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Université Paris 1 Ecole nationale d’administration Master « Relations internationales et Actions à l’Etranger » Parcours « Administration publique et Affaires Internationales » La mise en œuvre au Tchad des obligations découlant du Cadre d’Action de Hyōgo 2005-2015 pour des nations et collectivités résilientes face aux catastrophes : bilan etp perspectives [Ici sous-titre éventuel du mémoire] Sous la direction de M. Ioannis PREZAS Maître de Conférence, Droit Public à l’Université de Paris1 Soutenu par Mbaississem KOULAYO CIP Promotion Jules Verne (2013-2014) 1 SOMMAIRE REMERCIEMENTS .............................................................................................................................. 4 INTRODUCTION ................................................................................................................................. 6 PREMIERE PARTIE : LE CADRE D’ACTION DE HYOGO ET SA MISE EN ŒUVRE AU TCHAD ................................................................................................................................................ 10 CHAPITRE I : DU CADRE D’ACTION DE HYOGO ET DES RISQUES DE CATASTROPHES AU TCHAD ......................................................................................................................................... 10 SECTION I : LE CADRE D’ACTION DE HYOGO ET LE MECANISME INTERNATIONAL DE REDUCTION DES RISQUES DE CATASTROPHES ......................................................................................................................... 10 PARAGRAPHE 1 : DE LA NATURE DU CADRE D’ACTION DE HYOGO .......................................................... 10 PARAGRAPHE 2 : LE MECANISME INTERNATIONAL DE REDUCTION DE RISQUE DE CATASTROPHES....... 11 SECTION II : LES RISQUES DE CATASTROPHES AU TCHAD ............................................................................. 12 PARAGRAPHE 1 : LES RISQUES NATURELS................................................................................................. 13 PARAGRAPHE 2 : LES RISQUES DECOULANT DU FAIT DE L’HOMME ......................................................... 15 CHAPITRE II : LE MECANISME INSTITUTIONNEL ET LES AVANCEES DANS LA MISE EN ŒUVRE DU CAH AU TCHAD ................................................................................................... 17 SECTION I : LE MECANISME INSTITUTIONNEL ET OPERATIONNEL DE GRC ................................................... 17 PARAGRAPHE 1 : LE CADRE INSTITUTIONNEL ........................................................................................... 17 PARAGRAPHE 2 : LE MECANISME OPERATIONNEL ................................................................................... 19 SECTION II : LES AVANCEES DANS LA MISE EN ŒUVRE DU CAH ................................................................... 20 PARAGRAPHE 1 : LES EFFORTS REALISES ................................................................................................... 20 DEUXIEME PARTIE : POUR UNE APPROCHE PLUS PREVENTIVE DES CRISES ET UNE GESTION PLUS RATIONNELLE ET EFFICACE DES CATASTROPHES AU TCHAD ............. 26 CHAPITRE I : LA DYNAMISATION DES MECANISMES INSTITUTIONNEL ET OPERATIONNEL DE GESTION DE CATASTROPHE ................................................................... 26 SECTION 1 : LA REORGANISATION DU CADRE EXECUTIF DE PREVENTION ................................................... 26 PARAGRAPHE1 : LA CLARIFICATION DES COMPETENCES DE LA PLATEFORME DE REDUCTION DES RISQUES DE CATASTROPHE ....................................................................................................................... 27 PARAGRAPHE 2 : LA NECESSITE D’UNE DECENTRALISATION EFFECTIVE .................................................. 28 PARAGRAPHE 2 : LA MISE EN PLACE D’UN SYSTEME D’ALERTE PRECOCE INTEGRE ................................. 30 CHAPITRE II : POUR UNE ATTENUATION DES VULNERABILITES ET UN RELEVEMENT PRECOCE DES POPULATIONS ....................................................................................................... 31 SECTION 1 : LA PREPARATION DES COMMUNAUTES A AFFRONTER LES CATASTROPHES ........................... 31 PARAGRAPHE 1 : L’INFORMATION, LA SENSIBILISATION ET L’EDUCATION DES POPULATIONS ............... 32 2 PARAGRAPHE II : L’IMPLICATION DES POPULATIONS DANS LA REPONSE ................................................ 33 SECTION II : LA PLANIFICATION OPERATIONNELLE ET POST-OPERATIONNELLE ........................................... 34 PARAGRAPHE 1 : UNE PLANIFICATION REALISTE ET UNE COORDINATION DYNAMIQUE DES OPERATIONS DE SECOURS............................................................................................................................................... 34 PARAGRAPHE II : L’ACCOMPAGNEMENT DU RETOUR A LA NORMALE .................................................... 35 CONCLUSION .................................................................................................................................... 36 BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................................... 39 GLOSSAIRE........................................................................................................................................ 41 3 REMERCIEMENTS Je rends grâce au bon Dieu pour l’opportunité qu’il me donne en me comblant de son souffle et de sa santé sans quoi rien ne saurait se faire. Je tiens à témoigner vivement ma reconnaissance à mon directeur de mémoire Monsieur IONNIS PREZAS, pour sa bienveillance, sa disponibilité et son ingéniosité dans l'encadrement qui m'ont été d'un secours inestimable dans l’aboutissement de ce travail. Travailler sous sa clairvoyance m’a été une grande opportunité. Je n’ai pas de mot assez fort pour lui exprimer mes remerciements pour son implication sans ménagement dans ce travail. Je rends hommage à l’instance dirigeante de l’ENA et à tout le staff pour la chaleur humaine qui s’y exhale, pour le doigté, la minutie et la dynamique dont ils ont fait montre dans l’encadrement de notre promotion. Pour cette grande leçon d’humanité et d’organisation, je ne saurais vous remercier assez. Mes ami(e)s de la Promotion Jules Verne ont su comblé le vide causé par l’éloignement de ma famille, je leur en suis infiniment reconnaissant Aucune autre personne au monde ne croit en moi plus que ma mère. C’est à elle que je dois tout et j’espère lui offrir une suite de vie heureuse. Un clin d’œil à mes frères et sœurs et tous les amis dont le soutien m’a toujours accompagné. Que tous ceux qui de près ou de loin ont contribué, d’une manière ou d’une autre, à l’accouchement de ce mémoire trouve ici l’expression de mes profondes gratitudes 4 « Maintenant, que pharaon choisisse un homme intelligent et sage, qu’il le mette à la tête du pays d’Egypte. Que pharaon établisse des commissaires sur le pays, pour lever un cinquième des récoltes de l’Egypte pendant les sept années d’abondance. Qu’ils rassemblent tous les produits de ces bonnes années qui vont venir ; qu’ils fassent ; sous l’autorité de pharaon des amas de blé, des approvisionnements dans les villes et qu’ils en aient la garde. Ces provisions seront en réserve pour le pays, pour les sept années de famine qui arriveront dans le pays d’Egypte, afin que le pays ne soit pas consumé par la famine » La Sainte Bible, Genèse 41 :33-36 5 INTRODUCTION Occupant une place charnière entre le Maghreb et l’Afrique noire, point de rencontre des caravanes transsahariennes, sanctuaire des peuples bantous d’Afrique centrale, le Tchad cristallise à lui tout seul les contrastes entre le désert du nord et la savane du sud, les traditions musulmanes et les rites chrétiens et animistes, les populations nomades voguant au gré des pâturages et les cultivateurs sédentaires s’employant à domestiquer la terre pour en tirer leur subsistance. Le territoire du Tchad se caractérise par son immensité 1.284.000 km2 (environ deux fois la France) mais aussi son enclavement et son éloignement de la mer. Le port le plus proche est celui de douala au Cameroun situé à 1700 km. La population du Tchad est estimée à 12.000.000 d’habitants, ce qui en fait l’un des pays les moins peuplés d’Afrique. Le relief du Tchad est semblable à une cuvette bordée d’une demi ceinture montagneuse : au nord le massif du Tibesti culmine à 3415m et à l’Est le plateau gréseux de l’Ouaddaï s’élève à 1360m. La zone la plus basse est le lit du Lac-Tchad, réceptacle final des principaux fleuves que sont le Chari et le Logone. Le climat du Tchad est de type tropical humide au sud, favorisant un paysage de savane arborée et de forêt plus clairsemée aux abords des villages. Au centre, le climat sahélien caractérisé par une steppe épineuse, fortement marquée par une saison sèche plus longue que la saison des pluies. Le nord soumis à un climat saharien désertique aux paysages pittoresques, représente plus de la moitié de l’étendue du pays. Le climat tchadien est tributaire du phénomène de la mousson qui régule les saisons. En effet, l’harmattan, un vent continental sec est porteur de masse d’air en provenance du nord-ouest du Sahara et la mousson équatoriale humide et fraiche avec des vents du sud-ouest se rencontre formant le front intertropical responsable des précipitations au Tchad. Le pays compte 600.000 hectares de forêts classées et 400.000 hectares de parcs nationaux1 où vit une faune nombreuse et variée. L’histoire du Tchad (ancienne colonie française), est marquée depuis l’accession à l’indépendance le 11 Aout 1960 par une instabilité sociopolitique qui a pendant plus de quatre (4) décennies plongé le pays dans des guerres civiles à répétition rendant problématique toute organisation et tout développement. Les différents régimes qui se sont succédé au Tchad ont usé de dictature comme mode de gouvernement obligeant leurs opposants à recourir aux armes comme moyens de conquête du pouvoir jusqu’au 1er décembre 1990, date à laquelle la dernière dictature tchadienne de Hissein 1 Agenda officiel de la République du Tchad 2014 6 Habré est vaincue par les forces du Mouvement Patriotique du Salut (MPS) de Idriss Deby. Celui-ci a instauré la démocratie au Tchad avec l’implantation du multipartisme, la liberté d’expression et la tenue en 1993 de la Conférence Nationale Souveraine (CNS) qui a mis en place un Conseil Supérieur de la Transition (CST), véritable assemblée constituante qui a élaboré la première constitution démocratique du pays adoptée par référendum le 31 mars 1996. Néanmoins, le caractère démocratique du régime de Deby est contesté par ses opposants qui, l’accusant d’organiser des élections non transparentes, font toujours recours aux armes. « Depuis 2003, l’exploitation du pétrole a contribué lourdement à la détérioration de la gouvernance interne au Tchad menant à une succession de crises politiques et de rebellions. Les retombées financières du pétrole – 53 million de barils rapportant 1,2 milliards de dollars à l’Etat en 2007 – ont attisé les appétits au sein du régime qui ont, à leur tour, nourri des dissensions et débouché sur des rebellions rapidement soutenues par le voisin soudanais »1. Le chercheur Johanne FAVE qui a fait des études sur la discorde Tchadosoudanaise fait une analyse claire et lucide de la situation « le Tchad et le Soudan se livrent une guerre par rébellions interposées. Le président Deby, un zaghawa, est redevable à son homologue soudanais Oumar El Bechir de son accession au pouvoir en 1990. Mais les zaghawa tchadiens soutiennent dès le début leurs frères entrés en rébellion contre le régime de khartoum. Le camp de l’Est tchadien constitue pour ces derniers un sanctuaire humanitaire dans lequel ils trouvent le repos et le vivres2 ». Après des années de brouilles entre les deux(2) chefs d’Etats, Deby décide de faire la paix de braves avec son frère ennemi Oumar Hassan El Béchir en se rendant à Khartoum en 2011. Depuis lors, une accalmie précaire, s’observe au Tchad rendant possible les initiatives du développement. Parlant du développent il n’est pas fortuit de rappeler que l’économie tchadienne s’appuie sur l’agriculture, l’élevage et l’exploitation du pétrole. Mais eu égard à tout ce qui a été dit ci-haut, le pays compte parmi les plus pauvre de la planète. Avec un PIB de 10. 581 millions de dollars (0,02% du PIB mondial), 36% seulement de sa population est alphabétisée, l’indice de développement humain est de 0340, le taux de mortalité infantile est de 160 pour mille et l’espérance de vie est de 48 ans pour les hommes et 51 ans pour les femmes, ce qui fait du Tchad, le 184e pays sur 1963. On l’aura compris, le Gouvernement de ce pays, plus que tous ceux de l’Afrique subsaharienne, ne manque pas de défis. Il se doit de mettre en œuvre des politiques publiques adéquates pour sortir ses indicateurs de développement de l’ornière et permettre ainsi aux populations de pouvoir mieux se 1 International crisis group, briefing Afrique N°65 : Tchad : sortir du piège pétrolier, p1, 2009 Fave Johanne : réfugiés et déplacés dans l’est du Tchad. EchoGeo(en ligne), sur le vif mis en ligne le 13 novembre 2007 3 Rapport annuel PNUD 2012 2 7 nourrir, mieux se vêtir, mieux s’éduquer, mieux se loger, mieux se soigner et ce, dans un environnement sain et protecteur. Cela résume bien les objectifs du millénaire pour le développement, les fameux OMD initiés par les Nations Unies lors du sommet du millénaire en 2000 et auxquels le pays a souscrit pour faire reculer l’extrême pauvreté à l’horizon 2015. Suite au tsunami ravageur qui a fortement frappé l’océan indien en 2004 causant plus de 200.000 morts et des dommages matériels inestimables, 168 Etats parmi lesquels le Tchad, sous l’égide de l’ONU se sont réunies à Kobe, dans la commune de Hyōgo, au Japon pour se mettre d’accord sur les voies et moyens nécessaires à la protection des moyens d’existence des nations et collectivités contre les catastrophes dans l’horizon 2005-2015. Cinq (5) priorités suivantes ont été retenues dans le document final appelé Cadre d’Action de Hyōgo. 1. Veiller à ce que la réduction des risques de catastrophe soit une priorité nationale et locale et à ce qu’il existe, pour mener à bien les activités correspondantes, un cadre institutionnel solide. 2. Mettre en évidence, évaluer et surveiller les risques de catastrophes et renforcer les systèmes d’alerte rapide. 3. Utiliser les connaissances, les innovations et l’éducation pour instaurer une culture de la sécurité et de la résilience à tous les niveaux. 4. Réduire les facteurs de risque sous-jacents. 5. Renforcer la préparation en prévision des catastrophes afin de pouvoir intervenir efficacement à tous les niveaux lorsqu’elles se produisent. La ratification par le Tchad de ce cadre n’est pas un effet de mode. Elle se justifie d’une part du fait que le pays est confronté, de plus en plus, aux risques de catastrophes de types divers qui peuvent être dû aux faits des aléas naturels ou à ceux de l’Homme et d’autre part, parce que les moyens d’existence des communautés sont déjà insuffisants et si précaires que si on ne prend pas des dispositions pour les préserver et en même temps les renforcer, si des mesures de mitigation et de résiliences de ces communautés ne sont pas promues, tous les efforts du gouvernement seraient vains parce que anéantis par la première catastrophe venue. Tels sont donc les enjeux pour le Tchad de la signature de ce cadre judicieusement ambitieux. Mais au moment où la communauté internationale s’interroge déjà sur l’après Hyōgo, il ne fait pas de doute que le temps du bilan est venu : le Tchad a-t-il réussi à mettre en œuvre les obligations 8 découlant du CAH1 2005-2015 pour des Nations et Collectivités résilientes face aux catastrophes ? Quelles mesures concrètes ont été prises dans ce sens ? Quelles sont les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre du cadre ? Enfin, quelles sont les priorités à envisager dans l’optique des actions post 2015 ? Le présent travail qui vise à apporter des éléments d’appréciation de la situation du Tchad en matière de RRC/GRC2 et sa perspective, procèdera par une étude de la nature du CAH, l’analyse des risques et des causes de catastrophes récurrentes et le décryptage des institutions mises en place (leur pertinence et leur contribution à la mise en œuvre du CAH), en procédant par recoupement de la littérature spécialisée, des avis de spécialistes interrogés et des productions officielles et ce, pour formuler des orientations pour la période post 2015. Il s’intéresse exclusivement aux efforts du gouvernement tchadien dans la réalisation du CAH à l’Intérieur de son territoire et n’ambitionne pas de traiter les aspects sous régionaux, régionaux et internationaux de gestion de catastrophe. Ainsi, il serait cohérent dans une première partie, de faire le point sur le cadre d’action et sa mise en œuvre au Tchad, puis dans une seconde partie, faire des propositions pour une approche plus préventive et une gestion plus rationnelle et efficace des catastrophes. CAH : Cadre d’Action de Hyōgo RRC/GRC : sigle désignant la réduction des risques de catastrophes et la gestion des risques de catastrophes. Couramment utilisé par les Nations unies. 1 2 9 PREMIERE PARTIE : LE CADRE D’ACTION DE HYOGO ET SA MISE EN ŒUVRE AU TCHAD L’évaluation de la mise en œuvre des obligations inhérentes au Cadre d’Action de Hyōgo 2005-2015 pour des nations et collectivités résilientes face aux catastrophes ne saurait se faire et être aisément comprise que si l’on comprend la nature juridique dudit Cadre, le mécanisme de sa réalisation ainsi que les risques de catastrophes existants au Tchad. CHAPITRE I : DU CADRE D’ACTION DE HYOGO ET DES RISQUES DE CATASTROPHES AU TCHAD La connaissance du Cadre d’Action de Hyōgo et du mécanisme international de sa mise en œuvre dans les Etats partis ainsi que l’analyse des risques de catastrophes existant au Tchad sont des préalables nécessaires à l’évaluation de sa mise en œuvre (CAH) au Tchad. SECTION I : LE CADRE D’ACTION DE HYOGO ET LE MECANISME INTERNATIONAL DE REDUCTION DES RISQUES DE CATASTROPHES Le respect d’un texte juridique est en grande partie tributaire de la valeur que le législateur entend lui donner mais aussi de la dynamique du mécanisme mis en place pour son exécution. Aussi, serait-il intéressant d’étudier la nature juridique du CAH et le mécanisme international de RRC PARAGRAPHE 1 : DE LA NATURE DU CADRE D’ACTION DE HYOGO La prévention des risques de catastrophes naturelles a commencé à préoccuper la communauté internationale depuis plus de deux décennies. La première rencontre mondiale sur cette problématique s’est tenue à Yokohama en 1994 qui s’est soldé par l’adoption de la stratégie de Yokohama pour un monde plus sûr : directives pour la prévention des catastrophes naturelles, la préparation aux catastrophes et l’atténuation de leurs effets et du plan d’action correspondant. Mais il a fallu attendre le 21 décembre pour que l’ONU mette en place une structure chargée spécifiquement de la prévention des catastrophes naturelles à savoir, l’International Strategy for Disaster Réduction (ISDR) par Résolution N° 56/195. Outre la prévention, cet organe onusien s’occupe aussi de la coordination des activités de réduction des risques de catastrophes à l’échelle mondiale et régionale, du plaidoyer dans tous les pays membres pour l’inscription de la RRC dans les politiques nationales, organise des campagnes de sensibilisation dans le monde entier pour vulgariser la notion et enfin, cherche à donner aux populations les moyens de réduire leur vulnérabilité faces aux catastrophes naturelles et environnementales. 10 C’est sous l’impulsion de l’ISDR que, à l’issue de la décennie du millénaire, et après le Tsunami de 2004 dans l’océan indien, le cadre d’Action de Hyōgo à été adopté et c’est, logiquement, à elle que revient la responsabilité de veiller à sa mise en œuvre dans tous les pays membres. Mais cette mise en œuvre n’est pas de tout repos car le CAH n’est qu’un « soft law » dont le non-respect n’est pas juridiquement sanctionné. Le préambule du CAH est on ne peut plus clair sur son caractère mou car il y est stipulé que « tenant compte de l’importance de la coopération et des partenariats internationaux, chaque Etat a la responsabilité première d’assurer son propre développement durable et de prendre les mesure voulues pour réduire les risques de catastrophe et notamment protéger le population présente sur son territoire, ses infrastructures et les autres éléments du patrimoine national des conséquences des catastrophes ». Cette souplesse du CAH ainsi que tous les autres conventions intéressants l’action humanitaire internationale, eu égard à leur importance, soulève des protestations qui amplifient de plus en plus. Pour M. Cépède, « les obstacles les plus difficiles à surmonter tiennent à la prétention de gouvernements de considérer le sauvetage des victimes comme de leur seule responsabilité souveraine et de n’admettre l’intervention internationale que pour les aider à secourir les survivants (…) s’il en est ! La solidarité humaine doit pouvoir se manifester plus promptement. Pour y parvenir c’est l’ensemble des citoyens du monde qui doit se sentir concerner et faire pression pour des solutions politiques (…) nous avons besoin d’une sécurité internationale, de pompiers de la « patrie planétaire », les techniciens modernes le permettent, les souverainetés dépassées ne sauraient s’y opposer1 ». Beaucoup plaident, en effet, pour une obligation des Etats à ne pas refuser arbitrairement leur consentement à l’assistance extérieure mais aussi un droit de la communauté internationale d’offrir cette assistance en cas de nécessité. De cette fronde est né le droit d’ingérence humanitaire qui ne cesse de faire polémique et qui n’intéresse, d’ailleurs pas à proprement parler, le volet prévention des risques de catastrophes cher au Cadre d’Action de Hyōgo. PARAGRAPHE 2 : LE MECANISME INTERNATIONAL DE REDUCTION DE RISQUE DE CATASTROPHES L’internationalisation de la problématique des risques de catastrophes ainsi constatée s’accompagne d’une institutionnalisation dont le socle est le Bureau de Coordination des Affaires Humanitaires (BCAH) créé au sein de l’ONU et dirigé par le Secrétaire Général Adjoint aux Affaires Humanitaires. En 1991, l’Assemblée Générale de l’ONU a adopté la Résolution 46/182 dont 1 -M. Cépède, préface de G. Langeais, les Nations-Unies face aux catastrophes naturelles 11 l’objectif est de renforcer les efforts collectifs de la communauté internationale et d’améliorer l’efficacité des interventions. Cette résolution a donné au mandat du BCAH une assise légale car elle définit par la même occasion les principes fondamentaux de l’assistance humanitaire internationale : 1. Les personnes affectées par les situations d’urgence relèvent, en premier lieu, de leurs Etats respectifs 2. Les Etats qui en ont besoin doivent faciliter le travail des Organisations Intervenantes 3. L’aide humanitaire doit reposer sur des principes humanitaires d’humanité de neutralité et d’impartialité La stratégie Internationale de prévention des catastrophes que développe le BCAH vise à faciliter la coordination des mesures efficaces et intégrés au sein du système des Nations-Unies et entre les autres entités internationales (l’OIPC1, la CICR, le HCR, le FAO, le PAM, OCHA, etc.), régionales (bureaux régionaux des organismes onusiens, l’OUA, l’UE, les ONG) et nationales (structures étatiques de sécurité civile, société civile, collectivités territoriales). L’objectif de cette coordination internationale et régionale étant d’appuyer techniquement et financièrement les programmes nationaux de prévention des catastrophes et particulièrement ceux des pays en voie de développement sujets à ces catastrophes et ne disposant pas de moyens pour y faire face. Les Institutions financières internationales sont engagées à intégrer la réduction des risques de catastrophes dans leurs politiques plans et programmes de développement durable à tous les niveaux2 C’est dans ce cadre que le Tchad, pays à la fois vulnérable et très exposé aux aléas divers a pu bénéficier de l’appui technique d’OCHA-Tchad pour l’élaboration de son plan de contingence nationale contre les inondations et de la formation de ses agents en matière de RRC à l’occasion des séminaires organisés par les structures internationales et régionales. SECTION II : LES RISQUES DE CATASTROPHES AU TCHAD Au regard de sa géographie, de son histoire, de sa structure socioéconomique, de son habitat et de son environnement sécuritaire, le pays est confronté à des risques de catastrophes aussi divers que dangereux. Au Tchad, aucun classement des risques n’existe, comme c’est le cas dans plusieurs pays, par ordre d’importance. En France par exemple, les risques sont classés en quatre catégories à savoir : les risques naturels majeurs, les risques technologiques, les risques courants et le risque incendie « bâtimentaire »3. Partant du constat que le Tchad est un pays sahélien extrêmement 1 - OIPC : Organisation Internationale de la protection Civile -CAH, IV A, 21 3 -Viret Jean, Jean Luc Queyla, La sécurité civile en France : organisation et missions, Paris, EPF 2011. 2 12 sensible aux changements climatiques, un pays par ailleurs, en voie de construction, d’industrialisation pour ne pas dire de développement, exposé aux risques générés par les effets du progrès, on peut distinguer les risques naturels des risques découlant du fait des hommes PARAGRAPHE 1 : LES RISQUES NATURELS Depuis plus de deux décennies, le Tchad fait régulièrement face aux inondations et aux sécheresses. Les inondations sont souvent observées en cas d’abondance pluviométrique. Les zones soudanienne et sahélienne (régions situées au sud et au centre du pays) sont les plus exposées. Quant à la sècheresse, elle survient lors des saisons déficitaires en pluies. La zone sahélienne et le nord désertique en sont souvent exposés. La recrudescence de ces deux grandes calamités s’explique par les changements climatiques et les facteurs physiques (nature des sols, grandes plaines) mais aussi la mauvaise planification de l’espace urbain, la grande pression démographique dans les milieux urbains du fait de l’exode rural, le non maîtrise de l’urbanisation et l’insuffisance ou l’absence d’aménagement des réseaux d’assainissement dans la plupart des villes du pays. La conjugaison de tous ces facteurs produit des conséquences assez déstabilisantes pour les populations exposées les rendant de plus en plus vulnérables. A chaque occasion, l’on compte des dizaines de pertes en vies humaines et animales, des milliers de victimes (sans abris), des déplacements massifs des populations sinistrées, l’impraticabilité des voies de communication, des coupures d’électricité, des dégradations d’infrastructures publiques, des destructions de champs agricoles, des chocs psychologiques etc. en 2012, le gouvernement a annoncé que les pluies torrentielles suivies des inondations ont fait plus de 400.000 personnes sinistrées, 18 personnes tuées, 350.000 maisons écroulées, 45 personnes grièvement blessées 140.000ha de champs inondés, 4.133 animaux disparus1. Les conséquences de la sècheresse quant à eux ne sont pas moins désastreuses car elles impactent les populations, le cheptel aussi bien que l’environnement. Elle occasionne, en effet, de mauvaises récoltes et le manque de pâturage ce qui provoque l’insécurité alimentaire et aggrave la condition de vie des populations qui tirent l’essentiel de leur moyens de subsistance des produits de l’agriculture et de l’élevage. 1 -Rapport du Ministère tchadien de l’Intérieur et de la sécurité Publique sur les inondations 2012. 13 Plusieurs autres risques de catastrophes existent qui méritent d’être évoqués quand il est question des causes de vulnérabilités au Tchad. Il s’agit entre autre de la désertification, des feux de brousse, des épidémies et épizooties, des canicules, des vagues de froid, etc. A l’image de tous les pays sahéliens, le Tchad est, de plus en plus, menacé par une avancée à grande vitesse du désert et un assèchement alarmant de ses cours d’eaux. Ces phénomènes s’expliquent tout à la fois par le changement climatique, la dégradation des sols et la coupe abusive des bois. La zone sahélienne du pays est aujourd’hui dangereusement menacée et est en passe d’être vidé de son couvert végétal. Les cours d’eaux tels que le Lac-Tchad et le Lac-Fitri dans le centre du pays sont menacés de disparition. D’une superficie de 25.000KM2 il y a trente (30) ans, la surface du LacTchad n’est que de 9000KM2 aujourd’hui1. Quand on sait le nombre des personnes qui tirent leurs ressources de ces cours d’eaux (des centaines de milliers) on est en droit d’être préoccupé. Quant aux incendies et feux de brousses qui ne manquent pas de provoquer des ravages et ce, de manière répétitive, sur la bande sahélienne et au sud du pays. Chaque année, ce sont des centaines d’hectares de forêts et des villages entiers qui partent en fumée (11villages incendiés en 2012 2) entre les mois de décembre et mai. Ces incendies résultent trop souvent des mauvaises pratiques agricoles (culture itinérant sur brulis), des canicules, de la négligence des hommes (négligence des fumeurs qui laissent trainer les mégots des cigarettes allumées) et des mauvaises méthodes de chasse (chasseurs qui incendient la brousse pour capturer les rats). Le ravage des villages avec tout ce qu’ils comportent de moyens d’existence laisse les communautés complètement démunies et accroit, du coup, leur précarité et donc leur vulnérabilité. Les épidémies (ou épizooties pour ce qui concerne la santé animale) constituent aussi des menaces non négligeables au Tchad. Certaines maladies telles que le paludisme (parce qu’elle représente la première cause de morbidité et de mortalité infantile dans toutes les régions du pays selon le Ministère de la santé publique), sont très redoutées. D’autres comme la méningite qui avait presque disparu refont surface dans le sud et le centre du pays. Le choléra, la rougeole, la poliomyélite, le VIH/SIDA et la fièvre jaunes comptent parmi les maux sanitaires qui pèsent sur la population. La santé animale quant à elle est régulièrement mise à mal et demeure toujours menacée par des épizooties qui ont pour noms, le charbon bactéridien, le charbon symptomatique, la pasteurellose bovine, la fièvre aphteuse et les parasitoses sanguines et intestinales. Ces maladies animales déciment chaque année une quantité importante du bétail tchadien. 1 2 -Chiffres de la Commission du Bassin du Lac-Tchad -Rapport 2012 sur l’incendie établi par le Ministère de l’Intérieur 14 Il y a lieu ici, de citer aussi d’autres calamités telles que la canicule (le Tchad est parmi les pays les plus chauds de la planète), les vagues de froid, les brouillards (20% de poussière mondiale provient du Tchad1), les vents violents, les ennemis de cultures que sont les oiseaux granivores et les criquets pèlerins. Tous ces risques naturels de catastrophe coexistent avec d’autres risques causés par l’action de l’homme et faisant planer sur les populations de sérieuses menaces de déstabilisation. PARAGRAPHE 2 : LES RISQUES DECOULANT DU FAIT DE L’HOMME Les risques de catastrophe que l’action de l’Homme fait planer sur les communautés et leurs cadres de vie sont si nombreux et si variés qu’on ne saurait en dresser une liste exhaustive. Faire une évocation des plus récurrents et des plus menaçants permettrait néanmoins de se faire une idée de ces risques. L’analyse dans un premier temps des menaces industrielles, batimentaires et infrastructurelles et des risques sécuritaires dans un second temps parait nécessaire. Parler des risques industriels au Tchad en tant que risques secondaires alors que ceux-ci constituent des risques majeurs sous d’autres cieux s’explique par le sous-développement du pays et donc de sa sous industrialisation. Ce qui n’empêche que le peu d’installations industrielles existants et le recours aux produits industriels importés constituent de véritables sources d’inquiétudes en termes de sécurité des populations et de protection de l’environnement. Les risques industriels au Tchad concernent donc essentiellement les industries chimiques, minières, électriques, agroalimentaires, les stations de carburant, de gaz, la raffinerie de Djermaya2, les produits dangereux, les explosifs, les produits inflammables, les stocks d’acide, de fuel etc. Tous ces risques de catastrophe sont exacerbés par l’urbanisation incontrôlée autour de ces établissements à haut risque mais aussi et surtout la vétusté desdites installations, leur manque d’entretien, de contrôle, la multiplication des aléas naturels (vents violents, incendies, inondations, tornades, foudres etc.), les actes de vandalisme ou de sabotage. Les menaces batimentaires et infrastructurels quant à elles découlent logiquement du non urbanisation de la plupart des quartiers d’habitation, le non-respect des normes de construction, la vétusté des installations électriques, l’absence de réglementation de commercialisation des produits dangereux, l’absence ou l’ignorance des consignes de sécurité, le déficit des moyens d’alerte et Conclusion d’une étude scientifique menée par des chercheurs anglais et américains depuis 2006 dans la dépression de Bodélé situé au nord du Tchad et qui est considéré comme le lieu le plus poussiéreux au monde 2 Bourgade située à 40km au nord de Ndjamena la capitale où est implantée la mini raffinerie du Tchad 1 15 d’alarme en cas d’incendies, la quasi inexistence ou l’étroitesse des voies de circulation dans les zones non loties. Les risques sécuritaires au Tchad dérivent, à la fois, de l’instabilité de la situation régionale et intérieur. Le contexte sécuritaire régional n’est pas au beau fixe depuis plus d’une décennie. Cette instabilité a commencé avec la guerre civile du Darfour au soudan ayant causé plus de 300.000 morts1 et 348.528 réfugiés à l’est du Tchad d’après le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés. Elle s’est accrue avec les rébellions à répétition en République Centrafricaine qui ont occasionné des déplacements massifs des populations fuyant les affrontements vers le sud tchadien. Le HCR dénombre à ce jour, 74.131 réfugiés centrafricains implantés au sud du Tchad, notamment dans la région du Logone Oriental. Le Nigeria voisin, avec l’avènement du mouvement islamiste Boko Haram, fait face à une recrudescence de violence interethnique et confessionnelle qui menace d’embraser la sous-région en générale et le Tchad en particulier. On compte aujourd’hui au Tchad plus de 552 nigérians qui ont fui la menace Boko Haram vers la partie tchadienne du Lac-Tchad. A cette insécurité du voisinage immédiat du pays viennent s’ajouter la crise sécuritaire au Mali née de la poussée islamiste au nord de ce pays sahélien (cette menace intéresse directement le Tchad parce qu’il est parmi les tout premiers pays à intervenir pour prêter main forte, avec les forces françaises de l’opération serval, au Mali), la crise libyenne qui, de l’avis des spécialistes, est à l’origine de celle du Mali et qui persiste encore aujourd’hui demeure un grand sujet de préoccupation pour la stabilité du Tchad. Bien que la situation politique et les conditions de sécurité demeurent stables au Tchad, le climat qui règne au soudan, en Lybie, en RCA, et dans une moindre mesure au Nigeria voisin, risque de se détériorer. Le HCR prévoit l’arrivée de nouveaux réfugiés en provenance du Soudan, de la RCA et du Nigeria. Sur le plan interne, la situation n’est pas, non plus, rassurante. S’il est vrai que depuis cinq (5) ans le pays semble retrouver le calme à l’intérieur de son territoire, il n’en demeure pas moins que cette accalmie reste marquée du sceau de la précarité. Le déferlement massif des réfugiés au Tchad pose le problème de moyens de subsistance qui est à la source des tensions entre les communautés autochtones et les réfugiés au Tchad. Les rivalités ethniques persistantes entre certaines communautés aboutissent très souvent à des affrontements sanglants que les autorités ont du mal à 1 -selon les estimations de l’ONU 16 circonscrire et y apporter de solutions durables. Les conflits entre cultivateurs et éleveurs est encore légion au Tchad et provoquent des dizaines de morts chaque année sans qu’une solution globale lui soit trouvée. Les batailles rangées autour des points d’eau sont fréquentes dans les milieux des éleveurs nomades au Tchad et aboutissent à des divisions profondes entres des communautés sœurs condamnées à vivre ensemble. Enfin la recrudescence des bandits de grand chemin communément appelés Zaraginas1 qui jalonnent les pistes des milieux ruraux et qui dépouillent les pauvres paysans de leurs biens sans que les forces de sécurité ne parviennent à les enrayer, accroit de plus en plus la vulnérabilité des populations. Au nord du pays, la guerre des frontières qui opposa le Tchad et la Libye à cause de la bande d’Aozou (extrême nord du Tchad) continue de faire des victimes encore aujourd’hui du fait des mines anti personnelles enfouies par l’armée libyenne dans cette partie du Territoire tchadien et que les services de déminage n’ont pu complètement déminer. On l’aura compris, le Tchad n’est pas exsangue de risque de catastrophe. Mais que fait l’Etat pour contrer ces risques conformément aux recommandations du CAH ? La partie suivante permettra de relever et d’apprécier ces actions. CHAPITRE II : LE MECANISME INSTITUTIONNEL ET LES AVANCEES DANS LA MISE EN ŒUVRE DU CAH AU TCHAD Tels qu’énumérés dans les lignes ci-haut, les risques de catastrophes au Tchad sont importants. Comment les pouvoirs publics s’organisent et quelles stratégies ont-ils mise en œuvre pour gérer ces risques si inquiétants ? Telles sont les interrogations auxquelles prétend répondre le présent chapitre qui traitera d’abord du mécanisme institutionnel et opérationnel de GRC (section I) avant de s’appesantir sur les avancées réalisées dans la mise en œuvre des obligations découlant du CAH (section II) SECTION I : LE MECANISME INSTITUTIONNEL ET OPERATIONNEL DE GRC La qualité de la gestion administrative est tributaire de la dynamique des institutions auxquelles sont dévolues le service public mais aussi des stratégies de gestion développées par lesdites institutions. PARAGRAPHE 1 : LE CADRE INSTITUTIONNEL Le cadre institutionnel renferme les structures chargées (qu’ils soient transversaux ou sectoriels) de mener les réflexions visant à l’identification, la planification, la participation, la conduite et Zaraguinas ou coupeurs de routes sont des bandits souvent munis d’armes de guerre qui attaquent des voyageurs pour arracher leurs biens ou enlèvent des enfants bouviers pour exiger des rançons. 1 17 l’évaluation des politiques publiques relatives à la gestion des catastrophes au Tchad. Ces structures peuvent être nationales, mais aussi régionales ou communales. On peut citer, sur le plan national, les structures telles que : La Direction de la Protection Civile (DPC), créée par Décret N°384/PR/PM/MAT/2002 du 17 septembre 2002 placé sous la coordination du Ministre de l’intérieur et qui regroupe différents responsables des Ministères de l’intérieur, de la santé, des affaires sociales, de l’éducation, de l’environnement, de l’aménagement du territoire de l’urbanisme et de l’habitat, de l’agriculture, des finances et de la communication. La DPC a pour mission de : Assurer la prévention des catastrophes ; Elaborer et mettre en place des plans de secours d’urgence ; Concevoir et appliquer la réglementation en matière de sécurité civile ; Assurer la sensibilisation de la population sur les risques et la prévention des catastrophes ; Coordonner toutes les activités des services et organisations nationales et internationales qui interviennent dans les domaines de la protection civile et du sauvetage. Pour mener à bien ses missions, la DPC s’appuie sur ses deux bras séculiers dont l’institution n’est pas étrangère aux risques les plus récurrents au Tchad. Ce sont : La Commission Nationale d’Assistance aux Sinistrés des Inondations (CONASI) ; Le Comité Nationale d’Accueil et de Réinsertion de Réfugiés et des Rapatriés (CNARR). Il existe aussi des structures interministérielles dont le rôle est important telles que : Le Comité National Chargé de l’Assistance aux Personnes Déplacées (CCNAPD) Le Comité d’Action pour la Sécurité Alimentaire et la Gestion de Crise(CASAGC) qui est une mutation de l’ancien comité national chargé des problèmes de sécheresse et du ravitaillement des sinistrés crée par arrêté n°165 du 24 mai 1974 suite à la grande sécheresse des années 72 et 73. C’est par arrêté n°30 /MAE/CAB/95 du 29 Mars 1995 que la forme actuelle du CASGC a été dessinée. Plusieurs autres structures de gestion des risques de catastrophes sont instituées en dehors de ceux-ci. On peut citer entre autre : L’Office Nationale de Sécurité Alimentaire (ONASA) ; La Commission Nationale de Lutte Contre Le Sida (CNLS) ; Le Programme National de Lutte Contre le Paludisme ; 18 La Direction des Ressources en Eau et de la Météorologie (DREM) ; Le Système d’Alerte Précoce (SAP) ; Le commandement central des sapeurs-pompiers ; Cette liste peut être compléter par le Ministère de l’Action Sociale, de la Solidarité Nationale et de la famille qui joue un rôle de premier plan dans la réponse aux situations d’urgence. De même, plusieurs directions spécialisées sont créées dans différents ministères qui contribuent à cette gestion des catastrophes. Sur le plan local, le gouvernement a mis en place respectivement, au niveau régional, départemental et local les Comités Régionaux d’Action (CRA), les Comités Départementaux d’Action (CDA) et les Comités Locaux d’Action (CLA) a qui échoient les missions, non seulement de gérer les risques de catastrophe mais de créer les conditions du développement de leurs ressorts respectifs à cela s’ajoute les brigades des sapeurs-pompiers chargées d’assurer le secours et le sauvetage en cas de nécessité. Ce dispositif étatique bénéficie d’un fort appui des organisations nationales et internationales œuvrant dans le domaine humanitaire au Tchad. Les plus en vue sont le CRT1, OCHA, UNICEF, FAO, PAM, UNFPA, MSF, OIM, CARE INTERNATIONAL, OXFAM, ACF, APLFT2, LTDH3, AJAC4, CNDH5 et UNHCR PARAGRAPHE 2 : LE MECANISME OPERATIONNEL Sur le plan opérationnel, il n’y a pas non plus assez de stratégies développées par les pouvoirs publics en charge de la GRC. On peut néanmoins citer le plan national de contingence contre les inondations, les plans régionaux contre les inondations, les plans de contingence conjoints gouvernement-organisations humanitaires contre les inondations, le plan ORSEC6, l’opération ceinture verte qui sont les plus connus. Le plan national et les plans régionaux de contingence contre les inondations trouvent leur bienfondé dans la recrudescence des inondations au Tchad depuis plus de deux(2) décennies. Ils permettent à l’Etat et aux collectivités territoriales de se préparer, grâce à de scenarii et sur une période bien déterminée (6 à12 mois renouvelable), à l’éventualité d’une catastrophe. Depuis les dramatiques inondations de l’année 2012, le gouvernement (par le truchement de la DPC) avec 1 -Croix Rouge du Tchad -Association pour les Libertés Fondamentales au Tchad 3 -Ligue Tchadienne des Droits de l’Homme 4 -Association Jeunesse Anti-Clivage 5 -Commission Nationale des Droits de l’Homme 6 -Organisation de la Réponse de Sécurité Civile 2 19 l’appui de ses partenaires (PNUD, OCHA, CRT) a rendu systématique l’élaboration et le renouvellement du plan national de contingence contre les inondations. La tendance est à l’élaboration des plans de contingence sectorielle contre les autres catastrophes. A la différence du plan de contingence qui est sectoriel, le plan ORSEC est un mécanisme globale de gestion de crises destiné à favoriser la mobilisation plus rapide des moyens humains, matériels et financiers nécessités par la situation. Il implique la participation des acteurs issus de différents secteurs et organise la coordination des interventions pour une réponse complète et efficace face aux catastrophes. L’opération ceinture verte quant à elle est une stratégie fortement médiatisée de reboisement lancée par le gouvernement en 2008 visant à mobiliser les énergies autour de la thématique de lutte contre la coupe abusive de bois et de requérir, par la même occasion, l’adhésion populaire et la participation au reboisement pour contrer l’avancée du désert. 457 hectares de superficie ont été reboisés autour de la capitale Ndjamena en 2011. SECTION II : LES AVANCEES DANS LA MISE EN ŒUVRE DU CAH L’atteinte de la résilience des nations et des collectivités est l’objectif fondamental de tous les Etats parties au Cadre d’Action de Hyōgo. Le Tchad qui a souscrit à ce cadre a-t-il atteint cet objectif ? Afin de répondre à cette question une étude des efforts du pays dans ce sens sera faite mais aussi les difficultés constatées seront relevées. PARAGRAPHE 1 : LES EFFORTS REALISES « La résilience désigne la capacité d’un système, d’une communauté ou d’une société à réduire, prévenir, anticiper et absorber les effets d’un événement catastrophique, et à s’y adapter et s’en relever, de manière efficace et opportune, notamment par la préservation et la restauration de ses structures essentielles et de ses fonctions de base1 ». On l’aura compris, la résilience dans un pays comme le Tchad découle de la conjugaison nécessaire des efforts sectoriels notamment la santé, l’éducation, la lutte contre la pauvreté, la réduction des risques de catastrophes, la protection de l’environnement, la sécurité, le développement durable pour ne citer que ceux-là. Jusqu’à ce jour, aucune évaluation au Tchad du CAH n’a été faite ni aucune information officielle sur l’état d’avancement de sa mise en œuvre communiquée, d’où la difficulté d’accès à des 1 -définition donnée par UNISDR terminologie (2009) 20 informations précises sur la question. Néanmoins, à la lumière des cinq (5) priorités du cadre l’on est en mesure de faire l’esquisse d’un bilan de la situation. Priorité 1 : s’assurer que la réduction des risques de catastrophe soit une priorité nationale et locale avec un cadre institutionnel solide. Cette priorité pose la question de gouvernance des risques de catastrophes et vise à faire en sorte que la RRC soit une priorité nationale. En clair, tous les projets et programmes entrepris par les pouvoirs publics ne doivent pas perdre de vue cette dimension. Ce volet occupe, depuis l’adoption par le Tchad du CAH, une place de importante dans les initiatives du gouvernement (du moins dans les discours et les projets de développement), notamment la SNRP II1 (2008-2011), le Plan National de Développement (PND) 2013-2015, le Programme National de Santé (PNS), la Campagne d’Accélération de la Réduction de la Mortalité en Afrique (CARMA), le Système d’Information, de Développement Rural et d’Aménagement du Territoire (SIDRAT), la Stratégie Nationale d’Action pour la Diversité Biologique (SNAP-BD), le Fonds National de lutte contre la Désertification (FND) Priorité 2 : Identifier, évaluer et surveiller les risques de catastrophe et renforcer les activités d’alerte. Le risque, comme nous l’avions dit plus haut, s’entend de la conjugaison de la probabilité d’un événement et de ses impacts négatifs ou de pertes attendues qui résultent de l’interaction entre les faits naturels (aléas) ou humains et les conditions de vulnérabilités. C’est donc un potentiel de catastrophes en termes de vies humaines et animales, de santé, de services sociaux de bases, des moyens d’existence etc. dans une société. Pour l’identification des risques, le Tchad a mis en œuvre des Plans de Contingence Nationale et régionales contre les risques cycliques que sont les inondations et la sècheresse afin de minimiser les vulnérabilités des communautés et maximiser la capacité d’action des institutions. Des Systèmes d’Alerte Précoce contre la sécheresse, les ennemis de cultures tels que les criquets pèlerins et les oiseaux granivores ont été institués. Par ailleurs un Centre Nationale des Services Météorologiques a été créé pour la collecte et la vulgarisation des informations météorologiques pour une fin de prévision et de prévention. 1 -deuxième Stratégie Nationale de Réduction de la Pauvreté 21 Enfin la cartographie de risques majeurs contenue dans les différents plans de contingence permet de mieux les connaitre et les circonscrire afin de mieux les prévenir. Priorité 3 : Utiliser les connaissances, les innovations et l’éducation pour instaurer une culture de la sécurité et de la résilience à tous les niveaux. Cette priorité est sans doute celle sans laquelle les autres ne sauraient prospérer car c’est à travers elle que l’appropriation de la RRC serait effective. Certes, le Tchad a institué des établissements spécialisés d’enseignement ou de vulgarisation de la notion. On peut énumérer : L’Institut Universitaire des Sciences Agronomiques et Environnementales (IUSAE) de Sarh 1qui dispose en son sein d’une filière d’ingénierie en science environnementales, Le Centre National d’Appui à la Recherche qui a un réseau de chercheurs qui s’intéressent aux phénomènes naturels générateurs des risques de catastrophes. Les radios communautaires (de plus en plus florissantes) animées par des groupes de journalistes spécialisés offrent de véritables opportunités de transmission d’information vers les communautés d’agriculteurs ou d’éleveurs fortement intéressées par le fait climatique à cause leurs activités. La multiplication des séminaires organisés par la DPC ou conjointement avec les partenaires tels que PNUD, OCHA, PAM, FAO, UNISDR et OIPC2 à l’attention des agents des services publics et des ONG qui interviennent en la matière s’inscrivent dans la logique de partage et de gestion des connaissances. Priorité 4 : Réduire les facteurs de risque sous-jacents. Les risques sous-jacents sont pris en compte par les différentes administrations dans leur planification du développement. C’est ainsi que dans la plupart des projets et programmes figurent des volets consacrés à la RRC. On peut à titre d’exemple citer la SNRP, le Projet de développement Urbain et de l’Amélioration de l’habitat (PDUAH), le Plan d’Actions Prioritaires (PAP), le Plan de Gestion des Déchets Biomédicaux au Tchad (PGD-DB), le Plan d’Action sur la Gestion des Pesticides (PAGP), le Projet d’Infrastructure Rurales, Pastorales et de Transhumance (PIRPT), le Programme National Stratégique de Lutte contre le Paludisme (PNSLPT), la Stratégie Nationale de -région du Tchad situé à l’extrême sud-est -Organisation Internationale de la Protection Civile 1 2 22 Bonne Gouvernance (SNBG) et le Programme d’Appui au Développement Local et à la Gestion des Ressources Naturelles (PADEL-GRN II1). Priorité 5 : Renforcer la préparation en prévision des catastrophes afin de pouvoir intervenir efficacement à tous les niveaux lorsqu’elles se produisent. L’efficacité des interventions post-catastrophes est tributaire de la préparation des acteurs à affronter la catastrophe. De nombreuses politiques multisectorielles ont été initiées (agriculture, environnement, santé, urbanisme, sécurité civile, affaires sociales). La création du commandement central des sapeurs-pompiers et des unités décentralisées des services d’incendie augure d’une volonté des pouvoirs publics de se donner les moyens de réponse immédiate et efficace en cas de situation d’urgence. La mise en place des plans de contingence et du plan ORSEC répond de cette même nécessité et l’appui des partenaires tels que le PNUD, UNHCR, OCHA, UNISDR, PAM, FAO, OIPC en termes de formation des acteurs étatiques et non étatiques participe de cette préparation. Enfin la création par le gouvernement d’un fonds pour l’assistance aux sinistrés des inondations géré par la Commission Nationale d’Assistance aux Sinistrés des inondations (CONASI) permet de réagir promptement en cas de besoin. Au vu du répertoire des intuitions mises en place et des stratégies développées pour la gestion des risques de catastrophes on ne saurait dire que le Tchad est resté lymphatique. Pourtant sur le terrain, la résilience des communautés est loin d’être au rendez-vous, bien au contraire, ce sont les vulnérabilités des populations qui deviennent plus en plus accrues. Ce manque de résultat interpelle sur le système de gestion de risque de catastrophe dans sa totalité qu’on essaiera de comprendre en analysant les difficultés observées. PARAGRAPHE 2 : LES DIFFICULTES OBSERVEES Que ce soit en matière de gouvernance, d’identification des risques, de gestion des connaissances y relatives, de réduction des facteurs de risque sous-jacents ou de la préparation à l’intervention, de sérieuses difficultés ont été observées dans le système qui le freinent dans l’atteinte de ses missions. En matière de gouvernance de la RRC, on se rend à l’évidence qu’il n’existe aucune structure qui incarne réellement cette politique. La DPC qui est censée jouer ce rôle brille par son silence et est -Programme financé par l’Union Européenne à hauteur de 14millions d’euros en 2011 1 23 quasi méconnue par les autres acteurs à cause du peu d’intérêt que lui accordent les décideurs (elle n’a nullement les moyens de sa politique). Du coup, les volets RRC inscrits dans les projets et programmes de développement sont allègrement foulés aux pieds sans qu’il y ait de défenseur pour réclamer leur respect. Cette faiblesse de la DPC n’est donc pas pour lui permettre d’assumer valablement ce rôle de coordination inscrit dans ses attributions. L’identification, l’évaluation et la surveillance des risques de catastrophe ne sauraient se faire sans des moyens adéquats dont le Tchad ne dispose pas. Pour illustrer cette réalité, prenons l’exemple des informations météorologiques que produit météo-Tchad. Elles ne sont ni complètes, ni crédibles, moins encore opportunes parce qu’elles ne concernent que quelques zones du territoire et sont publiées avec plusieurs jours de retard. C’est la conséquence logique de l’insuffisance de stations météorologiques, leur vétusté et la faiblesse du système d’information mis en place qui est incapable d’alerter en temps utile les communautés sur les risques à venir et les conduites à tenir. La valorisation des connaissances sur les risques de catastrophes quant à elle est inexistante. Aucun système d’enseignement, aucune politique officielle de sensibilisation des populations, aucun plan de vulgarisation du Cadre d’Action de Hyōgo et de la notion de RRC ne sont entrepris depuis sa ratification par le Tchad malgré l’importance de cette dimension dans la réussite de ce service public. En l’absence d’une sérieuse coordination, les différentes administrations publiques sont appelées à gérer de manière tout à fait discrétionnaire les risques sous-jacents. Il n’y a donc pas une structure pour les y encourager ou leur rappeler la nécessité de prendre en compte les facteurs RRC dans leurs actions. Cet état de choses rend possible des pratiques ou omissions génératrices de catastrophes comme ce fut le cas dans l’exploitation du champ pétrolier de Rônier1où les principes élémentaires de protection de l’environnement ont été violés par les entreprises chinoises exploitatrices du pétrole par le déversement à ciel ouvert du brut et des produits nocifs aux abords des villages et dans les bassins de rétention d’eaux où s’abreuvent les animaux. La préparation pèche par l’absence d’un système d’alerte rapide multirisque apte à réussir un partage à temps utile d’informations entre tous les acteurs (décideurs, sauveteurs et communautés) sur les risques de catastrophes. Elle pèche aussi par une absence de ressources humaines qualifiées, un manque criard de matériels d’intervention, une lenteur chronique dans la mobilisation et une réserve de fonds de secours largement insuffisant pour couvrir efficacement les besoins en cas de crises. 1 -champ pétrolier situé au centre du Tchad dans la région du Chari-Baguirmi, exploité par la société chinoise CNPCI 24 Bref, on peut regretter qu’il n’existe aucune lisibilité dans la politique du gouvernement tchadien dans sa gestion des catastrophes. Cela compte pour beaucoup dans la méforme du système mise en œuvre. La réduction des risques de catastrophe reste toujours un défi. Aussi perçoit-on une nécessité de changer de cap pour une approche plus préventive, une gestion plus rationnelle et plus efficace des risques de catastrophes au Tchad 25 DEUXIEME PARTIE : POUR UNE APPROCHE PLUS PREVENTIVE DES CRISES ET UNE GESTION PLUS RATIONNELLE ET EFFICACE DES CATASTROPHES AU TCHAD Au Tchad, le contexte de pauvreté structurelle nourri par une incapacité institutionnelle sans pareille a fortement contribué à priver la grande majorité de la population du minimum vital fragilisant ainsi les personnes, les collectivités et le pays dans son ensemble. La recrudescence des risques de catastrophes constatée ces dernières décennies constitue un facteur aggravant de précarité et de vulnérabilité et appelle une attention toute particulière, un changement d’habitude et nécessite du sérieux dans la détermination et la mise en œuvre des politiques publiques pour le renversement de cette sombre situation. « L’ensemble de l’humanité est une succession d’obstacles vaincus et de barrières franchies parce que des hommes et des femmes d’exception surmontèrent leurs peurs et repoussèrent les frontières de l’incertitude étendant par là même les limites du savoir » soulignaient Sean CLEAN et Thierry MALLERET1 pour montrer que cette situation n’est pas une fatalité et que les catastrophes peuvent être évitées ou surmontées avec courage et intelligence. Pour ce faire une dynamisation du mécanisme institutionnel et opérationnel de gestion des catastrophes s’avère nécessaire et l’instauration d’une véritable culture de gestion des risques de catastrophe au sein de l’administration et dans le milieu social est un impératif CHAPITRE I : LA DYNAMISATION DES MECANISMES INSTITUTIONNEL ET OPERATIONNEL DE GESTION DE CATASTROPHE L’un des facteurs, sinon la principale cause de l’inertie ou de l’inefficacité de l’administration tchadienne dans la gestion des catastrophes est indéniablement la faiblesse de son cadre institutionnel et opérationnel caractérisé par une absence de leadership, une pléthore d’organes avec des attributions confuses et une décentralisation de façade. SECTION 1 : LA REORGANISATION DU CADRE EXECUTIF DE PREVENTION Le cadre institutionnel de gestion des risques de catastrophe tchadien nécessite une clarification des compétences de la plateforme et une décentralisation effective 1 -Cleary Sean et Malleret Thierry ; Risques: perception-évaluation-gestion, une approche des risques globaux auxquels sont confrontés les décideurs 26 PARAGRAPHE1 : LA CLARIFICATION DES COMPETENCES DE LA PLATEFORME DE REDUCTION DES RISQUES DE CATASTROPHE C’est une gageure, aujourd’hui encore, de porter valablement un jugement de valeur sur la marche de l’administration publique tchadienne tant, les informations fiables en la matière sont quasi inexistantes et rares sont les statistiques réalisées pouvant aider à la compréhension des comportements ou du dysfonctionnement de ses structures. Mais l’on s’accorde au Tchad à reconnaitre que la lourdeur est la caractéristique principale de l’administration publique et que la culture de suivi et d’évaluation des politiques publiques n’y est pas encore encrée favorisant la négligence et la corruption (Le Tchad fait d’ailleurs parties des sept (7) pays les plus corrompus au monde dans le classement de Transparency International1) qui l’empêchent de mener à bien les missions de service public qui lui incombent. Le service public de la protection civile n’a pas échappé à cette logique qui l’a presque étouffé dans l’œuf en ceci que la sécurité civile n’a existé que de nom au Tchad, vu le hasard et les tâtonnements qui l’ont accompagnés. Pour qu’une réelle politique de sécurité civile prenne forme au Tchad, il faut lui donner un visage. En France, par exemple, dès qu’on évoque la sécurité civile, on fait immédiatement allusion à la DGSCGC2 au niveau national et des SDIS3 au niveau Départemental. Cela traduit une clarté et une lisibilité dans le mécanisme institutionnel de gestion des risques de catastrophe alors qu’au Tchad on ne saurait le dire. La désignation d’une structure comme leader de la question de protection civile et la détermination précise de ses attributions auront l’avantage de rendre cette structure responsable de la performance ou non du service qui lui est confié. Cela constitue à n’en point douter une source de motivation supplémentaire pour les agents à qui la gestion de cette politique serait échue. La performance d’un tel organe se mesurerait aussi à sa force d’action et de réaction. Sachant le laxisme existant dans la Fonction Publique Tchadienne, confier une telle mission à un organe ministériel n’est pas de bon augure et la DPC en a fait les frais (incapable d’agir sans l’aval du ministre de tutelle, lenteur dans le traitement des dossiers dans le cabinet du ministre, blocages du ministre, instabilité gouvernementale4 etc.). L’expérience milite en faveur d’un organe autonome, d’une agence par exemple comme c’est le cas au Maroc, bénéficiant d’une large liberté d’action mais travaillant de concert avec les structures gouvernementales dans différents secteurs pour une gestion holistique et coordonnée des risques. Point n’est besoin de signaler qu’une telle politique, pour -le Tchad occupe le 165e rang en 2012 et 163e rang en 2013 dans les classements annuels de l’ONG anti-corruption Transparency International 2 -DGSCGC : Direction Générale de la Sécurité Civile et de la Gestion des Crises 3 -SDIS : Service Départemental d’Incendie et de Secours 4 -cinq(5) remaniement gouvernementaux en 2013 et quatre remaniements entre janvier et mai 2014 1 27 déboucher sur de résultats probants, doit disposer d’un minimum nécessaire de moyens tant matériels que financiers. Ce qui à grandement fait défaut à la DPC et qui explique en grande partie son manque de résultat. La DPC ne dispose, ni d’un centre opérationnel de gestion de crise comme c’est le cas en France avec le COGIC1, ni d’une plateforme de formation et de simulation du plan ORSEC. Il est vrai que les réalités tchadiennes sont toutes autres choses comparées à la France, mais avec un peu de volonté le Tchad serait en mesure de se doter d’infrastructures à sa taille comme l’ont fait certains pays africains à l’exemple du Sénégal et du Burkina Faso. PARAGRAPHE 2 : LA NECESSITE D’UNE DECENTRALISATION EFFECTIVE Dans les pays comme la France, le service public de la sécurité civile a pendant longtemps été un domaine réservé de la commune, car on le considérait avant tout comme un service public de proximité, avant que l’Etat ne s’y mêle par souci de maillage et de coordination. Au Tchad, la loi2 fait de la commune, la seule personne morale de droit publique au niveau décentralisé à être concernée par la question de protection civile. Cette disposition a été contredite par l’ordonnance N° 24/PR/2012 portant création d’un corps des sapeurs-pompiers en République du Tchad qui a, en violation de la loi N°02/PR/2000, créé des centres d’incendie à tous les niveaux des collectivités territoriales. Cette cacophonie juridique qui trahit un manque de cohérence notoire dans l’organisation des services publics crée une confusion quant à la mise en œuvre des structures décentralisées de prévention et de secours. Pourtant, la sécurité civile est, comme nous l’avions dit plus haut, un service de proximité et donc doit être proche des communautés afin d’avoir une promptitude de réaction en cas d’urgence. La situation actuelle de « décentralisation sur papier » est d’autant plus regrettable qu’elle contraint les autorités locales à assister en témoins impuissants aux catastrophes qui se produisent dans leur ressort territorial. L’Etat se doit d’assister les communes moins nanties pour leur permettre de se doter des moyens nécessaires à la prévention et au secours, du moins, celles qui sont les plus exposées. La faible intégration de la dimension RRC dans les plans locaux de développement associée à l’absence de structures appropriées dans les collectivités locales (les Comité Régionaux, Départementaux et Locaux d’Action institués n’ayant trouvé leur pleine mise en œuvre dans aucune collectivité territoriale) n’ont pas facilité l’effectivité de la décentralisation de gestion des risques de catastrophe. Aussi, en considération du coût d’une telle politique et par souci d’économie et de 1 2 -COGIC : Centre de Gestion Interministérielle des Crises -Loi N°02/PR/2000, portant statuts des collectivités territoriales décentralisées 28 lisibilité, serait-il impératif de clarifier le cadre juridique de cette décentralisation en régionalisant la protection civile tout en organisant l’appui des structures régionales par l’Agence Nationale préconisée. Une fois réorganisé, ce cadre institutionnel devra son efficacité à un certain nombre de conditions qu’il va falloir identifier. SECTION 2 : LES CONDITIONS D’UNE EFFICACITE PROACTIVE Pour assurer une efficacité et une efficience à ces institutions, il leur faudra une ressources humaine qualifiée et suffisante mais aussi renforcer la capacité du système d’alerte précoce. PARAGRAPHE 1 : LE RENFORCEMENT DES CAPACITES DES RESSOURCES HUMAINES Les ressources humaines déterminent la performance de toute institution, qu’elle soit privée ou publique car « les systèmes sont actionnés par les hommes. Les décisions sont prises par des hommes. Les erreurs sont commises par des hommes, détectées et corrigées par des hommes1 ». Des ressources humaines qualifiées et en quantité suffisante constituent donc un gage de succès ; à contrario, une main d’œuvre moins apte est la garantie d’un travail sans conviction ni sérieux comme c’est le cas malheureusement dans le service public tchadienne en général et celui de la protection civile en particulier. Certes les faibles capacités financières du pays peuvent expliquer ce retard dans la formation du personnel mais cette excuse n’est pas assez pertinente quand on voit l’enveloppe que dépensent chaque année le gouvernement et ses partenaires pour secourir les populations sinistrés suite aux inondations ou sècheresses sans aucun résultat en termes de résilience des populations. L’attitude réactive qu’observe le gouvernement trahit un manque de politique d’anticipation que l’on ne cesse de lui reprocher. Il est pourtant démontré que chaque Dollar US investi dans la prévention permet d’économiser quatre (4) Dollar2. Pour disposer d’un corps d’acteurs de secours compétents et suffisants, le Tchad gagnerait beaucoup en s’inspirant du système français qui en dehors des sapeurs-pompiers professionnels3 fait recours aux volontaires4et aux militaires1pour assurer la sécurité civile. En termes de moyens, cette approche -Ménage Fréderic : l’homme probabiliste ? Prendre en compte les facteurs humains dans les études probabilistes de sûreté. 2 -chiffres produits par CRED (cognitive reaserch and enaction design) 3 - En France les Sapeurs-pompiers professionnels ne représentent que 50.000 homme pour un effectif total de 250.000 d’après les statistiques du Ministère de l’Intérieur 4 - Les Sapeurs-pompiers volontaires sont au nombre de 190.000 1 29 participative est très avantageuse et la sera davantage pour le Tchad qui dispose d’une armée qui ne manquerait pas d’être utile en ce domaine pour peu qu’on veuille la responsabiliser. Depuis toujours, c’est le volontariat des ONG telle que la Croix Rouge du Tchad qui assurent la circulation de l’information et le secours dans les provinces ; le gouvernement tirera un grand profit en recourant à ces volontaires et leur assurer des formations dans le domaine de sensibilisation et du sauvetage pour couvrir le pays. A défaut de se doter d’une école de sécurité civile, le gouvernement peut introduire des filières de protection civile dans les établissements d’enseignement existants. Au Sénégal par exemple, le gouvernement a introduit un programme de formation en protection civile, gestion de risques et catastrophes à l’Ecole Nationale d’Administration cette bonne pratique doit inspirer le Tchad. Par ailleurs des possibilités de coopération pour la formation des formateurs de Sapeurs-pompiers tchadiens en France, à l’ENSOSP2, existent que le gouvernement peut explorer pour la formation de ses agents. PARAGRAPHE 2 : LA MISE EN PLACE D’UN SYSTEME D’ALERTE PRECOCE INTEGRE Le Système d’Alerte Précoce (SAP) joue un rôle catalyseur dans la réduction des risques de catastrophes. Pour jouer effectivement ce rôle, un SAP doit « générer une réponse appropriée au sein d’une population exposée. Cette capacité de réaction est fortement dépendante de la de la manière dont les SAP sont intégrés au sein du contexte social et plus particulièrement à l’égard des communautés potentiellement marginalisées et plus vulnérables3.» Selon les Nations-Unies citées par Caroline Garcia4, pour qu’un SAP engendre une réaction appropriée, il doit être axé sur la population et doit inclure quatre éléments en étroite collaboration : 1- La connaissance du risque : évaluation des aléas significatifs et des vulnérabilités en considérant leurs dynamiques et leurs variabilités. 2- Service de surveillance et de l’alerte : capacité à surveiller les signes précurseurs du danger, à prévoir son évolution et à émettre une alerte précise au moment opportun. 3- Diffusion et communication : propagation de message d’alerte clairs et compréhensibles avec des informations préalables de préparation. 1 - Les militaires constitués en brigade de sapeurs-pompiers de Paris et bataillon de marins-pompiers à Marseille sont au nombre de 10.000 hommes 2 -Ecole Nationale Supérieure des Officiers des Sapeurs-Pompiers, basée à Aix-en-Provence au sud de la France 3 -Garcia Carolina, « concevoir et mettre en place un système d’alerte précoce intégré plus efficace dans les zones de montagnes : une étude de cas en Italie du nord » revue de géographie Alpine/journal of research (en ligne), 100-1/2012 mis en ligne le 23 février 2012 4 -Carolina Garcia, op cit p 19 30 4- Capacité de réponse : éducation systématique et programme de préparation pour les personnes à risques et les autorités. Le système d’alerte précoce tchadien, à notre avis, n’a pas fonctionné parce qu’il n’est conçu que comme « un simple mécanisme linéaire limité à l’émission d’une alerte1 » qui – au vu de son manque de performance - n’a pas toujours été faite au moment opportun. Les populations exposées n’ont qu’une faible perception des risques, elles ne sont jamais impliquées dans la réponse et c’est ce qui explique leur tendance à transférer la responsabilité de leurs maux aux autorités. Pour doter le système d’un SAP intégré, il est important, en plus des efforts matériels, d’impliquer fortement les collectivités humaines en les sensibilisant, en les éduquant et en les préparant à faire face à l’éventualité des risques sur lesquels elles seraient exposées. Andrée DAGORNE disait avec raison qu’ « aujourd’hui, risque naturels et technologiques sont l’objet d’examens de plus en plus précis. Peu à peu nait une nouvelle science, la cindynique. Son développement inéluctable devrait contribuer à faire qu’au 21e siècle on sache mieux prévoir pour prévenir et permettre aux générations futures de gérer plus sagement leur patrimoine commun, la terre2 ». CHAPITRE II : POUR UNE ATTENUATION DES VULNERABILITES ET UN RELEVEMENT PRECOCE DES POPULATIONS Il ne faut pas se voiler la face, le risque zéro n’existe nulle part et il y a des phénomènes naturels face auxquels l’homme est impuissant quant à leur survenance. Mais, quand même l’homme ne peut empêcher les phénomènes à risque de se produire, il peut, grâce à quelques dispositions et une bonne préparation éviter ou atténuer leurs impacts dommageables sur son existence. SECTION 1 : LA PREPARATION DES COMMUNAUTES A AFFRONTER LES CATASTROPHES La résilience des populations face aux catastrophes est dépendante de la préparation desdites populations à affronter ces catastrophes. Cette préparation nécessite leur implication dans toutes les étapes de gestion des risques de catastrophe. 1 2 -Carolina Garcia, op cit -Dagorne Andrée, risques naturels « que sais-je », Puf, Paris 2003 31 PARAGRAPHE 1 : L’INFORMATION, LA SENSIBILISATION ET L’EDUCATION DES POPULATIONS Au Tchad, la majorité des personnes exposées aux risques de catastrophes est faiblement préparée et a des connaissances très approximatives des aléas auxquels elle est exposée. Par ailleurs, leur perception du risque est faible. Rares sont ceux qui prennent la mesure des événements catastrophiques à venir. Aussi sont-elles géographiquement isolées (faible réseau routier, éloignement des villages, difficultés de transport) et socialement marginalisées (non-participation au processus décisionnel, manque d’informations, pauvreté chronique). Pour que la population ait une perception juste des risques auxquels elle est exposée, les pouvoirs publics doivent l’informer à ce propos en recourant par exemple aux volontaires et aux bénévoles préalablement formés comme c’est le cas sous d’autres cieux. Des campagnes de sensibilisation de masse doivent être organisées dans les zones à risques afin d’expliquer, à travers différentes méthodes (les plus répandues au Tchad étant le théâtre, la musique, la danse et les jeux interactifs.), les risques qui les guettent pour qu’elles en soient conscientes. Les populations doivent aussi être informées sur les plans de contingence élaborés par les experts, pour leur permettre, non seulement, d’en prendre connaissance mais aussi et surtout pour faciliter son appropriation et son adaptation à des réalités qu’elles sont supposées connaitre mieux que quiconque. L’appropriation par les populations d’un plan de contingence étant la condition première de sa réussite. L’organisation des exercices de simulation revêt une grande importance dans l’assimilation -aussi bien par les agents que par les populations - des gestes qui sauvent pendant les situations de crises. Il est regrettable que cette pratique ne soit pas encore encrée dans les mœurs des pouvoirs publics en charge de la protection civile au Tchad. Le recours aux militaires qui jouissent d’une grande expérience en la matière permettrait de renverser cette fâcheuse tendance. Les nouvelles technologies constituent une grande opportunité pour l’information de masse car leur développement « permet aujourd’hui de savoir en temps réel, quasi immédiatement ce qui se passe en tout point de la planète terre1 » mais aussi de sensibiliser l’opinion publique sur les aléas quels qu’ils soient et l’évitement de leurs impacts dommageables. En France, un droit des citoyens à l’information sur les risques auxquels ils sont exposés, qu’ils soient naturels ou technologiques, a été créé par la loi de 1987 de laquelle le décret d’application vise la constitution de dossiers d’informations établies respectivement par l’Etat (à l’échelle départementale) et par le maire (à 1 -Dagorne Andrée, op cit 32 l’échelle communale1). Cette bonne pratique qui a fait ses preuves serait un moyen non négligeable pour l’information et la formation préventive des populations au Tchad PARAGRAPHE II : L’IMPLICATION DES POPULATIONS DANS LA REPONSE La plus grande erreur que commettent les autorités publiques dans la réponse aux catastrophes au Tchad est celle d’exclure les populations dans les stratégies de réponse. L’Etat et les collectivités territoriales envisagent toujours la réaction face aux catastrophes essentiellement sous forme d’assistanat. Cette pratique, non seulement est inefficace, mais produit un effet psychologique néfaste au sein des populations victimes qui deviennent de plus en plus convaincues que « le gouvernement va apporter des solutions. Que l’Etat veille2 » sur eux. Lors des inondations de 2012, on a ainsi constaté dans la ville de N’Djamena un afflux massif des personnes, victimes ou non, vers les camps des sinistrés avec l’espoir de bénéficier des aides octroyées par l’Etat et les ONG humanitaires. On a constaté par la suite l’extrême pauvreté dans laquelle ces victimes ont été réduites parce que l’Etat n’a pas pu ou su répondre aux multiples besoins qui étaient les leurs en cette situation de totale précarité mais aussi parce qu’elles même n’étaient impliquées, ni dans la préparation, ni dans la prévision de cette situation. Ce fut une totale déconvenue et malgré l’importante aide des organisations humanitaires, les victimes ont eu de sérieuses difficultés pour se relever. L’attitude responsable consisterait donc, pour les pouvoirs publics, à promouvoir le développement d’un comportement d’autoprotection et de mutualisation au sein des populations. Tous ceux qui ont été formés à l’autoprotection passent de « victime » potentielle à « maitre du risque »3. Cela est d’autant plus vrai qu’une personne déjà affectée par les inondations par exemple, si elle est convaincue de la reproduction de la même catastrophe dans un espace de temps assez court, serait plus enclin à prendre des dispositions d’évitement des impacts de ce risque qu’une autre moins consciente. Les efforts de mutualisations qui sont généralement le fait de la société civile que les américains appellent « stakeholders » ce qui signifie littéralement « les détenteurs d’enjeux » participe de la solidarité entre citoyens dans la recherche des solutions aux défis communs que posent les catastrophes en collaboration, bien entendu, avec les acteurs étatiques et locaux. L’Etat a tout intérêt a développé une logique de responsabilité et ouvrir un débat public en matière de risques de catastrophe au Tchad afin d’encourager la participation des communautés à leur judicieuse 1 -le Préfet de Département depuis la loi 2002-276 du 27 février 2002 -Bourrelier Paul-Henri, Deneufbourg Guy, de Vanssay Bernadette, Les catastrophes naturelles : Le grand cafouillage, édition OEM, 2000 3 -Bourrelier Paul-Henri, Deneufbourg Guy, de Vanssay Bernadette, op cit 2 33 prévention mais aussi pour faire usage de la capacité spécifique de chacun d’entre les acteurs de la société civile. Les exercices de simulation d’un scenario participatif qui repose sur une répartition de compétences entre l’Etat, les collectivités territoriales et la société civile sont d’une grande importance pour clarifier les rôles et créer des réflexes positifs de la part, et des acteurs, et des potentielles victimes. La simulation permet aussi de corriger les erreurs pour minimiser les conséquences d’une catastrophe. SECTION II : LA PLANIFICATION OPERATIONNELLE ET POST-OPERATIONNELLE Louis pasteur affirmait que « la chance favorise ceux qui sont préparés » et cette préparation dans le contexte actuel, surtout en ce qui concerne les risques de catastrophe, se doit d’être la plus sérieuse et la plus diligente possible parce que les études et les avancées technologiques le permettent. PARAGRAPHE 1 : UNE PLANIFICATION REALISTE ET UNE COORDINATION DYNAMIQUE DES OPERATIONS DE SECOURS C’est pour ne rien laisser au hasard que les plans sont conçus et Viande Romuald était dans la vérité quand il disait d’un plan que « c’est la référence sur laquelle tout décideur doit pouvoir s’appuyer pour garantir l’efficacité et se protéger contre la confusion1 ». Mais pour cela la planification ne doit ni se fonder sur des préjugés (cognitifs), ni sur des suppositions fantaisistes. L’expérience a montré que les autorités publiques tchadiennes misent, dans l’élaboration de leurs plans de contingence contre les inondations, sur la reproduction des catastrophes similaires à ceux des années passées sans tenir compte des réalités nouvelles. Cela contribue à biaiser fortement ces plans qui se révèlent inopérants pour peu qu’une différence se produise. L’efficacité des opérations en cas de crise dépend donc essentiellement d’une organisation rationnelle et d’une bonne coordination des intervenants de telle sorte que l’on sache exactement les missions de chacun, les objectifs spécifiques à chaque intervenant, les ressources à mobiliser et les principes qui s’imposent à chaque acteur. Le leadership doit être clarifié et la culture des retours d’expérience seront nécessaires pour des bonnes mises à jour des plans, la détection des ambigüités des rôles, la bonne coopération des différents acteurs ainsi que la bonne maitrise de la situation et de son évolution. En clair, la distribution adéquate de secours impose « plus qu’une coordination des moyens, mais une organisation hiérarchisée, répondant à une ligne de commandement claire et 1 -Viande Romuald, La résilience, une prise en compte encore problématique ? Mémoire Master en Gestion des Risques sur les Territoires, ena 2011 34 reconnue de tous1 ». La crise crée déjà une confusion préjudiciable dans le psychique des victimes et ce n’est pas par une autre confusion qu’on parviendrait à les relever. La France a opté pour une dualité de direction des opérations de secours. Le maire coordonne le plan communal de secours (PCS) et ce n’est que dans le cas où il est débordé par le sinistre qu’il fait recours au préfet représentant de l’Etat. Rappelons que l’ensemble des opérations de secours est régis par le principe d’unité de commandement des opérations et la continuité du commandement des opérations. L’unité de commandement favorise le non dispersion ou le non éparpillement des efforts par un mouvement centrifuge conduisant à l’atteinte des objectifs fixés. Ce commandement doit être pérenne et sans rupture pour la gestion efficiente des crises asymétriques. PARAGRAPHE II : L’ACCOMPAGNEMENT DU RETOUR A LA NORMALE Les pouvoirs publics ne doivent pas limiter leur intervention en cas de crise à l’assistance pendant la période d’urgence. Rappelons que le Cadre d’Action de Hyōgo a pour objectif principal la résilience des nations et collectivités face aux catastrophes. En agissant ainsi les autorités, au lieu d’aider les victimes de catastrophes à se relever, contribueraient au contraire à les rendre plus vulnérables parce que non seulement elles seraient démunies, mais elles auraient l’impression d’être abandonné, ce qui aura des conséquences psychologiques certaines et rendrait difficile leur relèvement précoce. Aujourd’hui, le rétablissement des besoins prioritaires (sanitaires, eau, électricité, sécurité, hygiène, assainissement) en période de crise n’est pas suffisant. Les victimes doivent être accompagnées psychologiquement afin de transcender le traumatisme causé par la crise. Les pouvoirs publics, en France impliquent des associations agrées de sécurité civile, pour cet accompagnement au retour à la normale, leur rôle consiste essentiellement à l’accueil et l’hébergement des victimes, le transport, le repas, les soutiens à domicile, les prise en charge morale, matérielle et psychologique etc. Certes, l’accompagnement ne doit pas durer éternellement, même dans les pays riche cela est impossible, mais le retrait de l’assistance doit se faire progressivement afin de ne pas nourrir le sentiment d’abandon au sein des sinistrés comme c’est le cas des victimes d’inondations de la ville de N’Djamena en 2012. Ce désengagement devrait se faire de telle sorte qu’il soit compris et accepter par les populations et non avec précipitation et brutalité. 1 -Viret Jean, Queyla Jean-Luc, op cit 35 CONCLUSION Plus que les autres, les pays les moins avancés sont tenus d’accorder plus d’attention à la sécurité de leurs populations face aux risques de catastrophes. Cela est d’autant plus juste que les personnes vivant dans ces pays font preuve d’une vulnérabilité plus grande qui les réduit, à la moindre crise, à un total dénuement. La ratification par le Tchad du CAH il y a bientôt dix (10) ans a été un événement porteur de grands espoirs parce que les obligations qui y sont contenues épousent à la perfection le besoin de protection que manifestent les tchadiens assaillis par des risques de toutes natures. Mais à l’heure du bilan, on peut affirmer sans se tromper que le défi reste entier et malgré la bonne volonté des pouvoirs publics, aucune évolution significative de la situation n’est enregistrée. Plusieurs raisons expliquent cette inertie et ce manque de résultat du Tchad dans la mise en œuvre des priorités du CAH. D’abord, le gouvernement n’a pas fait preuve de sérieux dans la gouvernance des risques de catastrophes car il n’a pas réussi à mettre sur pied une plateforme nationale cohérente et apte à porter le projet. Ensuite une défaillance sans pareille en matière d’information, de communication et de vulgarisation du concept est observée. Jusqu’à ce jour, peu nombreux sont ceux qui, au Tchad, savent ce qu’on entend par risque de catastrophes alors qu’ils y sont exposés au quotidien. Par ailleurs, les méthodes opérationnelles mises en place n’ont jamais été expérimentées au profit de l’improvisation et de réactions aveugles en cas de catastrophe. Enfin, le pays n’a pas pu se doter de moyens humains et matériels nécessaires à l’identification précise des risques des catastrophes, à leur localisation et à la mise en œuvre des mesures de sécurisation des populations contre ceux-ci et leurs corollaires de précarité et de vulnérabilité. A toutes ces raisons, il convient d’ajouter une pauvreté structurelle qui constitue un facteur aggravant de la précarité des personnes et qui les rend plus vulnérable encore en périodes de crises. Mais au-delà de tous ces errements qui coutent des sommes faramineuses à l’Etat sans produire le moindre résultat, c’est une culture de manque d’organisation et de manque d’anticipation qu’il faut blâmer. C’est une gestion opaque et sans fil conducteur des politiques publiques au Tchad, qu’il faut indexer. C’est tout une philosophie administrative d’obligation de résultat avec ses contraintes sous36 jacentes qu’il faut promouvoir. Aussi pour que le Tchad s’améliore-t-il dans la GRC, nous formulons les propositions et recommandations suivantes : - Confier la gouvernance des RRC à un organe capable de la faire connaitre, de la faire aimer de tous les acteurs (administrations, associations, communautés) et de la faire épouser par ceux-ci. Confier une telle mission à un organe extra-gouvernemental suffisamment autonome (matériellement et financièrement), à même de décider et d’agir au moment opportun, serait un gage certain de performance. Une agence nationale de sécurité civile comme il en existe dans plusieurs pays serait une solution idéale. - Une large campagne nationale d’information et de sensibilisation sur les risques de catastrophe planifiée chaque année est nécessaire (c’est d’ailleurs la raison de l’institutionnalisation de la journée mondiale de protection civile1) pour vulgariser auprès des population et des associations les risques auxquels ils sont exposés mais aussi engager des débats autour de la question pour attirer les attentions sur les dangers que constituent ces risques et les attitudes à adopter - L’institution d’une école nationale de protection civile permettrait à l’Etat et aux collectivités territoriales de disposer d’un corps de fonctionnaires spécialisés en la matière, dotés des capacités d’initier et de mettre en œuvre des plans et stratégies de sécurité civile - Le renforcement du système d’alerte précoce intégré grâce à la coopération sous régionale (CEMA2 et CEEAC3), régionale (UA4) et internationale afin de doter les organes d’informations (météo-Tchad, INSEED5, radio-Tchad, radio communautaires etc.) des infrastructures adaptées pour une production des informations fiables et au moment opportun de l’alerte - La création d’un fonds national de protection civile pour l’intervention rapide en cas de crise soudaine - La création d’un centre opérationnel de gestion interministérielle des crises suffisamment équipé pour la gestion des grandes catastrophes d’envergure nationales - L’Etat doit s’assurer de l’effectivité des structures locales de protection civile et aider les régions moins nanties et exposées à disposer de leur service de gestion des catastrophes opérationnel 1 - la journée internationale de la protection civile est fêtée chaque 1 er mars -Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale 3 -CEEAC : Communauté Economique des Etats d’Afrique Centrale 4 -UA : Union Africaine 5 -INSEED : Institut National de la Statistique, des Etudes Economiques et Démographiques 2 37 - Le recours au volontariat doit être privilégié comme moyen d’action (ce moyen connait un franc succès en France) pourvu qu’il soit rémunéré au risque de ne pas être attractif - La coopération et l’échange d’expérience entre les différents acteurs doivent être fortement encouragés pour développer une connaissance mutuelle des moyens et des missions de chacun afin d’éviter tout conflit de compétence mais aussi suppléer une absence constatée. - Mettre en place un cadre juridique de la protection civile pour un besoin de clarification des missions et de lisibilité des actions des différents acteurs - Enfin pour encourage une pleine observation des priorités du CAH post 2015 par tous les Etats parties et particulièrement les mauvais élèves comme le Tchad, il convient d’y inclure des stipulations contraignantes mais aussi des contreparties alléchantes pour tout effort réalisé. 38 BIBLIOGRAPHIE 1- Livres -BOURRELIER Paul-Henri et al : Les catastrophes Naturelles : le grand cafouillage, éd EOM, 2000 -BOUTTE Gilbert : Risques et catastrophes : comment éviter et prévenir les crises, édition du Papyrus, 2006 -BOURG Dominique, SHLEGEL Jean-Louis : Parer aux risques de demain (le principe de précaution), Paris, Seuil, 2001 -CELINE Grislaine-Letrémy et al : Les risques majeurs et l’action publique, rapport d’analyse économiques, La documentation française, Paris 2012 -CHEVANSSON-AU-LOUIS Bernard : l’analyse des risques : l’expert, le décideur et le citoyen, Versailles, édition QUAE, 2007 -CLEARY Sean, MALLERET Thierry : Risques : perception, évaluation, gestion, une approche positive des risques globaux auxquels sont confrontés les décideurs, Paris, Maxima 2006 -CROS Michel, Gaultier-Gaillard Sophie et al : Catastrophes et risques urbains : nouveaux concepts, nouvelles réponses, éd Tec et Doc, Paris 2010 -DAGORNE Andrée, DARS René : les risques naturels, Paris « que sais-je ?», n° 3533, 2003 -DUBOIS-MAURY Jocelyne, CHALINE Claude : les risques urbains, Paris Armand Colin, 2002 -EWALD François, GOLLIER Christian, De Sadeleer Nicolas : le principe de précaution, Paris « que sais-je ?» n° 3596, 2008 -LE BRETON David : sociologie du risque, Paris « que sais-je ?», 2012 -LE RAY Jean : gérer les risques : pourquoi ? Comment ? -LESBATS Michel : précis de gestion de risques : l’essentiel du cours, fiches-outils et exercices corrigés, Paris, Dunod, 2012 -RAMADE François : des catastrophes naturelles ? Paris, Dunod, 2006 -SEILLAN Hubert : phénomènes naturels et risques : quelles responsabilités ? Paris, Dunod, 2006 -VAN Wassenhove WIM, Garbolino Emmanuel : Retour d’expérience et prévention des risques : principe et méthode, éd Tec et Doc, Paris 2009 -VIANDE Romuald : La résilience, une prise en compte encore problématique ? Mémoire de master gestion des risques sur les territoires, ENA 2011 39 -VIRET Jean, QUEYLA Jean-Luc : Sécurité Civile en France : organisation et missions, Paris, EPF 2011 2- Textes, Rapports, Revues, Dossiers, Articles Cadre d’Action de Hyōgo pour 2005-2015 : Pour des nations et des collectivités résilientes face aux catastrophes, signé le 22 janvier 2005 Plan national de contingence contre les inondations au Tchad 2013, Ministère de l’Intérieur, Direction de la Protection Civile Anticipation, innovation, perception : des défis pour la maitrise de risque à l’horizon 2020, coordonné par Patrick KHAN, André LANNOY et al, Paris, Technique et Documentation, 2010 Les statistiques des sapeurs-pompiers volontaires en France. DGSCGC, Ministère de l’Intérieur, éd 2013 Gestion de crise : quels outils ? Dossier in service public n° 118, 2006 janvier-février P.1625 (Article) Concevoir et mettre en place un système d’alerte précoce intégré plus efficace dans les zones des montagnes : une étude de cas en Italie du sud, un article de GARCIA Carolina, in revue de géographie alpine, 100-1/2012, mis en ligne le 23 février 2012 Consultation nationale sur le cadre d’action post-2015 pour la réduction des risques de catastrophes, Rapport du Sénégal présenté par Mare LO, expert consultant en DRR, 2013, UNISDR Le sapeur-pompier magazine n°989. Article : « un centre d’entrainement dernier cri » par Paulin CATALAN, avril 2007 Soldats du feu magazine hors-série 14. Article : « le risque feu de forêt », par Carlo ZAGLIA 3- Site internet - www.unisdr.org - www.unocha.org - www.wikipedia.org - www.pompier.fr - www.interieur.gouv.fr - www.legifrance.gouv.fr - www.direction-securite-civile.fr - www.defense.gouv.fr - www.patric.lagadec.net 40 GLOSSAIRE ACF : Action Contre la Faim AJAC : Association Jeunesse Anti-Clivage APLFT : Association pour la promotion des Libertés Fondamentales au Tchad CAH : Cadre d’Action de Hyōgo CARMA : Campagne pour l’Accélération de la Réduction de la Mortalité Maternelle en Afrique CBLT : Commission du Bassin du Lac-Tchad CNCPAD : Comité National Chargé de l’Assistance aux Personnes Déplacées CDA : Comité Départemental d’Action CEEAC : Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale CEMAC : Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale CLA : Comité Local d’Action CNDH : Commission Nationale des Droits de l’Homme CNLS : Commission Nationale de Lutte Contre le Sida COGIC : Centre Opérationnel de Gestion Interministériel de crise CRA : Comité Régional d’Action CRT : Croix Rouge du Tchad CST : Conseil Supérieur de la Transition DGSCGC : Direction Général de Sécurité Civile et de Gestion des Crises DPC : Direction de la Protection Civile DREM : Direction des Ressources en Eaux et de la Météorologie ENSOSP : Ecole Nationale Supérieure des Officiers de Sapeurs-Pompiers 41 FAO : Fonds Alimentaire Mondial FND : Fond National de Lutte contre la Désertification GRC: Gestion des Risques de Catastrophes IDH: Indices de Développement Humain INSEED : Institut National de la Statistique, des Etudes Economiques et Démographiques IUSAE : Institut Universitaire des Sciences Agronomiques et Environnementales LTDH : Ligue Tchadienne des Droits de l’Homme MPS : Mouvement Patriotique du Salut MSF : Médecins Sans Frontières OCHA : Organisation pour la Coordination de l’action Humanitaire OIM : Organisation Internationale pour les Migrations OIPC : Organisation Internationale de Protection Civile OMD: Objectifs du Millénaire pour le Développement ONASA : Office National pour la Sécurité Alimentaire ONG: Organisations Non Gouvernementales ONU : Organisation des Nations-Unies ORSEC : Organisation de la Réponse de la Sécurité Civile PADL-GRN : Programme d’Appui au Développement Local et de la Gestion des Ressources Naturelles PAGP: Plan d’Action pour la Gestion des Pesticides PAM: Programme Alimentaire mondial PCS : Plan Communal de Sécurité PDUAH : Projet de Développement Urbain et de l’Amélioration de l’Habitat 42 PGD-DB : Plan de Gestion des Déchets Biomédicaux au Tchad PIB : Produit Intérieur Brut PIRPT : Projet d’Infrastructures Rurales, Pastorales et de Transhumance PND : Programme National de Développement PNSLPT : Programme National Stratégique de Lutte contre le Paludisme RCA: République Centrafricaine RRC : Réduction des Risques de Catastrophes SAP : Système d’Alerte Précoce SDIS : Service Départemental d’Incendie et de secours SIDRAT : Système d’Information de développement Rural et d’Aménagement du Territoire SNAP-BD : Stratégie national Pour la Diversité Biologique SNBG : Stratégie Nationale de Bonne Gouvernance SNRP : Stratégie nationale de réduction de la Pauvreté UA : Union Africaine UNFPA : Fonds des Nations-Unies d’Appui à la Population UNHCR : Haut-Commissariat des nations-unies pour les Réfugiés UNICEF : Fonds des Nations-Unies pour l’Enfance UNISDR : Bureau de Nations-Unies pour la Réduction des risques de catastrophes 43 ANNEXES 44 45