Une oasis, des déserts - Sahara

Transcription

Une oasis, des déserts - Sahara
DESTINATION
Algérie
Djanet
Une oasis, des déserts
Située dans le sud-est de l’Algérie, dans la région du Tassili N’Ajjer (couvrant 80 000km2 de Parc National dans le désert),
Djanet est à 2300 km de la capitale algérienne et à quelques kilomètres de la frontière libyenne. Djanet est une oasis toute
en longueur abritant quelques 15 000 habitants répartis dans 6 villages qui longent la palmeraie. Le climat est aride avec
une pluviosité faible et irregulière, il y fait chaud la journée et frais la nuit avec des pics de température en mai.
L’entretien permanent des jardins a été rendu possible grâce aux nombreuses sources qui irriguent le sous-sol.
La culture des dattes est particulièrement fameuse. Djanet a un centre-ville avec une banque, une poste, un marché
et plusieurs petits commerces et cafés. La plupart des habitants de Djanet sont touaregs, mais de plus en plus d’arabes
viennent s’installer dans l’oasis pour établir un commerce.
Texte et Photos
Alissa DESCOTES-TOYOSAKI
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aigle azur magazine 33
Les Touaregs....
Les touaregs sont des nomades, répartis
dans le Sahara entre 4 pays, le Niger, le
Mali, la Lybie et l’Algérie. Ils possèdent leur
propre langue, le tamahaq, qui appartient
au groupe des langues berbères, et une
écriture originale, le tifinagh. Les hommes
s’occupent principalement de l’élevage de
chameaux et les femmes du petit bétail
près du campement composé de tentes
en nattes ou en peau. Le campement
bouge selon les saisons au gré des pâturages. Convertis à l’islam mais de société
matriarcale, la plupart des touaregs restent
monogames et sont connus pour accorder une grande liberté aux femmes, privilège rare en Afrique. Alors que les hommes
se voilent le visage d’un turban, selon un
code social complexe, les femmes portent
un simple voile sur la tête. Elles sont admises dans la communauté des hommes
dans la vie courante. Pourtant, au contact
des populations arabes et musulmanes,
Djanet s’est petit à petit diversifiée, assimilant la culture algérienne et libyenne d’une
manière tout à fait originale.
peintures rupestres classé patrimoine
mondial de l’UNESCO. Depuis la scolarisation des enfants, certains touaregs ont
obtenu des diplômes de docteur, d’autres
occupent des postes administratifs. Mais
il y a encore beaucoup de chômage dans
l’oasis qui ne peut pas pourvoir d’emplois
aux jeunes en dehors des 6 mois de la
saison touristique. La sédentarisation des
touaregs a entraîné des changements importants dans leur mode de vie. Alors que
les hommes vont et viennent entre la ville
et le désert, les femmes de Djanet s’occupent des tâches ménagères et ne sortent
que rarement pour aller au marché ou au
jardin. Pourtant, lors des fréquents mariages, les femmes créent un univers de
fete dans lequel les hommes ne sont pas
admis et qui exprime à merveille par des
chants et des danses l’âme des touaregs
Ajjers.
Les Touaregs de Djanet...
Un autre moyen de découvrir les touaregs
de cette région est de partir avec eux à
chameau et revivre le temps des caravanes qui traversaient le désert pour trocker
les marchandises ... Laissant téléphones
portables et tout ce qui encombre notre vie matérielle, on se retrouve après
30 minutes de marche au beau milieu
de nulle part... L’ascension d’Ehalagi, au
nord-ouest de Djanet, se fait à pied derrière les chameaux, dans une cascade de
cailloux...
Eléctricité, eau courante, téléphones portables ont pris le dessus sur la vie nomade. Les hommes ont trocké les chameaux
contre des 4/4 Toyota, travaillant comme
guide ou chauffeur pour les groupes pendant la saison touristique qui va d’octobre
à avril. Le tourisme est en effet en pleine
expansion dans cette région du Sahara
qui offre des paysages grandioses ainsi
qu’un site unique de 15 000 gravures et
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A chameau
dans le Tassili N Ajjers...
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Petit à petit, le paysage se transforme en
rochers immenses aux formes étranges
que vient adoucir une vague de dune
blonde. Le spectacle est encore plus saisissant une fois qu’on est monté sur la
bosse. Profitant du bon vent et d’une vue
haut perchée, on se faufile en silence dans
le désert éblouissant, clignant des yeux à
chaque rocher en croyant apercevoir un
visage sculpté dans le grès. A midi, on
décharge les bagages à l’ombre d’un rocher. Le chamelier emmène les chameaux
brouter dans l’oued, le cuisinier prépare
une salade avec les bons légumes frais
de l’oasis...On mange, on boit le thé,
on se repose jusqu’à ce que les ombres
s’agrandissent... La marche continue de
15h au coucher du soleil, direction Tekat
n Tenerin... Un chaos de roches noires, un
oued sablonneux, et le plateau du Tassili
qui rougeoie a l’horizon et nous remplit de
son mystère...Qu’il est emouvant alors de
le regarder et d’imaginer la savane où cohabitaient les girafes et les peuples pasteurs il y a des millions d’années.Nous
campons autour du feu dans la fraîcheur
du soir. La marmite mijote un râgout de
légumes et de mouton, le thé frémit pour
un premier service et sous les braises, le
pain « togalla » cuit dans son four de sable
chaud. « Tout est bien », comme on dit ici.
Le 2e jour, la meharée reprend dans un
decor apocalyptique. On entre dans un
vrai labyrinthe de pierres, et plus on s’enfonce plus on perd la notion du temps.
Nous sommes à Inaramas, au beau milieu
de roches préhistoriques que l’érosion du
vent et de l’eau a ridé comme une peau de
pachyderme. A cet instant, il n’est pas difficile de s’imaginer en homme des cavernes...On fait l’escalade de ces masses de
grès pour surplomber le paysage, et on se
sent encore plus petit devant l’immensité
du désert...Puis, après les longs couloirs
de pierres, on arrive dans l’après-midi sur
les grandes étendues de Tasutaret, repère
favori des chameliers du Tassili qui viennent amener paître leurs chameaux. L’horizon à perte de vue, du sable couvert de
déflagrations de rocs noirs, et de bons pâturages pendant la saison...La pause thé
se fait dans une grotte, où on voit encore
les restes de braises, quelques bouts de
cordes pour entraver les chameaux. Sur
le flanc d’un rocher, pendent nonchalamment des outres en peau de chèvre, une
“chambriair” (outre en pneu), un baluchon
avec le matériel à thé que les chameliers
ont laissé là pour leur prochain passage...
Le désert n’appartient à personne, et tout
le monde s’y sent chez soi. Avant le coucher du soleil, nous vagabondons à notre
gré autour du campement tout en cherchant du bois mort pour le soir. Le repas
est comme d’habitude frugal et tellement
bon, peut-être parce qu’on a faim, et peut36
être parce qu’on apprend à se satisfaire
de l’essentiel: du pain ou des macaronis,
un peu de viande, du thé, le crépitement
du feu, la parole qui passe d’abord par un
regard ou un sourire avant de s’ouvrir.
L’aube vient nous faire frissonner dans nos
sacs de couchage. Les nuits dans le désert sont fraîches mais les rêves sous les
milliers d’étoiles sont si doux ! On se lève
pour s’accroupir près du feu où bout déjà
le premier thé...Petit déjeuner très consistant avec les restes de la togalla tartinée
de confiture et un bon verre de lait en
poudre “Lahda”. Nous déambulons toute
la matinée en traînant les chameaux dans
les méandres d’Assassu. Là, au creux
des rochers, repose une guelta, un bassin d’eau claire (ou trouble selon les saisons) rempli des dernières pluies, où les
chameaux s’abreuvent tandis que nous
remplissons les outres et les jerricans. A
défaut de pouvoir s’y tremper, cette guelta
étant reservée à l’abreuvement, c’est un
bonheur de pouvoir s’asperger derrière un
rocher avant de picniquer. Rassasiés et
desalterés de cette eau bénie du Sahara,
nous reprenons la marche jusqu’à trouver
un oued parsemé d’armoise dont l’odeur
nous enchante. Le désert semble renaître sous nos pas avec des touffes de vert
par-ci par-là. Sur les chameaux, c’est une
promenade idéale sans aucun obstacle à
flaner le long de l’oued avant d’arriver au
pied d’une dune immense. Bêtes et hommes s’enfoncent dans le sable jusqu’aux
mollets, pour découvrir au sommet une
vue magnifique. Le soleil se couche sur le
grand désert de Tiharamiwen d’où surgissent des pitons géants aux formes extraordinaires, là-bas on croit même apercevoir
le cône parfait du Mont Blanc qui repose
sur un tapis d’herbes fraîches...Dernière
nuit à la belle étoile, au pied d’un grand
rocher. Au crépuscule, on entend les cris
d’une bergère qui ramène son troupeau
de chèvres vers un campement nomade,
quelques blatèrements grognons de chameaux qui sont entravés et menés au pâturage, puis le silence.
Matin à s’attarder autour du thé et regarder à loisir le troupeau de chèvres dont
les taches noires et blanches viennent
délicatement habiller le dos des dunes. Le
chamelier est allé chercher les chameaux
et nous attendons patiemment son retour.
Malgré leurs pattes de devant entravées
et l’abondance de pâturages, les chameaux peuvent parcourir plusieurs kilomètres pendant la nuit à la recherche d’un
endroit qu’ils préfèrent...Le chamelier doit
suivre leurs empreintes pour les retrouver,
ce qui peut paraître incroyable quand on
voit les centaines de traces qui parsèment
les alentours, sans compter les pas des
chacals, fennecs, gazelles, lapins, souris
ou moufflons...Mais les nomades savent
lire dans le sable comme dans un livre,
et repèrent chaque trace selon sa forme
et son ancienneté pour pister un animal
ou même un homme ! Les chameaux ramenés au campement, nous levons l’ancre sur Djanet dans un vent de sable qui
s’engouffre en sifflant à travers les couloirs
de pierres et rend le paysage encore plus
irréel. Notre petite caravane arrive aux portes de l’oasis aux abords de midi par de
longs sentiers sinueux scellés de milliers
d’empreintes de chameaux qui mènent
sur les hauteurs de Tisras. Là, devant nos
yeux éblouis, Djanet étale ses ksours et sa
palmeraie luxuriante ... En silence, nous
amorçons la descente avec la satisfaction
du caravanier qui a traversé le désert et
va poser bagage à l’ombre réconfortante
d’une oasis qu’on nomme joliment « la
perle du Tassili ».
Texte et Photos
Alissa DESCOTES-TOYOSAKI
[email protected]
Plus de détails sur la région
du Tassili n Ajjers sur le site
http://www.20six.fr/sahara-eliki
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