LE SERVICE CLIENT L`EXEMPLE DE COCA COLA
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LE SERVICE CLIENT L`EXEMPLE DE COCA COLA
LE SERVICE CLIENT L’EXEMPLE DE COCA COLA Interview de Jean Marie Picard Directeur des achats et de la logistique Coca-Cola Beverages France L & M : Il y a un an et demi maintenant Coca-Cola France réorganisait sa logistique ; des achats au service client, vous avez mis en place une organisation très fortement intégrée, pouvez vous nous expliquer sa structure ? 46 J.M. Picard : Le schéma logistique de Coca-Cola repose sur trois fonctions globales, les approvisionnements, la planification industrielle et la distribution /service client, (les achats de matières premières, de transport et services généraux se situant en amont de ces 3 fonctions). Ces fonctions génèrent des flux physiques, des flux informatifs et des flux financiers qui font appel à trois actions simultanément : l’anticipation, l’optimisation et le contrôle. Ces flux croisés constituent véritablement la fonction transversale d’arbitrage qu’est la logistique. La logistique de Coca-Cola Beverages France, c’est 80 personnes, 4 usines de production/embouteillage, 7 dépôts dont une nouvelle plate-forme multimodale à Combes-la-Ville pour les livraisons en région parisienne, 80 références produits, et 1200 points de livraison en France. Nous sommes effectivement passés d’une logistique fragmentée à une logistique intégrée. Le schéma ancien ne correspondait plus aux exigences du marché et à la pression des coûts. Notre volonté était donc de maîtriser au maximum les process avec pour objectif d’apporter un meilleur service, une flexibilité et une réactivité par rapport aux fluctuations de la demande. LOGISTIQUE & MANAGEMENT vol 2 n° 2 - 1994 L & M : Qui sont les clients de Coca-Cola ? J.M. Picard : Nous opérons sur 2 marchés, le marché alimentaire (70% du CA), la grande distribution et le marché non-alimentaire, les grossistes, les CHR, les institutionnels (l’armée, les écoles) et les grands comptes (McDonalds, Eurodisney...) sans oublier bien sûr le consommateur final. La segmentation marketing sert de base à notre propre segmentation. Le client n’est pas unique et homogène, chaque client a sa propre philosophie et sa propre logique et sa demande en terme de service est chaque jour de plus en plus exigeante. L & M : Pour répondre à cette demande, quelle a été votre démarche d’intégration, et quels outils avez vous mis en place ? J.M. Picard : Nous avons mené une réflexion avec le Boston Consulting Group et j’ai moi-même piloté une équipe interne pluridisciplinaire, marketing, informatique et commercial. Nous sommes partis d’un constat d’ailleurs très spécifique au marché français : Coca-Cola, 1ère marque mondiale, était reconnue pour sa marque mais n’était pas reconnue pour son service. Des enquêtes de satisfaction révèlaient déjà ce décalage entre notoriété de la marque et service. Nous avons défini une charte de service et mis au point des outils innovants : - en ce qui concerne notre offre tarifaire, nous avons rompu avec les habitudes du secteur de la boisson «départ-usine» pour proposer un prix franco qui intégre les frais de livraison, le transport, le stockage et l’ensemble des risques jusqu’au point de livraison fixé par le client. Ceci réduit sensiblement les doubles manutentions et assure une productivité partagée avec nos clients. Cette politique franco a conduit à la réduction du nombre de plates-formes et à une meilleure optimisation des tournées. - dans la gestion du parc palettes, nous sommes passés d’un système complexe et coûteux de gestion «en propre» à un système beaucoup plus souple à la fois pour Coca-Cola et pour nos clients. Nous avons passé un contrat locatif avec CHEP qui fournit à Coca-Cola les palettes banalisées (les fameuses palettes bleues utilisées dans la grande distribution) en temps et à l’endroit désiré et les récupère ensuite chez le client. Ce dernier apprécie cette simplification qui ne l’oblige plus plus à trier les palettes Coca et à les entreposer jusqu’à leur enlèvement. En outre, ce contrat nous met en phase avec le décret sur le recyclage des déchets industriels applicable en juillet 95. sants pour des commandes en lots complets et s’adapte ainsi aux améliorations que nous obtenons en terme de productivité. - pour l’alimentation des distributeurs de boisson, nous avons notre propre flotte de petits véhicules qui assure un soutien au client, et se rapproche ainsi du consommateur final. - grâce à l’EDI, nous pouvons à la minute transmettre l’information en direct ; L’expérience de Coca-Cola US avec son distributeur Wal-Mart est dans ce domaine riche d’enseignements pour nous. Le partage de l’information est total, les prévisions de ventes et de livraisons se calquent sur les sorties de caisses. Nous réfléchissons actuellement aux moyens de simplifier la chaîne logistique en relation avec la grande distribution et les industriels. Je suis personnellement très optimiste sur les possibilités EDI en Europe : les mentalités évoluent. Nous avons également réfléchi aux problèmes d’environnement en repensant la recyclabilité des conditionnements et en réduisant les sur-emballages avec une palettisation adaptée. - afin d’optimiser nos flux, nous avons mené une réflexion sur l’entreposage, en tenant compte du fait que l’Ile de France représente 40% de la distribution. Pour décider du choix du lieu, nous avons fait un calcul barycentrique de recherche d’un point optimal entre les flux d’approvisionnements et les flux de livraisons. Quant à la définition de la surface au sol de cet entrepôt, nous avons défini l’évolution des besoins sur 6 ans, horizon 2001 et le nombre de mouvements palettes en 2001 et nous l’avons traduit en m². L & M : Quels sont les critères de service client que vous avez identifiés ? - dans un souci de transparence des tarifications nouvelles pour le client, notre grille propose des prix intéres- Dans la panoplie des critères de service, nous avons retenu les paramètres suivants : J.M. Picard : Nous avons porté toute notre attention au client et loin de considérer le service comme un esclavage (au sens étymologique du terme), nous le considérons bien au contraire comme une valeur ajoutée. Le service est réellement le 4è P. du Mix, c’est l’élément de différenciation, c’est ce qui reste lorsque le produit a été utilisé et consommé, c’est véritablement l’âme du produit. LOGISTIQUE & MANAGEMENT vol 2 n°2 - 1994 47 - disponibilité des produits (l’objectif de la firme est de 100%) La rupture est en effet vécue comme un drame et tous les moyens logistiques doivent être mis en oeuvre pour l' éviter. Cela est d’autant plus difficile à gérer que nous nous trouvons dans une logique de distribution en flux tendus. Une présence forte de la MARQUE reste l’objectif premier de Coca Cola. Nous livrons par exemple les hypers en express les samedis, jours où 40% des cas de rupture sont observés. - respect des conditions de commande et donc de l’intégrité de la commande, - fiabilité des informations nous avons une traçabilité parfaite et complète des flux, évitant ainsi les litiges. Un suivi interne est effectué grâce à des tableaux de bord fiables et une panoplie d’indicateurs, qui, comparés dans le temps, nous permettent d’évaluer l’impact de nos actions (comptabilisation des litiges, respect des délais...). Par ailleurs, nous avons réduit le nombre d’interlocuteurs pour n’en garder qu’un seul par marché de façon à éliminer la bureaucratie. 48 - ponctualité Nous définissons avec le client des jours et des heures de livraison très précisément. Il existe un cahier des charges avec les transporteurs qui assurent le respect de ce qui est annoncé. Les liaisons EDI nous permettent des remontées quotidiennes des informations transporteurs. - souplesse, plage horaire très ouverte les entrepôts sont ouverts jour et nuit, les livraisons sont possibles le samedi, les usines tournent le dimanche de façon à pouvoir livrer tous les clients dans un délai de 48 h. LOGISTIQUE & MANAGEMENT vol 2 n° 2 - 1994 - performance et professionalisme la formation des hommes est primordiale, notamment celle des commerciaux qui sont en relation directe avec le client. L & M : Et le consommateur final ? J.M.Picard : des enquêtes consommateurs permanentes transmises par le marketing nous ont permis de mettre au point des solutions techniques en matière de packaging ( le pack de 4), et de mener des actions de sauvegarde de l’environnement. Un N° vert avec là encore un seul interlocuteur permet la centralisation des demandes. Nous avons comme projet de conduire une enquête de satisfaction clients afin de mesurer l’impact réel sur le terrain de notre nouvelle organisation intégrée. L & M : Selon vous, existe-t-il des limites aux actions service client ? J.M. Picard : D’après moi il n’y a pas de limite, le service au client est un domaine de très haute productivité. C’est à la fois une source de gains de compétitivité inépuisable et une arme contre la concurrence. Les relations avec le client doivent s’inscrire dans une perspective de long terme. Il convient de se libérer des contraintes et de favoriser les ententes avec les clients. La seule limite qui peut exister, c’est d’agir contre le gré du client. Propos recueillis par E.de Beaumont et C. Garrabos