Le retour des Asturies Région minière du Nord
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Le retour des Asturies Région minière du Nord
Le retour des Asturies Région minière du Nord-Ouest de l’Espagne, les Asturies ont toujours été une terre de football. Et après plusieurs années compliquées, ses clubs semblent définitivement de retour. Le Sporting remonte dans l’élite du football espagnol, pendant que le Real Oviedo retrouve le monde pro en Segunda après plusieurs saisons dans les tréfonds du foot ibérique. Un retour en puissance qui ravira sûrement les romantiques de la Liga. Crédits : elcomercio.es David Villa, Juan Mata, Santi Cazorla etc… nombreux sont les joueurs sortis des vallées minières asturiennes qui brillent aujourd’hui au plus haut niveau. En remontant dans le temps, on pense inévitablement à Luis Enrique, actuel coach du FC Barcelone. Et comment passer à côté de la légende Quini, qui comme Enrique a fait les beaux jours du Sporting et du Barça, et qui est le huitième meilleur buteur de l’histoire de la Liga. Du beau monde en somme ; parce que oui, les Asturies sont une des principales canteras de l’Espagne. Place forte du football ibérique dans les années 80 et 90, les problèmes économiques qui ont heurté de plein fouet la plupart des clubs ont rayé les Asturies de la carte ces dernières saisons. C’est d’ailleurs tout le football du Nord-Ouest de l’Espagne qui a été touché, puisque les clubs Galiciens ont également traversé une période compliquée qui semble désormais révolue, pendant qu’en Cantabria le Racing de Santander fait l’ascenseur entre la Segunda et la Segunda B. Le Sporting voit la lumière au bout du tunnel Le Sporting a beaucoup souffert ces dernières années. Le club de Gijon a été une des entités les plus frappées par la crise, et il en fait encore les frais aujourd’hui. L’été dernier, les Gijonenses n’ont pas pu recruter, interdits de transfert par la LFP. C’est d’ailleurs la seule équipe professionnelle espagnole qui n’a pas engagé le moindre joueur lors du mercato estival, donnée qui magnifie encore plus la saison qui vient de s’écouler, qui relève presque de l’exploit. Un transfer ban qui sera toujours d’actualité cet été à en croire Marca (http://www.marca.com/2015/06/11/futbol/equipos/sporting/1434036319.html ). Entre salaires impayés et dettes avec le Trésor Public, ces dernières années ont été compliquées. Mais les problèmes économiques du club que traîne le club sont vite passés au second plan à la suite d’un évènement bien plus tragique, en juin 2012. La mort de Manolo Preciado, coach du club pendant six saisons, a créé un avant et un après dans la vie du club. Un décès qui n’a d’ailleurs pas seulement marqué la ville, puisque c’est tout le football espagnol qui était en deuil pendant ce triste été 2012. Il faisait partie de ces visages familiers que tout le monde connaissait de l’autre côté des Pyrénées ; et sa disparition a forcément laissé un grand vide. « Manolo était comme un père pour moi », nous confie Grégory Arnolin (https://twitter.com/GregoryArn15 ), qui n’a que des propos élogieux à l’égard de celui qui l’avait fait signer au Sporting. Une figure paternelle pour beaucoup de joueurs ; David Barral s’est même tatoué les initiales de son ancien coach. Et forcément, les supporters ne l’ont pas oublié et ont scandé son nom pendant les festivités qui ont suivi la montée. La statue de Manolo Preciado devant El Molinón(crédits : elgoldigital.com) Un club qui n’oublie pas, mais qu’on n’oublie pas. Tout joueur passé par le Sporting reste marqué à vie par le club et la ville ; Grégory Arnolin en est l’exemple parfait, lui qui se déclare toujours supporter et dont le nom a également été chanté pendant les célébrations. Gijon est ville qui vit pour le foot. Une phrase cliché qu’on a tendance à utiliser à tort et à travers, mais pour le coup, c’est réellement le cas. « Les gens qui habitent à Gijon ne vivent pas sans le club. C’est comme une religion là-bas », précise le défenseur français. Dans beaucoup de villes espagnoles de taille moyenne, particulièrement dans les régions sans club de très haut niveau, les gens ont tendance à se tourner vers le Real Madrid ou le Barça. Mais pas à Gijon confirme le natif de Livry-Gargan, où le Sporting passe avant tout. https://twitter.com/AlbertoLora11/status/608022660744912896 La place de la mairie de Gijon après la montée Et comme si la chance leur souriait enfin après tant d’années difficiles, un but de Lugo dans les arrêts de jeu chez Girona est venu leur offrir la deuxième place, qui donne directement accès à la Liga. « Je suivais le score sur mon téléphone et quand Lugo a marqué je n’y croyais pas », raconte Arnolin. Une aubaine et un joli coup de pouce du destin, puisqu’on connait tous la difficulté des playoffs pour accéder à l’élite du foot ibérique. Abelardo, bien connu des supporters du Barça et lui-même formé au Sporting, a composé avec un effectif jeune, avec beaucoup de joueurs de la maison, encadrés par des joueurs plus expérimentés comme Alberto Lora. Une réussite qui ne surprend pas du tout Gregory Arnolin, qui parle de la nomination de celui qu’on surnomme El Pitu comme de «la meilleure chose qu’ait fait le Sporting ». Une saison qui récompense et met enfin en lumière l’excellent travail de formation du club. Et parmi ces jeunes, il faudra notamment surveiller Jony, jeune ailier gauche, et l’attaquant de 20 ans Carlos Castro ; le coup de cœur du défenseur d’origine martiniquaise. Oviedo, entre millions et tradition Le Sporting n’est pas le seul club à avoir vécu une saison pleine, puisque ses voisins d’Oviedo auraient difficilement pu rêver d’une année plus aboutie que celle-ci. Les Ovetenses ont terminé premiers de leur groupe de Segunda B, et sont passés à deux doigts de battre le record historique de points dans la division. Pourtant, le destin du Real Oviedo aurait pu être bien différent. En 2012, le club a dû lancer une campagne de récolte de fonds pour réunir une somme estimée à un peu moins de 2 millions d’euros, sous peine de disparaître définitivement. Un vrai succès, puisque supporters, médias, anciens joueurs et investisseurs s’étaient mobilisés. Et c’est Carlos Slim, deuxième homme le plus riche de la planète d’après Forbes (http://www.forbes.com/billionaires/list/ ), qui était venu apporter les fonds manquants, devenant ainsi actionnaire majoritaire du club. Une arrivée curieuse, puisque tout était parti d’un canular téléphonique de la radio espagnole Cadena COPE. Se faisant passer pour Emilio Butragueño, l’humoriste Dani Martinez avait contacté Arturo Elias Ayub, beau-fils et bras droit de Slim, pour l’informer de la situation du club. Déconcerté dans un premier temps, la réaction des supporters du club sur les réseaux sociaux lui a permis de comprendre la détresse et la motivation des Oviedistas, prêts à tout pour sauver leur club. Le cadre de Telmex avait déjà acquis trente actions du club le jour suivant. Une semaine plus tard, Slim débarquait à Oviedo. Arturo Elias Ayub et Carlos Slim à Oviedo (crédits : debate.com.mx) https://twitter.com/RealOviedoWFC/status/472702467235655681 Juan Mata et Santi Cazorla, formés au club, posent avec le maillot Le milliardaire mexicain n’a pour l’instant pas investi de grosses sommes, mais l’ambitieux projet d’Oviedo a réussi à attirer plusieurs joueurs qui évoluaient dans des divisions supérieures. Miguel Linares en est la preuve, lui qui évoluait en Liga Adelante au Recreativo de Huelva la saison dernière, et qui a terminé meilleur buteur de la Segunda B avec vingt-sept réalisations cette saison. On peut également citer Jonatan Vila, qui évoluait en Liga au Celta. Et au niveau de la ferveur populaire, Oviedo n’a rien à envier au Sporting, puisque 13.000 supporters en moyenne assistaient aux matchs des Carbayones au Carlos Tartiere. Plus que certains clubs de Liga comme Almeria ou Getafe, et seul club de troisième division à dépasser les 10.000 spectateurs par match. https://vine.co/v/eqTbeWzOeeH L’ambiance au Carlos Tartiere lors du match aller de la finale des playoffs de montée Même si Oviedo n’a plus connu le haut niveau depuis plus de dix ans, c’est un club international, particulièrement apprécié dans le monde anglo-saxon. Le club a plus de 9.000 actionnaires en dehors du territoire espagnol, énorme pour un club qui évolue en D3 ! Les joueurs asturiens expatriés en Premier League (Mata, Michu, Cazorla etc) et certains journalistes ont largement contribué à la montée de sympathie à l’égard du club à l’international, à l’image de Sid Lowe (https://twitter.com/sidlowe ), amoureux du club qui couvre la Liga pour plusieurs médias britanniques. « Je ne saurais pas expliquer pourquoi Oviedo est capable d’unir autant de gens qui ne viennent pas de la ville, mais je sais qu’ils sentent vraiment les couleurs », expliquait Matias Garcia à El Pais. ( http://deportes.elpais.com/deportes/2015/03/31/actualidad/1427806243_019500.html ). Il est président du Real Oviedo Shareholders Trust (https://twitter.com/RealOviedoWFC ), association qui s’occupe d’accueillir les nombreux supporters étrangers qui viennent au Carlos Tartiere toutes les deux semaines. On vous conseille d’ailleurs de suivre les vidéos du Youtuber Spencer Owens (https://www.youtube.com/user/officialfifaplaya/featured ) et de visionner ci-dessous l’excellent reportage inside qu’il a réalisé en mai, à l’occasion du match aller des playoffs de montée, face à Cadiz. https://www.youtube.com/watch?v=bffwFFm600I https://www.youtube.com/watch?v=7LrPgYX3-iE Et ce derby alors, c’est pour quand ? Il faut remonter à la saison 97/98 pour trouver trace d’un derby asturiano en Liga. Le dernier match officiel entre les deux voisins date de la saison 2002/2003, quand les deux équipes jouaient en deuxième division. Oviedo était d’ailleurs descendu en Segunda B à l’issue de l’exercice en question. Et quand on connait la ferveur autour des deux clubs, le derby est forcément chaud, très chaud. Un derby qu’on peut comparer à celui de Séville, confirme Gregory Arnolin, qui à ses plus grands regrets n’a pas eu la chance de vivre un tel choc en première division. « Les gars d’Oviedo n’aiment pas les mecs de Gijon, et ceux de Gijon n’aime pas les gars d’Oviedo », explique-t-il, tout en précisant que la rivalité reste plutôt saine et que les débordements sont très rares. Mais malgré les écarts de division, les Sportinguistas ont quand même eu le droit à quelques moments de joie ces dernières années grâce à leur équipe B, qui évolue en Segunda B et qui a donc affronté Oviedo. On pense notamment au match que la réserve du Sporting est allée gagner au Carlos Tartiere en avril 2014 ; une véritable humiliation puisqu’ils s’étaient imposés sur le score de 4-1. Si une défaite dans un derby fait toujours mal, que dire lorsque c’est contre l’équipe B du rival ? https://www.youtube.com/watch?v=GMRYSx9jGWA Avec les moyens financiers et le projet d’Oviedo, il est largement possible d’envisager une montée en Liga dans les années à venir. Après tout, Eibar est passé de la Segunda B à la première division en deux saisons, avec un budget rachitique. Du côté du Sporting, le maintien sera compliqué mais loin d’être impossible à atteindre, Gregory Arnolin en est convaincu : « Ils ont surpris beaucoup de monde en montant cette année, donc pourquoi pas faire la même chose en se maintenant l’année prochaine. On a un bon leader, on peut faire beaucoup de choses. Le maintien est possible». Avec un bas de tableau aussi homogène en Liga, les troupes d’Abelardo ont clairement une carte à jouer. Les supporters des deux clubs devront eux attendre au moins une saison supplémentaire pour assister à un nouveau derby, à moins que le destin fasse bien les choses et que les deux équipes se rencontrent en Coupe du Roi. Les Asturies sont bel et bien de retour. ¡Puxa Asturies! Remerciements à Gregory Arnolin pour sa disponibilité et ses réponses qui ont fortement aidé à l’élaboration de l’article.