États-Unis : Les habits neufs de l`Empire - Presse

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États-Unis : Les habits neufs de l'Empire
Extrait du Presse-toi à gauche !
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États-Unis : Les habits neufs
de l'Empire
- International - Etats-Unis -
Date de mise en ligne : mardi 29 janvier 2013
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États-Unis : Les habits neufs de l'Empire
Les nominations faites par Barack Obama aux postes de Secrétaire à la Défense et de
direction de la CIA s'intègrent dans son projet de renforcer l'impérialisme étatsunien grâce à
une machine de guerre plus efficace et plus meurtrière. [1]
Celui qui a été désigné par le président démocrate comme Secrétaire à la Défense est un Républicain connu par ses
opinions conservatrices et particulièrement pour son homophobie. Mais l'avalanche de critiques contre cette
nomination provient des Républicains et non des Démocrates.
Parallèlement, le choix du président pour la direction de la CIA est tombé sur un ancien responsable des
programmes de tortures et d'échanges de prisonniers. Mais ni les Républicains ni les Démocrates n'ont le moindre
problème avec lui.
Bienvenue dans la politique réellement existante de Washington sous le second mandat de Barack Obama et où il
n'existe même plus d'opposition symbolique à la gauche d'un président qui aurait été considéré, selon ses propres
mots, comme un « Républicain modéré » il y a quelques années.
Vu le bilan de ses quatre premières années de mandat, il n'y a aucune surprise à constater que les personnes
désignées par Obama ont politiquement plus de points commun avec les Républicains qui occupaient
précédemment la Maison Blanche qu'avec les votes des dizaines de millions de personnes qui lui ont donné la
victoire. Mais ces nominations ont lieu à peine deux mois après la réélection d'Obama acquise grâce à la
mobilisation des circonscriptions de base du Parti démocrate.
Beaucoup de ces électeurs espéraient qu'Obama pourrait être dans son second mandat le progressiste qu'ils veulent
qu'il soit. Chuck Hagel et John Brennan, respectivement désignés comme Secrétaire à la Défense et directeur de la
CIA, sont la preuve qu'il ne suffit pas de désirer quelque chose pour qu'elle se réalise.
De toute évidence, Obama ne se sent absolument pas obligé de satisfaire les attentes de ses partisans ni d'agir en
accord avec la rhétorique populiste qu'il a utilisé pendant la campagne. Au contraire - tout comme dans l'accord sur
le « gouffre fiscal » et ses nombreuses concessions aux Républicains -, les nominations de Hagel et Brennan nous
montrent ce qu'Obama souhaite pour son second mandat : une Administration dans laquelle la classe dominante des
Etats-Unis peut avoir confiance pour défendre plus efficacement et amplifier son pouvoir économique et militaire.
La leçon n'est pas nouvelle et s'est répétée de nombreuses fois auparavant : sans lutte, il n'y aura aucun progrès
dans l'ère Obama. L'alternative à un monde de guerre et d'impérialisme, de crise sociale et d'inégalités grossières ne
surgira de toute évidence pas de la Maison Blanche ou de n'importe quel autre lieu du Washington officiel ; elle doit
venir d'ailleurs.
Un choix réactionnaire
Du point d'un vue d'un « washingtonologue », la décision de nommer l'ex-sénateur du Nebraska Chuck Hagel pour le
poste de Secrétaire à la Défense est coup habile. Obama agit de manière bipartidiste en choisissant un Républicain
pour l'un des postes les plus importants de son Administration, mais Hagel est méprisé par la majorité des
Républicains en tant que « RINO » (un Républicain seulement de nom).
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Non parce que Hagel ne serait pas un conservateur pur jus. Il s'est gagné l'hostilité des leaders du Parti Républicains
au milieu des années 2000 quand il devint l'un des premiers membres du Congrès des deux partis à critiquer la «
guerre contre le terrorisme » de George W. Bush et en particulier la désastreuse invasion de l'Irak. Quand il décida
de ne pas se représenter à la réélection de 2008, Hagel était déjà un pied dehors d'un parti qui, selon ses termes [2],
était « séquestré par l'incompétence : je crois que c'est cela qui mené le Parti Républicain à la débâcle ».
Mais la trajectoire politique de Hagel dit bien plus de choses sur la manière dont le système politique des deux partis
dominants s'est transformé pendant les dix premières années 2000 quand il a fait sienne la doctrine des « néo-cons
» qui contrôlaient la Maison Blanche à l'époque de Bush : « envahir d'abord, demander ensuite ». Hagel appartient à
l'aile « réaliste » de l'establishment de la politique étrangère qui fut mise sur le côté pendant les années Bush mais
qui n'en est pas moins compromise avec le projet impérialiste de domination politique et militaire des Etats-Unis sur
ses rivaux.
Hagel sera sans doute dénoncé par les Républicains dans les prochaines semaines pour préférer de dures sanctions
contre l'Iran plutôt qu'une attaque militaire ou pour critiquer occasionnellement Israël (sans que cela n'implique bien
entendu la moindre action pratique). Mais cela le place parfaitement dans le consensus de Washington et non dans
le mouvement contre la guerre.
Les positions politiques de Hagel sont encore plus évidentes sur les questions dont personne n'est en train de parler.
La chasse aux sorcières anti-gays dans l'armée (« ne demande pas, ne le dit pas ») s'est officiellement terminée il y
a seulement un an et demi, mais Obama a choisit un homme pour diriger le Pentagone qui a promu le « ne demande
pas, ne le dit pas » tout au long de sa carrière au Congrès.
On se souvient également de Hagel pendant les années Clinton pour sa méprisable campagne destinée à bloquer la
nomination de James Hormel comme ambassadeur des États-Unis au Luxembourg. Selon Hagel, Hormel n'était pas
qualifié pour une responsabilité aussi importante parce qu'il était « ouvertement et agressivement gay ». Hagel a
présenté ses excuses pour cette accusation digne du caniveau... en décembre 2012. « En tenant compte du fait qu'il
est dans l'attente d'une nomination présidentielle », a déclaré Hormel aux journalistes [3], « il convient de se poser
des questions sur la sincérité de ses excuses ».
Les défenseurs des droits des immigrés pourraient également rappeler qu'Hager fut le co-auteur de la législation de
2006 [4] qui remplaça le fameux projet de Loi Sensenbrenner qui visait à criminaliser 12 millions d'immigrés
sans-papiers aux États-Unis. Mais la proposition de « compromis » de Hagel impliquait d'investir des millions de
dollars dans des nouveaux postes de contrôle aux frontières, y compris un mur, et la création d'un système à trois
niveaux pour les sans-papiers qui aurait condamné des millions de personnes à devoir quitter le pays, d'autres à
obtenir un statut de « travailleur invité » et pour une minorité des possibilités très restrictives de légalisation.
Rien de tout cela n'est évoqué par les élus démocrates. Ni par les organisations « progressistes » ni par les
analystes qui semblent avoir conclu un pacte du silence sur Hagel, quand ils ne le soutiennent pas directement. Sur
son blog de la revue « The Nation » [5], l'écrivaine anti-guerre Phyllis Bennis se demande si la nomination de Hagel
« aide en réalité la gauche anti-guerre » et, dans un déploiement impressionnant de raisonnements tordus, elle arrive
à la conclusion que la réponse est oui.
Le nouveau chef de la CIA
Quant à John Brennan, le candidat d'Obama pour diriger la CIA, il est probablement mieux connu comme un élément
de continuité entre les Démocrates et les Républicains. Brennan est un espion de carrière qui a travaillé en étroite
collaboration avec la Maison Blanche démocrate de Bill Clinton et plus tard avec les Républicains de l'ère Bush et
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aujourd'hui avec l'Administration Obama.
Brennan était directeur exécutif adjoint de la CIA au début des années 2000, quand l'Agence a créé son système de
« sites noirs » et « transferts extraordinaires » de prisonniers pour mener à bien des interrogatoires et des tortures
dans la « guerre contre le terrorisme ». Brennan a défendu expressément l'usage des techniques de torture, tout
comme la simulation de noyade et a dit grand bien des « remises » de prisonniers de la CIA à des pays comme la
Syrie afin de bénéficier de leur « expérience » dans les méthodes d'interrogatoire.
Un tel passé suffisait pour éviter sa nomination comme chef de la CIA quand Obama a entamé son premier mandat.
Mais Brennan fut tout de même désigné comme un conseiller de haut niveau de la Maison Blanche. Qu'il soit
désormais un candidat acceptable en dit long sur la Maison Blanche d'Obama et sur le Parti Républicain.
Il y a quatre ans, Obama sortait d'une campagne dans laquelle il s'était engagé à plusieurs reprises à en finir avec la
guerre contre les libertés civiles menée par l'Administration Bush. Mais au cours de ses quatre dernières années de
mandat, il a pratiquement maintenu toute la politique de l'ère Bush, de Guantanamo jusqu'aux écoutes sans ordre
judiciaire.
En conséquence, on peut parier que Brennan ne trouvera pas beaucoup d'opposition officielle à Washington, au cas
où il en existerait une. Comme l'a écrit l'analyste de gauche Greenwald sur le site web de « The Guardian » [6] : «
Dans ce changement [d'attitude envers Brennan par rapport à 2008] réside l'un des aspects les plus significatifs de la
présidence d'Obama : sa conversion à ce qui était avant des politiques de droite hautement questionnables en
harmonieux dogmes du consensus entre les deux partis à Washington DC ».
Deux manières de diriger l'empire
Pendant la campagne électorale de 2008, Obama avait en grande partie pris les devants sur ces principaux
concurrents à nomination démocrate à la présidence parce qu'il était le candidat qui s'associait le plus à l'opposition
aux guerres au Moyen-Orient de l'Administration Bush, et particulièrement celle en Irak. Mais pour tous ceux qui
savaient écouter avec attention, il était évident qu'Obama voulait diriger la machine de guerre des États-Unis et non
la freiner de manière significative.
Dès son arrivée au pouvoir, Obama a fait tout son possible pour remodeler le retrait annoncé d'Irak en un
redéploiement de forces. Son plan a échoué seulement parce que le gouvernement irakien, agissant sans cesse plus
de manière indépendante des occupants, s'est refusé à accepter un statut spécial aux dizaines de milliers de soldats
destinés à une présence militaire permanente des États-Unis dans leur pays.
En Afghanistan, Obama a accompli sa promesse électorale d'augmenter la présence de troupes des États-Unis. Au
point le plus élevé de celle-ci, le nombre de soldats étatsuniens déployés en Afghanistan avait doublé. En même
temps, l'Administration Obama a énormément amplifié la guerre en dehors des frontières afghanes, au Pakistan en
particulier, grâce à la nouvelle arme à la mode : les attaques aériennes de drones « Predators ».
La Maison blanche d'Obama effectue également une réorientation stratégique du pouvoir militaire des États-Unis en
direction du conflit que les analystes estiment le plus probable pour les prochaines décennies : dans le sud-est
asiatique, contre la puissance croissante de la Chine.
Tant Hagel que Brennan seront très utiles dans le processus de reconfiguration de l'impérialisme des États-Unis en
accord avec les prévisions d'Obama. Du fait que Hagel a servi dans l'armée comme simple conscrit - ce sera le
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premier Secrétaire à la Défense avec une telle origine - il aura une plus grande autorité pour défendre que les
États-Unis doivent employer la diplomatie et d'autres moyens non militaires dans les conflits internationaux, tout en
reconstruisant l'armée autour d'une force plus petite, plus mobile et plus létale dans la guerre.
Brennan, pour sa part, a supervisé l'escalade de la guerre des drones de l'Administration Obama. Cela et ses
nombreuses années passées à la CIA en font le candidat idéal, selon le « Washington Post », d' « un gouvernement
qui préfère l'action secrète - y compris des attaques avec des drones Predators contre des objectifs d'Al Quaeda et
le sabotage cybernétique des sites nucléaires d'Iran - que l'utilisation des forces conventionnelles ».
D'une certaine façon, Obama conserve encore pour beaucoup la réputation d'être contre la guerre - probablement
grâce à la comparaison avec des Républicains assoiffés de sang. Mais son bilan en tant que commandant en chef
ne peut en aucune manière être décrit comme anti-guerre. Obama représente une stratégie différente de
l'impérialisme des États-Unis par rapport à celle de Bush, et tant Hagel que Brennan sont associés à des aspects
essentiels de la forme avec laquelle Obama a essayé de rénover et d'adapter la machine de guerre.
Ainsi, les batailles entre les deux partis sur leurs nominations sont le reflet d'un débat au sein de la classe dominante
entre deux programmes différents sur la manière de gouverner l'empire des États-Unis. Elles ne sont absolument
pas un conflit entre militaristes républicains et partisans démocrates d'une politique extérieure plus pacifique. Ou,
comme le prétend Phyllis Bennis, une dispute dans laquelle la « gauche anti-guerre » serait en meilleure position
pour exercer une pression en faveur de ses objectifs.
Au contraire, vu le succès d'Obama au cours de ses quatre premières années pour réparer les désastres provoqués
par Bush, l'impérialisme étatsunien aux ordres d'Obama, Hagel et Brennan sera probablement plus efficace pour
protéger la domination des États-Unis contre ses ennemis et ses rivaux. Et donc plus efficace pour infliger la
souffrance, l'oppression et la mort partout dans le monde.
Pour une alternative indépendante
Nous pouvons laisser aux mains de l'establishment de la politique étrangère le débat de savoir si la « doctrine
Obama » est préférable pour ses intérêts à la « doctrine Bush ». Mais nous pouvons affirmer sans l'ombre d'un doute
quel est l'objectif de Barack Obama : démontrer qu'il est un meilleur gérant de l'empire des États-Unis que Bush et
les néoconservateurs, et non pas à la recherche d'un monde plus pacifique et juste.
Nos mouvements et nos luttes ne peuvent prendre parti pour l'un de ces deux programmes impérialistes. De la
même manière que nous n'avons pas à choisir entre deux plans d'austérité ou deux stratégies pour rendre plus
rentables les entreprises sur le dos des travailleurs. Nous devons organiser une résistance à partir d'en bas qui soit
une alternative indépendante des politiques des deux partis de la guerre, de l'oppression et de l'injustice.
Source : http://socialistworker.org/2013/01/09/the-empires-new-clothes
Traduction française pour Avanti4.be : G. Cluseret. Intertitres de la rédaction.
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