DE LA PERSONNE OBJET A LA PERSONNE SUJET
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DE LA PERSONNE OBJET A LA PERSONNE SUJET
DE LA PERSONNE OBJET A LA PERSONNE SUJET ; DE L’ETIQUETAGE A L’IDENTITE. Ce paragraphe de Claude Lospied reflète le souci de rendre à la personne accueillie sa dignité , cela passant par la reconnaissance en tant que sujet. « Avec nos amis de l’U.N.A.P.E.I., l’A.P.F. a demandé que la loi d’orientation en faveur des handicapés change de titre et s’appelle la loi d’orientation en faveur des personnes handicapées. Cela n’a l’air de rien et la modification semble de pure forme . Chacun vous dira , la main sur le cœur, que pour lui, il est bien évident qu’un handicapé physique, quel qu’il soit, est avant tout une personne et qu’il n’oublie pas de reconnaître ou de percevoir , derrière le corps déchu ou la lucidité amoindrie , l’étincelle de vie , la présence de l’esprit qui font qu’un être humain est un être humain » 1 1.1 Histoire du mot handicap : d’une constante à une variable mesurable. En plus qu’être un outil de communication , le langage illustre la façon dont on se représente la réalité. Les mots employés pour parler des personnes handicapées ont évolués au cours de ce siècle, cette évolution étant le reflet de la place qu’offrait la société à ses personnes. Cette évolution met en jeu une double représentation : celle du handicap et celle de l’intégration. Les termes handicap/ handicapé sont venus remplacer des termes utilisés dans le langage et dans les législations anciennes ( infirmes, diminués, incurables, invalides, mutilés) . Certains de ces termes évoquent une situation définitive et fixée qui ne correspond plus à l’évolution des esprits, ni aux progrès de la médecine , ni à ceux de la technique, ni à la transformation des structures qui ouvrent à présent des perspectives plus larges à l’évolution et au changement. De l’infirmité à la situation de handicap vécue par une personne , il apparaissait dès lors essentiel de mettre en avant le caractère variable du handicap. La prise en compte de toutes les situations de nature à créer un « handicap » a conduit à un glissement des terminologies, le handicap n’étant plus le résultat des seules déficiences et/ou incapacités intellectuelles , physiques ou psychiques ; en effet , son champ d’études s’étend à tous ceux que la littérature qualifie d’exclus1. « Des associations d’aide à l’insertion des personnes handicapées et en situation de précarité s’associent pour combattre ensemble l’exclusion ». Tel était le soustitre donné dans la rubrique événement de la revue actualités sociales hebdomadaires 2, l’auteur concluant par une phrase révélatrice : « Les associations ont pris rendez-vous , pour l’année prochaine, afin de rendre compte de l’avancée des pratiques sur le terrain et du décloisonnement du handicap social et physique en matière d’insertion ». L’emploi du mot handicap a donc subi une évolution tant dans le discours idéologique que politique. De l’identification de la personne (handicapé physique, handicapé mental) à l’identité de la personne (personne handicapée, personne vivant une situation de handicap, l’utilisation du mot handicap est passée d’une constante à une variable mesurable. L’histoire du mot est remarquable car à l’origine c’est une contraction de trois mots de la langue anglaise « Hand in (the) cap » (la main dans la casquette). On le rencontre pour la première fois en Grande Bretagne au XVIème siècle 3. Il sert à désigner un jeu dans lequel les partenaires se disputent des objets personnels dont le prix est fixé par un arbitre. Chacun mise dans le chapeau. En 1954 le mot s’applique à la compétition entre deux chevaux puis en 1986 à des courses de plus de deux chevaux. C’est en 1827 que le terme traverse la Manche avec la terminologie spécifique des courses de chevaux telle qu’elle est référencée par T. BRYON dans son «Manuel de l’Amateur de courses » : « Une course à handicap est une course ouverte à des chevaux dont les chances de vaincre, naturellement inégales, sont, en principe, égalisées par l’obligation faite au meilleur de porter un poids plus grand ». L’apparition du terme « handicap physique » est datée de 1940 par le Robert 4. Handicaper était donc à l’origine une action destinée à égaliser les chances. L’usage initial dans le cadre des courses de chevaux a effectivement une connotation positive. Le sens originel de l’anglicisme « handicap » est, bien entendu, celui d’une course où l’on rétablit par un artifice les inégalités naturelles. Par la suite, la notion d’égalité devrait dominer, mais c’est celle de désavantage qui l’emporte : entendez désavantage dans une concurrence. L’idée de concurrence s’est effacée peu à peu et la sonorité sèche du mot achève de lui donner une nuance défavorable. On entend couramment des phrases de ce genre « il a eu un accident d’auto et le voilà handicapé ». Le fait que la « sonorité sèche » de ce terme est mentionnée mérite d’être souligné. Ceci ajouté à son origine anglaise pour contribuer à désigner un fait, une situation à caractère différent non ordinaire, « hors norme ». Depuis l’apparition du mot handicap dans le langage français, le concept a été marqué par des définitions qui ont tenté de cerner le champ de la population concernée. Dans un premier temps, ces définitions ont mis l’accent sur une visée clinique morcelante. Les catégorisations provenaient d’une géographie humaine bien établie (le corps, l’intellect, le psychisme, le social), en même temps, à la fin du XIXème siècle, comme l’a montré Michel FOUCAULT 1 la maladie tend à devenir conceptuellement isolable et matériellement manipulable, indépendamment de la personne du malade, le handicap commence à exister comme un objet, au point que sa prévalence masque aux yeux du médecin le sujet qui en est porteur. Les institutions et les procédures d’exclusion des inadaptés et des « épaves sociales », en évoluant, tendent à se nuancer dans leurs modalités et leurs conséquences. Objet de représentations et d’attitudes différentes au cours de ces dernières années, le handicap est à l’origine des termes comme réhabilitation, intégration. « Dès lors qu’une société nomme, elle est entraînée vers le problème de l’intégration, la volonté d’intégrer surgit, dans notre société occidentale, de l’incapacité du tissu social à laisser le handicapé y vivre ». A chaque période clef, nous relèverons le langage utilisé pour parler du handicap : que ce soit à partir des définitions, des mots employés par les personnes handicapées pour décrire le handicap, des mots utilisés par d’autres pour parler des personnes handicapées. Nous avons recherché, depuis l’apparition du mot handicap dans la langue française, les principales définitions qui ont émergé à un moment donné dans le champ politique, social, humain. La recherche des définitions, l’histoire du mot handicap ont particulièrement été étudiées dans la thèse de C. Hamonet. A travers l’étude des définitions utilisées, nous situerons l’évolution selon deux axes : - un axe AA’ qui met en évidence le passage de l’identification de la personne à l’identité de la personne. C’est l’axe anthropologique qui passe de la personne objet (étiquetée) à la personne sujet. - Un axe AA’’ qui analyse le contenu sémantique des définitions : d’une connotation négative à une connotation positive, nous noterons les mots utilisés dans les définitions. Le schéma ci-dessous illustre les parallèles entre l’évolution des représentations du handicap et l’idéologie politique. A’’ Participation Activités Compétences Aptitudes Capacités Troubles Inaptitudes Incapacités A A’ 1932 Objet 1957 Insertion 1975 1980 1981 1987 sujet 1995 1999 2001 Intégration Les définitions qui font l’objet de notre étude ont été choisi en fonction de la présence des mots handicap ou/et handicapé dans leurs énoncés. Il s’agit de regarder l’évolution de l’utilisation du sens des termes depuis 1950. « Nous employons quotidiennement des termes désignant spécifiquement une catégorie stigmatisée : l’impotent, le débile, la malade mental… pour en faire une source d’images et de métaphores, sans penser le plus souvent à leur signification première ; observant une imperfection, nous sommes enclins à en supposer toute une série. En somme, notre première tendance, lorsque nous rencontrons l’autre, est de le placer dans une catégorie. Nos premiers jugements tendent à être stéréotypés : rencontrant un handicapé, immédiatement, nous le revêtons de tous les attributs de notre propre stéréotype de handicapé. Ce n’est que lorsque nous avons une grande expérience de la catégorie, en l’occurrence si nous partageons les problèmes de vie d’un handicapé, que nous le dépouillons des attributs stéréotypés et que commence le processus de personnalisation qui lui reconnaît son identité et sa dignité de sujet pensant et désirant, si mal aisée que soit la communication et si incompréhensibles que soient, en apparence, ses propos ou ses silences » (1). 1.2 Analyse des définitions du handicap de 1950 à 1992 Vers 1950, un sens figuré est donc attribué au terme handicap qui n’attribue plus le désavantage au concurrent supérieur ou naturellement avantagé. C’est une inversion du sens originel ( en référence avec les courses de chevaux précédemment cités). « Si le mot handicap avait gardé son sens propre, nous nous trouverions devant la situation paradoxale suivante : les personnes handicapées seraient non celles qui sont atteintes de déficiences, mais celles qui ne le sont pas. Ce sont les personnes « normales » qui supporteraient le handicap du poids même de leur supériorité. Ce sont elles qui porteraient les incapacités ou les inaptitudes des autres. Cela ne serait que juste dans une société véritablement humaine où l’on s’attend à ce que les plus forts portent les plus lourds fardeaux et qu’ils prennent en charge les individus incapables de porter quoi que ce soit (…). Répétons le, dans une telle société idéale, le handicap retomberait sur les épaules du plus fort comme dans les épreuves sportives (2). 1 2 Handicaps Handicapés ; le regard des autres. Toulouse, Editions Erès, 1991, page 250. Jacques COTE, « Réflexion sur l’évolution historique de la notion de handicap », Revue interventionale C .I.D.I.H 1993 Volume 5, page 36. Ci-dessous apparaissent les dix huit définitions qui vont faire l’objet de notre analyse de contenu. N°1 :1950. Désavantage, infériorité qu’on doit supporter (1) (Son âge est un sérieux handicap). « Il (BRYON) aimait à nager et à plonger. Dans l’eau, soin infirmité cessait d’être un handicap (MAUROIS). Depuis son apparition en 1940, on voit d’ores et déjà le glissement de la connotation positive (égaliser les chances en vigueur dans la définition du handicap adaptée à l’origine dans les courses de chevaux) à la connotation négative. N°2 :1957. Est considéré comme travailleur handicapé « toute personne dont les possibilités d’acquérir ou de conserver un emploi sont effectivement réduites par suite d’une insuffisance ou d’une diminution de ses capacités physiques ou mentales (2). N°3 :1957. Handicapé : se dit d’une personne présentant une déficience (congénitale ou acquise) des capacités physiques ou mentales. N°4 :1967. Sont inadaptés à la société dont ils font partie, les enfants, les adolescents, et les adultes qui, pour des raisons diverses, plus ou moins graves, éprouvent des difficultés plus ou moins grandes, à être et à agir comme les autres. De ceux là, on dit qu’ils sont handicapés par ce qu’ils subissent, par suite de leur état physique, mental, caractériel ou de leur situation sociale, des troubles qui constituent pour eux des handicaps, c’est-à-dire des faiblesses, des servitudes particulières par rapport à la normale. La normale étant définie comme la moyenne des capacités et des chances de la plupart des individus vivant dans la même société (3). 1 Le Petit Robert, éditions Le Robert, 1985. 2 Loi n° 57 – 1223 du 23 Novembre 1957 sur le reclassement des travailleurs handicapés. 3 BLOCH-LAINE (M) Etude du problème général sur l’inadaptation des personnes handicapées, rapport du Premier Ministre, 1967. Cette définition introduit une référence à la norme, elle situe le handicap comme le problème de l’écart à la norme. Le débat autour de la norme nous permet alors d’introduire dans notre analyse, la relation entre handicap et différence. Pour BASZANGER (1), « en appelant handicap une différence, il faut savoir qu’on lui fait un sort particulier, puisqu’on ne la traite pas comme n’importe quelle différence mais comme une différence à réduire ». La plupart des différences inter-individuelles ou inter-groupes sont à accepter telles quelles, c’est du moins la définition de la tolérance et de la démocratie : la statistique peut, par exemple, différencier une population en philatélistes et non philatélistes, mais il ne viendrait à l’idée de personne d’appeler « handicapés » soit les premiers soit les seconds ; il faut donc être sûr de l’utilité sociale et individuelle d’une norme, pour entreprendre, sans ethno-centrisme, de réduire une différence, d’abolir une distance à cette norme. Ensuite, commencent les choix techniques de l’éducateur et du pédagogue. Il faut donc effectivement que celui-ci admette que, dans une société donnée, par rapport à un niveau d’exigence technique, par rapport à des règles du jeu dans une interaction sociale (qu’il s’agisse d’un sport, d’une manière de se distraire, ou de communiquer), certaines différences sont favorisantes et d’autres défavorisantes pour ceux qu’elles écartent de la performance modale. Dans la définition de Bloch-Lainé apparaissent les éléments de la révision de la classification internationale des déficiences, incapacités, handicaps proposés par la Société Canadienne de la Classification Internationale des Déficiences Incapacités Handicaps (2). S’il y a confusion entre être handicapé, et vivre des handicaps, on voit apparaître la notion de situation sociale qui, dans le cadre des obstacles environnementaux du processus d’apparition du handicap défini par P. Fougeyrolas, peut être à l’origine de situations de handicap. (1) (2) BASZANGER « Les maladies chroniques et leur ordre négocié », in Revue from de sociologie n° 27, 1986, pages 3-27. Organisation Mondiale de la santé ( O.M.S. ) 1980. Claude Veil pose les bases des nouvelles approches du handicap quand il écrit : « considérer le handicapé comme une personne, c’est voir en lui un tout cohérent, dans lequel le handicap ne constitue qu’un élément parmi beaucoup d’autres… C’est considérer que son corps et son psychisme (ou si l’on préfère son corps, son psychisme et son âme) intègrent solidairement et continûment l’expérience biographique pour le transformer en sa propre substance. C’est aussi nécessairement le prendre pour sujet » (1). L’aspect situationnel du handicap est souligné par la phrase suivante : « tout handicap est toujours relatif à la fois à une certaine situation et à la conscience que l’on en a « (2). N°5 :1975. Le terme handicapé désigne toute personne dans l’incapacité d’assurer par elle-même tout ou partie des nécessités d’une vie individuelle ou sociale normale, du fait d’une déficience congénitale ou non, de ses capacités physiques ou mentales (3). N°6 : 1978. Une personne handicapée ou un handicapé désigne toute personne limitée dans l’accomplissement d’activités normales et qui, de façon significative ou persistante, est atteinte d’une déficience physique ou mentale ou qui utilise régulièrement une orthèse, une prothèse ou tout autre moyen pour pallier son handicap (4). N°7 :1979. Handicap : valeur que l’on attache à la déficience, en fonction d’une norme établie par l’usage ou par les statistiques. Notion essentiellement relative (5). N°8 :1980. Le handicap naît de la confrontation entre un individu qui souffre d’une infirmité ou d’une maladie et une imperfection de l’environnement ou d’une activité organisée, qui en rend l’accès difficile ou impossible pour lui (6). (1) Claude VEIL, Handicap et Société, Flammarion, page 117. (2) Idem, page 118. (3) Organisation des Nations Unies – résolution 3447, Nations Unies, New-York, 12/09/75. (4) Loi assurant l’exercice des droits des personnes handicapées. Office des personnes handicapées du QUEBEC, 23 Juin 1978, Canada. (5) R. LAFON, Vocabulaire de psychologie et de psychiatrie de l’enfant, P.U.F, 1979. (6) SUEDE Gouvernement SOU 1980 Vissa fiagor rosande flerhandkikappade. N°9 :1980. L’Organisation Mondiale de la Santé adopte les propositions de la classification de la conséquence des maladies : WOOD dans la classification des déficiences, incapacités, handicaps formule la définition du handicap de la manière suivante : « Dans le contexte de l’expérience de la santé, un handicap est un désavantage pour un individu donné qui résulte d’une déficience ou d’une incapacité, qui le limite ou l’empêche de remplir une tâche normale (en rapport à l’âge, le sexe, les facteurs sociaux et culturels) » (1). N°10 :1981. Pour LABREGERE, le handicap est la somme des frustrations durables qui, résultant pour une personne d’un déficit ou d’une incapacité, entraîne l’impossibilité totale ou partielle de remplir le rôle qui aurait été normalement le sien (2). Le handicap est donc fonction des rapports des personnes handicapées avec leur environnement. Il surgit lorsque ces personnes rencontrent des obstacles culturels, matériels ou sociaux qui les empêchent d’accéder aux divers systèmes de la société qui sont à portée de leurs concitoyens. N°11 : 1982 Le handicap réside donc dans la perte ou la limitation des possibilité de participer sur un pied d’égalité avec les autres individus de la communauté (3). N°12 :1982. Est considéré comme handicapée une personne qui, pour une période prolongée, doit recourir à une aide extérieure, de nature humaine, instrumentale ou médicamenteuse, pour rétablir à leur niveau physiologique certaines fonctions corporelles (4) . Dans cette définition apparaît la notion de relation d’aide humaine, technique, médicamenteuse qui ouvre des horizons sur les programmes de nature à réduire le handicap. Par contre, seul l’aspect fonctionnel de l’individu est considéré. (1)Classification internationale des handicaps ; déficiences, incapacités et désavantages ; un manuel de classification des conséquences des maladies, INSERM, CTNERHI, Diffusion P.U.F 1988. (2) A. LABREGERE, Les personnes handicapées, Documentation française, page 260. (3) (4) Résolution 37/62 adoptée par la 37ème session de l’Assemblée Générale des Nations Unies le 3 Décembre 1982. Une décennie des Nations Unies pour les personnes handicapées (19831992). Programme d’action mondiale concernant les personnes handicapées page 3. Documents officiels de l’Assemblée Générale de l’O.N.U, 37ème session NEW YORK, 1982. I. KOMAROVER, « Handicap », universalia, édition Encyclopédia, page 279. N°13 :1985. « Sera désormais considérée comme handicapée toute personne reconnue comme telle par les commissions départementales » (1). L’étude menée par P. MINAIRE (2) met en évidence que les usagers handicapés par les transports ne sont pas seulement ceux auxquels on s’attend et qui manifestent des difficultés à se déplacer : « De plus, il apparaît bien que les situations handicapantes ne sont pas l’apanage des personnes reconnues handicapées, mais bien de toute une population. Le fossé assez artificiel qui existe entre valides et personnes handicapées est très largement comblé par la notion de handicap de situation . La chartre « Ville et Handicap » se donne pour but d’avoir une action plus efficace sur les situations de handicap ». N°14 :1986. « Les situations de handicap apparaissent chaque fois qu’une personne ayant des limitations fonctionnelles rencontre des obstacles dans une situation nécessaire à la participation sociale. Elles peuvent survenir dans la vie courante quotidienne, dans la vie familiale, dans les loisirs, le sport, la pratique du tourisme, dans la vie scolaire et la formation ; ainsi que dans les activités professionnelles ou dans toute autre activité sociale » (3). N°15 : 1987. Apparition du mot handicap en droit commun. La notion de handicap est liée à la situation dans laquelle se trouve un sujet au sein de l’ensemble que constitue la société. Le handicap est la difficulté ou l’impossibilité pour ce sujet de maîtriser une situation donnée (4). C’est donc à partir de 1980 que le handicap n’est plus lié uniquement à la personne, mais au rapport entre la personne et l’environnement. (1) (2) Loi du 3 Avril 1985 Simone VEIL. MINAIRE P. et coll. « l’étude fonctionnelle d’une population. Une nécessité en réadaptation fonctionnelle ». Santé mentale, Septembre 1986, n° 90, page 11. (3) Charte la Ville et le handicap, 14-2, 1989. (4) R. BARROT, le dommage corporel et sa compensation, Paris 1988, page 115. N°16 :1990. Le Handicap est défini comme une perturbation dans la réalisation des habitudes de vie d’une personne selon son âge, son sexe et son identité socio-culturelle, résultant d’une part de ses déficiences et incapacités et d’autre part, d’obstacles causés par des facteurs environnementaux (1). Dans cette définition, il ne s’agit plus de faire référence à un « statut » de personne handicapée. Il est préférable de parler de « situation de handicap » spécifique à l’interaction entre les caractéristiques fonctionnelles, comportementales ou esthétiques de la personne et les facteurs sociaux, c’est-à-dire l’accès aux services, les règles sociales, les valeurs, attitudes et les facteurs écologiques comme le climat, la géographie, l’architecture, ou encore le développement technologique. Les caractéristiques individuelles comme les caractéristiques environnementales sont toutes susceptibles de varier afin de produire une diminution de situations de handicap, autant pour une personne que pour une collectivité. Alors que la classification internationale des déficiences, incapacités, handicaps (OMS, 1980) précise que le handicap est la résultante des incapacités et des déficiences, la proposition du modèle conceptuel de la Société Canadienne de la Classification Internationale des Déficiences, Incapacités, Handicaps (S.C.C.I.D.I.H.) et du Comité Québécois de la classification Internationale des déficiences, incapacités, handicaps (C.Q.C.I.D.I.H.) soutient que : N°17 :1991 « Le handicap est le résultat situationnel d’un processus interactif entre deux séries de causes : # Les caractéristiques des déficiences et des incapacités de la personne découlant de maladies ou traumatismes, # Les caractéristiques de l’environnement créant des obstacles sociaux ou écologiques dans une situation donnée » (2). Ceci signifie concrètement qu’une personne ayant des déficiences et/ou des incapacités vit ou non, selon les obstacles environnementaux auxquels elle est confrontée, des situations de handicap. 0n ne peut plus faire référence à un statut permanent de personnes handicapées. Il faudrait parler de personne vivant une ou des situations de handicap. (1) G. SAINT-MICHEL, P.FOUGEROLLAS, « Analyse des commentaires reçus sur la révision du troisième niveau : le handicap, » réseau international C.I.D.I.H Volume 4, N° 1-2, 1991, page 11. (2) Le processus de production des handicaps, réseau international C.I.D.I.H, volume 4, n°3, Août 1991, page 12. La diversité des atteintes organiques, les différentes déficiences, l’extrême variété des capacités rencontrées dans les groupes de personnes avec lesquels nous travaillons, nous incitent à adopter non plus une définition du handicap, mais de la notion de situation de handicap. Connaître la déficience ou la maladie qui a été à l’origine des situations handicapantes ne nous renseignait que très peu sur les capacités et les besoins en relation d’aide dont la personne pouvait bénéficier dans nos programmes d’intervention. Evaluer les capacités, identifier les situations de handicap constituaient pour nous les premiers objectifs de nos actions. Ce n’est qu’en 1991 qu’une définition de la situation de handicap apparaît. N°18 : 1991. La situation de handicap est une perturbation pour une personne dans la réalisation d’habitudes de vie compte tenu de l’âge, du sexe, de l’identité socio-culturelle, résultant d’une part de déficiences ou d’incapacités et, d’autre part, d’obstacles découlant de facteurs environnementaux (1). Les dix huit définitions sont les énoncés principaux qui ont été ou sont utilisées dans les ouvrages de référence. Ces définitions ont fait l’objet d’une analyse de contenu. Le tableau (page 21) rassemblent les éléments de sens des dix huit définitions. Ce tableau nous a permis de construire notre schéma d’évolution des représentations du handicap (2) . La mise en présence des mots clés avec l’analyse des connotations des mots utilisés par les personnes handicapées sera à l’origine de l’élaboration de l’axe AA’’ . (1) (2) Le processus de production des handicaps, réseau international C.I.D.I.H, Volume 4, n° 3, Août 1991, page 17. Supra page 11 COMMENTAIRES DE L’ANALYSE DES MOTS CLES UTILISES DANS LES DIX HUIT DEFINITIONS . 1) Commentaires en relation à l’utilisation du mot handicap Le mot handicapé est utilisé sept fois pour désigner une personne. « La personne entre donc dans une catégorie et porte ainsi une marque distinctive » (1). Il apparaît de 1957 à 1985 pour disparaître complètement dans les dernières définitions. Parallèlement, le mot handicap est relevé dans une première série de définitions utilisées pour désigner la conséquence de l’état d’une personne (jusqu’en 1980) ; dans une deuxième série de définitions, il est utilisé pour désigner une situation de confrontation entre une personne et l’environnement. Dix fois le mot handicap est cité dans ce sens. 2)Commentaire en relation aux mots à connotations négatives Ils sont mis en évidence lors des premières définitions (infériorité, insuffisance, faiblesse) apparaissant comme une conséquence de traumatisme ou de maladie (incapacité). Seul le mot incapacité est utilisé dans la classification internationale de WOOD, et employé sur une longue période 1967 à 1991, soit six fois. Le mot déficience apparaît huit fois dans les assertions pour être conservé dans les définitions les plus récentes. Les notions de besoins ,en terme de relation d’aide apparaissent en 1982 ; les obstacles rencontrés par une personne confrontée à un environnement sont récents (1986). L’interaction dans l’unité bi-polaire individu environnement remplace le mot handicap dans son contexte situationnel. Le handicap est un système impliquant à la fois les possibilités des personnes atteintes de déficiences et/ou d’incapacités et les facteurs environnementaux (1991). 1 H.J Sticker, Corps infirmes et sociétés, A. Momtaigne, page 167. Construction du tableau de la composition des éléments de sens Dans les différentes définitions le mot handicap est utilisé de quatre façons différentes : 1) Le mot est utilisé pour désigner une personne (Handicapé). 2) Le mot est utilisé pour désigner la caractéristique d’une personne (Personne Handicapée). 3) Le mot est utilisé pour désigner la conséquence de l’état d’une personne (Désavantage, infériorité, diminution). 4) Le mot est utilisé pour désigner une situation entre une personne et son environnement. Ce tableau ci-dessous met en évidence l’axe anthropologique. AA’ du schéma page TABLEAU DE LA COMPOSITION DES ELEMENTS DE SENS Date Eléments de sens 19 50 19 57 19 57 19 67 19 75 19 78 19 79 19 80 19 81 19 82 19 82 & X Le mot est utilisé pour désigner une personne X X X X X X Le mot est utilisé pour désigner la caractéristique d’une personne Le mot est utilisé X pour désigner la conséquence de l’état d’une personne X X X X Le mot est utilisé pour désigner une situation entre une personne et son environnement Numéro des définitions 19 80 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 Nous proposons également une autre perspective de lecture dans le tableau suivant : 1950 1981 1992 Personne objet Personne sujet (stigmatisée) (déstigmatisée) A A’ Eléments de sens Handicapé Personne Personne en handicapée situation de handicap Personne vivant des situations de handicap N° des définitions que nous avons citées précédemment: 1-2-3-4-5-6-12-13- 6- 8-14-15-16-17-18 La chronologie des dates d’apparition des définitions coïncide avec le souci de destigmatiser la personne. Trois périodes clés semblent caractériser les évolutions des représentations du handicap. (1) 1950 - - - - 1978 Handicapé (2) 1978 - - - - 1981 Personne handicapée (3) 1981 - - - 1992 Personne en situation de handicap ou vivant des phénomènes handicapants. La troisième période clef, (de 1981 à nos jours ) replace le mot handicap par rapport à la situation d’interaction entre les capacités d’une personne, et les caractéristiques de l’environnement, nous semble de nature à faire émerger dans le champ des pratiques une approche plus positive et moins confuse. Nous nous souvenons, dans notre pratique professionnelle, de la confusion entretenue par une mauvaise utilisation du mot handicap. Un adolescent de quatorze ans était régulièrement inscrit depuis six ans dans un institut médico-éducatif. Dans cet établissement, on le désignait comme « handicapé mental », ou « déficient intellectuel ». Par suite d’une décision d’orientation plus adaptée à ses capacités, il a été inscrit dans un centre hospitalier spécialisé. Dès son arrivée, il était qualifié de « malade mental » par certains soignants. Pour cette personne, dont la personnalité est déjà perturbée, les différentes étiquettes ne pouvaient que morceler une identité déjà déstructurée. Ces identifications proviennent de catégories institutionnelles qui tiennent à la finalité de ces institutions. Ainsi, la confusion entre handicap mental et maladie mentale est entretenue dans un ouvrage de R. Liberman (1). L’utilisation de la classification internationale des déficiences, incapacités et handicaps est très récente dans le domaine de la psychiatrie (2). 1.3 : Des définitions cliniques aux définitions écologiques C’est dans les années 1970 que le concept de handicap est employé d’une manière relative. Il désignait une relation entre l’individu infirme et son environnement. C’était une réaction contre l’emploi médical et diagnostic du terme. Les organisations de « handicapés » ont été moteur pour la reconnaissance et l’obtention de meilleures conditions pour leurs membres. (1) (2) R. LIBERMAN, Handicap et maladie mentale, P.U.F, 1988. F. CHAPIREAU, D. WIERSMA, l’utilisation de la C.I.D.I.H dans le domaine de la santé mentale, publication du conseil de l’Europe, Strasbourg, 1991. De l’association des mutilés de France à l’association régionale d’insertion des personnes en situation de handicap 1nous pouvons voir apparaître des organisations qui dans un premier temps œuvraient pour les handicapés puis ont œuvré avec les personnes handicapés. Dans la définition de handicap (n° 9) de la C.I.D.I.H le handicap est vu comme une conséquence de maladie. Le point de départ est l’incapacité de l’individu. Le handicap est considéré comme une conséquence des imperfections de la personne. L’objectif est de mesurer des variables qui sont les particularités de l’individu. Si l’on compare la définition de la C.I.D.I.H, celle du gouvernement de Suède (n° 8) et celle qui est proposée dans le cadre de la révision de la C.I.D.I.H par la S.C.C.I.D.I.H (n° 17 et 18), nous nous trouverons devant trois modes d’entrée dans la définition : - Dans la C.I.D.I.H (n°9), le mode d’entrée est l’individu ; le désavantage étant une conséquence de la déficience. En mettant l’accent sur le désavantage dans la définition, c’est la perspective individualiste qu’on souligne. - Dans la définition suédoise (n° 8), le handicap est considéré comme le résultat de la confrontation (ou de la rencontre) entre un individu et l’environnement. L’individu en tant que tel n’est pas mis en valeur de la même façon que dans la C.I.D.I.H. Lorsqu’on parle de responsabilité dans l’apparition du handicap, on met en cause implicitement la variable d’entrée (environnement ou individu). Ainsi médicalement dans la définition du handicap de la C.I.D.I.H (n°9), on peut dire qu’on rejette la responsabilité sur l’individu. - C’est la déficience de l’individu qui génère le handicap. Dans la définition suédoise, c’est l’environnement variable qui endosse les valeurs « négatives » et donne naissance au handicap. Les définitions de la S.C.C.I.D.I.H (n° 17 et 18) représentent un mode d’entrée dans la définition utilisant l’individu et l’environnement car elle fait apparaître dès le début la situation de handicap. L’individu et l’environnement sont traités donc respectivement dans une perspective clinique et une perspective sociale. L’introduction de la notion d’habitudes de vie identifie cette relation anthropologique entre l’homme et le milieu. C’est ce que C. HAMONET aborde lorsqu’il parle d’un « homo fonctionnalis » (1) Les différences entre ces trois définitions peuvent être résumées dans le tableau suivant : N° 8 Date 1980 N° 9 Date 1980 N° 17-18 Date 1991 Définition de Définition Définition La C.I.D.I.H Suédoise Du Québec Maladie Société Imperfection Perturbation Conséquence de maladie Dans l’environnement De la réalisation des Habitudes de vie Classification Critique Des De Individus L’environnement Classification et échelle de sévérité des habitudes de vie (incluant les confrontations entre les capacités de la personne et l’environnement) Perspective Perspective Clinique D’une politique Sociale au sens Perspective d’une politique intégratrice agissant dans le cadre de plans d’interventions Large du Québec Le handicap (relation entre l’individu et l’environnement) débute dans la reconnaissance des imperfections et des défauts de l’environnement. Les définitions du Québec posent la part entre la visée clinique et la visée sociale en parlant de situation de handicap. (1) C. HAMONET, Les personnes handicapées, qu sais-je, P.U.F, page 39. A ce stade de notre analyse, il s’agit de savoir pourquoi une définition du handicap est nécessaire ? Trois raisons semblent se profiler pour expliquer cette interrogation. * La première, d’ordre humaniste, est d’identifier les besoins. Nous avons besoin d’un concept qui nous aide à voir quelles personnes se trouvent dans des situations nécessitant des relations d’aide. * La deuxième raison, d’ordre économique, se base sur le besoin d’allouer des ressources. * La troisième est d’ordre social. La formulation d’une définition est motivée par la possibilité de nous aider à comprendre et à poser des questions sur la nature et la dynamique d’un processus qui transforme les déficiences et les incapacités en handicap. L’approche du handicap par N. HOOBS (1) prend, quant à elle, mieux en compte la dimension sociale puisqu’elle propose de classer les personnes handicapées non sur la base de catégories habituelles de handicap, mais plutôt sur la base des services qu’elles réclament en vue de se maintenir dans la société. Proposition d’une définition opérationnelle de la situation de handicap. Les éléments d’analyse, que nous avons exploités à partir du corpus de définitions, nous montrent à quel point il est nécessaire de bien identifier ce qui est du ressort de la personne à travers l’identification des déficiences et/ou des incapacités ; ce qui relève de l’environnement à travers le repérage des obstacles rencontrés ; ce qui ce rapporte aux relations d’aide nécessaires pour permettre une meilleur intégration. Nous proposons la définition suivante : Une situation de handicap est le résultat de la confrontation entre les possibilités d’une personne et son environnement (soi, les autres, l’organisation, l’espace) nécessitant une relation d’aide (technique, médicamenteuse, humaine) pressentie, identifiée ou faisant l’objet d’une demande. Elle est réductible par une intervention technique ou humaine (1) P. PITAUD, « Contribution à l’analyse du concept de handicap », Bulletin mensuel du CREAI, Provence Côte d’Azur, n°6, Juin 1987, page 4. adéquate ayant fait l’objet d’un programme individualisé basé sur des objectifs définis (1). Cette définition replace le handicap comme la conséquence ou le résultat situationnel entre les capacités d’une personne (et non ses incapacités), et les caractéristiques de l’environnement. C’est une approche positive du handicap car elle identifie des capacités restantes et met en œuvre des relations d’aide qui permettent de réduire ces situations handicapantes. C’est à partir de cette conception que nous pourrons définir des objectifs pour l’élaboration des programmes d’intervention visant à réduire les situations handicapantes. 1.4 Des mots pour le dire : comment la personne handicapée parle-elle du handicap ? Dans cette section nous abordons le discours autour du mot handicap auprès de personnes reconnues travailleurs handicapés par la Commission Technique d’Orientation et de Reclassement Professionnel (C.O.T.O.R.E.P). (1) D. MAUTUIT, « optimisation du processus d’intégration socioprofessionnelle : du discours aux programmes d’intégration individualisée », revue sport adapté magazine Fédération Française du Sport adapté, volume 2, Juin 1992, page 14. C’est à partir de différents « remue méninges » (1) que nous avons recueilli une multitude de mots évoquant le handicap. Ces mots ont servi à une analyse des connotations. Cette technique a été appliquée avec les groupes ayant bénéficié de la pratique des activités de médiation au cours des stages que nous avons animés ; nous l’avons appliquée avec de groupes de personnes dans le cadre de la formation initiale (Brevet d’Etat d’Animateur Technicien ; assistant social, aide médico-psychologique) et de formation continue (stage sur la construction d’outils d’évaluation). L’objectif de ces séquences est de découvrir ce que disent et pensent les personnes à partir du mot handicap ; ce que cela évoque pour elles. Le séminaire que nous animons aujourd’hui a pour thème le « handicap ». Il s’inscrit dans un stage d’action d’insertion en direction des personnes reconnues travailleurs handicapés. Ce séminaire, de deux jours, aborde le handicap sous trois angles : un angle à visée historique (histoire du mot) : un angle à visée sociologique « handicap et regard des autres » ; ensuite l’aspect individuel est étudié au travers du témoignage d’une personne atteinte de déficience visuelle. Un angle pratique avec la recherche de réponses éducatives aux problèmes liées aux situations de handicap vécues par chacune des personnes . Pour ce public nous adoptons une pédagogie active afin de traiter les sujets abordés. Nous avons opté pour un travail de groupe mettant l’accent sur la participation active de chacun. Dans un premier temps, nous invitons chaque personne à s’exprimer sur ce qu’elle a envie de faire savoir d’elle. Les douze personnes présentes décrivent spontanément leur parcours de « désintégration » et d’incompréhension dans la façon dont la COTOREP les a classées. Les discours sont très orientés sur un registre à connotation négative. Jean-Philippe a été reconnu handicapé par la COTOREP mais déclare :« je ne sais pas de quels handicaps je souffre, je ne sais pas pourquoi je suis là ; j’étais ouvrier spécialisé dans une usine puis dix ans de chômage ». Lucien : « Je suis handicapé assez sérieusement, colonne vertébrale, jambe paralysée, plutôt bloquée, mais il ne faut pas que je m’énerve ; je veux retrouver un emploi ». (1) Technique de créativité destinée à faire produire à un groupe le maximum d’idées dans un minimum de temps. Sur la question : Pour nous handicap c’est quoi ?, l’animateur du groupe engage ses membres à laisser libre cours à leur imagination, toute critique ou jugement de valeur étant interdite jusqu’à ce que la production des idées se tarisse. Les mots écrits sont soumis ensuite à l’analyse des connotations. Pascal : « Mon problème, j’ai un problème de respiration ». Nous touchons le lien handicap et santé . A la question : La santé pour vous qu’est-ce-que c’est ? « Je suis en bonne santé mais j’ai un handicap » (Claude). « Etat physique et psychique d’un individu » (Laurent). « Pas avoir de maladie » (Marie-Jeanne). « Etre dynamique » (Lucien). « Bon fonctionnement du corps et de l’esprit » (Pascale). Les conceptions de la santé ne font pas apparaître la dimension sociale qui fait partie de la définition proposée par l’organisation Mondiale de la Santé. Et si nous réfléchissions sur les formules employées au début de chaque année : bonne année, bonne santé qui arrive en tête des valeurs à posséder pour parvenir intègre à la fin du parcours des 365 jours. Comment se définit la santé ?. Pour beaucoup encore aujourd’hui, la santé signifie l’absence de maladie. Le système de santé est d’ailleurs dominé par le corps médical dont l’essentiel de la mission reste la lutte contre la maladie. Cette conception à connotation négative de la santé a évolué et des tentatives de redéfinition se succèdent. « Dès 1946, l’Organisation Mondiale de la Santé parle d’état de complet bien être physique, mental et social et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ; la satisfaction du besoin d’épanouissement et de créativité du cœur de tout homme… ; peut-être le renforcement des pulsions de vie » (1). Dans notre société en évolution constante, notre capacité créatrice, au sens de capacité à se réaliser soi-même, se devrait d’être associée à la définition de la santé. Ainsi, être en bonne santé, peut être assimilé à l’idée de vivre pleinement, d’être vraiment soi-même , d’utiliser ses potentialités dans une visée de développement personnel. (1) Proposition pour une politique de prévention, rapport au premier Ministre, la documentation française. Dit autrement, la santé peut se définir en termes de « plénitude de vie, une harmonie dynamique de l’homme avec lui-même et avec son milieu » (P. VALERY), c’est-à-dire permettre à chacun de tirer un parti maximal de ses capacités, compte tenu de son héritage génétique. Aujourd’hui, et de plus en plus, la santé tend à se définir dans une vision holistique de l’homme. Ainsi, elle correspond à la satisfaction des besoins physiques, mais aussi à celle des besoins psycho-émotionnels. Cette approche globale de l’individu, réunissant le soma et la psyché, le positionne comme acteur de sa santé. Poser ce regard sur la santé, équivaut à dire que nous participons à notre bonne (ou mauvaise) santé. L’Organisation Mondiale de la Santé inscrit dans sa constitution, pour définir ce qu’est la santé, la notion de bien être social. De nouveaux indicateurs de santé doivent être recherchés en termes de qualité de vie. Un groupe de travail s’est réuni à Genève au siège de l’O.M.S en 1991 sur ce thème. A cette réunion le Docteur NIKOLAI P. NAPPALKOV, sous Directeur Général de l’O.M.S, a déclaré (1) : « les mesures de la qualité de vie sont un indicateur de l’état de santé dont on reconnaît progressivement l’importance. Après avoir mis l’accent sur la mortalité, l’évaluation de l’état de santé est passée par une phase où l’on insistait davantage sur la morbidité pour atteindre finalement un stade d’évolution où l’on accorde plus d’importance à des critères positifs de la santé comme le bien être et la qualité de vie ». Notre démarche dans le cadre de l’anthropologie de la santé s’inscrit dans cette conception. L’agrément de notre module Activités Physiques (2) dans le maintien et l’épanouissement de la santé en direction des jeunes défavorisés, se situe bien dans l’axe de notre thèse anthropologique. Autour du mot handicap s’expriment de multiples facettes de la vie quotidienne. Quel langage utilisent les personnes handicapées ? ; en quels termes parlent- elles de leur handicap ? Quel vocabulaire est employé pour parler de soi, des autres ? Ces interrogations trouvent des éléments de réponses au travers des expériences que nous proposons aux groupes. (1) La qualité de vie est l’une des principales préoccupations de l’O.M.S, O.M.S presse, communiqué O.M.S 110, 18, Février 1991, Genève. (2) Proposition pour une politique de prévention, rapport au premier Ministre, la documentation française. Lors des sessions de formations nous invitons les participants à exprimer et écrire le plus de termes possibles répondant à cette question : pour vous , qu’est ce que le handicap ?. Les mots exprimés sont les suivants : « Gêne, peur, stress, injustice, culpabilité, moral, ne pas avoir de place, compréhension, complexe, handicap de parler toujours d’handicap, regards de travers, anxiété, angoisse, problèmes, adaptation, inquiétude, imagination, mal dans sa peau, comprendre, honte, respect, solution. Quelqu’un dit : « je ne pensais pas qu’on pourrait marquer tout ça sur un mot ». Dans un deuxième temps, nous invitons les participants à effectuer une analyse des mots qui illustrent le « handicap ». Nous nous donnons comme objectif de souligner d’un trait continu les mots qui semblent appartenir à un registre à connotation positive ; d’entourer les mots qui paraissent faire partie d’un registre à connotation négative. Ceux qui n’appartiennent à aucune de ces deux catégories restent tels qu’ils sont. S’il existe la moindre hésitation sur le classement d’un mot dans un registre ou l’autre, il est automatiquement laissé comme tel. Nous obtenons les résultats suivants : Mots appartenant à un registre à connotation positive : comprendre, respect, solution, adaptation, compréhension, Total = 5/22. Mots appartenant à un registre à connotation négative : Gêne, injustice, regard de travers, handicap de parler toujours de handicap, complexé, problème, mal dans sa peau, honte, na pas avoir de place, culpabilité. Total = 10/22. Les autres mots ont été considérés par le groupe comme faisant partie à la fois d’un registre négatif et positif en fonction des représentants de chacun. Le regard porté sur le handicap au début de chaque stage dans lequel nous intervenons, nous permet de vérifier l’évolution de chaque membre du groupe à travers les mises en situation lors des activités de médiation. Cette évolution se situe selon deux axes : # un axe qui recouvre l’utilisation de termes plus positifs; # un axe qui relève les possibles et l’évolution du corps et du vécu corporel des personnes. Nous avons ainsi procédé de la même manière pour chaque groupe. Les données recueillies nous ont permis d’établir le tableau suivant : TABLEAU D’ANALYSE DES CONNOTATIONS Groupe de personnes Reconnues travailleurs Groupe de personnes du secteur sanitaire et sociale en formation TOTA TOTA L L Handicapés G1 G2 G3 G4 G.A G.B G.C G.D Nombre de personnes 12 12 14 14 51 16 11 12 18 57 22 21 47 48 138 14 42 35 38 129 Nombre de mots codés sur un registre positif 5 1 3 15 24 4 9 19 9 41 Nombre de mots codés sur registre négatif 10 19 40 17 86 7 21 11 21 60 L’exercice a été réalisé au début des interventions du stage X X X 3 X X X 3 Dans le groupe Nombre de mots inscrits L’exercice a été réalisé au milieu des interventions du stage X 1 X 1 Constats Les groupes de travailleurs handicapés codent beaucoup de mots sur un registre négatif 86/138. L’exclusion des individus est très prégnante à travers les mots : rejeté, à l’écart ne pas avoir de place, rejet. Beaucoup de mots désignent une personne au travers de son atteinte: diabétique, myopathe, daltonien, paralysé, autiste, aveugle, bègue. D’autres mots désignent la personne représentée par sa maladie : cancer, sida, leucémie, scoliose, paraplégie. Parmi les mots utilisés et notés sur un registre positif, beaucoup mettent en évidence les possibilités restantes des individus : adaptation, solution, souplesse. Le groupe quatre qui a bénéficié de cinquante heures d’activités médiatrices avant l’exercice et dont les personnes ont pu reconnaître leurs capacités, a une vision plus positive du handicap. 15 mots positifs sur 48 contre 17 mots négatifs sur 48. Pour les groupes de travailleurs sociaux nous retrouvons un nombre de mots positifs plus important dans les groupes de travailleurs handicapés. 41 sur 129 mots positifs et 60 sur 129 mots négatifs. Le groupe trois pour qui l’exercice a eu lieu après une formation sur les nouvelles approches du handicap souligne un nombre de mots positif plus importants encore. A partir de ces analyses de connotations, nous regroupons chaque ensemble de mots par rapport à l’approche tridimensionnelle du handicap, c’est-à-dire ce qui est du registre des causes, des déficiences, des incapacités et ce qui touche au handicap. Cet exercice nous a paru intéressant pour ouvrir une vision du handicap plus évolutive et moins réductionniste Confirmant cette perspective selon laquelle un terme à connotation négative renvoie à une vision réductionniste de la personne sans aucun rapport avec son vécu l’Anthropologue F. Murphy, lui-même personne handicapée, écrit : « Mon cerveau était la seule partie de mon cortex central qui fonctionnait encore bien ; or il se trouvait que, justement, c’est grâce à lui que je gagnais ma vie. Invalidité, le terme est amorphe et relatif. Combien d’êtres sont incapables de faire ce que je fais, parce qu’il leur manque l’équipement mental adéquat, et à et égard, ils sont invalides et je ne le suis pas » (1). MURHY note que le terme « invalidité » est amorphe et relatif. Il l’utilise pour caractériser une situation de handicap dans la sphère professionnelle. Puis il ajoute plus loin : « Un des parallèles les plus intéressants qu’on puisse établir entre le stigmate du handicap et d’autres formes de défense morale est mis en évidence par la sensibilité du sujet à la nomenclature. Aujourd’hui, quand on parle des nègres, on doit user du mot noir, substantif qui eût été insultant il y quarante ans ; le terme courtois étant de couleur. De même, le mot dame est considéré désormais comme condescendant, et jeune fille ne peut guère s’appliquer qu’à une adolescente avant la puberté. Rien d’étonnant donc à ce que beaucoup de personnes en fauteuil roulant s’offensent d’un mot brutalement direct comme paralysie, et j’ai assisté à de fougueuses discussions à propos de la signification et des vertus composées des mots handicapé et invalide. Des termes comme boiteux et bancroche sont interdits aux gens valides, mais les handicapés les emploient entre eux ; c’est de la même manière que les termes racistes péjoratifs circulent parmi les membres de certaines ethnies. (1) R.F MURPHY, Vivre à corps perdu, Terre humaine, Plon 1985, page 99. Quant à moi dans ce livre, j’ai utilisé les termes handicap et invalide comme synonymes, car ce que je trouve le plus intéressant dans le débat relatif à ces mots, c’est le débat » 1 Dans le tableau suivant nous nous proposons de construire le deuxième axe du schéma d’évolution des représentations du handicap. Les mots suivis d’une date entre parenthèses sont ceux empruntés aux définitions du handicap et que l’on a retrouvés dans le vocabulaire utilisé pour parler du handicap par les personnes handicapées. A’’ Cadre des mots codés sur un registre à connotation positive Capacité (1991) Solution – tolérance – possibilité (1982) – intégration – acceptation – objectif – besoin – capable – plaisir – formation Cadre des mots codés neutres (ni moins, ni plus) Rééducation – prothèse (1978) – orthèse (1978) – solitude – mentale (1957) – alcool – génétique Cadre des mots codés sur un registre à connotation négative Désavantage (1950 – 1980) – taré – difforme – infériorité (1950) – inaptitude – exclusion – inaptitude – exclusion - invalidité – infirmité – inadapté (1967) – incapacité (1967) – intolérance – maladie – angoisse – aliéné – débilité – mongol – difforme – problème – abandon – irrespect – paralysé – déficience (1957) – assisté – gêne – accident – violence – muet – Infériorité (1950) – insuffisance (1957) – faiblesse (1967) – Les dates figurant entre parenthèse après certains termes mettent en évidence la similitude entre le langage utilisé par les groupes de travailleurs et les définitions du handicap au cours de la période d’étude de 1932 à 1992. 1.5. Les nouvelles approches du handicap : vers une ethnologie du handicap Depuis 1980, la notion de situation de handicap permet de poser les bases opérantes d’une approche tridimensionnelle du handicap. Dès le début des années 1970, l’Organisation Mondiale de la Santé a annoncé le développement d’un complément à la classification internationale des maladies (C.I.M) qui aurait pour but d’identifier les conséquences organiques, fonctionnelles et sociales des maladies et traumatismes. La classification internationale des déficiences, incapacités et handicap (C.I.D.I.H.) fut publiée en 1980 en langue anglaise1; elle était la version expérimentale de l’aboutissement des travaux coordonnés par un médecin épidémiologiste de l’université de Manchester, le Docteur PHILIP WOOD. Les trois principaux concepts de la classification, sont les déficiences, les incapacités et les handicaps ; ils s’articulent en continuité avec les maladies ou traumatismes. Partant du schéma de la classification internationale des maladies Etiologie -------4 Pathologie --------4 Manifestations WOOD est parvenu à dégager le schéma suivant : Maladie ou trouble-------4Déficience --------4 Incapacité -------4 Handicap La C.I.D.I.H est un outil fondamental et novateur parce qu’elle est à la fois un modèle conceptuel, un lexique et un modèle d’intervention. La déficience se définit dans le domaine de la santé comme étant « … toute perte de substance ou altération d’une fonction ou d’une structure psychologique, physiologique ou anatomique ». Elle peut être congénitale ou acquise, permanente ou temporaire. La C.I.D.I.H identifie neuf grandes catégories de déficiences : Intellectuelles, autres déficiences du psychisme, langage et parole, audition, appareil oculaire, autres organes, squelette et appareil de soutien, esthétiques, fonctions générales, sensation et autres déficiences. L’incapacité se définit dans le domaine de la santé comme étant « … toute réduction (résultat d’une déficience) partielle ou totale, de la capacité d’accomplir une activité d’une façon, ou dans des limites considérées comme normales pour être humain ».Elle se manifeste dans la réalité des comportements par un excès ou une diminution de certaines activités de l’individu. Elle peut être permanente ou temporaire, réversible ou non, progressive, stable ou régressive. Neuf grandes catégories d’incapacité sont identifiées : comportement, communication, soins corporels, locomotion, utilisation du corps dans certaines tâches, maladresse, relevées par certaines situations, aptitudes particulières, autres restrictions d’activité. Le handicap se définit dans le domaine de la santé comme étant « … un désavantage social pour un individu qui résulte de ses déficiences ou de son incapacité, et qui limite ou interdit l’accomplissement d’un rôle considéré comme normal compte tenu de l’âge, du sexe et des facteurs sociaux et culturels ». Le handicap se définit donc par les rôles essentiels à la vie sociale d’un individu. Ce que WOOD appelle les « rôles de survie » (1). La C.I.D.I.H identifie sept catégories de handicap : orientation, indépendance physique, mobilité, occupations, intégration sociale, indépendance économique, autres handicaps. Ainsi, le modèle présente une relation de cause à effet entre chaque niveau conceptuel. Une blessure entraîne une déficience, qui à son tour entraîne une incapacité, elle même génératrice d’un ou de plusieurs handicaps. (1) Classification internationale des handicapés : déficiences, incapacités et désavantages , un manuel de Il est bon dès lors de repérer les champs d’intervention des spécialistes impliqués dans le domaine de la santé par rapport aux trois dimensions de la C.I.D.I.H. Philip WOOD considère que la déficience « relève de la médecine, les incapacités des services de réadaptation et les handicaps des divers secteurs de la politique sociale de bien être » 1 Depuis sa parution et sa diffusion, la C.I.D.I.H a fait l’objet de réflexion, d’évolution qui ont conduit à une proposition de révision par la Société Canadienne de la C.I.D.I.H et le Comité Québécois de la C.I.D.I.H. Différents schémas ont été proposés par les consultants et experts de différents pays et commentés par C. HAMONET 2 L’utilisation de la C.I.D.I.H pour mesurer l’impact de la pratique des Activités Physiques sur le développement de la personne handicapée était dès lors déjà plus pertinente que la simple mesure des capacités développées par une personne au corps des séances d’activités physiques. A partir de l’utilisation de la C.I.D.I.H. nous pouvions identifier les désavantages vécus par les personnes et définir les objectifs centrés sur l’évolution d’un désavantage lors d’un programme d’intervention. 1 P. WOOD, Origine de la C.I.D.I.H, page 29, compte rendu de la conférence de Juin 1987 à Québec, Comité Québécois pour la C.I.D.I.H, Québec, Canada, 1988. 2 C. HAMONET, Handicapologie et anthropologie, thèse de doctorat d’anthropologie sociale, université Paris V, 1992, pages 259 à 291. Par contre, les personnes atteintes de maladies mentales ou les personnes atteintes de déficiences intellectuelles relevaient des mêmes codifications. Le schéma qui illustre les processus de production des handicaps (page suivante) prend en compte les différentes consultations internationales effectuées par le Comité Québécois de la classification internationale des déficiences, incapacités, handicaps, et la société canadienne de la C.I.D.I.H. Les cinq principaux termes contenus dans le schéma canadien sont les causes, les déficiences, les incapacités, les obstacles environnementaux et les situations de handicap. Ainsi, cette proposition identifie : les facteurs de risques (causes), les systèmes organiques (déficiences) , les capacités d’accomplir une activité physique ou mentale (incapacités), les facteurs environnementaux qui peuvent générer des obstacles (obstacles environnementaux), la perturbation de la réalisation des habitudes de vie d’une personne (situation de handicap). La nomenclature des habitudes de vie fait l’objet de commentaires positifs. L’extension du concept d’habitudes de vie est reconnue comme une amélioration notable par rapport au concept de désavantage avec sa nomenclature très générale et vague. Nous avons utilisé le schéma de la société canadienne de la C.I.D.I.H comme base pour élaborer nos instruments d’évaluation de l’intégration socioprofessionnelle car elle présente à nos yeux une visée anthropologique tout à fait intéressante. Ce schéma replace d’une façon pertinente ce qui est du domaine environnemental et ce qui appartient à la personne. Réduire les situations handicapantes c’est, pour une personne, améliorer ses rapports avec l’environnement. L’approche conceptuelle de WOOD, puis les améliorations apportées au cours de ces dix dernières années ont permis de mieux identifier ce qui appartient aux atteintes des personnes (déficiences) et ce qui est du domaine du handicap (interaction entre les fonctionnalités de la personne et l’environnement). La représentation du handicap, comme nous l’avons montré dans ce chapitre, tend à évoluer vers l’identité de la personne qui lui assurera la dé stigmatisation dans la vie sociale. LE PROCESSUS DE PRODUCTION DES HANDICAPS [D1] [D2] [D3] Dans une étude réalisée par Jean-Sébastien MORVAN (1), l’image générale du handicap chez les éducateurs spécialisés, les assistants du service social et les enseignants spécialisés en formation, met en évidence trois catégories : le handicap physique, la déficience mentale, la mésadaptation socio-affective. La façon dont est nommée la population démontre encore une confusion entre la personne et l’objet (handicap). Néanmoins, on note que la littérature sur le handicap adopte des titres qui nous semblent aller vers cette recherche d’identité de la personne atteinte d’une déficience et/ou d’une incapacité. Les termes servant d’étiquettes avaient pour objet de signaliser les personnes ayant besoin d’une aide spécialisée ; celle-ci revêtant des formes multiples. Chez ceux qui fournissent cette aide, le processus est généralement considéré comme relevant d’une discrimination positive. En outre, l’étiquetage est vu comme un moyen indispensable d’organiser, de financer et de « professionnaliser » le dispositif d’aide. La tradition s’est instaurée de classer selon certaines catégories, d’organiser des services distincts pour chaque catégorie et, ce faisant, de créer, involontairement, des réactions et des comportements stéréotypés. Dans son étude sur Making of blind men « comment on fabrique des aveugles » (2) Robert A. Scott dit ceci : « Quand, après examen certains individus entrent dans une institution pour aveugles, ils ne voient peut être pas du tout, ou ils ont peut être une vue fort mauvaise. Une fois rééduqués, ce sont tous des aveugles. Ils ont acquis les attitudes et les modes de comportement qui, pour les techniciens travaillant auprès des aveugles, sont nécessairement ceux des aveugles ». (1) (2) J.S MORVAN, Représentation des situations de handicap et d’inadaptations, P.U.F, 1988, deux tomes. Scott, A. ROBERT, The Making of blind men, Russel Sage, fundation, New-York, 1969 . L’analyse réalisée autour du mot handicap rappelle que la personne devient sujet ou acteur de son projet d’intégration si le regard des autres et son propre regard s’orientent vers une vision plus positive. Tant que la personne ne reconnaît pas les possibilités offertes par son corps, ne valorise pas l’originalité de ses différences, elle se trouve avec une image du corps qui engendre de l’anxiété dans les situations d’interactions . La façon dont évoluent les systèmes de représentation du handicap a été significative au cours des exercices proposés aux personnes en situation de handicap et aux intervenants du secteur sanitaire et social. Dès lors que le handicap est lié au résultat de la confrontation entre les possibilités d’un individu et l’environnement, il est possible d’envisager simultanément deux actions : une action avec la personne dans la prise en compte de l’émergence de ses capacités et dans la valorisation de son être au monde (1) ; une action sur l’environnement en facilitant la création d’organisations adaptées qui s’inscrivent, selon M. SODER (2), dans une évolution de l’intégration physique à l’intégration fonctionnelle. L’analyse des définitions autour du mot handicap effectuée au début de notre recherche, a mis en évidence que le regard porté sur le handicap par les personnes atteintes de différentes déficiences peut évoluer vers des possibilités d’agir identifiées comme des ancrages au devenir. Le handicap, vu sous l’angle des acteurs de l’intégration, tend à accepter les différences sans les effacer, à destigmatiser les personnes en évitant de leur attribuer des étiquettes qui les enferment dans un espace d’exclusion physique, psychologique et social. La révision de la classification internationale des déficiences incapacités et handicaps (2001) tend à reconsidérer l’être humain dans son unité biopsychosociale (3). (1) D. Mautuit ,Revue européenne du handicap mental, N° 7 (2) M. SODER, National suvedish Beand of Education, Stockolm, 1983 (3) (3) C.I.H. 2 Classification internationale des déficiences, des activités et de la participation ; manuel de fonctionnement humain et du phénomène handicapant . Version provisoire Bêta 1 pour les expérimentations au Canada , janvier 1998 ; Organisation Mondiale de la santé , Genève ; diffusion limitée. Classification internationale du fonctionnement, de la santé et du handicap (O.M.S. 2001) 1 C. Lospied, Handicaphorismes et autres handicapostrophes , A.P. F. 1990 ; page 52. 1 R. Lenoir, les exclus , seuil, 1976 2 Actualités sociales hebdomadaires n°1768, 1992 3 Dictionnaire des anglicismes pages 376-377, dictionnaire Robert, 1984 4 Hamonet (C.) , Les personnes handicapées , collection que sais-je ?, P.UF. 1990 1 M.Foucault , naissance de la clinique, 1963 1 Association Régionale d’insertion socioprofessionnelle des personnes en situation de handicap (A.R.I.S.), 25000 BESANCON – Gestionnaire de l’E.P.S.R du Doubs et du centre de formation spécialisée. 1 R ;F Murphy, vivre à corps perdu, terre humaine , Plon , 1985, page 148. 1 World Health Organization (W.H.O.) , International Classification of impairments, disabilitie and handicap. A manuel of classification relativy to the conséquences of diseases, Genève , 1980. [D1] [D2] [D3]