Infections broncho-pulmonaires du nourrisson et de l`enfant
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Infections broncho-pulmonaires du nourrisson et de l`enfant
C@mpus National de pédiatrie et chirurgie pédiatrique Auteur : Pr. A. Bourrillon (Hôpital Robert DEBRE - Paris) TICEM – UMVF MAJ : 22/09/2005 Infection broncho-pulmonaires du nourrisson, de l’enfant – Item 86 Objectifs : Objectifs de l'ECN : - Diagnostiquer une bronchiolite du nourrisson, une pneumopathie, une broncho-pneumopathie de l’enfant (ou de l’adulte). - Identifier les situations d’urgence et planifier leur prise en charge. - Argumenter l’attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient. Sommaire Introduction I - Bronchiolite aigue du nourrisson Faq 1 - Diagnostiquer une bronchiolite (du nourrisson) Faq 2 - Identifier lors d'une bronchiolite les situations d'urgence et les critères de sévérité pouvant justifier d'une hospitalisation. Faq 3 - Argumenter l'attitude thérapeutique devant une bronchiolite Faq 4 - Planifier le suivi d'une bronchiolite II- Pneumonies aigues communautaires Faq 5 - Diagnostiquer une pneumonie Faq 6 - Identifier lors d'une pneumonie les situations d'urgence requérant un avis spécialisé aux urgences pédiatriques ou une hospitalisation Faq 7 - Argumenter l'attitude thérapeutique devant une pneumonie Conclusions Références Introduction Les infections broncho-pulmonaires sont fréquentes et potentiellement graves chez les enfants du monde entier. Elles posent des problèmes spécifiques bien différents de ceux de l'adulte. En Europe, l'incidence annuelle chez les enfants âgés de moins de 5 ans est de 35 à 40 cas pour 1000, plus élevée qu'à tout autre âge de la vie. Dans les pays en développement l'incidence de ces infections est encore plus importante et comporte un risque élevé de mortalité chez les enfants de moins de 5 ans. Ainsi, l'OMS a pu évaluer à plus de quatre millions d'enfants par an (ou plus de 10 000 enfants par jour) le nombre de décès liés aux pneumopathies. Le diagnostic des infections broncho-pulmonaires et leur évaluation étiologique, nécessitent une extrême rigueur d'analyse sémiologique, clinique et radiologique. Les stratégies antibiotiques doivent être adaptées selon des données épidémiologiques actualisées mais de recueil souvent difficile. 1 C@mpus National de pédiatrie et chirurgie pédiatrique Auteur : Pr. A. Bourrillon (Hôpital Robert DEBRE - Paris) TICEM – UMVF MAJ : 22/09/2005 I - Bronchiolite aigue du nourrisson Le terme de bronchiolite regroupe l'ensemble des bronchopathies obstructives habituellement liées au virus respiratoire syncitial (VRS). Ce terme suggérant l'existence de lésions inflammatoires spécifiques est cependant utilisé pour définir un syndrome clinique regroupant : - une dyspnée avec polypnée, - un freinage expiratoire, - des sibilants diffus souvent audibles à distance (wheezing) et associés à des degrés divers à des crépitants et/ou sous-crépitants (« broncho-alvéolite »). Le terme de bronchiolite aigue est actuellement relié au seul premier épisode de détresse respiratoire fébrile avec sibilants survenant chez un enfant âgé de moins de 2 ans. Epidémiologie On évalue à environ 460 000 nourrissons par an (30 % des nourrissons) le nombre d'enfants atteints de bronchiolite. L'âge habituel de cette affection se situe entre 2 et 8 mois. Le VRS est l'agent infectieux principal des bronchiolites hivernales (70 à 80 % des cas) mais d'autres virus peuvent être responsables notamment le virus para-influenzae (5 à 20 % des cas). Physiopathologie Le VRS se transmet soit directement par les secrétions contaminées, soit indirectement par les mains ou le matériel souillé. L'incubation est de 2 à 8 jours et l'élimination virale d'environ une semaine, mais peut être plus prolongée. L'obstruction des voies aériennes est à la fois : - endoluminale (bouchon muqueux par nécrose, infiltration cellulaire, oedème et hypersecrétion muqueuse et sous-muqueuse) - et murale (inflammation). L'hyperréactivité bronchique ne joue qu'un rôle mineur du fait du faible développement de la musculature lisse à cet âge. L'immunité acquise au décours des bronchiolites aigues à VRS (anticorps neutralisants) est incomplète et de brève durée. Les facteurs de risque Les facteurs de risque de survenue d'une bronchiolite (ou de récidives de celles-ci) sont : - avant tout environnementaux : mode de garde en collectivité ; transport en commun, tabagisme passif - mais aussi probablement liés à des anomalies respiratoires pré-existantes ou un déséquilibre immunitaire TH1/TH2. Faq 1 - Diagnostiquer une bronchiolite (du nourrisson) Le diagnostic est avant tout clinique. Le début de la maladie se limite le plus souvent à une rhinopharyngite peu fébrile avec toux, puis : La polypnée avec freinage expiratoire et les râles sibilants parfois audibles à distance (wheezing) témoignent de l'atteinte bronchiolaire. Les râles crépitants (secs, inspiratoires) et/ou sous-crépitants évoquent l'atteinte alvéolaire éventuellement associée (bronchoalvéolite). Jusqu'à l'âge d'un an, l'auscultation peut être limitée aux seuls sibilants expiratoires. Elle peut être silencieuse dans les formes graves avec spasme bronchique et thorax distendu. Les éléments d'anamnèse utiles pour l'orientation diagnostique sont le contexte épidémique et la notion de premier épisode de ce type 2 C@mpus National de pédiatrie et chirurgie pédiatrique Auteur : Pr. A. Bourrillon (Hôpital Robert DEBRE - Paris) TICEM – UMVF MAJ : 22/09/2005 Les examens complémentaires sont le plus souvent inutiles en ambulatoire. Ils peuvent contribuer à l'argumentation diagnostique en cas d'hospitalisation : - La radiographie thoracique confirme le mécanisme de l'atteinte bronchiolaire prédominante si : • distension thoracique bilatérale • hyperclarté des deux champs pulmonaires • élargissement des espaces intercostaux • abaissement des coupoles diaphragmatiques Elle n'a un apport réel que dans les détresses respiratoires les plus sévères au cours desquelles la coexistence d'une atélectasie ou d'un foyer de condensation rétractile laisse craindre une surinfection bactérienne. - NFS et CRP sont d'un intérêt limité. - La recherche étiologique d'antigènes du VRS dans les secrétions rhinopharyngées (techniques d'immunofluorescence) n'a qu'un appoint épidémiologique. - L'examen cytobactériologique quantitatif des crachats (ECBC) peut aider dans les formes les plus sévères à guider l'antibiothérapie initialement probabiliste d'une éventuelle surinfection bactérienne. Faq 2 - Identifier lors d'une bronchiolite les situations d'urgence et les critères de sévérité pouvant justifier d'une hospitalisation. 1. Certains sont liés au terrain : - âge : moins de 6 semaines - prématurité : moins de 34 semaines d'aménorrhée, âge corrigé : moins de 3 mois - cardiopathie sous-jacente (ce d'autant qu'il existe une hypertension artérielle pulmonaire associée) - affections pulmonaires chroniques graves : dysplasie broncho-pulmonaire, mucoviscidose 2. D'autres sont liés à la sévérité de la détresse respiratoire ou à des signes associés : - fréquence respiratoire > 60 c/mn, - apnées, - signes cliniques d'hypoxie (cyanose) ou d'hypercapnie (sueurs, agitation , troubles de la conscience) ; saturation artérielle transcutanée en oxygène inférieure à < 95 % sous air. - mauvaise prise des biberons (moins du tiers des biberons à 3 biberons successifs) - troubles digestifs (diarrhée aigue si gastro-entérite virale associée, avec risque de déshydratation) 3. Enfin, peuvent intervenir des conditions socio-économiques ou d'environnement défavorables : - capacité de la famille réduite en terme de surveillance, de compréhension, et d'accès aux soins ; - conditions de vie de l'enfant si famille inapte à une prise en charge thérapeutique correcte ; - difficultés du lien médical. Faq 3 - Argumenter l'attitude thérapeutique devant une bronchiolite Le traitement est avant tout symptomatique, adapté aux mécanismes physiopathologiques de la maladie. 1. La désobstruction Ce traitement repose essentiellement sur la kinésithérapie respiratoire, indispensable à la phase obstructive et hypersécrétante de la maladie. Elle repose sur les techniques de désobstruction : - des voies aériennes supérieures : désobstruction rhinopharyngée (DRP) associée à des instillations locales de sérum physiologique - des voies aériennes inférieures : basée sur les techniques d'accélération du flux expiratoire avec toux provoquée visant à obtenir l'expectoration. La prescription doit être initialement biquotidienne, urgente, au domicile du kinésithérapeute pour un nombre limité de séances ; à renouveler selon l'évolution. 3 C@mpus National de pédiatrie et chirurgie pédiatrique Auteur : Pr. A. Bourrillon (Hôpital Robert DEBRE - Paris) TICEM – UMVF MAJ : 22/09/2005 2. Hydratation Le maintien d'une hydratation adéquate, est également indispensable pour la fluidification des secrétions. Celle-ci est obtenue, si nécessaire, par fractionnement des repas, éventuellement épaissis (si reflux gastro-oesophagien associé ou majoré), voire en cas d'hospitalisation, par alimentation entérale (par sonde gastrique) ou par perfusion parentérale. 3. La position idéale de couchage est le proclive dorsal à 30°. 4. L'environnement doit être protégé des inhalations passives de tabac et permettre une aération correcte de la chambre à une température n'excédant pas 19°C. 5. Le traitement médicamenteux est rarement efficace : Il peut être celui de l'hyperréactivité bronchique Bronchodilateurs Les ß2-mimétiques ont un intérêt controversé chez le nourrisson : il n'y a pas de critères formels pour distinguer « répondeurs » et « non répondeurs ». Le Salbutamol en ambulatoire par voie inhalée (Babyhaler) ou par aérosols (si hospitalisation : 0,03 ml/kg 4 fois par jour) est le plus utilisé. Ce traitement n'a actuellement plus sa place dans la stratégie de prise en charge d'une première bronchiolite aigue. L'efficacité des corticoïdes (par voie systémique ou inhalée) n'a pas été démontrée pour le traitement d'un premier épisode de bronchiolite. Les antibiotiques ne doivent en aucun cas répondre à une prescription systématique. L'indication ne se discute que dans les situations laissant suspecter une surinfection bactérienne : - fièvre >= 38,5°C pendant plus de 3 jours - otite moyenne aigue purulente associée - atteinte parenchymateuse pulmonaire (foyer ou atélectasie) radiologiquement documentée - élévation de la CRP et/ou des polynucléaires neutrophiles. - pathologie pulmonaire ou cardiaque sous jacente. Les antibiotiques doivent alors être adaptés aux germes de surinfection les plus fréquemment en cause (haemophilus influenzae, Streptococcus pneumoniae, plus rarement Moraxella catarhallis) et à leur niveau de résistance aux ß-lactamines. L'amoxicilline-acide clavulanique, le céfuroxime axetil et le cepdoxime-proxetil sont les antibiotiques oraux les plus adaptés, discutés dans chaque situation au cas par cas. Les antitussifs, les mucolytiques et les mucorégulateurs n'ont aucune indication dans le traitement des bronchiolites aiguës du nourrisson. Attitude thérapeutique hospitalière Le traitement vise à intensifier les mesures thérapeutiques symptomatiques ambulatoires : - kinésithérapie répétée (au moins 2 fois par jour) - oxygénothérapie (lunettes nasales) si désaturation (SaO2 inférieure à 95%) et sous surveillance de la saturation artérielle transcutanée en oxygène. - aérosols de ß2-mimétiques répétés (toutes les 4 puis toutes les 6 heures) si une efficacité est constatée sur les manifestations cliniques d'hyperréactivité bronchique. - maintien de l'hydratation et d'une nutrition continue au besoin par gavages ou perfusion. 4 C@mpus National de pédiatrie et chirurgie pédiatrique Auteur : Pr. A. Bourrillon (Hôpital Robert DEBRE - Paris) TICEM – UMVF MAJ : 22/09/2005 Faq 4 - Planifier le suivi d'une bronchiolite Surveillance immédiate Les critères de surveillance sont avant tout cliniques : • En ambulatoire : température, fréquence respiratoire, qualité de la prise des biberons, du sommeil, des selles (si gastro-entérite aiguë associée). • A l'hôpital : fréquence respiratoire (apnées) et cardiaques, qualité de la prise des biberons, SaO2 tc Le signes d'alerte sont liés A court terme : - aux complications infectieuses (notamment si atteinte parenchymateuse pulmonaire associée) - surtout à la sévérité de la détresse respiratoire par majoration de l'encombrement bronchique ou survenue d'apnées (nourrisson de moins de 3 mois). L'indication d'une hospitalisation en réanimation (en fait très rare) est alors justifiée. A moyen terme, le suivi est relié à la permanence de l'hyperréactivité bronchique ou à l'allure évolutive de récidives marquant l'entrée dans la maladie asthmatique (asthme du nourrisson). A long terme, le pronostic est celui d'un asthme éventuel d'autant plus qu'il existe un terrain atopique personnel ou familial. Ce risque global est évalué à 25 %. TRAITEMENT PREVENTIF • Il n'y a pas de vaccin anti-VRS actuellement disponible. • L'efficacité actuelle de traitements antiviraux reste très discutée. L'indication des anticorps monoclonaux anti-VRS est limitée aux seuls anciens prématurés de moins de 32 semaines d'aménorrhée et à certains enfants atteints de dysplasie bronchopulmonaire. II- Pneumonies aigues communautaires Les pneumonies aigues sont des infections du parenchyme pulmonaire sans préjuger de l'agent infectieux en cause. Leur caractère « communautaire » fait référence à l'aspect collectif de l'infection transmise dans une population à la différence des pneumonies acquises en milieu hospitalier qualifiées de nosocomiales. Les bronchopneumopathies aigues regroupent à la fois les infections bronchiques et pulmonaires Faq 5 - Diagnostiquer une pneumonie Le diagnostic est évoqué par la clinique et affirmé par la radiographie. Le diagnostic de pneumonie est un diagnostic radiologique car les signes cliniques n'ont pas de spécificité ni de sensibilité diagnostique suffisante. Ils orientent vers une infection respiratoire basse. Le diagnostic est en général évoqué sur l'association : - d'une fièvre (habituellement constante) - d'une tachypnée (avec ou sans signes de lutte) - d'une toux (parfois retardée) - d'anomalies auscultatoires pulmonaires le plus souvent focalisées : diminution du murmure vésiculaire ; râles alvéolaires ; voire souffle tubaire - des douleurs abdominales peuvent être révélatrices d'une pneumonie. L'examen radiographique thoracique est nécessaire pour affirmer le diagnostic de pneumonie. Il doit être prescrit dès la moindre suspicion clinique du diagnostic. Le seul cliché à demander en première intention est une radiographie thoracique de face en inspiration et en position debout. 5 C@mpus National de pédiatrie et chirurgie pédiatrique Auteur : Pr. A. Bourrillon (Hôpital Robert DEBRE - Paris) TICEM – UMVF MAJ : 22/09/2005 L'existence d'une opacité parenchymateuse plus ou moins systématisée permet le diagnostic de pneumonie dans un contexte clinique compatible. Les aspects radiologiques sont multiples : - l'image typique est une opacité parenchymateuse - alvéolaire : unique ou multiple, rarement bilatérale. - systématisée ou à limites floues avec un éventuel bronchogramme aérien en son sein, - les pneumonies rondes (images sphériques ou ovalaires à bord plus ou moins nets) sont particulières à l'enfant. - un épanchement pleural peut être associé Faq 6- Identifier lors d'une pneumonie les situations d'urgence requérant un avis spécialisé aux urgences pédiatriques ou une hospitalisation Certaines sont liées à la sévérité des signes cliniques : Infectieux : - faciès toxique, hyperthermie importante, - troubles hémodynamiques (tachycardie, augmentation du temps de recoloration cutané), troubles de la conscience Respiratoires : - polypnée importante et signes de lutte ; respiration irrégulière avec pauses, - difficultés à la prise des biberons ; - signes cliniques d'hypoxie (cyanose). La mesure non invasive de la SaO2 est un critère important d'évaluation de la gravité : une SaO2 inférieure ou égale à 95 % en air ambiant est une indication d'hospitalisation. - signes cliniques d'hypercapnie (agitation, troubles de la conscience, sueurs) témoignant de l'étendue de l'atteinte alvéolaire. Dans tous les cas, il convient de reconnaître des signes d'alerte devant toute aggravation rapide des symptômes. D'autres sont liés à la fragilité du terrain sous-jacent : - jeune âge (inférieur à 6 mois) - maladies sous-jacentes (infections des voies respiratoires récidivantes ou maladie respiratoire chronique, cardiopathie, drépanocytose, dénutrition, immunodépression) La récidive d'une pneumonie doit conduire à rechercher une pathologie associée : malformation, corps étranger, déficit immunitaire, .... Faq 7 - Argumenter l'attitude thérapeutique devant une pneumonie Le traitement repose sur un choix probabiliste en fonction de l'âge de l'enfant et de critères cliniques et radiologiques dont aucun n'est très spécifique ni sensible. Le Diagnostic microbiologique de la pneumonie est en effet rare. Le diagnostic de certitude de l'étiologie des pneumopathies bactériennes ne peut être en pratique assuré que par les hémocultures dont les résultats contribuent en outre aux études épidémiologiques les plus précises. Leur sensibilité est cependant faible (3 à 10 % environ). - Les autres examens sont de recours imprécis et limités. (tableau 1) - Les prélèvements nasopharyngés ne mettent en évidence qu'une flore commensale de portage. 6 C@mpus National de pédiatrie et chirurgie pédiatrique TICEM – UMVF Auteur : Pr. A. Bourrillon (Hôpital Robert DEBRE - Paris) MAJ : 22/09/2005 - L'examen cyto-bactériologique quantitatif (interprétable si plus de 106 germes/ml, plus de 10 cellules épithéliales, plus de 25 polynucléaires neutrophiles par champ) est de réalisation souvent difficile et peut être contaminé par la flore commensale pharyngée. - Les antigènes solubles (sang-urines) sont de sensibilité et de spécificité médiocres. - Les méthodes de détection des antigènes bactériens par amplification génique (PCR si Mycoplasma pneumoniae) sont encore expérimentales, et réservées à des situations limitées. - Les prélèvements avec analyse quantitative obtenus par des méthodes invasives in situ (fibroscopie bronchique et lavage broncho-alvéolaire) ne sont réservés qu'aux seules infections sévères sur terrain fragilisé. Tableau 1 : place des examens bactériologiques pour le diagnostic des pneumopathies bactériennes de l'enfant Prélèvement nasopharyngé Examens cytobactériologiques des crachats Aucun intérêt Contamination oropharyngée Aspiration trachéale Hémocultures (systématiques) Antigènes solubles Examens sérologiques Prélèvement invasif Faible sensibilité 1-10% Très faible sensibilité Diagnostic rétrospectif Uniquement si malades sévères Biopsie pulmonaire Lavage broncho-alvéolaire Arguments épidémiologiques : importance de l'âge De nombreux agents infectieux peuvent être à l'origine d'une pneumonie. Leur identification est difficile voire impossible dans 40 à 60 % des cas. La plus grande difficulté est de distinguer entre infection virale et infection bactérienne. Le traitement de ces infections est donc le plus souvent probabiliste et l'âge est un indicateur important des choix thérapeutiques (Tableau 2). Tableau 2 : Causes des pneumonies en fonction de l'âge Age Agents infectieux par ordre de fréquence 1-3 mois Chlamydia trachomatosis, VRS, autres virus respiratoires, Bordetella pertussis 1-24 mois VRS, autres virus respiratoires, Pneumocoque, Haemophilus influenzae, C.trachomatosis, Mycoplasma pneumoniae 2-5 ans Virus respiratoires, Pneumocoque, H.influenzae, M.pneumoniae, C.pneumoniae 6-18 ans M.pneumoniae, Pneumocoque, Chlamydia pneumoniae, H.influenzae, Grippe, Adénovirus, autres virus respiratoires La vaccination contre H.influenzae b a entraîné une quasi disparition des infections à cette bactérie. L'existence d'un déficit immunitaire acquis ou congénital doit faire rechercher des agents infectieux particuliers comme pneumocystis carinii. La tuberculose est une infection résurgente dont le diagnostic doit être discuté. Les pneumonies ont une épidémiologie différente et variable selon l'âge de l'enfant. Avant l'âge de 3 ans elles sont le plus souvent d'origine virale. Le pneumocoque est le premier agent bactérien responsable. Son taux de sensibilité diminuée à la Pénicilline est actuellement en France de 30 %. Sa résistance aux macrolides est en France élevée à 60 %. Après l'âge de 3 ans, les pneumonies virales sont moins fréquentes. Les deux bactéries les plus 7 C@mpus National de pédiatrie et chirurgie pédiatrique Auteur : Pr. A. Bourrillon (Hôpital Robert DEBRE - Paris) TICEM – UMVF MAJ : 22/09/2005 fréquemment en cause sont le pneumocoque et M.pneumoniae. Quelque soit l'âge, les H.influenzae b, depuis la généralisation de la vaccination spécifique, ou non typables, Moraxella catarrhalis et C.pneumoniae, ne jouent qu'un rôle mineur. On peut de façon probabiliste évaluer qu'un tiers des bronchopneumopathies communautaires de l'enfant est d'origine virale, un tiers d'origine exclusivement bactérienne, un tiers peut être lié à une co-infection (virale et bactérienne). Arguments cliniques (tableau 3) La présomption clinique d'une pneumonie virale repose typiquement sur : - le contexte épidémique, - le début progressif : rhinite ou pharyngite, - l'existence d'une fièvre de niveau variable, - la coexistence d'éruptions ou de myalgies, - l'absence de signes auscultatoires focalisés. L'orientation probabiliste vers une étiologie bactérienne est plus variable encore selon le germe susceptible d'être en cause. Les pneumonies à pneumocoque sont le plus souvent évoquées devant: - une hyperthermie à début brutal, - une toux sèche, - la coexistence de douleurs abdominales (pseudo-appendiculaire) ou de céphalées (syndrome pseudo-méningé). - des signes auscultatoires en foyer Mycoplasma pneumoniae à l'inverse induit des tableaux cliniques typiquement plus progressifs, moins fébriles, accompagnés d'asthénie avec des signes fonctionnels respiratoires pouvant témoigner d'une hyperréactivité bronchique associée. En pratique cependant, une telle approche probabiliste étiologique clinique est le plus souvent mise en défaut. Tableau 3 : critères probabilistes évocateurs d'une pneumopathie aiguë virale, bactérienne et à M. Pneumoniae Pneumopathie Virale Bactérienne M. pneumoniae Epidémiologie Age Epidémique Tout âge Epidémique > 2 ans Début Fièvre S. respiratoires Progressif + Voies aériennes supérieures Toux + Eruption Diarrhée Algies Bonne Sporadique Tout âge (Pneumo) < 18 mois (H.influenzae b) Enfant non vacciné Brutal +++ Toux S. auscultation en foyers S. extrarespiratoires Tolérance Progressif + Toux sèche paroxystique S. abdominaux Pseudoméningés Asthénie Mauvaise Bonne Arguments radiographiques - La radiographie thoracique n'est de même pas l'examen de référence susceptible d'argumenter le diagnostic étiologique. Ainsi, - Une opacité alvéolaire systématisée est typiquement reliée à la pneumonie à pneumocoque mais peut être observée dans les infections virales ou à M. pneumoniae. - Un aspect d'infiltrat diffus bilatéral, lobaire ou segmentaire, est plus compatible avec une pneumonie virale ou à mycoplasme mais n'exclut pas l'éventualité d'un pneumocoque. 8 C@mpus National de pédiatrie et chirurgie pédiatrique Auteur : Pr. A. Bourrillon (Hôpital Robert DEBRE - Paris) TICEM – UMVF MAJ : 22/09/2005 - Les adénopathies hilaires évoquent « à priori » une tuberculose mais elles peuvent être observées au cours des pneumonies à mycoplasme. Ainsi donc, sans appoint étiologique précis, l'antibiothérapie des pneumonies communautaires de l'enfant est le plus souvent probabiliste. Arguments biologiques Les examens hématologiques et biologiques sont également des arguments d'appoint limités pour un diagnostic étiologique probabiliste. L'hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles franche et l'élévation de la C-réactive protéine sont typiquement reliées aux pneumonies bactériennes à pneumocoque mais elles peuvent être observées au cours des pneumonies virales. La procalcitonine, marqueur sérique des infections bactériennes sévères a, dans le contexte, une remarquable spécificité et une excellente sensibilité. Le recours à cet examen dont la réalisation n'est pas encore de pratique courante est appelé à être d'un appoint privilégié pour confirmer l'origine bactérienne d'une pneumonie. Choix thérapeutique probabiliste La fréquence des infections (co-infections) bactériennes au cours des pneumonies de l'enfant, justifie du caractère systématique de l'antibiothérapie qui est : - systématique lorsque le diagnostic est porté - urgente notamment en cas de signes de sévérité - probabiliste (selon les agents infectieux supposés). Le choix initial peut être difficile car, pour rappel, il n'y a souvent : - aucun signe clinique ou radiologique prédictifs de l'agent infectieux responsable - aucun examen bactériologique ne permettant un diagnostic fiable immédiat - aucun antibiotique ne couvrant l'ensemble des germes potentiellement en cause. Schéma thérapeutique Dans les pneumonies aigues en l'absence de signes cliniques de sévérité, le traitement peut rester ambulatoire, administré par voie orale. La cible bactériologique initiale privilégiée est le pneumocoque, dont l'antibiotique est choisi en fonction de l'âge. 1. Avant l'âge de 3 ans, le traitement initial de référence est l'amoxicilline 80 à 100 mg/kg/j en 3 prises orales (enfant de moins de 30 kg). Seul l'enfant non ou mal vacciné contre H.influenzae b, et /ou atteint d'une otite moyenne aigue, peut justifier d'un traitement inaugural par amoxicilline-acide clavulanique (80 mg/kg/j d'amoxicilline). 2. Après l'âge de 3 ans, l'amoxicilline est aussi le traitement de référence comme traitement d'attaque dans la crainte d'une pneumonie à pneumocoque. A cet âge cependant, une orientation anamnestique clinique ou radiologique vers M. pneumoniae pourrait conduire, en l'absence de signes de sévérité, à la prescription d'un macrolide comme traitement initial. 3. Dans les situations de pneumonies avec signes de sévérité, l'antibiothérapie probabiliste initiale est le plus souvent parentérale : céphalosporine de 3ème génération (céfotaxime 100 mg/kg/24 h ou ceftriaxone 50 mg/kg/24 h), associée pour certains à un aminoside. Seule la crainte (contexte 9 C@mpus National de pédiatrie et chirurgie pédiatrique Auteur : Pr. A. Bourrillon (Hôpital Robert DEBRE - Paris) TICEM – UMVF MAJ : 22/09/2005 clinique, pneumopathie bulleuse ou avec épanchement pleural) d'un staphylocoque pourrait conduire à une antibiothérapie élargie à la fosfomycine ou à la vancomycine. Planification du suivi et adaptation thérapeutique Sous traitement initial efficace, l'amélioration clinique varie en fonction de l'agent microbien présumé responsable. • • La fièvre est le critère de surveillance le plus fiable. L'apyrexie est obtenue en 24 à 36 heures dans les pneumonies à pneumocoque (bon critère diagnostique probabiliste rétrospectif). Elle dure trois jours à 72 heures en moyenne dans les pneumonies virales et peut être plus prolongée dans les infections à mycoplasme. La toux se réduit en quelques jours mais est volontiers plus durable en cas d'infection à mycoplasmes (hyperréactivité bronchique). L'absence d'apyrexie ou la persistance de signes de détresse respiratoire (polypnée, signes de lutte) au terme du 3ème jour conduit à réévaluer la situation clinique et radiologique et à programmer une hospitalisation si l'enfant était traité en ambulatoire. Un état clinique infectieux inchangé conduit dans la crainte d'une bactérie atypique (mycoplasme) au maintien d'une monothérapie avec un changement de la molécule de référence : un macrolide est alors substitué à l'amoxicilline. Cas particuliers : Epanchement pleural : une ponction pleurale initiale s'impose le plus souvent pour identification de l'agent causal. L'antibiothérapie parentérale peut être élargie à visée initialement staphyloccocique (céfotaxime + fosfomycine, voir céfotaxime + fosfomycine + vancomycine si l'hémoculture est positive). Un drain pleural (avec éventuel repérage échographique) pourrait être mis en place selon la sévérité de la détresse respiratoire ou en l'absence de contrôle infectieux. Adénopathies inter-trachéo-bronchiques : elles justifient en règle d'un examen endoscopique voire d'un scanner thoracique. Pneumopathies récidivantes : elles doivent conduire à des explorations orientées notamment si elles surviennent dans un même territoire (endoscopie bronchique, scanner thoracique). Le Traitement symptomatique est celui : - de la fièvre (voir thème N°203) - de l'insuffisance respiratoire (voir thème N°193) Conclusions Les pneumonies sont l'une des causes les plus sévères des infections respiratoires basses de l'enfant. Le diagnostic positif est clinique et radiologique. Le diagnostic étiologique probabiliste est souvent mis en défaut. La confirmation bactériologique est rare, ce qui contribue à la difficulté des études épidémiologiques de référence. Le traitement antibiotique initial ne peut ainsi être que probabiliste, en s'adaptant à ‘éventualité la plus sévère d'une étiologie pneumococcique de la pneumonie. L'évolution clinique immédiate vient souvent confirmer à posteriori de son caractère adapté. Le vaccin conjugué heptavalent devrait à court terme, diminuer l'incidence des pneumopathies à pneumocoques de l'enfant de moins de 3 ans. A moyen terme, la mise au point d'un nouveau vaccin antipneumococcique nonavalent comportant les sérotypes les plus fréquents de ce germe (1 et 5) devrait réduire les risques de pneumonie et le pourcentage de souches de pneumocoque résistant à la Pénicilline et aux macrolides. 10 C@mpus National de pédiatrie et chirurgie pédiatrique Auteur : Pr. A. Bourrillon (Hôpital Robert DEBRE - Paris) TICEM – UMVF MAJ : 22/09/2005 Références Recommandations : Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé (juillet 2001). Antibiothérapie par voie générale des infections des voies aériennes inférieures de l'enfant en pratique courante. http://afssaps.sante.fr/pdf/5/rbp/irbreco_ef.pdf Recommandations de la Conférence de consensus du 21 septembre 2000 : « Prise en charge de la bronchiolite du nourrisson » disponible sur le site de l'ANAES : • • • • • • • • • Margolis P, Gadomski A. Does this infant have pneumonia ? JAMA 1998 ; 279 (4) : 308-313. Bourrillon A. Infections des voies respiratoires basses in Pathologies infectieuses de l'enfant. Begue P, Astruc J, Masson éditeur, Paris 1999, 439-446. Bourrillon A., Aujard Y, Costa M, Gaudelus J. Bronchiolites aigues du nourrisson. Evaluation clinique et critères de gravité. Journée Parisienne de Pédiatrie. 1999 Flammarion Médecine Sciences ; 227-35 Bourrillon A. Infections des voies respiratoires basses : in Y. Aujard, Maladies infectieuses de l'enfant - diagnostic et traitement, Pradel éditeur 1998, Paris. Gendrel D. Stratégies antibiotiques dans les infections respiratoires basses de l'enfant. Rev Prat 1996, 46 : 2099-103 Infections respiratoires basses. MT Pédiatrie numéro coordonné par D. GENDREL John Libbey éditeur. Hors Série.J. Libbey éditeur. Paris mars 1999. Bourrillon A., Gaudelus J, Gendrel D. Stratégies thérapeutiques hospitalières dans les pneumonies de l'enfant de plus de 3 mois. MT Pédiatrie ; John Libbey éditeur. Paris mars 1999. Bourrillon A. Infections bronchopulmonaires du nourrisson et de l'enfant. Revue du praticien 2001, 51, 2235-2242 Bourrillon A. Pneumonies de l'enfant. Pédiatrie pour le Praticien. Masson éditeur, 3ème édition 2003. Infections basses respiratoires de l'enfant. Le Presse Médicale, 2001, 30/36, 1781-1791 11