Lecture VII Influences et héritage du Réalisme Poétique et de La

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Lecture VII Influences et héritage du Réalisme Poétique et de La
School of Modern Languages and Cultures, The University of Hong Kong
FREN3022 - French and Francophone Cinema
Lecture VII
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Influences et héritage du Réalisme Poétique et de La Nouvelle Vague dans les
films de Jean-Pierre Jeunet et Christophe Honoré
Cette lecture propose d’examiner la question des influences et de l’héritage du Réalisme Poétique et de la
Nouvelle Vague dans l’œuvre de réalisateurs contemporains ; Christophe Honoré et Jean-Pierre Jeunet.
Chaque courant cinématographique peut être associé à un contexte social ou historique particulier. Ainsi,
les valeurs, le regard et les pratiques des réalisateurs peuvent être vus dans une perspective sociohistorique. Le problème des influences et de l’héritage pose donc un certain nombre de questions ;
Comment s’opère la transposition d’éléments filmique appartenant a un contexte particulier dans un autre
contexte que celui d’origine ? Quelles sont les intentions du réalisateur ? Quel lien peut-il y avoir entre
différents contextes ? Quelles différences et similarités peut-on observer ?
En 2007, Christophe Honoré a réalisé Les Chansons d’Amour un film musical sur le thème de l’amour, de
la mort, du chagrin et de la renaissance.
Les Chansons d’Amour raconte l’histoire d’Ismael (Louis Garrel) et de Julie (Ludivine Sagnier) un jeune
couple parisien romantique qui pour sauver leur relation s’engagent dans un triangle amoureux avec Alice
(Clotilde Hesme), une jeune femme qui travaille avec Ismael. Un soir, Julie meurt soudainement. Ismael et
Alice ainsi que la famille de Julie doivent faire face aux effets de ce décès soudain et à la fragilité de la vie
et de l’amour. Ismael va trouver le réconfort et la rédemption dans les bras d’Erwann (Grégoire LeprinceRinguet) un jeune collégien.
Le film est un hommage à Jacques Demy, réalisateur de la Nouvelle Vague et à son film musical Les
Parapluies de Cherbourg sorti en 1967.
Les deux films suivent la même structure en trois parties qui sont chacune introduite par un titre : Le
départ, l’absence et le retour. Les deux films utilisent les chansons pour parler de la fin d’une relation
amoureuse et évoquer des questions sérieuses (le départ d’un jeune homme pour la guerre en Algérie dans
Les Parapluies de Cherbourg, la mort et le deuil dans Les Chansons d’Amour). Mais contrairement aux
Parapluies de Cherbourg dans lequel tous les dialogues sont chantés, Les Chansons d’Amour utilise la
chanson uniquement lorsque les personnages expriment leurs sentiments ; ce qu’ils ne semblent pas
capables d’exprimer autrement.
Dans Les Chansons d’Amour, Christophe Honoré fait un grand nombre de références directes ou indirectes
au film de Jacques Demy :
• Il y a une ressemblance physique entre Ludivine Sagnier et Catherine Deneuve, l’actrice qui joue le
personnage de Geneviève dans Les Parapluies de Cherbourg.
• Le rôle de la sœur de Julie est joué par Chiara Mastroiani qui est la fille de Catherine Deneuve.
• Dans une séquence, deux marins apparaissent brièvement, évoquant l’univers de Jaques Demy qui
situait souvent ces films dans des ports.
• Pommeraye, le nom de famille de Julie est aussi le nom d’une rue qu’on retrouve dans deux films de
Jaques Demy.
• Dans l’une des scènes des Chansons d’Amour, Julie partage la galette des Rois1 lors d’un déjeuner de
famille. On trouve une scène similaire dans Les Parapluies de Cherbourg.
Le film contient beaucoup d’autres références à la Nouvelle Vague. On peut noter par exemple :
• Le générique s’inspire du style de génériques qu’affectionne Jean-Luc Godard.
1
La galette des Rois est un gâteau célébrant l’Épiphanie (fête chrétienne qui célèbre la visite des mages à l'enfant Jésus
•
La séquence dans laquelle Julie, Alice et Ismael lisent au lit fait écho a une scène similaire dans
Domicile conjugal de François Truffaut.
De plus, Louis Garrel et son personnage Ismael nous renvoient constamment à Jean–Pierre Léaud, acteur
fétiche de Truffaut et à son personnage Antoine Doinel. Les deux acteurs ont en commun une certaine
façon de parler ainsi qu’une façon de jouer a la fois sensible et désinvolte. Louis Garrel admet d’ailleurs
une fascination pour Jean-Pierre Léaud.
La relation triangulaire qu’on trouve dans Les Chansons d’Amour est aussi le thème central de deux films
majeurs de la Nouvelle Vague : Jules et Jim de François Truffaut (1962) et La Maman et la Putain de Jean
Eustache (1973).
Mis à part ces références explicites, L’héritage de la Nouvelle Vague se fait aussi sentir dans d’autres
aspects du travail de Christophe Honoré.
L’action du film se déroule en grande partie dans le 10eme arrondissement de Paris, un lieu avec lequel
Christophe Honoré est familier. C’est aussi un quartier populaire où l’on trouve une grande diversité
ethnique et sociale qui est à la fois un quartier résidentiel et aussi un quartier d’atelier de confection. La
façon de filmer la rue et les passants rappelle le travail des réalisateurs de la Nouvelle Vague et leur volonté
de filmer dans les rues de manière naturelle. Là aussi, il s’agit de filmer la vie telle qu’elle est et de mêler la
fiction et la réalité. Comme dans A Bout de Souffle de Jean-Luc Godard, on aperçoit dans Les Chansons
d’Amour des passants surpris par la caméra et d’autres regardant le film en train de se faire. Pour
Christophe Honoré comme pour les réalisateurs de la Nouvelle Vague, la ville n’est pas simplement un
décor.
Comme chez Godard, on peut aussi trouver chez Honoré une volonté d’empêcher le spectateur de
s’identifier aux personnages et de nous rappeler que nous sommes en train de regarder un film. Autrement
dit, de mettre le spectateur dans un rôle actif plutôt que passif. Par exemple, le réalisme de la scène dans
laquelle Julie meurt est perturbé par l’apparition de photographies en noir et blanc de la même scène qui
nous place dans la position inconfortable du voyeur. Nous partageons la peur et la douleur d’Ismael et en
même temps nous sommes spectateurs et lecteur de la rubrique des faits divers.
Une autre similarité entre Honoré et Godard est le gout pour les références cinématographiques ou
littéraires. Ces deux réalisateurs nous rappellent constamment que le cinéma est un Art de références.
Enfin, comme dans les films de Godard, les personnages dans Les Chansons d’Amour ne font jamais de
choix délibérés et leur évolution n’est pas le résultat de décisions qu’ils prennent. Ils agissent selon leur
nature ou en fonction des circonstances. A propos du personnage d’Ismael et de sa relation homosexuelle
avec Erwann, Christophe Honoré explique : “Pour moi, il reste un hétérosexuel. Je ne pense pas que ce soit
l’histoire d’un hétérosexuel qui devient homosexuel. Je pense qu’Ismael agit ainsi parce qu’un jeune
homme passe dans sa vie et ose lui dire qu’il sera sa prochaine histoire d’amour.”
Une différence majeure entre Les Chansons d’Amour et les films de la Nouvelle Vague est la représentation
de l’homosexualité. Bien que la Nouvelle Vague ait évoque un certains nombre de sujets sensible pour
l’époque, la représentation de l’homosexualité est un thème largement absent de ce mouvement. Alors que
l’homosexualité est aujourd'hui un thème commun au cinéma, il n’a fait son apparition dans le cinéma
commercial qu’assez tardivement, dans les années 80.
Cependant, la description de la jeunesse dans les films de la Nouvelle Vague et l’absence d’une orientation
sexuelle claire offre plus de points communs qu’il n’y paraît.
La Nouvelle Vague est apparu dans le contexte de l’après-guerre et évoque une jeunesse qui a connue des
années d’austérité, de privations dans une société largement conservatrice. Les dégâts causés par la guerre
ont eu un impact sur la vie quotidienne jusque dans les années 50. En conséquence, cette génération de
l’après-guerre avide de biens de consommation a exprimé sa frustration par un besoin de rompre avec une
société souvent jugée trop étriquée.
La génération des trentenaires décrite dans Les Chansons d’Amour est née après la révolution sexuelle des
années 60-70 dans une société plus tolérante vis-à-vis de la sexualité qui n’est plus une question taboue. Il
s’agit aussi d’une génération qui a accès à plus de biens de consommation mais qui en même temps vit dans
l’incertitude d’un monde qui fait face à une crise des valeurs.
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Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain est une comédie romantique de Jean-Pierre Jeunet sortie en 2001.
Le film offre une description fantaisiste de la vie parisienne contemporaine dans le quartier de Montmartre.
Il raconte l’histoire d’Amélie, une jeune serveuse timide, jouée par Audrey Tautou qui décide d’aider les
autres et de faire le bien autour d’elle tout en luttant contre son propre isolement.
Sorti en 2001, Le fabuleux Destin d'Amélie Poulain est l'un des plus grand succès du cinéma français. Le
film a réalisé plus de 30 million d'entrées en France et à l'étranger et a su séduire le public français autant
qu'international. Les raisons de ce succès peuvent s'expliquer à la fois par le caractère optimiste du film et
les valeurs positives qu'il diffuse (bonté, altruisme) ainsi que par sa représentation idéalisée d'un quartier de
Paris et des ses habitants.
En Mai 2004, un article dans le journal Le Point a propos du cinquième film de Jean-Pierre Jeunet, Un long
dimanche de fiançailles commence par cette référence au Fabuleux destin d'Amélie Poulain :
Mai 2001 : 8 millions de Français n'ont que le prénom d'Amélie à la bouche ; le cœur léger, ils croient à
nouveau au bonheur, à Montmartre et au réalisme poétique. On met le « Fabuleux destin » à toutes les
sauces, Audrey Tautou devient la petite fiancée des Français et « Amélie » pulvérise les records des films
français aux États-Unis. Fabuleuse aventure pour un joli film sans prétention signé Jean-Pierre Jeunet,
cantonné jusque-là dans le genre fantaisiste, voire fantastique, en marge du cinéma populaire.2
Le fabuleux Destin d'Amélie Poulain trouve son influence dans le Réalisme Poétique des années 30 et dans
ses représentations poétiques de Paris. Jean-Pierre Jeunet s'est notamment inspiré du film de René Clair
Sous les toits de Paris (1930). Les deux films ont, en effet, de nombreux points communs. Dans son film,
René Clair décrit un quartier populaire de Paris, pas loin de Montmartre, où un jeune chanteur des rues
essaie d'aider ses voisins, ses amis et surtout une jeune femme dont il est amoureux. Dans un décor
parfaitement réaliste mais également très artificiel — il a été entièrement construit en studio - le film se
caractérise par son humour, sa gaité et la description des figures populaires de Paris. Autre point commun
avec Le fabuleux destin d'Amélie Poulain, Sous les toits de Paris, a connu un très grand succès non
seulement en France mais aussi en Allemagne, aux États-Unis et au Japon.
Dans Le fabuleux Destin d'Amélie Poulain, l’action du film se déroule dans certains quartiers de Paris
populaire dans les années 30 et souvent représentés dans les films du Réalisme Poétique. Par exemple, les
séquences dans lesquelles Amélie fait des ricochets sur le canal Saint-Martin rappelle le film Hôtel du Nord
(1938) de Marcel Carné ou encore L’Atalante (1934) de Jean Vigo. De plus, le quartier de Montmartre où
vit et travaille Amélie peut aussi être lié à ce mouvement cinématographique et plus généralement à cette
époque (aux chansons d’Edith Piaf par exemple).
L'autre grande source d'inspiration de Jean-Pierre Jeunet c'est le cinéma d'animation et le dessin animé. Le
réalisateur est d'ailleurs un spécialiste de l'histoire de l'animation et a dirigé Fantasmagorie, une revue
spécialisée dans les cartoons des années 20-50. L'esthétique du dessin animé marque le film de Jeunet à
commencer par le visage d'Amélie avec ses très grands yeux et ses très nombreux regards vers la caméra
(comme dans les films d'animation de Tex Avery) qui établissent une complicité entre Amélie et le
spectateur.
Alors que le Réalisme Poétique utilisait la lumière et les éclairages pour créer des atmosphères. Jean-Pierre
Jeunet, lui, manipule digitalement les images. A la post-production chaque plan est modifié. Les couleurs
sont ajoutées ou renforcées, Le ton de l’image est modifié pour obtenir une teinte dorée caractéristique des
films de Jean-Pierre Jeunet. Les perspectives sont déformées et des éléments sont ajoutés. Les nuages
peuvent prendre la forme de lapins ou d’ours en peluche et les peintures ou les photographies peuvent
s’animer. Bien que les procédés employés fassent appel à la haute technologie, ils ne sont pas sans rappeler
les expériences de manipulations de l’image dans les films des années 20-30. Dans L’Atalante par exemple,
2
Le douloureux destin de Mathilde, Le Point, 17/01/2004
certaines séquences dans lequel les images sont superposées (processus de double exposition) témoignent
de manipulations similaires.
L’influence du Réalisme Poétique peut aussi se faire sentir dans le goût qu’a Jean-Pierre Jeunet pour les
acteurs et actrices aux physiques particuliers ou atypiques. Le cinéma des années 30 a mis en avant des
acteurs aux traits et à la personnalité prononcés tels que Michel Simon ou Jean Gabin. Dans Le fabuleux
Destin d'Amélie Poulain, on trouve au coté d’Audrey Toutou et de son visage lisse et innocent une galerie
d’acteurs aux physiques singuliers comme Rufus, Isabelle Nanty, Yolande Moreau et Dominique Pinon
qu’on retrouve souvent dans les films de Jean-Pierre Jeunet. Pour le réalisateur, chaque visage doit raconter
une histoire. Le choix de tels acteurs renforce aussi le processus d’identification rapide des personnages ce
qui est une caractéristique du travail de Jean-Pierre Jeunet. Dans Le fabuleux Destin d'Amélie Poulain,
chaque personnage est introduit en quelques mots et avec une liste de ce qu’il ou elle aime et n’aime pas.
Un film sur-référentiel
Avec Le fabuleux destin d'Amélie Poulain, Jean-Pierre Jeunet a pour objectif de replonger le spectateur
dans ses souvenirs d'enfance. Pour atteindre son but, le réalisateur joue sur la mémoire collective et revisite
cent ans d'histoire en plaçant dans son film un très grand nombre de références qui peuvent éveiller les
souvenirs du spectateur.
Comme le note Martin Barnier3 : "Cette complicité est renforcée par les nombreuses références a l'Histoire
et au cinéma qui permettent a chaque spectateur de se sentir dans un univers connu, en même temps que
d'infimes décalages avec la réalité interdisent une identification avec le monde d'aujourd'hui. Le film se
déroule de la naissance a la vingt-troisième année d'Amélie, soit entre 1974 et 1997 puisque le narrateur
André Dussolier nous donne la date de naissance de la jeune fille. Mais rien dans l'image n'indique une
telle datation. C'est au contraire un siècle de culture franglaise et tous les objets fétiches d'une société qui
se glissent dans les clins d'œil de Jeunet. La référence picturale à Renoir et ses canotiers rappellent la fin
du 19e siècle et la peinture impressionniste. Quelques plans très courts évoquent la Grande Guerre.
Fréderic Mitterrand se parodie lui-même dans un commentaire qui ancre Amélie Poulain parmi les
personnages essentiels du siècle écoule. Avec sa blouse grise, l'épicier raciste Colignon sort tout droit de
la France de Vichy et tous les objets de son appartement (charentaises, ampoules et fils électriques, etc.)
datent des années 1940. N'importe quel enfant grandi entre les années 1920 et les années 1970 aurait pu
jouer avec les petits cyclistes cachés au fond d'une boite métallique. Le jeu avec le temps concernant la
concierge accentue le sentiment de ne pouvoir dater les lieux ni les objets : une lettre met quarante ans
pour lui parvenir."
Cette impression de ne pouvoir dater les lieux ou les objets est encore renforcée par l'intérieur de tous les
appartements du film, dans lesquels les meubles et les objets mêlent les années 30, 40 et 50. Pour
compenser cette impression, Jeunet offre dans son film une très grande précision dans les dates et les noms
de lieux. On peut voir la un effet qui permet aux spectateurs d'accepter plus facilement la difficulté
d'identifier le monde contemporain sans avoir l'impression d'être perdu.
En ce qui concerne les références, on pourrait encore noter les noms de certains personnages sont aussi
porteurs de références ; La concierge, Madeleine Wallace (les fontaines Wallace), ou encore Emile
Maginot (la ligne Maginot). La télévision et les images de cinéma, enfin, permettent, elles aussi dans le
film de revisiter l'histoire et de jouer avec la mémoire collective et la nostalgie de l'enfance du spectateur.
Si pour le spectateur étranger ces références ne sont pas toujours évidentes, le film offre de Paris une
représentation proche du Paris fantasmé par les touristes (français et étrangers).
Analyses et critiques
Le Réalisme Poétique est apparu dans le contexte historique et social tendu de l’entre-deux-guerres. Cette
époque peut être associée avec la montée du nazisme, du fascisme, du communisme et de
l’internationalisme en Europe et avec le Front Populaire en France. Les films du Réalisme Poétique
témoignent de ce contexte même s’ils ne traitent pas ces questions de manière frontale.
Dans Le fabuleux destin d'Amélie Poulain par contre, la réalité est occultée au profit d’une vision
fantaisiste. Dans ce film, la transformation poétique du réel sert un désengagement avec les réalités sociales
et économiques et permet la représentation d’un Paris illusoire rempli de nostalgie. La description qu’offre
3
Amélie révise son histoire. Martin Barnier in Vingtième Siècle, Revue d'histoire, No 74. Sciences Po University Press.
Jean-Pierre Jeunet de Paris et des parisiens n’est pas simplement celle d’une ville qui n’existe plus mais
plutôt, celle d’une ville qui n’a jamais existé en dehors de l’imagination collective. En offrant l’illusion
parfaite d’un Paris ‘dont on croit se souvenir’ ou tel qu’on l’imagine, Jean-Pierre Jeunet élude les questions
sociales ou politiques qui font débats en France. Si cet aspect a certainement beaucoup contribué au succès
du film, il aussi suscité un certain nombre de critiques.
Certains ont vu dans le film et dans le personnage d'Amélie et son goût pour les petits plaisirs (faire des
ricochets, casser la croute de la crème brûlée, plonger la main dans un sac de grain) un retour vers la
simplicité et le minuscule, en réaction contre un monde tourné vers la globalisation et la technologie.
Ce phénomène qui traverse une partie de la société française et que certains ont qualifié de « petisme »
peut apparaître dans le film sous diverses formes. Il y a l'importance des produits locaux et des petits
magasins de proximité contre l'industrialisation de la nourriture et les grandes structures de type
hypermarché. La notion de quartier (un village dans la ville) et la proximité entre ses habitants contre le
développement rapides des grandes villes dans la seconde partie du vingtième Siècle. Le rejet de la
technologie et le retour aux petites choses simples (Dans le film, pas de téléphones portable. L'objet le plus
avancé technologiquement – la camera vidéo- ne sert qu'a donner l'heure). On peut voir dans ce phénomène
l'illustration du malaise des français confrontés à la globalisation et la crainte de perdre une partie de leur
identité culturelle.
D'autres ont vu dans le succès international du film le besoin du public de retrouver des valeurs positives et
optimistes dans un monde marqué par la peur. Il faut noter que Le fabuleux destin d'Amélie Poulain est
sorti aux U.S.A en novembre 2001, moins de deux mois après les attentats du 11 septembre. Les
spectateurs américains encore sous le choc du 11/9 ont pu, grâce au film, échapper un moment au
traumatisme du monde réel.
Cependant, malgré toutes les réactions positives le film a aussi suscité la polémique. En mai 2001, dans le
journal Libération, le critique Serge Kaganski publie un article4 dans lequel il attaque le film et critique
Jean-Pierre Jeunet pour sa vision « rétrograde » et « ethniquement nettoyée» qu'il juge raciste et proche de
l'extrême droite. Ce qu'il reproche au réalisateur c'est d'avoir, dans le film, fait disparaître les différentes
communautés ethniques, les différences sociales, les différences sexuelles et d'avoir donner de Paris une
vision de carte postale très éloignée de la réalité.
4
Amélie pas jolie. Serge Kaganski in Libération, 31/5/2001