sulawesi vs açores - Wildlife Observations Worldwide

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sulawesi vs açores - Wildlife Observations Worldwide
sulawesi vs açores
Açores
L’archipel des géants
Photos : GÉRARD SOURY
En observant la carte de l’Atlantique Nord, on peut, avec
un zeste de bonne volonté, distinguer un agglomérat de
minuscules points noirs, sur la latitude de Lisbonne.
Ces modestes repères ne sont pourtant rien moins que
l’archipel mythique des Açores, étape incontournable pour
les habitués des transats à la voile et point de convergence
des grands animaux pélagiques.
un reportage de GÉRARD SOURY
70 .
Plongeurs
Plongeurs . 71
sulawesi vs açores
légende pour les 3 photos
Photos : GÉRARD SOURY
légende
P
ico, Faial, São
Jorge, Terceira,
São Miguel, Santa
Maria, Graciosa,
Flores et Corvo :
neuf îles plantées
à 1 300 km de Lisbonne, un archipel né de la furie
des volcans, le long de la dorsale Atlantique, celle-là même
qui, beaucoup plus au nord,
fait craquer la terre d’Islande.
Ainsi, selon le jeu implacable
de la tectonique des plaques, le
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. Plongeurs
continent américain s’éloignet-il de l’Europe à raison de
deux à trois centimètres par
an. Mais c’est aussi un archipel privilégié, contre lequel le
courant de fond, l’upwelling,
fait remonter vers la surface
des masses colossales de nutriments. En conséquence, le long
des côtes, toute une population de créatures pélagiques
et semi-pélagiques prospère
grâce au plancton : calmars,
poissons de tous calibres dont
une quantité non négligeable
de requins, de mammifères
marins, du plus petit dauphin
jusqu’à l’immense baleine
bleue qui laboure les champs
de krill à chaque printemps.
Sans oublier l’importante
population résidente de cachalots, protégés par un moratoire
de la Commission baleinière
internationale. En résumé, ici,
pas un maillon ne manque à
la chaîne alimentaire. Et c’est
show time tous les jours pour
les aficionados de plongée à
grand spectacle.
Voilà deux jours qu’en compagnie de Didier, mon complice
cinéaste, nous avons posé nos
sacs à Madalena, petit port
situé à l’ouest de l’île de Pico,
jadis célèbre pour sa tradition
baleinière, aujourd’hui point de
départ des expéditions plongée.
Nous avons pris possession de
nos quartiers, sous le soleil de
juillet : pas même un lambeau
de nuage au sommet du
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légende
deux mètres, nage droit dans
ma direction. Je me plaque au
sol. Dans une élégante envolée,
elle me survole, offrant ses dessous à mon objectif indiscret.
Elle disparaît. Je décide de me
concentrer sur mon coéquipier
qui filme à tout va l’autre ballerine, tout aussi complaisante.
Quelques dizaines d’images
plus tard, le ballet s’achève
lorsque la belle enjuponnée
nous fausse compagnie, sans
doute lassée de trop de sollicitude. D’un geste enthousiaste,
mon partenaire me fait comprendre qu’il est satisfait. On le
serait à moins.
Le lendemain, après un long
parcours suivant le cap 240,
un grand cri retentit sur le
pneumatique, nous arrachant
à la torpeur engendrée par la
monotonie du trajet. Emmanuel, notre skipper, met le
moteur au ralenti. Tout autour
du bateau, la surface est en
ébullition : dauphins et oiseaux
se sont donné le mot pour
semer le désordre. Précédés
de nos caissons, Didier et moi
nous retrouvons à dix mètres de
fond. Sous nos palmes, plus de
mille mètres nous séparent du
plancher océanique. Autour de
nous règne une orgie alimentaire. Des centaines de thons
rouges juvéniles (Thunnus
thynnus) mènent une ronde
effrénée autour d’un banc de
poissons, réunis en boule compacte. Terrorisés, ces derniers
n’ont nulle part où se réfugier. À
Photos : GÉRARD SOURY
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Pico, le volcan qui surveille
le village du haut de ses 2 351 m
de basalte. Ici, l’effervescence
touristique est radicalement
absente, d’autant que les autorités locales veulent conserver à
l’île son caractère authentique.
Voilà plus de vingt ans que je
viens y chausser mes palmes
et rien n’a vraiment changé
depuis les origines. Pico, c’est la
vraie vie, mais au ralenti.
Ce matin, les équipements sont
fin prêts, nos petites merveilles
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Plongeurs
d’optique et d’électronique
sont bien au sec dans leurs
caissons étanches. Ne reste
plus qu’à tester tout ça sur le
terrain. Histoire de se remettre
en palmes, nous optons pour
la simplicité. Les plongées du
jour se feront dans le chenal qui
sépare l’île de Pico de Faial, sa
voisine. Moins de cinq minutes
après avoir quitté la minuscule
marina, nous basculons au pied
des Twin Rocks, refuge des goélands qui nous toisent depuis
le sommet de leurs cailloux
jumeaux. La plongée consiste
à pénétrer dans le colossal
amas de roches rondes dans
l’espoir d’y découvrir les locataires habituels : langoustes,
cigales de mer, mérous, corbs,
murènes et autres pastenagues.
Nous entrons dans la faille qui
pourfend en deux le récif principal. En négociant avec la
houle musclée, qui tantôt nous
aspire dans les méandres obscurs et tantôt nous en arrache,
chaque passage des prédateurs
qui se soucient de nous comme
de leur première sardine, leur
nombre diminue. Quelques
minutes plus tard, ne subsistent
plus que quelques écailles qui
scintillent dans les rais du soleil.
La dure loi des océans n’a rien à
envier à celle de la jungle.
Nous parvenons enfin au-dessus du banc des Açores, une
vaste remontée sous-marine
fréquentée par les grands pélagiques. Emmanuel coupe les
gaz et entreprend immédiatement de préparer le “chum”,
mélange à base de poisson
malaxé, redoutable mixture,
aussi aggressive pour nos fragiles odorats qu’exquise pour
les squales en maraude. Une
vingtaine de minutes plus tard,
le premier requin bleu fait son
apparition, puis deux, puis
trois… Lorsque je parviens à
l’extrémité de mon pendeur lesté d’un kilo de plomb, pas moins
de six d’entre eux tournent
autour de l’appât, en l’occurrence, une énorme tête de thon,
enfermée dans un conteneur
suspendu à une bouée flottante. Les larges mailles plastiques laissent filtrer assez de
jus pour entretenir l’intérêt des
squales, tout en résistant à leurs
attaques à répétition. Qui n’a
jamais plongé avec de tels animaux ne peut imaginer à quel
point ils sont magnifiques. Pour
moi, c’est l’élégance qui les
caractérise le mieux. Dans l’eau
transparente à souhait,
nous parvenons tant bien que
mal au cœur du récif… pour un
face-à-face immédiat avec deux
raies pastenagues géantes (Taeniura grabata) tout aussi surprises que nous. Selon la stratégie éprouvée de la tenaille, mon
complice remonte de quelques
mètres, survole nos raies qui
ont la bonne idée de rester plaquées au sol… et revient sur
ses pas, mais cette fois au fond
du canyon. L’une des raies,
dont le diamètre doit friser les
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Plongeurs . 75
sulawesi vs açores
Photos : GÉRARD SOURY
légende.
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ils nous offrent un festival
d’une beauté absolue. Tantôt
sollicitant l’appât d’un museau
gourmand, tantôt vérifiant si
quelque friandise ne serait pas
dissimulée dans mon équipement. D’où la nécessité absolue
pour ce genre de plongée de respecter les consignes de sécurité :
on ne porte que du noir, donc
toute fantaisie colorée ou argentée qui pourrait évoquer une
proie potentielle est à proscrire.
Dans le même ordre d’idées, le
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Plongeurs
port des gants est obligatoire,
de même qu’une combinaison
intégrale. Pas de chevilles apparentes donc, et encore moins de
shorty. Et surtout, on résiste à la
tentation de caresser même si
elle est grande, tant les sollicitations des squales ressemblent à
des demandes de câlins. Qu’on
ne s’y trompe pas, même beau,
même élégant, même apparemment “gentil”, un requin reste
un prédateur, et l’oublier ne
serait-ce qu’une seconde pour-
rait transformer la plus belle des
plongées en cauchemar absolu.
Même par dix mètres de fond,
la plongée ne peut s’éterniser, à
mon grand regret, et la remontée s’impose. Je conserve une
vigilance soutenue jusqu’au
dernier moment, car les requins
totalement décomplexés se font
un plaisir de m’accompagner
jusqu’au bateau. Je m’extrais de
l’eau avec la plus grande prudence car, durant les quelques
secondes nécessaires pour se
déséquiper, les squales intrigués
deviennent plus inquisiteurs et
se rapprochent d’autant plus
volontiers qu’ils sont loin d’être
rassasiés. Que dire d’une telle
expérience ? Que mon appétit
de photographe est satisfait ?
Certes, mais il n’en reste pas
moins que rien, même pas la
plus belle image, la plus réussie
des séquences vidéo ne peuvent
remplacer la rencontre “pour de
vrai” avec ces prédateurs hors
pair.
Vingt-quatre heures plus tard.
Les trois longues heures de
navigation sont maintenant
derrière nous. Nous avons
mouillé au-dessus du banc
“Princesse Alice”, par 35 m
de fond. La réputation de cet
immense plateau sous-marin
découvert en 1896 par le prince
Albert Ier de Monaco à bord du
Princesse Alice n’est plus à faire.
C’est précisément ce que je me
dis lorsque les premières raies
géantes, les “diables de mer
chiliens” (Mobula tarapacana),
entrent en scène, équipées de
rémoras de taille impressionnante. Une demi-douzaine de
raies débouchent à contre-jour
dans la lumière aveuglante de
la surface. Pas complexées le
moins du monde, elles piquent
droit sur nous dans un ralenti
d’anthologie. Leur “truc” préféré : simuler une collision frontale pour esquiver à l’ultime
seconde. Effet garanti. Être
frôlé par un animal de quatre
mètres d’envergure a quelque
chose d’irréel. Je me demande
d’ailleurs si ce plaisir n’est pas
largement partagé par les deux
protagonistes. Il y a un peu de
la magie des Galápagos dans
ces îles perdues, comme si la
méfiance habituelle manifestée
par les animaux à notre égard
était inhibée. Pourquoi ? Je ne
me l’explique pas. Je prends,
c’est tout. Quarante minutes et
une centaine d’images dans les
cartes mémoire plus tard, l’air
venant à manquer, il nous faut
sérieusement songer à rentrer.
Comme si elles avaient compris,
les quelques dizaines de raies
qui évoluaient dans notre espace
se regroupent et s’en vont à tired’aile poursuivre leur vie de
raies ordinaires. C’est sur cette
image d’une beauté absolue
que je veux conclure. Et que dire
sinon merci ? Merci à l’océan de
nous livrer un peu de ses secrets
et merci également à ceux qui
ont entrepris de faire respecter
ces sites privilégiés en créant des
réserves et en veillant au respect
des lois. Il était temps !
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Gérard Soury
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sulawesi vs açores
légende.
Açores, le paradis d’une certaine élégance…
Le voyage : TAP Air Portugal : Paris/Lisbonne (2 h) puis Lisbonne/Açores
(2 h). Escale possible dans une île de l’archipel. Arrivée soit à Pico (centre
de plongée à 20 min de l’aéroport), soit à Horta (île de Faial) avec transfert
à Pico par le ferry (40 min). Arrivée face au centre de plongée.
www.flytap.com/France/fr/
Tél. 08 20 31 93 20
La plongée : Le centre de plongée Pico Sport propose : Bouteilles acier
12 litres. Sorties DIN (adaptateurs fournis). 6 bateaux pneumatiques et
un catamaran de 12 m, près du centre. Deux plongées/jour. Plongées
classiques le long de la côte, plongées requins (peau bleue et makos) au
pendeur, plongée hauturière sur le banc “Princesse Alice” (raies mobulas et
divers pélagiques). Équipement personnel conseillé. Combinaison 5/7 mm.
Gants obligatoires. Température de l’eau env. 18/20 °C. Possibilité de louer
tout ou partie de l’équipement.
www.scubaazores.com
légende.
Le whale watching : Avec Pico Sport : Sorties 2 fois/jour sur pneumatiques
de type Zodiac. Guides expérimentés. Possibilité de rencontrer plus de 20
espèces de cétacés, dont le mythique cachalot, présent toute l’année, et les
très nombreux dauphins résidents. La saison des baleines à fanons s’étend
principalement de mars à juin.
Le logement : Au choix, formule hôtel-club Pico Sport (élégants bungalows)
ou location dans le village de Madalena ou alentour (réservations assurées
par le club).
Le climat :
Soumises au vent du large, les Açores sont surnommées “l’archipel des
quatre saisons”. Les conditions météo peuvent changer en quelques
minutes. Semi-tropicale, la végétation est luxuriante.
Tourisme :
D’une rare beauté, l’île de Pico offre de nombreuses possibilités de tourisme :
ascension du volcan, visite des grottes volcaniques, trekking le long des
chemins de berger (les canadas), folklore local souvent dédié à la chasse
traditionnelle au cachalot, découverte du vignoble classé au patrimoine
mondial de l’humanité par l’Unesco, et le whale watching. À noter l’absence
totale de plages de sable.
Photos : GÉRARD SOURY
Quelques infos : Territoire portugais, les Açores appartiennent à la zone
euro. Décalage horaire : Paris : 2 h. Courant 220/230 V. Prises électriques
européennes.
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