Mémoire de fin d`étude: - Centre Hospitalier de Roanne
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Mémoire de fin d`étude: - Centre Hospitalier de Roanne
PERRACHE Marie IFSI CH Roanne Mémoire de fin d’étude: L’apprentissage de la distance relationnelle soignant soigné dans l’établissement d’une relation d’aide adaptée au patient en fin de vie. Le 19 Décembre 2012 Promotion 2010-2013 Note aux lecteurs « Il s’agit d’un travail personnel et il ne peut faire l’objet d’une publication en tout ou en partie sans l’accord de son auteur ». Remerciements Je souhaite remercier les personnes interrogées lors de mon enquête exploratoire, pour le temps qu’ils m’ont accordée, leur écoute, patiente et gentillesse. Je remercie également mes proches, amis et famille, qui m’ont soutenue lors de ma formation, et plus précisément lors de l’élaboration de ce travail. J’adresse plus particulièrement mes remerciements à mon guidant, pour sa présence, sa disponibilité, son implication et ses nombreux conseils qui m’ont permis d’effectuer ce travail de la meilleure façon possible. Je souhaite que toutes ces personnes trouvent ici l'expression de ma sincère reconnaissance. Table des matières I : Introduction P1 II : Situation d’appel P2 A : Constat. P2 B : Analyse de la situation. P3 C : Questionnement. P4 D : Premières lectures. P6 E : Question de départ provisoire. P7 III : Étape exploratoire P7 A : Choix des personnes interrogées et P7 méthodologie d’enquête. B : Analyse des entretiens. P9 C : Deuxièmes lectures. P12 D : Question centrale définitive. P14 IV : Explication du choix des concepts et démarche P14 V : Cadre conceptuel P16 A : La relation d’aide. P19 B : Formation et apprentissage. P23 C : La distance relationnelle. P27 1 : Les mécanismes défensifs. P27 2 : Gestion du stress. p29 3 : Distance relationnelle étroite. P30 4 : Gestion des affects. P31 5 : Echange en équipe et groupe de parole. P32 VI : Hypothèse P33 VII : Conclusion P34 Bibliographie ANNEXE I ANNEXE II Abstract 4ème de couverture I : Introduction * A noter que le genre masculin est utilisé tout au long de ce travail, dans le seul but d’en alléger la lecture. Ce travail constitue une initiation à la recherche dans le cadre de l’obtention du diplôme d’état infirmier. Ce mémoire correspond à une approche de la recherche infirmière. De nos jours, la population est vieillissante et côtoie de plus en plus les services de soins. C’est pourquoi, les infirmiers sont amenés régulièrement à rencontrer des patients en soins palliatifs. Ce type de prise en charge nécessite un perpétuel questionnement de la pratique professionnelle des soignants, dans le but d’accompagner le plus humainement possible ces patients en fin de vie. En tant qu’étudiante infirmière, avant l’intégration en formation, et étant de nature sensible, je me suis toujours demandée quel allait être mon comportement dans des situations émotives extrêmes, comme lors de l’accompagnement de patients en soins palliatifs. Après trois ans de formation, à l’approche du diplôme, j’ai rencontré un certain nombre de patients en soins palliatifs, les accompagnants même jusqu’au moment de leur décès. J’ai pu observer plusieurs prises en charge dans diverses structures de soins, et parfois la difficulté pour les soignants d‘accompagner ces patients. C‘est pourquoi, je me questionne désormais, en tant que future professionnelle, quant à la gestion de la distance relationnelle avec un patient en fin de vie. Une distance qui permette une prise en charge optimale du patient et l’absence de répercussions négatives sur le soignant, face à des situations souvent délicates et fortes en émotions. Ainsi, pour l’élaboration de ce travail d’initiation à la recherche, je me suis intéressée à l’apprentissage de la distance relationnelle soignant-soigné, dans le but d’établir une relation d’aide adaptée au patient en fin de vie. Je pense que c’est un sujet qui porte un intérêt aux divers infirmiers rencontrant des patients en soins palliatifs. En effet, l’accompagnement de ces patients nécessite le développement de compétences spécifiques de la part du soignant. 1 De plus, cela nécessite un apprentissage dans l’ajustement de la distance relationnelle afin de garantir une relation d’aide de qualité. Je me suis donc, dans un premier temps, appuyée sur une situation vécue en stage qui m’a conduite à me questionner. J’ai interrogé des personnes ayant de l‘expérience auprès de patients en fin de vie. J’ai formulé mon objet de recherche définitif et fait de nombreuses recherches afin d’alimenter mon cadre conceptuel, cœur de ce travail. Après la formulation d’une hypothèse, j’ai pu conclure mon travail en laissant une ouverture sur un autre objet de recherche. II : Situation d’appel A : Constat : La situation vécue s'est déroulée lors d'un stage de première année de formation. J'étais en stage dans un service de médecine digestive dans lequel le personnel soignant est très souvent confronté au décès des patients atteints généralement de cancers très évolutifs. Monsieur L, âgé de 62 ans, était hospitalisé depuis 4 jours pour une pneumopathie d'inhalation faisant suite à un cancer de l'estomac très étendu. M. L était au stade des soins palliatifs depuis quelques mois et l'évolution de la pathologie était connue par le patient. Au bout de 4 jours d'hospitalisation, l'état de santé de M. L s'améliorait un peu, surtout au niveau de la pneumopathie. Un hémogramme avait été réalisé avec des résultats dans les normes. Les deux nuits suivantes, l'état général du patient s'est très vite dégradé. M. L avait de volumineux œdèmes aux quatre membres ainsi que de nombreux scalps sur la peau. Il n'arrivait plus à communiquer avec sa femme qui se montrait très présente, ou bien avec le personnel soignant. Après de nouveaux examens et face à la dégradation spontanée de l'état de santé du patient, les médecins déclarèrent que le patient vivait ses derniers instants. Afin de soulager d'éventuelles douleurs que ce dernier pourrait ressentir, des antalgiques morphiniques étaient prescrits. Il était impossible pour les infirmières du service d'appliquer la prescription du médecin puisque face aux œdèmes importants du patient, les infirmières n'arrivaient pas à poser une voie veineuse périphérique afin de mettre en place les antalgiques. L'état de santé du patient continuait à se dégrader très rapidement. 2 Les infirmières en ont averti le médecin, qui est venu ausculter le patient. Il est reparti sans proposer une solution pour poser la perfusion, d'après lui il était trop tard, M. L était en train de décéder. La femme du patient a été prévenue afin qu'elle vienne rejoindre son époux. Ce jour là, il y avait beaucoup de travail dans le service, les infirmières avaient peu de temps à consacrer à M. L. Il était seul dans sa chambre puisque son épouse était en chemin pour le rejoindre. Je me suis proposée pour rester aux côtés de M. L. J'avais la possibilité et la disponibilité en tant que stagiaire d'accompagner M. L lors de ses derniers instants. Je suis donc restée auprès du patient, à lui tenir la main. Je lui parlait en lui expliquant que son épouse était en chemin, qu'il n'était pas tout seul, que j'étais là. M. L ne réagissait pas au son de ma voix, sa respiration était très bruyante, suffocante, ses traits du visage étaient tirés. Je percevais de la souffrance sur le visage de M. L, je ne savais pas si le fait d'être présente l'aidait beaucoup parce qu’il semblait agoniser. Je suis restée plus d'une heure aux côtés de M. L. Son épouse est arrivée et a souhaité rester seule avec son mari. Quelques minutes plus tard, le patient est décédé. Il n'avait eu aucun antalgique, aucune aide thérapeutique dans les derniers instants de sa vie qui ressemblait à une lutte pour lui. J'étais contrariée suite au décès du patient car j'avais l'impression qu’il n'avait pas été accompagné par le personnel médical et que ses éventuelles souffrances avaient été mises de côté. Je décidais donc d'en parler avec une infirmière afin de trouver des réponses à mes nombreuses questions. Celle-ci, me voyant visiblement touchée, m'a répondu brièvement qu'il ne fallait pas que je sois émue par cette situation car sinon je ne m'en sortirais jamais dans ce métier, et qu'il fallait que je sois détachée face à ces situations, que j'en verrais « d’autres ». Au lieu de trouver des réponses à mes questions, je m'en posais alors d'avantage face à la réaction de l'infirmière envers moi. B : Analyse de la situation : J'ai choisi cette situation car elle a été très intense pour moi et m'a posée beaucoup de question sur la prise en charge de certains patients en fin de vie. Lors de cette situation, j'ai ressenti beaucoup de frustrations face à mon incapacité à aider efficacement M. L. dans l'accompagnement de ses derniers instants de vie. J'étais en colère et je ne comprenais pas pourquoi d'autres décisions médicales n'avaient pas été prises afin de pouvoir administrer des antalgiques au patient. J'avais l'impression que le personnel médical avait « abandonné » le patient. 3 Après trois ans de formation, avec plus d'expérience et de prise de distance face à cette situation, ce qui pour moi était de l'agonie que pouvait ressentir le patient était peut-être l'attente de son épouse pour pouvoir décéder. Il luttait peut-être car il s'accrochait à la vie. Néanmoins, mon point de vue concernant l'accompagnement d'une personne en fin de vie s'est renforcé dans le sens où ces patients doivent être accompagnés par le personnel médical. L'accompagnement comprend la prise en charge des douleurs physiques du patient mais aussi de ses douleurs psychiques. Il ne faut pas oublier la famille de la personne en soins palliatifs dans l'accompagnement du patient. De plus, en tant qu’étudiante infirmière, face à des situations fortes en émotions, comme lors de la prise en charge de patients en fin de vie, je me suis toujours demandée comment, en tant que future professionnelle, j’allais pouvoir accompagner convenablement des patients en soins palliatifs sans me laisser envahir par mes propres émotions. De même, la population étant vieillissante, les professionnels de santé sont de plus en plus confrontés à la prise en charge des patients en fin de vie. Ainsi, face à la réaction de l’infirmière dans la situation que j’ai vécu, cela à soulevé en moi les inquiétudes que je pouvais avoir quant à la future gestion de mes émotions, c’est-à-dire : Comment assurer un accompagnement relationnel de qualité sans en affecter le patient ou moi-même? C : Questionnement : Mon questionnement s'est ainsi basé sur la réaction de l'infirmière. Face à mon mal être évident suite au décès de ce patient, j'ai essayé de comprendre pourquoi l'infirmière avait réagi ainsi et qu'est-ce-qui avait pu pousser l'infirmière à penser ainsi. Je me suis donc demandée : - En quoi la mort peut être « banalisée » par les infirmiers dans un service où il y a beaucoup de décès ? En effet, dans un service où le décès des patients devient le quotidien du personnel soignant, cela peut entraîner des comportements spécifiques de la part des infirmiers, comme pour l‘infirmière de ma situation. 4 Ils peuvent mettre en place des mécanismes défensifs afin de gérer la perte de leurs patients. Ainsi, une telle situation peut faire en sorte que la mort devienne un évènement « banal », puisque courante. - En quoi les propres peurs et représentations de la mort des infirmiers sur la fin de vie peuvent modifier la prise en charge d'un patient mourant ? La mort est un phénomène naturel qui exprime l’inconnu. Cela peut faire peur et se répercuter sur la prise en charge d’un infirmier établie auprès d’un patient mourant. De plus, c’est peut-être la représentation de la mort que chacun se fait, selon ses croyances et sa culture, qui peut influer le soignant sur la prise en charge de ces patients en fin de vie. - En quoi le vécu des infirmiers peut conditionner la prise en charge d'un patient en fin de vie et comment ce vécu va être impliqué dans cette prise en charge ? Les infirmiers peuvent vivre des choses personnellement difficiles, un proche gravement malade ou la perte d‘un être cher. Cela peut compliquer leur prise en charge auprès de patients mourants. Le vécu personnel peut alors prendre une place importante sur le vécu professionnel et ainsi se répercuter sur la prise en charge des patients en fin de vie. - En quoi, pour des infirmiers, cacher ses émotions et se montrer distant peut-être un moyen de se protéger face à un patient mourant sans délaisser sa prise en charge ? D’après l’infirmière de ma situation d’appel, je ne devais pas m’investir émotionnellement face au décès de M. L. Cacher ses émotions et se montrer distant en tant qu’infirmier peut permettre au soignant de moins s’investir et ainsi se protéger face à la perte du patient. Or, il reste à déterminer si ce choix de comportement permet une prise en charge de qualité autant qu’un infirmier qui se permet d’exprimer certaines de ses émotions. - Comment rester humain en tant qu' infirmier face à un patient qui décède et quelle est la place des émotions des infirmiers dans la prise en charge des patients en fin de vie ? Le décès d’un patient est un moment qui déclenche des réactions, des émotions. L’infirmier détient un rôle primordial dans l’accompagnement d’un patient mourant. Le soignant doit pouvoir comprendre et maîtriser ses émotions dans le but d’assurer la bonne prise en charge de son patient. 5 D : Premières lectures : J’ai donc fait une première recherche de lecture, en tapant des mots clés sur internet tels que « émotions », « soignant », « patient », « soins palliatifs ». J’ai fait cette recherche afin de trouver des sujets pouvant traiter des questions que je me posais et spécifique, seulement dans un premier temps, à la cancérologie, point commun avec la pathologie du patient dans ma situation de départ. J’ai donc trouvée une revue traitant du « risque émotionnel en cancérologie: problématiques de la communication dans les rapports entre soignants et soignés ». Ce texte indique qu’ « une forte dimension émotionnelle innerve les relations soignants-soignés. Or, la qualité de la communication entre soignant et soigné dépend de la juste distance que le soignant doit maintenir avec le malade et de la juste mesure dans l’expression des émotions de l’un et de l’autre. Une trop grande empathie peut induire des débordements émotionnels. A l’inverse, les stratégies de distanciation des soignants peuvent conduire les patients à se sentir « chosifiés »…La gestion des risques en cancérologie ne concerne plus seulement les effets physiques des traitements mais aussi leurs implications (des professionnels) sur le vécu émotionnel des patients »1. Ce texte traite donc de la gestion des émotions du soignant comme l’une des solutions à la juste distance avec le patient. S’il y a trop d’émotions de la part du soignant, la relation avec son patient sera inadaptée. Au contraire, s’il y a une trop grande distance relationnelle établie de la part du soignant, le patient se sent comme un objet et non comme un être humain. De plus, je me suis intéressée à un extrait du livre de Marie de Hennezel, « Le souci de l’autre ». En effet, cet auteur est une psychologue française qui a travaillé de nombreuses années au sein de la première unité de soins palliatifs en France. Dans ses ouvrages, elle a montré que tout être humain pouvait mourir dignement, sans souffrances intolérables, entouré de ses proches. Elle souhaite contribuer au changement des attitudes face à la mort. Dans l’extrait de ce livre, le président François Mitterrand donne son avis sur cet ouvrage. 1 SOUM-POUYALET. Fanny. Le risque émotionnel en cancérologie. Problématiques de la communication dans les rapports entre soignants et soignés. Disponible sur www.faceaface.revues.org/257. 6 Il précise que même si « la mort est si proche, que la tristesse et la souffrance dominent, il peut encore y avoir de la vie, de la joie, des mouvements d’ âmes d’une profondeur et d’une intensité parfois encore jamais vécues » 2. Ce n’est donc pas parce qu’une personne est en fin de vie qu’il n’y a pas des moments à partager avec elle. Ces deux textes soulignent donc le fait qu’un patient, même en fin de vie, à des choses à vivre, et qu‘il doit être accompagné. De même, le soignant peut agir sur son implication émotionnelle et ainsi sur la distance relationnelle établie avec le patient. E : Question de départ provisoire : C'est pourquoi, face à ma situation d’appel, mon questionnement et mes lectures, j'ai décidé de choisir la question provisoire suivante : En quoi la gestion des émotions d’un infirmier peut-elle impacter la prise en charge d'un patient en fin de vie? En effet, je souhaiterais comprendre les répercussions de la gestion des émotions de l’infirmier sur un patient en fin de vie. Dans le but de vérifier la pertinence de cette question de départ provisoire, j’ai réalisé des enquêtes exploratoires auprès de diverses personnes, professionnels de santé ou non. III : Étape exploratoire A : Choix des personnes interrogées et méthodologie d’enquête : Suite à l’élaboration de ma question centrale provisoire, lors de la réalisation de mes entretiens exploratoires, j'ai voulu interroger des personnes, professionnels de santé ou non, ayant une expérience dans l’accompagnement des personnes en fin de vie. 2 DE HENNEZEL. Marie. Le souci de l’autre. Edition Pocket. Paris. 2005. P 16. 7 Mon tout premier stage à l’institut de formation en soins infirmiers s’est déroulé dans le service d’hospitalisation à domicile. J’ai pu y découvrir une approche relationnelle très personnalisée de la part des infirmières auprès de patients désirant décéder à domicile. Les infirmières y faisaient preuve d’une grande qualité d’écoute et de disponibilité auprès de leurs patients. J’ai donc désiré rencontrer une infirmière travaillant en service d’ hospitalisation à domicile. J’ai interrogé une infirmière avec laquelle je n‘avais pas pu être encadrée en stage afin d‘être totalement neutre dans mon enquête exploratoire et ne pas être incitée par la suite dans mon analyse. De même, lors de cours dispensés à l’institut de formation, un intervenant exerçant comme psychologue auprès de l’équipe mobile de soins palliatifs avait dispensé des cours sur l’approche relationnelle et la communication auprès de patients en soins palliatifs, relatifs à l‘unité d‘enseignement 4.7 (soins palliatifs et fin de vie) du semestre 5. Trouvant ses cours très intéressants et alimentés de nombreux exemples de sa propre expérience professionnelle, j’ai donc décidé de le rencontrer afin de découvrir plus personnellement sa vision sur la prise en charge des patients en fin de vie. De plus, des membres de l’association JALMALV (Jusqu’à la mort accompagner la vie) étaient venus présenter leur association dans le cadre de la même unité d’enseignement (UE 4.7). Ces bénévoles d’accompagnement ont pu faire partager, lors de ce cours, leur manière d’accompagner des patients en soins palliatifs avec une vision autre que celle d’un professionnel de santé. Interroger ainsi une infirmière, un psychologue en tant qu’expert, et un membre d'une association travaillant et côtoyant quotidiennement des personnes en fin de vie me permettait d'obtenir une vision globale dans la quête de réponses à ma question de départ provisoire. J’ai choisi trois questions lors de ces entretiens afin d’obtenir leur point de vue sur la prise en charge de patients en fin de vie. J’ai cherché les points communs ou divergents dans chacune de leurs réponses afin d’analyser mes entretiens. J’ai ensuite établi une question définitive pour ce travail d’initiation à la recherche. Ces entretiens sont semi-directifs, j’ai ainsi pu mettre en place la reformulation afin d’enrichir les réponses des personnes interrogées. 8 B : Analyse des entretiens : J’ai donc orienté mes questions par rapport à ma question de départ provisoire et ainsi analysé et comparé les réponses obtenuesI. Première question : Est-ce que d’après vous gérer ses émotions pour un infirmier peut modifier son travail auprès d’un patient mourant ? Pour le psychologue, la gestion des émotions d’un infirmier peut modifier son travail auprès d’un patient mourant dans le cas où l’infirmier est « blindé » (ce qui est un mécanisme de défense). De même, son travail peut être modifié dans le cas où ses actions sont mécaniques et qu’il n’y a pas de soins relationnels et d’accompagnement de la personne en fin de vie. Son travail peut être modifié selon l’âge du patient (l’infirmier peut être moins investi avec un patient âgé car son décès peut être perçu comme une fatalité. Or, quand le patient a l’âge du soignant, ce dernier peut modifier son accompagnement auprès du patient comme un mécanisme de défense, car le soignant peut s’identifier au patient). Pour le psychologue, la complexité pour le soignant est de trouver la juste distance (qui se travaille avec chaque patient) et selon son propre vécu. D’après lui, gérer ses émotions pour un infirmier ne peut pas impacter l’accompagnement du patient en fin de vie dans le sens où le patient est pris en charge par toute l’équipe soignante et non par un seul infirmier. Pour l’infirmière interrogée, gérer ses émotions en tant que soignant est fondamental et passe par un travail sur soi et sur son vécu, mais surtout par une formation sur la relation d’aide. Concernant la bénévole de l’association, je n’ai reçu aucune réponse car cette question ne lui était pas destinée étant donné qu’elle n’est pas une professionnelle de santé. I ANNEXE I 9 Deuxième question : Qu’est-ce qui d’après vous est nécessaire pour prendre en charge un patient en fin de vie ? Pour le psychologue et l’infirmière, il faut des compétences techniques et théoriques, mais surtout établir une relation d’aide avec le patient. Pour cela il faut se connaître (son histoire, ses motivations, s’interroger sur son ressenti). Le plan relationnel est le plus dur à acquérir car il faut comprendre qu’on ne peut pas guérir un patient en fin de vie. Cependant, on peut faire beaucoup par la relation d’aide. Pour la bénévole, il faut de l’écoute, de la régularité dans le suivi auprès d’un patient en soins palliatifs, et surtout respecter les volontés de celui-ci. Troisième question : Vos émotions ont-elles déjà eu un impact sur un patient en fin de vie ? Pour le psychologue et l’infirmière, la réponse est non. Pour le psychologue, ce qui peut impacter sur le patient c’est mal l’accompagner. Pour cela, il faut se connaître (son histoire et son vécu) afin de savoir si l’on est prêt à accompagner un patient en fin de vie. Il faut se questionner sur le deuil, sur ce que ça nous fait vivre et surtout en parler avec son équipe. Toujours d’après lui, il y a un impact sur la prise en charge du patient quand la juste distance est perdue, quand on devient soit trop impliqué, soit pas assez. Pour l’infirmière, il n’y a pas d’impact sur la prise en charge d’un patient dans la gestion de ses émotions car les émotions sont présentes après le décès du patient. Il faut accepter la mort et ne pas oublier la famille du défunt. Il faut se montrer apaisant pour assurer un bon accompagnement du patient lors de ses derniers instants de vie. Et ainsi, aider la famille dans son processus de deuil. D’après elle, la relation d’aide est très révélatrice sur ce que l’on est. Concernant la bénévole, ses émotions ont déjà eu un impact sur un patient. D’après elle, pour éviter cela il faut suivre des formations pour aider à contrôler ses émotions. Il peut lui arriver parfois de stopper un accompagnement auprès d’un patient car cela devient trop dur par rapport à son propre vécu (ce qui est normalement évité par la formation qui aide à canaliser ses émotions, mais parfois cela peut arriver). 10 Pour elle, il faut être humaine, elle intervient lorsque l’infirmier manque de temps. D’après elle, l’infirmier se blinde parfois car il est frustré de ne pas pouvoir accompagner convenablement un patient en fin de vie par manque de temps et de moyens. Elle note un manque d’appel des bénévoles et de l’équipe mobile de soins palliatifs par les services. De manière plus globale, l’idée que j’avais du problème, soit ma question de départ provisoire qui est de savoir si la gestion des émotions d’un infirmier peut impacter la prise en charge d’un patient en fin de vie, est modifiée. En effet, puisque d’après les professionnels de santé interrogés, et d’après leur expérience, la gestion de leurs émotions est essentielle mais n’a jamais eu d’impact sur l’accompagnement d’un patient en fin de vie. En effet, le patient est pris en charge par toute une équipe et non par un seul soignant. De plus, les professionnels ont été formés et ont su prendre le recul nécessaire sur leur vécu, leur expérience et leur ressenti afin d’assurer un accompagnement de qualité. Cela leur permet ainsi d’établir une relation d’aide élaborée auprès des patients en fin de vie. Le véritable enjeu pour assurer un accompagnement de qualité est de trouver la distance relationnelle où l’implication du soignant est adaptée. Concernant la bénévole de l’association JALMALV, elle a une autre vision sur la question puisqu’elle n’intervient pas en tant que professionnelle de santé auprès des patients en soins palliatifs mais en tant que bénévole et accompagnatrice de leurs derniers instants de vie. Elle a donc déjà impacté un patient par sa difficulté à gérer ses émotions. L’exploitation de mes entretiens m’a permis de mettre en avant tout le travail psychologique à réaliser en tant que soignant afin d’accompagner au mieux un patient en fin de vie. Quand ce travail n’est pas réalisé, il devient alors difficile d’apporter des soins relationnels de qualité et de ne pas subir des répercussions psychologiques pour le soignant. De plus, les bénévoles ont une place importante auprès des patients en soins palliatifs et interviennent auprès des soignants afin de les aider dans l’accompagnement de ces patients. Mon objet de recherche peut aussi donc concerner d’autres personnes que des soignants. Mon problème de recherche se définit toujours par les mêmes composants puisque ma population cible correspond bien aux personnes en fin de vie. 11 C : Deuxièmes lectures : J’ai ensuite mis en relation l’analyse de mes entretiens avec de nouvelles lectures. J’ai décidé de rechercher des auteurs ayant traité le sujet de l’accompagnement des personnes en fin de vie et la gestion des émotions des soignants. Ceci, dans le but de confronter l’analyse de mes entretiens avec ces écrits. J’ai donc fait une nouvelle recherche en tapant toujours des mots clés sur internet afin qu’en ressorte des auteurs ayant traités des émotions des soignants et des patients en fin de vie. Je me suis de nouveau intéressée aux écrits de la psychologue française Marie de Hennezel, qui ressortait beaucoup lors de mes recherches. J’ai, cette foisci, approfondi ses écrits. En effet, j’ai réalisé une nouvelle lecture d’un extrait de son livre « Le souci de l’autre ». Cet ouvrage traite de la place de l’humain dans le monde hospitalier et précise que « On ne choisit pas par hasard de devenir soignant, de prendre soin des malades, des personnes âgées ou des mourants… Quelles que soit les motivations, conscientes ou inconscientes, de ce choix, elles sont mêlées à l’histoire de chacun. Le face-à-face avec la souffrance d’autrui réveille donc inévitablement des échos personnels, intimes, et nier l’affectivité des soignants est une erreur grave. Ne pas leur reconnaître le droit d’être émus, parfois bouleversés par une situation, c’est leur refuser leur part d’humanité » 3. Cet extrait appuie les dires des professionnels. Le vécu va avoir des conséquences sur la prise en charge des patients en fin de vie. Apprendre de son vécu permet d’accompagner les patients. De plus, dans cet extrait, il est dit que le soignant a le droit de ressentir des émotions face à des situations, c’est une preuve d’humanité. Interdire à un soignant de ressentir ces émotions, c’est lui interdire son humanité. De même, j’ai trouvé le rapport « Mission de fin de vie et d’accompagnement » datant d’Octobre 2003 et remis au Ministre de la Santé, de la Famille et des Personnes Handicapées, dont l’auteur est aussi Marie de Hennezel. Elle y traite de l’amélioration des pratiques professionnelles dans l’accompagnement des personnes en fin de vie pour les soignants. Elle y parle du développement des formations pour les soignants, la nécessité de l’organisation d’un soutien psychologique et l’intégration des bénévoles d’accompagnement. 3 DE HENNEZEL. Marie. op. cit. P 145. 12 En effet, « La démarche palliative doit donc prendre en compte ce besoin d’échanges, de soutien, de formation des équipes qui n’ont pas été préparées à affronter la fin de vie des patients… Des bénévoles formés à l’accompagnement de la fin de vie et appartenant à des associations qui les sélectionnent… peuvent aussi apporter leur concours à l’équipe de soins en participant à l’ultime accompagnement du malade et en confortant l’environnement psychologique et social de la personne malade et de son entourage »4. Cela reprend les explications des professionnelles quant à la nécessité d’être formé et de pouvoir parler de son ressenti avec d’autres professionnels de santé. Cet extrait reprend de même la nécessité de disposer de bénévoles d’accompagnement afin d’aider les professionnels à prendre en charge ces patients en soins palliatifs. Ces deux lectures montrent la nécessité pour les soignants d’avoir des émotions afin de rester humain et l’importance d’être accompagné en tant que professionnels de santé dans le soin relationnel auprès de patients en soins palliatifs. J’ai ensuite orienté une autre lecture sur des écrits de Catherine Mercadier, sociologue et cadre de santé qui s’est intéressée aux émotions des professionnels de santé. D’après Catherine Mercadier, auteur du livre « Le travail émotionnel des soignants à l’hôpital », le soignant doit effectuer un travail sur lui-même et surtout au niveau de ses émotions pour aboutir au bon déroulement des soins. Les cinq sens du soignant vont avoir un impact sur la prise en charge du patient et sur ses propres émotions. Le malade représente selon Catherine Mercadier « un danger de contamination symbolique »5. C'est-à-dire qu'il peut entraîner chez le soignant un sentiment de douleur, de colère, d’où l’importance des normes de neutralité émotionnelle. En effet, le soignant ne doit être ni trop sensible, ni insensible. Ainsi, des mesures de prévention sont mises en place, consistant à créer une distance entre le patient et le soignant. L’auteur parle donc de la juste distance du soignant, celle qui fait qu’il est investi à juste mesure, afin d’établir une distance professionnelle de qualité assurant l’accompagnement du patient. Contrairement aux professionnels de santé interrogés, d’après cet extrait, les émotions du soignant peuvent avoir un impact sur le patient et sur lui-même. 4 DE HENNEZEL. Marie. Mission « fin de vie et accompagnement ». Octobre 2003. Disponible sur http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapportspublics/034000617/0000.pdf. 5 MERCADIER. Catherine. Le Travail émotionnel des soignants à l'hôpital: Le corps au cœur de l'interaction soignant-soigné. Seli Arslan (Paris). 2002. P 159. 13 Apprendre à trouver la bonne distance relationnelle permet de préserver autant le soigné que le soignant. Ces lectures reprennent d’une part ce qui a été dit par les professionnels, le soignant doit effectuer un travail sur soi pour pouvoir accompagner le patient de la meilleure façon possible. De plus, pour cela, il doit être formé, donc développer un apprentissage. La notion de juste distance paraît essentielle afin de maîtriser ses affects et d’établir une prise en charge de qualité auprès du patient. D : Question centrale définitive : D’après mes entretiens et mes lectures, j’en ai ressorti des mots clés afin de proposer ma question définitive de ce travail d’initiation à la recherche. Les mots clés retrouvés sont: relation d’aide, accompagnement, juste distance, patient, soignant, fin de vie, émotions. De mes entretiens et lectures, les éléments d’accompagnement dans la relation d’aide auprès du patient en fin de vie ressortaient. De même, la nécessité d’un apprentissage et d’une formation de la part des soignants afin d’ assurer un accompagnement de qualité paraissait essentielle. La notion de juste distance est également importante afin d’établir une distance relationnelle soignant soigné adaptée. J’ai donc décidée de traiter la question suivante : Dans quelle mesure l’apprentissage de la distance relationnelle soignant soigné au cours de l’exercice professionnel d’un infirmier permet-il d’établir une relation d’aide adaptée au patient en fin de vie ? IV : Explication du choix des concepts et démarche J’ai donc construit mon cadre conceptuel à l’aide de cette question centrale définitive, de mon questionnement de départ, de l’analyse de mes entretiens et de mes diverses lectures. A partir de cette question définitive, j’ai mis en lien le cours de l’unité d’enseignement 4.8 (qualité des soins, évaluation des pratiques) du semestre 6 relatif aux concepts. En effet, ce cours stipule qu’un concept permet de développer une culture scientifique et de réaliser un travail personnel. 14 J’ai ainsi recherché lesquels pouvaient se rapporter à ma question définitive. J’en ressors donc les concepts d’apprentissage et de relation d’aide, ce dont je désire aborder dans mon travail. Les autres termes tels que distance relationnelle soignant-soigné et patient en fin de vie ne correspondent pas à des concepts. Cependant, en recherchant ce dont je souhaite traiter dans ce travail d’initiation à la recherche, j’ai pu rattacher le terme patient en fin de vie à celui des soins palliatifs. En effet, concernant le patient en fin de vie, je souhaite traiter du concept de soins palliatifs, ce qui est spécifique à ma question et ce dont je souhaite traiter. Concernant la distance relationnelle, ce n’est pas un concept proprement dit. Or, c’est un point essentiel de mon objet de recherche, et en détaillant ce point là, des concepts sont susceptibles d’émerger (tels que les émotions par exemple, ou le stress). Dans un premier temps, je souhaiterais donc travailler le concept des soins palliatifs. Cela déterminera le cadre contextuel de ce travail car mon objet de recherche se définit dans le contexte de la fin de vie, sous-entendu le soin palliatif. En effet, en lien avec ma question de départ, je pense définir le terme soin palliatif (avec le cadre législatif), ainsi que le rôle de l‘infirmière dans le soin palliatif dispensé au patient. Suite au contexte du soin palliatif, je compte développer le cadre conceptuel de ce travail d’initiation à la recherche. Je compte donc traiter du concept de la relation d’aide puisqu’il est en lien avec celui du soin palliatif et lui fera donc suite. En effet, la relation d‘aide est le soin primordial dans l’accompagnement du patient en fin de vie, c‘est pourquoi je souhaite le traiter à la suite du cadre contextuel. De plus, c’est l’établissement d’une relation d’aide avec le patient qui va mettre en avant la nécessité d’un apprentissage de la distance relationnelle. En effet, c’est la relation d’aide mise en place par le soigné qui va faire émerger la naissance d’une distance relationnelle avec le patient, que le soigné va devoir apprendre à adapter. Une fois les recherches sur la relation d’aide effectuées, cela me permettrait de traiter du concept d’apprentissage. Après avoir défini ce concept et en lien avec mon sujet, je désirerais faire des recherches concernant la formation dispensée aux infirmières qui prennent en charge des patients en soins palliatifs ainsi que leurs motivations. De plus, je souhaiterais aborder l’apprentissage du propre vécu et de l’histoire du soignant qui conditionnent la distance relationnelle soignant-soigné. Cela me permettrait ainsi de développer le dernier point en lien avec le concept d‘apprentissage : celui de la distance relationnelle. 15 En effet, c’est l’apprentissage de la distance relationnelle qui est le cœur de ce travail. Je souhaite donc faire des recherches sur les divers éléments qui rentrent en compte dans la maîtrise de la distance relationnelle (mécanismes défensifs, stress, émotions, « juste » distance). Ainsi, je pense donner une vision globale du sujet, en lien avec mon objet de recherche. V : Cadre contextuel La question de départ de ce travail d'initiation à la recherche concerne le patient en fin de vie, sous entendu d'après le constat de départ, le questionnement initial et les entretiens effectués, le patient en soins palliatifs. Le soin palliatif correspond donc au cadre contextuel de ce travail. Il paraît donc nécessaire de définir le terme soin palliatif, ainsi que de rechercher les textes législatifs s’y rapportant. De plus, il est nécessaire de définir le rôle de l’infirmier au sein du soin palliatif accordé à un patient. En 1990, l’Organisation Mondiale de la Santé définit les soins palliatifs comme étant « des soins actifs, complets, donnés aux malades dont l’affection ne répond pas aux traitements curatifs…Les soins palliatifs affirment la vie et considèrent la mort comme un processus normal, ne hâtent ni ne retardent la mort, procurent un soulagement de la douleur et des autres symptômes pénibles, intègrent les aspects psychologiques et spirituels dans les soins aux malades, offrent un système de soutien pour aider les malades à vivre aussi activement que possible jusqu’à la mort… »6. De plus, en 1996, la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs, dont l’objectif principal est le développement et l’accès aux soins palliatifs, précise que : « Les soins palliatifs sont des soins actifs dans une approche globale de la personne atteinte d’une maladie grave évolutive ou terminale….Les soins palliatifs et l’accompagnement sont interdisciplinaires…La formation et le soutien des soignants et des bénévoles font partie de leur démarche. Les soins palliatifs et l’accompagnement considèrent le malade comme un être vivant et la mort comme un processus naturel »7. 6 7 PERRIER. Michel. FONDRAS. Jean-Claude. Soins palliatifs. Edition Doin. Juillet 2004. P 1. Ibid. PP 1-2. 16 Les premiers textes législatifs concernant les soins palliatifs en France sont apparus avec la loi du 9 Juin 1999 qui correspond au premier texte fondateur du développement des soins palliatifs en France. Ce texte précise que toute personne à droit à un accès et à un accompagnement à ce type de soins. Il précise le rôle des bénévoles et le droit à un congé pour les proches. La circulaire du 19 Février 2002 complète cette loi en parlant des unités de soins palliatifs avec l’intervention d’équipes mobiles de soins palliatifs, à domicile et en établissement de santé, et la présence de lits dédiés aux soins palliatifs. Ces divers axes législatifs ont été suivis par plusieurs programmes de développement des soins palliatifs (1999-2001: le plan Kouchner, qui a permis de renforcer l‘offre de soins palliatifs). Le plan actuel comporte trois axes : « la poursuite du développement de l’offre hospitalière et l’essor des dispositifs extra-hospitaliers, l’élaboration d’une politique de formation et de recherche, l’accompagnement offert aux proches »8. De plus, la loi Léonetti du 22 avril 2005, relative aux droits des patients en fin de vie, complète ces divers textes de loi en interdisant l’euthanasie active, en s’opposant à « l’obstination déraisonnable » (à l’aide des directives anticipées et de la personne de confiance, et qui passe par le respect de la volonté du patient). De même, elle indique l’obligation de la préservation de la dignité des patients et l’obligation de leur dispenser des soins palliatifs. Concernant les infirmiers, les articles R.4311-1 à R.4311-15 du décret n°2004-802 du 29/07/04, et plus précisément l’article R.4311-2 indiquent que « les soins infirmiers, préventifs, curatifs, ou palliatifs, intègrent qualité technique et qualité des relations avec le malade. Ils sont réalisés en tenant compte de l’évolution des sciences et des techniques. Ils ont pour objet, dans le respect des droits de la personne, dans le souci de son éducation à la santé et en tenant compte de la personnalité de celui-ci dans ses composantes physiologiques, psychologiques, économiques, sociales et culturelles… de participer à la prévention, à l’évaluation et au soulagement de la douleur et de la détresse physique et psychique des personnes, particulièrement en fin de vie au moyen des soins palliatifs et d’accompagner autant que besoin leur entourage »9. Le rôle de l’infirmier est donc d’accompagner le patient en fin de vie (ainsi que ses proches), tout en respectant les volontés de celui-ci. 8 SFAP collège des acteurs en soins infirmiers. L’infirmière et les soins palliatifs. Prendre soin: éthique et pratiques. Préface de Cicely Saunders. Edition Masson. 4 ème édition. P 9. 17 Cet accompagnement est donc inscrit dans le décret de compétence de l’infirmier. Ceci fait donc référence à une obligation législative de la part du soignant de délivrer des soins palliatifs, relatifs au rôle propre et prescrit de l’infirmier, auprès de patients en fin de vie. En effet, ces patients nécessitent l’accès à ce type de soins. L’infirmier a pour objectif d’établir une relation humaine face à des situations souvent difficiles à gérer, où le patient se sent souvent déshumanisé face aux conséquences de la maladie, sur son intégrité physique et psychique. Les objectifs de l’humanisation de l’infirmier sont « d’apprendre qui est la personne en fin de vie, écouter son histoire personnelle, honorer les dernières volontés du patient mourant…, créer un environnement de soin apaisant centré sur le patient, refuser de participer à la conspiration du silence qui entoure la mort, lutter contre l’isolement et l’abandon du patient mourant, encourager les soignants et proches à rester près de lui »10. Pour cela, l’infirmier doit acquérir dix compétences essentielles afin de dispenser des soins palliatifs de qualité au patient en fin de vie. Ces dix compétences sont « rester fort, avancer vers ses peurs, se lier, encourager les choix du patient, dire la vérité, donner de la force à la famille, prendre soin de l’esprit, aider à lâcher prise et s’en aller, apaiser et soulager, travailler en équipe »11. On peut donc en retenir qu’il existe un cadre législatif concernant la fin de vie des malades et l’accès aux soins palliatifs dont ils peuvent bénéficier. Les infirmiers sont aussi concernés par ce cadre législatif. De même, les infirmiers travaillant auprès de patients en soins palliatifs doivent développer des compétences essentielles à la prise en charge de ces patients mourants. Ces diverses compétences vont indéniablement rentrer en compte dans l’apprentissage et l’établissement d’une distance relationnelle soignant-soigné adaptée à la relation d’aide. Outre des connaissances techniques à acquérir pour l’infirmier afin d’accompagner au mieux un patient en fin de vie, l’accompagnement, et plus précisément la relation d’aide, spécifique au soin palliatif et au soin relationnel établi par l’infirmier, sont nécessaires à l’application des soins palliatifs. C’est en effet la relation d’aide qui va être primordiale au développement du soin palliatif auprès du patient. 9 Ibid. P 8. V.ZERWEKH. Joyce. Etre infirmier en soins palliatifs. Edition de boeck. 2006. 1ère édition. P 22. 11 Ibid. P 23. 10 18 De plus, c’est la relation d’aide que le soignant souhaite établir avec son patient qui va engendrer et conditionner l‘apprentissage de la distance relationnelle. Le premier concept développé au sein de ce cadre conceptuel est donc la relation d’aide. V : Cadre conceptuel A : La relation d’aide : Carl Rogers définit la relation d’aide comme était une relation dans laquelle « l’un au moins des deux protagonistes cherche à favoriser chez l’autre la croissance, le développement, la maturité, un meilleur fonctionnement et une meilleure capacité d’affronter la vie »12. De plus, la pyramide de MaslowII définit tous les besoins spécifiques à un être humain tels que le besoin physiologique, de sécurité, d’amour et d’appartenance, d’estime de soi, et de réalisation de soi. Ces besoins désignent les principes fondamentaux dont va s’intéresser la profession d’infirmier et vont intervenir dans la mise en place d’une relation d’aide auprès d’un patient mourant. Le patient, se sentant parfois démuni face à l’envahissement de la maladie sur son corps et son esprit, à besoin de cette relation d’aide afin de pouvoir appréhender sa fin de vie avec plus de sérénité. Au niveau législatif, l’article R.4311-3 indique que l’infirmier « identifie les besoins de la personne, pose un diagnostic infirmier, formule des objectifs de soins, met en œuvre les actions appropriées et les évalue ». De même, l’article R.4311-5 souligne que « dans le cadre de son rôle propre, l’infirmier ou l’infirmière accomplit les actes suivants (…) : 41 –Aide et soutien psychologique »13. L’ article R. 4311-2 stipule la « conception de la personne comme un être unique et avec des dimensions physiologiques, psychologiques, économiques, sociales et culturelles »13. De plus, l’article R. 4312-2 indique que l’infirmier doit « le respect de la dignité et de l’intimité de la personne ».13 12 Disponible sur http://www.6toliks.com/wpcontent/uploads/2011/09/4_2_20110923_JOCO_TD_les_bases_theoriques_de_la_relation_d_aide.pdf. P 8 II ANNEXE II. 13 Disponible sur http://www.6toliks.com/wpcontent/uploads/2011/09/4_2_20110923_JOCO_TD_les_bases_theoriques_de_la_relation_d_aide.pdf. P13 13 Ibid. P 13. 13 Ibid. P 15. 19 Ces textes de lois peuvent être associés à la relation d’aide exercée par un infirmier. En effet, dans la relation d’aide établie auprès d’un patient en fin de vie, l’infirmier apporte un soutien psychologique, respecte et accepte la personne telle quelle est, avec ses habitudes de vie, croyances et pensées en tant qu’être humain. Selon Claudette Foucault, titulaire d’une maîtrise en sciences infirmières, « la qualité de la relation humaine que l’infirmière parvient à établir avec la personne mourante et ses proches fait la différence quant à l’établissement d’un climat de confiance essentiel à la satisfaction de l’ensemble des besoins particuliers de ces personnes »14. La relation d’aide passe donc par la mise en place d‘une relation de confiance afin que le soigné accepte l’aide apporté par le soignant et qu’il puisse assurer un accompagnement de qualité dans les derniers instants de vie du patient. En effet, lors de la mise en place d’une relation d’aide par l’infirmier auprès d’un patient mourant, le soignant doit pouvoir être en capacité d’apporter son soutien au patient dans ces moments de vie pénibles. Il doit l’aider à surmonter ses problèmes, autant physiques que psychologiques, sociaux ou spirituels. De plus, le soignant doit apporter une aide à la famille et l’entourage du malade en les préparant au mieux à ce qu’ils vont vivre lors du décès de leur proche. Ainsi « notre intervention (l’intervention de l’infirmier) est alors d’aider la personne à se mettre à l’écoute d’ellemême pour qu’elle puisse identifier ses problèmes, à rester en relation et à vivre malgré la maladie, malgré les multiples pertes et deuils »15. L’infirmier fait donc en sorte que le malade reste maître de sa fin de vie, afin d’appréhender celle-ci de la meilleure façon qu’il soit. Pour cela, la relation d’aide va être conditionnée par « l’attitude »16 du soignant et du soigné. Cela signifie que le langage corporel peut traduire toutes les pensées et angoisses internes. Le soignant, en contrôlant l’expression de son langage corporel va pouvoir instaurer les prémices de la relation d’aide. En effet, « la posture générale de notre corps, nos gestes, les mouvements de notre buste et de notre tête, nos expressions du visage, le ton de notre voix et le rythme de notre respiration ont une incidence significative sur le déroulement de l’échange. Notre corps ne ment jamais »17. 14 SFAP collège des acteurs en soins infirmiers. op. cit. P 84. Ibid. P 86. 16 Ibid. P 87. 17 Ibid. P 88. 15 20 Il fait ainsi développer des « habilités »17 afin de mettre en place une relation d’aide de qualité. L’habilité comprend plusieurs critères: - L’écoute active, qui correspond à la capacité de mettre des mots sur les émotions et les sentiments sous entendus par le soigné. Cela nécessite une grande disponibilité et une attention de la part du soigné. - La capacité de spécifier et de faire spécifier, qui utilise la reformulation afin de faire préciser les dires du patient. - Le respect de la personne malade et de soi-même, qui considère autrui comme un être humain avec un vécu, une histoire et des sentiments. - La capacité d’être congruent, qui correspond à être authentique, c’est-à-dire rester fidèle entre sa pensée et ce que l’on exprime par la parole. Il est parfois difficile pour le soignant d’être authentique face à un patient en fin de vie. En effet, cela renvoie chez le soignant la peur de la mort dans le contexte de la relation d’aide avec le patient en fin de vie. - La compréhension empathique, qui signifie comprendre ce que l’autre vit sans y assimiler ses propres sentiments. Il est parfois difficile de ne pas tomber dans l’ empathie pour le soignant car la relation d’aide avec un patient en fin de vie développe très souvent des situations fortes en émotions. - La chaleur humaine, qui permet de prouver au soigné que le soignant le considère comme un être humain et le respecte. - Le non jugement, qui accepte autrui tel qu’il est et permet d’être impartial dans l’accompagnement et la prise en charge du patient en soins palliatifs. - La confrontation, qui permet d’affronter deux discussions opposées afin de permettre au soigné de se questionner sur ce qu’il désire vraiment. La relation d’aide passe aussi par l’entretien d’aide où le temps est défini, l’environnement minutieusement choisi afin de favoriser l’échange entre le soignant et le soigné. 17 Ibid. P 88. 21 Ce temps permet d’être disponible pour l’infirmier auprès du malade, et de mettre en place d’éventuels nouveaux axes de soins pouvant répondre aux besoins exprimés par le malade. Le soignant se doit ainsi de s’assurer que le soigné a bien compris le contenu de l’entretien écoulé. Toutefois, la relation d’aide au niveau infirmier à ses limites dans le cas où « le rôle infirmier est d’accueillir et de soutenir ce qui se vit dans l’instant (par rapport à la maladie, à l’hospitalisation). En revanche, si cette souffrance provient d’une problématique ancienne non réglée ou qu’elle s’exprime sur un mode pathologique, nous devons proposer l’aide de la psychologue sans pour autant nous trouver dépossédées de notre rôle » 18. Il est donc parfois nécessaire à l’infirmier de faire intervenir le psychologue de l’équipe pluridisciplinaire afin que le patient reçoive une prise en charge plus personnalisée sur d’éventuelles crises psychologiques le concernant. L’infirmier conserve alors le rôle qu’il détenait auprès du patient. Le psychologue vient compléter l’intervention du soignant de part sa formation et sa qualification plus spécifique. Il ne faut pas oublier le rôle de toute l’équipe. Elle peut être un réel soutien à l’infirmier quant à ses difficultés à instaurer ou maintenir une relation d’aide adaptée auprès du patient en fin de vie. On retient donc que l’infirmier doit mettre en œuvre diverses compétences dans la relation d’aide établie après du patient en soins palliatifs. Lorsque les principes de la relation d’aide sont maîtrisés par le soignant, ceux-ci sont indispensables à l’apprentissage de la distance relationnelle soignant-soigné. C’est en voulant mettre en place une relation d’aide adaptée à la fin de vie de son patient que l‘infirmier va prendre conscience qu‘il doit établir une distance relationnelle avec celui-ci. Afin d’instaurer une relation d’aide et essentiellement une distance relationnelle adaptée et face à des situations souvent difficiles à vivre dans le contexte de la fin de vie, il apparait essentiel au professionnel de santé de disposer d’un apprentissage lui permettant d’accompagner au mieux ces patients mourants. 18 Ibid. P 91. 22 B : Formation et apprentissage : L’apprentissage, par le dictionnaire Larousse, est défini comme « un ensemble de processus de mémorisation mis en œuvre par l’homme ou l’animal pour élaborer ou modifier les schèmes comportementaux spécifiques sous l’influence de son environnement et de son expérience »19. L’apprentissage spécifique au métier d’infirmier correspond tout d’abord à la formation initiale délivrée en institut de formation aux soins infirmiers, et à la formation continue tout au long de l’exercice professionnel de l’infirmier. Concernant la formation en lien avec l’objet de recherche, c’est-à-dire l’apprentissage de la distance relationnelle au cours de l’exercice professionnel d’un infirmier, c’est de la formation continue dont il est question. Il faut tout de même préciser qu’au cours de la formation initiale, des unités d’enseignement traitent du soin palliatif telles que l’unité d’enseignement 4.7 de la compétence 4, du semestre 5. Cette unité d’enseignement est intitulée soins palliatifs et fin de vie. L’unité d’enseignement 4.2 de la compétence 6 du semestre 5 traite quant à elle du soin relationnel. Lors de ces cours, des situations étudiées ont pu traiter du soin relationnel dispensé à un patient en soins palliatifs. A propos de la formation continue, la loi HPST (hôpital, patients, santé et territoires) du 21/07/2009 « instaure l’obligation de développement professionnel continu à l’ensemble des professionnels de santé… et conforte la dynamique existante : tous les professionnels de santé sont déjà soumis à l’obligation de formations continues et de développer la mise en œuvre des recommandations professionnelles »20. Concernant cette formation continue, l’engagement d’un infirmier d’accompagner des patients en fin de vie, que ce soit en unité de soins palliatifs, en service de médecine, d’urgences, de chirurgie ou de gériatrie long séjour, doit aussi passer par une réelle volonté de dispenser ce type d’accompagnement. En effet, « rien ne remplace la démarche personnelle de l’infirmière et son engagement dans l’accompagnement des grands malades »21. L’infirmier doit donc vouloir se former pour assurer une relation d’aide de qualité auprès de ces patients en soins palliatifs et adapter ainsi la distance relationnelle avec celui-ci. Cela passe par la motivation et le volontariat. 19 Consulté le 15 Novembre 2012. Disponible sur http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/apprentissage/4748 20 Disponible sur http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_334625/selon-votre-profession 21 Disponible sur http://www.institut-upsadouleur.org/Protected/UserFiles/IgwsIudV5/Resources/Document/ouvrages/soins_palliatifs/institut-upsadouleur-soins-palliatifs-en-equipe.pdf. P 125. 23 Les infirmiers peuvent se voir dispenser des cours en formation continue spécifiques aux soins palliatifs. Ces cours sont composés de divers modules. Les infirmiers peuvent participer à des séminaires ou des congrès. Ils peuvent obtenir un diplôme universitaire en soins palliatifs, développer une culture personnelles à l’aide de lectures, vidéos, témoignages de professionnels. La formation continue permet à tout infirmier travaillant auprès de patients en fin de vie de développer de réelles compétences d’accompagnement. Ils acquièrent ainsi les concepts fondamentaux nécessaires à la prise en charge physique, psychologique et spirituelle de ces patients. Il est possible pour ces professionnels de santé d’obtenir un diplôme universitaire en soins palliatifs. « Il s’agit d’une formation première où sont abordées les différentes facettes de ce que comporte la pratique des soins palliatifs dans leurs compétences cliniques, techniques, relationnelles, psychiques et éthiques en vue de rencontrer au mieux un patient singulier »22. Cette formation peut être complétée par une autre année de diplôme inter universitaire de soins palliatifs qui poursuit les acquis du diplôme universitaire en soins palliatifs. Afin d’acquérir les compétences nécessaires à la maîtrise de la distance relationnelle, lors de cette formation, la compétence relationnelle va être développée en ce qui concerne « l’accueil, l’écoute, l’apprentissage de la communication verbale et non verbale »23. De plus, « l’accompagnement des personnes en fin de vie et de leurs proches relève des missions de tout professionnel de santé. Il convient donc de mettre à leur disposition les savoirs et les compétences dans le cadre de formations initiales et continues »24. Si tout professionnel de santé ne souhaite pas obtenir un diplôme universitaire, au moins une sensibilisation à l’accompagnement et à la relation d’aide aux soins palliatifs reste indispensable. La formation permet de « mieux comprendre la problématique de ces patients à partir d’échanges sur l’expérience des soignants participants. Elle permet également aux soignants d’appréhender leurs propres représentations de la mort, de l’accompagnement, d’aborder leurs peurs et leurs appréhensions, de mutualiser des expériences et d’engager une réflexion sur la dimension du soin, du prendre soin. 22 Consulté le 19 Novembre 2012. Disponible sur http://www.sfap.org/content/liste-des-du-diu Disponible sur http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/Accompagnement_court.pdf. P 15. 24 Disponible sur http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/Accompagnement_court.pdf. P 17. 23 24 L’intention pédagogique est de permettre aux soignants de donner sens à leurs actes personnels et collectifs et de développer un sentiment d’accomplissement personnel »25. En effet, il est important pour tout professionnel de santé étant en contact avec un patient en fin de vie de « mettre de côté ses idées personnelles »26 et sa propre représentation du soin auprès du patient mourant. Cela ne s’apprend pas instantanément mais tout au long de l’exercice professionnel du soignant. Il ne faut pas transférer ses propres espoirs sur le patient afin que celuici soit maître de ses décisions. L’infirmier ne doit pas contrôler les volontés du patient quant à sa fin de vie mais l’aider à contrôler sa propre vie. De plus, « nous devons respecter l’autonomie des patients et de leur famille et reconnaître les situations où nous pouvons, de celles où nous ne pouvons pas agir. Ainsi, développer l’idée d’objectifs réalistes et mettre de côté ses idées personnelles sont des compétences essentielles pour rester forte dans ce travail » 26. La formation permet de mettre en avant les besoins du patient sur lesquels nous pouvons agir sans faire interagir nos propres souhaits. Ainsi, rester neutre permet de ne pas trop s’impliquer, et d’établir une distance relationnelle appropriée avec le patient. La formation va aussi permettre à l’infirmier de prendre conscience que travailler auprès de patients en soins palliatifs, qui sont donc incurables, ne doit pas être ressenti par le soignant comme de l’impuissance. L’infirmier détient le rôle essentiel de l’accompagnement jusqu’au décès du patient. En effet, « il est important de situer la relation d’accompagnement dans la vie, car les soignants sont des vivants au service d’autres êtres vivants, dont la vie est sur le point de se terminer »27. De plus, « le soignant doit clarifier en lui ce qui fait encore sens dans les soins et la relation malgré les pertes… et l’impuissance à soulager complètement. Cela guide ses actions : écoute des besoins du malade et de sa famille, soutien dans la réalisation des désirs et projets au jour le jour »28. L’intervention du soignant auprès d’un patient en fin de vie va donc être essentielle au malade dans ses derniers instants. La formation va aider l’infirmier à se rendre compte de son utilité et de son rôle prépondérant dans ce type d’accompagnement. 25 Disponible sur http://www.institut-upsadouleur.org/Protected/UserFiles/IgwsIudV5/Resources/Document/ouvrages/soins_palliatifs/institut-upsadouleur-soins-palliatifs-en-equipe.pdf. P 125. 26 V.ZERWEKH. Joyce. op. cit. P 57. 26 Ibid. P 57. 27 SFAP collège des acteurs en soins infirmiers. op. cit. P 96. 28 Ibid. PP 95-96. 25 Le soignant pourra ainsi faire la part des choses entre ses désirs et ceux du patient, et intégrer le rôle qu’il détient auprès d‘un patient qui va décéder du fait de sa pathologie. Cela va ainsi lui permettre d’instaurer une distance relationnelle adaptée avec le patient en fin de vie. La formation et la capacité d’être à l’écoute de soi, de ses émotions, ressentis, apprendre de son passé, de ses expériences, permettent d’effectuer un apprentissage personnel sur le soignant. En effet, la connaissance de soi apparaît essentielle pour établir une distance relationnelle adaptée au patient en soin palliatif. Le manque de connaissance de soi peut être « la conséquence d’une formation insuffisante sur le plan du développement personnel ou encore un défaut de suivi et de soutien au cours de l’accompagnement »29. C’est ainsi que la distance relationnelle peut être mal analysée avec le patient et avoir des répercussions négatives sur la relation d’aide établie. En effet, comme l’a écrit Dominique Rispail, cadre infirmier, il faut « mieux se connaître pour mieux soigner ».30 Soigner quelqu’un nous met face aux ressentis de l’autre, ses angoisses, ses peurs qui nous renvoient à nos propres sentiments. Se connaître, comprendre ses ressentis, permet de mieux les maîtriser et influe sur la distance relationnelle. Les infirmiers doivent donc « apprendre à bien connaitre leurs valeurs, leurs motivations, leurs émotions, mais également leurs limites, leurs craintes et leurs aversions. Il s’agit d’améliorer la compréhension que l’on a de soi-même pour mieux communiquer, évoluer et s’épanouir, entretenir des relations professionnelles satisfaisantes et apprendre à gérer les situations difficiles »30. On peut donc en retenir que l’apprentissage personnel des soignants, et la formation permettent « le développement personnel. Il faut donc apprendre à se connaître, à prendre soin de soi, à se ressourcer si l’on veut pouvoir soigner l’autre en gardant la bonne distance, celle qui permet la compassion, sans se réfugier derrière les barrières défensives trop rigides, sans se perdre non plus dans la souffrance de l’autre »31. La distance relationnelle va donc être le prochain point développé ci-dessous. 29 Ibid. P 61. Disponible sur http://books.google.fr/books/about/Mieux_se_conna%C3%AEtre_pour_mieux_soigner.html?hl=fr&id=uPXh0Ji qQL8C. 30 Ibid. 31 DE HENNEZEL. Marie. op. cit. P 110. 30 26 C: La distance relationnelle: D’après Pascal Prayez, psychologue clinicien, « la distance est la séparation de deux points dans l’espace, de deux objets éloignés l’un de l’autre par un écart mesurable. Selon l’ étymologie latine, il s’agit de « se tenir debout » en étant séparé de l’autre par un espace plus ou moins important »32. De plus, il précise que la juste distance est comme « la capacité à être au contact d’autrui malgré la différence des places, le soin relationnel est donc réalisé au contact du patient »33. Au cours d’une relation d’aide établie auprès du patient en fin de vie, le soignant peut développer des mécanismes de défense qui viennent parasiter la relation et ainsi créer une distance relationnelle soignant-soigné inadaptée. 1 : Les mécanismes défensifs : Les différents mécanismes pouvant être rencontrés au cours du soin relationnel établi avec le patient sont les suivants : - Le mensonge, qui consiste à citer un symptôme au lieu de citer la maladie. Le mensonge permet de contourner la vérité, la situation vécue comme parfois difficile et source d’angoisse. Or, le mensonge ne rend pas authentique le soignant et sa relation avec le patient. - La fuite en avant, qui correspond au fait de dévoiler toute vérité au patient, même si celui-ci n’est pas prêt à tout entendre, afin que le soignant soit libéré de sa pensée et ne garde rien pour lui. - La fausse réassurance, qui permet de faire croire au malade qu’il y a un espoir alors que le malade lui-même sait qu’il n’y en a plus. - La rationalisation, qui signifie que le soignant utilise des termes médicaux techniques et très compliqués. Il pense ainsi préserver le malade et être honnête avec lui. 32 PRAYEZ. Pascal. Distance professionnelle et qualité du soin. Edition Lamarre. Pays-Bas 2009. 2ème Edition. P5. 33 PRAYEZ. Pascal. op. cit. P 64. 27 Or, la rationalisation empêche la mise en place d’une dimension relationnelle avec le malade du fait des propos incompréhensibles pour le soigné. - L’évitement, qui signifie que le soignant perçoit le soigné comme étant un objet auquel des soins sont procurés. L’évitement empêche la mise en place de toute relation avec le patient. - L’identification projective, qui correspond au seul mécanisme défensif où le soignant et le soigné ont une distance relationnelle très proche. Le soigné s’identifie au soignant, pense ressentir tout ce que le malade ressent. Pour contrôler le mécanisme d’identification projective, le soignant doit comprendre qu’il ne vit pas sa propre mort par anticipation. En effet, le soignant doit accompagner le patient qui va vivre sa propre mort. Cela permet ainsi d’adapter une meilleure distance relationnelle avec le patient. Prendre conscience de ces mécanismes de défense et apprendre à les reconnaître permet l’instauration d’une distance relationnelle adaptée à la relation d’aide avec le patient en fin de vie. De plus, l’apprentissage de la distance relationnelle soignant-soigné va se développer tout au long de l’exercice professionnel de l’infirmier grâce à la gestion de son stress. 2 : Gestion du stress : En effet, établir une distance relationnelle adaptée par le soignant envers le patient en fin de vie va générer des émotions, un questionnement, des situations complexes à gérer vu le contexte. Tout ceci est source de stress. Cependant, « il est classique d’affirmer qu’il n’y a pas de bons ou de mauvais facteurs de stress, mais de bonnes ou de mauvaises façon d’y réagir… Ce sont les limites de la gestion du stress; apprendre à s’adapter à son environnement sans le remettre en question, apprendre à trouver des stratégies défensives qui permettent de « fonctionner » sans se révolter devant des situations inacceptables »34. Ne pas gérer son stress met donc en place de trop grandes barrières défensives qui inhibent la distance relationnelle adéquate. Ainsi, gérer son stress peut être appris par des formations spécifiques ou par la lecture d’ouvrages qui peuvent compléter la formation. 28 De plus, l’expérience et l’échange avec d’autres professionnels, ainsi que le ressourcement personnel, contribuent à la gestion de ce stress vécu par le soignant. Il y a complication de l’adaptation d’une « juste » distance relationnelle avec le soigné lorsque le stress n‘est pas maitrisé. En effet, concernant le ressourcement personnel qui intervient dans la gestion de ce stress, « les soignants en soins palliatifs expriment souvent l’idée selon laquelle l’équilibre des travailleurs ne peut être préservé que par l’établissement d’une frontière stricte entre temps de travail et de non-travail. Il s’agit pour chacun de créer et d’entretenir constamment un mode de vie fondé sur l’existence de deux univers distincts. Cette séparation entre vie privée et vie professionnelle est posée comme une condition impérative du travail en soins palliatifs... Il importe avant tout d’être capable de préserver son rôle et son identité professionnelle... Travailler en soins palliatifs nécessiterait ainsi une parfaite connaissance des frontières et des limites du rôle soignant, connaissance qui ne s’acquiert souvent que douloureusement, à travers l’expérience éprouvante de la « perte » des limites »35. Pour l’apprentissage de la « bonne » distance relationnelle, et pour la gestion de son stress, il est donc essentiel à tout soignant travaillant avec un patient en soin palliatif, de faire la part entre travail et vie privée. Avoir une vie privée dans laquelle le soignant se coupe de tout ce qu’il vit dans son travail lui permet ainsi de se ressourcer, d’être plus professionnel. Ainsi, le soignant peut ajuster la distance relationnelle lorsqu’il prend en charge des patients en fin de vie. De plus, cet apprentissage de la « bonne » distance ne se fait pas sans conséquences. C’est souvent lorsque le soignant ne respecte pas cette distance relationnelle, qu’il ne contrôle plus ses affects avec le soigné, et qu’il en subit les conséquences du fait de son implication inadaptée, que le soignant apprend de ses erreurs. Le soignant arrive ainsi au cours de son exercice professionnel à adapter la distance relationnelle dans le but d’assurer une relation d’aide adaptée avec ses patients. Une mauvaise gestion du stress va donc engendrer une réelle difficulté au soignant à adapter sa distance relationnelle, où il sera plutôt distant face au patient. Ne pas savoir gérer son stress ne permet donc pas d’adapter la distance relationnelle. Cependant, il existe des situations où le soignant ne met plus de barrières protectrices avec le soigné. 34 PRAYEZ. Pascal. op. cit. P 57. 29 La distance relationnelle devient alors trop étroite, inadaptée. 3 : Distance relationnelle étroite : En effet, pour l’apprentissage d’une distance relationnelle de qualité, le soignant doit comprendre que si il donne trop au soigné, celui-ci n’étant pas en capacité de faire de même en retour, un déséquilibre va se créer dans la relation. En effet, lorsque le soignant « répond à des questions concernant sa vie privée, lorsqu’il donne trop largement ou systématiquement du temps après ses horaires de travail, lorsqu’il échange des objets personnels… donner sans compter fait perdre toute distance »36. De même, dans le contexte d’un accompagnement d’un patient en fin de vie, le soignant, de par sa nature humaine, peut se laisser envahir par ses émotions et par la situation. Il s’investi alors de trop avec ses patients. Il peut arriver que le soignant, se rendant compte qu’il est beaucoup trop investi auprès du soigné et qu’il ne maîtrise plus la distance relationnelle établie, coupe court à toute relation. Le risque majeur est donc le sentiment d’abandon de la part du soigné et le sentiment pour le soignant de ne pas avoir rempli son rôle d’accompagnant comme il le devait. Apprendre à ne pas trop s’investir avec le patient en soins palliatifs permet au soignant d’adapter la distance relationnelle établie. Le professionnel doit garder sa place de soignant. Cela permet aussi une prise en charge relationnelle de qualité pour le malade. Par conséquent, pour apprendre à ne pas trop s’investir avec le patient, il faut d’une autre part apprendre à gérer ses affects et ressentis. 4 : Gestion des affects : En effet, « La gestion des affects correspond donc à un aspect significatif de l’activité soignante en soins palliatifs. Pour Marcel DRULHE (2000), (qui a travaillé sur la sociologie de la santé et de la vieillesse), le travail émotionnel opère la génération et la gestion de ses propres émotions ainsi que la gestion des émotions des autres : on ne peut pas aider les gens dans leur confrontation à des problèmes émotionnels sans que l’on réagisse soi-même sur ce même registre de l’émotion; la clarification de ses propres réactions affectives parait être un aspect important de cette sorte d’activité pour soutenir et réconforter sans rendre dépendant, sans 35 Consulté le 30 Novembre 2012. Disponible sur :http://www.social-sante.gouv.fr/publications/Revue_Travailet-Emploi/pdf/97_2478.pdf. PP 5-6 30 aliéner. Il reste que l’un des enjeux de ce travail consiste à choisir l’expression ou une forme de manifestation de ses propres émotions »37. Le soignant ne doit donc pas se laisser envahir par ses affects avec un patient mourant, ou sa pratique professionnelle s’en verrait altérée. Apprendre à maîtriser ses affects permet au soignant d’ajuster la distance relationnelle avec le malade. C’est ainsi que « Travailler en contact direct avec des personnes (a fortiori lorsqu’ il s’agit de souffrance et de mort) suppose d’établir une certaine distance affective, une protection intellectuelle et émotive, indispensable pour bien accomplir sa tâche »37. Chaque soignant sera amené à prendre des risques émotionnels. Il est important d’en prendre conscience et surtout de pouvoir échanger avec des collègues afin d’apprendre à gérer ses émotions et apprendre de l’expérience de ces autres professionnels de santé. Ce travail s’effectue tout au long de l’exercice professionnel du soignant. Le soignant apprend à gérer ses émotions en apprenant de ses erreurs. Ainsi, gérer ses affects permet la mise en place de l’apprentissage d’une distance relationnelle adaptée au patient en soins palliatifs. 5 : Échange en équipe et groupe de parole: Échanger avec son équipe et participer à des groupes de paroles intervient dans l’apprentissage de la distance relationnelle. En effet, « l’équipe représente un moyen efficace de défense de l’individu pour assumer les difficultés liées à la prise en charge des patients mourants : affronter la souffrance relève alors d’une démarche collective, médiatisée par le groupe… L’équipe apparaît alors comme un support et un instrument de la « bonne distance » pour le soignant »38. Pouvoir échanger avec une autre personne ou un groupe de personne, qui est susceptible de comprendre ce que le soignant vit, permet au soignant de se dégager de ses difficultés à adapter la distance relationnelle avec le malade. Ainsi, le soignant peut recevoir les conseils de ses collègues, apprendre de leur erreurs et de ses erreurs. Également, le soignant apprend au fur et à mesure de son exercice professionnel à adapter la distance relationnelle. 36 PRAYEZ. Pascal. op. cit. P 63. Consulté le 30 Novembre 2012. Disponible sur http://www.social-sante.gouv.fr/publications/Revue_Travailet-Emploi/pdf/97_2478.pdf. P 5. 37 Ibid. P 5. 37 31 De plus, les groupes de paroles, qui sont des temps de rencontre avec les professionnels d’un même service, permettent aux soignants d’avoir la possibilité d’échanger sur leurs difficultés et vécus auprès des patients en fin de vie. Les groupes de paroles ont été créés par la Fondation de France en 1994. Ce sont les professionnels eux même qui en font la demande lorsqu’ils en ressentent le besoin. Le groupe de parole est le plus souvent animé par un psychologue extérieur au groupe. Les participants doivent être volontaires et se sentir impliqués. Lors de ces groupes de paroles, les soignants peuvent y mettre des mots sur leurs maux. C’est un lieu où l’écoute et la parole sont primordiaux. Ainsi, le groupe de parole représente un outil indispensable d’apprentissage et de formation à la distance relationnelle adaptée au patient en fin de vie. En effet, le groupe de parole est un outil psychologique où les soignants peuvent réfléchir sur leur pratique professionnelle et échanger sur des situations complexes vécues auprès de patients en fin de vie. Ainsi, l’échange permet de mettre en avant d’éventuelles stratégies d’adaptation à ces situations complexes. De plus, « le soignant n’est plus seul et peut se libérer d’une culpabilité vécue lors d’émotions ambivalentes ressenties à l’égard des patients »39. De plus, le groupe de parole aide le soignant dans l’apprentissage de la distance relationnelle avec le malade. Toutefois, il est essentiel de préciser que le groupe de parole à ses limites, comme tout outil d’apprentissage et de communication. En effet, l’organisation du travail, les attentes différentes des soignants, leur niveau de souffrance, sont des facteurs à prendre en compte, et qui peuvent rendre difficile l’obtention des bénéfices du groupe de parole pour chaque soignant. On en retient donc que l’apprentissage d’une distance relationnelle soignant soigné passe donc par la maîtrise des mécanismes défensifs, par la gestion du stress, par la nécessité d’un ressourcement personnel. De même, il faut tenir compte de l’importance de la gestion d’une distance étroite et non adaptée. De plus, la gestion des affects, ainsi que l’importance d’échanges entre collègues et des groupes de paroles interviennent dans l‘apprentissage de cette distance relationnelle. L’apprentissage de la maîtrise et l’importance de ces divers éléments permettent aux soignants travaillant auprès de patients en soins palliatifs d’adapter la distance relationnelle mise en place. 38 39 Ibid. P 7. PRAYEZ. Pascal. op. cit. P 142. 32 Ainsi, l’apprentissage de la « juste » distance crée un lien de qualité avec le malade, ce qui représente le point essentiel de la relation d’aide. VI : Hypothèse Après avoir effectué ces nombreuses recherches dans le but d’alimenter ce travail d’initiation à la recherche, j’au pu émettre une hypothèse. En effet, les nombreux points développés ci-dessus sont les éléments essentiels ressortis de mes nombreuses lectures en lien avec mon objet de recherche. Il apparaît ainsi primordial pour un infirmier travaillant auprès de personnes en fin de vie d’être préparé à ce qu’il va partager avec le patient. Cette préparation passe par un apprentissage de la distance relationnelle soignant-soigné qui se définit par une formation adaptée, un apprentissage personnel et continu de la part du soignant, et qui passe par le développement personnel du soignant. L’hypothèse que j’émets et que je devrais ensuite vérifier par de nouvelles enquêtes auprès des professionnels de santé si je poursuivais ce travail est la suivante : L’apprentissage de la distance relationnelle soignant-soigné passe par une formation adaptée et un développement personnel continu. Cela passe par exemple par la connaissance de soi, le ressourcement personnel et la gestion de divers critères pouvant altérer l‘adaptation de la distance relationnelle soignant soigné. Ces différents points permettent d’acquérir des compétences afin d’adapter la relation d’aide établie au patient en fin de vie. J’ai déjà fait émerger précédemment l’idée qu’il était nécessaire pour le soignant de développer des compétences essentielles à cet apprentissage de la distance relationnelle. La relation d’aide établie auprès d’un patient en fin de vie va faire naître la nécessité d’adapter la distance relationnelle avec le patient. Ceci dans le but que cet apprentissage de la distance relationnelle soignant-soigné permette la mise en place d’une relation d’aide adaptée au patient en fin de vie. 33 VII : Conclusion A l’aide de ce travail, j’ai voulu développer une initiation à la recherche intéressant la distance relationnelle établie auprès d’un patient en fin de vie. Mon questionnement, ainsi que mes nombreuses recherches, m’ont permis d’alimenter mon objet de recherche. En effet, ma question centrale concerne l’apprentissage de la distance relationnelle soignant-soigné, au cours de l’exercice professionnel d’un infirmier, dans l’établissement d’une relation d’aide adaptée au patient en fin de vie. J’ai ainsi pu découvrir l’importance pour le soignant de développer des compétences spécifiques à la relation d’aide, dans le but d’ajuster la distance relationnelle soignant-soigné. L’apprentissage de cette distance se met en place progressivement à l’aide d’une formation adaptée et d’un développement personnel continu, basé sur la connaissance de soi et le ressourcement personnel. Cet apprentissage permet de mettre en avant l’utilité et le rôle prépondérant des soignants auprès des patients en soins palliatifs. De plus, il est essentiel pour les soignants de développer la capacité à dévier les mécanismes défensifs pouvant être présents lors de la mise en place d’une relation d’aide, et altérant ainsi l’apprentissage de la distance relationnelle. De même, la gestion du stress, la non-implication démesurée, ainsi que les échanges entre collègues et les groupes de parole sont des éléments essentiels à l’apprentissage de la distance relationnelle soignant-soigné. Ce travail peut intéresser tout professionnel de santé. En effet, chaque soignant est susceptible, au cours de sa carrière professionnelle, de rencontrer des patients en soins palliatifs et de les accompagner. Il est important de développer des compétences en lien avec l’établissement de la relation d’aide et l’apprentissage de la distance relationnelle. Cela permet ainsi l’instauration d’une prise en charge personnalisée et de qualité pour ces patients en fin de vie. En tant que future infirmière, ce travail m’a permis de mesurer l’importance de l’apprentissage de la distance relationnelle soignant-soigné, afin de préserver le soignant et le soigné. De plus, il est important pour tout infirmier d’avoir un questionnement perpétuel face à la prise en charge des patients en soins palliatifs, dans le but de faire évoluer notre pratique professionnelle. Dans ce travail, j’ai essentiellement traité de la distance relationnelle soignant soigné avec un patient en soins palliatifs. 34 Je n’ai pas traité de la place de la famille auprès de leur proche en fin de vie. Or, la famille détient une place extrêmement importante dans l’accompagnement du patient en fin de vie. De plus, il est essentiel de soutenir et d’accompagner la famille, car ils seront toujours présents après le décès du patient. Cet accompagnement de la famille de la part du soignant va avoir des répercussions sur le vécu de la fin de vie du patient et sur le processus de deuil des proches. Une recherche ultérieure à ce travail peut donc être envisagée et concerner l’accompagnement des proches d’un patient en soins palliatifs. 35 Bibliographie - Ouvrages : * DE HENNEZEL. Marie. Le souci de l’autre. Edition Pocket. Paris. 2005. 192 pages. * MERCADIER. Catherine. Le Travail émotionnel des soignants à l'hôpital: Le corps au cœur de l'interaction soignant-soigné. Seli Arslan (Paris). 2002. 287 pages. * PERRIER. Michel. FONDRAS. Jean-Claude. Soins palliatifs. Edition Doin. Juillet 2004. 252 pages. (collection conduites). * PRAYEZ. Pascal. Distance professionnelle et qualité du soin. Edition Lamarre. Pays-Bas 2009. 2ème Edition. 287 pages. * SFAP collège des acteurs en soins infirmiers. L’infirmière et les soins palliatifs. Prendre soin : éthique et pratiques. Préface de Cicely Saunders. Edition Masson.4ème édition. 250 pages. * V.ZERWEKH. Joyce. Etre infirmier en soins palliatifs. Edition de boeck. 2006. 1ère édition. 449 pages. - Sites internet : * RISPAIL. Dominique. Google books. Mieux se connaître pour mieux soigner. (en ligne). Consulté le 30 Novembre 2012. Disponibilité et accès sur http://books.google.fr/books/about/Mieux_se_conna%C3%AEtre_pour_mieux_soigne r.html?hl=fr&id=uPXh0JiqQL8C. * SOUM-POUYALET. Fanny. Face à face. Le risque émotionnel en cancérologie. Problématiques de la communication dans les rapports entre soignants et soignés. (en ligne). Consulté le www.faceaface.revues.org/257. 26 Juin 2012. Disponibilité et accès sur * HAS. HAUTE AUTORITE DE SANTE. Selon votre profession. (en ligne). Consulté le 18 Novembre 2012. Disponibilité et accès sur http://www.has- sante.fr/portail/jcms/c_334625/selon-votre-profession. * INSTITUT UPSA DE LA DOULEUR. Soins palliatifs en équipe: le rôle infirmier. (support PDF). Edition 2006. 205 pages. Disponibilité et accès sur : http://www.institut-upsadouleur.org/Protected/UserFiles/IgwsIudV5/Resources/Document/ouvrages/soins_pa lliatifs/institut-upsa-douleur-soins-palliatifs-en-equipe.pdf. * DE HENNEZEL. Marie. Mission " fin de vie et accompagnement ". Octobre 2003. (en ligne). Consulté le 18 Septembre 2012. Disponibilité et accès sur http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapportspublics/034000617/0000.pdf. * DICTIONNAIRE LAROUSSE. Définition de l'apprentissage. (en ligne). Consulté le 15 Novembre 2012. Disponibilité et accès sur http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/apprentissage/4748. * Conférence. L'accompagnement des personnes en fin de vie et de leurs proches. Mercredi 14 et jeudi 15 janvier 2004 à la Faculté Xavier-BICHAT –PARIS. (support PDF). 17 pages. Consulté le 21 Novembre 2012. Disponibilité http://www.reseauspes.com/pdf/guides_et_recommandations/accompagnement_en_f in_de_vie_anaes.pdf. * SFAP. SOCIETE FRANCAISE D'ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS. Liste des DU & DIU. (en ligne). Consulté le 19 Novembre 2012. Disponibilité et accès sur http://www.sfap.org/content/liste-des-du-diu. * CASTRA. Michel. Faire face à la mort : réguler la " bonne distance " soignantsmalades en unité de soins palliatifs. Revue travail et emploi n° 97. Janvier 2004. Vol. 64. (support PDF). 12 pages. Consulté le 30 Novembre 2012. Disponibilité et accès sur http://www.social-sante.gouv.fr/publications/Revue_Travail-etEmploi/pdf/97_2478.pdf. * IFSI FORT DE FRANCE. Bases théoriques de la relation d'aide. (support PDF). 2010. Mise à jour le 23/09/2011. 17 pages. Disponibilité et accès sur http://www.6toliks.com/wpcontent/uploads/2011/09/4_2_20110923_JOCO_TD_les_bases_theoriques_de_la_r elation_d_aide.pdf. ANNEXE I Retranscription de l’entretien avec le psychologue de l’équipe mobile de soins palliatifs MOI: Est-ce que d’après vous gérer ses émotions pour un infirmier peut modifier son travail auprès d’un patient mourant? PSYCHOLOGUE: Moi je dirais, comme ça, effectivement c’est plutôt la non gestion qui peut modifier, et encore ça reste toujours très relatif, modifier pour qui? Le patient en fin de vie ou pour l’IDE? MOI: Plus pour la prise en charge du patient en fin de vie. PSYCHOLOGUE: Bon, le patient il n’est pas tout seul avec l’IDE, il y a une équipe derrière donc de toute façon vous avez le droit d’être très mal à l’aise avec un patient. Vous devez de toute façon assurer les soins. Mais l’avantage, c’est que vous êtes en équipe, et que si l’équipe fonctionne bien vous pouvez passer la main, sauf cas particuliers où il n’y a pas possibilité. De toute façon il y a toujours des moyens pour se sortir de ces situations là. Alors impacter le patient, c’est compliqué parce que c’est pareil, le patient n’est pas face à une infirmière mais face à une équipe. Donc il y a des gens avec qui il va bien s’entendre et d’autres ça va mal passe. Donc, comme ça, effectivement je ne sais pas si ça a de l’impact, le seul impact que ça pourrait avoir c’est sur l’IDE même. En soins palliatifs, vous êtes face à des patients en fin de vie, ça fait vivre beaucoup de choses, et c’est surtout comment l’on va réagir parce-que ça nous touche. Alors c’est sur que si toutes les infirmières fuient, ça aura un impact sur le patient parce-que effectivement il ne sera pas pris en charge, il ne sera pas entendu et sa douleur ne sera pas gérée. Il y a aussi le risque que l’infirmière soit blindée, alors si toutes les infirmières le sont, c’est sur que le patient ne sera pas pris en charge. Se blinder c’est un mécanisme défensif, c’est se protéger face à l’horreur. Je pense que le but c’est de ne jamais se blinder, c’est juste de prendre conscience qu’on vit des choses et quand même d’arriver à garder cette humanité pour celui qui est fragile. Le risque au final est l’abandon, que le patient soit tout seul. On voit certains comportements aussi. On pense que si le patient est très âgé et bien c’est une fatalité, il est vieux il va donc mourir. Soit c’est des très jeunes patients, enfin des gens qui pourraient au moins avoir les âges des soignants à l’hôpital, et à ce moment là, ça déclenche aussi des réactions défensives. Le problème pour un soignant est de tomber dans le mode opératoire. C’est-à-dire on pose un cathéter, on pose une perf mais l’être humain derrière on n’y pense plus trop. Le risque au final c’est l’abandon du patient, même si effectivement le chemin vers la mort il le fait seul, il a quand même besoin d’être entouré. Le risque c’est que soi même en tant que soignant, si l’on n’a pas travaillé sur ce que ça nous fait vivre, soit on part, c’est-à-dire on abandonne le métier parce-que c’est trop dur, soit on va se blinder. A ce moment là? on va être dans des actions mécaniques, on s’occupe d’un corps, mais l’être humain derrière on le voit plus et on ne veut plus le voir, parce-que c’est trop difficile, parce-que cet être humain derrière c’est moi. Alors effectivement toute la complexité est là, le métier de soignant c’est d’arriver toujours à trouver le juste milieu. Alors à l’école on vous apprend et on vous parle de la juste distance, c’est important qu’ils vous en parlent mais c’est important aussi de ne pas oublier que la juste distance ce n’est pas une fois pour toute. C’est à chaque patient une nouvelle histoire et une nouvelle rencontre et à chaque fois, c’est retravailler la question. Il y a des gens avec qui vous allez être plus proche, d’autres avec moins de proximité. Mais vu que c’est une équipe, il y aura toujours plus de proximité pour l’un, et ça va pouvoir se goupiller plutôt pas mal. Le problème c’est quand tout un service fonctionne comme ça, et là c’est vraiment problématique parce que là les patients sont vraiment tout seuls. Donc effectivement il faut travailler son propre vécu parce que c’est important. MOI: Qu’est-ce-qui d’après vous est nécessaire pour prendre en charge un patient en fin de vie? PSYCHOLOGUE: Alors il faut de la compétence, un savoir faire avec les traitements etc… En tant qu’infirmière? il faut maîtriser les voies d’abord, avoir des connaissances mais ça on va dire c’est-ce qui est important sur le plan technique. Après c’est sur le plan humain que ça va compter parce que de toute façon dans le soin palliatif, c’est ça qui prime en premier. C’est quand même la rencontre et la relation humaine donc il faut vraiment être à l’aise avec sa propre histoire, se dire pourquoi je suis là et qu’est-ce-qui m’intéresse. Qu’est-ce-que j’y trouve et qu’est-ce que j’ai envie d’y trouver. Donc être au clair avec sa propre histoire, pourquoi je suis devenue infirmière, pourquoi les soins palliatifs et pourquoi pas la chirurgie. Donc après, il faut entretenir ce regard sur soi et ce recul. Ca reste quelque chose de très éprouvant, nous on le voit on est tout le temps là dedans. La semaine dernière on est rentré à domicile chez un patient que l’on a trouvé décédé, il venait juste de mourir, il était tout seul chez lui, donc ça c’est quand même éprouvant. On le connaissait depuis un an, des liens s’étaient tissés. Donc il faut avoir cette capacité à s’interroger sur ce qu’on fait là et puis ce que ça nous fait vivre parce-que c’est éprouvant. Donc c’est ça qui peut nous tenir, après est-ce qu’on peut faire une carrière en soins palliatifs? Ca je ne sais pas. Moi ca fait déjà 17 ans que j’y suis, ça me plait je ne sais pas si un jour j’aurais envie de changer. Mais vraiment je pense que c’est ça, le plan technique vous allez l’acquérir par les formations mais le plan relationnel, c’est-ce qu’il y a de plus compliqué. Dans tous les métiers, même en tant qu’infirmière et psychologue on apprend toujours de son métier et sur soi-même bien sur. Comme quand on est confronté à de nouvelles situations, il faut découvrir ce que ça nous fait vivre et puis après essayer de faire avec. On voit bien que le but est d’être là avec les plus fragiles, mais pour être là avec les plus fragiles il faut pouvoir reconnaître sa propre fragilité. Et quand on est infirmière, c’est-à-dire se confronter à l’impuissance, là vous êtes dans le faire mais parfois on ne peut rien faire, mais être là c’est déjà suffisant. Il faut que ça soit compris et réfléchi et c’est un accord en équipe aussi. Il y a un projet qui doit être discuté et comment on fait pour accompagner les gens qui sont vraiment en fin de vie. Et je pense que moi, c’est-ce qui m’a toujours intéressé en soins palliatifs, c’est que le soin palliatif c’est le soin tout court. Ca reste des soins, mais je trouve que dans les soins palliatifs c’est vraiment cette idée que même si on ne peut pas faire on est là, et je pense que si on travaille en soins palliatifs on peut travailler partout, parce qu’on a acquis cette question de la relation, parce que c’est que ça qui prime. C’est quand même essentiellement de la relation d’aide, même si il y a beaucoup de technique, il y a des soins mais les infirmières qui travaillent ici au sein de l’équipe mobile ne font pas de soins. Mais elles font beaucoup de relation d’aide, ou d’éducation thérapeutique, elles expliquent les traitements etc…Il y a beaucoup d’évaluation au niveau des traitements, mais elles ne font pas de soins techniques, elles ne font que de l’accompagnement. Donc je pense que si on arrive à travailler ça, on peut travailler partout, la technique n’est pas le plus compliqué. MOI: Vos émotions ont-elles déjà eu un impact sur un patient en fin de vie? PSYCHOLOGUE: Les émotions elles sont là et elles sont diverses, impacter je ne crois pas, heu…. Ce que ça peut impacter, c’est le fait de ne pas prendre en charge. Moi par exemple, je n’ai jamais accompagné les enfants en deuil, parce que c’est quelque chose… je sais que je ne suis pas à l’aise, je n’y vais pas, je sais que je ne serais pas bon. Donc à partir du moment où l’on sait ce qui nous anime à l’intérieur, on évite les situations compliquées qui vont générer de la complexité. Donc c’est plutôt en amont que ça va se passer, soit c’est une situation qui va trop résonner avec ma propre histoire, si je n’ai pas le choix j’irais. A ce moment là, il faut que je sois attentif à ne pas confondre mon histoire avec l’histoire de l’autre. Mais dans la mesure du possible, j’essaye plutôt d’éviter Mais pour éviter il faut d’abord connaître son histoire et savoir ce que ça nous fait vivre en soi, et après on a le choix. Soit j’y vais et à ce moment là il faut faire gaffe, soit j’y vais pas parce que il y a trop de risques de chuter. Mais la chute elle n’est pas pour moi mais pour celui qui est en face, parce que si au final je me plante dans mon accompagnement, moi je suis vivant et je m’en sortirais mais celui qui est mourant va mourir, et voilà… Donc après il y a d’autres choses, ça fait vivre dans la situation, dans la relation, ça peut aller de l’ennuie total parce que la personne n’adhère pas à l’entretien psychologique et à l’entretien tout court, où il met toujours de la distance. Donc on reste dans une relation superficielle, on a l’impression qu’on ne va jamais en profondeur, donc ça fait vivre plein de choses. C’est ce que l’on appelle le transfert et le contre-transfert, et ça aussi il faut y être attentif parce que ça donne aussi à penser ce que la personne vit. Ca reste toujours à interroger, que ce soit l’ennuie ou le fait de ne pas avoir envie d’y aller, tout ce que ça peut générer. Il faut que ça interroge. Il y a quelque chose qui m’a toujours très surpris, dans une prise en charge longue, il faut toujours s’inquiéter du moment où l’on va se poser la question de la prise en charge. C’est arrivé il n’y a pas longtemps dans une maison de retraite, une dame qui n’en finissait pas de mourir donc on se posait la question de est-ce qu’elle est vraiment en train de mourir, et elle est morte le lendemain. Et ça c’est assez fréquent…Donc ça demande vraiment à ce que toujours vous soyez attentif à ce que ça vous fait vivre. Après vous en faites ce que vous pouvez, mais c’est important d’en prendre conscience. L’impacte que ça peut avoir c’est donc sur nous, il y a souvent de l’attachement. C’est donc aussi la complexité de l’accompagnement d’une personne en fin de vie dans la durée, en très court terme. Nous n’avons pas le temps de créer une relation, ça procure de la frustration. Mais il y a aussi la question du deuil pour les soignants, car pour ceux qui travaillent en long séjour, en EHPAD, il y a des liens très longs avec les personnes âgées. Il faut aussi à un moment donné se poser la question du deuil, qu’est-ce que ça me fait à moi aussi. C’est aussi pour ça que c’est peut-être important de ritualiser ceci, parce que dans le service, il y a une forme de ritualisation de la séparation. Je pense dans les services de soins palliatifs, moi j’ai fait mon stage en Suisse, dans l’unité de soins palliatifs, ils avaient un rituel dans une petite salle de soins. Il y avait une petite fenêtre avec un store, et quand quelqu’un était décédé ils baissaient le store, comme ça tout soignant qui arrivait l’après-midi savait tout de suite qu’il s’était passé quelque chose. Et après il y avait un cahier où l’on pouvait écrire des souvenirs sur la personne décédée. Il y avait une forme de ritualisation de cette séparation là, c’était pas quelque chose d’anodin. Et ça c’est le risque aussi par rapport aux défenses, quand on se blinde, on en fait quelque chose d’anodin, mais non ce n’est pas anodin. La mort de quelqu’un c’est déjà quelque chose qui nous interpelle sur notre propre mort. Ça nous fait vivre plein de choses, et après c’est dans la capacité d’en parler avec l’équipe. C’est important que ça soit formulé, que ça soit dit et que ça soit évacué parce-que après c’est pouvoir investir d’autres situations, d’autres rencontres, d’autres personnes, et sans nier qu’on y pense toujours. Je pense que ça impacte quand vous êtes complètement plongés dans la situation, vous n’arrivez plus à être dans la juste distance, soit parce-que ce n’est plus un être humain pour vous et vous faites les choses de manière robotique, voilà!!! Retranscription de l’entretien avec une infirmière de l’ HAD MOI: Est-ce que d’après vous gérer ses émotions pour un infirmier peut modifier son travail auprès d’un patient mourant? IDE: Moi je pense que c'est vraiment fondamental, surtout pour le patient en fin de vie, ce qu'on va faire avec un patient en fin de vie c'est la relation d'aide. Enfin moi je m'en suis quand même rendu compte sur le terrain. La relation d'aide il faut l'appliquer comme on vous l'apprend parce qu'il y a une théorie, il faut avoir fait un travail sur soi. On ne peut pas être aidant si on n'est pas au clair avec soi-même, on s'en rend très vite compte parce qu'on va être emmené par les émotions du patient et moi je pense... J'ai découvert ça parce que dans mon cursus j'ai travaillé pendant 13 ans dans un service technique, j'étais en endoscopie digestive, donc là on avait une relation qui était très brève, très… voilà le temps de l'examen. Mais c'était important, y'avait pas tout ce travail que l'on peut faire avec un patient que l'on suit longtemps. Ensuite j'ai travaillé dans un service de soin de nouveau et moi j'ai été confrontée au problème. C'est-à-dire que effectivement on a des patients qui sont lourds et poser une perfusion, et faire des gestes techniques, tout ça, et bien tout le monde peut le faire. Mais à partir du moment que l'on veut apporter autre chose, un soutien et quelque chose qui se passe dans la relation, la manière de faire le soin, et là si on ne veut pas être amené dans l'histoire il faut arriver à .., c'est même pas des barrières c'est spontanément, c'est rester à sa place et accompagner le patient. C'est-à dire c'est lui qui va cheminer à travers, c'est un peu un effet de miroir, il est là, on écoute ce qu'il dit et on lui renvoi des choses, qui font que lui y va… y'a tout un cheminement psychologique qui se fait. Donc oui la gestion des émotions est très importante et c'est ce que nous renvoi les patients aussi, et on se rend bien compte que la manière dont on va les aborder. Ca va permettre de dire des choses ou au contraire ne pas les dire. Je me suis rendu compte qu'il fallait être bien préparée donc les formations, on s'appuie toujours sur les formations et on a de la chance à l'hôpital d’avoir une formation pour la relation d'aide, accompagner la personne en fin de vie. Et moi justement, j'ai voulu aller un petit peu plus loin en faisant un DU de soins palliatifs, donc que j'ai préparé pendant un an à Lyon, et voilà. Donc on a toute une formation théorique et en même temps c'est beaucoup de lectures. J'ai lu pas mal de bouquins et petit à petit ça fait son chemin. C'est inconscient aussi je pense, il y a des choses que l'on n'explique pas. Ya une part de voilà, on est comme on est aussi. Mais la formation est fondamentale pour pouvoir être vraiment aidant, c'est parfois difficile parce que je me suis rendue compte avec mon expérience personnelle, il est vrai qu'à 20 ans, 30 ans, 40 ans ça va bien et après plus on vieilli et bien on côtoie plus de gens qui ont des problèmes dans notre entourage. On a notre propre famille, et quand on est confronté à des décès dans notre entourage, on a plus de peine à travailler dans ces périodes là parce que c'est difficile d'être tout le temps là dedans. Il ne faut pas avoir trop de soucis à côté pour pouvoir avoir cette disponibilité. C'est bien d'arriver chez les gens et d'avoir cette disponibilité et quand on arrive comme ça ça passe bien, il faut rester à sa place, et ça se passe bien. Mais apprendre à gérer ses émotions reste très difficile. Là je vois lors d'un week-end il y a 15 jours, on a perdu un patient de 39 ans. C'était un dimanche matin quand la famille a appelé, je suis restée deux heures avec la famille, c'était quelque chose de difficile, c'est sur. MOI: Qu'est-ce-qui d'après vous est nécessaire pour prendre en charge un patient en fin de vie? IDE: J'ai un peu répondu avec la première question. Ce qui est nécessaire c'est aussi d'avoir des bonnes connaissances techniques, l'un va avec l'autre, parce que maintenant on a vraiment besoin de suivre l'évolution. Je vois, j'ai fais le DU de soins palliatifs il y a 10 ans et j'essaye de temps en temps de suivre des informations sur la Sfap. Il y a des congrès qui ont lieu tous les ans et j'essaye d'y aller une fois sur deux. Et c'est vrai qu'on voit évoluer les choses, c'est rudement important de se tenir informé. Alors le côté technique, c'est la manipulation, c'est être à l'aise avec tous les produits que l'on va utiliser, parce que il y a 20 ans encore on accompagnait pas les gens comme ça. Les gens on savait qu'ils allaient mourir, on mettait une petite perf comme ça et on attendait plus ou moins que ça se passe. Maintenant on a tout un arsenal thérapeutique, il faut être à l'aise avec les connaissances et après savoir que quand on fait du soin palliatif, il ne faut pas se dire qu'il n'y a plus rien à faire, bien au contraire, on a plein de choses à faire. Avant on n’osait pas rentrer dans la chambre de quelqu'un qui allait mourir. Au début quand je faisais mes études, quelqu'un qui allait mourir on faisait pas grand chose alors que maintenant on va prendre en charge tous les symptômes, on soulage les angoisses, les douleurs. C'est fondamental de ne pas laisser souffrir quelqu'un, il faut être à l'aise avec la manipulation des produits, connaitre les effets secondaires aussi, avoir des connaissances théoriques ça permet d'être plus à l'aise avec la pratique et donc plus à l'aise avec le relationnel. MOI: Vos émotions ont-elles déjà eu un impact sur la prise en charge d'un patient en fin de vie? IDE: Pas dans la prise en charge, c'est plus le ressenti après. Il y a des fois? on va vivre des choses très très fortes avec les gens et quand on est dans le faire ça va, je n’ai pas été gênée, ça n'a pas changé ma prise en charge d'avoir des émotions. Elles sont plus après les émotions, sur le moment on gère, on fait la part des choses, mais les émotions sont vraiment après pendant deux trois jours, on revit les choses. Mais je ne peux pas dire que j'ai été gênée pour pouvoir prendre en charge un patient en fin de vie parce que voilà c'était trop dur, non. Au début quand j'ai commencé à travailler dans ce service, je n'étais pas satisfaite de ma prise en charge et c'est vraiment grâce aux formations que ça m'a aidé. Je pense que l'on peut être gêné si l'on n’ arrive pas à aider, rester en marge ne m'aurait pas satisfait. La présence avec les gens se fait spontanément. Mais là ce n'est pas calculé, mais vraiment je me répète il faut se former et surtout il faut avoir envie de le faire. Il ne faut pas avoir à se dire mais non c'est pas possible il y a trop de morts on n’en peut plus, non!! Il faut accepter la mort, c'est comme la vie. Donc même quand on est en train de le soigner, il faut se dire que l'on va faire tout ce qu'on peut mais malgré tout ça. Il faut accepter que l'on ne puisse pas sauver la personne et ce n'est pas un échec. Au début on se dit que c'est trop injuste, on est en colère et en révolte et petit à petit on se dit qu'on a fait tout ce qu'on pouvait. Il ne faut pas oublier la famille aussi parce qu'elle va survivre après le décès de leur proche, et plus le moment du décès de leur proche se sera bien passé et mieux ils arriveront à avancer. Il faut être très apaisant, il n'y a pas de mort idéale mais il faut pouvoir apaiser le plus possible. Quand on peut, c'est bien d'avoir les prescriptions anticipées, quand on sent venir le moment il faut pouvoir anticiper ce que l'on va faire, on sera plus serein et il y aura moins de panique. Il faut adopter un comportement assez naturel en tout cas face à ces situations car la vie fait partie de la mort, mais techniquement on peut faire plein de choses. C'est impossible de pouvoir rester à côté de quelqu'un qui est agité , mais il faut être au clair avec ce que l'on fait. Moi je suis complètement contre l'euthanasie, mais de pouvoir apaiser le patient, qu'il puisse partir calmement c'est important autant pour le patient que pour la famille qui est à côté et qui peut mieux accompagner son proche. Il n'y a pas de mort idéale mais on essaye de faire que ça se passe pas trop mal. Après je dis ça mais je sais que ce n'est pas partout comme ça. Il n'y a pas forcément besoin d'être dans une unité de soins palliatifs pour pouvoir accompagner quelqu'un en fin de vie, même dans les maisons de retraite et à domicile on devrait pouvoir faire ça. N'importe qui devrait pouvoir mourir dans l'apaisement avec tout ce qu'on connaît. Certains médecins ne sont pas à l'aise aussi avec le fait de décéder à domicile parce qu'ils manquent d'informations. J'ai le souvenir d'un monsieur qu'on suivait chez lui et un jour son médecin traitant essayait de le persuader de rentrer à l'hôpital pour décéder sauf que le monsieur ne voulait pas. J'ai expliqué au médecin traitant tout ce qu'on pouvait mettre en place à domicile pour que tout se passe bien. Le médecin m'a fait confiance et le patient est décédé chez lui. On avait pu respecter sa dernière volonté et la famille en était très reconnaissante, c'est pas grand chose mais on se dit qu'au final il y a le remerciement de la famille, c'est beaucoup. Après il y a un recul c'est pour ça qu'on parle de blindage. Pour moi se blinder ça veut dire qu'on est pas à l'aise avec ce que l'on fait, la relation d'aide à été pour moi quelque chose de très dur car ça nous révèle beaucoup de choses sur soi, j'ai été étonné, c'est un révélateur mais je pense qu'il faut ça pour voir où l'on en est, voilà. Retranscription entretien avec une bénévole de l’association JALMALV MOI: Est-ce que d’après vous gérer ses émotions pour un infirmier peut modifier son travail auprès d’un patient mourant? BENEVOLE: Lorsque nous arrivons dans les services, nous rencontrons les infirmières et nous demandons automatiquement où en est le malade que nous accompagnons, donc c’est vrai que si il y a un problème elle va nous l’expliquer mais cette question n’est pas trop pour moi. MOI: Qu’est-ce-qui d’après vous est nécessaire pour prendre en charge un patient en fin de vie? BENEVOLE: Nous personnellement, il faut que l’on se sente concerné, la nécessité est de se sentir concerné par la personne qui est en fin de vie. La nécessité c’est l’écoute, nous sommes là pour ça. Donc lorsque l’on nous demande d’aller accompagner une personne en fin de vie on essaye d’écouter plutôt que de poser des questions. La régularité dans notre présence, c’est-à-dire lorsqu’on s’engage, c’est important d’y aller régulièrement, et le respect du malade, c’est-à-dire ce qu’il désire. MOI: Vos émotions ont-elles déjà eu un impact sur la prise en charge d’un patient en fin de vie ? Vous est-il déjà arrivé d’être dépassée par vos émotions, parce que vous vous êtes trop investie, et dans ce cas là vous n’arriviez pas à accompagner la personne ? BENEVOLE: Cela peut arriver, oui ! On a une formation quand même d’un an qui nous permet d’éviter ce trop plein d’émotion, nous avons appris à garder la juste distance entre le malade et nous, mais il n’empêche que nous sommes humains, et il nous arrive d’être dépassés oui, et il nous arrive de pleurer avec le malade. Ca, c’est l’émotion, c’est rare, cela nous arrive. Cela veut dire que le malade à vraiment beaucoup parlé et automatiquement il y a de l’émotion qui arrive, et ça nous arrive aussi d’être obligé de stopper. Parce que avec notre vécu à nous, ça nous implique trop, c’est très rare. Cela peut arriver de laisser un malade à un autre bénévole parce que on s’est trop investi et on ne s’en sort pas, parce que notre vécu à nous fait que c’est très difficile. Normalement cela ne doit pas arriver car nous sommes formés pour ça, mais on est humains et ça peut arriver. Dans ces cas là, il faut être capable d’avoir l’humilité de dire je n’y arrive pas, je passe à un collègue. MOI: Dans ce cas là, cela n’est pas compliqué pour le patient de changer de bénévole ? BENEVOLE: Non, car nous sommes toujours deux, donc si il y en a un qui craque… Nous ne sommes pas deux constamment avec le malade, mais on y va deux fois par semaine, donc, dans ces cas là, cela nous aide. Si il y en a un avec qui cela ne va pas, on remet un autre bénévole et cela ne pose pas de problèmes, on trouve toujours car il y a toujours une coordinatrice qui est là pour expliquer, et qui trouve une décale. Moi j’ai été coordinatrice jusqu’à présent et quand il y avait un problème, je devais le résoudre de façon à ce que le malade n’en souffre pas. Il faut quand même avouer que pour l’infirmière, accompagner un patient c’est vraiment compliqué, parce que d’abord premièrement une infirmière n’a pas de temps. C’est bien là qu’est le rôle des bénévoles, parce que nous nous retrouvons dans des situations où justement nous restons là jusqu’à la fin, parce que l’ infirmière n’a pas eu le temps, mais au niveau d’un hôpital c’est du temps passé pour eux, il ne faut pas s’investir, c’est dommage, mais au jour d’aujourd’hui, on a pas le choix. Et puis c’est important de pouvoir parler de ce que vous vivez. Nous, en tant que bénévole, nous avons une supervision avec un psychologue une fois par mois et là, on déverse… Cette supervision est faite pour ça. Donc lorsqu’on a eu un gros problème pour accompagner une personne, on peut échanger. Mais moi je trouve qu’accompagner une personne qui va mourir, il y a de l’humanité, si vous n’avez pas d’humanité, ce n’est pas la peine de faire ce métier, mais vous êtes humaine, il semblerait, si vous êtes infirmière c’est que vous êtes humaine. Le problème dans les hôpitaux maintenant, c’est qu’il n’y a pas assez de temps pour chaque malade. Vous avez tant de minutes pour faire une toilette, tant de minutes pour les aides-soignantes, vous, je pense que cela doit être exactement pareil. Le problème, c’est qu’au jour d’aujourd’hui, vous n’avez plus ce temps imparti pour être dans l’empathie avec le malade. Donc, c’est vrai qu’en tant qu’infirmière il faut faire appel aux gens qui sont là justement pour ça, et nous, personnellement notre association, on trouve qu’on est pas suffisamment appelé pour les fins de vie vraiment la fin de vie, le dernier moment, on a l’impression que le service dit c’est trop tard. Alors que moi, je vais rester une heure, deux heures si il faut auprès d’une personne et ça délivre une infirmière, en fait,… et moi, j’ai eu, à enlever, surtout à Bonvers, cela devient compliqué, et on ne se sent pas à l’aise, franchement à Bonvers, moi ça m’est arrivé qu’une infirmière me demande est-ce que vous pouvez rester, au moins jusqu’à ce que j’ai fini mon service, je viendrais vous remplacer, mais, c’était un monsieur qui était en train de mourir… Voilà!!! D’après ce que l’on entend dire les infirmières ont un tel surcroit de travail, c’est vrai, et bien qu’elles n’ont pas le temps. Peut-être que quelque part, moi, j’en ai vu pleurer des infirmières, parce que justement elles n’avaient pas ce temps là, à Bonvers, hein, je ne l’ai pas vu à l’hôpital, mais à Bonvers je l’ai vu. Il y a une dame qui n’en finissait pas, qui n’arrivait pas à mourir et donc ça a duré des jours et des jours, c’était très douloureux pour les infirmières. Elles étaient impuissantes hein ! Et puis pas de famille autours, donc, c’est là qu’on intervient, c’est là qu’on a notre rôle en fait, on a pas notre rôle auprès des gens qui ont besoin de compagnie, on ne peut pas appeler JALMALV pour de la compagnie. Il y a d’autres associations. Mais nous on trouve, on est persuadé que justement il y a d’autres cas ou des gens meurent tout seuls. Et puis il y a un autre problème aussi. Il y a le problème de la loi Leonneti qui n’est pas assez connue, et puis un médecin, il a appris son métier, il a signé pour soigner les malades, donc c’est un petit peu cet état d’esprit. Nous, on a un médecin dans notre association qui nous dit qu’il se bat justement avec d’autres médecins pour bien faire rentrer la notion de soins palliatifs chez le médecin. Qu’un médecin dise à l’infirmière, il n’y a plus rien à faire on va aux soins palliatifs, c’est très difficile pour lui, mais faut savoir le faire! Parce que maintenant on a ça, c’est pour le bien être des patients, parce que si il a des soins palliatifs, il aura des soins de confort, il aura un psychologue, il aura une personne qui va venir le masser. L’équipement des soins palliatifs, si vous connaissez, c’est ça, il y des personnes qui viendront faire des massages, vous avez un psychologue, une assistante sociale pour les problèmes un petit peu administratifs. Tout ça, mais ça aide une famille. Vous savez, elles en souffrent les infirmières de l’équipe de soins palliatifs, car elles sont demandées en cas extrême, quand c’est trop tard!!!! Voilà… Perrache Marie Promotion 2010-2013 Année 2013 Questionnaire de l'enquête exploratoire Travail d'initiation à la recherche Première question: Est-ce que d’après vous gérer ses émotions pour un infirmier peut modifier son travail auprès d’un patient mourant? Deuxième question: Qu’est-ce qui d’après vous est nécessaire pour prendre en charge un patient en fin de vie? Troisième question: Vos émotions ont-elles déjà eu un impact sur un patient en fin de vie? ANNEXE II Pyramide de Maslow: http://www.6toliks.com/wpcontent/uploads/2011/09/4_2_20110923_JOCO_TD_les_bases_theoriques_de_la_relation_d_aide.pd f. P 4. Abstract Le titre de mon travail expose l’apprentissage de la distance relationnelle soignant-soigné, et plus précisément, cela parle des différentes méthodes de cet apprentissage. Le thème principal est donc l’apprentissage de la distance relationnelle auprès d’un patient en fin de vie. Mes motivations pour ce travail ont été de comprendre comment un soignant peut ajuster la distance relationnelle avec le patient, j’ai recherché les différentes méthodes d‘apprentissage de cette distance. Ainsi, l’hypothèse principale est que la formation et le développement personnel sont indispensables à cet apprentissage. Je suis arrivée à ce résultat de recherche avec deux principales méthodes. La première a été le questionnement à partir d’une situation. La seconde a été d’effectuer de nombreuses lectures dans le but de répondre à ma question. Les mots clés de mon abstract sont distance relationnelle, apprentissage, formation, soignant, patient en fin de vie.