Les cinémas classés Art et Essai Les cinémas

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Les cinémas classés Art et Essai Les cinémas
Les cinémas classés Art et Essai
et
leur public
Magali Chaussade, Promotion 2006/2007
Master 2 pro « Conduite de projets culturels et connaissance des publics »
SOMMAIRE
Introduction
1ère partie : Les cinémas classés Art et Essai
1. Les critères de classement Art et Essai
2. Autres caractéristiques
2ème partie : Les publics des cinémas classés Art et Essai
1. Approche quantitative
2. Approche qualitative
Conclusion
Annexes
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Les cinémas classés Art et Essai et leur public
Introduction
L’art et essai a traversé cinquante années d’évolutions continues de l’exploitation : les
salles de quartier existent toujours, mais sont depuis apparus les multiplexes, où un nombre
important de films peuvent être programmés en même temps, et dont certains sont d’ailleurs
classés Art et Essai.
Après avoir vu sur quels critères repose le classement des cinémas et des films Art et
Essai, nous verrons ce qui fait la spécificité de ces salles en contrepoint de celles qui ne sont
pas classées.
C’est à travers la même démarche comparative que nous nous arrêterons sur la
question du public des cinémas classés Art et Essai et de sa spécificité à partir des données
émanant de deux études, l’une se basant sur une démarche quantitative, et l’autre sur une
démarche qualitative.
I. Les cinémas classés Art et Essai
1. Les critères de classement Art et Essai
Le classement Art et Essai des lieux de projection cinématographique a fait l’objet
d’une réforme en 2002. Il se fait par établissement et la référence géographique est l’unité
urbaine dans laquelle il est situé. Ce classement repose :
- sur un indice automatique indiquant la proportion de séances réalisées avec des
films recommandés Art et Essai1 ; l’exigence est croissante en fonction de l’importance
démographique de l’unité urbaine dans laquelle est situé l’établissement et de son nombre
d’écrans.
- sur une pondération de cet indice par deux coefficients.
Trois labels peuvent être attribués aux salles selon leur spécificité : « Recherche et
Découverte », « Jeune Public » et « Patrimoine et Répertoire ». Ces labels peuvent être
cumulés. Pour bénéficier du label « Recherche et Découverte », il est nécessaire de
programmer un nombre suffisant de films qualifiés de « Recherche et Découverte » par le
sous-groupe du Collège de recommandation des films. Dans le cadre de l’attribution des
labels, une attention particulière est portée à la qualité, à la régularité et à l’identification de
ces diffusions spécifiques. L’attribution du label « Jeune Public » repose sur la
programmation d’au moins 15 films qualifiés comme tels par le groupe « Jeune Public » de
l’AFCAE (Association Française des Cinémas d’Art et des Essai) (hors temps scolaire ou
opérations financées par ailleurs telles que Collège au Cinéma par exemple). Le label
1
D’après le décret du 22 avril 2002, une œuvre recommandée Art et essai se définit selon les critères suivants :
« - oeuvre possédant d’incontestables qualités mais n’ayant pas obtenu l’audience qu’elle méritait ;
- oeuvre Recherche et Découverte, c’est-à-dire ayant un caractère de recherche ou de nouveauté dans le
domaine cinématographique ;
- oeuvre reflétant la vie de pays dont la production cinématographique est assez peu diffusée en France ;
- oeuvre de reprise présentant un intérêt artistique ou historique, et notamment considérée comme des «
classiques de l’écran » ;
- oeuvre de courte durée, tendant à renouveler l’art cinématographique ;
Peuvent également être comprises dans les programmes cinématographiques d’art et d’essai :
- des oeuvres récentes ayant concilié les exigences de la critique et la faveur du public et pouvant être
considérées comme apportant une contribution notable à l’art cinématographique ;
- des oeuvres cinématographiques d’amateurs présentant un caractère exceptionnel » [Annexe n°1]
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«Patrimoine et Répertoire» est octroyé aux salles diffusant des films recommandés Art et
Essai sortis pour la première fois en salles il y a au moins 20 ans.
Près de la moitié des établissements sont classés Art et Essai2. Ces salles
indépendantes sont regroupées au sein de l'AFCAE, créée en 1955 par des directeurs de
salles et des critiques, et qui a obtenu un statut officiel en 1959 grâce à André Malraux, alors
ministre de la Culture. Comptant à ses débuts 5 salles adhérentes, elle compte, en 2006,
1065 établissements classés « Art & Essai ». 280 d'entre eux ont reçu le label jeune public,
120 sont labellisés « Recherche et découverte » et 53 sont labellisés « Patrimoine et
répertoire ». Au total, 332 cinémas sont labellisés et 59 bénéficient des 3 labels (par exemple
les cinémas Utopia), bien que ces dernières ne sont pas adhérentes à l'AFCAE à l'instar d'un
certain nombre de salles indépendantes.
Le classement Art et Essai et l’attribution des labels sont effectués par la Directrice
générale du CNC, après avis de la commission du cinéma Art et Essai, qui examine les
dossiers de demande de classement des établissements pour l’année au début de cette
dernière. Le label "Art et Essai" accordant une petite contribution financière annuelle, le
montant des subventions est fixé en fonction de l’indice résultant des calculs. Le travail de la
commission du cinéma Art et Essai est préparé par des sous-groupes interrégionaux. La
commission est composée de représentants des exploitants, des distributeurs, des
producteurs, des réalisateurs, de la critique, de représentants des administrations
concernées, de personnalités qualifiées (représentant en particulier les associations
oeuvrant à la diffusion et des rapporteurs des groupes inter-régionaux)
Ce label est provisoire et soumis à examen et peut être retiré pour différentes
raisons.
2. Autres caractéristiques
En 2005, les salles Art et Essai ont réalisé 49,67 millions d’entrées (28,4 % de la
fréquentation totale) et 254,4 M€ de recettes (soit 24,7 % de la recette totale)
Si les cinémas Art et Essai captent une part variable de la fréquentation en fonction
de la taille de l’agglomération dans laquelle ils sont implantés, on peut dire que de façon
générale les entrées des cinémas classés Art et Essai sont moins « urbaines » que
l’ensemble de la fréquentation3.
La répartition géographique des équipements Art et Essai est relativement
harmonieuse selon la taille des agglomérations. Toutefois, davantage d’établissements sont
classés Art et Essai dans les petites unités urbaines4. En 2005, 963 communes sont
équipées en salles de cinéma Art et essai en France, soit 56,3% de l’ensemble des
2
48,7 % des établissements cinématographiques actifs en 2005 sont classés Art et Essai, soit 1 046
sites (avant appel). Ils regroupent 2 098 écrans et plus de 391 000 fauteuils, c’est-à-dire
respectivement 39,0 % et 36,1 % de l’ensemble du parc national. La représentativité des équipements
Art et Essai est en constante progression depuis la réforme du classement.
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En effet, les agglomérations de plus de 100 000 habitants regroupent 43,5 % des entrées des salles
classées, contre 63,0 % de la fréquentation totale en 2005. A l’inverse, les agglomérations de moins
de 20 000 habitants et les zones rurales captent 24,0 % des entrées des salles classées, contre 12,0
% seulement de la fréquentation totale.
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En 2005, 61,9 % des cinémas sont classés Art et Essai dans les agglomérations de 10 000 à 20
000 habitants, contre 36,1 % dans les agglomérations de 100 000 à 200 000 habitants. 36,2 % des
établissements classés sont cependant situés dans des unités urbaines de plus de 50 000 habitants,
notamment dans les agglomérations universitaires importantes.
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communes dotées d’établissements cinématographiques. 45,9 % des Français résident dans
une commune équipée d’au moins un cinéma en 2005 et 34,6 % habitent une commune
dotée d’au moins un établissement classé Art et Essai.
Les cinémas classés Art et Essai proposent à leur public un nombre de longs
métrages beaucoup plus important que les autres cinémas et une programmation très
diversifiée, notamment en favorisant la programmation des films non américains. En effet,
les films européens et les autres films occupent une plus grande proportion de séances dans
les salles classées que dans les autres cinémas.
La part de marché des films recommandés Art et Essai est naturellement bien plus
élevée dans les salles Art et Essai (52,2 % en 2005) que dans les autres cinémas (27,4 %).
A noter que, pour la première fois depuis la réforme de l’Art et Essai, plus de la moitié de la
fréquentation des cinémas classés Art et Essai est générée par des films recommandés.
2. Les publics des cinémas classés Art et Essai
1. Approche quantitative
D’un point de vue sociodémographique, le public des cinémas d’Art et Essai se
distingue du public général. Il s’agit en effet d’un public majoritairement plus féminin,
plus âgé et plus favorisé socialement : 32,7 % du public des salles Art et Essai exercent
une profession de catégorie supérieure (CSP+), contre 21,5 % pour le public du cinéma en
général, caractéristique encore plus marquée sur les spectateurs des films Art et Essai
(41,1 % d’entre eux exercent des professions de catégorie supérieure). Ces derniers
constituent d’ailleurs le cœur de cible des cinémas Art et Essai. Ils sont plus âgés (30,3 %
entre 35 et 49 ans), vont très souvent au cinéma (plus d’un quart d’entre eux déclarent y aller
au moins une fois par semaine), et représentent un public encore plus urbain.
Particulièrement assidus du cinéma en général, les spectateurs des salles Art et
Essai s’avèrent être un public fidèle puisque plus d’un tiers d’entre eux détiennent une carte
de fidélité (36,0 %).
Pour eux, la sortie au cinéma est une pratique plus solitaire. Conséquence
probable d’une pratique cinématographique plus intense, les spectateurs des salles Art et
Essai vont au cinéma beaucoup plus souvent seuls que le reste de la population (25,7 %).
Ils sont particulièrement attachés à la version originale (VO) des films étrangers,
puisque 70,3 % préfèrent voir un film étranger en VO (contre 19,6 % des spectateurs du
cinéma en général). Si la version originale du film n’est pas disponible, 21,0 % d’entre eux
déclarent ne pas aller voir le film au cinéma.
En outre, le public des films Art et Essai est beaucoup plus sensible que le public en
général à l'environnement lié au film : animations proposées, diffusion de courts métrages,
avant-premières , autant d’éléments qui constituent des facteurs incitatifs forts pour se
rendre dans des établissements classés Art et Essai, au même titre que la diversité de la
programmation, la convivialité des lieux et le prix des places.
2. Approche qualitative
Peu d'études consacrées aux publics et spectateurs de cinéma ont porté sur des
pratiques spectatorielles concrètes. En effet, la recherche autour du public s'est la plupart du
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temps centrée sur des questionnements quantitatifs : qui va au cinéma ? qui n'y va plus ? La
figure du public n'est en général appréhendée qu'à travers des représentations statistiques :
taux de fréquentation, tranches d'âges, CSP, etc. C’est là tout le mérite du CNC qui, au
travers d’une étude qualitative, a cherché à appréhender les perceptions des spectateurs
vis-à-vis des établissements cinématographiques classés Art et Essai.
Parmi les éléments de l’étude auxquels on pouvait s’attendre, on retrouve de la part
du public un attachement profond aux films diffusés dans les salles Art et Essai, à la fois très
valorisés et considérés comme porteurs de valeurs positives fortes : « la culture,
l’ouverture d’esprit, l’expérience artistique, la réflexion, l’émotion, l’exigence, la créativité,
etc. »5. Pour les personnes interrogées, les films sont considérés comme des œuvres à part
entière, enrichissantes tant du point de vue intellectuel qu’émotionnel. Et si le film d’art
et d’essai est considéré comme une œuvre, la salle d’art et d’essai est perçue comme son
écrin. En effet, le cinéma d’Art et Essai en tant que lieu est perçu comme un univers à part,
calme et intime, chargé d’histoire et de culture, à l’opposé d’un univers commercial et
déshumanisé.
Les observations suivantes sont plus pertinentes : Tout d’abord, la sortie
cinématographique dans un cinéma Art et Essai est perçue comme une pratique nécessitant
une attitude plus volontariste et demandant un effort d’organisation : programmation plus
complexe que celle du réseau commercial où les horaires sont systématiques et fixes, accès
à l’information plus compliqué compte tenu de la dispersion de l’offre… Autre remarque
intéressante : Entre un pôle « puriste » et un pôle « ouvert », la catégorie Art et Essai
couvre, pour les spectateurs, une palette de cinémas très diversifiée, se révélant
difficilement délimitable. Cette absence de frontière claire et la nature subjective de la
catégorie Art et Essai est un point positif ; elle évite de « ghettoïser » ce cinéma dont la
majorité des spectateurs attendent de la mixité et une certaine ouverture, que ce soit en
termes de salles ou de films.
Deux éléments de l’étude quantitative peuvent être également observés suite à une
approche qualitative : les spectateurs associent fortement la notion d’Art et Essai à la
version originale perçue comme seul moyen d’appréhender l’œuvre originale. En outre,
l’aspect solitaire de la pratique de sortie au cinéma se confirme de nouveau. Cette pratique
fait écho à la dimension intime et au mode de réception individuel de ce type de cinéma, en
opposition avec la notion de culture de masse.
Conclusion
Les établissements Art et Essai accueillent un large public qui présente de multiples
facettes, notamment en fonction des films vus, du type d’établissement et de leur
localisation. Cette richesse et cette diversité sont illustrées par une dualité, avec deux
grandes familles de spectateurs : les spectateurs de films recommandés Art et Essai, qui
présentent de réelles spécificités, et les spectateurs des autres films au sein des
établissements Art et Essai dont les caractéristiques se rapprochent par de nombreux
aspects de celles du public du cinéma en général.
La seconde approche rappelle la nécessité d’évaluer la composition et la diversité
des publics en termes qualitatifs. Elle a permis d’appréhender en profondeur ce qui constitue
le goût et les modes d’appropriation de l’objet culturel des spectateurs. Car appréhender le
public de cinéma depuis le moment de rencontre entre les univers symboliques des textes
filmiques et les univers sociaux des spectateurs, c'est encore saisir la portée sociale des
œuvres d'art, la place qu'elles occupent dans la vie de chacun d'entre nous.
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Page 7 du rapport d’étude Perceptions des publics des cinémas Art et d’Essai
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BIBLIOGRAPHIE
ETHIS Emmanuel, 2005, Sociologie du cinéma et de ses publics , 2005, Armand
Colin, coll. « 128 », Paris
Le public du cinéma Art et Essai, 2006, CNC
Perceptions du public des cinémas Art et Essai, 2006, CNC
SITES INTERNET
www.cnc.fr
Site de l’AFCAE
www.art-et-essai.org
www.cinemas-de-recherche.com
Syndicat des cinémas d’art, de répertoire et d’essai
http://perso.orange.fr/scare/
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ANNEXES
Annexe n°1 : Notice du classement Art et Essai
Annexe n°2 : Données quantitatives
Annexe n°3 : Données qualitatives
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ANNEXE N°1
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11
12
13
14
15
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17
18
ANNEXE N°2
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20
ANNEXE N°3
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