pôle de compétitivité ViaMeca - Académie de Clermont

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pôle de compétitivité ViaMeca - Académie de Clermont
Les pôles de compétitivité : une
réponse à la concurrence des
territoires ?
L’étude de ViaMeca, pôle de
compétitivité à Clermont Ferrand
Nadine Bouette, professeur agrégé d’histoire géographie
L’étude des pôles de compétitivité en classe de collège et lycée est au carrefour de plusieurs concepts et
notions géographiques qui soulèvent des enjeux sinon des choix idéologiques. Les pôles de compétitivité marquent
un tournant dans la politique d’aménagement du territoire, révèlent le jeu des acteurs privés et publics amenés à
travailler en synergie, dessinent des réseaux d’entreprises à la fois complémentaires et concurrentes à différentes
échelles. Enfin, l’étude du pôle de compétitivité ViaMeca permet de présenter un aspect du tissu industriel local,
souvent méconnu, et de confronter leurs représentations dans une approche mondialisée. Cette démarche s’inscrit
dans une logique de sensibilisation des élèves au choix de leur orientation professionnelle.
Ce dossier n’a pas pour objectif de dresser un bilan d’un pôle de compétitivité, il se veut une approche
simple (si possible géographique). Il n’est pas exhaustif, les sources sont donc citées afin de satisfaire la curiosité
des uns et des autres. Il n’est qu’une information partielle, étant donné la mise en place récente des pôles de
compétitivité, et tente seulement de susciter quelques réflexions. Enfin, n’ayant pas d’expérience dans le monde
de l’industrie, les exemples retenus pour illustrer le fonctionnement de ViaMeca sont volontairement simples et
accessibles aux élèves.
Remerciements à Marie Odile Homette, ingénieur, responsable de production dans une forge et fédératrice
Industrielle ViaMeca à Clermont Ferrand depuis 2006, animation de la sous-commission industrielle et R&D
aéronautique qui a accepté de répondre à mes questions.
Nadine Bouette, professeur d’histoire géographie - 2013
I. Un pôle de compétitivité organisé en réseau
Extrait du site officiel des pôles
de compétitivité en juin 2008 :
« Un pôle de compétitivité est,
sur un territoire donné,
l’association d’entreprises, de
centres de recherche et
d’organismes de formation,
engagés dans une démarche
partenariale
(stratégie
commune de développement),
destinés
à
dégager
des
synergies autour de projets
innovants conduits en commun
en direction d’un (ou des)
marché(s) donné(s). »
Situation en juin 2013 des pôles de compétitivité.
Le territoire de ViaMéca en 2013.
Nadine Bouette, professeur d’histoire géographie - 2013
Historique de ViaMeca :
12 juillet 2005 : le CIADT accorde le label de pôle de compétitivité à ViaMeca
14 octobre 2005 : sélection du projet de contrat de pôle par le Comité Interministériel d’Aménagement et de
Compétitivité des Territoires (CIACT)
24 octobre 2005 : création de l’association ViaMeca (loi 1901)
14 décembre 2005 : signature du contrat de pôle à Clermont Ferrand
Janvier 2006 : sélection des premiers projets Recherche et Développement (R&D)
2009 : le pôle de ViaMeca est maintenu pour 4 ans / 2ème phase
2011 : 85 projets Recherche et Développement sont terminés
2012 : le pôle s’agrandit avec de nouveaux adhérents et partenaires
2012 : 40 projets terminés pour un budget de 187 millions d’euros
2013 à 2018 : nouveaux défis (projets Recherche et Développement, l’internationale) / 3ème phase
Les financeurs de ViaMeca sont les collectivités territoriales, la DATAR, le Fonds Unique Interministériel et
l’Agence Nationale de la Recherche, l’Union européenne ainsi que les entreprises adhérentes, des établissements
privés. En 2012, les fonds publics assurent 49% des ressources du pôle et les fonds privés 51% (d’un montant total
de 777191€).
Extrait du site de Géoconfluences : http://geoconfluences.ens-lsh.fr/accueil/index.htm
« (…) Dans un contexte de mondialisation des échanges et de la compétition, l'heure est aux "territoires intelligents"
ou "apprenants". Il s'agit donc de rassembler, sur un même territoire, entreprises, centres de formation et unités de
recherche publiques et privées, autour d'objectifs communs de développement et d'innovation.
Cette politique consiste à structurer l’activité économique de certains secteurs porteurs autour de l’innovation d’une
part, et de pôles performants d’autre part. La philosophie en termes d’aménagement est assez nouvelle. En rupture
avec les politiques de conversion / reconversion antérieures, il ne s’agit plus de mettre l’accent là où les fragilités se
manifestent et les retards s’accumulent, mais au contraire de concentrer l’effort là où se situent la compétitivité et la
performance, afin que ces villes et régions servent de moteur au reste de l’espace régional et national. (…)»
Les pôles de compétitivité, créés en 2004 par le Gouvernement, sont des lieux qui par leurs activités
économiques ont un pouvoir d’attraction et d’impulsion dans des domaines spécifiques. Ces lieux bénéficient de
subventions de l’Etat pour encourager la création de réseau de compétences, la Recherche et Développement, et
donner à ses pôles une place dans le marché national, européen voir mondial. Il y a une volonté de concentration
des activités afin d’améliorer la productivité des entreprises qui travaillent en réseau. On est passé d’une politique
d’aménagement du territoire qui visait, par la dispersion des forces productrices de richesses, l’équité entre les
territoires à une politique qui vise l’efficacité par la concentration et la spécialisation. « Donner aux territoires les
plus dynamiques les moyens d’une ambition européenne et mondiale : telle est la vocation des pôles de
compétitivité, qui incarnent aussi une vision nouvelle de l’aménagement du territoire. » Jacques CHIRAC, Président
de la République, 2005. Cette première définition des pôles de compétitivité permet de montrer qu’ils sont le
résultat d’un choix politique qui prend en compte la concurrence des territoires. Depuis 2005, les pôles de
compétitivité ont changé et ont été touché par la crise en 2008. Dans le cas étudié, le pôle de compétitivité
ViaMeca est il une réponse à la concurrence des territoires ?
Nadine Bouette, professeur d’histoire géographie - 2013
II. La dispersion des acteurs du pôle de compétitivité
Présentation de ViaMeca d’après le site de ViaMeca en 2007 et 2013 et articles de journaux.
ViaMeca est une association qui dirige le pôle de compétitivité à dominante industrielle orientée sur la
mécanique. Elle est présidée par Pierre Michel Destret, directeur du centre de R&D du groupe Constellium à
Voreppe (en Isère), et portée par des entreprises, des laboratoires de recherche et des centres de formations. Le
siège de ViaMeca est situé à Saint Etienne à la Chambre de Commerce et de l’Industrie. ViaMeca est un pôle de
compétitivité à dominante industrielle qui souhaiterait accéder à un pôle de dimension mondiale. Les trois
principales régions concernées sont l’Auvergne, Rhône Alpes, Limousin puis quelques départements limitrophes
des autres régions (Centre, Languedoc Roussillon, Midi Pyrénées). En 2007, ViaMeca regroupe 43 entreprises
dont 22 PME (moins de 250 salariés), 5 centres de recherche, 11 centres de formation, 27 autres partenaires
(collectivités territoriales, Chambres de Commerce et de l’Industrie…) qui ont pour but de répondre aux donneurs
d’ordre dans les domaines de l’automobile, l’aéronautique et les biens d’équipement industriel. En 2013,
ViaMeca regroupe 152 adhérents qui représentent 800 entreprises (les PME et TPE) sur les 4000 entreprises de
mécanique que comptent les territoires de l’Auvergne, Limousin, Rhône-Alpes, Midi-Pyrénées, Centre,
Languedoc-Roussillon). Entre 2009 et 2012, le pôle de compétitivité ViaMéca a ainsi soutenu 69 projets
représentant un budget d'environ 259 millions d'euros.
Extrait de l’article du 13 novembre 2013, La Montagne, Frédéric Rabiller.
« ViaMéca se projette également sur les nouvelles approches commerciales auxquelles sont désormais
confrontées les entreprises de la filière. « Nous réfléchissons à de nouveaux modèles économiques, à créer des
réseaux. Aujourd'hui, les entreprises se doivent de concevoir et de produire à plusieurs. Elles doivent proposer
une offre globale pour répondre à la demande des grands donneurs d'ordre. Par exemple, Airbus, qui veut que lui
soit livré un cockpit pré-assemblé. Les entreprises doivent ainsi se regrouper pour apporter une solution à ce
client », constate le président de ViaMéca [Pierre Michel Destret]. Une offre globale qui concerne les marchés
traditionnels (aéronautique, transports, énergie…), mais qui doit aussi s'appliquer aux marchés de diversification
(filière bois, agroalimentaire, agroéquipement, BTP) que suit la filière mécanique.
Les financeurs de ViaMeca
Nadine Bouette, professeur d’histoire géographie - 2013
La répartition des membres en 2012
La répartition des membres en 2012
Un exemple de projet du pôle de compétitivité ViaMeca : d’après la lettre n°3, hiver 2007.
Un Forage Grande Vitesse Vibratoire
Le forage ou perçage de trous de grande profondeur représente l’une des principales difficultés dans les
ateliers d’usinage. Le secteur automobile est particulièrement concerné avec les culasses, les vilebrequins et
les injecteurs, sachant qu’il se produit 60 millions de véhicules par an dans le monde. Le projet Forage Grande
Vitesse Vibratoire a pour objectif de résoudre ce problème de manière innovante depuis 2005. Le projet est
porté par le Centre Technique des Industries Mécaniques, piloté par l’Ecole Nationale d’Ingénieurs de Saint
Etienne et associe 19 partenaires (7 PME de ViaMeca, 7 autres entreprises, 3 laboratoires universitaires, 2
centres techniques). Un nouveau foret a été créé : il permet de percer des trous profonds, à grande vitesse,
sans lubrification ni débourrage. Ce procédé peut être utilisé pour l’acier, l’aluminium et l’inox. Il se compose
d’une tête vibrante, d’une gamme de forets adaptés et d’un logiciel de calcul des conditions de coupe. Il reste à
industrialiser ce nouveau procédé qui peut s’adapter sur les machines déjà existantes. Enfin, la suppression de
lubrification a permis l’obtention d’un label « développement durable ».
Le projet du Véhicule Individuel Public Autonome, de 2008 à 2011, fait partie de
« l’usine à projets » de ViaMeca qui regroupe plusieurs projets dans des secteurs
très différents. Il s’agit d’une navette électrique sans chauffeur qui peut
transporter six personnes et qui vient compléter les autres transports en commun.
Il permettrait d’effectuer de petits trajets (500m à 2km). Il pourrait être utilisé
dans un premier temps dans les aéroports. Sa conception fait appel à la recherche
(algorithmes, laser et sonde pour détecter piétons et obstacles, système de
navigation), aux entreprises de robotiques et mécaniques (fabrication du
prototype), aux collectivités territoriales et à l’Europe (contraintes
d’homologation).
Nadine Bouette, professeur d’histoire géographie - 2013
Véhicule Individuel
Public Autonome (VIPA)
Il y a une multitude d’acteurs publics et privés qui constituent le pôle de compétitivité de ViaMeca : chacun
a des attentes singulières. Les entreprises développent des synergies avec les laboratoires et les universités afin de
mettre en place des procédés industriels plus compétitifs. Les collectivités territoriales attendent des résultats en
matière d’emplois et de taxe professionnelle. La répartition géographique des acteurs montrent un binôme LoireAuvergne en 2007. Il s’agit des pôles de Saint Etienne, Clermont Ferrand/Issoire, dans une moindre mesure Moulins
et Montluçon. L’exemple du forage à grande vitesse vibratoire montre que le réseau ViaMeca est connecté à
d’autres réseaux d’entreprises ; notamment, dans ce cas, au cluster Gospi principalement basé à Grenoble. Les
liens traditionnels entre les tissus industriels d’Auvergne et de Rhône Alpes se confirment : le pôle de compétitivité
met en évidence une complémentarité qui se confirme dans le temps comme l’indique la répartition des membres
en 2012 sur les territoires au profit de la région Rhône-Alpes. Le poids de la région Rhône-Alpes se renforce aussi
bien par la croissance du nombre d’entreprises qui ont intégré le pôle de compétitivité que le nombre de grandes
écoles. ViaMéca a besoin de ces partenaires pour répondre à « l’usine à projets » c’est-à-dire un ensemble de
projets industriels concernant les domaines de l’ingénierie des surfaces (exemple protection des aciers), les
procédés avancés de fabrication (exemples du forage à grande vitesse, de la fabrication additive qui consiste à
fabriquer des pièces à partir d’un modèle numérique en 3D sans recourir à l’outillage), les systèmes intelligents et
robotiques (exemple du VIPA), de l’ingénierie des usages et des services (exemple l’étude de la transition des
entreprises de biens matériels vers des services et les impacts sur les territoires, essai de modélisation).
III. Les enjeux politiques, économiques et sociaux du pôle de compétitivité
Extrait de Gilles DURANTON, Philippe MARTIN, Thierry MAYER et Florian MAYNERIS, collection du Centre Pour la
Recherche Economique et ses Applications : Les pôles de compétitivité, 2008.
« Il n’y a pas de miracle à attendre des pôles de compétitivité. (…) Les entreprises prennent déjà en compte les
avantages des clusters dans leur choix de localisation et les politiques publiques en termes de subvention
semblent peu influencer ces choix. (…) On retrouve ici un problème lancinant en France, celui du rapport de l’Etat
à la géographie économique : la contradiction entre les objectifs d’équité et d’efficacité n’est pas assumée. (…)
Cela ne signifie pas que les politiques publiques n’ont aucun rôle à jouer, mais soulève la question habituelle de
l’instrument d’intervention publique le plus approprié. »
Le pôle de compétitivité ViaMeca s’étire sur un espace vaste qui concerne six régions et atteint ainsi la taille
d’une région européenne : élément essentiel pour un pôle qui a une ambition internationale. Il a permis de
développer des synergies entre les entreprises en montrant la complémentarité des compétences sur différents
projets, des synergies entre universités et entreprises sur la conception de nouveaux produits (exemple du Véhicule
Individuel Public Autonome). Si Rhône Alpes conserve un rôle moteur, il n’en reste pas moins que l’existence d’un
pôle de compétitivité sur le territoire devient un argument attractif pour l’implantation de nouvelles entreprises. Le
pôle de compétitivité participe à la fois à la spécialisation et à la structuration des territoires : il est peu à peu
considéré comme un outil à l’aménagement du territoire par les collectivités territoriales. Il n’y a pas de mesure de
l’impact du pôle de compétitivité sur les créations d’emplois : ce sont avant tout des emplois de chercheurs qui ont
été créés ou conservés. Il faut attendre l’industrialisation des produits conçus pour mesurer la création d’emplois
industriels et c’est le prochain défi de ViaMeca pour les années 2013-2018. L’expérience plus ancienne des clusters
de Bilbao montre qu’une décennie est nécessaire pour dresser une première analyse.
Plusieurs défis s’annoncent pour le pôle de compétitivité : étendre le réseau des partenaires industriels,
adapter et gérer la formation à la demande des entreprises, accéder au statut de pôle de compétitivité mondial.
Dans les domaines de la fabrication additive, le pôle de ViaMéca est à la fois en concurrence avec l’Allemagne et en
complémentarité pour obtenir une normalisation (ISO…) dans un cadre européen pour faire face aux Etats-Unis. Le
pôle ViaMéca se tourne déjà vers l’international notamment l’Allemagne et le Brésil, et plus récemment la Russie.
Nadine Bouette, professeur d’histoire géographie - 2013
Conclusion
Les pôles de compétitivité sont inspirés de la théorie de Michael PORTER, professeur de stratégies
d’entreprises de l’université d’Harvard, qui a modélisé l’environnement concurrentiel de l’entreprise sous cinq
forces. Aujourd’hui ce modèle est nuancé et complexifié. La volonté politique en France de créer des pôles de
compétitivité s’inscrit dans cette démarche théorique, avec un héritage républicain singulier de l’aménagement du
territoire, face aux enjeux de la mondialisation qui accentue la concurrence des territoires tout en incitant les
acteurs privés et publics à développer des synergies. Ainsi « la mise en concurrence des territoires n’abolit pas les
principes de complémentarité et de spécialisation » Denis RETAILLE, La mondialisation, 2007. ViaMeca, pôle de
compétitivité à dominante industrielle est un exemple local qui montre une organisation en réseau des entreprises
sur plusieurs territoires, dans une démarche de concurrence et de complémentarité selon les échelles et les
projets, une dispersion des acteurs connectés à plusieurs réseaux (pôles de compétences, clusters, systèmes
productifs locaux…) au-delà du territoire de ViaMeca.
Nadine Bouette, professeur d’histoire géographie - 2013