Le Danube - ASA - Université Lille 1

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Le Danube - ASA - Université Lille 1
Alain Barré
Mai 2010
Le Danube, de la Forêt Noire à la Mer Noire
Depuis l’élargissement de l’Union européenne aux anciens pays socialistes de l’Europe
centrale et orientale, le centre de gravité du nouvel ensemble s’est déplacé vers l’est. Cette
translation conduit à découvrir ou redécouvrir des États dont le Danube constitue l’épine
dorsale, sans toutefois être un réel élément d’unité : d’ailleurs, son nom change régulièrement
d’appellation de l’amont à l’aval, selon les aires linguistiques traversées.
Une présentation du Danube et des principaux pays danubiens permettra de montrer que si le
fleuve a facilité, au cours des siècles passés, les échanges et les rencontres entre les divers
peuples qui s’y sont installés, les territoires composant son bassin versant ont également été
l’objet de convoitises et de confrontations. C’est d’ailleurs dans cette partie de l’Europe que
les frontières ont été fixées le plus tardivement et ont encore été remaniées récemment.
L’exposé se subdivisera en trois parties :
- une première partie sera consacrée à l’hydrographie, c’est-à-dire à la description du Danube
et de ses principaux affluents, ainsi que des aménagements effectués pour « domestiquer » le
fleuve.
- la seconde partie envisagera le double rôle du Danube en tant que barrière naturelle et
vecteur d’échanges. Le fleuve constitue une limite, qui sert de tracé à certaines frontières ;
Quant aux riverains, ils cherchent à franchir cet obstacle par des bacs ou des ponts et à en tirer
profit grâce à la navigation fluviale.
- la troisième partie présentera les grandes villes que nous visiterons au cours de la croisière
que nous effectuerons sur le Danube : Vienne, Budapest et Bratislava.
I – Le Danube, le plus long fleuve de l’Union européenne
Avec un cours de près de 3000 km, le Danube est le second plus long fleuve d’Europe,
derrière la Volga (3 700 km).
1.1 - Un fleuve de près de 3000 km
Officiellement, le Danube prend sa source à Donaueschingen, petite ville du versant sud-est
de la Forêt Noire : une fontaine, située à 680 m d’altitude dans le parc du château, symbolise
la naissance du fleuve. En réalité, celui-ci résulte de la confluence de deux petites rivières
venues des sommets voisins : la Breg et la Brigach. La Breg, qui est la plus importante (46
km) et prend sa source à 1078 m, peut être considérée comme la véritable source du Danube.
Celui-ci atteint la mer Noire après un parcours total de 2 889 km.
Pour la navigation fluviale, le point 0 est fixé au niveau du phare de Sulina (branche centrale
du delta) : les km sont alors comptés de l’aval à l’amont.
Le Danube draine un vaste bassin versant de quelque 800 000 km2, englobant des unités
topographiques et géologiques variés : les principales hauteurs appartiennent aux Alpes, aux
Carpates et aux chaînes dinariques ; elles constituent autant de châteaux d’eau qui alimentent
les affluents du Danube et influent sur son régime. Au pied de ces massifs, le Danube coule
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dans des zones basses, dont les grandes plaines de Pannonie (Hongrie et nord de la Serbie) et
de Roumanie (plaines de Valachie et de Moldavie). Certaines parties de la vallée du Danube
se caractérisent par l’alternance de bassins et défilés : parmi les défilés les plus célèbres, on
peut citer :
- en Autriche, le Nibelungengau entre Ybbs et Melk, auquel succède la Wachau de Melk à
Krems ;
- en Hongrie, le secteur compris entre Esztergom et Visegrad (au niveau de la frontière avec
la Slovaquie, avant le coude vers le sud) ;
- la trouée du Danube entre les Carpates méridionales et le nord des montagnes des Balkans,
qui s’allonge sur 140 km, entre la Serbie et la Roumanie ; quatre défilés se succèdent dont le
plus célèbre, situé à l’aval, est connu sous le nom des Portes de Fer. Dans toute cette zone, le
fleuve coule entre des parois abruptes, qui réduisent parfois sa largeur à 150 m ; ces
rétrécissements provoquent une accélération du courant et de multiples tourbillons, qui ont
contribué à y creuser profondément le lit. Jusqu’à l’aménagement réalisé dans les années
1965-70, la navigation était difficile dans tout ce secteur et les bateliers le redoutaient
particulièrement.
Peu avant Tulcea, le Danube, dont le débit moyen est alors de 6 500 m3/s, se subdivise en trois
bras majeurs pour rejoindre la mer Noire : au nord, le bras de Chilia écoule 60% des eaux ; le
bras de Sulina au centre et celui de Saint-Georges au sud ont un débit sensiblement
équivalent. Le delta, qui s’étend sur 4 500km2 est inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco ;
il constitue un milieu original et fragile, mêlant eau douce et eau salée, où alternent marais,
roselières, prairies humides et zones cultivées sur les marges.
1.2 - Un régime complexe, reflet de la variété des affluents
Le Danube compte de multiples affluents dont beaucoup coulent dans deux ou trois pays
différents et changent de nom au passage de la frontière.
Le plus long est la Tisza, avec un cours de 1378 km : elle prend sa source sur le versant
occidental des Carpates en Ukraine, puis coule parallèlement au Danube en Hongrie, avant de
le rejoindre en Serbie, un peu en amont de Belgrade (800 m3/s). On utilise parfois l’expression
de « Mésopotamie pannonienne » pour désigner le secteur compris entre les deux cours d’eau.
La Save, qui se jette dans le Danube à Belgrade, est l’affluent le plus abondant, avec un débit
moyen de 1500 m3/s. Elle prend sa source dans les Alpes slovènes et reçoit sur sa rive droite
une série d’affluents descendant des Alpes dinariques.
Le cas de la double confluence de Passau mérite de retenir l’attention : sur sa rive gauche, le
Danube reçoit l’Inn (517 km), qui arrive des Alpes et lui apporte en moyenne 730 m3/s ; mais,
à la fonte des neiges, au printemps, l’Inn a un débit supérieur à celui du Danube. Sur la rive
droite, le Danube reçoit l’Ilz qui provient de la forêt de Bavière. Cette double confluence
fournit l’occasion d’aborder une question classique : la couleur des eaux du Danube.
A Passau, alors que les eaux du Danube sont bleues, celles de l’Ilz qui a traversé une zone de
marécages sont noires ; quant à celles de l’Inn, elles sont vertes. Toutes ces eaux ne se
mélangent pas immédiatement et, au printemps, celles de l’Inn, alimentées par la fonte des
neiges, sont les plus abondantes et se maintiennent en surface pendant un moment avant que
le brassage ne s’effectue (de plus, au niveau de la confluence, l’Inn est plus large et moins
profond que le Danube, ce qui contribue au maintien de ses eaux dans la partie supérieure).
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Deux affluents portent le même nom : la Morava. Sur la rive gauche, la Morava qui a donné
son nom à la Moravie, rejoint le Danube peu avant Bratislava. Sur la rive droite, la Morava
serbe conflue dans le Danube en aval de Belgrade.
Un petit affluent de la rive droite, la Leitha (180 km) a joué un rôle important dans l’histoire
en constituant, de 1867 à 1921, dans le cadre de la double monarchie, la frontière entre
l’Autriche et la Hongrie : on parlait alors de Cisleithanie (Autriche) et de Transleithanie
(Hongrie). Au nord du Danube, c’est la Morava qui marquait la frontière entre Autriche et
Hongrie.
Globalement, le régime du Danube est marqué par des hautes eaux de printemps,
correspondant à la fonte des neiges, sur les bassins versants des affluents alpins. Les basses
eaux sont enregistrées en automne et au début de l’hiver, notamment en raison de la rétention
nivale. Combinée à des averses de printemps, la fonte de neige provoque régulièrement des
inondations notamment là où la pente est faible, comme dans la plaine pannonienne.
A Vienne, le débit moyen est de l’ordre 1920 m3/s, avec un rapport entre basses et hautes eaux
variant de 1 à 2. Mais, l’on y redoute toujours des crues exceptionnelles avoisinant les 10 000
m3/s, comme celle de 1954. C’est pour cette raison que le cours du fleuve a été rectifié au
niveau de la capitale autrichienne (construction d’un chenal de 670 m de large sur 21 km de
long ,de 1870 à 1874) et qu’il a même été récemment doublé pour accroître la capacité
d’écoulement des hautes eaux (Neue Donau, 1972-1988).
Le Danube coule dans des régions connaissant des hivers rigoureux : tous les ans, il charrie
des glaces, qui représentent un danger pour la navigation. Dans les passages où le cours se
rétrécit, les glaces s’accumulent et finissent par former des barrages. Certains secteurs sont
régulièrement pris par les glaces : en Roumanie, entre Cernavoda et la mer Noire, le fleuve est
pris, en moyenne, quatre semaines par les glaces ; mais à ce niveau, l’englacement peut se
prolonger pendant la moitié de l’hiver.
A l’amont du fleuve, dans le Jura souabe, une curiosité hydrologique mérite d’être signalée :
la disparition du Danube (« Donauversickerung ») ; en effet, entre Immendingen et
Möhringen, les eaux s’infiltrent dans le sous-sol calcaire et rejoignent, après écoulement
souterrain, l’Aach, petit cours d’eau distant d’une dizaine de km, au niveau d’une résurgence
(Aachtopf). Au moment de l’étiage, les eaux du Danube disparaissent complètement, laissant
le lit du fleuve à sec. A noter que l’Aach se jette dans le lac de Constance, après un cours de
30 km, ce qui signifie que les eaux disparues du Danube se retrouvent finalement dans le
Rhin.
1.3 - L’aménagement du Danube
Au XIXème siècle, les administrations bavaroise, autrichienne et hongroise ont entrepris des
travaux d’aménagement du Danube en s’inspirant des techniques utilisées dans le cas du Rhin
(la « Strombau ») et d’autres cours d’eau allemands.
Concrètement, il s’agissait de faciliter la navigation et l’écoulement des eaux en recoupant les
nombreux méandres du fleuve ; les anciens méandres et les bras morts étaient ensuite
asséchés pour récupérer des terres agricoles. Pour éviter les crues catastrophiques, on a
construit des digues qui enserrent le lit majeur (le lit d’inondation) du Danube et de ses
affluents, notamment dans la plaine pannonienne. On mesurera mieux l’ampleur des travaux
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réalisés en indiquant que la Hongrie se situe juste après les Pays-Bas pour la densité de digues
et de canaux de drainage (Cf. Avant l’aménagement de la Tisza, on y avait enregistré une
différence de débit maximale allant de 1 à 124).
Toutefois, les modifications apportées à l’équilibre naturel ont eu des effets inattendus, en
provoquant des reprises d’érosion (le courant étant devenu plus fort) ou, au contraire, en
occasionnant des alluvionnements : il a donc fallu retravailler le lit mineur pour y maintenir le
calibrage du chenal de navigation, avec deux types d’ouvrages : des épis transversaux pour
ralentir le courant ou, à l’opposé, des ouvrages longitudinaux submersibles pour contraindre
les eaux à se concentrer et à maintenir la profondeur nécessaire à la navigation.
Dans le secteur des Portes de Fer, l’administration hongroise avait réalisé de gros travaux
pour y faciliter la navigation. Ils ont été remplacés par le barrage des Portes de Fer construit
par la Yougoslavie et la Roumanie dans les années 1965-1970.
II – Le Danube, entre barrière et trait d’union
2.1 - Le Danube et ses affluents : de la barrière naturelle à la barrière artificielle
Tout cours d’eau constitue un obstacle qui devient une barrière dès que celui-ci atteint une
certaine ampleur. Il est tentant d’utiliser un cours d’eau pour en faire une limite territoriale,
voire une ligne de défense : c’est d’ailleurs la fonction que les Romains ont assignée au
Danube puisqu’ils l’avaient intégré dans de le système défensif protégeant leur empire : le
« limes ». Sur le Danube, le limes était jalonné de villes et de camps militaires, qui sont les
ancêtres d’un certain nombre d’agglomérations actuelles, comme Castra Regina (Regensburg,
Ratisbonne en français) Castra Batava (Passau), Vindobona (Vienne), Acquincum (Budapest),
Singidunum (Belgrade), etc. Dans ces villes se pratiquaient des échanges avec les peuples
voisins, les « Barbares ». Au début du IIèmesiècle, l’empereur Trajan franchit le Danube pour
contrer les incursions des Daces ; les Romains s’installent alors en Dacie pour 150 ans. Au
XIXème siècle, au moment de leur accès à l’indépendance, les Roumains mettront à profit ce
passé pour forger leur langue autour d’une latinité retrouvée.
La disparition de l’Empire romain d’Occident, lors des grandes invasions de la fin du IVème et
du Vème siècle, marque la fin de l’unité de l’axe danubien. L’Empire romain d’Orient se
maintient autour de Constantinople, mais subit aussi de multiples invasions qui en réduisent le
rayonnement. Divers peuples s’installent tour à tour dans l’espace danubien : les Germains,
les Slaves, les Magyars ; la fin de ces invasions favorise l’émergence de principautés tandis
que le christianisme se diffuse parmi les populations nouvellement installées. Le schisme de
1054 entre catholiques et orthodoxes vient établir une coupure profonde et durable parmi les
populations de l’espace danubien.
L’arrivée des Turcs, qui prennent pied dans les Balkans dès le XIVème siècle (défaite des
Serbes en 1389 au Kossovo Polje), bien avant la prise de Constantinople (1453), est un
tournant essentiel dans l’histoire du bassin danubien. Sa partie orientale passe sous leur
domination pour quatre à cinq siècles : ils assiègent Vienne par deux fois (1529 et 1683) ; ils
s’emparent de la partie centrale de la Hongrie (après la bataille de Mohacs en 1526). Les
Habsbourg auront beaucoup de difficultés à les contenir et à leur reprendre la Hongrie (traité
de Karlowitz, 1699). Pour repeupler et protéger ces territoires, les Habsbourg font appel à des
colons de toutes origines : Hongrois bien sûr, mais aussi Allemands, Slovaques, Croates,
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Serbes, Roumains, Juifs, etc. (des Lorrains viennent également s’y installer et conservent
longtemps leur langue, avant d’être assimilés par leurs voisins).
Au XVIIIème, les Russes commencent à montrer leur intérêt pour les rivages et les régions
proches du delta du Danube. Au XIXème siècle, ils se font les protecteurs des peuples slaves et
orthodoxes cherchant à se soustraire à la domination turque. Soumis à la montée des
nationalismes dans les Balkans, l’Empire ottoman est contraint à se retirer de toutes ses
provinces européennes, à l’exception de la Thrace orientale.
Au lendemain de la Première Guerre mondiale, la disparition de l’Empire austro-hongrois
marque la fin d’une époque et s’accompagne d’un nouveau découpage de l’espace danubien.
Reposant sur le droit des nations à disposer d’elles-mêmes, il se révèle cependant imparfait,
tant les diverses populations sont imbriquées dans certaines régions et il est à l’origine de
frustrations et de conflits ultérieurs. Ainsi, le traité de Trianon (4-6-1920) a profondément
ulcéré la Hongrie : non seulement, le pays a été fortement réduit, mais aussi quelque trois
millions de Hongrois ont été séparés de la mère patrie. Le traumatisme provoqué par le traité
de Trianon reste toujours particulièrement vif en Hongrie, même après 90 ans.
Pendant la Seconde Guerre, on assiste à d’éphémères modifications frontalières, au profit des
alliés de l’Allemagne nazie ; mais, à la fin du conflit, il n’y a pas de grands changements dans
les découpages territoriaux des pays danubiens. Le fait majeur de l’époque est l’intégration de
l’Europe centrale et orientale dans le bloc soviétique.
Avec la disparition de l’URSS, les pays de l’Europe centrale et orientale ont retrouvé leur
pleine souveraineté et ont manifesté leur volonté de rejoindre l’Union européenne et l’OTAN.
Mais on a assisté à l’apparition de nouvelles frontières avec l’implosion de deux pays, nés
après 1918, la Tchécoslovaquie et la Yougoslavie. Dans le premier cas, la séparation s’est
opérée pacifiquement, si bien que l’on a parlé à son sujet du « divorce de velours » (1-11993). Par contre, dans le cas de la Yougoslavie, l’éclatement du pays a donné lieu à des
combats sanglants et s’est accompagné de dramatiques « purifications ethniques ».
Dans tous ces bouleversements, les cours d’eau ont souvent servi de lignes de séparation, qui
ont ensuite été entérinées comme frontières. Ainsi, dans l’ex-Yougoslavie, la Drave et la
Save, affluents du Danube, constituent une partie des frontières des nouveaux États.
Sur le bras nord du delta, l’Ukraine a remplacé l’URSS en tant qu’État riverain du Danube.
Au total, le Danube constitue une frontière d’État sur 1070 km, soit 37% de sa longueur. Le
cas le plus original est l’accès de la Moldavie à la rive gauche du Danube sur à peine 600m.
En effet, quand ce pays est devenu indépendant (27-8-1991), il possédait 340 m de la berge
nord du Danube, au niveau de la confluence du Prut qui forme d’ailleurs sa frontière
occidentale avec la Roumanie. En 1999, dans le cadre d’un échange de territoires, l’Ukraine
lui a cédé 230 m de rive en plus : ce minuscule accès au fleuve permet à la Moldavie de siéger
à la Commission du Danube et elle a même entrepris d’y créer un port fluvial.
Bien sûr, le Danube sert aussi à limiter un certain nombre de subdivisions territoriales des
divers États traversés. On peut donner l’exemple d’Ulm en Allemagne : si la ville, située sur
la rive gauche du fleuve, appartient au Bade-Wurtemberg, Neu-Ulm, son extension sur la rive
droite, relève de la Bavière.
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2.2 - Le franchissement du Danube : ponts et bacs
Le franchissement du Danube est un problème de plus en plus complexe à mesure que le
fleuve s’élargit, car il faut réaliser des ouvrages de plus en plus vastes et donc plus coûteux.
Les deux systèmes de franchissement, bacs et ponts, coexistent. Le système des bacs permet
d’établir facilement des liaisons entre les deux rives, mais il n’autorise que des flux limités.
Dans le passé, on a utilisé des ponts de bateaux et on a parfois encore recours à cette
technique : ainsi, après la destruction du pont de Novi Sad (Voïvodine, Serbie) par les avions
de l’OTAN, en 1999, un pont de bateaux a été mis en place pour franchir le Danube, avant la
construction d’un nouvel ouvrage en 2005 (Pont de la Liberté). Évidemment, ce pont de
bateaux entravait la navigation et il fallait l’ouvrir régulièrement pour laisser passer les
péniches.
On peut mieux mesurer l’obstacle que le Danube représente pour la vie de relations, en
signalant que sur les 472 km, où le fleuve constitue la frontière entre la Bulgarie et la
Roumanie, il n’existe qu’un seul pont entre les deux pays. Un pont routier et ferroviaire relie
les deux villes de Ruse et Giurgiu (au km 489) : d’une longueur totale de 2800 m, construit
avec l’aide de l’Union Soviétique, il a été inauguré en 1954, sous le nom de « Pont de
l’Amitié » ; maintenant, on le dénomme simplement « pont du Danube ». Un second pont,
également routier et ferroviaire, est en cours de réalisation et devrait entrer en service en 2011
entre Vidin et Calafat (au km 796), soit à quelque 300 km en amont de l’ouvrage précédent…
Au cours de notre voyage, nous aurons l’occasion de voir ou d’entendre les trois mots
« Brücke », « Most » et « Hid » qui désignent respectivement en allemand, slovaque et
hongrois le « pont ». Ainsi, Budapest est célèbre pour le pont des chaînes (Lánchíd), qui fut,
en 1849, le premier pont permanent de la ville.
Certains ouvrages transfrontaliers portent parfois le même nom dans deux langues : ainsi, le
pont Marie Valérie qui relie Esztergom (Hongrie) et Sturovo (Slovaquie) s’appelle Maria
Valéria hid pour les Hongrois et Most Marie Valérie pour les Slovaques. Cet ouvrage illustre
un siècle d’histoire agitée : inauguré en 1895, il porte le nom d’une des filles de l’empereur
François-Joseph et de l’impératrice Elisabeth. Il a été détruit deux fois : après une première
destruction en 1919, il a été totalement rénové en 1926. En décembre 1944, les Allemands en
retraite l’ont fait sauter et il n’a été reconstruit qu’en 2001, avec l’aide de l’UE, en vue de
l’adhésion des deux pays dans l’UE.
2.3 - La navigation et les grands aménagements hydrauliques
Si la navigation sur la Danube est ancienne, elle a longtemps été limitée à des parcours
réduits, en raison d’entraves diverses : bancs de sable, passages périlleux, péages, frontières,
etc. Néanmoins, la fleuve facilitait le ravitaillement des villes en céréales et surtout en bois
par flottage et par radeaux.
Le XIXème siècle marque un tournant essentiel pour la navigation sur le Danube : tout d’abord,
en 1815, le Congrès de Vienne lui donne le statut de fleuve international ; puis, on assiste à
l’essor de la navigation à vapeur qui facilite la remonte ; enfin, des travaux sont entrepris pour
entretenir un chenal navigable.
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Pour la première fois, en 1830, un vapeur a relié Vienne à Budapest (14h15 à la descente et
48h20 à la remontée, pour quelque 280 km) ; la ligne a ensuite été prolongée en aval jusque
Zemun (à la confluence Danube-Save) et en amont jusque Linz. Elle était assurée par la
Donaudampfschiffahrtsgesellschaft (DDSG), compagnie autrichienne constituée en 1829 avec
une participation anglaise. Bien que d’autres compagnies aient été créées, la DDSG domine la
navigation danubienne jusqu’en 1914, d’autant qu’elle avait racheté certains concurrents. En
1914, elle possède 140 vapeurs et 850 chalands et transporte 2 millions de passagers et plus de
2 millions de tonnes de marchandises par an.
La seconde moitié du XXème siècle voit la réalisation de grands ouvrages pour faciliter la
navigation sur le Danube tout en utilisant les barrages construits pour produire de l’énergie
électrique. Il s’agit notamment du barrage des Portes de Fer et celui de Gabčikovo ; mais si le
premier est un exemple d’entente réussie entre la Yougoslavie et la Roumanie, le second
révèle l’ampleur de l’antagonisme slovaquo-hongrois.
Le barrage des Portes de Fer a été construit, de 1964 à 1972, par les deux États yougoslave et
roumain et est exploité en commun. L’usine hydroélectrique a une capacité de 2040 MW et la
navigation est régulée par deux écluses, une sur chaque rive. Le niveau du Danube a été
relevé de 35 m et la retenue ainsi formée atteint 150 km de long. Le barrage constitue aussi un
des plus importants points de passage de la frontière entre les deux pays. De part et d’autre,
deux parcs naturels ont été réalisés : sur la rive droite, le parc national de Djerdap (le nom
serbe du défilé du Danube) a vu le jour en 1974 et couvre 63 600 ha ; sur la rive gauche, le
parc naturel des Portes de Fer (« Porţile de Fier » en roumain) est plus récent (2001) et
s’étend sur 128 200 ha.
Un deuxième barrage, dénommé Portes de Fer II, a été réalisé, de 1977 à 1984, par les deux
pays, à 80 km en aval du premier ouvrage, pour produire de l’électricité.
Le projet Gabčikovo-Nagymaros a été conçu dans le cadre du CAEM (Conseil d’Assistance
Économique Mutuel), sous l’égide de l’URSS qui voulait permettre la remontée du Danube
par des convois poussés de 8000 t et des automoteurs de 5000 tpl jusque Bratislava. Dans
cette optique, un accord a été signé en 1977 entre la Tchécoslovaquie et la Hongrie prévoyant
la dérivation du Danube vers un barrage à Gabčikovo en Tchécoslovaquie et la réalisation
d’une centrale à Nagymaros en Hongrie. Alors que l’ouvrage de dérivation était largement
entamé, les Hongrois ont dénoncé l’accord en 1989 ; en effet, le projet s’est heurté à des
problèmes de financement et à la contestation d’écologistes hongrois. Ceux-ci reprochaient au
canal de dérivation de priver le Danube de la majeure partie de ses eaux, ce qui a pour effet
d’assécher les zones humides bordant le fleuve et d’altérer les forêts alluviales du fond de la
vallée. Devenue indépendante, la Slovaquie a poursuivi les travaux et mis en service le
barrage de Gabčikovo. Mais, en plus des arguments écologiques, les Hongrois reprochent au
canal de dérivation de constituer une barrière supplémentaire les séparant de la forte minorité
magyare résidant sur la rive gauche du fleuve, en Slovaquie.
D’une longueur de 64 km, le canal Danube-Mer Noire, construit par les Roumains entre
Cernavoda et le port de Constantsa, a été mis en service en 1984 : il raccourcit sensiblement le
trajet vers la mer Noire. Il est accessible aux navires de mer de 5000 tpl et aux barges
fluviales de 3000 t qui peuvent être regroupées par six, soit une capacité totale de transport de
18000 t.
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Achevé en 1992, le canal Rhin-Main-Danube (171 km) permet aux automoteurs de 1350 t et
aux convois poussés de 3000 t de relier directement Rotterdam à Constantsa, c’est-à-dire la
mer du Nord à la mer Noire.
Malgré tous ces travaux, le transport de marchandises sur le Danube reste à un niveau
modeste et loin des trafics enregistrés dans les années 1980 : 41,5 millions de tonnes en 2004
contre 90,3 en 1980. Par contre, le transport de passagers connaît un vif succès qu’il s’agisse
de courtes excursions ou de croisières sur le fleuve.
III- le Danube, fleuve des capitales
Quatre capitales d’État se situent sur le Danube : de l’amont vers l’aval, Vienne, Bratislava,
Budapest et Belgrade. Elles concrétisent l’appartenance du bassin Danubien à quatre grandes
aires culturelles : les mondes germanique, magyar, slave du nord et slave du sud.
D’autres capitales ont été édifiées sur les bords d’affluents ou de sous-affluents du Danube :
Bucarest (aire culturelle roumaine), Sofia, Zagreb, Ljubljana, Sarajevo ainsi que Munich.
3.1 - Vienne : de la capitale impériale à la métropole européenne
Vienne se situe sur la rive droite du Danube, au niveau de la confluence d’une petite rivière, la
Wien, qui a donné son nom à la ville. Elle est bâtie au pied des derniers contreforts des Alpes
(hauteurs du Kahlenberg, 542 m), à la croisée de deux grands axes de circulation : celui qui
suit la vallée du Danube et celui qui vient du sud (Graz et au-delà de la Slovénie ou de l’Italie)
et se poursuit vers le nord, notamment par la vallée de la Morava.
Capitale des Habsbourg, qui furent à la tête du Saint Empire Romain Germanique (de 1440 à
1804), puis de l’Empire d’Autriche (1804-1867) et de l’Empire d’Autriche-Hongrie (18671918), la ville a hérité de ce passé prestigieux, un capital architectural particulièrement riche.
Elle s’est retrouvée excentrée dans le cadre de l’Autriche réduite à sa composante
germanophone par le traité de Saint-Germain (10-9-1919). Annexée par l’Allemagne nazie en
1938, l’Autriche se retrouve dans le camp des vaincus en 1945, mais est considérée comme
« victime » des ambitions de son voisin. Occupée jusqu’en 1955, elle retrouve alors sa
souveraineté et opte pour le statut « d’État neutre ». Vienne en profite pour accueillir des
Institutions internationales, mais l’existence du « Rideau de fer » nuit à la reprise de relations
économiques avec ses proches voisins.
L’extension vers l’est de l’Union européenne, que l’Autriche a intégrée en 1995 en
abandonnant sa neutralité, redonne à Vienne sa position stratégique d’antan, au contact de
l’Europe occidentale et l’Europe orientale.
L’évolution démographique de Vienne atteste les vicissitudes de son passé : elle a connu une
forte croissance au XIXème siècle, passant de 470 000 habitants en 1840 à 1,8 million en 1900
(et un maximum de 2,2 million en 1916). Elle enregistre une véritable explosion urbaine,
connue sous le nom d’époque des Fondateurs (Gründerzeit) ; en effet, affluent alors des
populations venant de tout l’Empire : ouvriers, artisans du bâtiment, militaires, fonctionnaires,
étudiants, etc. Ils valent à la capitale la réputation d’une ville cosmopolite, à la vie culturelle
particulièrement active et brillante, notamment dans le domaine musical. La disparition de
l’Empire laisse la ville « orpheline », sa population décline tout au long du XXème siècle et
finit par tomber à 1,5 million d’habitants en 1980. Toutefois, une certaine reprise se manifeste
depuis lors et Vienne compte, en 2008, 1,7 million d’habitants, soit 20% de la population
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autrichienne : elle connaît aussi une nouvelle immigration composée, pour l’essentiel, de
travailleurs turcs ou balkaniques, de réfugiés de l’ex-Yougoslavie et divers pays plus
lointains.
Le cœur de la cité, ceinturé par le Ring (« anneau » en allemand), boulevard construit à
l’emplacement des anciens remparts, rassemble les lieux emblématiques du pouvoir passé et
présent : le palais impérial (la Hofburg), l’hôtel de ville (Rathaus), le parlement, le théâtre, le
musée, l’opéra, l’université et les grandes banques. Le centre historique a été classé au
patrimoine mondial de l’Unesco en 2001. A 5 km au sud, le parc et le palais d’été de
Schönbrunn sont maintenant inclus dans le tissu urbain, de même que le château du Belvédère
construit, à l’est, par le Prince Eugène au début du XVIIIème siècle.
Vienne concentre une bonne partie de l’activité économique de l’Autriche : elle est, à la fois,
le grand centre industriel du pays et une métropole tertiaire qui accueille non seulement des
établissements autrichiens, mais aussi de grandes multinationales qui ont choisi d’y localiser
leur quartier général pour l’Europe centrale et orientale : Heineken, Coca Cola, Mac Donald,
Nestlé, Alcatel, Siemens, IBM, etc. En jouant de sa neutralité, Vienne avait déjà accueilli de
grandes organisations internationales : le siège de l’OPEP (1965), l’Organisation pour la
Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE), des Services des Nations-Unies, dont l’Agence
Internationale de l’Énergie Atomique (construction de l’UNO City, 1973-79, au nord du
Danube).
3.2 - Budapest : la métropole pannonienne
Avec une population avoisinant 1,7 million d'habitants (2,5 millions pour l’aire urbaine et 10
millions pour la Hongrie), soit près de 20% de la population hongroise, Budapest est la seule
grande ville du pays, depuis la disparition de l'Empire austro-hongrois en 1918.
Pour Claudio Magris, Budapest constitue « la plus belle ville du Danube » : en effet, elle est
la seule grande agglomération à s’épanouir sur les deux rives du fleuve. D’une largeur
moyenne de 400 m, le Danube traverse l'agglomération sur près de 25 km. A l'ouest, la ville
haute de Buda regroupe les quartiers prestigieux avec notamment la citadelle et le palais
royal ; à l'est, la ville basse de Pest s’étale dans la plaine, avec le centre moderne de la cité et
les faubourgs qui se développent maintenant vers le sud.
Si les Romains avaient installé une place forte (Aquincum), sur la rive droite du Danube près
d'un gué, la ville de Budapest n’est officiellement apparue qu’en 1873, avec la réunion des
trois communes entrées en coalescence : Obuda (nord), Buda (ouest) et Pest (est), peu après le
compromis de 1867 qui avait fait de Buda la capitale hongroise. La ville connaît une
croissance rapide à la fin du XIXème siècle (Cf. de 270 000 h en 1867, à 730 000 h en 1900 et
un million en 1912). Des avenues et des boulevards sont tracés, des grands monuments et
édifices publics sont réalisés (Parlement, musées, monument du millénaire élevé en 1896 pour
célébrer l'arrivée des tribus hongroises en Pannonie mille ans plus tôt) ; un réseau de
transports publics est construit (dont une ligne de métro en 1896, qui est longtemps restée la
seule). Mais la construction est souvent hâtive et de nombreux immeubles, qui ont mal vieilli,
ont grand besoin d'une rénovation... L'essor économique et en particulier l'industrialisation a
attiré une population ouvrière, logée dans des appartements modestes du centre et des
premiers faubourgs.
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Dans l'Entre-Deux-Guerres, Budapest connaît une crise économique, liée à la disparition des
marchés de l'Empire. Le siège de 1944-1945 provoque de nombreuses destructions, de même
que l'insurrection de 1956. Malgré la politique du gouvernement communiste pour limiter la
croissance de la capitale et favoriser le développement des autres villes, la population de
Budapest augmente passant de 1,6 million d'habitants en 1949 à 2 millions d'habitants en
1970. Pour faire face au manque crucial de logements et d'équipements, le gouvernement
entreprend alors la réalisation de grands ensembles en banlieue ainsi que des centres
commerciaux. Cependant, depuis les années 1990, la ville a perdu de sa population au profit
des banlieues et de la couronne périurbaine.
Budapest a dû gérer l'héritage communiste et privatiser une bonne partie de son parc de
logements. Mais cette opération s’est accompagnée de phénomènes spéculatifs, provoquant le
départ des populations les plus défavorisées.
Les déséquilibres entre Budapest et le reste du pays subsistent et ont même tendance à
s’accentuer ; il est d’ailleurs tentant de parler de « Budapest et le désert hongrois » :
- le taux de chômage y est plus bas et le PIB par habitant plus élevé (près de 2 fois la moyenne
nationale) ;
- la capitale et sa région ont recueilli près de la moitié des investissements étrangers ;
- elle concentre les industries à haute valeur ajoutée et, de plus, l'essor du tertiaire a permis de
compenser la disparition des certains emplois industriels ;
- elle regroupe 45% des étudiants du pays ;
- elle possède le seul aéroport international du pays (8,4 millions de passagers en 2008) et
constitue le principal centre touristique hongrois, avec ses monuments et musées ainsi que ses
établissements thermaux.
3.3 - Bratislava : une capitale récente pour la Slovaquie… mais qui le fut pour la Hongrie
Bratislava est la capitale de la Slovaquie depuis 1993. Mais, par suite d’un passé complexe, la
ville a pendant longtemps été capitale de la Hongrie sous domination des Habsbourg, quand
Buda était occupée par les Turcs et même après la reconquête de cette ville (Bratislava a été
capitale de la « Hongrie royale » de 1536 à 1874).
La ville n’a pris le nom de Bratislava qu’en mars 1919. Jusque-là, elle portait le nom slovaque
de Prešporok ; mais, pour les Autrichiens, elle s’appelait Preßburg et pour les Hongrois, il
s’agissait de Pozsony, nom que lui donnent toujours les membres de la minorité hongroise de
Slovaquie (10% des Slovaques sont d’origine hongroise). Après la victoire d’Austerlitz,
Napoléon 1er a signé le traité de paix de Presbourg (26 déc. 1805) avec l’Autriche. Deux
monuments sont emblématiques de ce passé prestigieux : d’une part, le château, ancienne
citadelle autrichienne, bâti sur une hauteur, qui domine le Danube et la vieille ville ; d’autre
part, la cathédrale Saint-Martin qui fut le lieu du couronnement de 19 rois et reines de
Hongrie (de 1563 à 1830). Un second château en ruines (détruit par les Français en 1809)
surplombe la confluence Danube-Morava, à Devin.
Bratislava occupe un site stratégique : construite au pied de la retombée des Petites Carpates,
elle contrôle la route qui suit la rive gauche du Danube et celle qui vient du nord, en longeant
la vallée de la Morava. A ces atouts, elle ajoute le site de pont sur le Danube, d’autant qu’à ce
niveau la Slovaquie possède une petite partie de la rive droite. Mais, dans le cadre national,
Bratislava est totalement excentrée. La proximité de Vienne, distante d’une cinquantaine de
10
km, est à la fois un atout et un handicap : atout parce que la capitale slovaque offre des
prestations moins onéreuses que sa voisine ; handicap car Vienne bénéficie d’une renommée
supérieure.
Avec 460 000 habitants, Bratislava fait figure de ville moyenne (la population du pays étant
de 5,5 millions d’habitants). Elle a dû gérer le passage de l’économie socialiste à l’économie
libérale, tout en se dotant des infrastructures nécessaires à son rôle de capitale de la Slovaquie.
Elle a concentré la moitié des investissements étrangers dans le pays, qui se sont dirigés vers
le secteur industriel, attirés par une main-d’œuvre bon marché et bien formée, et dans le
secteur tertiaire, avec la multiplication d’immeubles de bureaux et d’hôtels à Bratislava et
dans son agglomération.
L’un des gros problèmes de la capitale slovaque est la rénovation de son parc immobilier et en
particulier du vaste quartier de Petrzalka, construit dans les années 1972-1985, pour ancrer au
pays le petit lambeau de territoire slovaque situé sur la rive droite du Danube. Petrzalaka est
particulièrement représentatif des grands ensembles monotones générés par l’urbanisme des
pays socialistes, avec de larges avenues desservant de grandes tours et de longues barres
d’immeubles. La création d’une zone franche à proximité est censée facilitée l’opération en
créant des emplois.
Conclusion
Bien que très incomplet, cet exposé constitue une première approche d’une Europe
danubienne complexe : en effet, si le fleuve apparaît comme l’élément d’unité, force est de
reconnaître qu’il traverse des régions extrêmement variées, au développement très inégal et
qu’il faudra certainement beaucoup de temps pour réduire les disparités et, dans certains cas,
apaiser les tensions nées d’une histoire mouvementée.
Autant l’Europe rhénane constitue une réalité tangible, avec des espaces aux économies
relativement homogènes et baignant dans une culture commune qui n’exclut pas cependant les
particularismes, autant l’Europe danubienne est un espace à construire, à structurer autour de
projets qui doivent se définir entre les divers États concernés, dans le cadre de l’Union
européenne ; en effet, son passé est trop fragmenté et conflictuel pour fournir un élément
d’unité et, en ce sens, les références à une harmonie qui aurait pu exister à l’époque de la
double monarchie austro-hongroise semblent bien relever plus de l’utopie que de la vérité
historique.
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