) = p i x̄ i h ,
i
i
ce qui est équivalent à
X
∀p À 0,
p i z i h (p) = 0.
i
On remarquera que si on admet l’existence de prix nuls 16 , cette identité reste vérifiée. Par conséquent, en
sommant sur tous les individus
XX
X X
X
∀p,
p i z i h (p) = p i
z i h (p) = p i z i (p) = 0.
h
i
i
h
i
■
La loi de Walras s’interprète de la façon suivante :
1. dans une économie à n marchés, quand n − 1 marchés sont équilibrés, le n e est nécessairement équilibré ;
2. dans une économie à n marchés, quand un marché est déséquilibré, un ou plusieurs autres marchés sont
déséquilibrés ;
3. les fonctions de demande nette de marché ne sont pas indépendantes (l’une d’entre elle — peu importe
laquelle — est linéairement dépendante de toutes les autres).
Proposition 3 (biens libres). Soit p? un équilibre général walrassien. Si, sur le marché j , on a z j (p? ) < 0 alors,
p ?j = 0. Si, à l’équilibre, un bien est en excès d’offre (demande nette négative) alors c’est un bien libre, c.-à-d. son
prix est nul.
ä
Démonstration. Puisque p? est un équilibre général walrassien, on a ∀i , z i (p? ) ≤ 0. Supposons que z j (p? ) < 0
P
et p ?j > 0. Alors, on aurait nécessairement i p i? z i (p? ) < 0 et ceci en contradiction avec la loi de Walras.
■
Les biens libres sont des biens dont l’offre est si abondante par rapport à la demande que le seul équilibre
possible se fait à un prix nul (le prix ne saurait descendre plus bas !). Et à ce prix, l’offre excède encore la demande.
On a donc bien à l’équilibre une demande nette négative et un prix nul.
15. On trouve cette définition dans Arrow et Hahn (1971), p. 23.
16. Mais non tous simultanément nuls. Le problème économique serait sans intérêt puisque tous les biens seraient gratuits.
14
CHAPITRE 1. INTRODUCTION À LA THÉORIE DE L’ÉQUILIBRE GÉNÉRAL
1.2 Exercice d’application
Nous allons à travers un exercice simple mettre en application les notions que nous venons d’introduire.
Exercice 1. Une économie se compose de deux individus caractérisés par les fonctions d’utilité : u h (x 1h , x 2h ) =
α 1−α
x 1h
x 2h et par les dotations initiales suivantes : x̄1 = (1, 2) et x̄2 = (1, 2). Déterminer l’équilibre général de cette
économie.
♣
1.3 Les économies à la « Robinson Crusoe »
Avec ce type d’économie, nous allons étudier les relations entre la consommation et la production. Avant d’aller
plus avant, nous allons essayer de donner une représentation grossière de l’articulation entre la production et la
consommation dans un pays comme la France contemporaine.
Salaires
Profits
Entreprises
Ménages
Dépenses de consommation
Figure 1.12 – Les flux monétaires entre entreprises et ménages.
Pour théoriser de type d’économie, on part de trois idées fondamentales :
1. le temps dont dispose un individu est donné ;
2. avant d’être consommés, les biens doivent être produits ;
3. les biens sont produits avec du travail.
Ceux qui ont déjà siroté un Malibu-coca 17 frappé, allongés dans un hamac tendu entre deux palmiers d’une
île paradisiaque du Pacifique savent que deux choses sont très agréables : ne rien faire 18 et ... consommer. Par
ailleurs, n’importe quel individu semble être capable de classer ses préférences quant à ces deux possibilités.
Bien fol qui préférerait 1 jour de vacances et un seul Malibu à deux jours de vacances et deux Malibu !
Si vous admettez ceci, vous pouvez admettre que les individus ont des préférences sur des paniers de biens
composés de loisir (`) et d’un bien de consommation (x). On posera que le loisir est mesuré à l’aide d’une unité
de temps quelconque (l’heure, le jour, le mois, etc.) et que chaque individu en possède une dotation initiale,
notée `¯ (24 heures par jour, 30 jours par mois, etc.).
Il nous reste à évoquer le dilemme auquel est confronté toute personne (sa « contrainte budgétaire ») : les biens
sont produits à l’aide de travail, c.-à-d. de temps. Puisque la dotation en temps est bornée, plus un individu
consacre de temps au loisir et moins il travaille. Or, moins il travaille, moins il produit et ... moins il consomme.
En revanche, s’il travaille beaucoup, il produit et consomme beaucoup ... mais il ne lui reste que peu de temps
libre.
Bref, on peut dire que le dilemme qu’on évoquait précédemment est le suivant : loisir et consommation sont
désirables mais on ne peut avoir l’un qu’en renonçant à l’autre 19 . Vous comprenez maintenant pourquoi on
parle d’économies à la Robinson Crusoe ! Chaque matin celui-ci devait se demander comment allouer le temps
dont il disposait entre le loisir et le travail productif.
Essayons maintenant de formaliser notre problème.
Le consommateur a des préférences %h sur les couples (`, x) ∈ R2+ . Elles sont continues, convexes et fortement
monotones.
17. Pour les brestois qui ne connaissent que les joies du cidre tiède dégusté sous le crachin estival, je demande de faire preuve d’imagination.
18. c.-à-d. avoir des loisirs.
19. Cette opposition rappelle la contrainte budgétaire évoquée précédemment : un individu qui possède des ressources bornées (c.-à-d.,
limitées en quantité) ne pourra pas consommer à discrétion du x et du y. Il sait que plus il achète de x et moins il peut obtenir de y, et vice
versa.
1.3. LES ÉCONOMIES À LA « ROBINSON CRUSOE »
15
La production de biens de consommation est mise en œuvre par une unique entreprise. Elle produit un unique
output (le bien de consommation) à l’aide d’un unique input : le travail, noté L et mesuré en heures. Par
convention, les inputs sont « comptés négativement » alors que les outputs sont des grandeurs positives 20 . Une
fonction de production décrit la relation technique qui existe entre les différentes quantités d’input possibles et
les productions qui en résultent. On la note
x = f (L)
x ≥ 0 désigne les quantités produites ; L ≤ 0 désigne le temps de travail.
La convention qui consiste à « compter négativement » les inputs est gênante parce qu’elle va à l’encontre de
nos habitudes de pensée. C’est pourquoi, il est parfois intéressant de définir les inputs de façon à ce qu’ils soient
positifs. Il suffit de poser L ? = −L et de définir une fonction de production f ? (.) vérifiant f ? (L ? ) = f (L). On
suppose traditionnellement que f ? (.) est croissante (plus de travail entraîne plus de production) et strictement
concave (les suppléments successifs de travail se traduisent par des suppléments de production de plus en plus
faibles 21 ).
x
3
3
2
2
1
1
-20
-20
-15
-10
-15
-10
-5
L
-5
5
-1
-2
-1
(a) une fonction de production « type »
-3
(b) droites d’isoprofit
Figure 1.13 – Fonction de production et droites d’isoprofit
Le graphique 1.13a est un exemple de fonction de production où les inputs sont « comptés négativement ».
La production est mise en œuvre par une entreprise. Elle achète les services du travail au prix w et vend sa
production au prix p. Son but est de maximiser son profit qui est la différence entre les recettes px et le coût
salarial wL, sachant que x = f (L). Son programme 22 s’écrit
max (px + wL)
L≤0
s.c. : x = f (L).
Ce problème peut se représenter graphiquement. Appelons droite « d’isoprofit » — notée I π? — l’ensemble des
vecteurs (L, x) qui donnent un niveau donné de profit π∗ pour un niveau donné des prix
©
ª
I π? = (L, x) ∈ R− × R+ | px + wL = π∗ .
Le graphique 1.13b représente une série de droites d’isoprofit (c.-à-d., construites pour des niveaux différents de
profit).
Comme on le voit avec le graphique 1.14a, le problème de la maximisation du profit consiste à trouver le vecteur
(L, x) :
– situé sur la plus élevée des courbes d’isoprofit possible ;
– qui respecte la relation technique de production.
Le graphique 1.14b montre un vecteur maximisant le profit. Il est « classiquement » situé au point de tangence
entre une courbe d’isoprofit et la fonction de production.
20. Voir par exemple Debreu (1966), p. 40.
21. On dit que la productivité marginale du travail décroît. Un peu d’introspection ne fera pas de mal pour comprendre tout ceci.
Admettons qu’il existe une relation entre temps de révision (L ? ) et note aux examens (x). On note cette relation x = f ? (L ? ). C’est ... une
fonction de production. Vous savez tous que plus on révise et plus la note sera importante ( f ? (.) est croissante). Vous savez aussi que les
heures successives de révision se traduisent par des suppléments de points de plus en plus faibles ( f ? (.) est concave). On peut également
dire : si on obtient 10 avec 5 heures de révisions, il faut être fou pour croire qu’on aura 20 avec 10 heures de révisions !
22. Les initiales s.c. signifient « sous contrainte ». Les anglo-saxons écrivent s.t . c.-à-d. subject to.
16
CHAPITRE 1. INTRODUCTION À LA THÉORIE DE L’ÉQUILIBRE GÉNÉRAL
3.5
profits croissants
profit maximum
3
2.5
3
2
2
1.5
1
1
0.5
-20
-15
-10
-5
-20
5
(a) droites d’isoprofit
-15
-5
-10
5
(b) vecteur maximisant le profit
Figure 1.14 – Maximisation du profit
Lorsque les prix varient, les droites d’isoprofit pivotent (puisque leur pente w
p change) et le vecteur (L, x) optimal
change. On notera L(p, w), x(p, w) et π(p, w) la quantité optimale de travail, l’output optimal et le profit optimal
associés au vecteur de prix (p, w) 23 .
L’entreprise fait des profits. Certes ! Mais ... où vont ces profits ? Ils sont versés aux propriétaires de l’entreprise
qui sont les ... ménages. Dans notre économie simplifiée, cela veut dire que l’entreprise verse ses profits à
l’unique individu qui se trouve être son ... salarié !
Nous allons donc établir la droite de budget de notre consommateur en tenant compte des ses deux sources de
revenu : son salaire et ses profits.
px ≤ − wL + π(p, w),
L≤0
(1.1)
ce qui signifie que la valeur de ce qu’il achète pour sa consommation (px) ne peut excéder ce qu’il gagne sous
forme de salaires (− wL) et de profits (π(p, w)). Si on se souvient que le temps travaillé est un non-temps-deloisir 24 , la relation 1.1 peut aussi s’écrire
px + w` ≤ w `¯ + π(p, w).
(1.2)
Le consommateur cherche à maximiser son utilité sous sa contrainte de budget
max u(`, x)
(1.3)
(`,x)∈R2+
sc : px + w` ≤ w `¯ + π(p, w)
(1.4)
Ce problème possède une solution (voir graphique 1.15). On notera x(p, w) la quantité désirée du bien x lorsque
x
x
3
3
2
2
1
1
5
10
15
20
24
l
Figure 1.15 – L’équilibre du consommateur
les prix sont w et p et `(p, w) le temps de loisir désiré pour le même vecteur de prix. On définit sans peine la
demande nette du bien x et du temps
z x (p, w) = x(p, w) − 0 = x − (p, w) demande de x,
z temps (p, w) = `(p, w) − `¯ = L + (p, w) < 0 offre de temps de travail.
23. La relation fonctionnelle entre quantité optimale de travail et vecteur-prix s’appelle la fonction de demande de travail par l’entreprise.
On peut la noter L − (p, w). De même, x + (p, w) est la fonction d’offre de x et π(p, w) est la fonction de profit.
24. Le temps disponible se partage entre travail et loisir, `¯ = ` − L. Donc `¯ ≥ 0, ` ≥ 0 et L ≤ 0.
1.4. UNE ÉCONOMIE DE PRODUCTION À 2 OUTPUTS ET 2 INPUTS
17
3.5
3.5
3
3
2.5
2.5
2
2
1.5
1.5
1
1
0.5
0.5
-20
-15
-10
-5
5
-20
-15
(a) déséquilibre
-10
-5
5
(b) équilibre
Figure 1.16 – Équilibre et déséquilibre dans le modèle avec production
On constate que le consommateur a une demande nette négative de temps 25 . Il est donc offreur de temps à
l’entreprise et ce temps offert correspond bien entendu au temps de travail négatif L ≤ 0 évoqué plus haut.
Un équilibre walrassien de cette économie est un vecteur prix (p, w) équilibrant les marchés
L + (p, w) = L − (p, w)
−
+
x (p, w) = x (p, w)
(marché du travail),
(1.5)
(marché des biens).
(1.6)
Le graphique 1.16a décrit une situation de déséquilibre : les quantités offertes et demandées de travail et
du bien ne correspondent pas. Le graphique 1.16b décrit une situation d’équilibre. on y voit que le vecteur
d’équilibre peut être indifféremment décrit comme un couple loisir-consommation (`, x) ou comme un couple
production-travail (x, L). Tout dépend du point de vue qu’on adopte : celui du ménage ou celui de l’entreprise.
1.4 Une économie de production à 2 outputs et 2 inputs
Nous allons maintenant étudier une économie où deux entreprises fabriquent à l’aide d’inputs de même nature
des outputs différents. Les fonctions de production des entreprises s’écrivent 26
q1
q2
Entreprise 1
Entreprise 2
S11
S21
S12
S22
Ménage 1
Ménage 2
Figure 1.17 – Une économie à 2 biens et 2 inputs
F 1 (q 1 , s 11 , s 21 ) = 0,
(1.7)
F 2 (q 2 , s 12 , s 22 ) = 0,
(1.8)
– q j ∈ R+ , j = 1, 2 désigne l’output de l’entreprise j ;
– s i j ∈ R− , i = 1, 2 j = 1, 2 désigne l’input i utilisé par l’entreprise j .
Nous suivons une fois encore la convention qui consiste à compter négativement les inputs et positivement les
outputs.
Les différents biens ont un prix. On note p j le prix des outputs et w i celui des inputs.
Comme nous allons nous intéresser à l’équilibre sur le marché des inputs, nous allons supposer que l’offre
d’input est le fait des ménages et que cette offre est parfaitement inélastique 27 . Les outputs sont vendus à des B
25. Vous remarquerez la cohérence des notations : z temps (p, w) est conforme à la définition d’une demande nette : stock désiré de temps
moins stock de temps possédé. Le temps que je veux garder pour moi étant a priori plus faible que mon stock de temps, j’offre sur le marché
la différence.
26. Pour la signification des fonctions de production écrite sous la forme F (.) = 0, cf. annexes A et B, page ?? et sq.
18
CHAPITRE 1. INTRODUCTION À LA THÉORIE DE L’ÉQUILIBRE GÉNÉRAL
prix « fixés par le marché ».
Ces hypothèses sont faites dans un but de simplification. Ce qui nous intéresse est la façon dont — à l’équilibre —
les inputs vont se répartir entre les deux entreprises. Nous faisons complètement l’impasse sur le comportement
des ménages. Cela a pour conséquence que nous ne connaissons pas leurs demandes de biens et leurs offres
d’inputs. Nous supposons donc que :
– sur les marchés des deux biens, tout ce qui est produit est demandé aux prix p 1 et p 2 ;
– l’offre d’inputs est fixe.
Chaque entreprise cherche à maximiser son profit
max (p j q j + w 1 s 1 j + w 2 s 2 j ),
(1.9)
compte tenu de sa contrainte technique de production
F j (q j , s 1 j , s 2 j ) = 0.
(1.10)
La représentation graphique du problème est un peu plus compliquée que tout ce que nous avons vu jusqu’à
présent. En effet, nous allons représenter objectif et contrainte « dans l’espace ».
Commençons par l’objectif.
On sait que π = p j q j + w 1 s 1 j + w 2 s 2 j . En fixant la valeur du profit π à un niveau donné, on définit une « surface
d’isoprofit » dont l’équation est
w2
π
w1
s1 j −
s2 j +
,
p j 6= 0.
(1.11)
qj = −
pj
pj
pj
Le graphique 1.18a représente trois surfaces d’isoprofit. Chaque surface regroupe l’ensemble des triplets
(q j , s 1 j , s 2 j ) qui conduisent — pour des prix (p j , w 1 , w 2 ) donnés — à un même niveau de profit. La plus « haute »
des trois correspond au niveau de profit le plus élevé 28 .
Continuons par la contrainte.
De façon tout à fait classique, la fonction de production F (q j , s 1 j , s 2 j ) = 0 est représentée par une surface comme
celle du graphique 1.18b. La production est nulle lorsque les facteurs de production sont nuls. Elle est d’autant
plus importante que leur quantité augmente. La forme de la surface montre que la productivité marginale des
deux facteurs est décroissante 29 .
Le problème de la maximisation du profit peut être visualisé en combinant les graphiques 1.18a et 1.18b. Il s’agit
en effet de trouver la surface d’isoprofit la plus élevée possible (car on cherche à maximiser le profit) possédant
au moins un point en commun avec la fonction de production (car le triplet (q j , s 1 j , s 2 j ) « candidat » doit être
techniquement réalisable). Au vu du schéma 1.19 on se doute que pour un vecteur-prix (p j , w 1 j , w 2 j ) donné il
existe un triplet (q j , s 1 j , s 2 j ) qui maximise le profit de l’entreprise. Ce point est situé au point de tangence des
deux surfaces.
Cela signifie qu’à l’équilibre 30 de l’entreprise, les conditions « marginales » suivantes sont vérifiées 31
¯ ∂F (.) ¯
¯
¯
¯ ∂s1 j ¯ w 1
¯
¯
(1.12)
¯ ∂F (.) ¯ = w
2
¯ ∂s ¯
2j
¯ ∂F (.) ¯
¯
¯
¯ ∂s1 j ¯
p j ¯¯ ∂F (.) ¯¯ = w 1
(1.13)
¯ ∂q ¯
j
De 1.12 et 1.13, on déduit
¯ ∂F (.) ¯
¯
¯
¯ ∂s2 j ¯
¯
p j ¯ ∂F (.) ¯¯ = w 2
¯ ∂q ¯
(1.14)
j
27. Cela signifie que les quantités offertes sont fixes pour tous les prix. La fonction d’offre est donc verticale.
28. Les surfaces d’isoprofit ressemblent à un « mille-feuilles » posé en biais dans le coin d’une pièce.
29. En effet, pour un volume donné d’un facteur, les suppléments de production qui résultent de l’emploi de quantités croissantes de
l’autre facteur vont en diminuant.
30. Équilibre signifie « là où l’entreprise maximise son profit ». En effet, quand une entreprise maximise son profit, elle n’a plus aucun
motif pour modifier sa production.
31. Si la solution optimale n’est pas située sur les bornes de l’ensemble.
1.4. UNE ÉCONOMIE DE PRODUCTION À 2 OUTPUTS ET 2 INPUTS
-10
19
s1j
-7.5
-5
-2.5
0
20
15
10
qj
5
0
0
-2.5
-5
-7.5
s2j
-10
(a) surfaces d’isoprofit
-10
s1j
-8
-6
-4
-2
0
20
15
10
qj
5
-2
0
0
-4
-6
-8
-10
s2j
(b) fonction de production F (q j , s 1 j , s 2 j ) = 0
Figure 1.18 – Objectif et contrainte dans le problème de la maximisation du profit
20
CHAPITRE 1. INTRODUCTION À LA THÉORIE DE L’ÉQUILIBRE GÉNÉRAL
0
s2j
-2.5
-5
-7.5
-10
20
15
qj
10
5
0
-10
-7.5
-5
s1j
-2.5
0
Figure 1.19 – Maximum de profit
L’équation 1.12 signifie que le couple optimal d’inputs est tel que le taux de substitution technique (le TST )
entre ces deux inputs est égal au rapport de leurs prix respectifs. Les équations 1.13 et 1.14 signifient que la
productivité marginale en valeur de chaque input (en termes de l’output produit par l’entreprise) est égale au
prix de cet input.
Si pour tout vecteur-prix possible il existe une solution optimale, alors on appelle fonction d’offre d’output, la
relation entre vecteur-prix et quantité optimale d’output.
On la note : q j (p j , w 1 j , w 2 j ).
Les fonctions de demande d’inputs décrivent la relation entre vecteur-prix et quantités optimales d’input :
s 1 j (p j , w 1 j , w 2 j ) et s 2 j (p j , w 1 j , w 2 j )
L’équilibre sur le marché des inputs est obtenu en confrontant les demandes exprimées par les entreprises et
les quantités offertes par les ménages. Par hypothèse, l’offre d’input de la part des ménages est parfaitement
inélastique. L’offre globale de s 1 est constante, c.-à-d. s 1 = s̄ 1 . De la même façon, on a s 2 = s̄ 2 . On dira qu’il y a
équilibre sur le marché des inputs si — pour des prix p j donnés — existe un vecteur-prix (w 1 j , w 2 j ) tel que,
2
X
s 1 j (p j , w 1 j , w 2 j ) = s̄ 1 ,
(1.15)
s 2 j (p j , w 1 j , w 2 j ) = s̄ 2 .
(1.16)
j =1
2
X
j =1
1.4. UNE ÉCONOMIE DE PRODUCTION À 2 OUTPUTS ET 2 INPUTS
21
General Economic Equilibrium: Purpose, Analytic Techniques, Collective Choice
By Kenneth J. Arrow 32
1. The Coordination and Efficiency of the Economic System
From the time of Adam Smith’s Wealth of Nations in
1776, one recurrent theme of economic analysis has
been the remarkable degree of coherence among the
vast numbers of individual and seemingly separate decisions about the buying and selling of commodities.
In everyday, normal experience, there is something of
a balance between the amounts of goods and services
that some individuals want to supply and the amounts
that other, different individuals want to sell. Wouldbe buyers ordinarily count correctly on being able to
carry out their intentions, and would-be sellers do not
ordinarily find themselves producing great amounts of
goods that they cannot sell. This experience of balance
is indeed so widespread that it raises no intellectual disquiet among laymen; they take it so much for granted
that they are not disposed to understand the mechanism by which it occurs. The paradoxical result is that
they have no idea of the system’s strength and are unwilling to trust it in any considerable departure from
normal conditions. This reaction is most conspicuous
in wartime situations with radical shifts in demand.
It is taken for granted these can be met only by price
control, rationing, and direct allocation of resources.
Yet there is no reason to believe that the same forces
that work in peace time would not produce a working
system in time of war or other considerable shits in
demand. (There are undesirable consequences of a
free market system, but sheer unworkability is not one
of them.)
tion of the labor force. As technology improves exogenously, through innovations, the labor made redundant does not become permanently unemployed but
finds its place in the economy. It is truly amazing that
the lessons of both theory and over a century of history
are still so misunderstood. On the other hand, a growing accumulation of instruments of production raises
real wages and in turn induces a rise in the prices of
labor-intensive commodities relative to those which
use little labor. All these phenomena show that by and
large and in the long view of history, the economic system adjusts with a considerable degree of smoothness
and indeed of rationality to changes in the fundamental facts within which it operates.
The problematic nature of economic coordination is
most obvious in a free enterprise economy but might
seem of lesser moment in a socialist or planned society.
But a little reflection on the production and consumption decisions of such a society, at least in the modern
world of complex production, shows that in the most
basic aspects the problem of coordination is not removed by the transition to socialism or to any other
form of planning. In the pure model of a free enterprise
world, an individual, whether consumer or producer,
is the locus both of interests or tastes and of information. Each individual has his own desires, which he is
expected to pursue within the constraints imposed by
the economic mechanism; but in addition he is supposed to have more information about himself or at
I do not want to overstate the case, The balancing of least about a particular sphere of productive and consupply and demand is far from perfect. Most conspic- sumptive activity than other individuals. It might be
uously, the history of the capitalist system has been that in an ideal socialist economy, all individuals will
marked by recurring periods in which the supply of act in accord with some agreed ideas of the common
available labor and of productive equipment available good, though I personally find this concept neither refor the production of goods has been in excess of their alistic nor desirable, in that it denies the fact and value
utilization, sometimes, as in the 1930’s, by very con- of individual diversity. But not even the most ideal sosiderable magnitudes. Further, the relative balance of cialist society will obviate the diversity of information
overall supply and demand in the postwar period in the about productive methods that must obtain simply beUnited States and Europe is in good measure the result cause the acquisition of information is costly. Hence,
of deliberate governmental policies, not an automatic the need for coordination, for some means of seeing
tendency of the market to balance.
that plans of diverse agents have balanced totals, remains.
Nevertheless, when all due allowances are made, the
coherence of individual economic decisions is remark- How this coordination takes place has been a central
able. As incomes rise and demands shift, for example, preoccupation of economic theory since Adam Smith
from food to clothing and housing, the labor force and and received a reasonably clear answer in the 1870’s
productive facilities follow suit. Similarly, and even with the work of Jevons, Menger, and above all, Léon
more surprising to the layman, there is a mutual in- Walras: it was the fact that all agents in the economy
teraction between shifts in technology and the alloca- faced the same set of prices that provided the common
32. Harvard University. This article is the lecture Kenneth Arrow delivered in Stockholm, Sweden, December 1972, when he received the
Nobel Prize in Economic Science. The article is copyright ©the Nobel Foundation 1973. It is included in the volume of Les Prix Nobel en 1972.
22
CHAPITRE 1. INTRODUCTION À LA THÉORIE DE L’ÉQUILIBRE GÉNÉRAL
flow of information needed to coordinate the system.
There was, so it was argued, a set of prices, one for each
commodity, which would equate supply and demand
for all commodities; and if supply and demand were
unequal anywhere, at least some prices would change,
while none would change in the opposite case. Because
of the last characteristics, the balancing of supply and
demand under these conditions may be referred to as
equilibrium in accordance with the usual use of that
term in science and mathematics. The adjective, general, refers to the argument that we cannot legitimately
speak of equilibrium with respect to any one commodity; since supply and demand on any one market depends on the prices of other commodities, the overall
equilibrium of the economy cannot be decomposed
into separate equilibria for individual commodities.
Now even in the most strictly neoclassical version of
price theory, it is not precisely true that prices alone
are adequate information to the individual agents for
the achievement of equilibrium, a point that will be
developed later. One brand of criticism has put more
stress on quantities themselves as signals, including
no less an authority than the great Keynes (1936); see
especially the interpretation of Keynes by Leijonhufvud
(1968, especially ch. 2). More recently the same argument has been advanced by Kornai (1971) from socialist experience. Nevertheless, while the criticisms are, in
my judgment, not without some validity, they have not
given rise to a genuine alternative model of detailed re-
source allocation. The fundamental question remains,
how does an overall total quantity, say demand, as in
the Keynesian model, get transformed into a set of signals and incentives for individual sellers?
If one shifts perspective from description to design of
economies it is not so hard to think of nonprice coordinating mechanisms; we are in fact all familiar with
rationing in one form, or another. Here, the discussion of coordination shades off in that of efficiency.
There has long been a view that the competitive price
equilibrium. is efficient or optimal in some sense that
rationing is not. This sense and the exact statement
of the optimality theorem. were clarified by Pareto
(1909, ch. 6, sections 32-38) and, in the 1930’s by my
teacher, Harold Hotelling (1938) and by Abram Bergson
(1938). An allocation of resources is Pareto efficient (or
Pareto optimal) if there is no other feasible allocation
which will make everyone better off (or, as more usually stated, make everyone at least as well off and at
least one member better off). Then, by an argument
that I shall sketch shortly, it was held that a competitive equilibrium necessarily yielded a Pareto-efficient
allocation of resources.
It was, of course, recognized, most explicitly perhaps
by Bergson, that Pareto efficiency in no way implied
distributive justice. An allocation of resources could
be efficient in a Pareto sense and yet yield enormous
riches to some and dire poverty to others.
En 1917, dans ses Recherches mathématiques sur la théorie de la valeur et des prix, Irving fisher nous parle des
analogies qu’utilisent différents auteurs lorsqu’ils évoquent l’équilibre général.
Il est rare que celui qui écrit sur l’économique manque
d’établir quelque comparaison entre l’économique et
la mécanique. L’un parle d’une « correspondance dans
les grandes lignes » entre le jeu des « forces économiques » et l’équilibre mécanique. Un autre compare
l’uniformité de prix à l’uniformité de niveau de la surface de l’eau. Un autre (Jevons) compare ses lois de
l’échange à celles de l’équilibre d’un levier. Un autre
(Edgeworth) représente le « système » économique
comme un système de lacs de niveaux différents. Un
autre compare la société à une masse plastique, telle
qu’une « pression » exercée en une région se disperse
dans toutes les « directions ». En fait, l’économiste emprunte à la mécanique une grande partie des mots
de son vocabulaire. En voici des exemples : équilibre,
stabilité, élasticité, expansion, extension, contraction,
cours, écoulement, force, pression, résistance, réaction,
distribution (prix), niveaux, mouvement, frottement.
Celui qui étudie l’économique embrasse plus d’idées
en termes de mécanique qu’en termes de géométrie,
et une illustration mécanique correspond plus complètement aux notions qu’il a précédemment acquises
qu’une illustration graphique. Pourtant, autant que je
sache, personne n’a entrepris une représentation systématique sous la forme d’un système d’actions et de
réactions mécaniques de cet équilibre beau et compliqué que l’on constate entre les « échanges » d’une
grande ville, mais dont les causes et les effets s’étendent
au loin à l’extérieur.
1.4. UNE ÉCONOMIE DE PRODUCTION À 2 OUTPUTS ET 2 INPUTS
23
Voici par ailleurs les plans d’une machine « hydraulico-mécanique », conçue par ce même Fisher pour illustrer la
« mécanique » de l’équilibre général.
Figure 1.20 – Une machine à calculer l’équilibre général
Bibliographie
Cette bibliographie n’est pas exhaustive. Elle vous donne quelques titres qu’il serait bon de consulter.
Kathleen T. Alligood, Tim D. Sauer et James A. York. Chaos, an Introduction to Dynamical Systems. Springer,
1997.
V. Arnold. Équations différentielles ordinaires. Éditions Mir, 1974.
K. J. Arrow. Théorie de l’information et des organisations. Dunod, 2000. Recueil d’articles de Arrow (traduits en
français) édités et présentés par Thierry Granger. Pas (trop) de mathématiques.
K. J. Arrow, H. D. Block et L. Hurwicz. « On the Stability of the Competitive Equilibrium, II ». Econometrica,
27:82–109, 1959.
K. J. Arrow et F. H. Hahn. General Competitive Equilibrium. North-Holland, 1971. Malgré son âge, ce livre reste
une référence incontournable. Il peut être lu même par quelqu’un qui déciderait de survoler les développements mathématiques.
K. J. Arrow et L. Hurwicz. « On the Stability of the Competitive Equilibrium, I ». Econometrica, 26:522–552, 1958.
Kenneth J. Arrow et Michael D. Intriligator, éditeurs. Handbook of Mathematical Economics, volume II.
North-Holland, 1982.
Brian Beavis et Ian Dobbs. Optimization and Stability Theory for Economic Analysis. Cambridge University Press,
1990.
Pierre Bergé, Yves Pomeau et Christian Vidal. L’ordre dans le chaos. Hermann, 1988.
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Ghislain Deleplace. Histoire de la pensée économique. Dunod, 1999.
John Eatwell, Murray Milgate et Peter Newman. The New Palgrave : a Dictionary of Economics. Macmillan,
1987. Dictionnaire en quatre volumes. On y trouve tout et encore plus ... Une bible écrite par les meilleurs
spécialistes de chaque sujet.
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être acheté par tous ceux qui s’intéressent à l’analyse économique. Couvre la macro et la micro avec humour
et ... humeur.
24
BIBLIOGRAPHIE
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volume v. 28. North-Holland, Amsterdam, 1988. ISBN 0444705112.
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