En Bordelais, sur les traces du pape Clément V
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En Bordelais, sur les traces du pape Clément V
En Bordelais, sur les traces de Clément V, 1er pape d’Avignon. Les 14 et 15 mai 2011, l’activité Archéologie et Histoire est partie pour deux jours, sur les traces laissées par Clément V dans le Bordelais. Notre circuit nous amènera à Bazas, Villandraut et Uzeste, puis à Roquetaillade, avec les précieuses explications de Mme Sophie Cassagnes-Brouquet, professeur d’histoire médiévale à l’Université Toulouse-Le Mirail, qui va nous permettre de mieux comprendre ce moment du Moyen-âge et l’influence de Clément V sur la région. Ces notes sont issues des informations recueillies durant ces deux journées, ainsi que de la conférence qui a précédé (Clément V, archevêque de Bordeaux et pape d’Avignon). Leur inexactitude n’engage bien sûr que l’auteur et les remarques ou corrections des adhérents présents sont les bienvenues. Avant d’arriver à Bazas, profitant de notre trajet en bus depuis Toulouse, notre guide nous propose quelques mots sur Clément V, sa vie et son œuvre (complétés avec les notes prises lors de la conférence): Bertrand de Got avait une cinquantaine d’années lorsqu’il a été élu pape en 1305 : sa date de naissance exacte est inconnue, ce qui est très fréquent à cette époque. Il est né dans une famille de petite noblesse, au sein d’une nombreuse fratrie. Etant donné qu’il n’est pas l’aîné, il est orienté vers le clergé. Le fait de transmettre le titre et les terres à l’ainé et de faire rentrer des cadets dans les ordres, est un moyen de ne pas diviser l’héritage, mais aussi un moyen d’ascension sociale. Ce qui sera le cas dans cette famille puisque un autre de ses frères plus âgés, Béraud, sera archevêque de Lyon. Vers 10 ans, il entre au monastère de Deffends près d’Agen. Repéré par l’église parmi ses congénères, il poursuit ses études jusqu’à l’université. Vers 1270-1275, il est à l’université de Paris pour étudier la théologie et à celle d’Orléans pour étudier le droit. Ce qui lui ouvre les portes pour des postes importants puisque les meilleurs postes sont réservés à ceux qui ont obtenu les grades (ou diplômes), dont les noms sont d'ailleurs toujours identiques de nos jours : baccalauréat, licence …Il étudie également le droit à Bologne. C’est un lettré qui maitrise le gascon, la langue d’oïl, l’italien et le latin. Pendant ses études, son frère Béraud, Primat des Gaules, l’amène à Rome. Il y reste comme chapelain du pape, au Latran, où le pape réside à ce moment-là. En récompense, en 1295, il est nommé évêque de St Bertrand de Comminges. Il participe à la reconstruction de la cathédrale : passage d’une cathédrale romane à une cathédrale gothique. Il se souviendra plus tard de son passage à St Bertrand, car il fera don à la cathédrale d’une superbe chape brodée. En 1299, il est élu archevêque de Bordeaux, qui à cette époque abrite environ 15000 habitants (soit la moitié de la population de Toulouse). A Bordeaux également il participe au chantier de la cathédrale St André, qui à ce moment est en reconstruction pour devenir une cathédrale gothique (la statue sous le porche du transept représente Saint André mais la tête est considérée comme pouvant être un portrait de Bertrand de Got). Durant son « mandat », Bertrand de Got se caractérise par une politique d’achat de terres au nom de l’archevêché (notamment le vignoble qui deviendra le Pape Clément, et qui restera propriété de l’archevêché de Bordeaux jusqu’à la révolution) et par un népotisme certain. La situation politique à cette époque est complexe : Bordeaux appartient au roi d’Angleterre qui est duc d’Aquitaine. Mais le duché d’Aquitaine appartient au royaume de France. Donc le roi d’Angleterre, en tant que duc d’Aquitaine, prête hommage au roi de France. P 1/13 Au moment de l’élection de Bertrand de Got à l’archevêché de Bordeaux, la situation est tendue entre deux monarques puissants : le roi d’Angleterre, Edouard 1er, qui vient de conquérir le pays de Galles et Philippe le Bel. De nombreux incidents de frontière émaillent cette période. Bertrand de Got dans ces occasions va démontrer de grandes qualités de diplomate. L’élection de Bertrand de Got à la papauté: Rome est devenue une ville où il est difficile de vivre. Les aménagements romains ont été détruits ou sont en ruine : les marais pontins, asséchés à l’époque romaine, sont redevenus des marais, avec leur cortège de nuisance dont la malaria ; les remparts n’existent plus ; le forum est devenu le « pré aux bœufs ». Rome ne compte plus alors que 10 000 habitants (contre environ 1 million à l’époque romaine). Concernant le contexte politique : les familles nobles (ce sont elles qui « fournissent » les papes) se sont accrochées à des sites romains qu’elles ont fortifiés et elles se font la guerre. Les plus actifs d’entre eux sont les Orsini et les Colonna. De 1294 à 1303, le pape est Boniface VIII, il appartient à la famille des Gaetani et son caractère autoritaire le met souvent en conflit avec les Colonna. Le roi de France, Philippe IV le Bel, est lui aussi en conflit avec Boniface VIII. Il s’allie avec les Colonna et accuse le pape d’être schismatique : il demande aux évêques du royaume de France de condamner Boniface VIII. Boniface VIII, quant à lui, veut excommunier Philippe IV le Bel comme hérétique. Philippe IV envoie Guillaume de Nogaret auprès du Pape pour lui remettre une citation à comparaitre devant un concile. Le Pape le reçoit à Anagni. Guillaume de Nogaret s’y rend, accompagné de son escorte et de nombreux mercenaires. Suite à une bousculade, le pape aurait été molesté (giflé ?). Arrêté, et ensuite libéré par la population, il meurt, traumatisé, le 11 octobre 1303. Dans ce contexte, il est bien sûr impossible d’élire un pape : les cardinaux vont s’installer d’abord à Spolète puis à Péronne pour rechercher le calme. Le conclave comprend 13 Italiens (mais comme ils se déchirent, ils ne peuvent pas arriver à se mettre d’accord sur un pape italien), 2 Français et 1 Castillan. La proposition d’élire l’archevêque de Bordeaux, qui a une réputation de diplomate, et qui n’est fâché avec aucun des cardinaux, ni avec le roi d’Angleterre, ni avec le Roi de France, emporte l’adhésion : les rois sont d’accord, les cardinaux aussi – il est donc élu le 5 juin 1305 et apprend la nouvelle le 17 juin alors qu’il est à Lusignan dans le Poitou. Les errances de Clément V : Après l’annonce de son élection, Clément V rejoint Bordeaux et annonce son intention de gagner l’Italie dès que la guerre entre l’Angleterre et la France sera terminée. Mais dès juillet 1305, Philippe IV le harcèle pour qu’il condamne Boniface VIII. Dans un premier temps, Clément V se fait couronner pape à Lyon dans l’église St Just (sur la rive française de la Saône), Philippe IV assiste à la cérémonie de couronnement. De Lyon, Clément V repart à Bordeaux mais comme il est déjà malade, les déplacements se font par petites étapes. Il est toujours en discussion avec Philippe IV au sujet du procès en hérésie que celui-ci veut mener contre Boniface VIII et que Clément V veut éviter. De mai 1306 à mars 1307, Clément V reste alité à Bordeaux. C’est l’époque où il fait construire le château de Villandraut, et où il donne de l’argent pour la reconstruction de la cathédrale de Bazas. Les négociations avec Philippe IV aboutissent à l’absolution de Guillaume de Nogaret pour l’attentat d’Anagni en échange de quoi, l’organisation du procès contre Boniface VIII est confiée à Clément V. Alors qu’il est à Poitiers en 1308, Clément V apprend l’arrestation des P 2/13 templiers, qui sont arrêtés et interrogés par la justice du roi (et non par la justice ecclésiastique). Courant 1308, il part pour Avignon pour s’éloigner de l’influence du trop puissant Philippe IV. Dans son esprit Avignon est une étape provisoire avant Rome. Clément V à Avignon : Pourquoi Avignon ? Avignon, petite ville de moins de 10000 habitants, n’est, au départ, prévue que comme une étape sur la route qui doit mener le pape de Vienne à Rome. Mais Avignon est bien située entre la France et l’Italie, permettant des liaisons faciles avec les deux pays. Elle ne se trouve pas dans le royaume de France (dont la frontière orientale est le Rhône), mais en Provence, donc sous la tutelle de Charles II d'Anjou, comte de Provence et roi de Naples, qui est un fidèle allié du pape. De plus Avignon est proche du comtat Venaissin (qui appartient aux Etats de l’Eglise). A Avignon, où rien n’est prévu pour recevoir le pape, Clément V loge dans le couvent des dominicains. Ou le plus souvent à Carpentras. Un concile, sans cesse reporté, se tient finalement à Vienne le 1er octobre 1311 pour régler le procès de Boniface VIII et celui de l’ordre des templiers (Clément V ayant obtenu de Philippe IV que distinction soit faite entre les personnes des templiers et l’ordre du temple). En mai 1312, Clément V ordonne la suppression de l’ordre des templiers, et que leurs biens soient remis aux hospitaliers. En échange, Philippe IV promet de partir en croisade, promesse qu’il ne tiendra jamais. De plus en plus malade, malgré (!!) les potions d’émeraudes pilées prescrites par les médecins, Clément V décide de regagner sa région natale, et meurt sur le trajet du retour à Roquemaure en avril 1314. Il sera enterré à Uzeste, dans la collégiale qu’il avait fondée, non loin du château de Villandraut. Tout au long de son pontificat, Clément V a fait preuve d’un népotisme constant, en favorisant la carrière de ses nombreux neveux. Il a également tout fait pour favoriser sa région, notamment en nommant de nombreux cardinaux gascons : à tel point qu’ en 1314 le concile comprend 8 Italiens, 10 Gascons, 3 Languedociens, 2 Normands et 1 Quercynois. Son mécénat a aussi été très actif : dans le Bazadais, et aussi à Bordeaux où il laissera 10000 florins de ses deniers pour l’achèvement de la cathédrale après sa mort. P 3/13 La Cathédrale de Bazas : Clément V n’a jamais été évêque de Bazas, mais Villandraut, le fief de la famille, dépend de l’évêché de Bazas. Après son élection à la papauté Clément V participe à la reconstruction de la cathédrale de Bazas en édifice gothique. La cathédrale de Bazas surprend par sa taille et la richesse de sa sculpture. L’évêché de Bazas fait partie de ces nombreux « petits » évêchés, petits en taille, car créés pendant l’empire romain, et basés sur les cités romaines. Certaines de ces cités vont connaitre un important développement et d’autres non. La plupart de ces petits évêchés seront d’ailleurs supprimés lors du Concordat sous Napoléon. En règle générale, la construction d’une cathédrale se déroule d’Est en Ouest. Mais dans le cas de la cathédrale de Bazas, il existait déjà une cathédrale du 1er roman, commencée en 1070, et consacrée par Urbain II en 1094. D’où une construction un peu plus complexe : Il s’agit en fait de la construction d’une cathédrale gothique, dans le style du gothique rayonnant, sur les bases d’une cathédrale romane. La construction de la cathédrale gothique va commencer sous l’égide de l’évêque de Bazas au 13ème siècle (1233) par la façade occidentale. Puis vers 1250/1300, on procède à l'implantation de la cathédrale sur l'emplacement de la nef romane et ensuite, ce sera la construction du chœur et du déambulatoire. La guerre de Cent ans arrête le chantier, et à la fin de cette guerre, vers 1480, la rose audessus du portail occidental et le haut du clocher sont construits. Le chantier prend fin en 1537 et très peu de temps après, lors des guerres de religion, en 1577, la nef brule. Elle sera ensuite refaite, ainsi que le portail lui en style baroque. Clément V va contribuer à la construction au moment de l’édification de la partie est : chœur et une partie de la nef. Son rôle a été d’encourager la construction au travers de la publication de bulles d’indulgence. Au début, ces bulles étaient publiées pour financer les croisades. Ensuite elles ont été utilisées pour récupérer de l’argent à d’autres fins. Selon la somme donnée, le donateur pouvait être assuré du paradis pour l’éternité ou seulement de gagner quelques années de purgatoire. Les seuls restes de la 1ère cathédrale romane sont encore visibles dans la base du mur du clocher, avec l’arc en plein cintre et la construction en petits moellons. Le chœur est entouré d’un déambulatoire, avec 5 chapelles rayonnantes. Les piliers du chœur sont des piliers composés, très élégants et très différents des piliers de la nef, grosses colonnes plus simples, en pierre sombre. La nef est large mais pas très haute, et complétée par des bas-côtés assez larges, sans chapelles. Bazas étant une petite ville, l’ajout de P 4/13 chapelles latérales n’a pas été nécessaire. Les murs de la nef sont en trois parties : une 1ère avec des ouvertures en arc brisé, au-dessus un mur avec des arcatures aveugles et ensuite de petites fenêtres hautes. Dans la nef, du côté sud, une voûte est caractéristique du gothique flamboyant, avec ses liernes et tiercerons. Ici, à la différence du nord de la France, ce n’est pas la lumière qui est privilégiée, mais la présence de murs, qui permettent l’expression par la peinture. La nef a été re-voutée au 17ème siècle, après l’incendie, mais les voutes ont été reconstruites à l’identiques de voutes gothiques. Par contre, les bas-côtés ne s’étaient pas effondrés lors de cet incendie. Les constructions gothiques de la cathédrale de Bordeaux et de celle de Bazas s’appuient sur les mêmes plans : il est donc tout à fait possible qu’elles aient été réalisées par les mêmes constructeurs. Cette cathédrale est dédiée à St Jean Baptiste, ce qui est peu fréquent. En fait, cela s’explique car, au début, on avait affaire à un groupe cathédral composé d’une église dédiée à la Vierge, d’une dédiée à St Etienne et d’un baptistère donc sous le vocable de St Jean Baptiste (comme à Fréjus). Lorsqu’il n’y a plus eu d’adultes à baptiser, le baptistère est devenu église paroissiale. Puis à l’époque carolingienne, ces édifices sont détruits au moins partiellement, et le vocable conservé est celui de l’église qui reste en place. La façade occidentale n’a pas été détruite par les protestants, contre une « rançon » de 10 000 écus d’or. Elle est composée de 3 portails : l’un correspond à la nef, et les deux autres à chacun des bas-côtés. On parle dans ce cas de construction harmonique, car on voit à l’extérieur la disposition intérieure. Le trumeau est du 18ème siècle avec une statue de St Jean Baptiste. Les autres statues ont disparu. Portail central : Représentation du jugement dernier, avec de haut en bas : • Le christ, torse nu, avec les plaies bien visibles (ne pas oublier que les statues au moyenâge étaient peintes) • St Jean et Marie qui intercèdent • St Michel et Satan qui se disputent les âmes autour de la balance • Les morts qui ressuscitent • La vie de St Jean Baptiste P 5/13 Portail droite – sud : dédié à la Vierge • La dormition : les anges enlèvent l’âme de la Vierge • Les voussures : • Les signes du zodiaque • Les métiers et saisons • L’annonciation : les différents personnages sont juxtaposés sur la voussure Portail de gauche – nord : dédié à St Pierre • La crucifixion • A droite : roi avec sceptre • Sur les voussures, les vierges folles et les vierges sages P 6/13 Le château de Villandraut : Ce château est impressionnant par sa taille : quasiment celle d’un château royal, et son emplacement stratégique : sur un endroit un peu plus haut que le village, et à proximité de la rivière Ciron qui a d’ailleurs été détournée pour alimenter les douves. D’apparence austère, il abrite en fait des appartements et des pièces de réception qui donnent sur la cour intérieure. On peut imaginer qu’avant ce château, il existait sur ce site une maison forte, avec une tour. L’idée de Clément V était de fonder une collégiale, rattachée au château, avec un groupe de chanoines affectés à cette collégiale. La fondation va bien avoir lieu, mais la collégiale ne sera pas construite. Le château est de plan carré. Le côté Sud présente une façade avec 2 tours qui encadrent l’entrée. C’est le seul côté qui n’a pas suffisamment d’épaisseur pour permettre des pièces d’habitation. Tout en admirant cette façade Sud, c’est l’occasion d’un petit historique des châteaux à partir de l’an 1000 : Vers l’an 1000 : châteaux à mottes, en bois, simple enceinte avec une bassecour et un donjon (comme il en existe une représentation sur la tapisserie de Bayeux) – il s’agit d’une construction facile à mettre en œuvre : 50 paysans pendant environ 3 semaines peuvent le faire. Dans les régions pauvres en bois, comme la Provence, ces châteaux seront en pierre. Vers les années 1100, les plus riches des seigneurs se font construire des châteaux en pierre, et les plus pauvres deviennent les vassaux des premiers. Un exemple du 11ème siècle est le donjon de Loches, carré, avec des murs de 3m d’épaisseur. Au 12ème siècle, la même technique sera utilisée avec un rez-de-chaussée qui sert de garde-manger, et un étage avec des cheminées, accessible par un escalier. Ce sont des châteaux solides et surs, mais qui manquent de convivialité. Les croisades vont permettre la découverte de châteaux plus confortables, avec des tours rondes, construites avec moins de pierre et présentant moins d’angles morts. Au retour des croisades, les seigneurs vont donc se lancer dans la construction de donjons ronds ou polygonaux : un exemple typique en est Château Gaillard à Gisors. Cependant ces châteaux sont moins logeables. Une évolution logique pour concilier tous les besoins va donc consister à ajouter une enceinte circulaire ou ovale, et à P 7/13 accoler des bâtiments d’habitation et une chapelle. La tour n’est alors utilisée qu’en cas de siège. Fin 13ème/ début 14ème, on assiste à une combinaison de plan carré et de tour ronde. Les tours sont de plus en plus grosses donc elles deviennent habitables, et les parties rectangulaires permettent d’avoir de grandes pièces d’habitation ou de réception. Les fenêtres qui permettent l’éclairage de ces pièces donnent vers la cour intérieure. Ces châteaux sont des châteaux militaires, mais aussi des demeures agréables à vivre. Villandraut est inspiré de châteaux anglais, comme ceux qu’Edouard 1er fait construire au Pays de Galles. Il sera construit par le maître Jacques de Saint-Georges. Sa construction est estimée entre 1305 - 1306. Après la mort de Clément V, la famille s’éteint assez rapidement. Le château sera détruit (bombardé) par les ligueurs puis abandonné. Il sera classé monument historique au 19ème siècle. Villandraut était un château « prenable ». Lorsqu’on parle d’un château imprenable, cela peut être pour diverses raisons : • tout d’abord au 11ème siècle, le service d’ost ne durait que 40 jours, d’où des guerres forcément courtes, d’où étaient exclus les sièges (qui apparaitront avec les mercenaires) • les guerres étaient menées en été uniquement • l’aspect impressionnant de certains châteaux participait aussi au fait qu’on hésitait à tenter de les prendre Aux alentours, s’étendait une zone marécageuse. Façade principale : • Les fenêtres rectangulaires datent du 16ème siècle • Le pont en bois n’existait pas : il y avait d’un pont levis • Les douves de 15m de large et d’environ 7m de profondeur étaient en eau (en témoignent les dalles au fond des douves, caractéristiques des douves humides et que l’on ne retrouve pas dans le cas de douves sèches). Les douves étaient alimentées par la rivière Ciron. Il existe une vanne d’évacuation à l’opposé du pontlevis qui permettait la vidange. Au 19ème siècle, les douves étaient utilisées comme potager par les habitants du village • Le pont-levis arrive sur un châtelet, muni d’une archère droite qui donnait directement sur le pont – 2 assommoirs dont 1 juste devant la herse – et des archères à tir croisé P 8/13 La cour : le sol en était entièrement dallé Les bâtiments situés à l’Est abritaient ‐ Au rez-de-chaussée : les écuries et les remises ‐ l‘étage était accessible par un escalier extérieur qui aboutissait sur les portes jumelles, habitation de Clément V Les bâtiments situés à l’Ouest abritaient à l’étage les appartements de la famille de Clément V soit environ 70 personnes Les corps de bâtiments Est et Ouest présentaient une galerie extérieure couverte, en bois. Le nombre de latrines est impressionnant : 7 pour le côté Nord, et 19 au total. La salle des gardes : en dessous se trouvait le garde-manger – au rez-de-chaussée : 3 archères dont l’une a été agrandie et comporte une barre de fer pour poser une arquebuse Au nord, se trouvait la grande salle d’honneur avec ses 2 grandes cheminées en briques réfractaires. P 9/13 UZESTE Notre périple sur les traces de Clément V continue et nous voici à Uzeste, devant l’église : L‘église d’Uzeste n’est pas une église paroissiale mais une église de pèlerinage, d’où sa situation à l’écart du village, sur une ancienne voie romaine restée voie de passage au Moyen-Age. Le pèlerinage, très renommé à cette époque, s’est développé autour d’une statue miraculeuse de la Vierge. Nous sommes dans une église romane, ornée grâce aux dons. Clément V la transforme en collégiale en avril 1312, et la dote de 12 chanoines (le chiffre 12 fait référence aux 12 apôtres). Tout à la fin de sa vie, il décide d’être enterré à Uzeste. Lorsque son neveu Bertrand qui assure la réalisation de ce souhait meurt en 1325, le tombeau n’est pas encore terminée. Un autre membre de la famille devra prendre le relai jusqu’en 1359, notamment à cause de la réalisation du baldaquin en argent. Pourquoi Clément V a-t-il changé d’avis et souhaité être enterré à Uzeste ? peut-être parce que certains de ses proches sont déjà enterrés là, comme le chevalier Pierre de Grailly, mort en 1303, et son fils Jean de Buch ? La façade ouest est très simple : des contreforts, une simple rose du 14ème siècle. Le clocher au Nord, ajouté au 15ème siècle, et dont la flèche a été refaite au 19ème est assez massif, mais c’est une protection : audessus du passage vouté il abritait la salle du trésor. Du côté Sud, sur un petit portail, un couronnement de la Vierge présente des traces de polychromie. Il est daté de la 2ème moitié du 13ème siècle et est d’inspiration très romane. Le linteau est très abimé et difficile à décoder : selon la première hypothèse, celle de l’abbé Brun, il s’agit de l’obole de la veuve, selon une seconde hypothèse, il s’agit de la parabole du figuier stérile. P 10/13 La nef : ‐ ‐ ‐ ‐ Elle est très simple¸ avec de petites fenêtres avec des arcs en plein cintre et de simples contreforts. 2 gros piliers délimitent un espace du type d’un narthex. Faire schéma Des voutes six partites : les arcs doubleaux retombent sur les piliers faibles, les arcs d’ogives retombent sur les piliers forts. Les piliers faibles : faire schéma Les voutes retombent sur des chapiteaux sculptés, en général ornés de feuillages, mais quelques-uns sont historiés. L’église d’Uzeste est de grande taille, à cause de sa vocation d’église de pèlerinage. La statue de la Vierge était une statue d’une Vierge allaitante, en grès. La statue actuelle est également une statue du 14ème siècle, mais la tête de l’enfant est vraisemblablement une tête romaine. Il s’agit d’une Vierge au tablier, motif très à la mode dans les années 1315-1328, sans doute en provenance du Nord de la France. C’est une statue de qualité supérieure donc très chère, le manteau de la Vierge était rouge, signe d’un coût élevé. Donc il s’agit peut-être du cadeau d’une personnalité : Clément V ? un de ses neveux ? Le fait qu’il y ait des chanoines oblige à construire un chœur plus grand qui sera construit grâce à la générosité de Clément V. Le chœur est plus haut que la nef, les fenêtres sont plus grandes. C’est un chœur à 5 pans, avec un déambulatoire et 3 chapelles rayonnantes, avec de grandes arcades et de grandes fenêtres en hauteur. Le tombeau de Clément V reste très imposant, même sans le baldaquin en argent qui l’entourait. Ce baldaquin avait été commandé à l’orfèvre d’Orléans, Jean de Bonneval et n’a été terminé qu’en 1359. Dans les années 1260-1270, le marbre noir de Dinan (en Belgique) a été utilisé comme support pour les gisants (cf. Saint Louis qui fait refaire les tombeaux P 11/13 des rois de France à Saint-Denis). Ce sera encore à la mode jusqu’à la fin du 14ème siècle et encore un peu au 15ème. Le transport de ce marbre était très onéreux : par bateau par la vallée de la Meuse. Sur les côtés du tombeau, on peut observer des trous de scellement qui pouvaient tenir des plaques de marbre ou d’albâtre qui représentaient le cortège funéraire. L’épitaphe : « ici repose d’heureuse mémoire le seigneur Clément V, pape, fondateur de l’église d’Uzeste et de Villandraut qui mourut à Roquemaure, au diocèse de Nîmes, le 30 avril de la 9ème année de son pontificat, fut porté de cette église de la Bienheureuse Marie le 27 août de l’année qui suivit immédiatement l’an du Seigneur 1314 et fut enseveli le … 1359 » Le gisant est en marbre de Carrare. Clément V est présenté les mains jointes, en habit ecclésiastique : orfrois, pantoufles, coussin, manipule présentent des broderies et étaient peints à la feuille d’or. Au pied de Clément V : des griffons. En décembre 1577, des huguenots de la horde de Marmande ouvrent le tombeau et brulent les ossements de Clément V. Des fouilles fin 19ème (au moment de la restauration du tombeau) permettent d’exhumer un squelette (homme, de grande taille, sans doute mort au Moyen-Age) dans des linges précieux : est-ce celui de Clément V ? P 12/13 Devant la richesse de ce tombeau et après l’évocation du baldaquin en argent disparu, nous demandons à notre guide quelques indications qui puissent nous permettre d’avoir une idée des prix pratiqués à cette époque : ‐ ‐ ‐ La dalle supérieure en marbre noir, sans le transport = 1 an de revenus d’une seigneurie moyenne Une maison = 100 livres Une statue comme celle de la Vierge d’Uzeste = 80 livres Ainsi que des revenus des hommes d’église : La dime perçue et recueillie par les « decimateurs » était distribuée : ‐ ‐ ‐ ‐ ¼ pour l’évêque ¼ pour les chanoines de la cathédrale ¼ pour les curés ¼ pour les constructions (ou autre chose) Quelques notions des revenus des hommes d’église : ‐ ‐ ‐ ‐ L’évêque ne vit pas uniquement de la dîme : il fait aussi œuvre de justice au travers de son tribunal, ce qui lui procure des revenus, les peines étant souvent des amendes. Les chanoines sont souvent des cumulards, le revenu attaché au canonicat est une prébende Le pape est logé, nourri, blanchi Les revenus de la papauté : o quand un évêque meurt, tant que son successeur n’est pas nommé, le pape touche les revenus, idem pour un abbé (ce sont les anates ( à confirmer)) o La 1ère année des revenus d’un abbé ou d’un évêque o Les revenus des cardinaux à leur mort o Les décimes : 1/10 des revenus de l’évêque pour financer les croisades o Certains royaumes sont vassaux du pape (Naples, Hongrie, Castille,…) et versent des revenus o Les indulgences o Les procès (amendes, confiscations des biens) o L’annulation des mariages o Lorsqu’on est mécontent, il est possible de faire appel au Pape et à son tribunal => achat d’un certain type de lettre La bureaucratie se développe à partir de Clément V et de ses successeurs. La gestion des biens devient tellement compliquée qu’il sera fait appel aux banquiers dès cette époque. P 13/13