Keynes, ch. 24

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Keynes, ch. 24
Keynes 1936, chapitre 24, idées essentielles.
I
Selon Keynes, il y a deux grandes anomalies dans la société: le sous-emploi (chômage) et les
inégalités de richesse et de revenus.
Keynes explique que les inégalités de richesse et de revenus sont justifiées, selon les auteurs
(néo)classiques, par le fait que ces inégalités engendrent la création d’une épargne, qui est
favorable à la croissance et à l’accumulation du capital. Ce sont les classes riches qui épargnent,
et donc taxer davantage la richesse ou les hauts revenus mènerait à une réduction de l’épargne et
donc de la croissance.
Keynes est d’une toute autre opinion. Il croit que des taux d’épargne élevés (ou des propensions à
consommer faibles) mènent à une production, un revenu national, ou un emploi faibles. Selon
Keynes, la croissance de la richesse n’est pas permise par l’abstinence des classes aisées; au
contraire, elle est remise en cause par celle-ci. Autrement dit, en réduisant le taux d’épargne
national, Keynes croit qu’on peut augmenter le revenu national (PIB) et l’emploi, et donc réduire
ainsi le taux de chômage. Ce qui détermine le PIB, c’est le niveau d’investissement, et c’est un
niveau d’investissement plus élevé qui va mener en bout de ligne à une épargne plus élevée.
Ainsi, de toute évidence, Keynes est plutôt favorable à un impôt sur les successions (sur les
héritages), qui permet de redistribuer la richesse, plus exactement la richesse des classes aisées.
Keynes prétend que si le gouvernement retire un impôt de succession, ceci lui permet de réduire
les taux d’imposition sur le revenu et les taux de taxation sur la consommation, et ainsi contribue
à augmenter la propension à consommer, et donc permet l’augmentation du PIB. L’État
Providence, qui redistribue des revenus aux plus pauvres, permet d’augmenter la propension à
consommer nationale et donc favorise l’emploi.
Cette section contient une déclaration fameuse de Keynes:
“Il vaut mieux que l’homme exerce son despotisme sur son compte en banque que sur ses
concitoyens”.
II
Keynes revient sur la causalité entre épargne et investissement. Selon les (néo)classiques, des
taux d’intérêt élevés ne sont pas une mauvaise chose, car ils encouragent une forte épargne, qui
va favoriser une accumulation rapide du capital. Mais selon Keynes, c’est l’argument contraire
qui est vrai: des taux d’intérêt faibles sont une bonne chose parce qu’ils favorisent
l’investissement (en actifs réels), et donc l’accumulation du capital, et donc le plein emploi.
Selon Keynes, le capital est rare parce que les taux d’intérêt sont trop élevés, et les taux de
rendement sur le capital sont élevés parce que le capital est rare (c’est l’argument qui tourne
autour de la notion d’efficacité marginale du capital: à l’équilibre l’efficacité marginale (le taux
de rendement du capital) égale le taux d’intérêt). Le détenteur de capital touche une rente
injustifiée (c’est un rentier). Selon Keynes le taux d’intérêt (et donc le taux de rendement sur le
capital) devrait être abaissé à un niveau tel qu’il ne pourrait couvrir que l’amortissement du
capital et une prime de risque raisonnable.
Pour Keynes, la baisse des taux d’intérêt mènerait progressivement à l’euthanasie du rentier,
c’est-à-dire à la disparition de la classe des capitalistes oisifs, c’est-à-dire les capitalistes qui
touchent des revenus de capital (intérêts, dividendes) sans être eux-mêmes impliqués dans la
gestion des entreprises (l’entrepreneur). Cette révolution, cette disparition, se ferait de façon tout
à fait pacifique, de façon graduelle, au cours d’une période de transition.
Keynes laisse sous-entendre, mais ce n’est pas clair, que les intérêts/dividendes pourraient être
taxés plus fortement que les revenus provenant de la gestion et l’administration des entreprises
financières ou non-financières.
III
Pour atteindre le plein emploi, il faut une propension à consommer suffisamment élevée, mais
Keynes doute que la seule politique monétaire (par la fixation de faibles taux d’intérêt) ou même
la politique fiscale soit suffisante pour parvenir au plein emploi. Il faut donc aussi que
l’investissement soit suffisamment élevé (dans l’équation déterminant le PIB, on a : Y = I/(1-b),
avec b la propension à consommer). Pour s’assurer que I soit suffisamment élevé, Keynes pense
qu’il faut “une assez large socialisation de l’investissement”. Il n’est pas clair ce que Keynes veut
dire par là. Veut-il dire que le gouvernement devra offrir de fortes subventions pour inciter les
entreprises à investir davantage; veut-il dire que le gouvernement va forcer, par législation, les
entreprises à investir davantage; signifie-t-il que le gouvernement doit investir massivement dans
des infrastructures publiques qui autrement auraient pu être laissées aux mains du secteur public?
Keynes prétend que la fixation des taux d’intérêt et la socialisation de l’investissement sont
suffisants pour parvenir au plein emploi. Il n’est pas nécessaire d’étatiser la propriété des moyens
de production (nationaliser les entreprises, faire de toutes les entreprises des entreprises d’État,
comme en Union Soviétique), et il n’est pas nécessaire d’imposer un régime totalitaire qui
régirait toute la vie privée (comme dans l’Allemagne nazie). Keynes propose donc une troisième
voie, qui préserve la liberté individuelle et l’initiative privée, tout en donnant un rôle important à
l’État. Il faut néanmoins élargir les fonctions de l’État.
Dans cette section, Keynes concède beaucoup à la théorie traditionnelle. Il affirme que la théorie
néoclassique reprend tous ses droits une fois que l’économie se retrouve au plein emploi
(notamment une épargne plus forte va alors permettre une croissance plus rapide), et qu’il n’a
“rien à objecter” à la théorie néoclassique sur le plan de la répartition du revenu, l’allocation des
ressources, la nécessité de la concurrence parfaite, la cohérence entre les intérêts individuels et
les intérêts collectifs. L’économie capitaliste gère très bien l’allocation des ressources et de la
production existante; son problème c’est que le niveau de production est trop faible
(L’affectation des gens employés est correcte, le problème c’est que la théorie néoclassique n’a
rien à dire sur les millions de gens inemployés et sur l’insuffisance de la demande globale).
IV
Keynes prétend que ses idées pourraient favoriser la paix et la collaboration internationale. Selon
Keynes, quand les choses vont mal dans un pays, ce pays tente d’imposer des restrictions aux
importations des produits étrangers (quotas, tarifs). A nouveau on peut comprendre pourquoi en
se référant à l’équation qui détermine le PIB. Le PIB et donc l’emploi seront plus élevés quand
les exportations nettes seront plus élevées. En restreignant les importations, les dirigeants
essaient d’assurer un emploi plus élevé pour leur pays, mais au détriment de l’emploi dans les
autres pays (un phénomène particulièrement visible dans les années 1930).
Selon Keynes, si les divers gouvernements comprennent comment atteindre le plein
emploi par des politiques internes (investissement accru, etc.), il ne sera plus nécessaire de faire
appel à ces politiques extérieures restrictives.
V
Les nouvelles idées prônées par Keynes ont-elles des chances de se réaliser? Keynes semble à la
fois optimiste et pessimiste. Il affirme que ce sont les idées qui gouvernent le monde. Il a cette
phrase fameuse:
“Les hommes d’action qui se croient parfaitement affranchis des influences doctrinales sont
d’ordinaire les esclaves de quelque économiste passé”.
Les idées des “écrivailleurs de Faculté” ont donc une forte influence ....
Commentaires:
L’étudiant doit relier tous ces thèmes au monde contemporain. Le problème du chômage a-t’il été
résolu? La richesse et les revenus sont-ils plus égalitaires qu’autrefois? Existe-t’il des impôts de
succession ou ont-ils été abolis? Qu’est-il arrivé aux taux d’intérêt; sont-ils plus bas maintenant
ou depuis 25 ans qu’ils ne l’étaient en 1936 ou en 1945? Les rentiers ont-ils été euthanasiés ou au
contraire la finance a-t’elle pris le dessus sur l’entrepreneurship? Peut-on dire qu’au contraire les
marchés financiers semblent avoir repris le haut du pavé (les étudiants avaient pour manuel
supplémentaire un petit livre sur le néolibéralisme (Louis Gill)? Qu’en est-il de la socialisation
de l’investissement? Comment relier la mondialisation actuelle et le libre-échange à la section
IV? Quelles sont les idées d’écrivailleurs qui semblent s’être imposées à la place des idées de
Keynes?

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