Un humaniste au paradis

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Dégustation
Hommage à Romain Lignier
Un humaniste
au paradis
À la suite de son père Hubert, Romain Lignier
avait repris le domaine familial dans la fluidité
en 1996. Il nous a quittés lors de l’été 2004, en nous
laissant ce que la Bourgogne peut donner de mieux
avec le millésime 2002.
Repères
Domaine de 8,29 ha
Vins rouges
AOC régionales : 1,21 ha
Gevrey-chambertin : 1 ha
Morey-saint-denis : 2 ha
Chambolle-musigny : 49,3 a
Morey-saint-denis premier cru les Chaffots : 62 a
Morey-saint-denis premier cru la Riotte : 15 a
Morey-saint-denis premier cru vieilles vignes : 55 a
(les Faconnières et les Chenevery)
Chambolle-musigny premier cru les Baudes :
17,1 a
Charmes-chambertin grand cru : 8,4 a
Clos de la roche grand cru : 1 ha
Vins blancs
Bourgogne aligoté : 58,6 a
Fixin : 23,9 a
Commercialisation : 80% à l’exportation
25, grande rue
21220 Morey-Saint-Denis
Tél. 03 80 51 87 40
52 • Bourgogne Aujourd’hui 69
D
ans la jeune génération
des vignerons bourguignons, Romain Lignier avait
une place bien particulière ;
au sommet de son art, il ne
se prenait pas pour une star. À la suite de
son père Hubert, il était un orfèvre de la
vinification et savait que le travail à
la vigne était incontournable pour élaborer
de grands vins. Il avait appris les exigences
de la qualité qui nécessite une rigueur à
chaque étape. Cela ne l’empêchait pas de
recevoir en stage des jeunes en difficulté ni
d’avoir, au quotidien, les rapports les plus
simples avec les autres. Ses loisirs se partageaient entre la musique et le sport ; avec
son frère Laurent, il faisait des compétitions
de cyclisme puis de tandem avec des sportifs
non-voyants dans le cadre de Handisport.
Après ses années de lycée au lycée viticole
de Beaune, Romain s’est exercé aux vinifications avec le millésime 1990 ; il a ensuite
fait son service militaire en 1991 dont il a
été libéré pour les vendanges. Son apprentissage s’est fait en grande partie dans le
vignoble familial où il a commencé à travailler à plein temps à partir de l’été 1992
pour en prendre la gérance en 1996. Il a
apporté en douceur une transformation de
la taille avec un passage progressif à la taille
en cordon de Royat qui concerne aujourd’hui la moitié des vignes du domaine. Il est
très rare de voir une telle continuité entre
un père et son fils et une telle régularité
dans la qualité des millésimes.
Marié à Kellen en 2000, il avait deux
enfants, Lucie et Auguste, quand la maladie l’a enlevé en juillet 2004. Dès fin
septembre 2003, Hubert Lignier avait dû,
bien malgré lui, reprendre la charge du
domaine et poursuivre ce qu’il avait transmis à Romain.
Récemment, des dégustations de son
morey-saint-denis premier cru vieilles
vignes et de son chambolle-musigny premier cru les Baudes, millésime 2002, dans
des conditions de dégustation “à l’aveugle”
ont été pour moi de véritables révélations.
C’est avec beaucoup d’émotion que
je pense à ce garçon qui nous a laissé le
meilleur de la Bourgogne. Merci Romain !
Martial Jacquey
Photographies : Lionel Georgeot
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La dégustation
CLOS DE LA ROCHE
2003, 1990… L’histoire commune d’un homme
et d’un terroir en quelques millésimes.
2003 - 18,5 sur 20
1997 - 15
Les dernières vendanges de Romain Lignier…
Robe dense, pourpre. Nez d’une grande douceur
avec un fruité exceptionnel. La bouche est suave à
merveille ; le vin développe force et tonus avec des
tannins à la fois présents et enrobés. On sent la
minéralité en fin de bouche. C’est déjà harmonieux mais cela demande encore à se fondre.
Robe d’un beau rubis avec un disque légèrement
évolué. Le premier nez est animal et la bouche
laisse la sensation d’un vin à maturité, à déguster
sans plus attendre lors d’un repas.
2002 - 19,5
Robe à peine moins dense que la précédente
et plus éclatante. Le nez est encore fermé.
La bouche est fondue, totalement suave avec
beaucoup de fraîcheur ; les arômes sont moins
ouverts que sur le 2003 mais plus racés avec un
fruité très pur. L’harmonie est superbe entre la
minéralité du terroir, racé et profond, et la douceur
du fruité. On est là à un très haut niveau avec un
potentiel de garde énorme. C’est à notre avis la plus
belle réussite de Romain. La grande Bourgogne !
2001 - 18,5
Belle robe soutenue, nez profond mais encore
fermé, un peu strict, c’est le côté minéral qui
domine. En bouche, les tannins sont bien présents, la structure est belle mais plus stricte qu’en
2002, avec des notes épicées. À l’aération se
développent des notes de fruits rouges très fins ;
ce 2001 a donc besoin d’être décanté pour être
pleinement apprécié aujourd’hui. Grand vin de garde !
2000 - 16,5
La robe est un peu moins dense, plus rubis. Le nez
est très ouvert avec apparition de parfums tertiaires, un petit côté viande grillée. La bouche est
développée, assez fondue avec des arômes complexes, du cassis et des notes tertiaires ; le vin est
moins minéral que les précédents. On touche à
une certaine maturité sur un millésime moins concentré que les précédents mais fondu et agréable.
1999 - 18,5
Robe assez dense, presque opaque. Le nez
évoque le cacao ; il est à la fois fermé et très
concentré. La bouche est extrêmement riche, mais
fermée. Le vin s’impose par sa structure mais il a
encore besoin de temps pour se révéler.
Très grand vin de garde.
1996 - 18
Belle robe intense, avec un disque légèrement
brun. Le nez est ouvert, fondu et complexe ;
on sent la race et la finesse. La bouche est soyeuse
avec un gras délicat qui tapisse le palais ; magnifiques arômes d’un grand bourgogne à maturité.
La très grande classe !
1995 - 17
Robe éclatante, d’un beau rubis. Le nez est très
ouvert avec des notes de sous-bois. La bouche est
poivrée mais avec beaucoup de finesse, de fondu ;
ce 95 est plus fluide que l’extraordinaire 96 mais
néanmoins excellent.
1994 - 15,5
Robe déjà un peu évoluée, nez très fondu.
La bouche est élégante, agréable. Pour un millésime dit faible, ce vin conserve une belle tenue.
1993 - 17,5
La robe est soutenue, pourpre-rubis assez dense.
Le nez est riche avec des notes grillées caractéristiques de certains grands pinots noirs à maturité.
La bouche est pleine, soyeuse avec des arômes
complexes très empyreumatiques. C’est le plus beau
1993 que j’ai jamais dégusté, vin de grand plaisir.
1992 - 16
La robe est de densité moyenne, mais étonnante
de fraîcheur. Nez très doux, fondu avec beaucoup
de finesse. La bouche est encore vive, sur la
finesse. Nous sommes sur un millésime de petite
concentration mais c’est très agréable aujourd’hui.
1991 - 18,5
La robe est assez limpide, peu évoluée. Le nez est
très doux, élégant, fondu et racé. La bouche est
suave, complexe avec une texture magnifique, une
superbe complexité aromatique et beaucoup de
longueur. Le duo père-fils nous donne un vin
de grande classe qui procure un vrai bonheur !
1998 - 15
Robe assez dense ; nez de sous-bois et de champignons. La bouche est puissante, assez poivrée
avec des arômes de sous-bois et un style “chaud”
en fin de bouche. Le vin est structuré, mais
manque un peu d’élégance et de fruit.
1990 - 18
Robe dense et tuilée. Le nez exprime de belles
notes grillées, feu de bois sur un fond de cassis.
La bouche est fondue avec une belle texture.
Un millésime “d’apprentissage” pour Romain Lignier.
Du grand art !
Nous avons voulu avec cette verticale rendre
hommage à Romain Lignier sur tous les millésimes auxquels il a participé du 1990, millésime
d’apprentissage, au 2003 qu’il n’a malheureusement pas pu achever. La grande qualité de
ces vins est à la fois de rester sensible et au terroir et aux millésimes mais le style est bien marqué avec des vins charnus et profonds, à la
texture soyeuse et au fruité délicat. La race est
bien présente et la gourmandise est bien au
rendez-vous. Nous avons là une représentation
exceptionnelle de ce qu’est un grand bourgogne
rouge qui allie la puissance, la souplesse et la
présence. Du grand art !
Le Clos de la Roche,
terroir minéral
Comme son nom l’indique c’est l’un des terroirs
de rouges les plus minéraux, donnant parfois
des vins presque austères. Sur ses 15,34 hectares, le domaine Hubert Lignier en possède
1 ha. La caractéristique du Clos de la Roche du
domaine Hubert Lignier est peut-être d’intégrer
la minéralité dans une harmonie générale, où le
fruit garde sa place et la texture son soyeux.
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