victimes d`attentats : le temps de la réparation
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victimes d`attentats : le temps de la réparation
#3 septembre 2015 VICTIMES D’ATTENTATS : LE TEMPS DE LA RÉPARATION Dans un contexte de risque terroriste en constante augmentation, comme l’a malheureusement illustrée l’attaque avortée survenue récemment dans un train Thalys, le Fonds de Garantie s’est toujours engagé avec détermination pour venir en aide aux victimes et œuvrer à la réparation de leur préjudice. Attentats de janvier 2015 en région parisienne, du musée du Bardo en Tunisie, et, plus récemment encore, de Saint-Quentin-Falavier : le FGTI se mobilise pour indemniser les victimes. La première mission est de prendre attache rapidement avec les victimes pour leur indiquer que la solidarité nationale est là et évaluer leurs besoins les plus immédiats, et ensuite verser les premières provisions. Vient, aujourd’hui, le temps de la mise au point de l’indemnisation. Certaines informations diffusées dans la presse ont pu légitimement troubler les victimes de ces attentats que le Fonds a la charge d’indemniser : l’entière indemnisation du préjudice serait retardée ou le Fonds tenterait de minorer le montant des indemnisations pour des raisons tenant à ses ressources financières. Ces reproches sont infondés et cette newsletter vise à mieux expliquer, en toute transparence, comment se déroule le processus d’indemnisation jusqu’au stade de la réparation la plus complète possible de leur préjudice. LE FONDS DE GARANTIE : UN ORGANISME D’INDEMNISATION UNIQUE AU MONDE Mme Françoise Rudetzki, fondatrice de SOS Attentats-SOS Terrorisme et membre du conseil d’administration du Fonds l’a rappelé récemment dans un entretien à la presse : « Cela reste un Fonds unique au monde. » Très peu de pays ont en effet mis en place un système d’indemnisation des victimes du terrorisme qui soit aussi efficace que le système français. Depuis 1986, près de 4 000 victimes ont été indemnisées. En 2014, le Fonds a ouvert près de 100 dossiers au titre de sa mission d’indemnisation des victimes du terrorisme et a réglé 6,5 millions d’euros (M€) ; au 30 juin 2015, 6,4 M€ ont déjà été réglés. Le Fonds est intervenu en 2009, pour les victimes françaises des attentats du Caire, en 2011 pour celles de l’attentat de Marrakech, pour les victimes des actes commis en 2012 à Toulouse et Montauban par Mohamed Merah, en 2013 pour les victimes françaises de la prise d’otage sur le site gazier d’In Amenas en Algérie, à l’ambassade de France à Tripoli ou au centre commercial de Nairobi, au Kenya. VICTIMES D’ATTENTATS : LE TEMPS DE LA RÉPARATION QUELLES ONT ÉTÉ LES PREMIÈRES MESURES MISES EN ŒUVRE ? COMBIEN DE VICTIMES ONT ÉTÉ PRISES EN CHARGE PAR LE FONDS ? Une cellule dédiée Au FGTI, au sein du service en charge de l’indemnisation, une cellule dédiée, composée de gestionnaires spécialement formés, a été constituée pour assurer la prise en charge du préjudice des victimes, et le cas échéant de leurs familles, touchées par les attentats. Elles bénéficient ainsi d’une attention particulière et du suivi par un interlocuteur dédié. À ce jour, le Fonds a ouvert 135 dossiers à la suite des attentats de janvier 2015, 50 dossiers suite aux attentats du musée du Bardo en Tunisie. Un référent unique Pour la première fois dans l’histoire du Fonds, un référent unique a été nommé pour être l’interlocuteur des victimes. Il est en contact régulier avec elles pour leur expliquer les démarches, les aider dans la constitution de leur dossier et faire remonter aux collaborateurs qui gèrent les dossiers toutes les informations recueillies ou tout problème qu’elles pourraient rencontrer. Un versement rapide de premières provisions Le Fonds a versé très rapidement une première provision (avance financière) aux victimes pour qu’elles puissent faire face à leurs premiers frais et éviter d’ajouter à leur douleur morale des difficultés financières. La procédure est conçue pour limiter les démarches des victimes. C’est le procureur de la République (pour les faits survenus en France) ou le ministère des Affaires étrangères (pour les faits commis à l’étranger) qui transmettent au Fonds les informations relatives aux circonstances de l’acte terroriste et l’identité des victimes, permettant ainsi une intervention immédiate. Mais, les personnes qui ne figurent pas sur la liste communiquée peuvent aussi saisir directement le Fonds dans un délai de 10 ans suivant l’acte de terrorisme afin que des investigations supplémentaires en liaison avec le Parquet soient menées. COMBIEN DE PROVISIONS VERSÉES À CE JOUR ? Le Fonds a versé à ce jour 4,15 M€ aux victimes des attentats précités. Il est intervenu prioritairement auprès des victimes les plus fortement touchées ainsi qu’auprès des familles des personnes décédées. Le montant de la provision est évalué en fonction des premiers éléments communiqués au Fonds. Il est tenu compte de la gravité des blessures physiques ou psychologiques ou de la nature du lien de parenté des membres de la famille en cas de décès de la victime directe. Au fur et à mesure de l’évolution du dossier et de la situation de la victime, des provisions complémentaires peuvent être versées jusqu’à l’indemnisation définitive du préjudice. VICTIMES D’ATTENTATS : LE TEMPS DE LA RÉPARATION POURQUOI L’ÉVALUATION DU PRÉJUDICE DÉFINITIF PREND-ELLE UN CERTAIN TEMPS ? Toutes les équipes du Fonds s’efforcent d’accompagner au mieux les victimes et de tout mettre en œuvre pour aboutir dans les meilleurs délais au règlement définitif du dossier. Mais, pour pouvoir être en mesure de présenter une offre d’indemnité complète, le parcours est long, car la procédure d’indemnisation comporte plusieurs étapes incontournables. C’est pourquoi après le versement des premiers règlements provisionnels, la maîtrise du temps n’appartient plus seulement au Fonds de Garantie. Le temps de la consolidation médico-légale En effet, pour les victimes blessées (physiquement ou psychiquement), l’évaluation du préjudice ne peut intervenir qu’après une expertise médico- légale complète. Expertise pour laquelle sont souvent sollicités des médecins experts spécialisés (psychiatrie, ORL, orthopédie, etc.) en complément de l’expertise principale. En outre, avant toute évaluation des différents postes de préjudice, le médecin-expert va examiner la victime et consulter les documents médicaux présentés pour déterminer si elle est « consolidée », c’est-à-dire si son état de santé est stabilisé et n’est normalement pas susceptible de s’aggraver ou de s’améliorer. Si ce n’est pas le cas, l’expert indiquera qu’il doit revoir la victime à une date ultérieure avant de pourvoir évaluer son état. La détermination de la date de consolidation est du ressort des médecins experts et varie fortement en fonction des victimes et de leurs préjudices. Parfois il faut plusieurs mois, voire plusieurs années dans les cas les plus graves, avant que la consolidation des blessures physiques ou psychiques puisse être fixée. Cette approche pluridisciplinaire, et la nécessité d’attendre la stabilisation des séquelles pour évaluer l’entier préjudice, reporte nécessairement l’indemnisation définitive et complète des victimes. Pour éviter aux victimes de devoir être expertisées à plusieurs reprises, ce qui est toujours éprouvant pour elles, le Fonds les invite régulièrement à interroger au préalable leur médecin traitant ou le spécialiste médical qui les suit pour savoir si elles sont consolidées. Dans certains cas, en l’absence durable de consolidation, il peut être nécessaire de recourir à une première expertise qui, faute de pouvoir évaluer les postes de préjudice, peut permettre d’avoir une idée plus précise de l’importance des dommages corporels, des soins qui demeurent nécessaires et une première estimation de la date prévisible de consolidation. Le temps de la collecte des éléments justificatifs Que la victime soit blessée ou décédée, l’évaluation financière du préjudice subi nécessite un travail de recueil et d’examen de l’ensemble des pièces justificatives. Ceci afin de calculer la juste indemnisation de tous les préjudices. Chaque situation tient compte des spécificités, comme la nature et la gravité des préjudices ainsi que la situation personnelle et les besoins des victimes et de leurs familles. La loi du 9 septembre 1986 a mis en place une procédure d’offre, ce qui ne dispense pas le demandeur à l’indemnisation de devoir établir, ou démontrer, l’existence et l’étendue de certains postes de préjudices qui ne se présument pas. Il est nécessaire, notamment pour évaluer les pertes de revenus de la victime ou le préjudice économique de ses proches, de réunir les documents justificatifs in- VICTIMES D’ATTENTATS : LE TEMPS DE LA RÉPARATION dispensables. Cette phase de constitution du dossier d’indemnisation est souvent difficile pour les victimes ou leurs familles durement éprouvées par les attentats. C’est pourquoi les gestionnaires du FGTI et le référent des victimes sont là pour préciser quels sont les documents à produire. La victime, ensuite, peut se faire aider par une association d’aide aux victimes ou par un avocat-conseil. Durant cette période, le Fonds reste dans l’attente de ces documents justificatifs pour pouvoir avancer. Il ne peut que relancer la victime ou son avocat au bout d’un certain temps s’il ne parvient pas à les obtenir. Parfois, l’allongement des délais d’indemnisation n’est pas imputable au Fonds mais au conseil même de la victime, qui peut tarder à répondre. Dans un dossier récent, malgré plusieurs relances, l’avocat de la victime a mis plus de 4 mois pour fournir les documents nécessaires à l’évaluation de l’entier préjudice. Il faut également obtenir des renseignements auprès de tous les organismes susceptibles d’intervenir, eux aussi, au profit des victimes (Sécurité sociale, Anciens combattants, employeurs, etc.). Le Fonds contacte lui même la plupart de ces organismes pour demander ces informations et ainsi aider les victimes à constituer leur dossier, mais dans certains cas seules ces personnes peuvent les obtenir. Ce n’est qu’une fois le dossier complet qu’une offre d’indemnisation définitive peut être présentée à la victime. Dès lors, le délai s’accélère : le FGTI va pouvoir présenter une offre dans un délai maximal de 3 mois, comme la loi le préconise. Quelles sont les démarches mises en œuvre par le Fonds pour tenter d’activer le processus d’indemnisation ? • L’interlocuteur unique dédié aux victimes du ter- rorisme reprend systématiquement contact avec toutes les victimes sans avocat pour les aider à constituer leur dossier. • Des relances sont régulièrement adressées aux victimes ou à leur conseil pour rappeler les éléments nécessaires à la poursuite du processus d’indemnisation. • Des expertises médicales ont été déclenchées sans attendre la « consolidation » médico-légale de la victime pour permettre d’évaluer le plus finement possible le préjudice à venir et procéder, le cas échéant, au versement de nouvelles provisions. Enfin, des offres d’indemnisation au titre des préjudices d’affection ont été transmises lorsque cela était possible. COMMENT PARVENIR À LA JUSTE INDEMNISATION ? L’indemnisation ne remplace pas la disparition d’un être cher ou la perte d’une fonction physique mais elle vaut reconnaissance par la communauté nationale du préjudice subi. Cette indemnisation des victimes de terrorisme n’est pas forfaitaire ou plafonnée. L’évaluation est réalisée avec professionnalisme et savoir-faire par les juristes du Fonds. Elle est nécessairement individualisée pour réparer au mieux chaque poste de préjudice au plus près de la réalité des dommages. La situation financière du Fonds a-t-elle un impact sur le montant de l’indemnité proposée ? La gouvernance du Fonds mène actuellement une réflexion sur sa situation financière. Son objectif est de garantir la pérennité à long terme du dispositif d’indemnisation, en suggérant, notamment, une augmentation de la contribution des VICTIMES D’ATTENTATS : LE TEMPS DE LA RÉPARATION assurés qui finance le dispositif (aujourd’hui fixée à 3,30 euros par contrat d’assurance de biens). Il reste que les réserves financières du Fonds lui permettent de garantir l’indemnisation de chaque victime à court et moyen terme. En tout état de cause, l’offre d’indemnité ne varie pas en fonction des ressources financières du Fonds et elle n’est pas dictée par un souci d’économie. Il ne s’agit assurément pas, comme certains commentateurs ont cru pouvoir le dire, de « donner le moins possible » ou de tenter de limiter la charge financière pour le Fonds. Le Fonds ne recherche aucun « profit » ni bénéfice au détriment de l’indemnisation des victimes. Il poursuit un seul but : utiliser ses ressources pour réparer le plus équitablement possible chaque préjudice subi par une victime. Un de ses devoirs vis-à-vis de la collectivité des assurés, qui contribue au financement du dispositif, est de s’assurer du respect de ce principe d’équité entre les victimes et de justes indemnisations. Le Fonds ne reçoit en effet aucune dotation de l’État. Quel montant d’indemnisation ? Il n’est bien entendu pas envisageable de communiquer sur les sommes réglées ou proposées à telle ou telle victime en réparation des préjudices subis. Chaque situation est différente, il n’est pas non plus possible d’évoquer un montant « moyen » d’indemnisation, ce qui n’aurait aucun sens. Il n’existe pas de montants forfaitaires qui compenseraient le préjudice global du fait de la perte d’un proche, ou tel ou tel type de blessure. Il n’existe pas non plus de « barème » qui fixerait l’indemnisation d’un otage en fonction du nombre de jours de détention. L’indemnisation de la perte de revenus et du préjudice économique des proches varie, bien entendu, en comparant la situation financière au moment de l’attentat et après. Néanmoins, le lecteur retrouvera à la fin de cette newsletter des exemples chiffrés d’indemnisation de préjudice. Concernant le préjudice d’affection (préjudice moral des proches des victimes décédées) le Fonds de Garantie s’efforce toujours de faire, la proposition la plus élevée possible compte-tenu de la jurisprudence. Une offre d’indemnité pour l’ensemble des préjudices est présentée sur le fondement du « droit commun » (c’est-à-dire par référence à ce qui est alloué à toute victime d’un fait dommageable causé par un tiers quelle que soit sa nature) : souffrances endurées qu’elles soient physiques ou psychologiques, gêne éprouvée durant la période de déficit temporaire, pertes de revenus, frais, séquelles, préjudice d’agrément, etc. Pour les proches des victimes décédées, le préjudice moral, économique… La spécificité des victimes du terrorisme estelle prise en compte dans le montant de l’indemnisation ? Les victimes d’actes de terrorisme bénéficient, au-delà de cette indemnisation dite de « droit commun », d’un versement au titre d’un « préjudice exceptionnel spécifique aux victimes du terrorisme » (PESVT) reconnu par le Conseil d’administration du FGTI. C’est un forfait différencié selon le degré de gravité des dommages et le lien de parenté des ayants droit. Ce dispositif permet de mieux prendre en compte la spécificité de la réparation du préjudice des victimes d’attentats. En dernier ressort, l’office du juge de l’indemnisation La victime n’est jamais soumise au seul arbitrage du Fonds. En effet, la victime à qui une offre est présentée par le Fonds peut demander conseil à une association d’aide aux victimes ou à un avocat. Elle peut le cas échéant choisir la voie judiciaire pour évaluer son préjudice. Une grande majorité de dossiers fait l’objet d’une transaction amiable entre la victime (ou son conseil) et le Fonds de Garantie, ce qui démontre VICTIMES D’ATTENTATS : LE TEMPS DE LA RÉPARATION que l’indemnisation proposée correspond à une indemnisation juste du préjudice. Certains dossiers, les plus complexes ou les plus graves, sont soumis à l’appréciation du conseil d’administra- tion du FGTI. Mais si, en définitive, la victime n’est pas d’accord avec l’offre d’indemnité proposée, elle a toujours la possibilité de saisir le juge, qui évaluera le montant de l’indemnisation. EXEMPLES CHIFFRÉS DE RÉPARATIONS DE VICTIMES D’ACTES TERRORISTES Ces chiffres sont donnés à simple titre d’information. Ils ne sauraient préfigurer d’un montant d’indemnité, laquelle est évaluée pour chaque victime de manière parfaitement individualisée. M.W, 57 ans, victime d’un attentat en France. Blessures très légères, pas de séquelles physiques mais persistance de troubles psychologiques modérés. 52 000 € Mme.X, 25 ans, victime d’un attentat à l’étranger. Blessures graves et séquelles physiques importantes. 900 000 € (dont 84 000 € au titre de l’assistance par tierce personne et 150 000 € au titre du préjudice économique). M.Y, 38 ans, décédé dans un attentat à l’étranger. 1 épouse, 3 enfants mineurs. 765 000 € (dont 550 000 € au titre du préjudice économique). Mme.Z, 29 ans, enlevée et retenue en otage à l’étranger. 140 000 €