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LE JOURNAL ORL Revue d’information scientifique et technique AVRIL 2016 – N°27 NUMÉRO SPÉCIAL FORMATION DU 11 AVRIL 2015 Éditorial Présidée par les Pr Béatrix Barry et Pr Sébastien Albert Service ORL et CCF, Hôpital Bichat AP-HP, Université Paris Diderot, Sorbonne Paris cité > SOMMAIRE p. 2 Épidemiologie des cancers des VADS Dr Joël Depondt Service ORL et CCF, Hôpital Bichat AP-HP, Université Paris Diderot, Sorbonne Paris cité p. 5 HPV et cancers ORL Pr Béatrix Barry Service ORL et CCF, Hôpital Bichat AP-HP, Université Paris Diderot, Sorbonne Paris cité p. 8 Diagnostic et bilan des cancers ORL Dr Caroline Halimi Service ORL et CCF, Hôpital Bichat AP-HP, Université Paris Diderot, Sorbonne Paris cité p. 11 Principes généraux de prise en charge des cancers ORL Pr Béatrix Barry Service ORL et CCF, Hôpital Bichat AP-HP, Université Paris Diderot, Sorbonne Paris cité © decade3d - Fotolia.com Modalités de traitement et Perspectives Place de la chirurgie dans les cancers ORL p. 13 Pr Sébastien Albert Service ORL et CCF, Hôpital Bichat AP-HP, Université Paris Diderot, Sorbonne Paris cité Radiothérapie dans les cancers ORL p. 17 Dr Marc Bollet Centre de radiothérapie Hartmann, Levallois-Perret Chimiothérapies en ORL p. 19 Dr Benoist Chibaudel, oncologue médical Institut Hospitalier Franco-britannique, Levallois-Perret Les traitements de deuxième ligne Réirradiation des cancers ORL p. 21 Pr Sébastien Albert(1), Dr Marc Bollet(2), Dr Benoist Chibaudel(3) Service ORL et CCF, Hôpital Bichat AP-HP, Université Paris Diderot, Sorbonne Paris cité Centre de radiothérapie Hartmann, Levallois-Perret Institut Hospitalier Franco-britannique, Levallois-Perret (1) (2) (3) Séquelles des traitements en cancérologie ORL p. 24 Pr Sébastien Albert Service ORL et CCF, Hôpital Bichat AP-HP, Université Paris Diderot, Sorbonne Paris cité p. 28 Surveillance post-thérapeutique des carcinomes épidermoïdes des voies aérodigestives supérieures de l’adulte Dr Jean-Pierre Cristofari Service ORL et CCF, Hôpital Bichat AP-HP, Université Paris Diderot, Sorbonne Paris cité Nouvelle rubrique Expertise ORL et médico-légale p. 31 Me Caroline Kamkar Docteur en Droit, avocat au barreau de Lille Quoi de neuf en ORL ? p. 33 Dr Isabelle de Gaudemar Phnom Penh, Cambodge p. 36 Un peu de divertissement : Les mots croisés des cancers des VADS Pr Bruno Frachet Service ORL, Hôpital Rothschild, Paris Les carcinomes épidermoïdes des VADS : modalités de traitement en 2015 Le terme de cancers des voies aérodigestives supérieures est un raccourci qui recouvre une réalité protéiforme, que ce soit en termes de localisation, de terrain et de prise en charge. La diminution de la consommation d’alcool et de tabac dans la population masculine et l’augmentation du tabagisme féminin fait apparaître une population féminine qui compte maintenant pour environ 20 % des patients. Le nombre de cancers du larynx et de la cavité buccale et du pharynx ont diminué alors que, probablement par le rôle croissant des tumeurs liées au Papillomavirus, les cancers de l’oropharynx augmentent dans une population plus jeune. Nous assistons également à une période de grands changements avec un essor des techniques chirurgicales moins invasives et de la reconstruction. Les traitements médicaux sont à la fois moins agressifs et plus efficaces avec les progrès des techniques de radiothérapie, une augmentation de la place de la chimiothérapie et des thérapies ciblées et bientôt de l’immunothérapie. Ce numéro du Journal ORL est le fruit de la collaboration de chirurgiens, de radiothérapeutes et d’oncologues médicaux dans le but de dresser un état des lieux de la prise en charge actuelle de ces cancers et des perspectives de traitement. Professeur Béatrix Barry Épidemiologie des cancers des VADS Dr Joël Depondt Service ORL et CCF, Hôpital Bichat AP-HP, Université Paris Diderot, Sorbonne Paris cité Présentation rapportée par le Dr Marion Antoni Les cancers des VADS comprennent, selon l’Institut national du cancer, les cancers du larynx et les cancers des lèvres, de la bouche et du pharynx (LBP). Ne seront pas traités dans ce chapitre les cancers des fosses nasales et du cavum, ainsi que les cancers des glandes salivaires. Les cancers des VADS, toutes localisations confondues, représentent 4,1% de l’ensemble des cancers. En 2012, on estimait à 14 638 le nombre de nouveaux cas de cancers des VADS –dont les trois quarts chez l'homme– et à 4 098 le nombre des décès, là encore en grande partie (80 %) chez les patients de sexe masculin. Tumeurs de la cavité buccale, de l’oropharynx et de l’hypopharynx Incidence Avec environ 11 316 nouveaux cas estimés en France, en 2012, dont 71 % survenant chez l’homme, les cancers de la lèvre, de la cavité orale et du pharynx se situent au 8e rang des cancers solides les plus fréquents (hors « hématologies malignes »), tous sexes confondus, et représentent 3,2 % de l’ensemble des cancers incidents. Les cancers de de la lèvre, de la bouche et du pharynx (LBP) se situent chez l’homme au 5e rang des cancers incidents masculins, avec 8 033 nouveaux cas estimés en 2012, et représentent 4 % des cancers masculins. Chez la femme, ce cancer se place au 10e rang, avec 3 283 cas estimés en 2012, soit 2,1 % des cancers féminins. Le taux d’incidence (standardisé monde) en 2012 est estimé à 16,1 pour 100 000 personnes-années chez l’homme et à 5,6 pour 100 000 chez la femme, soit un taux féminin presque trois fois moins élevé. La survenue de ces cancers est tardive chez les hommes comme chez les femmes : près de 9 nouveaux cas sur 10 sont diagnostiqués chez les 50 ans et plus. L’âge médian au diagnostic pour 2012 est estimé à 61 ans chez l’homme et à 63 ans chez la femme. 2 Figure 1 : Évolution de l’incidence et de la mortalité (taux standardisé monde estimé) des cancers des lèvres, de la cavité buccale et du pharynx entre 1980 et 2012. (source : Les cancers en France 2014, Institut national du cancer) Figure 2 : Taux standardisé à la population mondiale d’incidence des cancers lèvre, cavité orale et pharynx à l’échelle départementale en France métropolitaine selon le sexe en 2008-2010. (Source : Institut national du cancer) L’incidence de ces cancers a fortement diminué chez l’homme depuis 1980. Cette tendance s’est accentuée après 2005. Chez la femme, l’incidence est, elle, en augmentation. Variabilité régionale Les taux d’incidence les plus élevés sont observés dans le Nord et l’Ouest de la France (Nord-Pas-de-Calais, Haute-Normandie, Bretagne, Picardie), alors que les régions Midi-Pyrénées et l’Aquitaine enregistrent des taux inférieurs à la moyenne nationale. Mortalité Avec 3 192 décès estimés en 2012, dont 77 % survenant chez l’homme, les cancers de la LBP se situent au 11e rang des décès par cancer, tous sexes confondus, et représentent 2,1 % de l’ensemble des décès par cancer. Chez l’homme, ils se situent au 7e rang des décès par cancers masculins, avec 2465 décès estimés en 2012, et représentent 2,9 % des décès par cancers masculins. Chez la femme, ils se placent au 12e rang, avec 727 décès estimés en 2012, soit 1,2 % des décès par cancers féminins. Les taux de mortalité (standardisé monde) par ces cancers sont estimés en 2012 à 4,7 pour 100 000 chez l’homme et 1,0 sur 100 000 chez la femme, soit un taux féminin près de cinq fois moins élevé. L’âge médian au décès en 2012 est de 63 ans chez les hommes et 68 ans chez les femmes. Chez l’homme, le taux de mortalité (standardisé monde) liée aux cancers de la lèvre, de la bouche et du pharynx a considérablement diminué entre 1980 et 2012, passant de 15,9 à 4,7 pour 100 000, soit une baisse de 70 %. Chez la femme, le taux de mortalité (standardisé monde) a légèrement diminué passant de 1,2 à 1,0 pour 100 000. Les évolutions favorables de l’incidence et de la mortalité par cancers de la lèvre, de la cavité orale et du pharynx, chez l’homme, sont en grande partie expliquées par la baisse de la consommation d’alcool observée en France depuis le début des années 1960. Dans une moindre mesure, cette baisse serait attribuée à la baisse de la consommation de tabac chez l’homme. Chez la femme, l’augmentation de l’incidence est liée à l’augmentation de la consommation de tabac, plus récente que chez l’homme. 3 Tumeurs du larynx Les chiffres du cancer du larynx sont superposables, pour certains, aux chiffres des tumeurs bucco-pharyngées. L’âge au diagnostic est sensiblement égal à celui des tumeurs bucco-pharyngées, et il est plus souvent diagnostiqué chez les hommes que chez les femmes. Néanmoins, en termes d’incidence et de mortalité, le cancer du larynx est aujourd’hui moins fréquent, et surtout moins meurtrier. Le taux d’incidence standardisé monde, chez l’homme, est passé de 14,2 cas/100000 en 1980 à 5,4 cas en 2012. Par contre, chez la femme, l’incidence a tendance à augmenter sur la même période, passant de 0,6/100000 à 0,9/100000. Le taux de mortalité est moindre que pour le reste des cancers des VADS, avec un taux standardisé monde de 1,5/100000 chez l’homme et 0,2/100000 chez la femme. Mortalité Chez l’homme, le taux de mortalité (standardisé monde) par cancer du larynx a très fortement baissé entre 1980 et 2012, passant de 11,4 à 1,4 pour 100 000, soit une baisse de 88 %. Chez la femme, le taux de mortalité, nettement inférieur au taux masculin, s’est réduit de moitié entre 1980 et 2012, passant de 0,4 à 0,2 pour 100 000. Facteurs étiologiques Tabac La relation tabac-cancer est aujourd’hui bien établie concernant les cancers des VADS. Les personnes souffrant d’un cancer des VADS « classique » (c’est-à-dire dans un contexte d’intoxication alcoolo-tabagique) sont en général de gros fumeurs, avec une consommation supérieure à 20 paquetsannées. Le risque de développer un cancer des VADS augmente avec la durée et l’intensité du tabagisme. Outre la consommation et l’ancienneté du tabagisme, d’autres éléments tels que l’inhalation de la fumée, la longueur du mégot… entrent en jeu. Les mécanismes de carcinogénèse du tabac sont multiples : en raison de brûlure chronique et en raison de ses composants carcinogènes (hydrocarbures aromatiques polycycliques) véhiculés par la fumée ou dissous dans la salive. Néanmoins, tous les fumeurs ne développent pas de cancers des VADS ; le métabolisme des substances carcinogènes est sous le contrôle de mécanismes enzymatiques avec des variabilités individuelles. Le tabac à chiquer ou à priser est moins toxique mais peut entraîner des cancers de la cavité buccale ou de la face interne de joue. Alcool Figure 3 : Évolution de l’incidence et de la mortalité du cancer du larynx de 1980 à 2012 selon le sexe. (source : Institut national du cancer) 4 L’alcool seul, à la différence du tabac, ne provoque pas de cancers chez l’animal. HPV et cancers ORL Pr Béatrix Barry Service ORL et CCF, Hôpital Bichat AP-HP, Université Paris Diderot, Sorbonne Paris cité Présentation rapportée par le Dr Marion Antoni Les virus HPV (ou Papilloma Virus Humain) sont des virus à ADN, de la famille des papillomavirida, qui comportent plus de130 sérotypes et ont un tropisme pour les épithéliums malpighiens. 85 % des êtres humains ont, à un moment ou à un autre, un contact avec l’HPV. On distingue 3 grands groupes : • les types muqueux et génitaux à potentiel cancérigène élevé : HPV-16 et 18 principalement, mais également 31, 33. • les types muqueux à faible potentiel cancérigène, qui sont responsables des papillomes et condylomes acuminés ano-génitaux : HPV-6, 11. • les types cutanés : HPV-1, 2, 3, 10…, responsables de verrues banales. Les lésions bénignes de la sphère ORL se présentent sous forme de papillome, au niveau de la cavité buccale, de l’oropharynx, avec un aspect bourgeonnant « framboisé », souple à la palpation. Le potentiel dégénératif de ces lésions bénignes est mal connu. Il semble néanmoins raisonnable de proposer leur exérèse. À part, la papillomatose laryngée où le risque de dégénérescence maligne est connu et doit inciter à des biopsies régulières. Figure 2 : Papillome de l’amygdale droite. Figure 1 : Conséquences cliniques de l’infection à HPV selon leur type (LR : low risk, HR : high risk). Les lésions papillomateuses malignes se présentent sous une forme similaire, mais avec une destruction des structures environnantes. La palpation objective une lésion infiltrante, indurée, saignant au contact. Méthodes de détection de l’HPV dans les tumeurs Dans les cas de cancers oropharyngés « HPV positifs », HPV-16 et 18 sont retrouvés dans 80 % des cas. Les virus HPV peuvent infecter tous les épithéliums malpighiens et toutes les muqueuses. Les conséquences de l’infection sont la plupart du temps transitoires et sans réelle traduction clinique. Cependant, certains individus, pour des raisons encore mal comprises, développent des lésions bénignes (condylomes, papillomatose laryngée) ou malignes. Il existe de nombreux moyens de détection, dont les plus courants sont la PCR (polymerase chain reaction) et la recherche de la protéine p16 par immunohistochimie. La PCR semble être le meilleur moyen de détecter l’HPV dans les tumeurs ORL mais, en pratique courante, c’est la recherche de p16 qui est fréquemment réalisée. Celle-ci est rapide, très sensible, mais peu spécifique, et environ 10% des tumeurs p16 positives ne sont pas en rapport avec l’HPV. 5 HPV+ HPV- Site anatomique oropharynx Tous sites Histologie Non kératinisant Peu différencié Basaloïdes Kératinisant Bien différencié Sex ratio 3/1 homme 3/1 homme Facteurs de risque Habitudes sexuelles Tabac/alcool Age 45-55 55-65 PS Statut socio économique Bon Bon Moyen ADP Kystiques Volumineuse Tissulaires Taille variable Figure 3 : Comparaison des caractéristiques cliniques et histologiques entre tumeurs HPV+ et HPV-. A Les facteurs de risques 1- Le portage oropharyngé de l’HPV concerne, d’après une méta-analyse portant sur 18 études et 4581 patients sains, 4,5% des individus, en considérant tous les types d’HPV. Le portage d’un HPV oncogénique est de 3,5% et celui de l’HPV 16 est de 1,3%. Ce taux de portage est identique pour les 2 sexes (1). L’infection par l’HPV est transitoire, et dure en moyenne 7 mois (2). Le taux de portage de l’HPV chez les partenaires des patients ayant un cancer ORL HPV+ est identique à celui de la population générale (3). 2- D’après une étude américaine réalisée en 2012, les facteurs de risque identifiés comme favorisant le portage d’HPV sont le sexe masculin, le tabagisme, ainsi que le nombre élevé de partenaires sexuels (4). Ainsi, les cancers ORL HPV+ apparaissent comme une maladie sexuellement transmissible. 3- Les pratiques sexuelles semblent avoir un rôle important dans l’infection à HPV, puisque des relations précoces, un nombre élevé de partenaires sexuels et les rapports oro-génitaux augmentent le risque de cancers ORL HPV+. Les femmes ayant un antécédent de cancer in situ du col utérin, ainsi que leur partenaire, ont également un risque accru de développer un cancer ORL HPV+. Les porteurs d’HPV au niveau de l’oropharynx ont un risque 32 fois plus élevé de développer un cancer HPV+. Ce risque augmente en cas d’alcoolo-tabagisme associé (5). B Épidémiologie des cancers des VADS « HPV+ » Globalement, le nombre de cancers du larynx a tendance 6 à diminuer, et celui des cancers de l’oropharynx à augmenter. Chez la femme, l’augmentation de l’incidence des cancers ORL est due en partie à l’augmentation du tabagisme, plus récente que chez l’homme. Cependant, on estime aujourd’hui à environ 25% la proportion de cancers ORL non liés à l’alcool et au tabac, dont la plupart sont probablement liés au virus HPV. D’après une étude américaine, la prévalence de l’infection HPV dans les cancers ORL est de l’ordre de 25%, toutes localisations confondues. Ce taux grimpe à 35% pour les tumeurs oropharyngées, avec des chiffres encore plus importants pour les États-Unis et la Suède (respectivement 47% et 68%) (6). Selon une étude française, l’HPV est retrouvé dans 46,5% des cancers de l’oropharynx, et 10% des cancers de la cavité buccale (7). C Caractéristiques cliniques Souvent, le tableau du patient susceptible d’être HPV positif est celui d’un homme en bon état général, entre 50 et 60 ans, sans consommation alcoolo-tabagique, ou alors modérée. Lorsqu’il existe une tumeur oropharyngée, celle-ci est le plus souvent bourgeonnante, et les biopsies retrouvent un carcinome épidermoïde peu différencié, non kératinisant, parfois basaloïde. Il peut s’agir de la découverte d’une ADP unique, kystique plutôt que nécrotique, sans porte d’entrée, évoluant depuis plusieurs mois. La TDM objective souvent une volumineuse lésion kystique, très évocatrice du diagnostic, et doit faire réaliser un TEP-TDM à la recherche d’un primitif oropharyngé, et une endoscopie avec biopsies de la base de langue et des zones suspectes (et recherche E Stratégie thérapeutique On sait que les tumeurs HPV+ ont une meilleure réponse à la radiothérapie et à la chimiothérapie (12). Les stratégies thérapeutiques restent néanmoins les mêmes que les tumeurs HPV-. La notion de « désescalade thérapeutique » (diminution des doses de radiothérapie, radiothérapie exclusive au lieu d’une radiochimiothérapie) parfois évoquée doit encore être validée par la recherche moléculaire (étude des voies de l’apoptose et rôle de la présence de p53) et des études en cours. Il est certain qu’à l’avenir, la présence de l’HPV dans les tumeurs sera considérée comme un marqueur à prendre en compte dans la stratégie thérapeutique. F Prévention La question de la vaccination est omniprésente. Figure 4 : Volumineuse ADP kystique sous-digastrique droite, satellite d’une petite tumeur de base de langue HPV+ chez un patient de 38 ans. d’HPV spécifiée) (8). Le diagnostic chez les patients jeunes est parfois difficile; la recherche d’HPV sur le liquide de ponction est alors utile pour orienter entre ganglions métastatiques ou kyste branchial (9). D Le pronostic des cancers HPV+ La survie est globalement meilleure concernant ces tumeurs. Ainsi, dans une étude américaine de 2010 portant sur des tumeurs de l’oropharynx localement avancées, la survie globale des patients ayant des tumeurs HPV+ était meilleure que les patients ayant une tumeur HPV-. Ces constatations sont les mêmes sur une métaanalyse comportant 44 études (10, 11). Néanmoins, ce pronostic favorable est à nuancer selon la taille de la tumeur, le statut ganglionnaire et le tabagisme du patient. Ainsi, alors que les patients HPV+ ont moins de poursuites évolutives, mois de récidive locale, moins de deuxième localisation, les tumeurs survenant chez les patients fumeurs, N2b ou N3, restent agressives. On peut donc distinguer un groupe « à bas risque » qui est celui des patients HPV+, avec un tabagisme inférieur à 10 paquets-année et une atteinte ganglionnaire N0-N2a. Le portage de l’HPV dans les cancers ORL ne suffit donc pas à donner un bon pronostic. Il existe en France une certaine méfiance à l’égard des vaccins, et la couverture vaccinale des jeunes filles reste médiocre, en comparaison avec la Grande-Bretagne, où les 3 injections du vaccin sont réalisées dans le cadre scolaire, permettant à plus de 84% des jeunes filles de 13-14 ans d’être vaccinées. Dans l’optique de prévenir le portage ORL de l’HPV, la vaccination pourrait également être recommandée chez les garçons, comme c’est désormais le cas aux ÉtatsUnis, en Autriche ou en Australie. En effet, il faudrait la vaccination d’une partie importante de la population féminine (environ 75%) pour parvenir à diminuer la contamination des garçons. Conclusion Les cancers ORL HPV+ sont en augmentation, en particulier au niveau de l’oropharynx. Il faut y penser devant un terrain atypique et/ou des caractéristiques cliniques évocatrices. Ces tumeurs sont de meilleur pronostic, surtout chez les patients non fumeurs et dans les stades précoces, du fait d’une meilleure radio- et chimiosensibilité, et d’un terrain moins fragile. La vaccination contre l’HPV et les études thérapeutiques ayant pour but de valider des traitements moins agressifs pour ces tumeurs devraient, à l’avenir, modifier l’épidémiologie et la prise en charge de ces tumeurs. Bibliographie 1- Kreimer AR, Sex Trans Dis, 2010 Jun 5- D’Souza, GNEJM, 2007 May 9- Yasui T, PLoS ONE, 2014 Apr 2- Kreimer AR, Lancet, 2013 Sep 6- Kreimer AR, Cancer Epidemiol Biomarkers Prev, 2005 Feb 10- Kian AngK, NEJM, 2010 Jul 3- D’Souza, J Clin Oncol ??? 7- St Guily JL, J Clin Virol, 2011 Jun 11- O’Rorke MA, Oral Oncol, 2012 Dec 4- Gillison ML, JAMA, 2012 Feb 8- Goldenberg D, Head Neck, 2008 Jun 12- Fakhry C, J Natl Cancer Inst, 2008 Feb 7 Diagnostic et bilan des cancers ORL Dr Caroline Halimi Service ORL et CCF, Hôpital Bichat AP-HP, Université Paris Diderot, Sorbonne Paris cité Présentation rapportée par le Dr Marion Antoni Les circonstances de découverte des cancers ORL peuvent être liées à la tumeur elle-même (dysphonie, dyspnée, dysphagie, douleurs buccales ou pharyngées, otalgie, saignement, etc.) ou à son extension locorégionale (adénopathie, nodule cutané), et sont parfois liées aux conséquences du type altération de l’état général. Plus rarement, ce sont les lésions secondaires ou les syndromes paranéoplasiques qui font rechercher une tumeur ORL. Enfin, une démarche de dépistage peut être préconisée chez les patients présentant des facteurs de risque alcoolo-tabagiques. L’ensemble du bilan vise à : • affirmer le diagnostic, • définir le stade TNM de la tumeur, • rechercher des lésions synchrones, • faire le bilan général des comorbidités du patient et évaluer sa situation sociale et professionnelle. Le bilan doit être organisé le plus rapidement possible, de façon à pouvoir initier le traitement au plus tôt. Il est recommandé de limiter le délai entre la première consultation par l’équipe responsable de la prise en charge du patient et le recueil des éléments nécessaires à la prise de décision, incluant la RCP (réunion de concertation Figure 2 : Lésion ulcéro-bourgeonnante de la commissure intermaxillaire droite. pluridisciplinaire) et l’organisation thérapeutique. Ce délai doit être idéalement de 2 semaines et ne devrait pas dépasser 4 semaines. L’examen clinique de l’ensemble de la cavité buccale, de l’oropharynx, du pharyngolarynx et du cou permet de rechercher une lésion bourgeonnante et/ou une ulcération saignant au contact, une tumeur sous muqueuse, des adénopathies. La nasofibroscopie évalue la filière et la mobilité laryngée, met en évidence un épaississement ou une ulcération de la base de langue, et une stase salivaire dans un des sinus piriformes. Bilan diagnostique L’endoscopie sous anesthésie générale est l’examen-clé, et permet la réalisation de biopsies et d’un schéma précis de la lésion et de ses rapports, ainsi que l’éventuelle atteinte ganglionnaire (nombre, taille, côté, fixation par rapport aux plans profonds et superficiels). La recherche de lésions synchrones (8 à 10 % des cas) est systématique. Idéalement, l’endoscopie a lieu après les examens d’imagerie, afin de ne pas fausser les résultats de ceux-ci. Figure 1 : Lésion bourgeonnante de l’amygdale gauche. 8 En ce qui concerne les lésions laryngées, il est nécessaire de compléter l’endoscopie par un examen à l’optique 0° (extension sous glottique) et 90° (atteinte de la commissure antérieure). On notera la mobilité des cordes vocales et des aryténoïdes. le bilan d’extension tumoral. L’IRM est demandée en complément pour certaines localisations (base de la langue, paroi pharyngée postérieure…). Le bilan d’extension peut être complété par une exploration de l’œsophage, en cas de tumeur de l’oropharynx ou de l’hypopharynx. L’examen de référence est la fibroscopie œso-gastro-duodénale au tube souple. L’œsophagoscopie au tube rigide est une alternative qui ne permet cependant pas d’explorer la partie basse de l’œsophage et qui doit être effectuée avec prudence sur des terrains irradiés (risque de perforation œsophagienne et de médiastinite). Figure 3 : Examen de la sous-glotte à l’optique 0°. Figure 5 : Extension sous-glottique d’une lésion laryngée gauche en TDM. Le compte rendu histologique doit mentionner le degré d’infiltration et la présence de la protéine p16 en cas de lésion susceptible d’être en rapport avec l’HPV (recherche à préciser sur la demande). Le bilan thoracique (consultation pneumologique +/fibroscopie bronchique) n’est pas recommandé en dehors de la découverte d’images suspectes au scanner. Figure 4 : Examen de la commissure antérieure à l’optique 90°. Le bilan d’imagerie minimal comprend un scanner cervico-facial et thoracique avec injection de produit de contraste et manœuvres dynamiques (phonation, manœuvres de Valsalva). Il est conseillé de décrire les anomalies cliniques afin d’orienter le radiologue dans Actuellement, le TEP scanner est demandé dans trois circonstances : • adénopathie sans porte d’entrée, • tumeur à haut risque métastatique (N2b, N2c, N3, ADP en zone IV ou V), • nécessité de caractériser des images thoraciques douteuses. 9 Cas particulier des adénopathies métastatiques sans porte d’entrée et son éventuel degré de dépendance. Cette évaluation Ce diagnostic ne peut être affirmé qu’après avoir recherché une tumeur primitive, en particulier amygdalienne ou basilinguale. Ainsi, le bilan demandé comporte, en plus d’une TDM cervico-faciale et thoracique, un TEP scanner. L’endoscopie recherche une lésion primitive, aidée par les résultats du TEP scanner. patient (antécédents psychiatriques, terrain dépressif, Rappelons que la cytoponction sur uneADP peut permettre d’orienter les investigations, mais est insuffisante pour affirmer le diagnostic de cancer et mettre en route un traitement. Seul l’examen anatomopathologique de l’ADP, aidé par les renseignements cliniques adaptés, permet d’affirmer le diagnostic. Décision thérapeutique permet également d’apprécier l’état psychologique du niveau d’anxiété). Selon les besoins, un entretien avec l’assistance sociale ou un psychologue peut être proposé. En vue des traitements et en raison de la fréquence du mauvais état bucco-dentaire des patients atteints de carcinome des VADS d’une part, et, d’autre part, du risque de complications précoces (infections avec retard de cicatrisation) ou tardives (ostéo-radio-nécrose mandibulaire), il est nécessaire de faire réaliser un bilan dentaire clinique et un panoramique dentaire, et d’effectuer les avulsions nécessaires. Le bilan d’opérabilité recherche des critères d’intubation difficile (trismus, lésion diminuant la filière respiratoire) En fonction de tous ces éléments, une réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP) étudie l’ensemble du dossier et décide de la meilleure prise en charge thérapeutique pour chaque patient. et évalue l’état général du patient. Un bilan cardiaque Le bilan général a fait l’objet de recommandations par la SFORL. sont vérifiés. En cas de lambeau de fibula, on prescrit un Ainsi, il convient de chiffrer la consommation d’alcool et de tabac (nombre de paquets/année) et de noter sa poursuite ou l’ancienneté du sevrage, de rechercher une consommation de cannabis, la notion d’exposition professionnelle à des substances carcinogènes ou une immunodépression. La recherche de signes cliniques de reflux gastro-œsophagien fait également partie de l’examen, puisque celui-ci pourrait intervenir comme cofacteur dans les cancers laryngés ou hypopharyngés. Lors d’un traitement par chimiothérapie, en plus d’une Les comorbidités cardiovasculaires et pulmonaires doivent être notées. Une aide au sevrage alcoolique et/ ou tabagique fait partie du traitement. l’endoscopie, de l’imagerie et d’anatomopathologie. L’interrogatoire fait préciser la notion de douleur et ses caractéristiques, et une éventuelle dénutrition par la perte de poids et le calcul de l’IMC. Biologiquement, cette dénutrition est évaluée grâce au dosage de l’albumine. Les conditions de l’annonce d’un cancer sont définies Enfin, le bilan général comprend une évaluation sociale. On note ainsi si le patient est actif, retraité, en invalidité, quel est son mode de vie (famille, présence de proches) soins de support. La communication entre l’équipe 10 complet est demandé en cas de chirurgie majeure. Dans les situations où une chirurgie reconstructrice est envisagée, les sites donneurs et receveurs de lambeaux angioscanner ou une angio IRM des membres inférieurs. pathologie cardiaque, il est nécessaire de rechercher des comorbidités rénales, hépatiques ou neurologiques. Enfin, dans les situations où les patients sont âgés, un avis oncogériatrique peut aider à la décision thérapeutique. Globalement, il convient de respecter des délais rapides de prise de décision tout en ayant les éléments nécessaires, à savoir au minimum les résultats de L’idéal est d’anticiper la décision de la RCP, lorsque c’est possible, pour planifier les grandes étapes du traitement. par le plan cancer, et chaque patient doit bénéficier d’une annonce médicale et paramédicale, d’un plan personnalisé de soins et d’un accès à une équipe de hospitalière et les différents intervenants libéraux est essentielle. Principes généraux de prise en charge des cancers ORL Pr Béatrix Barry Service ORL et CCF, Hôpital Bichat AP-HP, Université Paris Diderot, Sorbonne Paris cité Présentation rapportée par le Dr Marion Antoni Le pronostic est plutôt mauvais pour l'ensemble des cancers des voies aéro-digestives supérieures (VADS). En dépit des progrès thérapeutiques réalisés ces dernières années, trois obstacles rendent difficiles la prise en charge des tumeurs des VADS : • le diagnostic souvent tardif, à un stade évolué ; • le terrain sur lequel surviennent ces tumeurs (alcool, tabac, contexte social) ; • le risque de développer une seconde tumeur, à distance de la première (appelée aussi « seconde localisation », ou tumeur métachrone). Un même type histologique, le carcinome épidermoïde, recouvre plusieurs types de tumeurs. La prise en charge et le pronostic varient de façon importante selon la localisation. Les tumeurs laryngées présentent un meilleur pronostic, devant les tumeurs de la cavité buccale, l’oropharynx et l’hypopharynx, avec des survies à 5 ans respectives de 77%, 54%, 52% et 32%. Les facteurs pronostiques Figure 1 : Adénopathies nécrotiques bilatérales. L’envahissement cutané (ou « nodule de perméation ») doit rendre prudent dans la décision de traitement chirurgical. En effet, celui-ci est retrouvé comme facteur d’échec local de façon significative, et grève la survie de façon notoire (10% de survie à 5 ans). En termes de radiosensibilité, les tumeurs bourgeonnantes et les tumeurs peu différenciées sont plus radiosensibles que les tumeurs ulcérées et les tumeurs bien différenciées. L’atteinte ganglionnaire : un facteur pronostique majeur Le traitement des aires ganglionnaire est la règle, sauf dans des cas très favorables. Cette attitude se justifie par le fait que chez un patient N0 clinique, le risque d’avoir un ganglion métastatique occulte est de 30%. La survie diminue de 50% avec l’envahissement ganglionnaire, quel que soit le T. Elle décroît avec l’importance de l’atteinte ganglionnaire ; et les adénopathies multiples (N2b, N2c) ou volumineuses (N3) sont particulièrement péjoratives et à haut risque de métastases. D’autre part, les ganglions sont réputés être peu radiosensibles, ce qui fait de la chirurgie le traitement de choix. Figure 2 : Envahissement cutané d’une tumeur de la cavité buccale. L’envahissement osseux, en particulier dans les tumeurs évoluées du plancher buccal, est également de mauvais pronostic. 11 Mo En ce qui concerne les tumeurs laryngées, l’envahissement cartilagineux (qui classe la tumeur T4) est retrouvé comme facteur de mauvais pronostic. Facteurs pronostiques histologiques Bien que l’examen anatomopathologique objective classiquement un carcinome épidermoïde, l’évolutivité de la tumeur peut varier, et quelques sous-types histologiques présentent des caractéristiques particulières. Parmi ces sous-types, certains sont plus fréquents : les carcinomes basaloïdes (2%), fusiformes (3%), verruqueux (0,6%) et papillaires (0,1%). D’autres sont plus anecdotiques : carcinomes acantholytiques, adénosquameux, lympho-épithéliaux, à cellules géantes, cuniculatum… Les carcinomes verruqueux, cuniculatum et papillaires sont de meilleur pronostic. En cas de petite tumeur, le traitement chirurgical seul de la tumeur peut suffire, sans curage ganglionnaire ou traitement complémentaire. Pour les tumeurs plus importantes qui imposeraient une chirurgie mutilante, la radiothérapie peut être privilégiée en première intention. À l’inverse, d’autres sous-types sont de moins bon pronostic en raison d’un taux élevé de métastases (carcinomes basaloïdes, lympho-épithéliaux et à cellules géantes) ou de récidives locales (carcinome à cellules fusiformes, carcinomes adénosquameux). La prise en compte des particularités histologiques peut influer sur les modalités thérapeutiques : En cas de carcinome à cellules géantes, la radiothérapie est inefficace en première intention. Seule la chirurgie est proposée à visée curative, suivie d’une radiothérapie adjuvante, et ce quels que soient les autres critères histopronostiques. Les carcinomes lympho-épithéliaux associent un risque de métastases élevé à une excellente radio- et chimiosensibilité. Enfin, en cas de carcinome basaloïde, un traitement conservateur (radio et chimiothérapie) est privilégié lorsque la chirurgie d’exérèse est mutilante. Le risque métastatique est élevé et justifie la réalisation d’un TEPTDM dans le bilan initial. Métastases Il s’agit évidemment d’un facteur pronostic extrêmement péjoratif, qui concerne entre 7 et 25% des patients ayant un stade tumoral avancé. Les patients ayant une atteinte 12 ganglionnaire multiple et/ou en zone sus-claviculaire sont également plus à risque. Les métastases touchent surtout le poumon, mais également le squelette et le foie. Deuxième localisation Elle peut être synchrone ou survenir dans les années suivant le diagnostic du premier cancer ORL. Une deuxième localisation s’explique par des anomalies diffuses de l’ensemble de la muqueuse de la sphère ORL, en réponse à l’exposition à l’alcool et au tabac. Le risque de deuxième localisation est de 4% par an, avec une courbe qui reste linéaire jusqu’à 15 ans après le diagnostic de la première tumeur. Ces éléments justifient une surveillance régulière quasiment à vie. Rappelons que d’autres cancers, en plus des cancers ORL, peuvent également survenir sur ce terrain : cancers du poumon, du foie, de l’œsophage et de la vessie. Ces considérations conduisent à envisager la décision thérapeutique sous un angle particulier : on préférera, lorsque c’est possible, avoir recours à un traitement dit « unimodal », c’est-à-dire soit la radiothérapie, soit la chirurgie. Ainsi, l’option non retenue reste disponible en cas de tumeur métachrone. Les tumeurs de petite taille, T1, quelle que soit leur localisation, et les lésions laryngées T2 ont des survies comparables après chirurgie ou radiothérapie. Les tumeurs T2 pharyngées ou T3-T4, quelle que soit leur localisation, ont une survie supérieure après chirurgie et radiothérapie. Les chirurgies très mutilantes (glossectomie totale, pharyngolaryngectomie totale ou laryngectomie totale) sont désormais rarement proposées d’emblée, laissant place au concept de préservation d’organe. Néanmoins, la chirurgie reste préférable lorsqu’il existe un envahissement osseux ou cartilagineux. Dans tous les cas, une atteinte cutanée et de volumineuses adénopathies nécrotiques sont de mauvais pronostic. En conclusion, les facteurs pronostiques sont liés : • au patient et à ses comorbidités ; • à la tumeur (envahissement cutané, cartilagineux, osseux) ; • à l’atteinte ganglionnaire ; • à la présence de métastases. La surveillance doit être régulière afin de dépister un cancer métachrone. Enfin, la chirurgie mutilante tend à être remplacée par les traitements conservateurs. Modalités de traitement et Perspectives Place de la chirurgie dans les cancers ORL Pr Sébastien Albert Service ORL et CCF, Hôpital Bichat AP-HP, Université Paris Diderot, Sorbonne Paris cité Présentation rapportée par le Dr Marion Antoni Le traitement des cancers ORL fait appel à trois modalités, plus ou moins associées entre elles : • la chirurgie s’adresse à la tumeur, avec une éventuelle reconstruction, et aux aires ganglionnaires ; • la radiothérapie externe peut être réalisée seule, ou en association avec de la chimiothérapie ; • la chimiothérapie ou les thérapies ciblées peuvent être proposées de façon concomitante à la radiothérapie, en induction, ou à titre exclusif. Rappelons qu’en parallèle, l’arrêt de l’intoxication alcoolo-tabagique fait partie du traitement. Il convient en premier lieu de se poser la question de l’opérabilité du patient et/ou de la tumeur. Le refus du patient d’une chirurgie jugée mutilante, ou des contreindications anesthésiques, doivent faire envisager une alternative. Les extensions à la carotide interne, à la base du crâne ou au médiastin sont inopérables. En dehors de ces contre-indications chirurgicales, les extensions cutanées (« nodules de perméation »), même lorsqu’elles semblent résécables, témoignent d’une tumeur avancée qui a de grandes chances de récidiver à court terme. Enfin, les tumeurs dont l’exérèse conduit à des séquelles fonctionnelles importantes (glossectomie totale, par exemple) ne doivent pas être opérées. pharyngo-laryngectomie totale et glossectomie totale) peuvent désormais être (parfois) évités grâce aux protocoles de préservations d’organes, avec des résultats fonctionnels plus ou moins bons. Les principes du traitement chirurgical de la tumeur L’exérèse doit passer à distance de la tumeur, avec des marges de sécurité macroscopiquement satisfaisantes. Ces marges varient de quelques millimètres (larynx) à 1 cm dans les tissus où la tumeur diffuse facilement, à savoir les muscles (langue++). Des recoupes, avec éventuel examen extemporané, seront faites dans ces localisations au moindre doute. Il existe des structures où le chirurgien est de fait limité dans les marges qu’il peut obtenir : larynx, artère carotide interne, périoste, plan prévertébral. Les principes du traitement chirurgical des aires ganglionnaires (figure 1) Les principes généraux Globalement, les petites tumeurs (T1, « petit » T2) sont accessibles à un traitement par chirurgie ou par radiothérapie, avec des résultats comparables. Chez les patients éthylo-tabagiques, la possible survenue d’une deuxième localisation tend à faire préférer la chirurgie, pour préserver l’option de la radiothérapie. Les tumeurs plus avancées (T2 pharyngés, T3 et T4 toutes localisations) sont, de façon générale, traitées par chirurgie puis radiothérapie. Les situations de traitement dit « dissocié », avec radiothérapie sur la tumeur et chirurgie sur les aires ganglionnaires, sont discutées au cas par cas, typiquement sur une lésion de base de langue avec de grosses adénopathies. Les cas de chirurgie mutilante (laryngectomie totale, Figure 1 : Schéma des aires ganglionnaires cervicales. 13 L’opérabilité dépend des structures envahies : une atteinte de l’axe carotidien (en dehors de la carotide externe), de la base du crâne, du médiastin, des muscles scalènes ou du plan prévertébral sont des contre-indications opératoires. Rappelons également que les ganglions rétropharyngés ne sont pas accessibles à une chirurgie. Un envahissement cutané est également une indication rarissime, une récidive étant à peu près certaine dans les mois suivant l’intervention. Le cas de ganglions bilatéraux dont l’exérèse entraîne le sacrifice des deux veines jugulaires internes doit inciter à la prudence. Le geste chirurgical réalisé sur les aires ganglionnaires dépend de la présence ou non d’ADP et de la localisation tumorale. Sauf exception, le curage des aires ganglionnaires est systématique en cas de prise en charge chirurgicale de la tumeur. Rappelons que le traitement des aires ganglionnaires des patients N0, quelle qu’en soit la modalité (chirurgie ou radiothérapie), réduit le risque de récidive cervicale à 5-10% versus 25% sans traitement. En cas de patient N0, un curage fonctionnel est réalisé. En fonction de l’atteinte ganglionnaire, le curage peut être radical (exérèse de la veine jugulaire interne, du nerf spinal et de tout ou partie du muscle sterno-cléidomastoïdien), modifié ou étendu. Le curage est unilatéral en cas de tumeur bien latéralisée, ou bilatéral en cas de tumeur proche de la ligne médiane ou antérieure. Les situations où un curage n’est pas recommandé sont les tumeurs T1 du plan glottique (qui sont très peu lymphophiles), et les cas de chirurgie de rattrapage chez des patients N0. La place du ganglion sentinelle est encore mal définie, mais il pourrait être intéressant dans les tumeurs de la cavité buccale chez les patients N0. Les aires ganglionnaires qui doivent être opérées dépendent de la localisation tumorale : • cavité buccale : zones Ib, II, III (+/- Ia si tumeur antérieure) • oropharynx, hypopharynx, larynx : zones II, III, IV, (+/Ib ou VI). Prise en charge des cancers selon le site 1-Cavité buccale Le traitement de ces tumeurs est chirurgical. La radiothérapie +/- chimiothérapie postopératoire est le plus souvent indiquée, en dehors des patients avec une lésion pT1N0 sans facteurs histologiques péjoratifs (engainement périnerveux, emboles vasculaires) à qui l’on peut proposer une surveillance simple. Les tumeurs relevant d’une glossectomie totale sont des indications 14 Figure 2 : Adénopathie cervicale avec envahissement de l’axe carotidien au TDM. de radio-chimiothérapie. La voie d’abord peut être endobuccale pour les petites tumeurs du plancher antérieur ou latéral et de la langue mobile, en « pull through » pour les tumeurs importantes de la langue mobile ou transmandibulaire en cas de tumeur profonde et postérieure. 2-Oropharynx (Figure 3) Les indications sont à discuter au cas par cas. Les tumeurs de la région amygdalienne, du voile et de la base de langue sont des localisations pour lesquelles une radiothérapie est une option intéressante, notamment en cas de tumeur très bourgeonnante, HPV+. Néanmoins, des petites tumeurs T1N0 accessibles peuvent également prétendre à un traitement chirurgical sans reconstruction majeure, ce qui permet de garder l’option radiothérapie en cas de deuxième localisation. Pour les tumeurs plus importantes (T2, T3, T4a) ou siégeant dans des sous-localisations particulières (sillon amygdalo-glosse, commissure intermaxillaire), le traitement sera la chirurgie avec radio +/- chimiothérapie postopératoire. une extension sous-glottique, la chirurgie (laryngectomie totale) est le traitement de choix. Les décisions de traitement autres sont des exceptions discutées au cas par cas. Il importe de bien sélectionner les patients éligibles à une chirurgie exclusive : il s’agit des patients ayant des lésions T1-T2N0, en gardant à l’esprit que les suites fonctionnelles des chirurgies partielles, en particulier horizontales (laryngectomies partielles supracricoïdiennes), peuvent être difficiles chez les sujets âgés et/ou souffrant de comorbidités importantes. Figure 3 : Principes de traitement des tumeurs de l’oropharynx. Les laryngectomies totales gardent une place en cas d’échec de préservation d’organe, de tumeur T4a, de situation de rattrapage et, parfois, à titre fonctionnel, sur des larynx irradiés avec fausses routes permanentes. 4-Hypopharynx 3-Larynx Les indications dépendent de la localisation. Pour les petites tumeurs T1-T2 (non sous-glottiques), la chirurgie est le traitement standard (chirurgie partielle par voie externe ou cordectomie endoscopique en cas de tumeur T1 chez un patient exposable) ; la radiothérapie peut être proposée comme « option ». Pour les tumeurs T3 (perte de la mobilité de l’hémilarynx atteint), deux options sont discutées : chirurgie (laryngectomie totale +/- radiothérapie) ou protocole de préservation d’organe (chimiothérapie d’induction puis, en cas de bonne réponse, radiochimiothérapie). La radiothérapie d’emblée est une option qui peut être proposée en cas de refus du patient ou de contreindication à la chimiothérapie. Pour les tumeurs T4, ou les tumeurs envahissant la commissure antérieure, le cartilage, la loge HTE ou avec Figure 4 : Tumeur de la corde vocale gauche T1. Il s’agit de tumeurs agressives, avec un pronostic médiocre. Le traitement de référence est la chirurgie suivie d’une radiothérapie. Pour les tumeurs T1-T2, la radiothérapie seule est une option que l’on peut proposer. Pour les tumeurs T3 ou les tumeurs T1-T2-T3 localisées en rétrocricoïdien, un protocole de préservation d’organe peut être discuté en alternative à la chirurgie. Notons que l’éventuelle diminution tumorale induite par la chimiothérapie doit être franche, de l’ordre de 80%, pour autoriser la poursuite du protocole, contrairement au larynx où une diminution de 50% et/ou une remobilisation de celui-ci suffit généralement. Pour les tumeurs T4, la chirurgie (pharyngo-laryngectomie totale) est le traitement standard. En cas de tumeur étendue à la paroi pharyngée postérieure ou à la bouche de l’œsophage, la chirurgie consiste à une pharyngo- Figure 5 : Aspect après exérèse au laser. 15 Mo laryngectomie totale circulaire avec reconstruction, curage ganglionnaire bilatéral et radiothérapie postopératoire. Le champ d’irradiation des tumeurs de la paroi pharyngée postérieure en postopératoire doit comprendre les aires rétropharyngées. Reconstruction La chirurgie reconstructrice s’est beaucoup développée depuis une vingtaine d’années, permettant de combler des pertes de substance de plus en plus complexes, consécutives à la chirurgie d’exérèse. Elle permet de limiter les complications postopératoires, notamment en cas de chirurgie de rattrapage, et de diminuer considérablement les séquelles fonctionnelles (langue en particulier, où l’indépendance des unités fixes et mobiles est fondamentale) et esthétiques (cas des vastes pertes de substance). Le choix des lambeaux dépend de la localisation tumorale, de la taille de la perte de substance et de ces caractéristiques (os, peau, muscle), ainsi que de la disponibilité des sites donneurs (figure 6).On retiendra schématiquement 3 processus de réparation tissulaire : la cicatrisation dirigée, les lambeaux régionaux pédiculés (muscle grand pectoral, grand dorsal) et les lambeaux microanatomosés, dit « libres ». Ces lambeaux libres sont nombreux et permettent d’adapter au mieux la reconstruction à la perte de substance. La réalisation de lambeaux libres se fait idéalement en double équipe, avec une équipe à la tête du patient qui effectue l’exérèse tumorale, les curages ganglionnaires et la préparation des vaisseaux receveurs, et une équipe qui prélève le lambeau. Puis vient le temps de reconstruction proprement dit, après le sevrage du lambeau et la confection des anastomoses artérielle et veineuse. Figure 7a : Dessin d’un lambeau fascio-cutané antébrachial gauche. La palette cutanée va permettre de reconstruire le plancher buccal, la face ventrale et la face dorsale de la langue. Figure 7b : Schéma anatomique du lambeau antébrachial. Sans être exhaustif, on retiendra que le lambeau antébrachial est certainement le plus simple à prélever et qu’il permet de reconstruire les pertes de substance d’un grand nombre de sites (cavité buccale, oropharynx, hypopharynx) (Figures 7a et b). Toutefois, son volume est limité, notamment chez les patients minces, et les séquelles esthétiques, après greffe de peau sur le site du prélèvement, peuvent être plus ou moins importantes. Les lambeaux composites (os, muscles +/- peau) sont nécessaires lorsqu’une exérèse tumorale comprend une partie osseuse. Le lambeau de fibula est indiqué quand la reconstruction osseuse nécessite une longueur osseuse importante. Le lambeau scapulaire est une alternative. Figure 6 : Schéma des différents sites donneurs des lambeaux microanatomosés. 16 En cas d’œsopharyngo-laryngectomie totale circulaire, la continuité entre oropharynx et œsophage peut être restaurée par un lambeau antébrachial, un lambeau de jéjunum ou un lambeau antérolatéral de cuisse. Ce dernier présente l’avantage d’avoir un volume supérieur au lambeau antébrachial et la fermeture du site donneur est directe. Modalités de traitement et Perspectives Radiothérapie dans les cancers ORL Dr Marc Bollet Centre de radiothérapie Hartmann, Levallois-Perret Présentation rapportée par le Dr Marion Antoni La radiothérapie est une arme de choix dans l’arsenal des traitements des cancers ORL. dans le champ d’irradiation les potentielles voies de diffusion des cellules cancéreuses. L’idéal tend à mettre « la bonne dose au bon endroit », c’est-à-dire cibler les tissus tumoraux et préserver les tissus sains. L’imagerie est une étape clé pour la définition des volumes cibles, et les progrès de cette dernière ont largement contribué à améliorer les techniques de radiothérapie. En plus du scanner, l’IRM est utile dans les localisations sus-hyoïdiennes, ou en cas de tumeur de la paroi pharyngée postérieure. Le TEP-TDM est également une aide, en particulier pour l’irradiation des aires ganglionnaires. Le choix de la dose optimale est un compromis entre la meilleure réponse tumorale possible et le minimum de dommages sur les tissus sains. La balistique a pour but de trouver cette dose idéale à appliquer sur un volume cible bien défini. Avant les années 2000, la radiothérapie externe était réalisée selon deux dimensions, planes, et les champs d’irradiation étaient définis à l’aide des radiographies. Le développement de la tomodensitométrie, dans les années 1990, a permis l’émergence de la radiothérapie 3D, ou conformationnelle, avec la possibilité d’augmenter le nombre de faisceaux à plus de deux et à adapter ces faisceaux à la projection des volumes cibles. À partir des années 2000, est apparue la radiothérapie avec modulation d’intensité (IMRT en anglais, pour intensity-modulated radiation therapy). Cette modulation d’intensité traduit le fait qu’à l’intérieur d’un faisceau, l’intensité délivrée est modulée. En combinant cette modulation d’intensité à la multiplication des faisceaux, on parvient à augmenter la dose sur le volume cible tout en diminuant les doses sur les organes à risque. L’arcthérapie volumique avec modulation d’intensité consiste à l’administration de ce traitement en continu. Les limites de cette nouvelle technique sont sa disponibilité mais également la disponibilité des physiciens et des dosimétristes, car la préparation de la radiothérapie selon ce mode est extrêmement chronophage. En 2010, seulement 1% des cancers ORL bénéficiaient d’un traitement par IMRT, du fait d’une disponibilité insuffisante. La détermination du volume cible macroscopique (ou GTV, gross tumour volume) se fait à la fois à l’aide des schémas cliniques et des données scanographiques. Autour de ce volume cible macroscopique, est défini un volume cible microscopique, qui permet d’inclure L’IMRT a permis la préservation salivaire, et donc moins de xérostomies. De façon indirecte, la moindre irradiation des muscles constricteurs pharyngés participerait également à une diminution de la dysphagie post-radiothérapie. À ces différentes notions, s’ajoute le facteur temporel. Le schéma « classique » de la radiothérapie en ORL est de 2 grays par séance, 5 séances par semaine, donc 10 grays par semaine. Différentes modalités ont été étudiées afin d’améliorer l’efficacité de la radiothérapie. L’hyperfractionnement, en augmentant le nombre de séances sur une durée équivalente, permet d’augmenter la dose totale avec une bonne tolérance, sous réserve de respecter un temps suffisant à la réparation des dommages induits sur les tissus sains entre chaque séance (de l’ordre de 6 heures). L’accélération du traitement consiste à administrer la même dose totale dans un laps de temps plus court. Ces deux modalités ont montré des différences de survie à 5 ans conséquentes (respectivement 9,4% et 7,3%)(1). Par contre, l’accélération avec une diminution de la dose totale n’apporte pas les mêmes bénéfices. Hyperfractionnement et accélération ont l’inconvénient de présenter des contraintes logistiques. L’ajout de chimiothérapie à la radiothérapie, c’està-dire la radio-chimiothérapie concomitante ou la potentialisation de la radiothérapie par la chimiothérapie, permet d’obtenir des résultats comparables aux traitements hyperfractionnés ou accélérés. Ce bénéfice est limité au groupe de patients dont l’âge est inférieur à 70 ans (2). 17 Mo Le cetuximab, autre traitement qui peut être fait de manière concomitante à la radiothérapie, a également montré des bénéfices en termes de survie globale par rapport à une radiothérapie non potentialisée (3). Cette notion est particulièrement intéressante pour les patients qui présentent une contre-indication au cisplatine (insuffisance rénale). Des études ont montré que l’association du cetuximab à la radio-chimiothérapie n’apportait pas de bénéfice, de même que l’accélération d’une radiothérapie potentialisée par le cisplatine (4, 5). L’autre notion dans laquelle intervient est la balistique. Les tumeurs ORL sont des tumeurs à développement rapide, dont le volume décroît au cours de la radiothérapie. Le volume cible a donc tendance à diminuer. Établir plusieurs planifications pour un même patient au cours de la radiothérapie afin de toujours mieux cibler le volume tumoral et préserver les organes à risques est donc une voie de recherche pour optimiser l’effet de la radiothérapie. Le choix du rayonnement permet d’améliorer la précision de la radiothérapie. Dans les situations de tumeurs très superficielles, on pourra utiliser des électrons, qui ont la particularité d’avoir un parcours en profondeur très limité. On peut également interposer sur la peau du patient un « bolus », c’est-à-dire un gel qui augmente la quantité de rayons absorbés en superficie ; on peut ainsi traiter de façon plus adéquate les nodules de perméation ou les extensions cutanées. Les particules chargées (protons) présentent des caractéristiques particulières qui permettent d’épargner les tissus situés avant, mais surtout en arrière du volume cible. Malheureusement, les plateaux techniques proposant la protonthérapie sont rares en France. La radiothérapie stéréotaxique (« Cyberknife ») permet de cibler de manière très précise un petit volume tumoral, et a été développée comme « boost » ou complément de dose. Bibliographie 1- Bourhis J et al. Lancet 2006 2- Pignon JP et al. Radiother Oncol 2009 3- Bonner JA et al. Lancet Oncol 2010 4- Ang KK et al. J Clin Oncol 2014 5- Nguyen-Tan PF et al. J Clin Oncol 2014 18 Modalités de traitement et Perspectives Chimiothérapies en ORL Dr Benoist Chibaudel, oncologue médical Institut Hospitalier Franco-britannique, Levallois-Perret Présentation rapportée par le Dr Marion Antoni Le rôle des chimiothérapies en cancérologie ORL est multiple. Elles sont proposées en induction, en association avec la radiothérapie, et enfin en situation palliative, ou en situation d’évolution locorégionale, lorsqu’une chirurgie ou une réirradiation ne sont pas envisageables. La prescription et le suivi de ces chimiothérapies nécessitent une surveillance étroite en raison du terrain souvent alcoolo-tabagique des patients, et des comorbidités qui en découlent. Molécules disponibles Le nombre de molécules utilisées en chimiothérapie ORL est resté relativement stable depuis de nombreuses années. Les sels de platine (cisplatine, carboplatine), apparentés aux agents alkylants, induisent des lésions directes sur l’ADN, en créant des ponts intramoléculaires entre deux chaînes d’ADN. Les anti-métabolites (5-FU, méthotrexate) inhibent la synthèse des acides nucléiques, agissent à la phase S du cycle cellulaire, et induisent la mort cellulaire. Les poisons du fuseau (taxanes, notamment docetaxel) agissent sur le fuseau cellulaire en bloquant la mitose. Plus récemment, l’administration d’inhibiteur des récepteurs à l’EGF (epithelial growth factor) (cetuximab), en association à la chimiothérapie ou à la radiothérapie, a amélioré les résultats. Bilan préthérapeutique Outre le bilan inhérent à la prise en charge de la pathologie tumorale, la recherche de comorbidités cardiovasculaires (HTA, insuffisance cardiaque, coronaropathie), rénales, hépatiques, pancréatiques et respiratoires est indispensable. Le bilan biologique doit comprendre les NFS-plaquettes, un ionogramme sanguin, le dosage de l’urée et de la créatinine, le TPTCA, des transaminases, des phosphatases alcalines, de la bilirubine totale, et des gamma-GT). En cas de problème cardiaque, il est nécessaire de prescrire une consultation avec un cardiologue, accompagnée d’une échographie cardiaque avec mesure de la FEVG. La réalisation de la chimiothérapie nécessite au préalable la mise en place d’une chambre implantable, sous anesthésie locale ou générale, par un chirurgien ou un anesthésiste. Maladie localement avancée : place d’un traitement d’induction ou néo adjuvant Le traitement d’induction regroupe les chimiothérapies administrées avant le traitement principal, par chirurgie ou par radio-chimiothérapie. Son but est de diminuer le volume tumoral de façon macroscopique, contrairement aux situations adjuvantes où les traitements visent à traiter une maladie résiduelle microscopique. Le traitement consiste en l’association 5FUcisplatine-taxotere, qui induit de meilleurs résultats que l’association 5FU-cisplatine. La place des chimiothérapies d’induction reste néanmoins très débattue, en dehors des cancers du larynx et de l’hypopharynx (protocole de préservation d’organe, cf. infra). En effet, plusieurs études de phase III (études PARAGIGM, DECIDE, Paccagnella) n’ont pas montré de bénéfice sur la survie globale. Les résultats d’une étude française de phase III, comparant une chimiothérapie d'induction par TPF suivie d'une association radiothérapie-Erbitux® versus une radiochimiothérapie concomitante chez des patients présentant un carcinome épidermoïde des VADS localement évolué, devraient être publiés début 2016 (GORTEC 2007-02). La préservation d’organe La préservation d’organe concerne les cancers du larynx et de l’hypopharynx localement avancés (T3, T4 et T2 non accessibles à une chirurgie partielleLe patient doit au préalable accepter le principe d’une chirurgie de rattrapage en cas d’absence ou d’insuffisance de réponse à la chimiothérapie d’induction. Une lyse 19 Le cartilagineuse, une atteinte rétro-cricoïdienne, ou une extension sous-glottique importante représentent des contre-indications à une préservation d’organe. est aujourd’hui la référence chez les patients métastatiques. L’analyse en sous-groupe rapportée dans cette étude permet de noter deux choses : Le protocole de référence consiste en l’administration de trois cures de TPF (docétaxel, cisplatine, 5-FU), avec réévaluation par endoscopie des VADS sous anesthésie générale après la deuxième cure afin d’anticiper la suite du traitement. La diminution du volume tumoral doit être supérieure ou égale à 50 % et s’accompagner d’une remobilisation du larynx. La confirmation de la bonne réponse à la chimiothérapie par l’examen clinique et l’imagerie après la troisième cure permet de poursuivre par une radio-chimiothérapie. Dans le cas contraire, le patient est opéré (laryngectomie totale). • l’impact de l’association avec le cisplatine sur la Radio-chimiothérapie concomitante En dehors des situations de préservations d’organes, elle est proposée pour les tumeurs localement avancées non opérables (cas des chirurgies mutilantes, glossectomie totale), certaines tumeurs oropharyngées ou en situation adjuvante (post-opératoire), et en cas de facteurs histopronostiques défavorables. La chimiothérapie est associée à la radiothérapie en cas de limite d’exérèse envahie, ou de rupture capsulaire ganglionnaire. La molécule utilisée en adjonction de la radiothérapie dans ces situations est le cisplatine. En cas d’insuffisance rénale, le cisplatine peut être remplacé par le cetuximab. Rechute locorégionale, seconde localisation et maladie métastatique Le méthotrexate a longtemps été le traitement de référence, avec des survies médiocres. Les associations 5-FU et sels de platine sont ensuite apparues, avec de meilleurs résultats, notamment pour l’association 5FU-cisplatine. Une étude parue en 2008 dans le New England Medical Journal souligne que l’ajout de cetuximab (thérapie ciblée par anticorps anti-EGFR) à l’association 5-FUplatine donne des résultats probants, tant en termes de survie globale que de survie sans progression tumorale (1). Ainsi, ce protocole, appelé « Extreme », Bibliographie 1- Vermorken et al. NEJM. 2008. 20 survie globale est plus fort qu’avec le carboplatine ; • l’expression importante ou non des récepteurs à l’EGF est sans conséquence sur la réponse au cetuximab, ce qui laisse supposer l’implication d’autres mécanismes moléculaires dans la réponse au cetuximab. Actuellement, une chimiothérapie palliative est proposée dans les situations de récidive ou de deuxième localisation en territoire irradié et non accessible à un traitement local (chirurgie ou réirradiation) ou encore dans les situations métastatiques. Chez les patients dont l’état général est conservé, le traitement standard consiste en l’association cisplatine-5FU-cetuximab, suivie par le cetuximab en entretien en monothérapie. En seconde ligne ou chez les patients fragiles, les chimiothérapies à base de taxanes ou de méthotrexates peuvent être proposées. Perspectives Il serait nécessaire de diminuer la toxicité de certaines molécules qui, de fait, limitent le nombre de cures réalisables, mais peuvent également impacter la suite du traitement (maintien du cisplatine difficile avec la radiothérapie après trois cycles de cisplatine, par exemple). En ce sens, le remplacement par du cetuximab de l’une des trois molécules de l’association du TPF fait l’objet de nombreuses études. Une étude de phase II a évalué l’association TP (taxane, cisplatine) au cetuximab, en situation métastatique, avec des résultats intéressants (étude TPEx). La phase III compare le protocole Extreme (cisplatine, 5FU et cetuximab) à l’association TPEx (taxotere, cisplatine, cetuximab). Des études spécifiques d’oncogériatrie sont également en cours afin d’adapter les traitements aux personnes âgées souffrant de cancers ORL. Les traitements de deuxième ligne Réirradiation des cancers ORL (1) Pr Sébastien Albert (1), Dr Marc Bollet (2), Dr Benoist Chibaudel (3) Service ORL et CCF, Hôpital Bichat AP-HP, Université Paris Diderot, Sorbonne Paris cité (2) Centre de radiothérapie Hartmann, Levallois-Perret (3) Institut Hospitalier Franco-britannique, Levallois-Perret Présentation rapportée par le Dr Julien Lahmar La chirurgie de rattrapage dans les cancers des VADS est le traitement de référence des récidives ou seconds primitifs en terrain irradié. Cependant, les récidives locorégionales restent la principale cause de décès après intervention chirurgicale. Une réirradiation adjuvante réduit considérablement le taux de récidives locorégionales. Les premiers essais de réirradiation ont été publiés dans les années 1980 (1). Ils ont donné, avec des doses de 60 Gy, des taux de contrôle locorégional de 25 à 60 %. Cependant, une réirradiation est associée à un taux significatif de toxicité sévère. Plusieurs essais de phase II ont montré l’intérêt d’une réirradiation stéréotaxique hypofractionnée avec des médianes de survie à 1 an de l’ordre de 50 % avec une bonne tolérance (2). Les critères sont actuellement encore assez mal définis (petits volumes [3-4 cm]). Lorsqu’une résection chirurgicale n’est pas envisageable, une réirradiation à une dose de plus de 60 Gy associée à un traitement systémique peut permettre une rémission chez un petit nombre de patients. Cependant, le rapport bénéfice-risque est surtout avantageux sur la maladie microscopique résiduelle. Un essai de phase II-III randomisé est en cours au sein de l’Intergroupe ORL (3) pour tester le bénéfice d’une irradiation bifractionnée avec cetuximab dans le but de limiter les toxicités sévères. La radiothérapie en conditions stéréotaxiques semble un outil bien approprié à une réirradiation. Elle permet, en effet, de délivrer une pleine dose à un volume cible limité et parfaitement défini, tout en épargnant au maximum les tissus sains avoisinants, du fait d’un important gradient de dose. Elle offre également un avantage considérable aux patients, car il n’y a que quelques séances de traitement au lieu de six semaines pour un fractionnement classique. Quelle radiothérapie ? Différentes modalités de radiothérapie ont été examinées dans les études de ré-irradiation. La dose totale, la dose par fraction, le fractionnement, l’étalement en split course (interruption au milieu du traitement) ou en continu sont des facteurs capables d’influencer l’index thérapeutique. D’autres études, concernant un nombre plus restreint de patients, montrent la faisabilité de la ré-irradiation délivrant une dose totale de 65 à 75 Gy. Ainsi, selon ces études, l’augmentation de la dose totale de ré-irradiation pourrait permettre une efficacité plus grande sans augmentation de la toxicité. Cela est cependant conditionné par l’utilisation d’une radiothérapie différente de la radiothérapie habituelle des tumeurs des VADS : le champ d’irradiation est limité au volume tumoral macroscopique, auquel s’ajoutent des marges comprises entre 1 et 2 cm, qui peuvent être réduites pour éviter la moelle épinière, les nerfs optiques ou un autre organe critique, sans irradiation des aires ganglionnaires contiguës. Généralement, dans ces études, la planification du traitement est réalisée selon un mode 3D conformationnel. Peu de données existent dans la littérature concernant la relation entre les doses cumulées et les toxicités tardives de la ré-irradiation avec chimiothérapie concomitante (RRCC) (4). Les données existantes doivent être interprétées prudemment car la plupart des patients qui reçoivent une RRCC ont souvent subi, dans les études publiées, des interventions chirurgicales multiples obscurcissant la détermination des effets tardifs. Les études de phase II et III permettent de mettre en évidence des taux élevés de toxicité tardive, dont la fibrose cervicale (31 à 48 %), l’ostéoradionécrose (5 à 16 %), le trismus (9 à 24 %), et l’hémorragie carotidienne (2 à 5 %). Concernant la toxicité nerveuse, aucune plexopathie brachiale n’a été rapportée. Seul un patient présentant une tumeur immédiatement à côté de la moelle épinière a expérimenté une myélite transversale. Ces faibles incidences de toxicité sont rapportées en dépit d’une dose médiane cumulée de 131 Gy. En outre, les cas de nécrose de cerveau sont rares. Ces résultats sont conformes aux modèles animaux démontrant la réparation significative du cordon médullaire des primates entre la première et la seconde irradiation (5). 21 Nouvelles techniques L’IMRT a été évaluée dans les récidives de tumeurs des VADS. Un taux de survie à deux ans de 37 à 58 % est obtenu dans une population sélectionnée ré-irradiée à une dose de 40 à 70 Gy avec un taux de contrôle local de 42 à 64 %. Dans ces études, les échecs du contrôle locorégional sont considérés comme étant liés à la multifocalité de la récidive. Il est donc nécessaire d’augmenter la dose délivrée et le volume de ré-irradiation, ce qui risque en revanche d’augmenter la toxicité, jusqu’à présent évaluée comme acceptable. La ré-irradiation stéréotaxique (6) avec ou sans cetuximab à la dose de 36 Gy en six fractions de 6 Gy permet d’obtenir un taux de réponse de 79,4 %, avec 44 % de réponse complète et 12 % de toxicité grade 3. Il ressort de ces données que les nouvelles techniques de radiothérapie représentent une possibilité de traitement en cas de récidives. Aujourd’hui, ces techniques permettent d’augmenter les indications de la réirradiation en épargnant davantage de tissu sain. Les taux de réponses complètes sont comparables entre la radiothérapie conformationnelle, l’IMRT et la stéréotaxie, entre 41 et 46 %. Les médianes de survie sont également proches entre 12 et 13 mois selon les techniques. Chimiothérapie de deuxième ligne Entre 5 à 30 % des patients atteints de cancers ORL sont métastatiques (7). Jusqu’aux années 1980, pour les cancers ORL récurrents non opérables ou métastatiques, seuls étaient disponibles le méthotrexate en hebdomadaire, le 5 fluorouracile (5FU) puis le cisplatine en monothérapie. Ces trois chimiothérapies donnaient des taux de réponse de 10 à 17 % et une survie globale de six mois. L’association de cisplatine et 5FU pendant quatre ou cinq jours toutes les trois semaines a permis d’augmenter les taux de réponse à environ 30 % sans amélioration de la survie mais avec une amélioration de la qualité de vie (diminution des douleurs, des troubles de la parole ou de l’alimentation), même si les toxicités hématologiques sont présentes dans 12 à 67 % des cas, des vomissements dans 18-35 % des cas et des mucites de grade 3-4 pour 13-31 % des patients. Le cisplatine peut être remplacé par du carboplatine (toutes les trois semaines) en cas d’insuffisance rénale mais le taux de réponse (21 %) est inférieur à l’association à base de cisplatine, avec une médiane de survie de l’ordre de cinq mois. L’avènement des taxanes a été un apport majeur, mais de moindre niveau de preuve que dans les stratégies d’induction, car les études disponibles en récidive et métastatiques sont essentiellement des études de phase II. Le paclitaxel hebdomadaire et le docétaxel donnent des taux de réponse de l’ordre de 40 % en phase II, avec une médiane de survie globale de l’ordre de huit mois avec une bonne tolérance relative. Cependant, en phase III, chez des patients résistants au cisplatine, les taux de réponse rapportés sont de moins de 10 % pour une médiane de survie de six mois. En association au cisplatine, les taux de réponses peuvent atteindre 50 % et la survie médiane de dix à 11 mois. Les années 2000 ont marqué l’avènement du cetuximab, Figure 1 : Plan d’irradiation IMRT (à gauche) pour un cancer de la parotide droite, comparé à une irradiation conventionnelle (droite). La zone jaune correspond aux zones à hautes irradiations. 22 anticorps anti-REGF. En monothérapie, après échec de chimiothérapies, le cetuximab hebdomadaire donne un taux de réponse de 13 % et un taux de contrôle de la maladie de 46 %. La toxicité est à type de diarrhées et réactions cutanées acnéiformes chez la moitié des patients (dont 1 % de grade 3-4). Une prescription d’anti-diarrhéiques de type lopéramide, de crèmes hydratantes et de cyclines est recommandée. En association au cisplatine en phase III, le taux de réponse était significativement augmenté de 10 à 26 % avec un effet additif sans bénéfice sur la survie. En 2008, un nouveau standard apparaissait en ORL avec l’étude de phase III EXTREME : (442 patients randomisés entre cisplatine et 5FU, quatre jours consécutifs toutes les trois semaines avec placebo ou cetuximab. Le taux de réponse était augmenté de 20 à 36 % et la médiane de survie globale s’élevait de sept à dix mois (HR = 0,80). Les toxicités cutanées et les réactions allergiques à la perfusion (3 % de grade 3-4 avec cetuximab) étaient plus fréquentes. L’association cisplatine-5FU-cetuximab devenait un standard en première ligne de traitement chez les patients en bon état général. Le protocole TPEX, qui est également une association de trois agents, cisplatine ou carboplatine, le cetuximab et le taxotère à la place du 5FU, a été étudié dans une étude de phase II. Les résultats sont encourageants en termes de réponses (53,8 %), de médiane de survie (14 mois) et de tolérance. Cette association pourrait s’avérer supérieure au protocole EXTREME et une étude de phase III comparant les deux schémas est à l’étude. Perspectives du traitement de la récidive métastatique Les perspectives concernant le traitement des récidives métastatiques s’appuient, d’une part, sur l’évaluation des traitements multimodaux et, d’autre part, sur l’apport des nouveaux agents systémiques appartenant à la classe des thérapies ciblées. Le traitement multimodal, associant traitement local et traitement de la ou des localisations métastatiques, est aujourd’hui une perspective en cours d’évaluation. L’amélioration de la qualité de la prise en charge des patients, la qualité et la disponibilité des examens d’imagerie permettent en effet d’envisager chez un certain nombre de patients qui présentent une récidive métastatique ou bifocale, comme cela est aujourd’hui proposé parfois pour le traitement de la maladie première, l’association d’une chirurgie et/ou d’une radiothérapie sur le site primitif et une chirurgie ou une radiothérapie stéréotaxique sur le site métastatique. Plus encore que pour le traitement premier, l’évaluation de l’index bénéfice-risque doit être rigoureuse. Conclusion La place de la chimiothérapie dans le traitement des cancers des VADS est en pleine évolution. Les prochaines années devraient être extrêmement fécondes dans le développement de nouvelles stratégies de traitement curatif des cancers des VADS grâce aux progrès réalisés dans les techniques chirurgicales ou radiothérapiques, dans les possibilités de chimiothérapies, de thérapies ciblées et dans le maniement d'outils de diagnostic en imagerie et en biologie moléculaire. Il sera essentiel de réaliser des essais pertinents cliniquement, en tenant compte du double impératif du contrôle de la maladie locorégionale et de la qualité de vie optimale. Bibliographie 1 Emami B., Bignardi M., Spector G.J., Devineni V.R., Hederman M.A. Reirradiation of recurrent head and neck cancers Laryngoscope 1987 ; 97 : 85-88 2 Spencer S.A., Harris J., Wheeler R.H., Machtay M., Schultz C., Spanos W., et al. Final report of RTOG 9610, a multi-institutional trial of reirradiation and chemotherapy for unresectable recurrent squamous cell carcinoma of the head and neck Head Neck 2008 ; 30 : 281-288 3 Évolution des concepts dans les cancers des voies aérodigestives supérieures, sous l’égide de l’Intergroupe ORL (GORTEC, GETTEC, GERCOR) J. Thariat, F. Jegoux, Y. Pointreau, J. Fayette, P. Boisselier, P. Blanchard, M. Alfonsi, A. Aupérin, E. Bardet, R.-J. Bensadoun, P. Garaud, L. Geoffrois, P. Graff, J. Guigay, F. Janot, M. Lapeyre, J.-L. Lefebvre, L. Martin, S. Racadot, F. Rolland, C. Sire, Y. Tao, C. Tuchais, B. Chibaudel, M.-H. Girard-Calais, A. Cornely, N. Vintonenko, G. Calais, D. De Raucourt, J. Lacau Saint-Guily, J. Bourhis 4 Sulman E.P., Schwartz D.L., Le T.T., Ang K.K., Morrison W.H., Rosenthal D.I., et al. IMRT reirradiation of head and neck cancer-disease control and morbidity outcomes Int J Radiat Oncol Biol Phys 2009 ; 73 : 399-409 Langer C.J., Harris J., Horwitz E.M., Nicolaou N., Kies M., 5 Curran W., et al. Phase II study of low-dose paclitaxel and cisplatin in combination with split course concomitant twice-daily reirradiation in recurrent squamous cell carcinoma of the head and neck: results of Radiation Therapy Oncology Group Protocol 9911 J Clin Oncol 2007 6 Unger K.R., Lominska C.E., Deeken J.F., Davidson B.J., Newkirk K.A., Gagnon G.J., et al. Fractionated stereotactic radiosurgery for reirradiation of head and neck cancer Int J Radiat Oncol Biol Phys 2010 7 Chimiothérapie et thérapeutiques ciblées dans le traitement des cancers des voies aérodigestives supérieures (lymphome malin exclu) F. Espitalier , C. Ferron , S. Sachot-Lebouvier , R. Wagner , J. Lacau Saint-Guily, C. Beauvillain de Montreuil Doi : 10.1016/S0246-0351(12)41899-2 23 Séquelles des traitements en cancérologie ORL Pr Sébastien Albert Service ORL et CCF, Hôpital Bichat AP-HP, Université Paris Diderot, Sorbonne Paris cité Présentation rapportée par le Dr Julien Lahmar Introduction La survie en cancérologie ORL a pu s’améliorer ces dernières années grâce à de formidables avancées techniques, tant dans les champs de la chirurgie et de la radiothérapie que dans celui de l’oncologie médicale. Les cancers ORL nécessitent des thérapeutiques responsables de complications et de séquelles importantes. Ces complications des traitements carcinologiques sont très nombreuses et variées. Elles touchent le patient mais également l’entourage du patient, de façon importante. Elles altèrent la qualité de vie par les séquelles physiques (cicatrices multiples, défects de tissus osseux, musculaire, cutané ou dentaire) et fonctionnelles (déglutition, phonation, mobilité cervicale, atteintes sensorielles) qu’elles engendrent mais aussi par leurs conséquences sur les plans psychologique (dépression réactionnelle) et social (travail, communication, élocution, audition, toucher, sexualité). Ces complications peuvent être locorégionales mais également générales, liées aux traitements oncologiques médicaux. Bien connaître les complications des traitements permet de prévenir et de réhabiliter les traitements en cancérologie ORL. Cette prise en charge doit se faire de façon multidisciplinaire, grâce à une équipe réunissant des ORL, oncologues, médecins traitants, radiologues, gastroentérologues, nutritionnistes, spécialistes de la douleur, odontologues, plasticiens, rééducateurs, psychologues, orthophonistes, kinésithérapeutes, infirmières, diététiciennes, assistantes sociales. La qualité de vie est une grandeur subjective multidimensionnelle qui doit être prise en compte par des échelles couvrant un large éventail d’items dans de multiples domaines (physique, cognitif, social, fonctionnel, émotionnel, financier), comme l’échelle EORTC (organisation for research and treatment of cancer) ou l’échelle QLQ-C30 (quality of life questionnaire). Complications et séquelles de la chirurgie Séquelles phonatoires et respiratoires Les troubles phonatoires des traitements des cancers des voies aérodigestives sont très fréquents. Les cancers de la cavité buccale et de l'oropharynx altèrent l'articulation et le volume des cavités de résonance. Les cancers du larynx sont responsables de séquelles, aux conséquences sur la production du signal sonore (vocalisation) mais aussi sur la communication et la qualité de vie. Mastication La mastication est un phénomène dont la fonction principale est de préparer la texture du bol alimentaire. Elle implique une synergie entre toutes les structures de la cavité buccale. Cette fonction est dépendante de la capacité de contraction des muscles ptérygoïdiens, du contact dentaire et de la capacité linguale à positionner le bol alimentaire de façon adéquate. Le trismus est la principale complication concernant la mastication. Il survient le plus souvent lorsque les 24 muscles ptérygoïdiens ont été chirurgicalement réséqués partiellement ou totalement. Cette fibrose peut-être considérablement augmentée par la radiothérapie. Le traitement doit être débuté de façon précoce. Il consiste en la mobilisation douce sur l'amplitude mandibulaire afin de limiter la fixation par la fibrose. Toutes les thérapeutiques comportant une amputation linguale entraînent le risque de trouble de mastication. Lors d’une résection linguale, il est nécessaire d'envisager la possibilité de reconstruction afin de préserver la mobilité. La préservation du nerf hypoglosse est également un facteur important, constituant un contre appui lors de la mastication. La dentition est un problème important lors du traitement des cancers ORL. Elle doit faire l’objet d’un diagnostic précis et bénéficier d’un suivi avant, pendant et après l’ensemble des traitements afin de prévenir une ostéo-radionécrose mandibulaire. Les caractéristiques des cicatrices inesthétiques sont nombreuses (échelle de perroquet, cicatrice décalée, dépression cicatricielle, cicatrice adhérente, cicatrice dyschromique, élargissement cicatriciel par défaut de maintien, cicatrice rétractile, bride rétractile, cicatrice glabre). Il convient de bien différencier une cicatrice hypertrophique d’une chéloïde. Même si ces deux cicatrices pathologiques ont pour point commun d’être des cicatrices dont la rougeur (hyperplasie) tend à persister au-delà d’un an, la cicatrice hypertrophique a pour particularité de régresser spontanément avant 18 mois. Figure 1 : Aspect dentaire après radiothérapie. Déglutition Les cancers des voies aériennes digestives supérieures sont la première cause des troubles de déglutition en France. Le traitement chirurgical, qui modifie l'anatomie du carrefour aérodigestif, de même que la section d'une ou de plusieurs structures impliquées dans la motricité et dans la sensibilité du carrefour des vois aérodigestives, va entraîner un trouble de la déglutition. Les conséquences peuvent aller de la simple dysphagie à la fausse route gravissime impliquant un risque vital. L’alimentation doit être réalisée par une sonde nasogastrique exclusive pendant le temps de cicatrisation nécessaire (en moyenne entre 15 et 30 jours). La surveillance des patients est indispensable. Il est nécessaire de prévenir et de dépister la survenue de ces fausses routes lors de la surveillance à court, moyen et long termes. La surveillance comprend des conseils diététiques (section des aliments, adaptation des textures) et un avis orthophonique précoce, qui doit être au mieux débuté en post opératoire. La kinésithérapie broncho-pulmonaire avec toux efficace limitant le risque de surinfection pulmonaire doit être réalisée également en post opératoire immédiat. Séquelles esthétiques Une cicatrice est la partie visible d'une lésion du derme après que le tissu se soit réparé, à la suite d'une incision effectuée au cours d'une opération ou à la suite d'une blessure. La cicatrisation se déroule sur 12 à 24 mois. L’évolution d’une cicatrice étant imprévisible, il ne faut jamais envisager de reprise chirurgicale avant un an d'évolution. Figure 2 : Aspect de cicatrice hypertrophique deux mois après une chirurgie d'un cancer de la thyroïde. La cicatrice chéloïde, quant à elle, persiste indéfiniment et peut même évoluer dans le temps. Ainsi, entre un an et 18 mois, une cicatrice rouge et surélevée indique un diagnostic de cicatrice hypertrophique. Si au-delà de 18 mois, la cicatrice apparaît comme de plus en plus épaissie, sans phase aucune d’aplanissement, il s’agit d’une cicatrice chéloïde. Complications et séquelles de la Radiothérapie La radiothérapie induit de nombreuses complications sur les voies aériennes digestives supérieures. Ces complications, précoces ou tardives, dépendent de la dose délivrée (plus importantes lorsque la dose est supérieure à 65 Gray), du volume traité, de la technique de fractionnement et de la modalité d’irradiation. L’utilisation de traitements concomitants (chimiothérapie) influe également sur ces complications. La radiothérapie de la cavité buccale provoque des séquelles de nombreuses structures. Elle atteint les glandes salivaires (xérostomie chronique), 25 que le port de gouttière fluorée et de gel dentaire. Ces traitements sont nécessaires afin de prévenir le risque d’ostéoradionécrose mandibulaire (complication grave). Le traitement curatif de cette complication est un protocole (Pentoclo : pentoxifylline + tocophérol puis + biphosphonate (clonodate) +/- antibiothérapie). L’efficacité du traitement par oxygénothérapie hyperbarre est discutée. Le traitement chirurgical survient en dernier recours lorsque l’os mandibulaire est nécrosé. Il est nécessaire de reséquer l’os nécrosé complétement. Il est impératif de reconstruire (par des lambeaux de péroné ou de scapula) ces défects osseux, après avoir vérifier la couverture muqueuse complète de l’os mandibulaire. Figure 3 : Cicatrice chéloïde 2 ans après une chirurgie d'un cancer de la thyroïde. Complications et séquelles de la chimiothérapie La chimiothérapie peut être utilisée en cancérologie des VADS en induction, en concomitance avec la radiothérapie et en situation de récidive ou d’évolution métastatique. Lorsqu’une chimiothérapie est indiquée, il est impératif d’évaluer l’état clinique (score OMS) et de prendre en considération les antécédents des patients. Il existe de nombreux effets secondaires propres à chaque agent, certains pouvant évoluer vers des complications avec séquelles définitives. Les séquelles spécifiques Les complications des chimiothérapies ORL habituelles sont essentiellement hématologiques (neutropénie, thrombopénie, l’anémie) et digestives (nausée et vomissements, diarrhées, mucite chimio-induite). Sans Figure 4 : Séquelle cicatricielle d’un lambeau libre musculo-cutané. la langue (dysgueusie), les dents (dévascularisation jusqu’à la nécrose cutanée tardive). Elle peut atteindre les tissus kératinisés et cutanés (dépigmentation de la peau, alopécie, dépilation), les tissus nerveux, musculaires (fibrose, rétraction, spasmes cervicaux par atteinte du muscle sterno-cléïdo-mastoïdien et des muscles scalènes, et ptérygoïdiens (mastication)) et nerveux (racines, plexus, nerfs périphériques, moelle épinière, cerveau). La radiothérapie de la cavité buccale peut également atteindre le tissu thyroïdien et induire une hypothyroïdie lorsque la dose est supérieure à 30 Grays. Le traitement est avant tout préventif. Il comporte une prise en charge stomatologique, qui inclut des soins dentaires et l’avulsion des dents infectées ainsi 26 Figure 5 : Radiodermite cervicale secondaire à une radiothérapie pour un cancer de la parotide gauche. sous-estimé. Ce risque est dose-dépendant, direct, agit sur l’oreille interne (organe de Corti) et provoque une surdité de perception bilatérale irréversible prédominant sur les aigus. La douleur La douleur est définie comme « une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable, associée à un dommage tissulaire réel ou potentiel ou décrite en termes d’un tel dommage ». La douleur en cancérologie des voies aéro-digestives supérieures est souvent un symptôme de découverte de la tumeur. Dans la majorité des cas, le traitement et la guérison du cancer vont permettre d’atténuer voire de faire disparaître cette douleur. Sa persistance, sa réapparition, ou sa modification doit avant tout faire évoquer une poursuite évolutive ou une récidive de la maladie. Figure 6 : Ostéoradionécrose mandibulaire. être exhaustif, il existe des complications spécifiques comme un vasospasme coronarien, une névrite optique rétrobulbaire par le 5 fluoro uracile (3 à 5 %), une hypersensibilité allergique immédiate ainsi que des troubles du rythme au Docétaxel (14%), des pneumopathies interstitielles au cetuximab ou encore des troubles oculaires par le cisplatine. Elles nécessitent une prise en charge rapide, elles peuvent être graves voire létales et conduire à l’arrêt du traitement. En cas de traitement par cisplatine à forte dose (plus de 500 mg/m²) chez le patient jeune, il convient de réaliser une cryoconservation des gamètes. Séquelles rénales Les platines et le méthotrexates à hautes doses peuvent entraîner une néphrotoxicité à type de tubulopathie. Cette toxicité est présente à partir des doses de 50 mg/m² et peut être précoce (dans les 24 premières heures). Elle peut être variable mais peut concerner près de 20 % des patients. Le traitement dépend du stade de gravité, pouvant nécessiter dans certains cas une hémodialyse. La prévention consiste en un bilan rénal avant chaque administration de produit, une hyperhydratation avant l’administration du médicament, une élimination des produits néphrotoxiques en évitant les scanners injectés ; enfin, on privilégie une perfusion à une vitesse de 1 mg/min, on calcule la dose cumulée de cisplatine (ne pas dépasser 600 mg/m²), et on utilise le carboplatine en alternative du cisplatine, en prenant soin d’éviter son utilisation chez les sujets âgés de plus de 70 ans. Séquelles auditives L’ototoxicité est l’un des effets secondaires les plus fréquents des platines : le risque s’élève à 60 % et est probablement Même en cas de guérison complète, les traitements utilisés restent lourds (chimiothérapie, chirurgie, radiothérapie) et peuvent être à l’origine de séquelles esthétiques, fonctionnelles, psychologiques et douloureuses. Toutes ces composantes entrent en jeu dans l’évaluation et la prise en charge des douleurs induites par les traitements Les douleurs induites par le traitement des cancers des VADS sont particulièrement complexes et multidimensionnelles. Elles comportent des composantes nociceptives, neuropathiques et mixtes, en de multiples sites. Une souffrance psychique spécifique, liée aux perturbations des fonctions essentielles (langage, déglutition, atteinte de l’image corporelle) et à leurs conséquences psychosociales, est constamment associée. Établir un diagnostic précis des rôles respectifs de ces mécanismes, relevant chacun de traitements spécifiques, est essentiel pour parvenir à être efficace. Conclusion Les cancers ORL nécessitent des thérapeutiques lourdes qui induisent de nombreuses complications. Les complications des traitements carcinologiques sont très nombreuses et variées et peuvent survenir au début de la phase du traitement jusqu’à de nombreuses années lors de la surveillance. Leurs prises en charge doivent se faire de façon multidisciplinaire (ORL, oncologue, médecin traitant, radiologues, gastroentérologues, nutritionnistes, spécialiste de la douleur, odontologue, plasticien, rééducateur, psychologue, orthophoniste, kinésithérapie, infirmières, kiné, diététicienne, assistante sociale) et s’inscrire dans la prévention, le dépistage, le diagnostic et le suivi au cours de toutes les différentes phases de traitement du patient. Bibliographie : 1 Complications et séquelles des traitements en cancérologie ORL, rapport de la société française d’ORL et de chirurgie cervico-faciale F.Chabolle 27 Surveillance post-thérapeutique des carcinomes épidermoïdes des voies aérodigestives supérieures de l’adulte Dr Jean-Pierre Cristofari Service ORL et CCF, Hôpital Bichat AP-HP, Université Paris Diderot, Sorbonne Paris cité Présentation rapportée par le Dr Julien Lahmar La surveillance des patients traités pour un cancer des voies aérodigestives supérieures (VADS) est un élément essentiel de leur prise en charge et doit être coordonnée au mieux par le médecin traitant. Elle fait également intervenir de nombreux soignants dans la rééducation et la prise en charge globale de ces patients. Bilan carcinologique post-traitement L’évaluation post-thérapeutique est un volet essentiel dans la prise en charge de la maladie cancéreuse dans le but de dépister un événement cancérologique à un stade précoce pour le traiter dans les meilleures conditions à visée curative. Les standards, options et recommandations pour le diagnostic, le traitement et la surveillance des cancers épidermoïdes de l’oropharynx précisent le calendrier de surveillance « tous les 3 mois la première année ». L’interrogatoire est un temps essentiel à la recherche de signes fonctionnels notamment l’apparition de douleurs traduisant une extension profonde éventuelle. L’examen clinique ORL est un élément fondamental dans toute la littérature en raison de la fréquence des échecs locorégionaux et de la nécessité d’évaluer séquelles et complications thérapeutiques. Il permettra d’évaluer avec le patient ses besoins en termes de rééducation de la voix, de la déglutition, de la mobilité de l’épaule et d’adapter la prise en charge diététique et le suivi des facteurs de risque. La radiographie pulmonaire ne fait pas partie des examens de routine pour le premier contrôle après traitement ; elle est justifiée en cas de signes d’appel. L’échographie cervicale, examen fiable et peu coûteux, de réalisation aisée et non invasive, a été évaluée dans un certain nombre de travaux. La surveillance ganglionnaire par échographie garde un intérêt dans l’évaluation des cous N0 non traités à condition d’être pratiquée par un opérateur expérimenté. Cet examen peu coûteux et non invasif reste moins performant que le scanner. Le scanner dans les cancers pharyngolaryngés est préconisé systématiquement dans les six premiers mois voire dès le premier mois après traitement. Il est plus performant que l’examen clinique seul, notamment chez les patients irradiés. L’utilisation de la TEP (tomographie par émissions de 28 positons) en cancérologie est reconnue pour la recherche des poursuites évolutives locorégionales. Des travaux comparatifs prospectifs sont nécessaires pour évaluer la place du TEP scanner dans la surveillance pour préciser à quel moment l’examen doit être réalisé. En pratique, peu d’équipes réalisent une surveillance systématique par imagerie, mais celle-ci peut se discuter pour des patients pour lesquels il reste une technique curative (préservation d’organe), chez les patients dont la surveillance clinique et endoscopique est difficile (séquelles de radiothérapie, patient ayant un réflexe nauséeux important ou très pusillanime) pour servir d’examen de référence pour les examens ultérieurs éventuels. Les examens biologiques ne font l’objet d’aucun consensus dans la littérature au stade du premier bilan. À ce jour, aucun marqueur sérique n’a fait la preuve de son intérêt dans le suivi. Récidives locales, régionales, des métastases et métachrones Le dépistage des récidives locales et ganglionnaires ainsi que des deuxièmes localisations dans les cancers des VADS est un enjeu essentiel de la surveillance. Le taux de récidives locorégionales des cancers des VADS traités dans un but curatif varie de 15 à 35 % selon les études. Ces récidives sont plus souvent locales, dans environ deux tiers des cas, que ganglionnaires. Les récidives surviennent dans la très grande majorité (plus de 90 % des cas) pendant les 3 ans qui suivent le traitement de la tumeur initiale. Tous les auteurs constatent que le taux de rattrapage des tumeurs est uniquement élevé pour les patients qui ont bénéficié d’une seule modalité de traitement. Ils recommandent une surveillance intensive chez les patients pour lesquels une seule thérapeutique a été utilisée car ils peuvent bénéficier en cas de récidive d’une thérapeutique à visée curative. La consultation systématique comprend un interrogatoire orienté sur les symptômes évocateurs de la récidive locorégionale et un examen clinique complet. La surveillance post thérapeutique, à la recherche de récidive, doit donc être organisée avec des consultations systématiques mais doit permettre, chez des patients informés, la possibilité de consultations supplémentaires en cas de survenue de symptômes pouvant évoquer une récidive. Une localisation néoplasique est dite métachrone d’un cancer des VADS lorsque son diagnostic est porté au moins six mois après le diagnostic de ce dernier. Tous les patients présentant un cancer des VADS sont généralement considérés comme ayant un risque important de deuxième cancer. La plupart des études évalue ce risque entre 2 et 4 % par an voire 6 % durant une longue période après le traitement initial (10 ans voire plus), ce qui en fait un facteur majeur du pronostic. Alors que dans les trois premières années, le risque essentiel est la récidive locale, passé ce délai, la surveillance doit se focaliser sur le dépistage d’une deuxième localisation dont le risque ne décroit pas dans le temps. Le tabac et l’alcool sont des facteurs de risque importants de cancer des VADS retrouvés dans toutes les études. Les avis sont également unanimes sur l’incidence de l’arrêt de l’intoxication du tabac et la survenue d’un deuxième cancer. Facteurs nutritionnels : des études épidémiologiques ont montré que certains aliments (légumes et fruits) ou nutriments (vitamine C et carotènes) diminuaient le risque de cancer des VADS et notamment de manière importante (jusqu’à 70 %) les deuxièmes localisations chez les patients atteints de cancer de la cavité buccale ou du pharynx. Ce second cancer peut survenir, en premier lieu, au niveau des VADS ou à distance avec deux sites privilégiés que sont les poumons et l’œsophage. Le risque d’un second cancer est plus important chez les patients qui poursuivent un tabagisme actif et une intoxication éthylique après traitement de la tumeur des VADS. L’incidence moyenne des métastases dans le suivi des cancers des VADS est de 11,8 %. Les organes les plus fréquemment affectés sont, par ordre décroissant : le poumon, le squelette osseux et le foie. Dans 80 % des cas il existe un seul site métastatique : le poumon. Les localisations osseuses et hépatiques sont exceptionnellement isolées et sont à 97 % des cas associées à des localisations pulmonaires. 85 % des métastases sont diagnostiquées dans les deux ans qui suivent le diagnostic de la tumeur initiale (niveau 4). La médiane d’apparition du premier site métastatique est de dix mois. La découverte d’une métastase tardive doit faire rechercher un autre cancer primitif. Objectifs non carcinologiques de la surveillance L’évaluation non carcinologique de la surveillance des patients traités d’un carcinome épidermoïde des VADS comprend l’analyse des fonctions physiologiques de respiration, de déglutition, de phonation et des modifications morphologiques neuromusculaires et esthétiques. Les modifications engendrées par les différents traitements sont importantes et altèrent durablement la qualité de vie des patients. À côté de l’aspect réaliste lié à la rentabilité de la recherche d’une récidive, d’une métastase ou d’une deuxième localisation, le maintien d’une surveillance revêt aussi d’autres dimensions : apporter un support psychologique nécessaire au patient après un traitement majeur voire invasif, juger de l’appréciation de l’intégration sociale ou professionnelle et de la recherche de l’abstinence addictive, mais également assurer le suivi lié au terrain socio-économique défavorisé et à l’intoxication alcoolotabagique. Une surveillance régulière permet par conséquent de ne pas perdre de vue ces patients souvent sous-médicalisés. Chez les patients irradiés, les effets tardifs suivants peuvent être observés : hyposialie, altérations dentaires et gingivales, fibrose cervicale. Ils peuvent engendrer des difficultés de mastication et de nutrition, et avoir un impact sur la qualité de vie. L’éducation du patient à une bonne hygiène dentaire et à la nécessité d’une prophylaxie fluorée quotidienne après le traitement est essentielle. Il n’y a pas de consensus sur le rythme des contrôles dentaires, mais au vu de la littérature des expériences personnelles, on propose un examen dentaire biannuel. L’appréciation de l’état général dans le cadre du suivi carcinologique correspond à l’état de bonne santé de la définition OMS. Elle correspond, pour bon nombre de patients, à une problématique médicopsychosociale. Outre une surveillance de l’état respiratoire et cardiovasculaire, une attention très particulière devra être portée à l’état général et en particulier au poids du patient. Dès la période de diagnostic de la maladie, la prise en compte d’une perte de poids est un élément important dans la décision thérapeutique et même dans le pronostic. La surveillance de la courbe de poids est indispensable durant toute la phase thérapeutique. Il en est de même après le traitement et lors du suivi thérapeutique, le poids doit être consigné à chaque consultation. Néanmoins, il faudra veiller lors du suivi thérapeutique à ce que la courbe pondérale se maintienne. En cas de perte de poids, il est indispensable de donner au patient des compléments nutritionnels sous forme de boîtes ou poches. Au mieux, il sera orienté vers une nutritionniste. Sur le plan psychologique, le patient va devoir vivre avec un cancer qui engage son pronostic vital. En cas de signes dépressifs, il est impératif d’éliminer en premier lieu une hypothyroïdie (dosage de TSH, observée dans 10 à 80 % en fonction du geste 29 No sur la thyroïde, elle est retrouvée dans 15 à 30 % en cas d’irradiation seule, et dans 40 à 60 % en cas d’association chirurgie et radiothérapie). Il est nécessaire de réaliser une éducation du patient aux signes d’appels éventuels lors de chaque consultation, d’insister auprès de lui pour qu’il se prenne lui-même en charge, d’une part en surveillant ses apports caloriques et donc son poids, et, d’autre part, en restant à l’écoute de tout nouveau signe anormal. Une campagne de prévention « make sense » organise des actions de sensibilisation et d’information afin d’organiser un diagnostic précoce d’un cancer ORL dans la population générale. L’accent sera mis en particulier sur la réapparition de douleurs, d’une gène à la déglutition, d’une modification de la voix, d’une gêne à la respiration d’une durée de plus de trois semaines. Conclusion La surveillance ne se contente pas de rechercher une récidive, mais évalue le contrôle de la maladie, les séquelles douloureuses et fonctionnelles du traitement et leur prise en charge, les conséquences psychologiques et leur répercussion sur la qualité de vie, la survenue de métastases et de deuxièmes localisations coordonnée par les chirurgiens, radiothérapeutes et oncologues médicaux et le médecin traitant qui ont participé au bilan et au traitement de la maladie. Bibliographie : 1) Recommandation pour la pratique clinique “ suivi post-thérapeutique des carcinomes épidermoïdes des voies aérodigestives supérieures de l’adulte ” - Société française d’ORL 2) http://makesensecampaign.eu/ 30 Nouvelle rubrique Expertise ORL et médico-légale Maître Caroline Kamkar Docteur en Droit, avocat au barreau de Lille L’évolution de la jurisprudence mais aussi du droit de la responsabilité médicale en générale met en lumière la nécessité de développer la formation médico-légale des praticiens ORL. La société Amplifon a donc souhaité, par le biais d’une rubrique médico-juridique co-dirigée par le Professeur Bruno Frachet (chef de service ORL, Hôpital Rothschild, Paris - expert judiciaire près la Cour de Cassation), le Docteur Philippe Courtat, médecin conseil de la compagnie d’assurance La Médicale de France, et Maître Caroline Kamkar, avocat au Barreau de Lille, participer activement à cette formation en y développant l’actualité juridique et jurisprudentielle. Il s’agit d’informer et mettre en garde les chirurgiens ORL en leur permettant d’adapter au mieux leurs pratiques, toujours au service de la qualité des soins, aux impératifs juridiques qui s’imposent à eux. Cette rubrique sera complétée par un module de e-learning que la société Amplifon développe actuellement et que les praticiens retrouveront prochainement sur le site Internet de la société où seront développées les principales questions juridiques. Pourquoi cette rubrique ? Les critiques formulées à l’encontre du règlement du contentieux chirurgical appellent une réflexion générale sur le fonctionnement du régime de la responsabilité et de la délimitation de la faute ou plutôt des fautes du médecin ORL. Cette réflexion fait notamment suite à la formation organisée le 5 mars 2016 par Amplifon au sujet de la gestion de l’erreur humaine dans le domaine de l’aviation. Il en est ressorti que si les erreurs et violations sont clairement définies dans le domaine de l’aviation, les règles qui régissent la responsabilité des pilotes ne sont en rien applicables à la responsabilité des médecins : le droit médical privilégie l’indemnisation des patients, ce qu’a entériné la loi dite Kouchner du 4 mars 2002. Le système d’indemnisation des dommages corporels qui sera confronté, on le sait, aux besoins futurs des victimes, rencontre d’ores et déjà ses limites, ne sachant plus s’il convient de poursuivre dans la voie d’une meilleure protection des victimes ou si un trop haut niveau de protection ne risque pas de dissuader les praticiens de poursuivre leur activité. © iStockPhoto-Feverpitched Le droit occupe désormais une place incontournable dans la pratique médicale ; l’ORL n’y fait pas exception. 31 La question de l’immersion du droit dans la sphère chirurgicale est étroitement liée à l’évolution et à la construction de la relation de soins. Depuis une cinquantaine d’années, du fait des prouesses techniques, les accidents appellent une réponse en termes de réparation et souvent de responsabilité. Corrélativement, la dérive majeure est l’opposition opérée entre les patients et les chirurgiens ; il semble admis que c’est en aggravant les conditions d’exercice des praticiens que seront affirmés les droits des victimes. Dans un tel contexte, est-il concevable de plaider pour une responsabilité chirurgicale équilibrée par la délimitation raisonnable de la faute, sans être accusés d’indifférence au sort des victimes ? Avant même une qualification juridique, les faits font l’objet d’une expertise médicale Dans ses travaux relatifs à la distinction entre la faute et l’erreur en matière de responsabilité médicale, Jean Penneau souligne que « l’erreur ne peut être que le cadre général à l’intérieur duquel, dans un certain contexte, la faute s’individualise ». La distinction, certes subtile, est pourtant bien réelle car la faute, même la plus légère, ne peut exister que là où une règle a été violée ; l’expert précisera en quoi elle l’a bien été. En collaborant à solutionner les différentes hypothèses, l’expert précise les « données acquises de la science », ce qui confère à sa fonction une réelle autorité dont il devra user avec prudence. En effet, l'expert doit avoir conscience qu'avec chacune de ses décisions se bâtit le régime de la responsabilité médicale dans son ensemble. En définitive, la question de l’expertise est une préoccupation collective des membres d’une même spécialité, soucieuse de clarifier l’application du régime de la responsabilité juridique qui la concerne. Pourtant, la liste des experts publiée dans les rapports d’activité de la Commission nationale des accidents médicaux est révélatrice d’une véritable carence dans des spécialités par ailleurs exposées à la réalisation du risque, donc aux procès. Le désintérêt pour l’expertise est ici aussi inquiétant que surprenant. Inquiétant parce que la complexité des situations issues de la pratique chirurgicale appelle un regard très précis et très compétent que seul un spécialiste, praticien assidu de la matière pourra apporter. Surprenant, parce que ces mêmes spécialistes sont aujourd’hui victimes du déséquilibre du régime de la responsabilité civile qu’ils dénoncent. La démarche étant la comparaison des faits à la norme, la place de l’expertise médicale dans la procédure contentieuse s’est progressivement affirmée jusqu’à en devenir la clé de voûte. Critiquer le régime de la responsabilité juridique sans s’intéresser directement et personnellement à la question de l’expertise revient à moucher la lampe sans y mettre d’huile. La matière très hermétique aux non-initiés fait que les chirurgiens eux-mêmes s’imposent comme les critiques les plus qualifiés. D’ailleurs, il n’est pas négligeable de noter que l’intervention des pairs peut être identifiée très tôt dans la procédure. En effet, combien de fois le patient a-t-il été alerté d’une prise en charge douteuse par un « second avis » ? Décider d’engager une procédure et rencontrer un avocat sont des démarches qui ne se font pas à la légère et se révèlent très souvent fondées sur des arguments médicaux fournis au patient par un « confrère ». L’action est alors légitimée par le sentiment d’injustice de la victime et l’intime conviction qu’il a pu se forger. L’avocat et l’expert se sont donc réunis L’intérêt de l’éclairage scientifique et technique doit, en second lieu, être analysé au niveau du régime de responsabilité. En effet, si les analyses de l’expert orientent les solutions jurisprudentielles, elles influent sur la qualification des faits. 32 Si Médecine et Droit se sont longtemps mutuellement ignorés, les patients les ont progressivement rapprochés. D’abord et jusqu’à une époque récente, les seuls points de rencontres furent les tribunaux dans un cadre strictement contentieux. Désormais, impulsée par l’évolution du droit médical, la question de la formation et de la prévention prend toute sa place. En effet, l’évolution des deux disciplines impose une collaboration qui dépassera le « jeu des subjectivités ». Cette démarche, illustration d’un progrès, implique prioritairement un dialogue entre chirurgiens et juristes car la situation est toujours celle que décrivait le Professeur André Tunc en 1966 lors du congrès de morale médicale : « Vous pouvez certes, vous plaindre de nous. Mais quels que soit notre respect pour l’ensemble de votre profession, pouvons-nous renoncer devant vous à notre mission ? ». Assurément non. Quoi de neuf en ORL ? Dr Isabelle de Gaudemar, Phnom Penh, Cambodge Le microbiote nasal a un rôle important dans la colonisation par staphylocoque doré résistant à la méticilline http://www.univadis.fr/medical-news/41/Le-microbiote-nasal-a-un-role-important-dans-la-colonisation-par-staphylocoque-dore-resistant-a-la-meticilline © Ezume Images-fotolia.com La colonisation nasale par un Staphylococcus aureus (SA) qui est le plus souvent résistant à la méticilline (SARM), multiplie par un facteur allant de 3 à 13 le risque d’infection à ce même germe. Une équipe américaine du Colorado a comparé les microbiotes nasaux des porteurs chroniques de SA à ceux de sujets sains. L’analyse du microbiote nasal a été effectuée par PCR, séquençage de l’ARN, et culture en présence de SARM. Plusieurs micro-organismes trouvés dans le microbiote nasal étaient associés à l'absence de colonisation par SARM, malgré une exposition importante au staphylocoque notamment des bactéries comme Streptococcus mitis et Lactobacillus gasseri. Pourrait-on imaginer un traitement probiotique nasal pour lutter contre le portage nasal chronique de SARM ? Les sourds vulnérables face aux violences et à la dépression http://www.lepoint.fr/societe/les-sourds-vulnerables-aux-violences-et-a-la-depression-15-12-2015-1990129_23.php Une étude publiée dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) démontre que les sourds et les malentendants sont nettement plus susceptibles de concevoir des idées suicidaires, de faire des tentatives de suicides et de subir des violences, y compris sexuelles, que les personnes entendantes. Cette étude porte sur 3 000 personnes sourdes ou malentendantes de plus de 15 ans. Les pensées suicidaires étaient 5 fois plus fréquentes et les tentatives de suicides 3 fois plus importantes. Selon le BEH, plus de 5 millions de personnes souffrent d’un handicap auditif en France. Seules entre 1 à 1,1 millions de personnes étaient appareillées en 2008, alors que 2 millions déclaraient en avoir besoin. Des larmes de sang telle une madone http://www.mediscoop.net/index.php?pageID=28f6d0fceca51be5f447eb8b7c624a30&midn=7983&from=newsletter Une jeune fille de 14 ans, présentant des saignements intermittents unilatéraux de l’œil, du nez et de la bouche, a subi une longue errance médicale avant que le diagnostic de localisation lacrymale et nasale d’endométriose soit établi. L’IRM a permis de confirmer la localisation lacrymale de la maladie. Le traitement par oestroprogestatif est partiellement efficace. Cette maladie est extrêmement douloureuse et handicapante et cette localisation exceptionnelle. Le chanteur du groupe de rock AC/DC risque la surdité http://www.egora.fr/sante-societe/people/208516-le-chanteur-dacdc-risque-la-surdite Le chanteur Brian Johnson du groupe australien AC/DC risquait de devenir totalement sourd s'il continuait de se produire sur scène. Dans un communiqué publié sur leur site Internet, le groupe indique que les médecins ont conseillé à Brian Johnson d’interrompre immédiatement sa tournée prévue aux États-Unis. 33 Une oreille ouvre la voie aux organes imprimés en 3D © Wake Forest Institute for Regenerative Medicine http://sante.lefigaro.fr/actualite/2016/02/18/24641-oreille-ouvre-voie-organes-imprimes-3d Des chercheurs américains ont mis au point une imprimante 3D permettant de construire un organe de forme complexe comme un pavillon d’oreille humaine biocompatible. Il s’agit d’un exploit technologique car il a dû répondre à de nombreux défis comme l’obtention d’une texture suffisamment ferme, le maintien en vie des cellules humaines utilisées grâce à l’utilisation d’une structure en polymère criblée de mini-canules recouverte d’un gel à base d’eau contenant les cellules qui, ainsi, ne sont pas écrasées. Cette ébauche d’oreille a été implantée sous la peau d’une souris où la structure fondamentale s’est peu à peu désagrégée pour laisser à la place des protéines produites par les cellules. Des vaisseaux sanguins et des nerfs se sont développés autour de la structure. Cet exploit ouvre la perspective d’imprimer des tissus humains et des organes implantables. Trop de bruit dans les unités de soins intensifs https://www.google.com/search?client=safari&rls=en&q=Tainter+C+et+coll.+:+Noise+Levels+in+Surgical+ICUs+Are+Consistently+Above+ Recommended+Standards%0A%0ACrit+Care+Med.,+2016;+44:+147-152&ie=UTF-8&oe=UTF-8 L'OMS préconise, spécifiquement pour les hôpitaux, un bruit de fond ne dépassant pas les 30 dB pendant le sommeil, avec des événements sonores ponctuels ne dépassant pas 40 dB. Les niveaux sonores des alarmes, conjugués aux sons mécaniques des dispositifs périphériques comme les respirateurs et les pompes de perfusion dans 2 unités de soins chirurgicaux intensifs, ont été mesurés sur une période de 6 semaines. Les niveaux sonores minimaux mesurés pendant la nuit oscillaient entre 50 et 51 dB. Toutes les mesures étaient supérieures aux recommandations de l’OMS, malgré la mise en place dans une des deux unités d’une stratégie d’aménagement de temps calme la nuit avec diminution de l’intensité lumineuse et incitation du personnel à réduire le bruit entre 23 heures et 5 heures du matin. L’exposition à ces niveaux sonores élevés est préjudiciable pour les patients fragiles mais également pour le personnel. L’oreille d’or de Elisabeth Barillé http://www.grasset.fr/loreille-dor-9782246855750 Élisabeth Barillé est l'auteure de plusieurs romans, récits et biographies, parmi lesquels, chez Gallimard, Corps de jeune fille (1986), Exaucez-nous ! (1999, Prix de la Fondation de France), À ses pieds (2006). Et chez Grasset : Une légende russe (2012) et Un amour à l'aube (2014). Dans ce récit intime, Elisabeth Barillé évoque son handicap invisible dont elle fait sa force. Ne pas entendre comme tout le monde, mais entendre autre chose. Ce handicap qui l’isole mais aussi lui accorde aussi le droit d’être absente, de rêver. Une surdité qu’elle a toujours dissimulée, d’autant moins discernable qu’elle ne touche qu’une seule des deux oreilles. « Merci mon oreille morte. En me poussant à fuir tout ce qui fait groupe, la surdité m’a condamnée à l’aventure de la profondeur… » 34 VHIT ICS IMPULSE Système de test HIT conçu par les Docteurs Halmagyi et Curthoys. Profitez de la référence dans le domaine du VHIT : ¬ Caméra haute fréquence (250 Hz) avec capteur de mouvement à 9 axes ¬ Lunettes de 60 grammes avec lasers intégrés ¬ Nouveautés : 3 modules au choix : • module vidéonystagmoscopie (VNS) • module VPPB • module oculomoteur Conseil, installation et SAV Amplifon 22 AVENUE ARISTIDE BRIAND - 94110 ARCUEIL Tél. : 01 49 85 40 40 - Fax 01 49 85 40 50 Retrouvez tous les produits sur notre site : www.amplifon.fr Vous pouvez également nous contacter par mail à : [email protected] 35 Un peu de divertissement : Les mots croisés des cancers des VADS ! Par le Professeur Bruno Frachet A B C D E F G H I J K L M N O P Q R S T U V W 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 HORIZONTALEMENT 1B Enlever le carrefour et la suite… en perte de vitesse avec le concept de préservation d’organe. 3E Traduisent des amputations, des pertes de substances, dont la localisation et l’ampleur touchent le patient mais également son entourage de façon importante. 5A Les « glandes » qui nous inquiètent… Ce sont des organes de drainage et de filtration de la lymphe provenant d'un territoire anatomique mettant précocement en contact les antigènes et les lymphocytes, et assurant une veille immunitaire permanente, mais pas seulement… Des cellules pathologiques y sont filtrées. 8B La famille du virus qui nous intéresse au premier chef. 10C Quand il faut la faire, on craint un taux significatif de toxicité sévère. 12D Il faut le déterminer pour le cibler. Différents moyens y concourent. . 13G C’est un anticorps monoclonal murin humanisé ciblant et bloquant le récepteur au facteur de croissance épidermique, surexprimé à la surface de certaines cellules tumorales. Fait partie des mAb : monospecific antibodies. 16J Technique de radiothérapie visant à détruire les cellules cancéreuses en les irradiant avec un faisceau de particules. Contrairement à la radiothérapie « conventionnelle », elle focalise un faisceau de protons sur les lésions. Du fait de la plus faible dose délivrée aux tissus sains, les protons ont des effets collatéraux moins sévères que la radiothérapie conventionnelle. Tous 36 les protons d'une certaine énergie ont une certaine distance de pénétration ; aucun proton n'accède au-delà de cette limite. C’est une technique d’épargne des tissus situés avant, mais surtout en arrière du volume cible. Malheureusement, les plateaux techniques proposant cette technique sont rares en France. 20F Premières utilisations en avril 1969. Cette famille de produits induit des lésions directes sur l’ADN, en créant des ponts intramoléculaires entre deux chaînes d’ADN. Ce produit est un espace commun de réflexion avec les otologistes… 22B Complication muqueuse qui altère la qualité de vie, quant à la déglutition, la parole… avec des répercussions psychologiques et sociales. VERTICALEMENT C1 Responsable des infections sexuellement transmissibles les plus fréquentes. L’estimation des personnes actuellement contaminées par ce virus est comprise entre 10 et 30 %. Virus ayant un tropisme pour les épithélium malpighiens, types muqueux et génitaux à potentiel cancérigène élevé pour certains sérotypes. E1 Méthode combinée pour augmenter la survie et diminuer les récidives à la tête et au cou, principalement chez les patients ayant une maladie localement avancée ou afin de préserver la fonction. G13 Système associant le robot à la radiothérapie avec l’objectif de bénéficier d’un ciblage beaucoup plus précis que dans la radiothérapie conventionnelle. Pour cette raison beaucoup mieux connu dans la prise en charge d’autres tumeurs ORL… N13 Tout avec modération ! Seul, à la différence du tabac, ne provoque pas de cancers chez l’animal. P5 Il génère une forte dépendance et sa consommation est responsable de près de 6 millions de décès par an dans le monde dont 600 000 « indus ». Q11 Théoriquement à sens unique. S1 Une des entrées du carrefour. U1 C’est un traitement qui consiste à administrer des substances qui vont stimuler les défenses immunitaires de l'organisme afin de lutter contre différentes maladies, en particulier pour certains cancers hématologiques. Par extension, désigne également toute thérapie utilisant des protéines produites par les cellules du système immunitaire, en particulier les immunoglobulines. Les premiers essais de ce traitement remontent aux années 1970. W9 Altère lourdement la qualité de vie et génère ses propres complications. 37 Solutions A 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 B C D P H A E F G H I J K L M N O P Q R S T R Y N G O L A R Y N G E C T O M P A V D E A D P E A N P O C T S N H B R T Y H Y N E P A E V S I R I D M R E I A T R R A D I A T I O N X V H C E Y U X I M A B L S Y P I P I A O E L E P R O A I K L R I C O B P R O T O P N N I F C T R A R C U E T E T H Y S P L A T I N H H A E M E C O G U O M I M P A O H O H L T E M T L A I R W A I P 21 38 E V C 20 22 F I U E N X I E R A P I E Les journées de formation Amplifon Formulaire d’inscription 2016 Donnez du son à la vie™ Frais d’inscription : gratuit. Je m’inscris à : Merci de cocher la ou les case(s) correspondante(s). Samedi 18 Juin 2016 à Paris - Hôtel Crowne Plaza République La Polygraphie – Dr. O. GALLET DE SANTERRE (ORL à Montpellier) – Dr. P.J. MONTEYROL (ORL à Bordeaux) – Dr. M. BLUMEN (ORL à Paris) Samedi 25 Juin 2016 à Paris - Hôtel Crowne Plaza République Les Masses Cervicales – Pr. M. MAKEIEFF (Service ORL - CHU de Reims à Reims) Samedi 17 Septembre 2016 à Paris - Hôtel Crowne Plaza République Données Actuelles en Cancérologie des VADS – Pr. B.BARRY et Dr S. ALBERT (ORL et CCF – Service ORL – Hôpital Bichat à Paris) Samedi 24 Septembre 2016 à Paris - Hôtel Crowne Plaza République Les Urgences en ORL – Pr A. BOZORG GRAYELI (Service ORL – CHU à Dijon) Vendredi 21 & Samedi 22 Octobre 2016 à Marseille Les Surdités Unilatérales Enfant-Adulte – que faut il en penser ? Que faire ? Pr JM TRIGLIA, Dr S. ROMAN, Dr A. FARINETTI (Service ORL Pédiatrique - La Timone à Marseille) Samedi 5 Novembre 2016 à Paris - Hôtel Crowne Plaza République Elément de négociation : Comment faciliter l’adhésion des patients aux projets thérapeutiques ? ICN Business School Vendredi 18 & Samedi 19 Novembre 2016 à Paris Réhabilitation Auditive et Cognition – Hearing rehabilitation and cognition in elderly – Centre de Recherche et d’ Etudes (C.R.S) Amplifon & Pr. O. STERKERS (Service ORL – Hôpital Pitié -Salpêtrière à Paris) Samedi 19 Novembre 2016 à Paris - Hôtel Crowne Plaza République La Voix – Pr. F. CHABOLLE et Dr. C. FUGAIN (Service d’ORL – Hôpital Foch à Suresnes) Samedi 26 Novembre 2016 à Paris - Hôtel Crowne Plaza République Les Vertiges – Dr. D. BOUCCARA et Dr. P. BERTHOLON (ORL à Paris) Samedi 17 Décembre 2016 à Metz/Nancy Aspect pratique de l’évolution en Rhinologie (septoplastie et septorhinoplastie, ethmoïde et base du crâne) Evolution des pratiques endoscopiques ORL (phoniatrie, sommeil, sialendoscopie, otoscopie) Pr R. JANKOWSKI (CHRU de Nancy) - Dr R. STRINGINI (CHR de Metz-Thionville) Le nombre de places étant limité, nous vous invitons à vous inscrire rapidement. Nom & Prénom : ............................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Adresse professionnelle : .................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................... Tél* : .................................................................................................................................. 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